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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 31 mars 1871

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1870-1871)

(Présidence de M. Vilain XIIII.)

Appel nominal

(page 961) M. Wouters procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

Lecture du procès-verbal

Il donne ensuite lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

M. le président. - Quelqu'un s'oppose-t-il à l'adoption du procès-verbal ?

M. Muller. - Je demande la parole.

M. le président. - Vous avez la parole.

Al. Muller. - Messieurs, l'augmentation de 50,000 fr. du crédit en faveur des écoles communales supérieures de filles n'est nullement déterminée, quant à son affectation, au procès-verbal.

Le procès-verbal se borne à dire que le ministre de l'intérieur propose une augmentation de 50,000 francs à l'article 99 du budget, sans dire que cette augmentation de 50,000 francs doit être employée à encourager les écoles communales supérieures de filles. J'avais présenté hier une observation dans ce sens, et M. le ministre n'a paru l'admettre.

Je crois donc, messieurs, que si l'on ne rectifie pas le procès-verbal, il y aura de l'incertitude sur l'emploi de ces 50,000 francs.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Je ne vois aucun inconvénient à la rectification proposée par l'honorable M. Muller.

Du reste, les explications que j'ai données au sujet de l'augmentation de 50,000 francs se trouvent reproduites aux Annales parlementaires. (Interruption.)

M. Muller. - J'entends dire sur les bancs de la droite : C'est voté. Il s'agit, messieurs, de savoir comment nous avons voté l'amendement de M. le ministre, et d’après l'explication qu'il vient de nous donner...

M. le président. - Permettez d'abord, M. Muller, que je donne une explication sur la rédaction du procès-verbal. Quand le chiffre a été voté, il n'y a pas eu de libellé ; par conséquent, le procès-verbal n'a pas eu à en faire mention. Maintenant M. le ministre a prononcé des paroles qui sont aux Annales parlementaires et qui l'engagent.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Voici comment les choses se sont passées hier : j'ai consenti a ce qu'on introduisît dans le libellé de l'article l'adjonction des mots suivants : « Subsides en faveur des écoles primaires supérieures de filles. »

M. Muller. - Communales, c'est votre déclaration d'hier. (Interruption.)

M. Allard. - Interpellé sur ce point, vous avez dit : « communales. »

M. De Lehaye, rapporteur. - Messieurs, si j'ai bien compris cé qui s'est passé hier, M. le ministre a demandé que la somme portée au budget fut augmentée de 50,000 francs ; il n'a pas proposé d'affecter cette somme à telle ou telle destination. Dans sa pensée et d'après les développements qu'il lui a donnés, ces 50,000 francs doivent être consacrés aux écoles primaires de filles qui adopteront un programme développé !

M. Vandenpeereboom. - ... aux écoles communales !

M. De Lehaye, rapporteur. -... aux écoles régies par la loi de 1842. C'est dans ce sens que nous l'avons entendu et c'est dans ce sens que je me suis exprimé comme rapporteur.

M. le président. - Je demande que M. le ministre ou M. Muller envoie un libellé au bureau.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - M. le président, je vais reproduire le libellé que j'ai proposé hier.

M. Jacobs, ministre des finances. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport annuel sur la caisse d'amortissement des dépôts et consignations.

- Pris pour notification.

M. Thibaut. - Je demande la parole.

M. le président. - Est-ce sur le procès-verbal ?

M. Thibaut. - Oui, M. le président, je dois rectifier en partie ce qui vient d'être dit quant à la séance d'hier. Le procès-verbal est exact. Il n'y a pas eu de libellé mis aux voix pour le chiffre de 50,000 francs ; seulement, ce chiffre a été voté conformément aux explications données de part et d'autre et avec une signification sur laquelle tout le monde était d'accord. (Interruption.) On était parfaitement d'accord sur la destination à donner à l'augmentation de 50,000 francs.

Si l'honorable M. Muller désire qu'on introduise dans le budget un littera qui l'indique d'une manière positive, il pourra proposer un amendement au second vote. C'est beaucoup plus régulier.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Je fais remarquer que c'est avant le vote que j'ai consenti à ce qu'on ajoutât au libellé : « Subsides aux écoles primaires supérieures de filles. » Je ne sais si ces paroles ont été entendues de tout le monde ; mais elles ont été prononcées.

M. le président. - Voici le libellé proposé par M. le ministre : « Subsides aux écoles primaires supérieures des filles. »

M. Dumortier. - Le règlement est positif : c'est au second vote que cela peut être présenté. Je demande donc que l'amendement proposé et la discussion soient renvoyés au second vote, conformément au règlement.

- La proposition de M. Dumortier est adoptée.

Le procès-verbal est adopté.

Pièces adressées à la Chambre

M. de Borchgrave présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Le sieur Delétré demande que les détenteurs de timbres non employés à l'époque de la mise en vigueur de la loi qui doit supprimer l'obligation du timbre pour les quittances soient remboursés de leurs frais contre la remise des timbres revêtus ou non de formules imprimées, »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les secrétaires communaux du canton de Florenville demandent que l'avenir des secrétaires communaux soit assuré, que leur traitement soit mis en rapport avec l'importance de leur travail et des services qu'ils rendent aux administrations communales, provinciales et générale. »

- Même renvoi.


« Ls sieur Jacquelet demande la rédaction d'un code de morale universelle. »

- Même renvoi.


« Le sieur Haye propose d'ajouter à l'impôt de fabricayion de sucre de betterave un droit fixe par hectolitre de jus ou un tantième par 100 kilogrammes de sucre fabriqué. »

- Renvoi à la commission permanente de l'industrie.


« Les membres du conseil communal de Glabbeek demandent que le chemin de fer à construire de Diest à Tirlemont passe par Vissenaeken, Bunsbeek, Hocleden, Kersbeek-Miscom, Cortenaeken et Loxbergen. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du rapport sur des pétitions analogues.


« Des habitants d'Erps-Querbs demandent que la langue flamande soit, en tout, mise sur le même rang que la langue française.

(page 962) « Même demande d'habitants de Bouwel et des membres de la société dite : de Morgendstar. »

- Même décision.


« Des habitants d'Ostende demandent que la loi consacre le principe de l'obligation en matière d'enseignement primaire. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner la proposition de loi relative à l'enseignement primaire obligatoire.


« Le conseil communal de Bouwel demande le maintien des commissaires d'arrondissement. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de l'intérieur.


« Par trois pétitions, des habitants d'une commune non dénommée demandent que la Chambre alloue au gouvernement le crédit dont il a besoin afin de créer des écoles en nombre suffisant pour satisfaire aux nécessités de l'enseignement primaire étendu à toutes les classes de la société. »

« Même demande d'habitants de Pepinster et de Verviers. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de l'intérieur.


« M. le ministre de la justice adresse à la Chambre deux exemplaires du tome Ier du Recueil des coutumes du comté de Looz, de la seigneurie de Saint-Trond et du comté impérial de Reckheim, publié par la Commission des anciennes lois et ordonnances de la Belgique. »

- Dépôt à la bibliothèque.


« MM. Amédée Visart et Van Hoorde, retenus par un deuil de famille, demandent un congé. » - Accordé.


« M. Boucquéau, retenu par un deuil de famille, demande un congé. »

- Accordé.


M. le président. - M. de Baets m'a fait connaître qu'il était prêt à développer la proposition qu'il a faite la semaine dernière. J'ai prié notre collègue de remettre ces développements jusqu'après les vacances, afin de ne pas interrompre la discussion du budget. (Adhésion.)


M. Defuisseaux. - Une pétition d'une importance extraordinaire a passé presque inaperçue à la séance du 28 courant. Elle émanait de la plupart des directeurs de houillères du Borinage et avait trait à un intérêt important. Il s'agissait du chemin de fer de Saint-Ghislain à Gand.

Je m'entrerai pas, pour le moment, dans les développements de cette affaire ; mais je demanderai le renvoi de la pétition à la commission d'industrie et à M. le ministre des travaux publics. Elle est signée par vingt-six directeurs de houillères qui occupent près de 25,000 ouvriers.

M. le président. - La Chambre n'a pas l'habitude de renvoyer des pétitions aux ministres avant qu'une commission ait fait rapport sur ces pétitions. Mais nous pouvons renvoyer cette pétition à la commission d'industrie.

M. de Naeyer. - Avec demande d'un prompt rapport.

M. Defuisseaux. - Je me rallie à ce renvoi.

M. le président. - La pétition sera renvoyée à la commission permanente d'industrie avec demande d'un prompt rapport.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur pour l’exercice 1871

Discussion du tableau des crédits

Chapitre XVII. Instruction primaire

Explications

M. Brasseur. - Messieurs, dans la séance de mardi dernier, l'honorable M. Bara, dans la réponse qu'il a faite au discours de M. le ministre de la justice, a prononcé les paroles suivantes, dans lesquelles il m'a fait personnellement intervenir. Je cite textuellement ses paroles :

« En 1856, les évêques font une grande campagne contre l'université de Gand, et nous trouvons dans les mandements de l'évêque de Gand ce qui suit :

« Nous exhortons entre-temps notre clergé à avertir d'une manière sérieuse les parents que la chose concerne, du danger de perdre la foi auquel est exposée la jeunesse dans cette université aussi longtemps que de tels professeurs (tales viri) enseignent la philosophie, l'histoire, le « droit naturel, etc.

« ... A l'université, au lieu de trouver une forte et saine nourriture, les élèves y rencontrent du poison... »

« Vous n'attendez pas de nous, nos très chers frères, que nous réfutions de tels blasphèmes, joints à une profonde ignorance ; il suffit que nous vous les signalions et que vous sachiez qu'ils ont été enseignés dans l'université de Gand avec d'autres graves erreurs encore. »

« Eh bien, l'empoisonneur de la jeunesse universitaire, le blasphémateur, l'ignorant que signale M. l'évêque de Gand à l'indignation des pères de famille, où est-il ? Il est dans cette enceinte ; il y est arrivé sur un pavois de tricornes, et il n'a absolument rien rétracté de son opinion. Et celui que M. l'évêque de Gand appelle un empoisonneur, un blasphémateur, un ignorant, est un de vos collègues, messieurs de la droite, qui vote avec vous, et qui a eu, dans les élections, l'appui de votre parti. Et vous voulez nous persuader que la religion est l'objet unique de votre sollicitude !

« Un membre de la droite : Quel est ce membre ?

« M. Bara.- C'est M. Brasseur qui enseignait, a Gand, le droit naturel et dont M. l'évêque de Gand a dit : « Au lieu de trouver à l'université de Gand une forte nourriture, les élèves y rencontrent le poison. »

« Eh bien, d'après M. l'évêque de Gand, votre parti a nommé député un blasphémateur, un ignorant, un empoisonneur. Et après cela, nos honorables collègues de la droite se font passer pour des parangons de la religion, et croient nous avoir écrasés par cette éternelle absurdité : «Vous êtes des athées ! »

Tous ces faits relatés par l'honorable M. Bara sont de la plus rigoureuse exactitude ; il n'y a que les conclusions, le jugement qu'il porte sur ces faits, notamment le passage de son discours où il dit que j'appartiens nettement au parti catholique, qui m'ont forcé de prendre la parole et d'exposer d'une manière nette et carrée la position que j'entends prendre dans cette enceinte. Je remercie l'honorable M. Bara de m'avoir fourni l'occasion de m'expliquer clairement à ce sujet.

Le discours de l'honorable M. Bara contient une injure à l'adresse du clergé et une injure à mon adresse. Comment vous, clergé, avez-vous pu donner votre appui à un homme que vous avez nommé blasphémateur, empoisonneur de la jeunesse ? Comment vous, M. Brasseur ; avez-vous pu accepter un pareil patronage ?

Il y a là, d'un côté comme de l'autre, une action blâmable, presque honteuse. C'est sur ce point que je désire m'expliquer, d'autant plus que M. Bara ajoute : « Et M. Brasseur est passé au camp des catholiques. »

Quant à l'affaire de Gand, elle remonte à 1856, D'abord, je profiterai de l'occasion pour faire justice d'une accusation qui a été lancée contre moi, dans bien des circonstances. Je suis accusé d'avoir nié la divinité du Christ et cette accusation court encore le pays aujourd'hui.

J'ai dû l'entendre plus d'une fois dans les luttes électorales que j'ai eu à soutenir l'année dernière.

Cette accusation a été lancée contre moi, mais tous mes honorables collègues qui faisaient partie de la Chambre en 1856 savent très bien qu'il y a eu à ce sujet une enquête très sévère, ouverte par le corps professoral de l'université de Gand : elle dura une dizaine de jours.

Ce corps, composé en grand partie de catholiques, a entendu tous les élèves, a lu et examiné tous les cahiers, et a rendu la sentence suivante :

« Présents :

« MM., etc., etc.

« Considérant qu'il résulte de l'enquête à toute évidence et d'un avis unanime que M. le professeur Brasseur n'a pas nié la divinité du Christ. »

M. Bara. - Continuez.

M. Brasseur. - Volontiers ; je m'arrêtais pour ne pas prolonger les citations inutilement.

« Considérant que les quatre élèves qui ont prétendu que M. Brasseur avait indirectement nié la divinité du Christ, ont mal interprété les phrases sur lesquelles ils ont basé leur assertion ;

« Considérant néanmoins qu'il résulte des explications fournies par les derniers qu'ils ont été de bonne foi dans leur interprétation,

« Décide à l'unanimité qu'il n'y a pas lieu de leur appliquer de ce chef une peine disciplinaire.

« Considérant cependant que dans leur conduite postérieure, ils ont méconnu les devoirs que leur impose leur position vis-à-vis de leur professeur,

« Décide à l'unanimité qu'il y a lieu, pour ce motif, de leur donner une admonition. »

Cette accusation, messieurs, est donc complètement fausse, elle a été reconnue fausse et par les autorités académiques et par M. de Decker, alors ministre de l'intérieur.

Ce qui est vrai, c'est que l'évêché de Gand a condamné quelques-unes de mes doctrines enseignées dans mon cours de droit naturel et qu'il a condamné une proposition de mon programme imprimé. A coup sûr, l'évêché de Gand était dans son droit de condamner des propositions du professeur d'université, mais, d'un autre côté, le professeur d'université dans sa chaire était dans son droit d'enseigner telle doctrine que sa conscience lui ordonnait d'enseigner. Cette situation existe encore aujourd'hui.

(page 963) Quinze ans après, l'année dernière j'ai posé ma candidature pour la Chambre. Elle m'a été offerte par des libéraux et j'ai publié immédiatement mon programme pour que les électeurs, qui avaient affaire à un nouveau venu, sachent au juste à quoi s'en tenir ; ce programme, au point de vue politique, est le même que celui de l'honorable M. Balisaux, qui posait sa candidature comme libéral indépendant. Je n'ai pas hésité a déclarer à qui voulait l'entendre que j'en avait assez du libérâtre et du cléricâtre, que pendant vingt ans on s'était disputé sur des mots, et que cette dispute de mots ne faisait pas les affaires du pays, qu'il valait mieux s'occuper des questions d'intérêt matériel, trop longtemps négligées, par exemple, des questions économiques, des questions financières, etc., que de soutenir des débats stériles et oiseux qui conduisent le parlement à négliger les affaires de la nation.

J'ajoutais : « Je me présente à vous, messieurs, libre de tout engagement, ne relevant que de mes convictions et cherchant en tout le bien-être moral et matériel de nos populations : je me présente à vous en libéral indépendant.

« Et voulez-vous la preuve que le libéralisme indépendant devient une véritable nécessité ?

« Aux dernières élections, les deux partis politiques existants ont été nommés à la Chambre en nombre à peu près égal ; la formation d'un cabinet devient très difficile dans ces circonstances. Que pareille situation se présente encore deux ou trois fois - et la chose est possible - quelle sera la situation du pays ? Procédera-t-on chaque fois à une nouvelle dissolution des Chambres ? Je n'hésite pas à le déclarer, ce serait la ruine du régime parlementaire. Il n'y a plus qu'un moyen, messieurs, pour sortir de cette impasse politique : c'est la formation d'un centre gauche indépendant, qui repousse les exagérations et accepte les bonnes lois financières, commerciales et industrielles, de quelque côté qu'elles viennent.

« J'irai siéger au centre gauche. »

Voilà, messieurs, la position que j'ai prise vis-à-vis de mes électeurs : liberté pleine et entière, indépendance à la Chambre. J'entends donner une marque de confiance à tout cabinet, non pas une confiance absolue ; mais commencer par le traiter avec la plus grande bienveillance, sauf à le juger d'après ses actes.

Si les lois qu'il me présente sont bonnes, je les vote ; dans le cas contraire, je les rejette, ni plus ni moins.

Par conséquent, à mon point de vue, peu m'importe qui se trouve au pouvoir, catholiques ou libéraux ; je ne m'en occupe pas : présentez-moi de bonnes lois, des lois utiles au pays, Voilà tout ce que je vous demande : j'examinerai avec bienveillance, mais avec une indépendance absolue.

Après la publication de mon programme, un homme influent du parti catholique est venu me trouver, et m'a posé quelques questions. Il m'a demandé ce que je pensais de la loi de 1842, et notamment quelle serait mon attitude si, à la rentrée de la Chambre, on posait la question de cabinet. Voilà les deux questions qui m'ont été posées par un membre influent du parti catholique.

Quant au dernier point, la réponse était facile : En indépendant je devais évidemment accorder ma confiance au ministère actuel, sauf à le juger d'après les actes qu'il poserait ultérieurement. Sous ce rapport, le doute n'était pas possible : voter de parti pris contre le cabinet, c'était faire acception de parti à priori : c'était précisément là le point de vue que je condamnais et que je n'entendais nullement admettre.

Quant au premier point, la question de savoir ce que je pensais de la loi de 1842, je n'ai pas hésité un instant à déclarer de la manière la plus formelle que j'entendais maintenir la loi de 1842. Ma pensée n'était pas de m'abriter derrière l'opinion d'un certain nombre de libéraux qui eux également veulent le maintien de cette loi. N'en croyez rien, messieurs. Je suppose que le parti libéral tout entier fût contraire à la loi de 1842, je n'en voterais pas moins le maintien, parce que je suis profondément convaincu de la nécessité du maintien de la loi de 1842.

Pour moi, ce n'est pas là une question de libérâtres et de cléricâtres, mais une question sociale qui doit être placée au-dessus de tout intérêt de parti et que je mets à côté de toutes les grandes questions qui dominent la législation des sociétés modernes, telles que la propriété, l'hérédité, etc.

Ne croyez donc pas à une de ces lâches complaisances qui déshonorent les caractères, à un de ces marchés secrets qui font qu'un homme sacrifie ses opinions pour arriver au parlement.

Non, messieurs, telle n'a pas été ma conduite. En voulez-vous la preuve ? Mais je vais beaucoup plus loin que la loi de 1842. Voulez-vous connaître mon opinion sur l'enseignement en général. Vous allez voir si j'ai fait un sacrifice en promettant le maintien de la loi de 1842.

Tout homme, messieurs, subit plus ou moins l'influence du milieu dans lequel il a vécu ; on ne s'y soustrait pas.

Je dirai même plus : l'homme est ce que le milieu dans lequel il a vécu en a fait. Eh bien, j'ai reçu mon instruction primaire dans le grand-duché de Luxembourg ; j'ai fait mes études à l'athénée du Luxembourg à l'époque où le roi Guillaume avait complètement germanisé l’enseignement. Après avoir passé par l'université de Liège, je suis allé en Allemagne pour y recommencer mes études universitaires.

J'ai donc constaté ce qui se passe en Allemagne et dans le Luxembourg.

Voici l'enseignement que nous avons reçu : enseignement religieux obligatoire pour les classes primaires ; cela va de soi, le point n'est même pas discuté, ni dans le grand-duché de Luxembourg, ni en Allemagne. Le prêtre entre dans l'école comme autorité ; les inspecteurs eux-mêmes sont des ecclésiastiques, en Allemagne.

A l'athénée de Luxembourg comme dans tous les gymnases de l'Allemagne, l'enseignement religieux se donne jusqu'en rhétorique exclusivement.

En voulez-vous la preuve ? Je tiens à la disposition des membres de la Chambre les programmes des athénées de Luxembourg, de Trêves et de Coblence ; ils peuvent y voir que dans toutes les classes, la rhétorique incluse, il y a un cours de religion de 2 heures par semaine.

M. le président. - Abrégeons un peu, M. Brasseur ; ceci rentrerait dans la discussion générale.

M. Brasseur. - Fort bien, M. le président ; je n'abuserai pas des moments de la Chambre.

Je disais donc que l'enseignement religieux est donné dans tous les gymnases de l'Allemagne.

Voilà les idées dans lesquelles j'ai vécu jusqu'à la fin de mes études humanitaires. Je les ai encore. J'ai toujours considéré l'enseignement religieux comme une nécessité absolue pour la jeunesse.

Eh bien, messieurs, si, avec de pareilles idées, j'ai répondu que j'étais pour le maintien de la loi de 1842, c'est-à-dire pour le maintien de l'enseignement religieux pour des bambins de sept ans, répondez, je vous le demande à tous : Y avait-il là, de ma part, le moindre sacrifice d'une opinion ? En faisant cette réponse, j'avais des opinions plus avancées en matière d'enseignement religieux que celui qui m'interrogeait. J'aurais pu lui répondre que je voterais, non seulement pour l'enseignement religieux appliqué à l'enseignement primaire, mais encore pour l'enseignement religieux obligatoire pour l'enseignement moyen.

Le maintien de la loi de 1842. Voilà le seul engagement qu'on m'a demandé et que j'ai pris. En dehors de cela, liberté pleine et entière. Je n'ai pris d'engagement vis-à-vis d'aucun parti, ni à droite ni à gauche...

M. Coomans. - Ni nous non plus. Cela prouve que nous sommes plus libéraux que vous, messieurs de la gauche.

M. Brasseur. - J'avais un concurrent dans les élections ; on lui a adressé la même question.

Je dirai, en passant, qu'il n'a pas jugé convenable de garder envers moi la même réserve que j'ai gardée vis-à-vis de lui. Il a écrit à des électeurs des lettres dans lesquelles il disait entre autres : Comment pourriez-vous voter pour M. Brasseur qui a nié la divinité de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui a attaqué notre sainte religion ?

J'ai vu de ces lettres.

On lui a donc demandé quelle était son opinion sur la loi de 1842, en lui disant que, si elle était affirmative, il obtiendrait la préférence parce qu'il était en possession de son siège au corps législatif et qu'il n'y avait, dans ce cas, pas de motifs de le remplacer. (Interruption.) Il promit le maintien de cette loi. Il fut prié de prendre un engagement public. II s'y est refusé ! De sorte que la position du clergé était excessivement simple ; il se trouvait en présence de deux candidats libéraux, l'un était indépendant et l'autre avait des attaches très accentuées avec le parti libéral. L'un professait carrément et publiquement son opinion sur la loi de 1842, l'autre ne voulait pas le faire pour des motifs que je n'ai pas à examiner ; le clergé m'a donné son appui dans ces conditions et j'espère que cet appui ne me fera pas encore défaut l'année prochaine.

Du reste, pourquoi le parti catholique ne pourrait-il pas, au point de vue politique, appuyer la candidature d'un homme dont il réprouve les idées philosophiques ? Mais cela arrive tous les jours, chaque fois qu'il y a communauté d'idées entre eux à d'autres points de vue. Or, l'homme politique est appelé à faire prévaloir à la Chambre ses opinions sur des questions sociales applicables aux masses ; il est appelé à légiférer sur des questions commerciales, industrielles, financières et autres ; qu’est-ce que (page 964) cela a de commun avec ses opinions personnelles en matière philosophique ou religieuse ? Un dernier mot, messieurs.

Je suis donc arrivé à la Chambre après avoir fait connaître à mes électeurs la position que j'entendais y prendre. Ai-je rempli mon programme ?

Ici je rencontre, dans le discours de l'honorable M. Bara, une assertion qui est complètement inexacte. L'honorable membre me classe nettement parmi les catholiques. M. Brasseur, dit-il, vote avec les catholiques. Eh bien, messieurs, l'assertion de l'honorable M. Bara est fausse ; je ne puis pas lui permettre de me donner à la Chambre une position autre que celle que je juge convenable de prendre. Quand je déclare que je suis ici un nomme indépendant, je ne permets à personne de me classer dans l'un des deux partis, parce que ce serait, vis-à-vis de mes électeurs, me donner les apparences d'avoir manqué à un engagement formel.

En fait, messieurs, l'assertion de M. Bara est inexacte parce que, dans bien des circonstances, j'ai voté contre le cabinet, même dans des questions importantes. Ainsi dans l’affaire des Bassins houillers, j'ai voté contre le cabinet ; ainsi, dans l'affaire d'Anvers, j'ai voté contre le cabinet.

La question électorale va venir. C'est probablement la question politique la plus importante que l'on traitera cette année. Eh bien, je ne puis pas accepter la loi électorale. Je ne lui accorderai pas l'appui de mon vote. Par conséquent, il est inexact de dire que je vote avec là droite : telle est cependant la pensée de l'honorable M. Bara. Je tiens beaucoup à rétablir la vérité des faits, parce que, je le répète, je ne puis permettre à personne, de me donner une situation politique autre que celle que j'entends prendre.

Telles sont les quelques observations que j'avais à présenter sur le discours de l'honorable M. Bara.

M. Bara. - Je demande la parole.

M. le président. - M. Bara, il n'y a rien de personnel contre vous dans le discours de M. Brasseur.

M. Bara. - Ni dans le mien.

M. le président. - M. Bara, vous avez attaqué M. Brasseur, c'est incontestable, il n'était pas présent quand vous avez parlé. Il a demandé à s'expliquer. Il n'y a rien, dans ce qu'il a dit, qui vous permette de prendre la parole pour un fait personnel.

M. Baraù. - C'est qu'alors vous n'avez pas entendu, M., le président.

M. Brasseur vient de prétendre que je lui ai attribué une opinion, qui n'est pas la sienne.

Il a encore dit, en terminant, qu'il ne permettrait pas, qu'on lui fîit dans cette Chambre une position qui n'est pas l'a sienne.

Il a donc parfaitement incriminé ce que j'ai dit.

M. le président. - Nous n'avons pas à juger M. Brasseur,

M. Bara. - Décidez comme vous voudrez, Je maintiens mon droit de parler.

Je demande que la Chambre vote sur ma demande de parole.

- Plusieurs membres à gauche. - L'appel nominal !

- Plusieurs membres à droite. - On n'insiste pas.

M. Snoy. - On demande de laisser parler M. Bara.

M. le président. - Qui le demande ? Ce n'est pas mon avis.

- Plusieurs membres à droite. - Laissez parler !

M. le président. - Il paraît que la Chambre est unanime pour accorder la parole à M. Bara. Il n'y a que moi d'opposant. La parole est donc à M. Bara.

M. Bara. - J'ai demandé la parole pour répondre à l'honorable M. Brasseur et je crois que c'était mon droit. Quand, pour un fait personnel, un membre demande la parole, c'est évidemment pour détruire l'exactitude de ce que le membre qui a parlé de lui a pu dire. En conséquence, la rectification doit être possible pour le membre contre lequel on a demandé la parole à raison d'un fait personnel.

La Chambre à l'unanimité, moins l'honorable président, m'a accordé la parole. (Interruption.)

M. le président. - J'ai cru l'entendre. Ainsi faites silence.

M. Bara. - Je ne fais que répéter l'expression de M. le président. Il a dit : La Chambre, à l'unanimité, sauf moi, est d'avis d'entendre M. Bara.

M. le président. - C'est parfaitement exact.

M. Bara. -Maintenant je m'étonne fort que M. Brasseur ait demandé la parole pour un fait personnel. Je ne l'ai pas attaqué. Il a été obligé de reconnaître lui-même l'exactitude de tout ce que j'ai dit.

M. Brasseur. - Sauf une phrase.

M. Bara. - Sauf mon appréciation sur la situation qu'il occupe au parlement. Cette situation, je n'entends pas la discuter. Il m'importe fort peu que l'honorable M. Brasseur soit libéral, ou catholique ou indépendant, cela ne me concerne pas. Mais qu'est-ce que j'ai dit ? Je ne me suis pas adressé à M. Brasseur. Je me suis adressé à mes adversaires politiques, à la droite, au parti clérical. Je me suis adressé à M. le ministre de la justice qui nous avait dit : Vous soutenez des idées irréligieuse ; vous êtes irréligieux ; et j'ai dit : Comment vous croira-t-on ? Comment est-il possible d'ajouter foi à ce que vous dites lorsque nous vous voyons, vous catholiques, et le clergé lui-même, comme vient de le constater M. Brasseur, appuyer un homme qui a été condamné par les catholiques, par les évêques et qui n'a rien rétracté de ce qui l'avait fait condamner ? Expliquez-vous, ai-je dit, et je prié encore la droite de s'expliquer. (Interruption.)

M. Dumortier. - Ce n'est pas là le. fait personnel.

M. Bara. - Comment l voua avez laissé s'expliquer à son aise M. Brasseur ; il vous a dit les études qu'il avait faites dans te Luxembourg et en Allemagne, et vous l'avez écouté. (Interruption.)

Tout ce que j'ai dit, et c'est là le fait personnel, c'est que M. Brasseur n'était pas partisan de vos doctrines, qu'il était contraire aux doctrines du catholicisme.

Et en voulez-vous la preuve ? C'est M. Brasseur lui-même qui le déclare. Je vais vous le démontrer de la manière la plus évidente.

Lorsque M. Brasseur a été l'objet des attaques que vous savez et que j'ai rapportées dans une séance précédente, il a écrit une lettre aux journaux, et voici ce qu'il dit. Cette lettre est adressée au Bien public :

« Dans votre numéro du 23 de ce mois, vous vous êtes occupés de moi et de mes enseignements à l'université de Gand.

« Vous dites d'abord que j'aime à faire des digressions étrangères à l'objet de mon cours. Je n'ai pas à vous rendre compte de ma méthode d'enseignement, mais je veux bien vous dire que j'ai l'habitude de poser, dans mon cours, les principes généraux et philosophiques sur chaque matière, et d'y ajouter toujours quelques cas d'application (ce que vous appelez des digressions) qui en font ressortir l'importance dans la vie sociale. C'est ainsi que j'ai effectivement jugé convenable de parler du concordat entre l'Autriche et le saint-siège ; si vous ne saisissez pas le rapport qui existe entre cette matière et la philosophie du droit, demandez des explications au premier venu de mes élèves intelligents, il vous donnera une leçon de droit naturel qui vous sera très profitable.

« Vous relevez ensuite, dans mon cours, de prétendues erreurs qu'un catholique ne peut admettre. Vous me faites dire notamment :

« 1° Que la papauté du moyen âge a absorbé la puissance séculière par des usurpations successives, et anéanti l'élément subjectif de l'homme ;

« 2' Que je n'aperçois pendant toute la durée du moyen âge qu'un fait, c'est le despotisme théocratique se substituant au lieu et place de, l'Etat, et confisquant le principe subjectif au moyen de la force ; enfin,

« 3° Que je vois dans la, réforme du XVIème siècle le signal de l'affranchissement de l'esprit humain étouffé sous le joug de l'Eglise au moyen âge, et que la réforme fut, à mes yeux, pour le moyen âge, ca que le christianisme avait été pour l’antiquité, une réhabilitation du principe subjectif par la proclamation du libre examen.

« J'ai toujours pensé, messieurs, qu'un homme de cœur qui a la conviction de. ses opinions doit oser proclamer en face du pays les principes qu'il professe dans sa chaire : aussi ma déclaration sera franche et nette : Oui, j'enseigne ces trois points, comme je les ai déjà enseignés depuis trois ans. Quant à discuter avec vous sur les motifs qui ont formé ma conviction à cet égard, je ne le puis ; car ce serait vous reconnaître implicitement le droit de demander compte à un professeur d'université des doctrines qu'il émet dans sa chaire ; or, je dois, à ma dignité personnelle et au corps élevé auquel j'ai l'honneur d'appartenir, de ne pas vous reconnaître ce droit, à vous moins qu'à tout autre. L'enseignement universitaire doit rester essentiellement libre, et un professeur est trop haut placé pour qu'il puisse déroger au point de discuter des doctrines scientifiques avec une presse inintelligente, licencieuse et dévergondée.

« Vous dites enfin que j'ai nié la divinité du Christ, C'est là une allégation fausse et mensongère, contre laquelle je proteste de toutes mes forces et que je devrais accueillir avec mépris, si elle n'était de nature à me nuire et à porter préjudice à l'université de Gand. Les convenances exigent que j'attende les résultats de l'enquête officielle, qui convaincra mes dénonciateurs de mauvaise foi ; j'aurai plus tard un devoir de citoyen à remplir.

« Je requiers l'insertion de la présente dans votre prochain numéro.

« M. Brasseur,

« Professeur de droit naturel et d'économie politique à l'Université de Gand. »

(page 965) Voilà comment M. Brasseur appelle le Bien public, pour lequel M. Drubbel disait dernièrement professer la plus grand estime.

M. Brasseur n'a rien rétracté de ses principes. Il dit que la réforme a affranchi l'homme du joug de l'Eglise catholique, et c'est par le clergé qu'il arrive à la Chambre. (Interruption.)

Et comment les membres de la droite appréciaient-ils M. Brasseur ?

L'honorable M. de Mérode dont vous honores tous la mémoire, s'exprimait ainsi dans la séance de la Chambre des représentants, du 22 janvier 1856 :

« Lorsque des élèves auxquels M. Brasseur enseigne depuis trois ans, c'est lui-même qui le déclare dans ses lettres adressées au journal le Bien public de Gand, que la papauté du moyen âge a étouffé l'élément subjectif de l'homme ; qu'il voit dans la réforme du XVIème siècle le signal de l'affranchissement de l'esprit humain, et que l'action de cette réforme fut pour l'époque ce que le christianisme avait été pour l'antiquité païenne, une réhabilitation du principe subjectif par la proclamation du libre examen ; lorsqu'il leur parle sur la nature divine de Jésus-Christ d'une manière assez embrouillée pour que le conseil académique reconnaisse que ces élèves ont été de bonne foi en disant à leurs parents que leur professeur de droit naturel n'admettait pas la divinité du Christ, fondement de la doctrine chrétienne ; peut-on blâmer des jeunes gens appartenant à des parents catholiques plus soucieux que d'autres des choses de la foi, de s'être émus d'un tel ensemble de direction donnée à leur esprit ? Je ne le crois pas. »

Mais il y a bien plus, messieurs. L'honorable M. Dumortier a parlé de M. Brasseur.

M. Dumortier. - Je vous prie de ne pas me mettre en cause. (Interruption.) Je suis prêt à répondre à tout ce qu'on pourra dire ; mais je déclare de la manière la plus formelle qu'en vertu du règlement il ne vous appartient pas de venir créer des faits personnels contre chacun de nous.. Vous n'êtes pas ici le procureur général de la Chambre pour mettre tous les députés en accusation.

M. Bara. - Que M. Dumortier ne se fâche pas ; quand on cite les paroles d'un orateur, on lui fait beaucoup d'honneur ; on prouve qu'on le considère comme un homme important. Il n'y a rien d'offensant pour M. Dumortier : M. Brasseur n'était pas un partisan des idées catholiques, M. Dumortier le lui a dit. Ne puis-je pas rappeler ce fait ?

M. Dumortier. - Vous n'avez pas le droit de mettre vos collègues en cause, ta Chambre ne peut pas tolérer un pareil abus.

M. le président. - La Chambre a voulu entendre M. Bara. Il faut qu'elle l'écoute en silence.

M. Dumortier. - Il faut qu'il reste dans la question.

M. le président. - Taisez-vous, M. Dumortier.

M. Bara. - M. Dumortier bat la grosse caisse pour attirer l'attention sur le passage que je vais lire.

M. le président. - M. Bara, abrégez, je vous prie ; l'honorable y. Hagemans vous a cédé la parole. N'abusez pas de sa complaisance.

M. Bara. - Eh bien donc, l'honorable M. Dumortier, un des hommes autorisés du parti catholique, s'exprime ainsi…

- Une voix à droite. - Ce n'est pas le fait personnel, cela !

M. Bara. - C'est de la moralité politique, messieurs. Je m'adresse à vous, catholiques, qui prenez des candidats hostiles à la religion.

M. Coomans. - C'est notre affaire, cela.

M. Bara. - La moralité politique, c'est l'affaire du pays. (Interruption.) Voici ce que disait M. Dumortier :

« Quel est donc ce personnage qui vient ainsi émouvoir le pays tout entier, en prêchant de pareilles doctrines ?

« Brasseur était agrégé à l'Université de Gand. Il voulait devenir professeur. Il était nécessaire pour lui qu'il le devînt. Néanmoins, dans le cours de l'année 1854, faisant partie du jury d'examen, il avait parlé, dans le jury, du dogme de la Trinité, dogme certainement catholique et chrétien ; il en avait parlé dans des termes tels, que des plaintes avaient été adressées au ministre de l'intérieur et qu'on dut faire une. investigation sur ce point.

« Le ministre de l'intérieur d'alors, l'honorable M. Piercot, qui connaissait, paraît-il, les principes de cet agrégé, refusa positivement de le nommer professeur à l'université de Gand, et pourtant Brasseur le désirait ardemment. Un ministère catholique arriva aux affaires. Quel moyen employer pour être nommé professeur ? II y a un moyen fort simple : c'est de se faire passer pour ce qu'on n'est pas. Brasseur va trouver les hommes les plus honorables de l'université catholique...

« Il va donc trouver ces personnes, se présente comme catholique, comme croyant, comme pratiquant, comme allant à confesse ; toutes choses qu'on ne lui demandait pas, et il obtient des lettres de recommandation pour être nommé professeur. Voilà le héros du libre examen !

« Il va trouver les hommes les plus honorables de l'opinion catholique, alors et même depuis sa triste leçon, pour se présenter comme un catholique croyant, pratiquant, allant à confesse.

« Plusieurs voix : Qui ? qui ?

« M. Dumortier. - Il a été trouver mon honorable ami, M. de Theux, qui ne me démentira pas ; il a été trouver mon honorable ami, M. de Man, qui ne me démentira pas ; il a été trouver le recteur magnifique de Louvain, M. l'abbé de Ram ; M. Delcour, professeur de l'université de Louvain ; M. Thonissen, professeur de l'université de Louvain.

« Sans doute, il est libre à chacun de chercher à faire sa carrière, à se procurer des protecteurs. Mais ce que je n'admets pas, c'est qu'il soit permis de se prévaloir d'une doctrine quelconque, qu'on se propose de dénigrer ensuite, pour arriver à une position qu'on n'aurait pas obtenus sans cela ; une telle conduite n'excite en moi que du dégoût. »

Je n'ai pas à juger l'exactitude de ce qu'a dit M. Dumortier. Je pourrais citer l'opinion de l'honorable M. de Theux et d'autres honorables membres de la droite à cette époque. Tous étaient d'accord sur M. Brasseur.

Malgré cela, le clergé catholique l'a pris pour son candidat et l'a fait arriver à la Chambre. (Interruption.)

M. Brasseur. - e demande la parole.

M. le président. - M. Brasseur, ce que l'on vient de citer date de quinze ans. Vous feriez bien de laisser tomber cela dans l'oubli.

M. Brasseur. - Je demande à donner un mot d'explication.

M. le président. - C'est votre droit, puisque c'est pour un fait personnel.

M. Brasseur. - Messieurs, l'honorable M. Bara a extrait du discours de l'honorable M. Dumortier justement le passage qui me place dans un mauvais jour.

C'est ce M. Brasseur qui enseigne des doctrines libérales et qui va s'adresser aux catholiques pour être nommé professeur extraordinaire.

Voilà bien l'assertion de l'honorable M. Dumortier, répétée par M. Bara. (Interruption.)

Messieurs, j'ai la conviction intime, et ici je m'adresse à la loyauté de M. Dumortier, j'ai la conviction intime que s'il avait connu les faits tels qu'ils se sont passés, il ne se serait pas prononcé dans ce sens.

Les faits, les voici :

Professeur à l'université de Gand, j'étais tous les six mois au jury d'examen avec des collègues, tantôt de Bruxelles, tantôt de Louvain ; j'ai fait là la connaissance de deux honorables professeurs qui siègent aujourd'hui dans cette Chambre et, naturellement à l'avènement du ministère catholique, je leur ai demandé franchement s'il pouvait faire quelque chose pour mon avancement, en leur déclarant que j'appartenais au camp libéral et que j'entendais rester dans ce camp. Voilà la déclaration que j'ai faite.

(erratum, page 995) M. Bara. - M. Dumortier a dit le contraire.

M. Brasseur. - Je ne le conteste pas. Il n'y avait donc là aucune abdication de mes principes. Dans ces circonstances, je pouvais accepter loyalement le concours de mes amis, il n'y a là rien qu'on ne puisse avouer hautement.

M. le président. - L'incident est clos ; la parole est à M. Hagemans.

M. de Theux. - J'avais demandé la parole... (Interruption.)

MpV. - L'incident est clos, M. de Theux.

Chapitre XIX. Beaux-arts

M. le président. - La parole est à M. Hagemans.

M. Hagemans. - J'aurais, messieurs, quelques observations a présenter, quelques critiques à faire, et quelques questions à adresser à M. le ministre de l'intérieur au sujet du chapitre relatif aux beaux-arts.

Messieurs, de toutes les gloires d'un pays, la plus indiscutable, la plus durable est celle qu'il doit aux beaux-arts ; c'est à eux qu'une nation comme la Belgique doit d'occuper un rang aussi important dans l'histoire, et il suffit, pour le prouver, de rappeler le merveilleux éclat qu'ont jeté sur elle deux siècles éternellement glorieux, le siècle de Van Eyck et le siècle de Rubens.

Cette gloire, dont nous sommes si fiers, faisons-nous tout ce qu'il faut pour la conserver, pour nous en montrer dignes ? Avons-nous un respect assez grand pour les génies qui illustrèrent notre pays ? Si j'émets un doute à cet égard, vous vous récrierez, messieurs, et cependant je (page 966) puis citer des exemples qui prouveront que nous montrons souvent une négligence coupable envers nos illustrations artistiques.

Je citerai, par exemple, les tableaux de Rubens qui sont dans la cathédrale d'Anvers.

Je trouve dans le compte rendu de la séance de l'Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts, du 11 mars 1847, une lettre adressée à la classe des beaux-arts par l'honorable comte de Theux, alors ministre de l'intérieur ; j'y lis ce passage :.

« Dès l'année 1837, l'attention du gouvernement fut attirée sur l'état de détérioration qui menace l'existence des tableaux de Rubens, la Descente de Croix et l'Elévation de la Croix, placés à l'église de Notre-Dame à Anvers...

« Le temps presse, le péril s'accroît chaque jour et il devient urgent de prendre une décision, si l'on veut prévenir la perte de deux ouvrages qui sont un des plus beaux titres de gloire du pays. »

Une commission fut nommée et se réunit dès le 26 mars 1847.

Un examen eut lieu.

A la suite de cet examen, les commissaires s'occupèrent de la question suivante :

« L'emplacement qu'occupent actuellement les tableaux est-il convenable ? »

La réponse fut négative et prononcée à l'unanimité.

« Les tableaux placés près des portes d'entrée, dit le rapport, sont dans un courant d'air continuel ; les variations de température, la poussière, l'action de l'humidité et surtout l'influence du soleil qui agit sur les tableaux aux heures du jour où elle a le plus d'intensité, doivent nécessairement amener une destruction rapide de la peinture. ».

Eh bien, messieurs, depuis, comme vous le savez, on a restauré les deux tableaux, mais on les a remis exactement à la même place et dans les mêmes conditions. « qui doivent nécessairement amener une destruction complète de la peinture. »

Est-ce là montrer du respect pour les œuvres que nous a léguées le génie de nos ancêtres ?

A Gand, il s'est passé d'autres faits. Là, on n'a pas exposé les tableaux de nos grands maîtres à la destruction ; on les a perdus, littéralement perdus. On ne sait ce qu'ils sont devenus.

En 1802, le musée de Gand possédait 234 tableaux et six statues. Une grande partie de ces tableaux ont disparu.

Et comment cela est-il arrivé, c'est qu'on a confié aux églises et à d'autres établissements des toiles et des plus importantes, à titre de dépôt, il est vrai ; mais aucun contrôle sérieux n'ayant plus été exercé sur ces objets confiés à des mains étrangères, chacun en usa à sa guise, plus ou moins en propriétaire. Toujours est-il que la plupart ont disparu.

Si j'insiste sur ces détails, messieurs, c'est que la question artistique a une importance réelle à tous les points de vue, et même et surtout au point de vue financier.

Il est évident, en effet, que les arts ont une importance commerciale immense. Il s'exporte en tableaux pour des valeurs considérables, qui viennent enrichir le pays.

Et je voudrais qu'on pût me citer une industrie qui produisît et rapportât autant avec aussi peu de matière première : un morceau de toile, quelques couleurs et voilà tout : le reste est dû au talent créateur de l'artiste.

Et à qui s'adresse-t-on le premier, quand vient une grande calamité qu'il faut secourir ? A l'artiste, qu'il soit peintre, sculpteur ou musicien.

Sans cesse et toujours on fait appel au talent de nos artistes quand la charité a besoin d'être stimulée. C'est constamment à eux qu'on a recours. Ne l'avons-nous pas vu encore dernièrement, ne le voyons-nous pas encore aujourd'hui ? N'est-ce pas à leur généreux concours qu'on doit d'avoir pu soulager tant de misères ?

N'est-ce pas grâce aux expositions qui se sont organisées, grâce aux tombolas où les artistes donnent gratuitement leur talent, qu'on doit d'avoir pu réunir les sommes consacrées à venir en aide aux victimes de la guerre.

Les artistes ne cessent de rendre des services immenses, il n'est que juste qu'on se montre reconnaissant à leur égard et je suis heureux d'avoir l'occasion de pouvoir les remercier du haut de cette tribune pour tout le bien qu'ils ont fait quand il y avait tant de misères à soulager.

Dans les temps de paix, dans les temps de calme, qu'est-ce qui attire chez nous les étrangers ? Les beaux arts.

La réunion des œuvres des maîtres dans les musées est une source de prospérité considérable et toujours croissante pour les pays où ils sont établis.

De petites nationalités telles que la Saxe et la Bavière, qui ne possèdent pas de glorieux ancêtres artistiques comme la Belgique, ont su néanmoins faire de leurs capitales des lieux d'attraction universelle par le seul fait de la création de leurs magnifiques musées.

Ce qu'ont fait la Saxe et la Bavière, nous pourrions le faire, nous devrions le faire, car noblesse oblige.

liais nous marchandons trop notre gloire artistique et nous faisons de fausses économies.

On n'enrichit pas nos musées comme on le pourrait, comme on le devrait, et cela non par manque de goût, mais par manque de ressources.

Parlons d'abord du musée moderne.

Je ne veux pas critiquer aujourd'hui les acquisitions faites par le gouvernement. Je lui en laisse la responsabilité. Ce que je trouve mauvais, c'est que le gouvernement fasse du brocantage, qu'il échange des tableaux, qu'il fasse métier de marchand ou d'amateur. C'est ce que le gouvernement n'a pas le droit de faire.

Ce que je ne puis admettre non plus, c'est que le gouvernement ait remplacé les subsides qu'il donnait aux expositions par l'acquisition de numéros de tombola, et qu'il place dans les musées les tableaux qu’il gagne de cette manière, sans se préoccuper si ces tableaux sont dignes de figurer dans un musée.

Un musée, qu'on ne l'oublie pas, doit servir d'école artistique et ne doit pas être un entassement d'œuvres quelconques, amenées là par le hasard aveugle.

On ne peut être trop sévère pour le choix des tableaux à mettre dans un musée et ce n'est pas au sort qu'on doit confier ce soin. Je sais des artistes qui ont été indignés de se voir ainsi représentés dans notre musée moderne par un tableau gagné à une tombola, tableau sans importance et qui n'avait nullement une pareille destination.

Je ne comprends pas davantage que le gouvernement accepte certains tableaux qu'on lui offre. Ce sont là des cadeaux qui deviennent très gênants et très souvent onéreux.

Comme conséquence de tout cela qu'arrive-t-il ? C'est que le catalogue de notre musée moderne n'est pas encore fait, et pourquoi ? Parce que, dit-on, grâce à ces tombolas, grâce à ces cadeaux, grâce à quelques mauvais achats, le musée a besoin d'épuration et qu'on attend cette épuration pour faire le catalogue.

Par contre, il y a, paraît-il, dans certains greniers des masses de tableaux qu'il serait assez curieux de connaître.

M. Pirmez. - Allez les voir.

M. Hagemans. - Allez les voir, c'est facile à dire ! Comment voulez-vous, M. Pirmez, que j'aille dans ces greniers voir des tableaux sans doute empilés, entassés les uns sur les autres ?

Il y a là peut-être d'excellentes choses, car je me défie, pour ma part, du système d'épuration. Les goûts et les modes changent. Nous avons vu des tableaux qui ne trouvaient pas acheteur à 1,000 francs, en valoir tout d'un coup 100,000. Je n'ai qu'à citer les Greuze.

Et à ce propos, venons-en au musée des tableaux anciens.

Je ne parlerai pas du local ; je ne rappellerai pas qu'on a enlevé les gouttières le jour même où le baromètre marquait tempête, si bien que plusieurs toiles auraient, dit-on, souffert d'une inondation subite.

Je ne rappellerai pas davantage qu'après avoir échappé au déluge, ils ont failli périr par le feu, grâce à des poêles bourrés à outrance.

Je ne veux me préoccuper que des acquisitions qui ont été faites et des ressources qui sont laissées à la commission.

Je vois au budget qu'il est accordé 32,985 francs.

De ce chiffre total, il faut commencer d'abord par enlever 3,000 francs qui sont employés administrativement pour des dépenses étrangères au musée.

Reste 29,985 francs, dont il faut défalquer 15,485 francs pour frais divers.

Pour faire ses achats, il reste donc en tout et pour tout à la commission la somme de 14,500 francs. Et avec cela, elle doit acheter des tableaux anciens, des tableaux modernes de maîtres morts depuis plus de dix ans, des plâtres et enfin faire des acquisitions pour la fameuse galerie historique, qui, soit dit en passant, est le ramassis le plus étrange des choses les plus horribles. Voici comment ces sommes sont réparties :

Pour achat de tableaux, fr. 11,000

Pour plâtres, 2,000

Pour la galerie historique, 1,500

Soit.. fr. 14,500

Vous devez le comprendre, messieurs, il est impossible, complètement impossible qu'avec une somme aussi dérisoire, la commission, malgré tout son zèle, tout son dévouement, puisse faire des acquisitions dignes de (page 967) notre musée ou qu'elle n'ait à chaque instant le regret de voir lui échapper des œuvres qui devraient trouver place au musée.

Aussi, qu'arrive-t-il ? C'est que, voutant rester dignes du mandat qui leur est confié, les membres de la commission engagent leur propre responsabilité pour ne pas laisser partir des œuvres qu'il serait un crime de laisser aller à l'étranger.

L'honorable M. Vandenpeereboom, qui s'est montré un réel et zélé protecteur des arts, avait obtenu un subside extraordinaire de 200,000 francs accordé par la loi du 30 juin 1865.

Depuis ce subside extraordinaire, il n'y en a plus eu.

Je ne viens pas en demander un nouveau, car je ne suis pas partisan des subsides extraordinaires, bien que je l'accepterais très volontiers à défaut de mieux ; je voudrais un subside normal plus élevé, plus digne de notre pays.

32,000 francs dont il faut défalquer tant de frais, qu'il n'en reste que 11,000, est une somme dérisoire.

Ce n'est qu'à force d'économie et en reportant les fonds non employés d'un exercice sur l'autre, que la commission a pu faire ses achats depuis cinq ans et encore est-elle aujourd'hui responsable d'une somme de 34,000 francs qui reste à payer.

Trois années donc sont engagées sans qu'on puisse songer à faire, la moindre acquisition.

Cette position est intolérable et l'on ne peut accuser la commission de l'avoir faite. Ses achats ont été excellents, à des prix réellement avantageux et d'ailleurs approuvés par le département de l'intérieur.

En présence de cette situation, j'ai l'honneur de proposer, messieurs, que le crédit alloué au musée des tableaux anciens soit porté au moins à 75,000 francs.

Et que ce chiffre ne nous effraye pas. Ce sont des fonds bien placés. De plus le moment est très favorable pour faire d'excellentes acquisitions qui acquerront une grande valeur et donneront une plus grande importance encore à notre musée.

J'ai l'espoir que l'honorable ministre de l'intérieur, dont je sais les excellentes intentions, ne combattra pas ma proposition et que vous tous, messieurs, vous voudrez bien l'appuyer dans l'intérêt de notre pays, qui doit tant aux arts.

Il est un autre point, messieurs, sur lequel je désirerais attirer l'attention de M. le ministre de l'intérieur.

Il s'agit du musée de la porte de Hal.

L'honorable M. Bergé a beau dire, je trouve ce musée très intéressant et les objets qu'il renferme ne méritent pas tout le dédain qu'il me semble avoir montré pour eux.

L'archéologie n'est pas aussi inutile qu'il le pense. Elle a une immense influence.

Laissant même de côté l'intérêt historique d'une collection d'antiquités, elle en a un autre qui est incontestable.

Des branches nombreuses de l'industrie demandent à l'antiquité, au moyen âge, à la renaissance, ses. modèles. Bijouterie, orfèvrerie, céramique, verrerie, menuiserie, en un mot l'industrie de luxe tout entière ne cesse de s'inspirer du génie du passé.

Un musée tel que celui de la porte de Hal a donc une réelle importance ; c'est une véritable école. Or, ce musée est fermé encore pour longtemps.

Les travaux de ce monument sont cependant fort avances ; l’extérieur peut être promptement terminé. Le mobilier intérieur pourrait être achevé en peu de temps ; et il m'a été assuré que d'ici au mois de juillet le musée d'antiquités et d'armures pourrait de nouveau être ouvert au public, tandis qu'il ne le sera peut-être, au train dont vont les choses, que dans cinq ou six ans.

Pour qu'on pût l'ouvrir immédiatement, il suffirait que M. le ministre de 1'intlérieur voulût bien payer en une fois et non par annuités les 30,000 francs nécessaires pour le mobilier et que M. le ministre des travaux publics voulût bien, de son côté, accorder les 86,000 francs nécessaires pour l'achèvement des constructions.

De cette façon on pourrait achever en quelques mois ce qui, sinon, demandera des années.

Je ferai par la même occasion observer, que le subside pour l'achat d'antiquités et d'objets d'art ayant, comme je l'ai dit, un véritable intérêt au point de vue de l'industrie est complètement insuffisant.

Il n'est mis à la disposition de la commission qu'une somme de 15,000 francs.

Comme pour les tableaux, le moment est favorable, et si l’on ne veut majorer cette somme annuelle, je serais heureux que M. le ministre de l'intérieur, qui s'intéresse aux choses de l'art, voulût bien proposer un crédit extraordinaire de 40 à 50 mille francs.

J'aurais une dernière question à traiter. Je veux parler de la commission des monuments, dont la section centrale me paraît mal apprécier les services.

Je lis, en effet, dans le rapport de cette section :

« La section centrale est d'avis que la commission des monuments devrait être organisée sur d'autres bases et que les dépenses qu'entraîne l'organisation actuelle sont trop considérables. »

Vous avez tous, messieurs, reçu copie de la lettre adressée à M. le ministre de l'intérieur par la commission royale des monuments :

Celte lettre répond victorieusement aux conclusions du rapport de la section centrale.

Qu'il me soit cependant permis d'ajouter quelques réflexions et d'insister d'abord sur les services indiscutables qui sont rendus par la commission des monuments.

L'étendue de sa tâche est immense.

Comme le dit l'excellent rapport du secrétaire de la commission des monuments, M. Rousseau :

« Elle embrasse tout ce qui concerne le service de nos monuments civils et religieux, anciens et modernes, leur entretien comme leur décoration, les questions de dépenses et de matériaux aussi bien que les questions d'art, la garde des traditions du passé en même temps que l'étude des besoins du présent et de l'avenir. »

Comme le dit la lettre dont copie nous a été adressée, le nombre d'affaires qu'elle traite est considérable et s'élève à plus de 700 par an ; ce qui prouve du reste la confiance qu'elle inspire, c'est que les autorités de tout genre la consultent constamment, ce dont peut témoigner, du reste, M. le ministre de la justice auquel rassortissent la très grande partie des affaires relatives surtout à des édifices du culte.

Le service est très compliqué et fonctionne cependant très régulièrement. J'ai vu très souvent ces messieurs à l'œuvre et je me demande en vain de quelle irrégularité on a à se plaindre et quels peuvent être ces soi-disant vices d'organisation.

Qu'il y ait par-ci par-là une plainte individuelle, c'est inévitable, la commission ne pouvant approuver tout ce qu'on lui soumet. Mais encore faudrait-il établir le fondement de ces plaintes qui émanent presque toujours - directement ou indirectement - de personnes intéressées.

Quant aux dépenses qu'entraîne l'organisation de la commission des monuments, voyons ce qu'elles ont d'exagéré.

On n'évalue pas à moins de 6 millions et demi les frais qui se font chaque année pour les travaux exécutés sous son contrôle.

Or, l'allocation de la commission, tout compris, n'est que de 24,000 fr. Son budget ne représente donc même pas un demi p. c. des sommes dont elle surveille l'emploi.

Un contrôle peut-il s'exercer dans des conditions plus économiques ?

Le rapport de la section centrale propose une réduction de 600 francs sur les jetons de présence des membres de la commission, jetons dont le total ne s'élève qu'à 3,600 francs..

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Je prie l'honorable membre de ne pas insister sur ce point, car la réduction de 600 francs dont il parle est, je pense, le résultat d'une erreur de copie. La note que j'ai soumise à la section centrale sur le budget de la commission des monuments porte l'allocation à 24,600 francs, C'est ce chiffre que je prierai la Chambre de rétablir.

M. Hagemans. - Je suis heureux de l'apprendre, car j'aurais vu avec déplaisir faire une économie aussi mesquine.

Je demanderai cependant quelque chose de plus ; je voudrais voir augmenter ce jeton.

Il n'est que de 6 francs, tandis que le jeton de la plupart des commissions, celui de l'Académie, par exemple, est de 10 francs, chiffre auquel vient encore d'être porté le jeton des membres du conseil d'agriculture.

En résumé, il me semble impossible de créer une organisation aussi utile sur des bases plus simples et surtout plus économiques.

Quant à moi, je le répète, je suis persuadé que cette commission remplit admirablement la tâche qui lui incombe, et que la manière dont elle est composée offre toute garantie d'impartialité et de compétence.

Les membres ont été choisis parmi les hommes les plus distingués dont s'honore la Belgique, ingénieurs, architectes, peintres, sculpteurs, archéologues, hommes de lettres.

Je ne doute pas au reste que M. le ministre de l'intérieur qui, en sa qualité d'académicien, doit connaître la valeur des savants qui composent (page 968) la commission et dont la plupart sont ses collègues à l'Académie, ne partagera pas les idées de défaveur qui existent contre la commission.

Je ne doute pas que ses honorables prédécesseurs qui ont vu de près cette organisation n'en prennent la défense. Ils le feront mieux que moi, et je serais heureux de leur en laisser le soin.

- M. Thibaut remplace M. Vilain XIIII au fauteuil de la présidence.

M. le président. - M. Hagemans propose d'élever le chiffre de l'article 120 de 12,985 à 75,000 francs. L'amendement de M. Hagemans a été développé, est-il appuyé ?

- De toutes parts. - Oui ! oui !

M. le président. - Il fait donc partie de la discussion.

M. Vandenpeereboom. - J'ai peu de chose à ajouter aux observations si justes, si claires et trop peu écoutées, selon moi, que vient de présenter l'honorable M. Hagemans.

Je crois donc inutile, messieurs, d'entrer dans de longs développements.

Chercher a démontrer devant cette Chambre que dans un pays comme la Belgique qui doit sa renommée tout au moins autant aux arts et aux sciences qu'au développement de ses intérêts matériels, venir, dis-je, démontrer qu'il faut encourager les arts, ce serait, messieurs, prêcher des convertis.

Nous sommes tous du même avis, sur ce point ; nous voulons que le gouvernement fasse tous ses efforts pour développer, non seulement ce qui concerne l'ordre matériel, mais encore les choses de l'ordre intellectuel.

Mais les meilleures intentions ne sont pas suffisantes pour faire de bonnes choses ; l'enfer lui-même, a-t-on dit, est pavé de bonnes intentions. Il faut donc faire quelque chose et faire beaucoup pour les artistes ; Il faut leur accorder des encouragements.

Sous l'ancien régime, les artistes trouvaient ces encouragements, soit chez de grands seigneurs, soit, dans des corporations, soit dans des couvents, ils avaient au moins cela de bien. Mais de nos jours il n'en est plus ainsi : nous avons encore des millionnaires ; mais, en général, ils aiment beaucoup plus l'éclat de l'or que les splendeurs de l'art, et les artistes ne trouvent pas chez eux un appui bien efficace.

Je crois donc que, surtout dans un pays constitutionnel, le gouvernement doit être un véritable Mécène ; il doit, avec intelligence et dans une certaine mesure, encourager, autant que possible, l'art qui contribue si grandement à la renommée du pays.

L'honorable M. Hagemans vient de présenter une observation fort juste et que j'appuie.

Il a demandé à M. le ministre de l'intérieur de vouloir bien prendre des mesures pour faire achever le monument de la porte de Hal et pour y placer un mobilier convenable ; Il ne faudrait plus pour cela qu'un petit crédit supplémentaire.

Quel est le monument, quelle est même la construction particulière dont, le devis n'ait été dépassé dans une proportion plus ou moins forte ? Ici, l'écart n'est pas considérable et il suffirait, je le répète, d'un crédit peu important pour achever le monument de la porte de Hal.

J'engage donc le gouvernement à profiter de la première occasion qui lui sera offerte, celle d'une demande de crédit pour le département de l'honorable M. Wasseige, pour y glisser le crédit nécessaire a l'effet de terminer la restauration du monument dont je m'occupe.

Il y a très peu de monuments achevés en Belgique ; il faut faire cesser cet état de choses. Cela est d'autant plus désirable, quant au monument de la porte de Hal, que le plan fait et exécuté par M. Beyaert est fort bien réussi, et que l'exécution en est parfaite.

J'engage aussi M. le ministre à pourvoir ce musée d'un mobilier convenable et à ne pas trop viser à l'économie en cette matière. Je le prierai surtout de proscrire absolument le bois de sapin, même proprement peint, et de faire employer le bois de chêne, plus ou moins ouvragé et sculpté pour les boiseries, les vitrines armoires, etc.

Quant au musée des tableaux anciens, dont l'honorable M. Hagemans vient d'entretenir également la Chambre en très bons termes, je crois qu'il y. a là quelque chose de plus à faire que ce qu'on a fait jusqu'à présent, et j'appuierai volontiers l'amendement que l'honorable membre vient de proposer.

Cependant je ne partage pas l'avis de M. Hagemans sur un autre point. Il nous dit qu'il préfère les crédits ordinaires aux crédits spéciaux en matière d'allocations pour les beaux-arts.

Je ne suis pas de cet avis. Je crois, au contraire, que le gouvernement devrait toujours avoir à sa disposition, un crédit spécial, pour augmenter les collectons, soit du musée des tableaux, soit du musée de la porte de Hal, soit de tous autres musées, même de la bibliothèque royale. Voici pourquoi :

Les crédits ordinaires sont assez limités. Or, il se présente des occasions de faire une acquisition dans d'excellentes conditions. C'est ainsi qu'on a fait l'acquisition d'un herbier, il y a quelque temps. Eh bien, les crédits ordinaires sont insuffisants pour faire de semblables acquisitions. Il arrive des moments de crise, par exemple ; les tableaux se vendent à bon marché, on a l'occasion d'enrichir les collections du musée dans de notables proportions, ce sont d'excellentes occasions ; mais pour pouvoir en user, il faut des crédits spéciaux et suffisants. Je fais la même observation pour les collections du musée de la porte de Hal et de la bibliothèque royale.

Or, quand ces occasions se présentent, de deux choses l'une : ou bien, on laisse échapper l'occasion, et alors on en fait un reproche au ministre, ou bien, n'ayant pas de fonds, le ministre prend sur lui de violer la loi et de faire l'acquisition, sauf à demander plus tard un bill d'indemnité. Cela s'est pratiqué souvent, c'est excusable, mais ce n'est pas régulier ; la Chambre ne refuse jamais ce bill d'indemnité, quand l'acquisition a été convenablement faite.

Je crois donc que M. le ministre de l'intérieur ferait bien de demander à la Chambre, comme cela s'est fait autrefois, de lui allouer des crédits spéciaux de 100,000 francs, par exemple, pour les musées de tableaux, de la porte de Hal, la bibliothèque. (Interruption.)

C'est de l'argent très bien placé. D'ailleurs, les acquisitions ne se font pas sans l'autorisation du ministre.

Ce n'est pas avec une somme de 11,000 francs par an qu'un musée peut acheter une belle œuvre d'art. Or, vous dites sans cesse au gouvernement : N'achetez que des chefs-d'œuvre.

Je répète donc que M. le ministre de l'intérieur ferait bien de demander des crédits spéciaux qui restent ouverts pendant cinq ans, pour en faire usage quand les bonnes occasions se présentent.

J'ai un mot à dire encore au sujet de la commission des monuments. Il paraît que la commission n'est dans les bonnes grâces ni du gouvernement, ni de la section centrale. Le gouvernement, avait proposé de diminuer le crédit d'une somme de 600 francs.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - C’est le résultat d’une erreur.

M. Vandenpeereboom. - S'il n'en était pas ainsi, j'aurais dit que c'était une économie bien mesquine.- Je n'insiste pas sur ce point.

La section centrale demande que la commission des monuments soit réorganisée, d'après des bases plus économiques. J'ai lu le rapport de la section ; j'ai lu les notes à l'appui du budget de l'intérieur, et je me suis demandé en vain pourquoi la commission des monuments devait être réorganisée et quelles sont les dépenses de cette commission qui devraient être diminuées.

La commission des monuments est une création due à notre premier Roi. C'est sur l'initiative du Roi Léopold, prise dans une lettre adressée à l'honorable M. de Theux, que la commission a été réorganisée. cette commission fonctionne très bien et rend d'immenses services. Elle mérite des éloges et non un blâme.

J'ai eu de très nombreuses relations, comme bourgmestre et comme ministre, avec la commission des monuments et jamais je n'ai eu à me plaindre d'elle ; je n'ai eu qu'à m'en louer et toutes les communes qui ont reçu les conseils de cette commission en ont été reconnaissantes.

M. Coomans. - Pas toutes.

M. Vandenpeereboom. - Il y a peut être une ou deux communes qui ont cru avoir à s'en plaindre parce que, dans l'intérêt de l'art, la commission contrariait leurs projets ; mais qu'est-ce que cela prouve ?

Je dis donc que je ne comprends pas, et je prie M. le ministre de l'intérieur de me le dire, comment on pourrait réorganiser la commission. Je ne vois pas les améliorations à introduire dans l'organisation actuelle. Cette commission est composée des artistes les plus distingués, des hommes les plus éminents du pays ; ils rendent des services pour ainsi dire gratuits ; et si parfois un architecte, un artiste se plaint de l'intervention de la commission, j'ai eu l'occasion de constater par moi-même que très souvent la commission a parfaitement raison.

Mais cet architecte, cet artiste, comme d'autres qui sollicitent en vain d'être nommés membres de cette commission, se déclarent alors contre le collège et lui font faire la guerre. Quand des artistes présentent des plans qui donnent lieu à des critiques, la commission examine ; elle fait ses observations et naturellement elle se fait généralement, je le répète, un ennemi de l'architecte dont le plan n'a pas été approuvé.

(page 969) Je ne veux pas, messieurs, parler très longuement ; je vois que la Chambre est impatiente ; je me contenterai seulement de faire observer ici que si la commission se mêle de trop de choses, c'est l'affaire du gouvernement. Le gouvernement n'a qu'à pas le consulter ; la commission des monuments est un corps purement consultatif.

Si le gouvernement veut se passer, dans certaines circonstances, de l'avis de cette commission, qu'il s'en passe, mais il ne faut pas pour cela réformer le règlement.

Quant à moi, je suis d'avis qu'il ne peut pas trop consulter la commission ; je crois qu'on fait parfaitement de recourir aux lumières de ces hommes éminents ; après cela, M. le ministre reste libre de suivre ou de ne pas suivre l'avis qui est donné.

Je voudrais, pour ma part, voir consulter la commission des monuments sur une foule de plans, sur une foule de petits édifices auxquels je voudrais voir donner un certain cachet artistique, au lieu de voir construire, comme écoles, comme églises, comme presbytères, ce que vulgairement on appelle un four.

M. Bouvier. - La plupart du temps, on ne fait que des fours.

M. Vandenpeereboom. - D'après moi, tous ces petits monuments éparpillés sur la surface du pays, dans les communes, répandent le goût et relèvent en quelque sorte les institutions qui ont pour domicile ces petits monuments.

C'est pour ce motif que si j'avais été présent lors de la discussion du crédit pour construction d'écoles, j'aurais cherché à combattre la tendance de M. le ministre qui veut réduire trop les dépenses pour les écoles. Je désire, moi, avoir de belles écoles, afin que les communes puissent dire qu'elles ont dans leur église, dans leur presbytère et dans leur école un petit monument qui puisse, dans une certaine mesure, être imité dans les constructions particulières.

Du reste, messieurs, je prie l'honorable ministre de l'intérieur, s'il se rend à l'invitation de la section centrale, qui consiste à réorganiser sur d'autres bases la commission des monuments, à y bien réfléchir, parce que, souvent en voulant réorganiser on désorganise, et la réorganisation de la commission des monuments pourrait bien être une désorganisation. Je l'invite donc à réfléchir, avant de prendre une décision à cet égard.

Quant à la question financière, messieurs, aux dépenses qu'entraîne l'organisation actuelle, je n'y vois rien à réduire.

Je voudrais bien savoir ce qu'on pourrait réduire sur le personnel. Il y a un secrétaire et quatre employés qui coûtent ensemble 12,500 francs. Le secrétaire a un traitement de 5,000 francs, c'est M. Rousseau, que tout le monde connaît et qui est un de nos hommes de lettres les plus distingués, des plus remarquables ; c'est un critique d'art, qui est très apprécié dans tout le pays ; c'est à ma demande, permettez-moi de prendre sa défense avec chaleur, c'est à ma demande qu'il a consenti à quitter une position à Paris pour revenir dans son pays rendre des services, et surtout rendre des services à la commission des monuments.

Je demanderai si c'est le traitement des autres employés qu'on peut réduire. Il y a un commis rédacteur dont le traitement est de 1,800 francs, un employé qui touche 1,700 francs. Le commis rédacteur est à la commission des monuments depuis dix ans. Ces fonctions n'offrent aucune chance d'avancement. Si ces employés étaient dans une autre administration, ils deviendraient chefs de bureau, chefs de division. Là ils sont pour ainsi dire immobilisés et, au lieu de réduire leur traitement, on devrait l'augmenter.

Quant aux jetons de présence des membres, aux frais de route et de séjour, est-il possible de faire là des réductions ? Peut-on faire des réductions sur la somme de 2,000 francs destinée à couvrir les dépenses de la bibliothèque, du chauffage, des frais de bureau, des frais d'impression et d'achat d'instruments. Evidemment non. Déjà aujourd'hui la commission, je le sais, renonce à une partie de ses jetons de présence pour pouvoir augmenter les collections de la bibliothèque, collections utiles qu'elle communique aux architectes de province.

Je crois donc que, sous tous ces rapports, il n'y a pas la moindre réduction à faire et je répète que je ne comprends pas sous quel rapport on demande une réorganisation.

Je prie donc instamment l'honorable ministre de bien vouloir mûrement y réfléchir.

Je le répète, en voulant réorganiser, souvent on désorganise et par la lettre qui lui a été adressée, l'honorable M. Kervyn peut constater les services que rend la commission des monuments.

M. Jottrand. - J'ai demandé.la parole hier, lorsque j'ai entendu l'honorable M. Kervyn de Volkaersbeke proposer d'augmenter les allocations qui figurent au budget pour les conservatoires et notamment pour le conservatoire de Gand. Je n'ai nullement le désir de m'opposer à la proposition de l'honorable M. Kervyn. Je veux seulement communiquer à la Chambre une pensée qui m'est venue au moment où il formulait sa proposition.

La Belgique vient de perdre un homme dont la science en matière musicale faisait notre orgueil. C'était, de l'aveu de tout le monde, l'homme le plus savant, en fait d'histoire de l'art musical, que l'Europe comptât en ce moment. Il a consacré soixante années de sa vie à réunir une bibliothèque qui, pour cette histoire, est unique en Europe. Il serait fâcheux que le résultat d'un pareil travail, d'efforts si longs et si consciencieux fût perdu, que cette bibliothèque vînt à se disperser.

C'est pour cela que j'engage fortement M. le ministre de l'intérieur à porter son attention de ce côté et à ne pas hésiter à faire la dépense que nécessiterait l'acquisition de cette bibliothèque si remarquable.

On a récemment satisfait au désir des botanistes en achetant à très haut prix l'herbier du célèbre Martius, la Flora Brasiliensis et d'autres herbiers encore. Je crois que l'art musical et surtout l'histoire de l'art doit jouir du même privilège qu'a eu la botanique et qu'une collection aussi remarquable que celle dont je viens de parler doit être envisagée, par l'administration de l'intérieur, d'un œil aussi favorable que l'a été la collection du savant botaniste de Munich.

M. Bergé. - Messieurs, en matière d'administration des beaux-arts, il y a beaucoup à faire dans notre pays. L'éducation artistique, l'organisation des musées, toute l'administration des beaux-arts doivent appeler l'attention du gouvernement et faire l'objet de réformes urgentes.

Les musées des provinces sont en général excessivement médiocres ; il s'y trouve beaucoup d'œuvres dont le gouvernement se débarrasse et ce n'est que par exception que l'on y trouve une œuvre remarquable.

Il en est quelques-unes que l'on regrette vraiment d'avoir vu envoyer en province en si mauvaise compagnie ; mais, je le répète, ce sont des exceptions.

Quant au musée de la capitale, à côté d'œuvres de premier ordre, il y en a beaucoup d'autres qui n'y sont pas à leur place.

Ce que l'on peut dire comme critique générale de ce musée, c'est qu'il ne donne pas une idée exacte de l'art belge.

Ainsi, David a joué un grand rôle dans l'art, trop grand à mon avis, mais cette influence qu'il a exercée devrait lui donner une place importante dans le musée moderne ; eh bien, il n'en est rien ; à part un petit portrait qui ne peut donner une idée de la manière de faire de cet artiste.

Géricault n'est pas représenté au musée moderne et cependant on avait pu, pour quelques centaines de francs, se procurer le Carabinier que le musée du Louvre s'est empressé d'acheter.

Gallait, Verwée, Meunier et tant d'autres artistes de talent ne sont pas représentés ou sont représentés d'une manière tout à fait insuffisante.

L'école d'Anvers brille par son absence ; Wappers n'a rien, sauf son dernier tableau, la Mort de Charles Ier.

Cette œuvre, très discutée, a été commandée à l'artiste lorsqu'il était déjà arrivé à un âge avancé et a coûté 25,000 francs.

Les œuvres de De Keyser, de Mme O'Connell n'y figurent absolument pas.

De Florent Willems, un spécimen qui est un tableau très médiocre et qui ne fait nullement connaître les mérites de l'artiste.

D'Alfred Stevens, il y a une esquisse alors qu'on a laissé passer son tableau la Consolation.

En général les acquisitions se font par l'entremise d'un marchand, ou bien elles se font après la mort de l'artiste. C'est ainsi qu'on a acheté une œuvre de Leys 50,000 francs, les Trentaines de Berthal de Haze qui n'est pas très bien conservée et qui, dans tous les cas, a été achetée à un très haut prix, parce qu'elle a été achetée après la mort de l'artiste.

Il est constant qu'un tableau qu'on pourrait obtenir pour 12,000 ou 13,000 francs du vivant de l'artiste atteint des prix très élevés à la mort de son auteur.

Le charmant tableau de Madou, le Trouble-fête, n'a coûté, je pense, que 12,000 francs. Il en vaudra 50,000 à la mort de M. Madou.

On voit, au musée, un tableau de Stevens, qui ne donne qu'une idée tout à fait imparfaite de ce qu'il peut produire, la Dame rose, et il a coûté 16,000 francs.

M. Coomans. - C'est beaucoup trop cher.

(page 970<) M. Bergé. - De Florent Willems, une acquisition faite par un marchand.

De Gallait, vous avez la reproduction d'une œuvre, d'un tableau qui se trouve dans les galeries de la reine de Hollande, Jeanne la Folle.

Cette acquisition, qui a coûté fort cher, n'est pas digne du musée moderne ni de l'artiste éminent dont la Belgique s'honore.

De Delacroix une esquisse qui a coûté 22,000 francs.

M. Coomans. - C'est du gaspillage.

M. Bergé. - Mais pas une œuvre achevée.

Cette esquisse peut représenter sa valeur, mais il n'y a point d'œuvre achevée qui puisse servir de point de comparaison pour apprécier Delacroix.

Je comprends l'esquisse lorsqu'elle vient se rattacher à d'autres œuvres, pour faire connaître une certaine façon de faire, mais une esquisse n'est évidemment qu'une représentation insuffisante d'un artiste.

D'Ingres, un tableau de 6,000 francs.

De Decamps, une œuvre qui n'est qu'un dessin et qui a coûté 29,000 fr.

Or, ceux qui connaissent Decamps savent que l'on ne peut pas le juger sur un dessin. Cela est possible pour Ingres, mais pas pour Decamps.

Il y a, au musée moderne, énormément de tableaux de Navez. Pourquoi cette multiplicité de tableaux ?

L'Agar dans le désert est une œuvre qui donne la valeur du maître, mais on en a acheté beaucoup d'autres dont le mérite est de beaucoup inférieur.

Cependant Navez était un portraitiste hors ligne. Il aurait donc fallut pour le faire connaître sous toutes ses faces, mettre, à côté de ses grands tableaux historiques et religieux, un portrait, parce que c'était une de ses originalités. Il y en a eu un dans le temps. Il a disparu. C'est fâcheux.

Généralement, messieurs, on attend la mort des artistes avant d'acheter leurs œuvres. On a fait ainsi pour Leys, Delacroix, Descamps, De Groux, De la Charlerie.

De la Charlerie avait exposé à Bruxelles un portrait de son père et Lazare à la porte du mauvais riche, une œuvre qui dans le monde artiste a produit un certain effet et dans laquelle tout le monde a reconnu un artiste hors ligne. De la Charlerie a été découragé ; il est parti pour Paris ; il a fait des dessins sur bois. C'est après sa mort que la direction des beaux-arts s'est rappelé qu'il était un artiste de mérite et l'on a acheté l'œuvre à la vente mortuaire et, par conséquent, on l'a payée relativement cher, quand on pouvait l'avoir pour peu de chose du vivant de l'artiste.

Tout devrait porter le gouvernement à acheter des tableaux du vivant de l'artiste ; d'abord la mort de l'artiste hausse immédiatement le prix de ses œuvres ; ensuite l'artiste qui recevrait une commande du gouvernement, sachant que son tableau doit figurer au musée moderne, tiendrait à honneur de fournir une œuvre convenable et à un prix raisonnable. Si vous attendez que cette œuvre ait passé par les mains des marchands, vous devrez payer beaucoup pour avoir cette même œuvre. Ainsi on a négligé d'acquérir bien des œuvres de Degroux, alors que Degroux avait tant de beaux tableaux qui auraient pu être acquis pour le musée moderne dans des conditions peu onéreuses ; il suffit de citer l'Hiver, les Flâneurs et l'Ivrogne que la direction des beaux arts a laissés passer en d'autres mains.

L'administration des beaux-arts se livre à certains trafics fort singuliers. Des tableaux de Clays et de Portaels ont été échangés contre d'autres œuvres présentées par des marchands. La fameuse copie de Gallait a été achetée, avec un tableau de Portaels, la Loge au théâtre de Pesth, pour la somme de 37,000 francs, mais à condition d'y joindre la Sécheresse en Judée, de Portaels. Voilà de ces trafics que je ne comprends pas. Autant en argent, autant en nature ; ce sont là des combinaisons que l'on conçoit fort bien de la part de marchands, mais qui sont contraires à la bonne administration de la part du gouvernement.

II serait assez curieux de voir produire ici le catalogue des œuvres d'art qui ont été achetées depuis 1830 et de savoir à quel prix ces différentes œuvres ont pu être acquises. Ce serait là un renseignement plein d'intérêt. Une observation encore ; ne conviendrait-il pas de réunir toutes les œuvres de nos artistes belges ; ainsi, l'Abdication de Charles-Quint de Gallait, ainsi que la Bataille de Woeringen de De Keyzer ; les Hommes illustres de De Biefve ; la Révolution de 1830 de Wappers ; voilà des tableaux de premier mérite ; tous ces tableaux devraient figurer dans le musée moderne, afin que l'on pût juger immédiatement de la valeur de l'école belge.

Il y a donc nécessité de réunir dans un local convenable toutes ces œuvres qui font la gloire de notre pays.

La commission des beaux-arts est chargée de l'acquisition des tableaux anciens et elle a dans ses attributions la direction du musée moderne.

Mais elle n'a pas l'acquisition des tableaux pour ce musée ; je ne demande pas que cette commission soit chargée de l'acquisition des tableaux modernes, car s'il faut en croire ce que l'on rapporte, les acquisitions pour le musée ancien n'auraient pas toujours été faites dans les meilleures conditions possibles ; mais il y a quelque chose d'étrange à voir administrer le musée par une commission qui n'est pas chargée de l'acquisition des œuvres qui doivent le composer. II y a là une réforme à établir.

La direction des beaux arts se trouve être confiée à des employés du ministère et on y arrive par voie hiérarchique ; après avoir fait de la statistique, de l'administration, on prend tout à coup la direction des beaux-arts et c'est ainsi qu'on voit un beau jour réunir les directions de l'agriculture et des beaux-arts.

Vous vous rappelez, messieurs, qu'à cette Chambre, l'honorable M. Pirmez semblait justifier en quelque sorte cette combinaison en disant que tout ce qui se rapportait à l'agriculture et aux beaux-arts sentait un peu la carotte et pouvait rentrer dans la même catégorie. J'espère qu'il n'en est pas ainsi et que le rapprochement n'a rien de sérieux.

Dans tous les cas, il me paraît qu'il n'y a pas de connexité entre l'administration des beaux-arts et l'agriculture, et qu'il faudrait immédiatement y mettre un terme. Car, évidemment, tout ce qui concerne les beaux-arts a trop d'importance en Belgique pour qu'il ne soit pas indispensable de soustraire cette administration aux légitimes critiques dont elle est aujourd'hui l'objet dans le public et dans la presse.

Il ne faut pas que l'administration des beaux-arts se trouve placée entre les mains de personnes qui ont beaucoup d'autres préoccupations ; il ne faut pas non plus que cette administration constitue, comme elle l'a été pendant si longtemps, une espèce de succursale du bureau de bienfaisance ; il ne faut pas qu'on donne des encouragements à des artistes malheureux qui, bien souvent, sont de malheureux artistes. Il faut, en résumé, ne consacrer les crédits qu'à l'acquisition d'œuvres réellement sérieuses et que le pays puisse consacrer comme modèles pour ses artistes ou comme témoignage de la valeur artistique du pays.

Encore quelques observations et je termine.

En matière de concours, on voit trop souvent charger de l'exécution des plans adoptés par les jurys, non pas les auteurs de ces plans, mais l'un ou l'autre des concurrents ou même des artistes qui n'ont pas même concouru.

Je pourrais justifier, par plus d'un exemple, cette assertion.

Enfin, l'éducation artistique, dans notre pays, me semble devoir être réformée ; ce qu'il faut surtout, c'est laisser beaucoup plus de liberté à l'artiste.

L'académie d'Anvers, fondée par Teniers, n'a véritablement rien produit ; sa création a été presque le signal de la décadence de l'art flamand, et sa réorganisation n'a pas modifié cette situation. On enseigne bien des branches dans cette académie ; certes, je ne prétends pas que cet enseignement soit inutile, mais je dis que parmi les branches d'étude, il en est plusieurs qui ne sont nullement indispensables. L'inconvénient grave que présente cet enseignement, c'est de couler tous les artistes dans le même moule, c'est de leur enlever toute originalité, toute spontanéité.

L'histoire, l'archéologie, les mathématiques appliquées, ce sont là des branches qui méritent certainement d'être étudiées ; mais, si l'on se place à ce point de vue, il y aurait bien d'autres branches encore à enseigner ; ainsi, la chimie : l'artiste n'est-il pas intéressé à connaître la composition des couleurs, des vernis ? la physique ne lui est-elle pas également utile pour connaître les effets de la lumière ? Toutes ces connaissances donc ont leur degré d'utilité ; mais je crains fort, je le répète, que si l'on en fait l'objet de cours spéciaux, on n'aboutisse à ce résultat de détruire chez l'artiste toute spontanéité.

On aura fait des hommes instruits, mais à qui il manquera la qualité principale de l'artiste. Que dire de l'enseignement du paysage donné dans les locaux de l'académie ?

Ne cherchons pas trop, messieurs, à former des peintres qui s'appliquent avant tout à reproduire avec une fidélité scrupuleuse de détails, des scènes d'époques lointaines. S'il leur arrive de vouloir reproduire quelque épisode du passé, ils trouveront dans des livres spéciaux tous les renseignements qui leur sont nécessaires ; que faisaient nos grands maîtres de l'école flamande ? Sans se préoccuper des costumes de l'époque, ils se laissaient aller librement à leur inspiration, à leur spontanéité et aujourd'hui encore nous admirons leurs œuvres sans songer à critiquer les incorrections de détail qui peuvent s'y être glissées.

Ainsi, l'artiste qui se préoccupe trop des règles de la perspective fera généralement moins bien que celui qui se laissera aller plus librement à (page 971) son inspiration, sans chercher à observer les lois de la perspective avec une exactitude mathématique.

Il y a des perspectives parfaitement exactes qui, par une illusion d'optique, font un détestable effet dans un tableau.

La peinture d'histoire, dont vous préconisez la valeur, doit être avant tout pour l'artiste la représentation de son pays et de son époque, elle doit être caractérisée par un esprit d'originalité. C'est par là qu'elle pourra briller.

On peut appliquer les mêmes critiques à l'architecture ; on prend pour modèle le style romain ; on impose certaines règles traditionnelles aux artistes et l'originalité est sacrifiée. On les pousse à employer les matériaux étrangers et les pierres du pays sont trop souvent repoussées.

L'artiste imite l'architecture des peuple voisins, il méconnaît l'art national où il pourrait briller.

En somme, je dis que l'art ne peut subir aucune espèce de contrainte ; que l'art doit être laissé à toute sa spontanéité. Je me résume, en demandant qu'à l'avenir, au point de vue de l'éducation artistique, ces deux mots « art » et « liberté » soient la représentation du programme, de toutes les écoles ; le meilleur encouragement qu'on puisse donner à l'art, c'est de lui permettre de se développer sans entraves, en toute liberté.

M. De Lehaye, rapporteur. - Messieurs, je ne connais aucun membre de la commission des monuments ; ce que je vais dire n'est donc nullement dicté par des considérations personnelles.

La section centrale a pensé qu'il y avait lieu de réorganiser la commission, de manière à l'empêcher de s'occuper encore dans l'avenir de certains travaux auxquels elle se livre maintenant et qui ne lui compétent pas.

Vous savez, messieurs, que le premier arrêté d'institution de la commission des monuments en Belgique émane du roi Guillaume. L'arrêté disposait qu'une commission serait créée, à l'effet de donner son avis sur les monuments qu'elle désigne, tels que églises, hôtels de ville, etc., en un mot sur tous les objets destinés à perpétuer le souvenir d'une grande époque ou d'un grand homme qui avait rendu des services éminents au pays.

Mais est-ce de cela que s'occupe la commission des monuments en Belgique ?

Chaque membre de la Chambre a reçu un exemplaire d'un rapport sur les travaux auxquels se livre la commission. Ces travaux sont immenses, La correspondance est très étendue, et je comprends qu'en présence de tous ces travaux on puisse dire avec raison que l'allocation inscrite au budget n'est pas suffisante.

Mais si, d'un autre côté, on considère les travaux auxquels la commission devrait se livrer, on est amené à reconnaître qu'on pourrait réduire l'allocation.

Je dis que la commission s'occupe d'objets qui ne devraient pas réclamer ses soins et son temps. Ainsi nous avons vu la commission se rendre dans des petits villages où il n'y avait pas le moindre monument à restaurer, mais où il y avait seulement une amélioration à faire au presbytère. Or, les presbytères ne sont pas au nombre des grands objets désignés dans l'arrêté du roi Guillaume.

Est-il nécessaire que la commission de Bruxelles se rende en province pour donner son avis, sur quoi. ? Sur une cuisine, sur une adjonction à faire à un presbytère. (Interruption.)

Le fait que je cite m'a été signalé par une personne qui en a été témoin.

Je comprendrais parfaitement qu'on envoyât une personne ayant des connaissances spéciales pour donner son avis sur des constructions nouvelles ayant une certaine importance. Je comprendrais aussi qu'au besoin toutes les constructions dépendant des villes ne pussent être exécutées sans l'avis préalable d'une commission.

Mais on ne doit pas envoyer un membre de la commission de Bruxelles. Pourquoi n'enverrait-on pas un membre de la commission provinciale, ayant une grande expérience, pour donner son avis sur la construction d'un presbytère ? (Interruption.)

Je répète à l'honorable M. Bouvier qui m'interrompt, que ce que je viens de dire existe. On a vu un membre de la commission appelé dans une commune, pour donner son avis sur des travaux qui n'avaient aucun caractère monumental.

Eh bien, si la section centrale a demandé que l'arrêté organique de la commission des monuments fût révisé, c'est précisément pour que la commission rentrât dans ses attributions, et qu'elle ne fût pas obligée de se déplacer désormais pour des objets de minime importance.

Je pense que, si le gouvernement voulait limiter les travaux de la commission à ceux qui sont indiqués dans l'arrêté du roi Guillaume, incontestablement le travail des membres de la commission serait singulièrement réduit. Et, dans ce cas, on trouvera peut-être le moyen de réduire les dépenses.

Je crois donc, messieurs, que si la commission des monuments limitait son travail aux objets qui lui ont été indiqués, elle pourrait réduire son travail. Ce serait là une source d'économies, parce que je suis convaincu que, dans ces conditions, on pourrait parfaitement limiter les subsides.

M. Bouvier. - Messieurs, ce n'est pas sur la commission des monuments que je désire parler ; j'ai demandé la parole pour dire quelques mots sur l'amendement présenté par l'honorable M. Kervyn.

M. le président. - M. Kervyn n'a pas présenté d'amendement.

M. Bouvier. - Comment ! mais il l'a longuement développé hier.

M. le président. - Je croyais, M. Bouvier, que vous vouliez parler d'un amendement de M. le ministre de l'intérieur.

M. Bouvier. - Je ne présenterai, messieurs, que quelques observations.

M. le président. - Ne pourriez-vous pas prendre la parole sur l'article ?

M. Bouvier. - Oui, M. le président, je suis à la disposition de la Chambre.

M. Pirmez. - L'honorable M. Bergé vient de se livrer à une longue série d'attaques contre tout ce qui a été fait au département de l'intérieur en matière de beaux-arts. Je n'ai qu'une petite part de ces attaques, puisque je n'ai été qu'un temps assez court à la tête de ce département. Mais j'en connais assez cependant pour pouvoir dire que les critiques dirigées par M. Bergé sont complètement dénuées de fondement.

Il n'y a pas d'administration dans le pays, messieurs, qui soit en butte à plus d'attaques que l'administration des beaux-arts parce qu'il n'y a pas d'administration qui ait à rencontrer plus de susceptibilités non seulement d'intérêts, mais surtout de vanités, et qui s'attire ainsi plus d'inimitiés.

M. Bergé s'est fait ici, bien involontairement sans doute, l'écho de ces plaintes qui sans cesse se produisent et se produiront toujours. Nous avons vu du reste, à toutes les époques, des plaintes de ce genre s'élever dans cette Chambre.

Messieurs, ce qui vous prouvera surtout combien sont peu fondés les reproches de l'honorable M. Bergé, ce sont les étranges contradictions dans lesquelles l'honorable M. Bergé est tombé.

Il nous dit qu'il ne faut pas que l'administration des beaux-arts soit un bureau de bienfaisance et qu'il distribue des secours aux artistes. Je suis parfaitement d'accord avec lui sur ce point. Mais quand j'entends en même temps l'honorable membre venir blâmer l'administration des beaux-arts de payer des prix élevés pour certains tableaux, je dis qu'il est en contradiction avec le principe qu'il a émis. En effet, quand on paye des prix élevés pour des tableaux, c'est qu'on achète des tableaux de maîtres, d'artistes qui n'ont pas besoin de recevoir de secours du gouvernement, qui peuvent vendre facilement leurs tableaux.

Pourquoi paye-t-on cher un tableau de Leys, de Delacroix, de Stevens, de Willems ? Mais parce que l'on n'est pas en présence d'artistes qui ont besoin de subsides, mais d'artistes dont les œuvres sont recherchées.

M. Bergé. - Pourquoi les achetez-vous après la mort des artistes ?

M. Pirmez. - Je vais y venir ; ne mêlons pas des questions distinctes.

Je voulais constater d'abord qu'il y a contradiction à venir reprocher au gouvernement de faire des acquisitions à prix élevés pour les œuvres des premiers artistes et à prétendre en même temps qu'on fait de l'administration des beaux-arts un bureau de bienfaisance publique.

Mais, dit l'honorable membre, pourquoi n'achetez-vous pas des tableaux des peintres vivants ?

Mais, messieurs, on achète beaucoup de tableaux du vivant des peintres, et l'honorable M. Bergé me paraît ignorer complètement les faits.

De Groux, qu'il a cité, a au musée deux de ses tableaux qui sont incontestablement ses œuvres les plus remarquables : le Prêche de Julius et la Mort de Charles-Quint.

De Groux n'a pas, je crois, produit des tableaux plus importants et on les a achetés de son vivant.

Lorsque De Groux est mort, et il est malheureusement mort très jeune il a laissé un certain nombre de tableaux. Le gouvernement devait-il refuser de les acheter ? Il a trouvé à les acheter dans des conditions convenables ; je ne crois pas qu'il les ait payés plus cher qu'il ne les aurait payés du vivant de l'artiste.

M. Bergé est bien ici un peu en défaut d'exactitude.

(page 972) Je passe à Leys. Deux des trois tableaux de cet artiste éminent qui sont au musée ont été achetés de son vivant ; mais ce point n'est rien ; n'a-t-on pas commandé à Leys sa plus grande œuvre, les tableaux de l'hôtel de ville d'Anvers ; ces tableaux ont naturellement été commandés à l'artiste vivant, il serait difficile de faire une commande à un mort. Mais ce n'est pas tout. Deux grandes compositions avaient été commandées a Leys pour l'hôtel de ville de Bruxelles et en même temps deux tableaux pour le musée ; ces commandes devaient lui être payées, si je ne me trompe, 200,000 francs.

On avait donc, suivi votre système, monsieur Bergé. Mais le gouvernement ne pouvait soustraire M. Leys à la mort, ni vous non plus. Leys n'ayant pu exécuter ces grandes commandes, nous avons suppléé au défaut d'exécution de la commande par l'acquisition du troisième tableau qui est au musée. Et je demande ce qu'aurait fait M. Bergé ? On avait suivi son système de faire une commande du vivant de l'artiste ; cettte commande n'ayant pu être exécutée, devait-on renoncer à acheter le tableau ? J'ai pensé le contraire et j'ai fait l'acquisition des Trentaines de Berthal de Haze à un prix élevé, je le reconnais ; mais blâmerez-vous cette acquisition ?

Ce n'est qu'après de longues négociations, après avoir essayé longtemps d'obtenir une réduction de prix, que le gouvernement a consenti à acquérir ce tableau.

Ce tableau avait une importance particulière. C'était, d'après les connaisseurs, une des plus belles œuvres de l'artiste ; ce tableau avait en outre, dans l'histoire de Leys lui-même, une valeur exceptionnelle. Ce tableau est celui que Leys a envoyé à l'exposition de Paris de 1865 et qui lui a fait obtenir la grande médaille d'honneur et lui a valu une réception triomphale de la part de ses concitoyens. Ce tableau, à ces divers titres, devait figurer au musée de l'Etal.

Voilà pourquoi j'ai pensé qu'il fallait se résigner à un sacrifice même considérable pour l'acquérir, et s'il n'avait pas été acquis, le gouvernement eût certainement été blâmé.

L'honorable M. Bergé a vraiment des procédés très commodes. Lorsque les tableaux d'un peintre augmentent de prix, il s'écrie : Quelle faute ! Comment n'a-t-on pas acheté plus lot ? C'est un raisonnement que l'on fait souvent dans les affaires industrielles. On s'étonne, lorsqu'on voit des valeurs recherchées à des prix élevés, qu'on n'en ait pas voulu quand elles se cotaient à bas prix ; on oublie, quand on peut comparer le présent au passé et qu'on regrette ce qu'on n'a pas fait, qu'on ne pouvait prévoir alors cet avenir qui est devenu le présent.

De la Charlerie, le troisième peintre cité par M. Bergé, est, comme De Groux, mort très jeune ; il avait en 1869 exposé quelques tableaux qui avaient été remarqués et, si mes souvenirs me servent bien, le gouvernement est entré en négociation avec lui. Il meurt. On a acquis un ou deux de ses tableaux et je ne crois pas qu'il y ait rien eu d'exagéré dans le prix.

Voilà les trois noms que l'honorable M. Bergé a cités et vous voyez qu'il a été malheureux en les citant. (Interruption de M. Bergé.)

Oh ! ne confondons rien. Nous arriverons successivement à vos différents points.

Vous avez cité ces trois artistes en nous reprochant de ne pas leur avoir fait d'acquisition pendant leur vie ; on voit ce qui en est.

Je viens à votre autre question. Vous avez dit que le musée ne renferme pas ce que vous voudriez d'Ingres de Géricault, de David, de Delacroix. Je le sais.

Mais avec quelles sommes l'honorable membre pense-t-il que l'on pouvait acquérir non seulement les chefs-d'œuvre de nos peintres, mais les chefs-d'œuvre de ces grands peintres étrangers ? Quelle somme faudrait-il mettre au budget ?

Il est extrêmement facile de critiquer un musée en indiquant ce qui ne s'y trouve pas. Je suis le premier à reconnaître qu'il manque à notre musée national une multitude de tableaux et qu'on pourrait le faire beaucoup plus beau, mais à quelles conditions et à quel prix !

Ce que vous devez démontrer, c'est qu'on pouvait faire beaucoup mieux avec la somme dont on disposait et faire cette démonstration en se plaçant aux époques où l'on a acquis.

L'honorable membre croit-il que le gouvernement, en achetant des tableaux de Delacroix, de Decamps, a fait une mauvaise opération ? Ces acquisitions me sont étrangères, mais on m'a souvent assuré qu'avant les événements de guerre, on pouvait revendre ces tableaux avec bénéfice, parce que après que l'on a fait ces acquisitions, ces tableaux ont augmenté considérablement de prix. Si l'on a mal fait d'acheter ces œuvres, la faute serait singulièrement légère parce qu'on pourrait se mettre dans la même position que si l'on n'avait pas acquis en faisant encore un bénéfice !

M. Bergé voudrait-il qu'on revendît ces œuvres ?

M. Bergé a fait une autre critique ; selon lui, on a commis une énormité en échangeant un tableau ; on a acquis un tableau de Gallait (qui est bien de Gallait, quoi qu'en dise l'honorable membre en se faisant l'écho de je ne sais quels bruits) et avec ce tableau un tableau de Portaels, et outre le prix payé en argent, on a remis un tableau de Portaels.

Pourquoi cela a-t-il été fait ? C'est parce que, de l'avis de l'artiste même, ce tableau n'était pas l'œuvre qu'il désirait voir de lui au musée.

Vous reprochez au gouvernement de laisser au musée des œuvres qui ne sont pas dignes d'y figurer et lorsqu'on profite d'une occasion pour faire disparaître une œuvre inférieure pour la remplacer par une œuvre supérieure du même peintre, vous vous plaignez ! (Interruption.)

Vous demandez pourquoi on a acheté l'œuvre cédée. Lorsqu'on a acheté cette œuvre, l'école belge n'était pas développée comme elle l'est aujourd'hui ; l'artiste a fait mieux et on a remplacé une œuvre moins bonne par une œuvre meilleure du même peintre.

L'honorable membre est venu relever, à deux ou trois ans de distance, un jeu de mots qui n'est pas de moi mais qui avait été indiqué par un de mes honorables amis et que j'ai repris.

M. Bergé est un homme trop intelligent pour ne pas savoir que lorsqu'on détache ainsi une plaisanterie, qui s'expliquait par le ton et la portée du discours, pour la présenter isolément comme une chose sérieuse, on dénature complètement la pensée de celui qui a parlé..

Et cependant, M. Bergé pense qu'il n'y avait pas d'autre raison pour que les directions des beaux-arts et de l'industrie fussent réunies !

M. Bergé trouve qu'il y a là une incompatibilité, mais il y aurait donc incompatibilité aussi pour le ministre qui est à la tête de ces deux directions !

L'incompatibilité existerait également pour M. Bergé qui, cependant, a fait un discours sur le musée de l'industrie et, en même temps, sur le musée des beaux-arts.

L'honorable membre nous a donné la preuve vivante et parlante que cette incompatibilité n'existe pas. (Interruption.)

Vous donnez des conseils, vous voulez les faire adopter ; vous voulez ainsi donner le système que l'administration doit suivre ; c'est au moins aussi grave que d'être à la tête d'une direction générale du ministère.

Je crois que vous seriez très capable de diriger les beaux-arts, parce que vous émettez des idées générales, dont beaucoup sont très justes, mais si vous étiez chargé de le faire, au lieu d'accepter certaines critiques qui reposent sur des erreurs manifestes, vous sauriez d'où elles partent, vous connaîtriez les difficultés de cette administration, et vous apprendriez à être moins rigoureux.

Mais je suppose qu'il y ait incompatibilité entre la direction des beaux-arts et la direction de l'industrie et de l'agriculture. Que faudrait-il faire ? M. le ministre de l'intérieur devrait nommer un directeur général de l'industrie et de l'agriculture en déchargeant de ce service le directeur actuel des beaux-arts ; quel bien cela produirait-il ?

La direction de l'agriculture et de l'industrie demande au directeur général, sauf dans des circonstances exceptionnelles, un travail qui ne l'absorbe nullement ; qu'avec les beaux-arts et les lettres, il dirige en même temps un autre service, quel inconvénient cela offre-t-il ? Le point important, c'est qu'il possède l'intelligence, l'intégrité et l'indépendance nécessaires à ces délicates fonctions, et c'est incontestablement ce qui est.

Laissons ces critiques ; elles ne sont pas dignes de l'honorable membre.

M. Dumortier. - Messieurs, je crois que l'honorable M. Pirmez a eu tort de prendre en quelque sorte comme un fait personnel ce qu'a dit l'honorable M. Bergé.

Bien que je n'approuve pas toutes les idées de l'honorable M. Bergé, je crois qu'il y a beaucoup de vrai dans ses observations et qu'il est nécessaire d'apporter des améliorations considérables dans tout ce qui se rapporte à nos collections artistiques.

On ne peut méconnaître, messieurs, que les belles acquisitions qui ont été faites l'ont été sur commande.

L'Abdication de Charles V, par Gallait, les grands tableaux de Wappers et de De Keyzer ont été faits sur commande.

Comment procède-ton pour le musée moderne ? Soit en commandant des tableaux à des artistes qui n'ont pas de nom, soit en achetant les tableaux de ceux qui ont un nom chez les marchands. Il en résulte que l'on paye les tableaux plus cher que si on les achetait à l'artiste lui-même et que très souvent on vous donne une œuvre secondaire en vous faisant accroire qu'elle est de premier ordre.

Je crois que la commission chargée des beaux-arts n'est pas du tout à la hauteur de sa mission. Elle renferme peu d'amateurs réels.

(page 973) La plupart de ses membres ne connaissent ni le prix des œuvres modernes, ni celui des œuvres anciennes. Aussi, l’on achète à des prix excessivement élevés.

Je ne suis pas de l'avis de l'honorable M. Bergé lorsqu'il engage le gouvernement à faire un musée qui comprendrait les œuvres des écoles étrangères. Avant de songer aux œuvres des artistes étrangers, nous devons, messieurs, nous occuper de l'école nationale.

Avant d'acheter des tableaux de Delacroix, d'Ingres, commençons par avoir des œuvres de premier ordre d'artistes belges.

J'ai visité le musée moderne, et je dois le dire, un grand nombre de nos artistes distingués n'y figurent pas, d'autres n'y sont représentés que par des œuvres secondaires qui ont été achetées à des marchands.

Comment est-on parvenu en France a faire ce musée moderne si remarquable ?

Il y a deux procédés : pour la grande peinture, les commandes aux artistes ; pour la petite peinture, l'achat avant l'ouverture des expositions.

Tout artiste qui expose doit donner le prix de son œuvre. Le gouvernement fait son choix et achète directement à l'artiste.

Remarquez, messieurs, que c'est un danger que d'acheter aux marchands. On. sait que presque tous les tableaux qu'un artiste livre aux marchands sont copiés.

On vend quelquefois des copies si habilement faites, que le plus grand connaisseur est exposé a s'y tromper. Or, l'Etat doit avant tout avoir la certitude que l'œuvre qu'il achète est bien de l'homme dont elle porte le nom.

Je crois donc qu'il faut en arriver à ce système : pour les grands tableaux, commande à l'artiste ; pour les autres, achat direct à l'artiste. Autre chose. Le gouvernement devrait prendre pour règle de n'acheter que les œuvres d'artistes qui ont été classés dans les expositions et qui ont reçu soit la décoration, soit la médaille. Il se débarrasserait ainsi de tous les solliciteurs sans mérite qui l'importunent incessamment.

Pour ce qui est des jeunes gens, le système est plus simple ; il suffit d'encouragements par des subsides.

Il faut y prendre garde, messieurs, si nous persévérons dans la voie qui a été suivie jusqu'ici, il arrivera un jour où, pour juger de l'école belge, il faudra aller à l'étranger.

La commission des monuments a, dit-on, donné lieu à des plaintes ; cela est exact ; mais il faut tenir compte que sa position est souvent délicate et difficile. A ce propos, je rappellerai que cette commission s'est opposée d'une manière formelle à la démolition du temple des Augustins et j'adjurerai M. le ministre de l'intérieur de s'opposer énergiquement aux prétentions de ceux qui veulent la démolition de ce monument. Nous n'avons déjà pas trop de monuments en Belgique pour démolir ceux que nous possédons et ce serait un acte de vandalisme de détruire les. Augustins.

J'aurais encore bien des observations à faire, mais la Chambre est pressée d'en finir et je me bornerai, pour le moment, à ces quelques mots.

Encouragements à la peinture, à la sculpture et à la gravure, etc.
Article 113

« Art. 113. Commandes et acquisitions d'œuvres d'artistes vivants ou d'artistes dont le décès ne remonte pas à plus de dix ans ; subsides aux établissements publics pour aider à la commande ou à l'acquisition d'œuvres d'art ; encouragements à la peinture murale, avec le concours des communes et des établissements intéressés ; encouragements à la gravure en taille-douce, à la gravure en médailles, aux publications relatives aux beaux-arts ; subsides ; souscriptions et acquisitions d'œuvres d'art d'un intérêt artistique ou archéologique ; subsides à des fabriques d'église, à titre d'encouragement, pour l'exécution d'objets mobiliers religieux offrant un caractère artistique reconnu ; subsides aux sociétés instituées pour l'encouragement des beaux-arts, aux expositions locales, etc. ; encouragements à déjeunes artistes-qui ont déjà donné des preuves de mérite ; voyages à l'étranger et dans le pays, dans l'intérêt de leur talent missions ; secours à des artistes qui se trouvent dans le besoin ou aux familles d'artistes décèdes ; frais relatifs aux grands concours ; acquisition et reliure d'ouvrages pour le service spécial de la direction générale des beaux arts ; dépenses diverses : fr. 260,000. »

- Adopté.

Encouragements en faveur de l'enseignement des arts plastiques et graphiques
Article 114

« Art. 114. Académie royale des beaux-arts d'Anvers ; dotation de l'Etat destinée, avec la subvention de la ville d'Anvers, à couvrir les dépenses tant du personnel que du matériel ; frais d'appropriation et d'agrandissement : fr. 43,058 50.

« Charge extraordinaire : fr. 100,000. »

- Adopté.

Article 115

« Art. 115. Académies et écoles de dessin autres que l'académie d'Anvers ; subsides, dotations, acquisitions de modèles destinés à ces établissements ; inspection des académies et des écoles ; conseil de perfectionnement de l'enseignement des arts du dessin ; subsides à de jeunes artistes pour les aider dans leurs études ; grands concours de peinture, de sculpture, d'architecture et de gravure ; pensions des lauréats : fr. 184,000. »

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Récemment, le gouvernement belge a reçu une communication très intéressante du musée de South-Kensington ; on propose à la Belgique un échange d'objets d'art. Nous avons cru, de notre côté, devoir entamer les mêmes négociations avec la Bavière, dont les collections sont si riches. Nous pensons qu'il est d'un grand intérêt, pour l'art et pour l'industrie belge, d'obtenir des reproductions des objets les plus remarquables qui se trouvent à l'étranger, et de faire connaître également à l'étranger, par ces échanges, ce que nous possédons nous-mêmes.

Je viens donc demander à la Chambre de vouloir bien augmenter de 10,000 francs le crédit de 18,400 francs qui figure à l'article 115 et d'ajouter, à la fin du libellé de cet article, la phrase suivante :

« Reproduction d'objets d'art destines aux échanges internationaux, et frais relatifs à ces échanges. »

- L'article 115 est adopté avec le chiffre de 194,000 francs et le complément de libellé proposé par M. le ministre de l'intérieur.

Encouragements en faveur de l'art musical
Article 116

« Art. 116. Conservatoire royal de musique de Bruxelles. Dotation de l'Etat, destinée, avec les subsides de la province et de la ville, à couvrir les dépenses du personnel et du matériel : fr. 79,540. »

- Adopté.

- La séance est suspendue à 5 heures.

La séance est reprise à 8 heures 5 minutes.

Article 117

M. le président. - La Chambre est arrivée à l'article 117 du budget de l'intérieur. Cet article est ainsi conçu :

« Art. 117. Conservatoire royal de musique de Liège. Dotation de l'Etat, destinée, avec les subsides de la province et de la ville, à couvrir les dépenses du personnel et du matériel : fr. 40,240. »

- La parole est à M. Elias.

M. Elias. - Messieurs, je désire présenter quelques observations sur la situation du conservatoire de Liège, et notamment sur la position du corps professoral.

L'honorable M. Kervyn nous disait dans la séance d'hier qu'il fallait observer les principes de justice distributive, d'égalité dans la répartition des deniers de l'Etat. Eh bien, c'est au nom de cette égalité que je m'adresse à vous, messieurs, et à l'honorable ministre de l'intérieur, pour obtenir que la position des professeurs du conservatoire royal de Liège soit assurée, soit délivrée de tout arbitraire, comme celle des professeurs du conservatoire de Bruxelles. C'est par un arrêté récent du 28 juin 1869 que ce résultat a été obtenu. C'est par lui que l'arbitraire qui avait présidé jusque-là à la fixation des traitements de ses professeurs a fini par disparaître.

Cet arrêté a donné à la position de ces professeurs une base parfaitement déterminée ; il a fixé un minimum et un maximum entre lesquels les traitements peuvent varier.

Si, parlant de là, je compare les traitements actuels des professeurs du conservatoire de Liège à ce qu'ils seraient si on leur appliquait seulement le minimum fixé par l'arrêté du 28 juin 1869, je trouve des différences excessives.

Ainsi, sur 32 professeurs qui sont aujourd'hui attachés au conservatoire royal de Liège, 9 seulement ont un appointement qui atteint ou (page 974) dépasse légèrement le minimum fixé ; les autres sont bien loin d'avoir ce minimum ; il faudrait 10,950 francs pour parfaire leurs traitements et les faire arriver à ce minimum fixé par l'arrêté de 1869.

Le tableau que j'ai ici sous les yeux montre l'exactitude rigoureuse de ces faits.

Et cependant le conservatoire royal de Liège doit, si l'on tient compte de sa direction, de son origine, du nombre des élèves qui le fréquentent, de l'importance des cours qui y sont donnés, des succès obtenus par des élèves qui y ont fait leur éducation musicale, le conservatoire royal de Liège devrait, dis-je, être placé sur la même ligne que le conservatoire royal de Bruxelles-.

Le conservatoire royal de Liège, en effet, comme le conservatoire royal de Bruxelles, a été fondé par le gouvernement hollandais dès 1826. A cette époque, quatre conservatoires furent institués dans le royaume des Pays-Bas..

Un fut placé à Bruxelles au milieu des populations flamandes, un à Liège au sein des populations wallonnes, un troisième à La Haye et un quatrième à Amsterdam pour les anciennes provinces du royaume. Ces quatre établissements étaient des institutions de l'Etat ; et ceux qui sont en Belgique ont encore aujourd'hui ce caractère. Ces établissements recevaient de l'Etat chacun une subvention égale de 4,000 florins ; les communes dans lesquelles ils étaient placés leur donnaient des subventions égales à celles de l'Etat, 4,000 florins également ; de plus, les villes furent invitées à fournir des locaux.

Lors de la révolution de 1830, le conservatoire de Liège maintint sa position. Les cours ne furent pour ainsi dire pas interrompus. Pendant l'année même de la révolution, des concerts furent donnés par ses élèves dans l'intérêt des malheureux. Il n'en fut pas de même du conservatoire de Bruxelles ; il sombra dans la tourmente.

Il ne fut réorganisé qu'en 1833 : C'est même à cette circonstance qu'il doit les faveurs exceptionnelles dont il a joui jusqu'ici, et c'est à partir de cette époque qu'on aperçoit une différence considérable dans les allocations que l'Etat lui accorda. Dès ce moment, la situation de ses professeurs ne put plus se comparer à celle des professeurs du conservatoire royal de Liège. Celui-ci cependant conserva sa situation florissante. Il la dut au zèle de ses professeurs et au goût pour la musique des populations qu'il était destiné à instruire ; les provinces wallonnes ont toujours été renommées pour leur amour pour les arts ; c'est ce qui fait que, malgré un abandon relatif, le conservatoire de Liège a toujours été fréquenté par un grand nombre d'élèves.

On y donne autant de cours qu'au conservatoire de Bruxelles et les cours, à peu près les mêmes, ont une importance égale. Les élèves ne leur ont jamais fait défaut ; quelques chiffres le démontreront. Je les prendrai dans lès dernières années et je donnerai a côté ceux du conservatoire de la capitale. En 1863, par exemple, nous trouvons 610 élèves au Conservatoire de Liège et 597 seulement pour celui de Bruxelles. Les chiffres se maintiennent dans la même proportion pour les années suivantes. Ils sont renseignés aux pages 140 et 141 de l'Annuaire du ministère de l'intérieur. En 1868-1869 le conservatoire de Liège comptait 727 élèves et celui de Bruxelles 622 seulement.

Le conservatoire de Liège a produit des artistes en nombre considérable et des artistes excessivement remarquables qui ont porté à l'étranger le renom musical de la Belgique. Je ne veux pas citer de noms, parce qu'il est impossible, dans une nomenclature faite ici, de ne pas omettre quelques noms réellement des plus distingués et de ne pas soulever ainsi de justes susceptibilités. (Interruption.) Votre mémoire vous en rappellera immédiatement, et en grand nombre.

Maintenant, messieurs, le conservatoire n'est pas seulement une école de musique destinée à former des exécutants, des amateurs, des artistes. C'est aussi, si j'ose le nommer ainsi, une école normale de musique ; c'est là que se forment les professeurs qui vont dans toutes les parties du pays, surtout dans les villes et communes wallonnes, donner l'enseignement musical, développer le goût de l'harmonie et des plaisirs de l'esprit.

Notre conservatoire royal mérite donc la bienveillance du gouvernement, non seulement à cause des connaissances musicales qu'il répand, mais encore et surtout à cause des excellents maîtres qu'il forme.

Par sa position comme institution gouvernementale, l'importance de son enseignement et les services qu'il rend, le conservatoire royal de Liège ne peut être comparé qu'au conservatoire royal de Bruxelles.

Mais s'il en est ainsi, il est évident que ses professeurs ont droit à la même position que les professeurs du conservatoire royal de Bruxelles. Eux aussi doivent être mis à l'abri de tout arbitraire quant au traitement. Il y a lieu de leur appliquer le considérant remarquable qu'on lit en tête de l'arrêté du 24 septembre 1869. Il est ainsi conçu :

« Considérant qu'il y a lieu d'adopter des règles invariables pour la fixation des traitements des professeurs du conservatoire royal de musique de Bruxelles ; considérant qu'à cet effet il importe d'établir, parmi le personnel enseignant de cet établissement, une classification régulière fondée sur l'importance des cours respectifs, etc. »

L'arrêté royal continue et fixe ces règles.

Eh bien, les mêmes motifs sont applicables au personnel du conservatoire royal de Liège, et c'est au nom de l'équité, de la justice que je demande à M. le ministre, de lui en faire l'application ; et comme dans ce cas l'allocation qui est portée au budget ne sera pas suffisante, je demande à la Chambre qu'elle veuille augmenter, en conséquence, le chiffre de l'article 117 du budget.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Je ne crois pas, messieurs, qu'il soit possible de créer, pour les professeurs du conservatoire royal de. Liège, une position complètement identique à celle des professeurs du conservatoire royal de Bruxelles. Il a toujours été reconnu qu'il devait y avoir, en ce qui touche les traitements, entre le conservatoire de Liège et celui de Bruxelles, une certaine différence que justifie la vie plus dispendieuse à laquelle sont obligés lès professeurs dans la capitale.

Mais ce qui me paraît incontestable, et en ceci je suis d'accord avec l'honorable M. Elias, c'est qu'il faut qu'une règle fixe détermine la position des professeurs, et qu'il est complètement juste de faire, à ce sujet, pour le conservatoire de Liège, ce qui a été fait pour le conservatoire de Bruxelles.

Du reste, cette question remonte plus haut que la discussion que nous achevons en ce moment. Dès 1869, elle avait été soulevée par quelques professeurs du conservatoire de Liège, et des négociations avaient été entamées par le gouvernement. Si je ne me trompe, on avait reconnu à cette époque qu'il y aurait lieu à une majoration de 15,000 fr., dont 8,000 francs devaient être payés par l'Etat, 5,000 francs par la ville et 2,000 francs par la province.

- Un membre. - A quelle date ?

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Ceci remonte, je pense, au mois d'octobre 1869.

Si, jusqu'à ce moment, il n'a pas été donné suite à cette affaire, c'est qu'il y a une entente préalable à établir avec la ville et la province de Liège. Il faut également un vote du conseil provincial. Je crois donc qu'à ce point de vue, la proposition de l'honorable M. Elias ne peut pas être admise aujourd'hui.

Il est une autre question qui se rattache à un événement récent, à un événement qui a marqué un jour de deuil pour les arts : je veux parler de la perte considérable qu'a faite ces jours derniers le conservatoire royal de Bruxell.es. Il est probable qu'à la suite de cet événement profondément regrettable, il y aura lieu de modifier le règlement du Conservatoire de Bruxelles.

Un des points, notamment, sur lequel les artistes sont d'accord, c'est qu'il y a lieu de faire disparaître des conservatoires de l'Etat les classes élémentaires, pour fortifier davantage les classes supérieures. Cela entraînera quelques changements d'organisation, et, en cet état de choses, j'engage l'honorable membre à retirer son amendement, et à se contenter de la déclaration que je fais : qu'il est hautement désirable qu'une règle fixe détermine la position des professeurs aussi bien à Liège qu'à Bruxelles.. J'ajoute que s'il y a inégalité entre les professeurs de Liège et ceux de Bruxelles, on ne peut pas, toutefois, considérer le conservatoire de Liège comme se trouvant dans une position tout à fait inférieure. L'honorable directeur de cet établissement, qui a rendu de grands services et dont on ne peut assez louer le zèle, occupe, au point de vue du traitement, une position à peu près semblable à celle du directeur du Conservatoire royal de Bruxelles.

Il y a, à Liège, des professeurs qui touchent 3,000 francs.

M. Muller. - Un seul, et il est mort.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Ce que je constate avec regret, c'est que la position des professeurs à Liège est très inégale, et c'est cette inégalité qu'il faut faire cesser, en établissant à Liège, comme à Bruxelles, des règles fixes.

M. Muller. - Je viens de dire, dans une interruption, que le professeur qui touchait un traitement de 3,000 francs est mort. Hélas ! oui, il a été enlevé dans la maturité de l'âge et du talent. La perte de Jacques Dupuis, violoniste d'élite et pianiste distingué, a été sensible, non seulement pour la ville de Liège et pour son conservatoire, mais aussi pour le pays, qu'il avait honoré dans l'art musical.

(page 975) Comme le disait hier l’honorable M. Kervyn de Volkaersbeke, tous les Belges doivent être unis pour encourager les arts, pour glorifier ceux qui s'y distinguent, pour regretter profondément ceux que la mort atteint.

Il y a quelques jours, le conservatoire de Bruxelles s'est vu enlever son illustre chef ; mais la capitale ne porte pas seule le deuil de sa mort, la Belgique tout entière s'y associe.

C'est à propos de l'insuffisance des traitements alloués à la masse des professeurs du conservatoire de Liège, que j'ai été amené a citer le nom de Jacques Dupuis, en réponse à une observation de l'honorable ministre de l'intérieur.

De tout notre corps professoral, c'était le seul membre jouissant du maximum ordinaire fixé par l'arrêté royal de 1869, dont nous demandons, comme un acte de justice, l'application au conservatoire royal de Liège.

J'ajoute que, d'après cet arrêté, le maximum ordinaire peut être dépassé en faveur de professeurs d'un mérite exceptionnel. Il l'est à Bruxelles, et, certes, Dupuis aurait été digne de cette distinction, et il n'est pas le seul dans notre corps professoral. Et cependant, parmi les plus vaillants, parmi ceux qui comptent de longues et honorables années de services, en dehors des cours inférieurs, il n'y en a qu'un, le premier professeur de piano, qui ait un traitement de 2,400 francs, soit 100 francs de plus que le minimum fixé par l'arrêté de 1869. Tous les autres sont relégués beaucoup en dessous de ce minimum ; ainsi, nos deux professeurs de chant, qui ont fait depuis longtemps leurs preuves d'habileté et de dévouement, ne touchent chacun que 1,500 francs, tandis qu'à Bruxelles le minimum est de 2,400 francs et le maximum ordinaire, de 3,000 francs.

Or, messieurs, l'artiste liégeois qui a, comme tout autre, conscience de sa valeur et des services qu'il rend, est naturellement doué d'une susceptibilité légitime, tant au point de vue de ses intérêts que de son amour-propre ; l'inégalité des positions entre le corps professoral du conservatoire de Bruxelles et celui de Liège, est de nature à le froisser, à le décourager profondément ; il se plaint d'être traité quelque peu en paria.

Si l'on m'objectait qu'il faut avoir égard, pour Bruxelles, à la plus grande cherté des subsistances et des loyers...

M. de Rossius. - La vie est très chère à Liège.

M. Muller. - Je ne sais pas, au juste, s'il y a, oui ou non, égalité complète ou légère disproportion. Mais dans ce dernier cas, elle doit être faible.

Quoi qu'il en soit, il est une considération péremptoire que je ferai valoir pour appuyer la légitimité de nos réclamations. Il est de toute justice que le gouvernement intervienne en faveur du conservatoire royal de Liège, qui a une origine gouvernementale, qui appartient à l'Etat, qui est sa création, dans la même proportion que pour celui de Bruxelles, en prenant pour base le montant des subsides des deux villes et des deux provinces.

Eh bien, messieurs, si le gouvernement se conformait à cette règle rationnelle, son allocation pour Liège devrait être de près de 54,500 fr., et non de 40,240 francs, chiffre inscrit au budget.

Pour le conservatoire de Bruxelles l'Etat donne 79,540 francs, la ville 15,000 francs et la province 6,500 fr. Total 91,040 fr.

Je ferai remarquer que le local du conservatoire de Bruxelles est une propriété du gouvernement, tandis que celui de Liège appartient à la ville et lui a coûté au delà de cent mille francs.

Indépendamment d'un loyer de 1,000 francs par an qu'elle paye à la société d'émulation pour la salle des exercices publics, des concours et des concerts du conservatoire, la commune de Liège porte à son budget annuel 13,200 francs. et la province 4,000 francs. Total 17,200 francs.

Il y a, en outre, à Liège comme à Bruxelles, une somme affectée à des bourses en faveur d'élèves dans la gêne qui se distinguent et surtout de ceux qui, n'habitant pas la ville, ont à faire des frais pour venir prendre leurs leçons.

En terminant, je déclare que si mes honorables collègues de Liège et moi, nous ne présentons pas d'amendement, c'est parce que nous avons accueilli avec satisfaction la déclaration qu'a faite M. le ministre de l'intérieur et que nous tenons compte de sa promesse. Il reconnaîtra que la situation du conservatoire de Liège doit être réglée autrement qu'elle ne l'est.

Je voterais de grand cœur une proposition faisant droit aux réclamations de la ville de Gand ; je ne m'opposerais pas même, dans l'avenir, à ce que son école musicale prît le rang de conservatoire royal,

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Messieurs, lorsque, il y a peu d'années, on a amélioré la position des professeurs du conservatoire de Bruxelles, il y a eu une négociation préalable avec la province de Brabant et la ville de Bruxelles, qui ont promis d'augmenter leurs subsides, et c'est ce qui a eu lieu.

En ce moment la part de l'Etat est de 79,000 francs ; celle de la province de 6,000 francs ; celle de la ville de Bruxelles de 22,000 francs. (Interruption.)

Je crois ces renseignements exacts. (Interruption.) Est-ce que M. Muller les conteste ?

M. Muller. - J'ai pris le dernier budget de la ville de Bruxelles.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Du reste, messieurs, je crois être d'accord avec l'honorable M. Muller. Le gouvernement reconnaît qu'il faut des règles fixes pour les conservatoires de l'Etat et qu'il faut faire pour les professeurs du conservatoire à Liège ce que l'on fait pour ceux du conservatoire de Bruxelles, c'est-à-dire leur assurer une position honorable et convenable.

- L'article est adopté.

Article 117 (nouveau)

M. le président. - Il y a un article 117bis, proposé comme amendement, par MM. Kervyn de Volkaersbeke et consorts ; il est ainsi conçu :

« Conservatoire de musique de Gand. Dotation de l'Etat destinée, avec les subsides de la province et de la ville, à couvrir les dépenses du personnel et du matériel : fr. 21,000. »

M. Bouvier. - J'ai écouté avec beaucoup d'attention les observations présentées par M. Kervyn de Volkaersbeke, à l'occasion des subsides alloués par l'Etat aux conservatoires de musique. Ce qui m'a choqué, c'est de voir l'inégalité dans la répartition des faveurs qu'il accorde à ces établissements.

Comme l'honorable député de Liège vient de le dire, il ne faut pas qu'il existe en fait d'art, de science ou d'enseignement, de parias en Belgique ; or, je vois, dans le chapitre que nous discutons, que l'Etat alloue au conservatoire de Bruxelles une somme de 79,000 francs, à celui de Liège une somme de 40,000 francs, et, si j'ai bien compris l'honorable député de Gand, l'école de musique de Gand ne recevrait qu'un subside que, pour moi, je considère comme dérisoire. Ce subside n'est que de 3,000 francs. Eh bien, si l'on compare ces chiffres, il faut reconnaître qu'il y a là une injustice...

M. De Lehaye, rapporteur. - C'est évident.

M. Bouvier. - Eh bien, je le répète, en fait d'art ou d'enseignement, il ne faut pas que de pareilles injustices puissent se produire dans le pays.

Quoique je n'aie pas l'honneur de représenter la ville de Bruxelles, j'ai souscrit à l'amendement présenté par M. Funck tendant à élever de 100,000 francs le chiffre du subside conféré à l'enseignement ; dans toutes ces questions il faut, messieurs, faire abstraction d'esprit de parti et se donner fraternellement la main. (Interruption de M. Van Wambeke.) Si l'on fait des injustices aux autres villes, je suis prêt à m'associer à ceux qui voudraient les faire disparaître.

Si M. Van Wambeke veut demander un conservatoire à Alost, s'il peut justifier la nécessité d'avoir de l'harmonie dans cette ville, j'appuierai sa demande.

Je répète donc que les observations présentées par M. Kervyn de Volkaersbeke étaient marquées au coin de la bonne justice distributive. Mais ce qui me décide surtout à souscrire à l'amendement de l'honorable membre, c'est que ce sera l'occasion de ramener dans le pays un artiste éminent, un artiste qui a un grand nom dans le monde musical. Je veux parler de Gevaert. Il est indispensable de faire à un homme qui jouit d'une pareille considération une position digne de lui.

Les artistes, les véritables artistes sont très rares. Eh bien, messieurs, quand on peut faire quelque chose pour des hommes éminents, il ne faut pas marchander ; il faut augmenter le crédit dont nous nous occupons, il faut être large et savoir faire les choses noblement, grandement et en rapport avec la réputation artistique dont jouit à juste titre la Belgique.

Je désire donc que l'amendement de l'honorable M. Kervyn de Volkaersbeke reçoive le meilleur accueil ; j'ajouterai l'assentiment unanime de cette assemblée ; ce ne sera que justice. Nous prouverons par là, nous membres de la gauche, qu'en fait d'art et d'enseignement, comme je le disais au commencement de mon petit speech, ce n'est pas l'esprit de parti qui nous domine. Quant à moi, quand il s'agit de choses aussi vastes, aussi sacrées, (page 976) il ne peut y avoir d'autre sentiment que celui de la grandeur et de la prospérité de notre pays.

M. Vleminckx. - Moi aussi, je voterai la proposition de l'honorable M. Kervyn de Volkaersbeke ; mais ce n'est point précisément pour les motifs qu'ont fait valoir cet honorable membre dans la séance d'hier et l'honorable M. Bouvier il n'y a qu'un instant.

Suivant moi, le conservatoire de musique de Gand a droit, un droit absolu à une augmentation de subside, quelle que puisse être sa position, - et non pas à cause de l'éventualité suffisamment indiquée qu'un artiste d'un immense talent pourrait y être attaché, moyennant cette augmentation de dotation. - Voyez, en effet, ce qui arriverait si vous accordiez ce subside à la condition que ce maître, que j'aime et que j'admire autant qu'aucun de vous, fût chargé de la direction de cet établissement ; il en résulterait que. le jour où il s'en éloignerait (et cela n'est pas improbable), il faudrait faire disparaître en même temps la dotation.

M. Bouvier. - Je n'en fais pas une condition.

M. Vleminckx. - Alors nous sommes d'accord. Quant à moi, je suis d'avis, je le répète, que Gand a droit à un conservatoire libéralement doté. Aussi je voterai la proposition de l'honorable M. Kervyn, sous la réserve que le gouvernement placera à la tête de cet établissement non l'artiste éminent désigné hier par l'honorable M. Kervyn, mais tel maître qu'il trouvera convenable d'y attacher.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Personne plus que moi ne rend justice à l'importance de l'établissement musical qui existe à Gand. Si je ne me trompe, il remonte à plus de vingt années, et, depuis lors, les artistes les plus éminents sont sortis de son sein.

Je n'ai qu'une objection à faire à l'amendement déposé par les honorables représentants de la Flandre orientale : c'est qu'il en résulterait la création d'un nouveau conservatoire de l'Etat.

Je pense que cette création offrirait des inconvénients à divers points de vue.

D'abord, au point de vue des charges nouvelles qui en résulteraient pour l'Etat, en ce sens que le chiffre proposé aujourd'hui serait bientôt jugé insuffisant, puisque le conservatoire de l'Etat organisé à Gand avec cette allocation se trouverait dans des conditions plus défavorables que ceux de Bruxelles et de Liège, pour lesquels l'Etat intervient dans une proportion beaucoup plus considérable ; d'une autre part, les professeurs, arrivés au terme de leur carrière, devraient être pensionnés aux frais de l'Etat, tandis qu'aujourd'hui leur pension est une charge exclusivement communale.

Ensuite, il est fort probable, si l'on entrait dans cette voie, que d'autres villes viendraient également réclamer la création de conservatoires de l'Etat ; or, je ne pense pas qu'il soit dans les intentions de la Chambre de faire disparaître des établissements communaux hautement recommandables, hautement utiles, pour multiplier de plus en plus l'intervention de l'Etat.

C'est à ce point de vue que je me place pour demander aux honorables auteurs de l'amendement de faire disparaître de leur proposition le mot « conservatoire » et de la rattacher à l'article du budget qui concerne les encouragements aux diverses écoles de musique.

J'irai même plus loin qu'eux, car il y a d'autres besoins qui ont été constatés, et je demanderai une augmentation de 25,000 francs, dont une part considérable (même le chiffre de 21,000 francs si cela était reconnu nécessaire) serait attribuée à l'école de musique de Gand, dont je suis le premier à reconnaître toute l'importance.

M. Van Wambeke. - En demandant la parole, mon intention n'est pas de m'opposer à l'amendement de mon honorable ami, M. Kervyn de Volkaersbeke.

Mais je tiens à faire une petite observation, dont la Chambre appréciera l'importance.

Je crois que la culture de l'art musical instruit et moralise les populations ; et c'est à ce titre que je demande, à mon tour, que M. le ministre de l'intérieur n'oublie pas les villes de second rang et les communes qui cultivent avec beaucoup de succès l'art musical.

Je ne veux pas, pour le moment, demander pour ces villes et ces communes des subsides, mais je crois qu'il serait juste de tenir note des observations que j'ai l'honneur de soumettre à la Chambre.

Messieurs, les villes et les communes flamandes ont toutes érigé, à leur tour, des écoles de musique ; et ces écoles sont soutenues par des subsides de la caisse communale et par des subventions que donnent des particuliers.

Nous autres, qui représentons ici ces localités, nous n'avons jamais rien demandé au gouvernement.

Je vois bien que, dans le chapitre XIX, il est porté une certaine somme pour l'encouragement de l'art musical. Je ne demande pas que ce crédit soit augmenté dans le budget de 1871. Mais je tiens à faire observer à la Chambre qu'il est juste, comme l'a dit l'honorable M. Bouvier, que les villes de second rang, qui font de grands sacrifices pour l'art musical, ne soient pas toujours exclues de la répartition des subsides de l'Etat.

Il ne faut pas, parce qu'on appartient aux grandes villes de Liège ou de Bruxelles et qu'on prend le tilte de conservatoire de musique, 'que les villes de second rang soient oubliées.

La ville d'Alost, entre autres, a fait de grands sacrifices pour ériger une école de musique : la caisse communale de cette ville s'impose un sacrifice annuel de 3,000 à 4,000 francs pour la propagation de l'art musical, indépendamment des sacrifices que font les sociétés particulières.

J'espère bien que, si nous ne présentons pas d'amendement cette année, le gouvernement voudra avoir égard à nos observations, pour proposer, au budget de 1872, une augmentation de crédit en faveur des écoles de musique érigées dans les villes de second rang, et qui n'ont rien reçu jusqu'ici de l'Etat, alors que l'Etat accorde jusqu'à 00,000 francs aux grandes villes. Si, au budget de 1872, nous ne voyons pas figurer une augmentation du crédit, nous proposerons un amendement dans le sens que je viens d'indiquer.

M. Kervyn de Volkaersbeke. - L'honorable ministre de l'intérieur nous demande de faire disparaître de l'amendement l'intitulé : « conservatoire de musique de Gand. » Je n'y vois aucun inconvénient, et nous pouvons aussi bien dire : « école de musique de Gand. »

Cependant, messieurs, permettez-moi de vous faire remarquer que seul, sans appui, rien que par ses propres forces, le conservatoire de Gand, je puis lui donner encore ce titre dans cette enceinte, le conservatoire de Gand, dis-je, s'est placé au premier rang des institutions musicales du pays, et certes quand on a produit des hommes tels que ceux que j'ai cités dans mon discours d'hier, nous avons le droit de nous glorifier d'une institution dont le pays lui-même reconnaît la valeur, comme les honorables MM. Muller, Vleminckx et Bouvier viennent de le constater.

Eh bien, je regrette de ne pas pouvoir donner à la première ville de nos Flandres, à une ville qui a donné tant de gages de sa sollicitude pour les arts, un tilte si bien et si noblement porté par Bruxelles et par Liège.

M. Van Wambeke. - Gand peut cependant être placé sur le même rang.

M. Kervyn de Volkaersbeke. - Nous ne demandons pas, j'ai eu l'honneur de vous le dire hier, à nous élever à cette hauteur. Nous demandons simplement que le conservatoire de Gand, qui a constamment marché dans une voie progressive depuis sa fondation, ne soit pas arrêté dans son développement par une économie mal entendue ou des rivalités regrettables.

Il faut qu'il puisse, au moyen d'allocations qui n'atteignent pas même la moitié du chiffre de celle que l'Etat accorde au conservatoire royal de Liège, faire face aux besoins sans cesse croissants de son budget pour le mettre à même de soutenir la haute réputation qu'il s'est acquise dans le monde artistique.

M. le ministre de l'intérieur propose de rattacher le subside à l'article 118. Je ne m'y oppose pas, mais il doit être bien entendu que la ville de Gand figurera dans le crédit général pour une somme de 21,000 francs.

M. Jacobs, ministre des finances. - Si cela est nécessaire.

M. Kervyn de Volkaersbeke. - Je me permettrai de vous répondre, M. le ministre des finances, que si cela n'était pas nécessaire nous ne viendrions pas ici demander une augmentation du subside ; il n'est jamais entré dans nos intentions de grever le pays de dépenses considérables ou inutiles ; au contraire, nous ne demandons pas mieux que de contribuer à la réduction des impôts, mais nous voulons que des subsides soient accordés aux sciences et aux arts. C'est là une dépense très féconde et qui a toujours produit les meilleurs résultats.

C'est grâce aux sacrifices que la Belgique a su s'imposer en faveur des arts et des sciences qu'elle est arrivée au rang élevé qu'elle occupe aujourd'hui.

Je prends donc acte de la déclaration que l'honorable ministre de l'intérieur vient de faire et je le remercie de la sollicitude qu'il témoigne à une institution qui a bien mérité des arts et dont la prospérité intéresse la Belgique entière.

M. le président. - L'amendement est donc retiré, M. Kervyn ?

M. Kervyn de Volkaersbeke. - Mais pas le moins du monde.

M. le président. - Il est remplacé par l'augmentation que M. le ministre de l'intérieur propose à l'article suivant.

(page 977) M. Kervyn de Volkaersbeke. - L'amendement est retiré, je le veux bien ; mais il reste entendu alors que la part de la ville de Gand dans le subside sera de 21,000 francs.

M. le président. - M. Delaet a demandé la parole ; mais je crois qu'il ferait mieux de parler sur l'article 118 ; l'article 117 disparaissant.

M. Delaet. - J'ai demandé la parole sur l'article 117a.

Article 118

M. le président. - M. le ministre de l'intérieur propose de porter l'augmentation de 25,000 francs à l'article 118. Nous passons à la discussion de cet article.

« Art. 118. Subsides aux écoles de musique autres que les conservatoires royaux ; subsides aux sociétés musicales. Bourses d'étude en faveur des élèves des conservatoires royaux et d'autres écoles de musique. Encouragements à de jeunes artistes musiciens qui ont déjà donné des preuves de mérite ; voyages à l'étranger dans l'intérêt de leur talent ; subsides et souscriptions en faveur de publications ou d'auditions d'œuvres musicales ; secours à des artistes musiciens malheureux ou aux familles d'artistes décédés. Grands concours de composition musicale, pensions des lauréats ; subside pour l'organisation d'un grand festival annuel de musique classique à donner avec le concours des provinces et des villes intéressées : fr. 73,000. »

M. Delaet. - Je ne comptais pas prendre la parole dans le débat ouvert à propos de l'article 118. Mais la tournure qu'a prise la discussion m'oblige à rompre le silence.

Tout le monde sait que la ville d'Anvers a fondé, depuis sept ans, un conservatoire flamand qui, sous le titre fort modeste d'école de musique, a opéré toute une révolution dans le style musical belge. cette école de musique est sous la direction d'un homme dont toute l'Europe musicale reconnaît le mérite et qui est certes une des gloires du pays, M. Pierre Benoit.

La ville d'Anvers a érigé son école avec ses seules et propres ressources ; elle reçoit de l'Etat un subside qui n'excède pas 4,000 francs, si je ne me trompe ; car je n'ai pas collationné le chiffre, ayant été pris au dépourvu.

Je ne crois pas qu'il soit entré dans les vues de l'administration communale d'Anvers de solliciter un subside plus élevé, et certes elle ne l'eût pas fait, si aujourd'hui d'autres villes n'étaient venues demander à l'Etat des subsides au moyen desquels on pourrait faire, certes, plus que la ville d'Anvers ne peut faire avec ses ressources propres.

Je ne demande pas mieux que de voir maintenir et agrandir le conservatoire de Gand. Mais je ne puis me rallier, sans réserve, à la proposition que vient de faire M. le ministre de l'intérieur. Il demande simplement une augmentation de 25,000 francs, dont il est entendu, ou peu s'en faut, que 21,000 francs sont destinés à Gand. Mais, dans ce cas, l'école de musique d'Anvers, le conservatoire d'Anvers, si vous attachez quelque importance à ce titre, sera placé dans une position d'infériorité pécuniaire que, certes, nous ne pouvons accepter.

Nous avons commencé par faire nous-mêmes. Nous avons jusqu'ici réussi dans ce que nous avons fait. Mais il est évident que la concurrence, puisqu'il y a concurrence en fait d'art comme en fait d'industrie, devient impossible si vous donnez aux autres conservatoires, aux autres écoles de musique une position qui leur permette de nous enlever nos meilleurs professeurs.

En votant donc le crédit sollicité par M. le ministre de l'intérieur, je fais des réserves très formelles ; j'engagerai dès maintenant M. le ministre à augmenter ce subside et à le porter au double. (Interruption.)

Un mot encore.

On fait des réserves pour Courtrai, pour Bruges, pour Tournai et d'autres localités. Je ne veux contester les droits de personne. Mais j'établis ceci en fait ; que nous avons agi sans réclamer le secours de l'Etat dans une plus large mesure, que nous avons tout payé sur l'impôt communal et que nous avons parfaitement réussi à faire une école qui jouit aujourd'hui d'une très haute réputation on Allemagne et en Hollande, deux pays qui nous envoient des élèves. Je n'admets donc pas l'assimilation avec les villes qu'on a citées et qui ne possèdent que ce qu'on peut désigner à bon droit sous le nom d'écoles primaires ou tout au plus d'écoles moyennes de musique.

M. Allard. - Je ne puis admettre la réserve que fait l'honorable M. Kervyn de Volkaersbeke. Je voterai l'augmentation de 25,000 francs sollicitée par M. le ministre de l'intérieur, mais il doit être entendu que cette augmentation sera distribuée entre toutes les écoles de musique du pays.

A Tournai, nous avons aussi une école de musique que nous avons créée de nos deniers, et tous les ans, vous voyez, aux concours du conservatoire royal de Bruxelles, les succès que remporte notre école de musique. Il ne se passe pas d'année que nous ayons des premiers prix dans l'un ou l'autre cours. Nous avons encore en ce moment quatre ou cinq lauréats de ces concours, qui jouissent de bourses de la ville, pour aller se perfectionner à l'étranger.

Si le conservatoire de Gand a produit des artistes remarquables, l'école de musique de Tournai en a fourni dans une proportion plus considérable encore. Je ne vois donc pas pourquoi on accorderait au conservatoire de Gand 21,000 francs sur 25,000. Je le répète, je demande que ce crédit soit réparti entre toutes les écoles de musique du pays.

M. Jottrand. - Je veux faire une simple observation relativement à la prétention de la ville d'Anvers. Si toutes les grandes villes du pays prétendent être mises sur le même pied vis-à-vis des faveurs du gouvernement en ce qui concerne l'art musical, il serait également juste de les mettre sur le même pied en ce qui concerne les autres branches de l'art et notamment la peinture, la sculpture et l'architecture. Or, la ville d'Anvers est, sous ce dernier rapport, dans une position tout à fait privilégiée ; il y a en Belgique, suivant le budget, une. seule académie royale des beaux-arts, c'est l'académie royale des beaux-arts d'Anvers, et elle reçoit cette année de l'Etat une somme de 68,058 fr. 50 c.

Bruxelles a aussi une académie des beaux-arts et ne reçoit qu'une somme de 20,000 francs ; elle est obligée de contribuer pour 69,200 fr. de ses propres deniers à l'entretien de cette académie.

De tout cela, messieurs, je tire la conclusion que voici : c'est que dans le système que le gouvernement a suivi jusqu'ici, il existe une certaine division du travail entre nos grandes villes ; chacune a sa spécialité.

Je veux maintenir ce système. Aussi je ne veux pas contester à Anvers l'aptitude particulière que lui reconnaît le budget pour la peinture, la sculpture et l'architecture, et les avantages qui en dérivent. Mais c'est à la condition que la ville d'Anvers ne demandera pas à être mise sur le même pied que les autres grandes villes au point de vue de la musique.

Si la ville d'Anvers persistait dans cette prétention, je me réserverais de demander que son académie fût réduite, par compensation, aux avantages conférés aux autres académies du pays.

- La clôture est demandée.

M. Delaet (contre la clôture). - Messieurs, je ne crois pas que j'aie abusé de la parole. Je n'ai pas parlé dans la discussion du budget de l'intérieur si ce n'est au début, sur la question flamande. Maintenant je viens d'entendre sortir de la bouche d'un honorable député de Bruxelles des paroles qui m'ont fort étonné ; je ne puis pas, au nom d'une grande ville que j'ai l'honneur de représenter, laisser passer ces paroles sans une protestation. Je serai très bref.

- La clôture est mise aux voix et prononcée.

L'article 118 est mis aux voix et adopté avec l'amendement de M. le ministre de l'intérieur, qui en porte le chiffre à 75,000 francs.

Musées royaux de peinture et de sculpture ; musée Wiertz
Article 119

« Art. 119. Musées royaux de peinture et de sculpture, y compris le musée Wiertz ; personnel, surveillance : fr. 27,075. »

- Adopté.

Article 120

« Art. 120. Musées royaux de peinture et de sculpture, y compris le musée Wiertz ; matériel et acquisitions ; frais d'impression des catalogues ; frais d'entretien et de surveillance des locaux du palais ducal et du musée Wiertz ; chauffage des locaux habités par le surveillant : fr. 32,985.

« Charge extraordinaire : fr. 3,336 07. »

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Sous l'administration de l'honorable M. Pirmez, (erratum, page 995) le musée de peinture ancienne a été autorisé à acquérir trois tableaux : deux de Franz Hals et un de Corneille De Vos.

Il en est résulté une dépense de 34,000 francs, que je prie la Chambre de vouloir bien faire figurer au crédit des charges extraordinaires.

M. le président. - Le crédit porté aux charges extraordinaires serait donc de 37,336 fr. 7 c.

- Adopté.

Articles 121 et 122

« Art. 121. Musée royal d'armures et d'antiquités. Personnel : fr. 9 200. »

- Adopté.


(page 978) « Art. 122. Musée royal d'armures et d'antiquités. Matériel et acquisitions ; frais d'impression et de vente du catalogue ; collection sigillographique : fr. 15,500.

« Charge extraordinaire : fr. 3,000. »

- Adopté.

Monuments publics
Articles 123 et 124

« Art. 123. Monument de la place des Martyrs ; salaire des gardiens. Colonne du Congrès ; surveillance : fr. 1,550. »

M. le président. - Cet article a été supprimé de commun accord par le gouvernement et la section centrale.


« Art. 124. Monuments a élever aux hommes illustres de la Belgique ; subsides aux villes et aux provinces ; médailles à consacrer aux événements mémorable : fr. 30,000. »

- Adopté.

Restauration des monuments et conservation des œuvres d'art
Article 125

« Art. 125. Subsides aux provinces, aux villes et aux communes dont les ressources sont insuffisantes pour la restauration des monuments ; subsides pour la restauration et la conservation des objets d'art et d'archéologie appartenant aux administrations publiques, aux églises, etc. ; travaux d'entretien aux propriétés de l'Etat qui ont un intérêt exclusivement historique : fr. 56,000. »

- Adopté.

Article 126

« Art. 126. Commission royale des monuments. Personnel, jetons de présence des membres de cette commission ; frais de voyage des membres, du secrétaire et de deux dessinateurs ; bibliothèque, mobilier, chauffage, impressions, frais de bureau, achat d'instruments ; compte rendu des séances générales, indemnités des sténographes et frais de publication : fr. 24,000. »

M. Le Hardy de Beaulieu. - Messieurs, la commission des monuments me paraît ressembler, sous plusieurs rapports, aux vieilles murailles dépourvues de toits, couvertes de mousse et de lierre qu'elle est chargée de conserver.

C'est parce qu'on est habitué à les voir, qu'elles font bien dans le paysage, qu'on les conserve.

La commission des monuments me paraît être dans les mêmes conditions.

L'honorable M, Bouvier me dira probablement que je suis un économiste et que les. économistes ne sont pas. amateurs de vieilles choses.

Nous aimons mieux des bâtiments vilains, si vous voulez, dépourvus d'architecture, mais utiles ; je suis pour les institutions ce que je suis pour les monuments ; je préfère les institutions utiles aux institutions inutiles.

La commission des monuments est une institution déjà ancienne, puisqu'elle remonte à une cinquantaine d'années, à l'effet de conserver les monuments anciens. Je pense que depuis longtemps sa mission est complètement terminée et la preuve, c'est que pour se conserver une apparence d'utilité, cette commission, purement consultative, s'ingère dans l'administration.

M. Vleminckx. - Je demande la parole.

M. Le Hardy de Beaulieu, - N'ayant plus rien à faire pour remplir sa mission, elle s'est créé une mission nouvelle, celle de contrôler la construction des monuments nouveaux ; eh bien, là non seulement elle n'est plus utile, mais elle devient dangereuse...

M. Bouvier. - Oh ! dangereuse.

M. Le Hardy de Beaulieu. -... elle devient un obstacle au progrès de l'art.

- Une voix. - C'est trop fort !

M. Le Hardy de Beaulieu. - Je demande, messieurs, ce que vous diriez d'un ministre qui voudrait instituer une commission composée des premiers artistes du pays auxquels les jeunes artistes du pays, peintres, sculpteurs ou autres seraient obligés de venir soumettre leur esquisse avant de pouvoir achever leur œuvre. Vous diriez que cette institution, quelque savante qu'elle fût, détruirait l'art de la peinture, de la sculpture, de la gravure, etc.

Eh bien, l'architecture est un art qui a besoin de liberté aussi bien que les autres arts et quand la commission des monuments repousse des plans de jeunes artistes, d'artistes qui n'ont peut-être pas encore su conquérir ses sympathies, elle fait exactement ce que ferait la commission dont j'ai parlé.

Et ce n'est pas une théorie que j'émets ici ; je m'appuie sur des faits pour combattre la mission de fait que s'est donnée la commission des monuments. Ainsi, je connais des plans d'églises qui ont été refusés par la commission, parce que, disait-elle, ils n'avaient pas un caractère suffisamment religieux. On lui a demandé tout naturellement ce que c'était que le caractère religieux et en fin de compte il s'agissait de certaines moulures qu'elle désirait voir supprimer.

Or, je le demande, si cette même commission se trouvait en face des joyeusetés rabelaisiennes que comporte l'architecture gothique, se permettrait-elle d'y toucher sous prétexte que ce vieux style n'est pas suffisamment religieux ?

Il est évident que tout simplement parce que ces joyeusetés sont vieilles la commission les conserverait et défendrait d'y toucher sous aucun prétexte.

M. Rogier. - La loi communale l'exige.

M. Le Hardy de Beaulieu. - La loi communale n'exige rien du tout.

M. Thonissen. - Vous êtes dans l'erreur ; il y a un article spécial.

M. Le Hardy de Beaulieu. - La loi communale permet à M. le ministre de l’intérieur de consulter la commission consultative des monuments quand cela lui plaît. Si donc il lui convenait de ne plus la consulter, la commission dépenserait ses 21,000 francs et ne ferait plus aucune espèce de besogne.

Je trouve donc que c'est une dépense complètement inutile et qu'on obtiendrait des résultats beaucoup meilleurs si l'on se bornait à consulter les comités des provinces. (Interruption.)

- Plusieurs membres. - Allons donc !

M. Le Hardy de Beaulieu. - Tout cela sont des mots, et rien de plus.

Je comprends très bien qu'alors que des notions de l'art étaient peu répandues dans le pays, des actes de vandalisme s'exerçaient de temps en temps et qu'on ait senti le besoin, pour conserver d'anciens monuments, pour leur conserver leur caractère, je comprends qu'on ait compris la nécessité d'un contrôle ; mais, comme je le disais tout à l'heure, cette mission est maintenant accomplie. Aujourd'hui il n'y a plus rien à conserver, si ce n'est quelques vieilles bicoques. (Interruption.)

- Voix nombreuses. - Oh ! oh !

M. Vandenpeereboom. - Je proteste contre cette assertion.

M. Le Hardy de Beaulieu. - Et parmi ces vieilleries, je rangerai notamment ce fameux temple des Augustins, que ladite commission des monuments propose de conserver. C'est la commission des monuments qui empêche la ville de Bruxelles de faire disparaître cette grange qui a pour nom temple des Augustins. Voilà des hauts faits comme elle s'en permet de temps en temps. Eh bien, en présence de ces faits et de beaucoup d'autres du même genre que je pourrais citer, je déclare que je ne vois pas l'utilité de conserver l'allocation ni l'institution.

J'engage M. le. ministre, de l'intérieur à, examiner sérieusement cette question et à biffer cet article de son prochain budget.

M. Bouvier. - Vous serez seul de votre opinion.

M. Vleminckx. - Je désire, messieurs, dire quelques mots, je serai bien court, pour faire remarquer à la Chambre que les prémisses de l'honorable membre sont fausses et qu'il doit en tirer nécessairement des conséquences erronées.

La commission des monuments, dit-il, se mêle de choses qui ne la concernent pas ; ou bien, elle ne fait rien du tout. Donc il faut la supprimer.

Messieurs, la commission des monuments est purement et simplement un corps consultatif ; elle donne son avis quand le gouvernement juge bon de le lui demander. Rien de plus, rien de moins.

Elle ne se mêle de rien ; elle ne s'ingère de rien. Mais évidemment son avis étant demandé, ii est impossible qu'elle donne toujours son approbation aux plans qui lui sont soumis.

Et c'est là, il faut bien le dire, son grand crime. Car je suis parfaitement convaincu, quant à moi, que les réclamations qui se produisent contre elle dans cette enceinte, sont le résultat du mécontentement de certains architectes, dont elle n'approuve pas les œuvres...

M. Vandenpeereboom. - C'est cela ; voilà la question.

M. Vleminckx. -... ou bien encore de l'amour-propre froissé de certains autres qui voudraient entrer dans son sein et qui, pour l'un ou l'autre motif, ne peuvent pas y parvenir.

Il n'y a pas le moindre grief à charge de la commission des monuments. Elle donne son avis, je le répète, quand on le lui demande et elle le (page 979) donne consciencieusement, et quand on ne lui en demande pas, elle s'abstient.

Le ministre, du reste, est toujours le maître suprême de la décision.

Qu'on cesse donc une, fois pour toutes, d'attaquer des hommes qui ne méritent, en définitive, que les plus grands éloges.

Voilà ce que j'avais à répondre à l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu.

Maintenant, puisqu'il s'agit de la commission des monuments, je demande pourquoi le jeton de présence de ses membres n'est pas porté au même taux que le jeton des membres des académies et d'autres commissions. Les membres de la commission des monuments sont placés, par cette mesure, dans un état d'infériorité vis-à-vis de ceux de toutes les autres commissions. Or, ils ne méritent pas cela. J'engage M. le ministre de l'intérieur à réfléchir sur cette injustice, et j'espère bien qu'il se hâtera de la réparer.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - L'observation de l'honorable M. Vleminckx est parfaitement juste. Il y a lieu de porter le taux du jeton de présence des membres de la commission des monuments au taux de celui des membres des autres commissions. On reconnaîtra ainsi à la fois ce qui est dû à la dignité de l'art et des services rendus par les membres de la commission, qui sont des hommes éminents.

M. Vandenpeereboom. - L'honorable ministre de l'intérieur vient de déclarer qu'il est disposé à porter le jeton de présence des membres de la commission des monuments, de 6 à 10 francs. J'approuve cette mesure et j'en prends acte ; mais il faudrait, pour cela, faire augmenter le crédit de 1,500 à 2,000 francs.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Je demanderai, au besoin, un crédit supplémentaire à la Chambra.

- Personne ne demandant plus la parole, l'article 126, avec le chiffre de 24,600 francs, est mis aux voix et adopté.

Articles 127 et 128

« Art. 127. Frais de route et de séjour des trois commissaires de l'académie royale de Belgique adjoints à la commission royale des arts et des monuments et des membres correspondants de cette commission : fr. 6,000. »

- Adopté.


« Art. 128. Rédaction et publication du bulletin des commissions d'art et d'archéologie : fr. 6,000. »

- Adopté.

Chapitre XX. Service de santé

Article 129

« Art. 129. Inspection des établissements dangereux, insalubres ou incommodes projetés ou en exploitation ; personnel ; frais de route et de séjour, dépenses diverses et travaux relatifs à cette inspection ; frais des commissions médicales provinciales ; service sanitaire des ports de mer et des côtes ; subsides en cas d'épidémies ; encouragements à la vaccine ; institut vaccinal de l'Etat ; subsides aux sage-femmes pendant et après leurs études : 1° pour les aider à s'établir ; 2° pour les indemniser des soins de leur art qu'elles donnent aux femmes indigentes ; récompenses pour services rendus pendant les épidémies ; publications relatives aux sciences médicales ; subsides, souscriptions et achat de livres, impressions et dépenses diverses. - Conseil supérieur d'hygiène publique ; jetons de présence, frais de route et de séjour, frais de bureau et frais de publication des travaux du conseil ; prix quinquennal des sciences médicales (arrêté du 25 novembre 1859) : fr. 103,200.

« Charge extraordinaire : fr. 5,000. »

M. Vleminckx. - Messieurs, en 1861, l'honorable M. Rogier, ministre de l'intérieur, avait invité, par l'intermédiaire des gouverneurs des provinces, les commissions médicales à rédiger leurs rapports annuels dans une forme telle qu'ils pussent être imprimés. Cette prescription a reçu son exécution, et à partir de ladite époque, un résumé de ces rapports a été livré, chaque année, à la publicité. Il y a d'excellentes choses dans ces rapports ; je pourrais en citer quelques-unes, mais la Chambre est impatiente ; je dirai seulement que, pour plusieurs motifs, il importe que cette publication ne soit pas interrompue. Et si je prends la parole sur cet objet, c'est uniquement pour engager l'honorable ministre de l'intérieur à inviter les commissions médicales à mettre un peu plus de diligence dans l'envoi de leurs rapports. Nous n'avons jusqu'ici que le résumé de 1868 ; il me semble que nous devrions déjà être en possession de celui de 1869.

Puisque j'ai la parole, je soumettrai une deuxième observation à l'honorable ministre.

Immédiatement après la disparition du choléra de 1866, l'honorable M. Vandenpeereboom a présenté à la Chambre une demande de crédit assez considérable spécialement destiné à payer les frais d'une enquête hygiénique qui a été ouverte à l'occasion de cette épidémie.

L'enquête doit être faite à l'heure qu'il est ou à peu près ; je le crois du moins. Je suppose que tous les rapports sont rentrés au département de l'intérieur. Ils présenteront nécessairement un très grand intérêt, non seulement pour nous qui sommes souvent au milieu des cholériques, mais pour la Chambre elle-même qui doit accorder fréquemment des subsides pour remédier aux mauvaises dispositions hygiéniques de certaines parties du pays.

Je demanderai donc à l'honorable ministre si le résumé général de ces rapports pourra bientôt être achevé, imprimé et distribué. Je le répète, la chose est on ne peut plus importante.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Je tiendrai bonne note de la première observation de l'honorable M. Vleminckx.

Quant aux rapports sur le choléra de 1866, je doute que tous soient arrivés à mon département.

Je le regrette et je prends vis-à-vis de M. Vleminckx l'engagement de porter toute mon attention sur cet objet.

- L'article est adopté.

Article 130

« Art. 130. Académie royale de médecine : fr. 27,140. »

- Adopté.

Chapitre XXI. Eaux de Spa

Article 131

« Art. 131. Traitement du commissaire du gouvernement près la société concessionnaire des jeux de Spa : fr. 7,000. »

- Adopté.

Chapitre XXII. Traitements de disponibilité »

Article 132

« Art. 132. Traitements temporaires de disponibilité ; charge extraordinaire : fr. 24,000. »

- Adopté.

Chapitre XXIII. Dépenses imprévues

Articles 133 et 134

« Art. 133. Dépenses imprévues non libellées au budget : fr. 5,900. »

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Je crois qu'il serait plus régulier de placer cet article à la fin du budget sous le n°134 et de placer, comme article 133, l'article 134 nouveau, qui est ainsi rédigé : « Part incombant à l'Etat dans les frais de confection de la huitième table générale des actes de l'état civil : fr. 42,000 francs. »

L'article 133, qui deviendrait l'article 134, serait, relatif aux dépenses imprévues.

- Adopté.

Second vote

M. le président. - Il s'agit maintenant de savoir, messieurs, si vous voulez remettre à demain le deuxième vote des amendements ou bien si vous voulez y procéder immédiatement.

- Plusieurs membres. - Immédiatement.

M. le président. - Le second vote va donc avoir lieu immédiatement.

Article 29

M. le président. - Voici, messieurs, quels sont les amendements.

A l’article 29, il y a une augmentation de 2,000 francs pour la province de Luxembourg.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - La Chambre a voté un supplément de crédit de 4,000 francs pour la province de Luxembourg.

Une augmentation dans la même proportion et même au delà est justifiée pour la province de Limbourg.

Je demanderai donc à la Chambre de vouloir bien porter également à 4,000 francs l'augmentation de l'allocation pour la province de Limbourg.

- L'amendement est adopté.

Articles 32, 61, 68 et 77

Les articles 52, 61, 68 et 77, modifiés au premier vote, sont définitivement adoptés.

Article 99

M. le président. - A l'article 99, dépenses variables pour l'enseignement primaire, il y a eu augmentation de 50,000 francs. Ici vient la proposition d'un libellé à ajouter au libellé primitif. Il serait ainsi conçu : « Subside en faveur de l'enseignement pour les filles dans les écoles à programmes développés et soumises au régime de la loi du 23 septembre 1842. »

Celte proposition est faite par l'honorable M. De Lehaye.

M. Rogier. - Il me semble que dans cette rédaction on parle des écoles soumises au régime de la loi du 23 septembre 1842.

M. le président. - Oui.

(page 980) M. le ministre de l'intérieur avait proposé la rédaction suivante : « Subsides aux écoles primaires supérieures de filles. »

M. le rapporteur veut-il se mettre d'accord avec M. le ministre ?

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Il est évident qu'il résulte de la discussion que les écoles primaires supérieures dont il s'agit seront soumises à la loi de 1842. Je crois donc que la rédaction que j'ai proposée est de nature à satisfaire l'honorable rapporteur. Les mots : « écoles primaires supérieures des filles » peuvent être admis.

M. De Lehaye, rapporteur. - Je me rallie à la proposition de M. le ministre de l'intérieur, puisque, dans sa pensée comme dans la mienne, il faut que ces écoles soient soumises au régime de la loi de 1842. Si vous admettez ce principe, nous sommes parfaitement d'accord. Ainsi, je ne vois pas d'inconvénient à ce qu'on retranche les mots : « qui seront soumises au régime de la loi du 23 septembre.1842. » Il est entendu, comme vient de l'expliquer M. Le ministre de l'inférieur, que cette loi sera appliquée aux écoles dont il s'agit.

M. Rogier. - L'honorable ministre de l'intérieur ne veut pas de l'application de la loi de 1850 aux écoles moyennes de filles. Je l'ai interrogé à cet égard ; je lui ai demandé à plusieurs reprises : Pourquoi n'en voulez-vous pas ? Je n'ai pas obtenu de réponse ; je n'espère pas être plus heureux cette fois.

M. le ministre veut bien, si je le comprends, des écoles moyennes de filles mais à la condition qu'elles soient soumises a la loi de 1842 ; pourquoi cette préférence pour la loi de 1842 sur la loi de 1850 ?

M. Delcour. - Cette question est décidée par le rejet de l'amendement de M. Muller.

M. Rogier. - Pourquoi cette préférence ? On ne me l'a pas dit. Si l'on avait répondu à cette question fort simple, nous n'aurions pas eu a revenir sur ce point de la discussion que je n'entends pas, d'ailleurs, prolonger.

En acceptant ce qu'on appelle l'enseignement primaire à programme développé pour les filles, je demande à M. le ministre de l'intérieur ce que devient, dans son système, l'enseignement moyen des filles proprement dit.

Ce n'est pas plus de l'enseignement primaire ; M. le ministre a déclaré qu'il acceptait le programme de ses honorables prédécesseurs, MM. Vandenpeereboom et Pirmez.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - C'est un enseignement primaire, à programme développé.

M. Rogier. - C'est là une définition subtile et insoutenable ; l'enseignement moyen décrit par MM. Vandenpeereboom et Pirmez n'est plus, sous aucun rapport, un enseignement primaire ; c'est un enseignement moyen et, à certain égard, d'un degré supérieur. Il est donc décidé que l'enseignement moyen des filles, tel qu'il est décrit dans le programme de MM. Vandenpeereboom et Pirmez, que cet enseignement n'existera que sur le papier ?

Vous dites que vous ne voulez, dans aucun cas, appliquer la loi de 1850 à l'enseignement des filles ; dites que vous ne voulez pas de l'enseignement des filles tel que vos prédécesseurs l'ont proposé ; dites-le, nous saurons à quoi nous en tenir ; mais soumettre cet enseignement à la loi de 1842, c'est une dérision !

Dans cette situation, vu les explications vagues et insuffisantes de M. le ministre de l'intérieur sur ce point, vu son silence obstiné sur d'autres points essentiels de son budget, il m'est impossible de lui donner un vote approbatif.

D'un autre côté, je ne voterai pas contre le budget, parce que je ne veux pas arrêter le service de l'administration ; je traduirai ma réserve par mon abstention.

M. Dumortier. - Il y a un vote de la Chambre qui tranche la question.

Nous avons repoussé la proposition d'un crédit pour des écoles moyennes de filles dont on exclurait l'enseignement religieux tel qu'il est réglé par la loi de 1842.

Vous n'avez pas le droit de revenir sur cette décision, et j'oppose à votre proportion la question préalable.

Il ne faut pas d'équivoque. Je demande donc que, dans le libellé, on ajoute ces mots : « soumises à la loi de 1842. »

Nous ne voulons pas d'une instruction athée qui fasse perdre à la Belgique la fleur de son enseignement.

M. Frère-Orban. - Messieurs, l'instruction, qu'elle soit soumise a la loi de 1842 ou à la loi de 1850, comprend l'enseignement religieux.

C'est au clergé à le donner. S'il s'abstient de le faire, l'honorable M. Dumortier a toute liberté de récriminer contre lui.

Les déclamations habituelles de l'honorable M. Dumortier sur ce sujet manquent donc tout à fait de fondement.

Aux termes de la loi sur l'enseignement primaire, il n'y a d'écoles primaires supérieures que les écoles de l'Etat.

D'après l'article 33 de la loi, il n'en existe pas d'autres.

M. De Lehaye, rapporteur. - Ce que vous dites est vrai.

M. Frère-Orban. - Il n'y a donc pas, d'après la loi, d'écoles primaires supérieures communales ni pour les filles, ni pour les garçons. Mais, d'après l'interprétation admise dans l'exécution de la loi, le programme indiqué pour l'école primaire n'est qu'un minimum et il peut être étendu.

Il est clair qu'il ne devrait pas être étendu au delà des limites rationnelles de l'enseignement primaire. Cependant, c'est à la faveur de cette interprétation que le gouvernement admet le programme que vous connaissez, comme constituant de l'enseignement primaire. Quoi qu'il en soit, il doit être bien entendu, comme l'a déclaré M. le ministre, et je regrette qu'il ne fait pas dit dans son amendement, ce qui aurait fait disparaître sous ce rapport toute discussion, qu'il s'agit de subsides à donner à des écoles communales de filles.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Nous sommes d'accord.

M. Frère-Orban. - Je regrette que vous ne l'énonciez pas dans l'amendement. II s'agit bien d'écoles communales de filles.

M. Dumortier. - Primaires.

M. Frère-Orban. - C'est entendu.

Ce sont, selon vous, des écoles primaires supérieures ou des écoles primaires à programme développé, et, selon nous, de véritables écoles moyennes.

Ces points éclaircis, il en reste un autre ; on propose d'insérer dans le libellé : « écoles soumises à la loi de 1842. » C'est la proposition de M. De Lehaye. Il ne faut pas qu'il y ait équivoque à cet égard ; il est bien certain que, dans la pensée de l'honorable ministre de l'intérieur comme dans la pensée de ceux qui ont voté le crédit, il s'agit d'écoles soumises à la loi de 1842.

Mais voici où peut naître l'équivoque :

J'ai fourni à la Chambre des documents desquels il résulte que MM. les évêques soutiennent que de pareilles écoles, avec un pareil programme et même avec un programme inférieur à celui admis par M. le ministre de l'intérieur, ne sont ni des écoles primaires, ni des écoles primaires supérieures, ni des écoles primaires à programme développé, mais des écoles moyennes ; ont-ils raison, ont-ils tort ? Je crois qu'ils ont raison, mais à vos yeux ils ont tort,

Eh bien, est-il entendu que ces écoles communales, à programme développé dans les termes indiqués par M. le ministre de l'intérieur, seront subventionnées, même si elles n'obtiennent pas le concours du clergé ?

Voilà la question.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Si j'avais cru que cette question pût être renouvelée ce soir, j'aurais mis sous les yeux de la Chambre le règlement de quelques écoles primaires supérieures de filles, notamment le règlement de l'école primaire supérieure de Namur, et la Chambre aurait pu constater que cette institution est organisée d'après le programme de M. Vandenpeereboom, programme destiné à former des normalistes qui auraient donné le cours de ces écoles primaires supérieures, sauf peut-être quelques exceptions relatives aux mathématiques ; mais les matières sont généralement les mêmes.

Il est donc entendu, et sur ce point je suis d'accord avec l'honorable M. Vandenpeereboom, que le programme peut être développé dans la mesure que j'ai indiquée, et que (erratum, page 995) nous considérerons comme écoles primaires supérieures celles qui auront ce programme développé,

M. Frère-Orban. - Ecoles communales.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Il s'agit d'écoles communales, je le répète, c'est-à-dire d'écoles organisées ou adoptées par la commune. Quant à la question que m'adresse M. Frère, je fais remarquer que c'est pour la seconde fois qu'il me la pose, quoique déjà je me sois expliqué catégoriquement à cet égard et que j'aie déclaré que lorsque l'école communale est placée sous le régime de la loi de 1842, ce n'est pas le refus de concours du clergé qui peut lui enlever le bénéfice des subventions.

M. de Theux. - J'ai entendu dire différentes fois dans la discussion que la loi de 1842 ne s'occupe pas de l'enseignement des filles ; c'est une (page 981) erreur. Il y a un article dans cette loi qui prescrit de fonder deux écoles normales pour l’enseignement des filles et c'est cette prescription de la loi à laquelle on s’est conformé dans la loi de 1866.

M. Vandenpeereboom. - C'est une erreur complète.

M. Rogier. - Elle ne dit pas un mot de cela.

M. de Theux. -Il est donc bien entendu que c'est la loi de 1842 qui sera applicable à l'instruction primaire des filles à programme développé. Cela a été déclaré tout à l'heure et lors du vote des 50,000 francs.

Ainsi la question est parfaitement claire.

Maintenant M. le ministre de l'intérieur a, je crois, donné satisfaction aux objections présentées.

Il est évident que, par le vote sur la proposition de l'honorable M. Muller, la majorité a écarté l'application de la loi de 1850 aux écoles qu'il s'agit de subsidier. C'est la loi de 1842 qui doit y être appliquée.

Ces 50,000 francs permettront d'ouvrir de nouvelles catégories d'écoles et donneront au gouvernement la possibilité d'accorder des subsides pour étendre l'instruction dans certaines écoles communales de filles.

- Plusieurs membres. - Aux voix ! Aux voix !

M. Muller. - Il est bien entendu, je pense, que ce subside de 50,000 francs est exclusivement destiné à des écoles communales supérieures de filles ?

M. Dumortier. - Soumises à la loi de 1842.

M. Muller. Soumises à la loi de 1842. - Je répète : à des écoles communales de filles.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Je désire dire un mot sur la portée du mot « communales. »

- Voix à gauche. - Ah ! ah !

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - L'honorable M. Vandenpeereboom me disait, à l'instant même, qu'il ne voyait aucune différence à ce sujet entre l'école organisée par la commune et l'école adoptée. (Interruption.)

M. Muller. - Vous voyez donc bien qu'il s'agit de s'expliquer.

M. le président. - Les explications sont, je pense, maintenant comprises. (Interruption.)

M. Vandenpeereboom. - Je demande la parole. (Interruption.)

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - J'ai cité l'opinion de l'honorable M. Vandenpeereboom ; je prie la Chambre de lui permettre de s'expliquer.

M. Vandenpeereboom. - Messieurs, il faut s'entendre ; il faut s'expliquer clairement et franchement.

L'amendement ayant pour objet de créer et de subsidier des écoles moyennes de filles avec application de la loi de 1850 a été rejeté. Il n'en est donc plus question ; c'est une affaire terminée, quant à présent.

Maintenant, il s'agit de savoir quelles sont les écoles qui pourront obtenir des subsides sur le crédit de 50,000 francs proposé par M. le ministre de l'intérieur. Il ne peut être question des écoles primaires supérieures de l'Etat dont parlait l'article 33 de la loi de 1842, par cette raison que ces écoles étaient exclusivement destinées aux garçons et non pas aux filles, et que les écoles primaires supérieures des garçons, créées par cette loi de 1842, ont été transférées à la loi de 1850.

Des subsides ne peuvent être accordés qu'à des écoles primaires légales à programme développé et qui sont, sans qu'il soit nécessaire de le dire, soumises à la loi de 1842.

Maintenant, parmi les écoles primaires légales, il y en a de deux catégories :

D'abord l'école primaire communale proprement dite, qui est la règle, puis l'école privée que les communes pauvres peuvent, par exception, être autorisées à adopter et qui ne peut recevoir d'autre subside qu'une subvention pour l'instruction des enfants pauvres.

L'école privée, lorsque l'adoption en a été autorise, est une école légale ; elle tient lieu, en ce cas, d'école communale.

Avant de m'asseoir, je demande la permission d’ajouter un mot à ces explications (interruption) ... pour motiver mon vote sur le budget ; ce vote sera affirmatif. Toutefois il doit être bien entendu qu’en donnant ce vote, je n'approuve pas la politique du gouvernement. Cette politique, au contraire, je la désapprouve et je la combattrai énergiquement. Si je ne vote pas contre le budget, c'est uniquement parce que je ne veux pas entraver les services administratifs.

M. Muller. - Messieurs, je dois le déclarer, j'e ne puis accepter, pour ma part, l'assimilation que l'honorable M. Vandenpeereboom vient de faire des écoles communales avec les écoles adoptées, écoles qui n'ont pas la même caractère et qui n'offrent pas les mêmes garanties.

M. Elias. - Je fais la même déclaration.

M. Dumortier. - La loi de 1842 dit que la commune peut adopter une école privée pour tenir lieu d'école communale. Les mots « écoles communales » s'appliquent donc à la fois aux écoles communales proprement dites et aux écoles adoptées qui en tiennent lieu.

- La clôture de la discussion est prononcée.

M. le président. - Il s'agit de formuler le libellé.

M. le ministre a proposé la rédaction suivante :

« Subsides aux écoles primaires supérieures de filles. »

Voici la rédaction proposée par M. De Lehaye :

« Subsides en faveur de l'enseignement des filles dans les écoles primaires à programme développé et soumises au régime de la loi du 23 septembre 18412. »

M. De Lehaye, rapporteur. - Je m'associe à l'explication qu'a donnée tout à l'heure l'honorable M. Vandenpeereboom. On entendra, par les établissements dont il s'agit dans le libellé, à la fois les écoles communales proprement dites et les écoles adoptées, qui ont le même caractère. Les unes et les autres seront soumises à la même règle.

- La rédaction proposée par M. le rapporteur est mise aux voix et adoptée.

M. le président. - II s'agit de savoir maintenant où l'on doit placer le libellé.

Je propose de le placer entre le littera o et le littera p de l'article 99.

- Adopté.

Articles 110, 115, 118, 120 et 126

Les articles 110, 115, 118, 120 et 126, amendés au premier vote, sont définitivement adoptés.

Ordre des travaux de la Chambre

M. De Lehaye. - Messieurs, j'ai l'honneur de proposer à la Chambre de fixer la rentrée, après les vacances de Pâques, au 18 du mois prochain.

D'un autre côté, je dois faire observer à la Chambre que, jusqu'ici, nous nous sommes constamment occupés de lois d'impôts et de lois de dépenses. Il me semble qu'il est plus que temps que nous songions enfin à doter le pays d'une loi qu'il réclame depuis si longtemps et que tous nous avons promis à nos électeurs avant les élections. C'est une loi qui figure depuis longtemps déjà à notre ordre du jour : c'est la loi sur la réforme électorale.

Je demande donc, messieurs, qu'à notre rentrée, le premier objet dont nous nous occuperons sera la réforme électorale.

Nous nous sommes déjà occupés de ce projet de loi, nous avons encore le temps de. l'examiner pendant nos vacances et nous arriverons ici, messieurs, tout à fait instruits sur la portée de la réforme qui est proposée.

Je demande donc formellement que, lors de notre rentrée, le premier objet porté à l'ordre du jour soit la réforme électorale.

M. Dansaert. - Messieurs, je ne puis laisser passer sans observations la proposition de l'honorable M. De Lehaye d'intervertir notre ordre du jour. Il y a un projet de loi qui figure depuis bien plus longtemps à l'ordre du jour que le projet de referme électorale : c'est celui de la révision du code de commerce qui est soumis aux délibérations de la Chambre depuis 1864.

Aujourd'hui des besoins nouveaux se sont produits ; le développement prodigieux des affaires exige impérieusement la révision d'une loi qui date de 1808. De nombreux et déplorables exemples ont prouvé que la législation sur les sociétés par actions ne garantit plus suffisamment les intérêts qui sont engagés, sous cette forme, dans les affaires commerciales et industrielles. Il y a aussi la matière de la lettre de change qui est toute préparée, qui a déjà été votée et dont la solution est urgente.

Je demande donc instamment à la Chambre de vouloir fixer à son ordre du jour en premier lieu, pour la rentrée, la révision du code de commerce, ou tout au moins de la discuter après le budget des travaux publics.

M. le général Guillaume, ministre de la guerre (pour une communication du gouvernement). - J'ai l'honneur de déposer le rapport sur la mobilisation de l'armée, je dépose également le compte rendu de l'emploi des deux crédits extraordinaires qui ont été votés pour les dépenses de l'armée.

- Ces rapports seront imprimés et distribués.

M. Elias. - La Chambre doit d'abord s'occuper de la loi sur les sociétés. Non seulement des besoins nouveaux se sont révélés qui (page 982) réclament impérieusement le vote de cette loi, mais la répression de certains faits qui se sont passés le demande également.

Ensuite, je ne comprendrais pas que la Chambre laissât le ministère des travaux publics plus longtemps sans budget. Il y a nécessité de discuter tout d'abord le budget des travaux publics surtout en présence de l'augmentation du réseau qui a été votée par la Chambre.

- Des membres. - La clôture !

- La clôture est demandée par plus de dix membres.

M. Frère-Orban. - Je demande la parole contre la clôture.

On vient à la dernière heure, à la dernière minute, après dix heures du soir, faire une proposition qui a évidemment un certain caractère de gravité. Il s'agit de savoir si l'on interrompra tous les travaux dont la Chambre est saisie, si on laissera le budget des travaux publics à l'écart pour engager une discussion politique, purement politique, qui durera probablement fort longtemps, et qui ne semble guère opportune dans les circonstances où nous nous trouvons. En présence des événements auxquels nous assistons, et qui ont leur source première dans une réforme électorale, l’heure paraît peu propice pour agiter des questions qui divisent profondément le pays. (Interruption.)

Quelle raison y a-t-il de mettre tant de hâte au vote de cette loi ? Vous avez promis une réforme électorale, dites-vous. Hélas ! vous avez promis bien d'autres choses, et c'est assurément de réformes électorales que le pays s'est le moins occupé lors des élections. Vous interprétez a votre gré les élections, et vous déclarez que c'est la réforme électorale qui a été le mobile des électeurs dans cette circonstance. Il nous sera facile de vous démontrer le contraire.

M. le président. - Vous avez demandé la parole contre la clôture ?

M. Frère-Orban. - Précisément, M. le président, je m'oppose à la clôture afin de pouvoir démontrer que les raisons que l'on invoque pour intervertir l'ordre du jour ne sont pas admissibles et qu'il n'y a pas lieu de clore la discussion sur une pareille proposition. Si on le veut, qu'on la discute demain. Votons le budget de l'intérieur et mettons celle proposition d'ordre du jour à demain.

M. Dumortier. - Je demande qu'on vote d'abord le budget.

M. le président. - Je propose de passer d'abord au vole du budget. Ensuite, si on le trouve convenable, on discutera la proposition de M. De Lehaye.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur pour l’exercice 1851

Vote sur l’ensemble

M. Bara. - L'article 45 du règlement est formel. Il porte :

« Lorsque des amendements auront été adoptés ou des articles d'une proposition rejetés, le vote sur l'ensemble aura lieu dans une autre séance que celle où les derniers articles de la proposition auront été votés. Il s'écoulera au moins un jour entre ces deux séances. »

C'est donc seulement quand la Chambre est unanime, qu'elle peut passer outre au vote sur l'ensemble.

M. le président. - Je fais observer à M. Bara que la Chambre a déclaré l'urgence et qu'on a voté sur les amendements.

M. Bara. - On a déclaré qu'on voterait sur les articles amendés, mais il ne s'agit pas du vote sur les articles amendés ; il s'agit du vote sur l'ensemble.

Le règlement dit « le vote sur l'ensemble » et non sur les articles amendés.

M. le président. - Il y a à cet article un paragraphe que vous n'avez pas cité :

« Dans la seconde séance (celle dans laquelle doit avoir lieu le vote sur l'ensemble), seront soumis a une discussion et à un vote définitif, les amendements adoptés et les articles rejetés. »

La Chambre, ayant déclaré l'urgence, a décidé qu'elle passerait au second vote dans la séance actuelle.

Il n'y a pas lieu, par conséquent, de reporter le vote sur l'ensemble à une séance subséquente.

L'article du règlement que vous invoquez ne laisse aucun doute à cet égard.

M. Bara. - Le paragraphe 3 se rapporte au vote des amendements et non au vote sur l'ensemble.

On peut décider qu'on votera de suite les amendements, et cela n'implique rien pour le vote sur l'ensemble, qui est réglé par les paragraphes 1 et 2.

Du reste, si la Chambre veut remettre à demain la discussion de la proposition de M. De Lehaye, nous sommes prêts à voter le budget.

M. De Lehaye, rapporteur. - Tous les antécédents de la Chambre sont là et je défie l'honorable M. Bara de m'en indiquer un seul qui confirme ce qu'il vient de dire.

Ordre des travaux de la Chambre

M. De Lehaye. - Chaque fois que la Chambre a déclaré l'urgence sur une proposition, on a procédé au vote sur l’ensemble immédiatement après le vote définitif des amendements.

La proposition que j'ai l'honneur de soumettre à la Chambre n'a rien de commun avec le budget, mais ce à quoi je tiens, c'est qu'on vote immédiatement sur cette proposition.

M. Rogier. - Si l'on veut voter le budget aujourd'hui, nous ne nous y opposerons pas, mais il est impossible de voter aujourd'hui sur la proposition de M. De Lehaye, qui vient d'être faite à l’'improviste.

Pourquoi ne pas remettre cette proposition à demain ? Il faut d'ailleurs entendre le gouvernement sur une proposition si grave.

On reproche à l'opposition d'entraver le vote des budgets, mais d'où vient maintenant l'ajournement du vote des budgets ? De la majorité, du ministère lui-même.

Je demande à l'honorable ministre des travaux publics s'il croit qu'on peut ajourner indéfiniment le vote de son budget.

M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Je m'en remets à la décision de la Chambre.

M. Rogier. - Ne venez pas alors accuser l'opposition d'entraver le vote des budgets.

Cette loi électorale, dont la discussion va durer très longtemps, va jeter dans le pays de nouveaux germes d'agitation. Si vous la mettez de force à l'ordre du jour, nous en discuterons l'opportunité, nous examinerons si vous pouvez sans raison, sans réflexion, sans urgence, imposer cette question de la réforme électorale qui peut nous conduire très loin.

Ne donnez pas ce fâcheux exemple, ne faites pas ce que vous avez reproché à vos adversaires de faire, n'entravez pas la marche des affaires. Volez d'abord les budgets.

- Plusieurs membres à droite. - Aux voix !

- La discussion est close.

M. le président. - M. De Lehaye propose à la Chambre de décider qu'elle s'ajournera, après le vote du budget de l'intérieur, jusqu'au 18 avril et que la loi électorale figurera en tête de l'ordre du jour à la rentrée.

M. Muller. - Je demande la division.

M. le président. - Elle est de droit.

Je consulte la Chambre sur l'ajournement au 18 avril.

- Il est procédé au vote par assis et levé.

L'ajournement au 18 avril est adopté.

M. le président. - Nous passons à la seconde partie de là proposition : la fixation, en première ligne, à l'ordre du jour pour la rentrée, de la loi sur la réforme électorale.

- Plusieurs membres à gauche. - L'appel nominal !

Il est procédé à l'appel nominal.

80 membres y prennent part.

55 membres répondent oui.

35 membres répondent non.

En conséquence, la proposition est adoptée.

Ont répondu oui :

MM. Mulle de Terschueren, Notelteirs, Nothomb, Pety de Thozèe, Rembry, Reynaert, Simonis, Snoy, Tack, Thienpont, Van Cromphaut, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Outryve d'Ydewalle, Van Overloop, Van Wambeke, Vermeire, Verwilghen, Léon Visart, Wasseige, Wouters, Beeckman, Biebuyck, Brasseur, Coremans, Cornesse, Cruyt, de Borchgrave, de Clercq, de Haerne, de Kerckhove, Delaet, Delcour, De Lehaye, de Liedekerke, de Montblanc, de Muelenaere, de Naeyer, de Theux, de Zerezo de Tejada, Drion, Hayez, Hermant, Jacobs, Janssens, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Kervyn de Volkaersbeke, Lefebvre, Liénart, Magherman, Moncheur et Thibaut.

Ont répondu non :

MM. Muller, Orts, Pirmez, Rogier, Sainctelette, Schollaert, Tesch, Vandenpeereboom, Van Humbeeck, Van Iseghem, Vleminckx, Allard, Ansiau, Anspach, Bara, Bouvier, Braconier, Dansaert, David, De Fré, de Lhoneux, Demeur, de Rossius, Descamps, Dethuin, de Vrints, Dumortier, Elias, Frère-Orban, Houtart, Jottrand, Le Hardy, de Beaulieu et Mascart.

M. Demeur. - Je demande la parole pour une motion d'ordre.

- Voix à droite. - Non, non, le vote du budget !

M. Demeur. - L'observation que je veux présenter se rapporte à la proposition qui vient d'être votée, c'est une conséquence du vote que la Chambre vient d'émettre.

(page 893) Le rapport de la section centrale sur le projet de réforme électorale constate que le gouvernement n'a pas encore fourni les documents qui lui ont été demandés relativement à la législation électorale des différents pays étrangers. (Interruption.)

On a réclamé au gouvernement la production de la législation électorale des différents pays ou, tout au moins, les changements introduits dans ces législations depuis cinq ans.

Ces documents sont importants ; il importe, en effet, que nous puissions nous renseigner exactement et qu'il n'y ait pas de débats entre nous sur le texte même de ces législations, conçu en langues étrangères.

Je demande donc au gouvernement de nous fournir ces documents le plus promptement possible.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Je ferai tout ce que je pourrai pour satisfaire au désir exprimé par l'honorable préopinant.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur pour l’exercice 1871

Vote sur l’ensemble

M. Frère-Orban. - Je ne me proposais pas de voter contre le budget de l'intérieur ; j'avais seulement l'intention de faire quelques réserves sur certains faits qui ont été produits par M. le ministre de l'intérieur, sur certains renseignements communiqués par lui en réponse à des questions que j'avais eu l'honneur de lui poser ; je voulais annoncer que je ne me tenais pas pour satisfait des explications qu'il avait données à la Chambre et que j'étais en mesure de contester de la manière la plus absolue les renseignements qu'il avait fournis, notamment au sujet de l'école de Rochefort ; je me serais réservé, comme je le fais d'ailleurs, d'établir, dans un moment opportun, par voie d'interpellation ou autrement, que ces renseignements sont complètement inexacts ; mais, je le répète, je n'aurais pas voté contre le budget de l'intérieur.

Après le vote que la majorité vient d'émettre, après l'acte de violence auquel s'est associé le gouvernement et qui montre que la direction des affaires est confiée à des hommes aveugles que rien n'arrête, qui dans les circonstances où nous sommes, viennent., sans nécessité aucune, jeter dans le pays un ferment de discussion dont les conséquences peuvent être redoutables, je ne puis plus même me réfugier dans une simple abstention, et, à titre de blâme, ma conscience me fait un devoir de voter contre le budget.

Vous pouvez en être certains. Je dis qu'en pareille circonstance mon devoir impérieux m'oblige à voter contre le budget.

M. Jacobs, ministre des finances. - Qu'avez-vous fait en 1848 ?

M. de Rossius. - Nous vous avons sauvés. (Interruption.)

M. Dumortier. - L'honorable M. Demeur a demandé l'impression des modifications apportées aux législations électorales étrangères depuis cinq ans. Je demande qu'on y ajoute, et j'insiste sur ce point, la législation électorale germanique, spécialement celle des provinces du Bas-Rhin. J'en ai un exemplaire en allemand ; je suis prêt à le mettre à la disposition du gouvernement. Au reste, un exemplaire appartenant à la bibliothèque de la Chambre est entre les mains du rapporteur.

Je demande qu'il soit traduit et imprimé en français, afin que chacun de nous en ait un exemplaire ; car il y a peut-être là un terrain sur lequel il sera possible de s'entendre.-

M. Tesch. - Mon intention était de voter pour le budget. Mais en présence de la mesure que la droite vient de décider, je déclare que je voterai contre, parce que je ne puis pas donner mon assentiment direct ou indirect à une politique que je regarde comme anarchique et insensée.

M. Rogier. - Dans mon premier discours, j'avais annoncé l'intention de m'abstenir dans le vote du budget de l'intérieur. D'après l'attitude inexplicable et inexpliquée du cabinet, dans la question qui a été soulevée à l'improviste, je déclare que je ne m'abstiendrai pas et que mon vote sera un vote de défiance contre le gouvernement.

M. Pirmez. - J'avais les mêmes intentions que mes amis qui viennent de prendre la parole ; mes intentions se modifient comme les leurs.

- Il est procédé au vote par appel nominal sur l'article unique du budget, ainsi conçu :

« Le budget du ministère de l'intérieur est fixé, pour l'exercice 1871, à la somme de treize millions huit cent cinquante-neuf mille sept cent vingt et un francs un centime (fr. 13,859,721-01), conformément au tableau ci-annexé. »

86 membres prennent part à l'appel nominal.

57 membres répondent oui.

29 membres répondent non.

En conséquence la Chambre adopte.

Le projet de loi sera transmis au Sénat.

Ont répondu oui :

MM. Mulle de Terschueren, Notelteirs, Nothomb, Pety de Thozée, Rembry, Reynaert, Schollaert, Simonis, Snoy, Tack, Thienpont, Van Cromphaut, Vandenpeereboom, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Outryve d'Ydewalle, Van Overloop, Van Wambeke, Vermeire, Verwilghen, Léon Visart, Wasseige, Wouters, Beeckman, Biebuyck, Brasseur, Coremans, Cornesse, Cruyt, de Borchgrave, de Clercq, de Haerne, de Kerckhove, Delaet, Delcour, De Lehaye, de Lhoneux, de Liedekerke, de Montblanc, de Muelenaere, de Naeyer, de Theux, de Zerezo de Tejada, Drion, Dumortier, Hayez, Hermant, Jacobs, Janssens, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Kervyn de Volkaersbeke, Lefebvre, Liénart, Magherman, Moncheur et Thibaut.

Ont répondu non :

MM. Muller, Orts, Pirmez, Rogier, Sainctelette, Tesch, Van Humbeeck, Van Iseghem, Vleminckx, Allard, Ansiau, Anspach, Bara, Bouvier, Braconier, Dansaert, David, De Fré, Demeur, de Rossius, Descamps, Dethuin, de Vrints, Elias, Frère-Orban, Houtart, Jottrand, Le Hardy de Beaulieu et Mascart.

Ajournement de la Chambre

M. le président. - Conformément à la décision que la Chambre a prise tout à l'heure, elle s'ajourne jusqu'au mardi 18 avril prochain, à 2 heures.

Le premier objet à l'ordre du jour sera la réforme électorale.

- La séance est levée à 10 heures 40 minutes.