(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1870-1871)
(Présidence de M. Thibaut, vice-président.)
(page 709) M. Wouters procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. de Vrints donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.
M. Wouters présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.
« Des habitants de Donck demandent que le tracé du chemin de fer de Tirlemont à Diest soit fixé par. Oplinter, Neerlinter, Büdingen, Geel-Betz, Rummen, Donck, Haeren et Webbecom. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Libotte réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir la restitution d'une somme qui aurait été indûment perçue par le greffier du tribunal de commerce d'Alost et de l'amende à laquelle il a été condamné pour s'être refusé à faire ce payement ; il la prie en outre de prendre des mesures afin d'empêcher le renouvellement des abus du même genre. »
- Même renvoi.
« La dame Philipkin, ménagère dans la commune d'Haccourt, dont le mari s'est enrôlé sans son consentement, demande un secours. »
- Même renvoi.
« Le sieur L'empereur-Closset demande la construction d'un chemin empierré de Soiron à la limite de Cornesse. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux publics.
« Des habitants de Berg demandent le vote à la commune pour les élections générales. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur la réforme électorale.
« Des habitants de l'arrondissement de Bruxelles demandent le vote à a commune pour toutes les élections et le fractionnement du collège électoral en circonscriptions de 80,000 âmes. »
- Même dépôt.
M. le ministre de l'intérieur fait hommage à la Chambre de 128 exemplaires du tome XXIV du Bulletin du conseil supérieur d'agriculture.
- Distribution aux membres de la Chambre et dépôt à la bibliothèque.
MM. Cruyt et Van Renynghe demandent des congés.
- Accordés.
M. le président. - La parole est continuée à M. Jottrand.
M. Jottrand. - Messieurs, s'il est une vérité banale à force d'incontestabilité, c'est, à coup sûr, celle que vous rappelait récemment notre collègue, l'honorable M. Sainctelette, en vous répétant que, dans ces derniers temps, l'Eglise, qui est la mère et la directrice de tous les oints du Seigneur, a renforcé considérablement encore les principe de soumission et d'obéissance qu'à mon grand étonnement je me suis vu force hier de rappeler à l'honorable M. Dumortier.
Deux tendances divisaient l'Eglise ; c'est la tendance autocratique qui l'a emporté.
Quelques-uns protestent et résistent encore. Des théologiens célèbres, des lumières de l'Eglise ne se sont pas encore soumis.
M. de Haerne. - Tous les évêques se sont soumis.
M. Jottrand. - Est-ce que le chanoine Doellinger s'est soumis ?
M. de Haerne. - Il n'est pas évêque. Les évêques du monde entier se sont soumis.
- Voix à droite. - Qu'est-ce que cela nous regarde ?
M. Jottrand.- A certains points de vue, non ; mais à d'autres, cela nous regarde beaucoup. Si, j'estime que cela nous regarde, et je vais vous dire pourquoi.
Ils se soumettront où ils seront brisés comme l'a été le père Hyacinthe. Au point de vue dogmatique, évidemment ce n'est point mon affaire ; c'est l'affaire intérieure de l'Eglise. Mais il n'y a pas que le point de vue dogmatique à considérer en cette circonstance. On aura beau protester de l'existence de la séparation absolue de l'Eglise et de l'Etat, du spirituel et du temporel, cette séparation n'est encore qu'un vœu, qu'une aspiration.
Il est impossible que, dans un pays où le clergé catholique seul est admis en fait à parler au peuple, - c'est le cas de notre pays, - des changements aussi considérables que ceux que je viens de rappeler se produisent dans le ménage intérieur et spirituel de l'Eglise sans entraîner de graves conséquences dans le gouvernement de l'Etat.
Vous aurez beau tracer une ligne entre le dogme et la politique, cette ligne sera toujours idéale, difficile à discerner et très facile à franchir. Des faits journaliers nous le démontrent. Je ne nie point que des laïques d'importance, ceux qui constituent la droite de cette Chambre, ne sachent faire cette distinction difficile et n'y conforment constamment leurs actes et leurs pensées.
Je veux bien admettre que jamais aucune confusion ne s'est opérée de leur chef entre le spirituel et le temporel ; que jamais les influences religieuses, par leur fait et par leur volonté, n'ont été, par exemple, mises au service d'entreprises financières ou d'ambition personnelle.
Mais il n'y a pas que des laïques dans le monde, et quant à ceux de l'autorité desquels je me préoccupe en ce moment, au point de vue de l’enseignement des masses dont ils sont actuellement chez nous les seuls véritables directeurs, je vois en eux un groupe qui, au point de vue de la séparation du spirituel et du temporel, ne me paraît pas présenter les mêmes garanties que les membres de la droite.
Ils ont leurs journaux, journaux que je lis assidûment ; surtout un d'entre eux, écrit d'une façon remarquable, au point de vue de l'esprit et du style et qui a de plus un mérite incontestable pour tous ceux qui cherchent à voir clair dans le monde.
Il exprime nettement, franchement et carrément quelles sont les tendances du parti qu'il représente, les tendances qui, d'après lui, doivent prochainement se substituer à toutes ces arguties, à toutes ces subtilités sur la thèse et l'hypothèse dont il se moque fort agréablement.
Je veux parler du Bien public.
Or, dans cet organe remarquable de la publicité, parce qu'il est littéraire et sincère, je vois répudier absolument l'existence de cette ligne idéale que vous voulez tracer et au moyen de laquelle vous vouliez tout à l'heure restreindre l'étendue de mon discours.
Il n'exprime pas des idées laïques ? Soit, mais il exprime certainement des idées sacerdotales ; n'est-ce pas de (erratum, page 744) celles-là que je dois surtout me préoccuper, quand j'examine quelle est l'attitude que, dans l'intérêt du maintien de la vraie liberté civile, nous devons avoir vis-à-vis de cette influence suprême du clergé dans l'enseignement.
Je suppose même que les théories dont ce journal est l'expression ne soient, comme le disait hier l'honorable M. Dumortier, l'expression des véritables devoirs du clergé ; je suppose que le clergé (erratum, page 744) soit non seulement autorisé, mais obligé de faire cette distinction subtile, dont vous vous prévalez constamment lorsque nous traitons des questions, semblables à celle dont je m'occupe en ce moment, le clergé le voulût-il, pourrait-il (page 710) toujours le faire ? Pourra-t-il toujours rester en deçà de cette ligne si difficile à discerner et qu'on franchit si facilement, même quant on est laïque ? Par quel privilège singulier serait-il soustrait à cette tendance générale qu'ont tous les dépositaires d'une autorité quelconque ? à étendre cette autorité d'une manière indéfinie ?
Ce n'est pas l'autorité ecclésiastique seule qui a ce défaut ; c'est le défaut de toute autorité, autorité militaire ou bien autorité civile. N'est-ce pas ce fait général qui occasionne notre présence ici, ne sommes-nous point réunis pour faire des lois ayant. pour unique but de tracer des bornes à l'exercice des autorités que nous constituons nous-mêmes ?
Donc, et c'est la conclusion de ce que je viens de dire : il faut un frein à l'autorité du clergé lorsque la loi la reconnaît, l'admet et la consacre, comme c'est le cas dans l'enseignement public.
Il faut un frein et aujourd'hui plus que jamais qu'elle vient de s'accroître elle-même.
Or, quel frein la loi de 1842 offre-t-elle, met-elle à la disposition des pouvoirs publics vis-à-vis du clergé ? Aucun, et c'est pour cela que j'en suis l'ennemi.
Cependant, n'est-ce pas en ces matières, messieurs, qu'un frein surtout lui serait nécessaire ? N'est-ce pas dans cette matière de l'enseignement public que le clergé est, par tradition, habitué à considérer comme son domaine exclusif en vertu du mandat divin qui lui est conféré : lte et docete ; n'est-ce pas dans ce domaine dans lequel il considère toujours et nécessairement l'autorité civile comme un intrus ; n'est-ce pas dans ce domaine qui lui impose, à son point de vue, la plus grave des responsabilités, dans ce domaine où il accomplit la mission suprême de pétrir des consciences, de faire des âmes bien disposées à conquérir le bonheur éternel, de les constituer de manière à les toujours bien préserver des embûches du démon ; n'est-ce pas dans ce domaine qu'il doit surtout céder à cette tendance, naturelle de toute autorité, d'étendre sa limite et de dépasser ses frontières ?
Et ne le fait-il jamais ? Ne cède-t-il jamais à la tentation ? Un fait, messieurs, tout récent, dont vous avez, comme moi, déjà rencontré l'écho dans la presse, nous démontre que ce que je considère comme possible n'est pas seulement une éventualité probable, mais une réalité. Le conseil communal d'Arlon, vous le savez, a résilié, dans sa séance du 18 février 1871, le contrat qui le liait au clergé local, la convention d'Anvers appliquée à la ville d'Arlon. Et quels sont, messieurs, les motifs pour lesquels cette résiliation a eu lieu ? Les voici : j'en ai reçu le texte aujourd'hui par les soins de mon honorable collègue, M. Bergé.
Voici ce texte :
« Séance du conseil communal d'Arlon du 18 février 1871.
« Présents : MM. Hollenfeltz, bourgmestre président, Nelzer et Sonnetty, échevins, Tesch, Tedesco, Kathelin, Bosseler, Bruck, Petit et Leclerc, membres, et Birong, secrétaire..
« Considérant qu'il résulte des documents produits et des faits signalés au conseil que le cours de religion laisse beaucoup à désirer sous le rapport de l'ordre et de la discipline ;
« Que, si depuis longtemps déjà le conseil a eu à cet égard de justes griefs, il est constant que dans ces derniers temps l'indiscipline a pris des proportions menaçantes pour le bon ordre et la prospérité de l'établissement ;
« Considérant, d'autre part, qu'il est établi que l'aumônier profitait des leçons de religion pour entretenir ses élèves de politique ; qu'il y attaquait directement l'un des partis politiques qui se disputent le gouvernement de l'Etat ;
« Que cet enseignement, d'une part, détournait le cours de religion de son véritable but, et, d'autre part, amenait inévitablement l'une des deux alternatives suivantes :
« S'il était écoulé, il créait entre l'élève et sa famille un véritable antagonisme d'idées et de principes, et troublait ainsi la paix des familles et le sentiment de respect et d'affection qui doivent y régner ;
« S'il n'était pas partagé par l'élève, il donnait lieu à des protestations se traduisant par des bourdonnements, des tapages et en tout cas faisait dégénérer le cours en véritables discussions entre professeur et élèves ;
« Considérant qu'il importe de mettre fin à une situation dont le bureau administratif de l'athénée et le conseil communal ont été impuissants à réprimer les abus ;
« Arrête : La convention d'Anvers, appliquée à l'athénée royal d'Arlon, est abrogée.
« Par le conseil :
« Le secrétaire, Birong
« Le bourgmestre président, Hollenfeltz. »
Voilà, messieurs, la consécration en fait des éventualités dont je traitais il y a quelques instants.
Pour éviter de pareils abus, comme on vous le rappelait hier, les Américains, les Anglais, les Hollandais ont eu recours à un remède radical ; ils ont interdit au prêtre l'entrée de l'école, ils y ont maintenu l'enseignement de certaines notions religieuses, mais ce sont des laïques seuls qui peuvent les y traiter, en instruire les élèves. Par ce moyen, ils se sont préservés de ces tendances fâcheuses de l'autorité cléricale à sortir de ses limites et des dangers qu'elles font courir à des institutions libres.
Le laïque en effet n'a aucun intérêt à entretenir parmi ses élèves ces sentiments de soumission absolue, de sujétion complète contre la propagation desquels je protestais hier. Quelque convaincu, quelque fervent qu'il soit, le sentiment de l'indépendance naturelle proteste toujours en lui, et avec lui disparaît tout danger. Il ne fera jamais abus de son droit d'enseigner et le maintiendra toujours dans ses justes limites.
Il est un autre remède moins radical que celui-là, que nous vous indiquions hier : c'est de ne pas conférer au clergé l'entrée dans l'école comme un droit et de laisser aux communes la faculté de traiter d'égal à égal avec l'autorité ecclésiastique sur les conditions de l'intervention du prêtre dans l'enseignement. C'est ce remède dont la ville d'Arlon vient d'être obligée de faire usage. C'est ce remède que les dispositions de la loi de 1850 mettent à la disposition des autorités laïques en matière d'enseignement moyen. Mais ce remède n'existe pas dans la loi de 1842, et contre des abus semblables à celui qui vient d'amener la décision du conseil communal d'Arlon s'ils viennent à se produire dans l'enseignement primaire, soit qu'il s'agisse de l'enseignement des enfants, soit qu'il s'agisse de l'enseignement des adultes, vous êtes complètement désarmé.
La ligne dont vous reconnaissez l'existence et que vous voulez maintenir, peut être impunément franchie, et je vous demanderai si, par hasard vous veniez à vouloir, en cas de transgression, ramener le professeur de religion dans les limites que vous voulez lui tracer, à quel moyen vous auriez recours ? Il n'y en a pas à votre disposition. (Interruption.)
La politique, messieurs, s'enseigne à tout âge et dès que l'homme commence à raisonner, on jette en lui les bases de ses convictions futures.
Du reste, messieurs, et ici ce n'est pas un grief contre la loi que j'articule, c'est un grief contre le gouvernement actuellement chargé de l'appliquer, je suis convaincu que des abus pareils vinssent-ils à se produire dans l'enseignement primaire, la répression n'en serait pas même tentée par vous. Un seul moyen existe d'y faire contre-poids ; ce serait d'établir et d'affermir l'indépendance de l'instituteur vis-à-vis de l'inspecteur ecclésiastique, ce serait de confier la protection qui doit la couvrir à des hommes qui ne soient pas dévoués au clergé ; ce serait la nomination aux fonctions d'inspecteur laïques, soit cantonaux, soit provinciaux, d'hommes à l'esprit indépendant et large comme ce fonctionnaire de la province de Liège dont on nous rapportait l'opinion l'autre jour.
M. le ministre de l'intérieur choisira-t-il ses inspecteurs dans cette catégorie d'esprits, ou les choisira-t-il de préférence dans une catégorie qui fasse double emploi par les dispositions avec les inspecteurs ecclésiastiques ? M. le ministre de l'intérieur poussera-t-il au renforcement (erratum, page 744) dans les écoles des éléments laïques, de préférence à d'autres ?
Je suis bien bon vraiment de lui poser ces questions ; ses actes ont déjà répondu. A peine monté au pouvoir, quelle a été sa première préoccupation ? C'est de constater combien de religieuses, professes, portant l'habit, avaient reçu le diplôme d'institutrices ? 35 seulement se trouvaient dans ce cas ! Immédiatement le cœur paternel de M. le ministre de l'intérieur s'est ému en faveur de ces saintes filles, et il n'aura de repos qu'il n'ait comblé le vide que laissait l'élément congréganiste dans le personnel de l'enseignement primaire.
Les garanties que, sous un ministère libéral, nous eussions pu trouver contre des abus semblables à ceux qui existaient à Arlon, se produisant dans l’enseignement primaire, ces garanties n'existent donc même plus. Et vous voudriez que la loi de 1842 ne fût pas l'objet de notre hostilité, de notre animadversion constante ! Vous nous faites une grâce ! Vous voulez bien consentir à appliquer cette loi. Mais cette loi, j'ose le dire, ne pourrait plus entrer aujourd'hui dans la législation d'aucun peuple. Citez-moi, en effet, un seul peuple de l'Europe ou du nouveau monde chez lequel, dans l'état actuel des choses, vous pourriez faire entrer dans la législation une loi consacrant de pareilles abdications.
Quant à moi, si j'avais à choisir, je préférerais encore le régime des écoles confessionnelles de la Prusse et de la Suisse. Dans ce système, il y a au moins des garanties en échange des droits concédés ; dans le vôtre, il n'y en a pas.
(page 711) Mais, dit l'honorable M. Delcour, cette loi, c'est précisément le défaut qu'elle entraîne après elle, selon vous, qui nous la fait chérir.
Celte soumission, qu'elle engendre dans l'esprit des femmes et dans l'esprit des masses, c'est précisément ce qu'il faut ; le malheur du monde, c'est cet esprit d'indépendance qui partout s'étend et menace.
La soumission, mais c'est la seule ancre de miséricorde qui reste à la famille et à la société, ballottées aujourd'hui par la tempête.
Sur ce terrain, messieurs, je suis beaucoup plus à l'aise que sur celui où je m'étais aventuré hier.
Malgré moi, je m'étais vu contraint de transformer un moment la Chambre en une sorte de concile au petit pied et je vous avoue que dans de pareils sujets je suis toujours timide et hésitant, je crains trop de froisser des convictions sincères. C’est là un mal que je veux éviter à tout prix.
Mais sur le terrain où m'appelle la fin du discours de l'honorable M. Delcour, je n'ai plus de ces préoccupations.
Nous sommes là en pleines questions d'organisation politique et d'économie sociale et celles-là sont entièrement de notre compétence.
Eh bien, nettement et franchement dit, messieurs, dans ce que vous croyez, avec l'honorable M. Delcour, être le salut du monde, je vois, moi, sa perte et sa ruine. Ce que vous appréciez comme un remède à des maux réels, n'est qu'un palliatif.
C'est l'opium qui endort la douleur sans la guérir.
A quoi nous convie-t-on ? A renouveler l'expérience de la compression permanente de la nature humaine, expérience poursuivie depuis des siècles et que nous avons le droit de déclarer aujourd'hui finie et jugée.
Le monde moderne poursuit une expérience tout opposée. Il veut fonder la prospérité des sociétés sur l'expansion intégrale de la nature humaine et c'est sous ce drapeau que nous voulons marcher.
C'est sous ce drapeau que s'avance dans des voies nouvelles et d'un pas constant et sage la grande race anglo-saxonne ; c'est sous ce drapeau que demain, dès que les fumées de la guerre seront dissipées, l'Allemagne reprendra sa place ; c'est sous ce drapeau que la France, trois fois dévoyée, en un siècle, par des réactions dont vous avez toujours été les complices, va recommencer sa carrière ou, sinon, périra.
C'est ce drapeau du reste qu'ont déployé devant nous nos pères de 1830.
Les libertés qu'ils ont plantées alors, vous voudriez en faire du bois mort. Moi je veux les faire verdir, fleurir et fructifier.
La tolérance civile entrée dans le sang de la nation et rendant ainsi inoffensives les divergences religieuses ; la femme de plus en plus l'égale en science et en conscience de son mari et la famille ainsi raffermie sur des bases solides et inébranlables ; l'ouvrier de plus en plus l'égal du chef d'industrie et se constituant le défenseur de l'ordre non par résignation passive et sujétion acceptée, mais par le sentiment de sa dignité et l'intelligence des relations vraies du travail et du capital, l'ouvrier traitant des conditions de sa coopération à l'œuvre commune, non comme un serviteur, mais comme un associé.
Voilà l'idéal vers lequel tendent l'Angleterre et les Etats-Unis et vers lequel nous aussi nous voulons tendre.
Y parviendrons-nous jamais avec des sentiments d'esclaves chez nos femmes ou dans nos masses ? Non ! C'est pour cela que je veux la révision de la loi de 1842.
M. Rogier. - Messieurs, je demande pardon à la Chambre de prolonger encore ce débat qui a déjà longtemps duré.
Je suis resté, pendant cette longue discussion, silencieux sur mon banc, appréciant à leur valeur plusieurs discours remarquables qui ont été prononcés dans cette enceinte et tout en faisant réserve de mes opinions personnelles, je rendais hommage à ceux qui les avaient prononcés.
Tout à coup je suis surpris dans ma position passive par une attaque émanée du banc ministériel. M. le ministre de l'intérieur a le tort, suivant moi le malheur de faire trop souvent appel aux souvenirs des administrations qui ont précédé la sienne ; il a presque toujours la main malheureuse ; et les accusations qu'il adresse à ses prédécesseurs retombent de tout leur poids sur sa tête.
J'avoue, messieurs, que dans le courant des affaires, j'avais un peu perdu de vue la commune connue sous le nom de Scheldewindeke. M. le ministre de l'intérieur a représenté le bourgmestre (manqué d'abord) de cette commune comme une victime de l'animosité, de la partialité politique du ministère de 1857. Voyons les faits.
En 1857, il y avait en cette commune une place de bourgmestre vacante, le rival en influence de l'aspirant bourgmestre venait de mourir ; M. Vergauwen était sur les rangs pour devenir bourgmestre et très probablement il eût été nommé, bien qu'étant notre adversaire politique, car nous avons nommé à ces fonctions bon nombre de représentants et de sénateurs qui se trouvaient dans la même situation que M. Vergauwen. Je ne veux pas multiplier les noms propres ; je demande à M. Vergauwen de s'adresser à son collègue du Sénat, M. le baron d'Anethan.il en sera convaincu, (Interruption.)
Nous aurions donc probablement nommé M. Vergauwen ; c'est un grand propriétaire, un homme estimable et très capable de diriger la commune. Mais voici qu'arrivent les élections parlementaires qui ont suivi l'avènement du ministère de 1857.
Il paraît à cette occasion, dans l'arrondissement de Gand, un manifeste qui, sous le rapport des outrages et des injures adressés au ministère d'alors, ferait pâlir les compliments adressés à plus d'une tête couronnée... (interruption) dans la presse religieuse et dans des régions plus hautes encore. Je ne reproduirai pas toutes les gracieusetés qui nous étaient adressées ; elles se résumaient en ces deux mots : ministère antinational, antichrétien, II fallait combattre à outrance ce ministère antinational, antichrétien. M. Vergauwen signait ce manifeste et il ajoutait à sa signature sa qualité de conseiller communal.
C'est sans doute à cette carte de visite que l'honorable M. Kervyn a fait allusion.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Vous vous trompez.
M. Rogier. - Ce manifeste fut probablement envoyé au gouverneur.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Précisément.
M. Rogier. - Je ne vois donc pas ce que vient faire ici cette carte de visite qu'il a signalée comme la cause de l’échec de l'aspirant bourgmestre, à moins que l'honorable M. Kervyn n'ait voulu présenter ce manifeste sous la forme adoucie d'une métaphore académique.
Quoi qu'il en soit, au moment de faire choix du bourgmestre de cette commune, que je ne nommerai plus, nous trouvâmes qu'il n'était pas possible que le gouvernement donnât une marque de confiance au signataire d'un manifeste où le ministère était traîné dans la boue. Lui-même, semble-t-il, n'eût pas pu l'accepter sans porter atteinte à sa propre dignité, à sa loyauté personnelle.
Il ne fut donc pas nommé.
Mais telle était la violence de ce ministère qu'il ne nomma d'abord personne. Toutefois, comme il ne restait plus qu'un seul échevin pour administrer la commune, cela ne suffisait pas, nous nous permîmes de nommer un second échevin.
Ce brave homme accepta, désireux de pouvoir être utile à sa commune et au gouvernement. La nomination paraît au Moniteur et voilà qu'au moment de prêter serment, il est pris d'une frayeur soudaine : il ne peut pas prêter serment ni accepter les fonctions qu'il était d'abord tout disposé à remplir.
Je voudrais, d'un côté, abréger ces détails, et, d'un autre côté, je ne suis pas fâché, puisque l'occasion s'en présente et que j'y ai été amené en quelque sorte malgré moi, de renfermer en un seul tableau les choses qui se passent en grand et en beaucoup d'autres endroits en Belgique.
Cet échevin n'acceptant pas, c'était probablement pour des motifs sérieux. J'ai pu constater, messieurs, qu'il avait été appelé au presbytère, dans une réunion où assistaient plusieurs ecclésiastiques et de plus l'aspirant bourgmestre, signataire du manifeste électoral adressé au gouverneur. Là, je ne sais par quels moyens, - ou plutôt je ne le sais que trop, - ce brave homme se trouve entièrement converti. On lui avait donné à entendre qu'il s'exposait à une ruine complète s'il acceptait. Tout cela est consigné dans des rapports officiels, que j'ai eu l'occasion de parcourir et je dirai, comme s'exprimait avant-hier M. le ministre des finances : C'est acquis.
M. Frère-Orban. - Ce qui est acquis aussi, c'est le roman de M. Kervyn.
M. Rogier. - D'après les Annales parlementaires, l'honorable M. Frère aurait dit que l'opposition de M. Vergauwen était dirigée contre l'administration provinciale. C'est une erreur du compte rendu, c'est au gouvernement que s'adressait son opposition.
M. Frère-Orban. - C'est ce que j'ai dit.
M. Rogier. - Nous sommes d'accord.
M. Jacobs, ministre des finances. - C'est ce que j'ai dit.
(page 712) M. Rogier. - Si M. Vergauwen avait bien voulu se contenter de ce premier exploit, je ne dis pas que, le temps aidant, on n'eût pas fini par le nommer. Mais ce premier exploit ne lui suffit pas. Il entreprend une campagne en règle contre le gouvernement, et au détriment de la commune, peu lui importe. Membre du conseil communal, il fait décider par le conseil qu'aussi longtemps qu'on n'aura pas nommé un bourgmestre et un échevin, le conseil communal ne se mêlera plus d’aucune affaire administrative.
Voilà dans quel étal d'anarchie ce grand propriétaire jette sa propre commune.
Des lors la commune s'abstient de régler le budget, les listes électorales, les cotisations personnelles. La voilà privée de toute administration, à tel point que la députation permanente est obligée d'envoyer, aux frais des conseillers, un commissaire spécial pour faire l'office du conseil communal frappé d'interdit. Un pauvre échevin était resté sur la brèche. Véritablement, quand j'ai lu les rapports des autorités, j'ai ressenti une profonde estime pour ce brave campagnard, et puisqu'il y a des décorations pour le courage civique, je tiens qu'il en est digne. Il a fait tout ce qui lui était humainement possible pour faire marcher l'administration ; mais enfin poussé à bout, il a été obligé d'envoyer lui-même sa démission au roi.
Voilà la situation dans laquelle se trouvait cette commune, voilà l'ouvrage que faisait l'honorable sénateur. Et c'était là peut-être un motif pour le gouvernement de donner une marque de confiance à un personnage capable d'un pareil procédé, en supposant qu'il eût, lui, assez peu le sentiment de sa dignité pour l'accepter !
Bref, il régnait, grâce à sa direction, une anarchie complète dans la commune sous tous les rapports. Le secrétaire communal était, disaient les rapports officiels, insulté dans les rues, et poursuivi par des attroupements que conduisait le sacristain. Je constate que le clergé a joué là un rôle très condamnable. S'il y avait dans l'opinion de nos adversaires cette, franchise et cette indépendance qui se sont manifestes plusieurs fois dans nos rangs, il faudrait que des voix s'élevassent sur les bancs de la droite pour condamner la conduite du clergé, quand il intervient d’une manière scandaleuse dans les affaires qui ne le concernent pas ; vous devriez avoir le courage de le blâmer ; mais vous l'encouragez par votre silence, au lieu de vous joindre aux hommes modérés qui ont fait la guerre au clergé, non dans l'église, non pas même dans l'école, mais sur le domaine politique qui n'est pas le sien.
N'est-ce pas une chose des plus regrettables de voir un grand propriétaire, secondé par le clergé, persécuter d'humbles fonctionnaires, travailleurs agricoles, les abreuver de dégoûts et les effrayer de menaces, au point de les forcer à abdiquer leur rôle administratif ?
Eh bien, messieurs, dans ces conditions, était-il un gouvernement, si peu soucieux qu'il pût être de sa dignité et de ses devoirs, qui pût proposer au Roi la nomination d'un pareil candidat ? Je ne l'ai pas fait et je m'en applaudis ; et mes collègues qui m'ont suivi ne l'ont pas fait davantage et je les en félicite.
Mais les temps ont changé ; le ciel est devenu plus serein. Je ne me rappelle, pas exactement la date de l'avènement du nouveau ministère, le 2 juillet, je crois. Eh bien, ceci est curieux. Dès le 5 juillet, trois jours après son avènement, l'honorable M. Kervyn demande un rapport au gouverneur sur les nominations de bourgmestres qui se trouvent suspendues depuis un temps plus ou moins long.
Il y a urgence. M. le gouverneur, jaloux de donner des preuves de son zèle, répond le 9 juillet, et je voudrais bien qu'on donnât lecture de son rapport.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Volontiers.
M. Rogier. - J'ai ici un extrait de ce rapport ; je n'ai pas trouvé tous les rapports, il en manquait plusieurs. (Interruption.)
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Y a-t-il là une insinuation ? (Interruption.)
M. Rogier. - Le gouverneur retrace l'histoire de ce qui s'est passé et, dans un rapport qui est envoyé au ministre, il conclut avec beaucoup d'esprit et avec une certaine logique que l'avènement de l'honorable M. Kervyn au ministère de l'intérieur changeait la situation ; que ce qui avait paru impossible jusque-là pouvait devenir possible aujourd'hui ; qu'il serait prêt, lui, à s'exécuter si on le lui demandait. Un bourgmestre fut donc nommé. C'est là un des premiers actes qui ont signalé la nouvelle administration ; après dix ans de siège, les vainqueurs sont entres dans la place de Scheldewindeke (Interruption.) C'cat, en effet, une véritable Iliade et je crois qu'il y aurait utilité pour le pays, en même temps qu'un certain agrément, à lire en détail toutes les phases de cette épopée.
Quoi qu'il en soif, le sénateur, longtemps retenu a l’entrée, est entré un beau jour en triomphateur dans la commune ; il est devenu bourgmestre.
Eh bien, quoi que l'on fasse, il est des questions où la solidarité morale s'établit entre les gouvernements qui se succèdent, fussent-ils d'opinions différentes. Je demande à l'homme le moins impartial si, dans la conduite de l'aspirant bourgmestre, il n'y avait pas de motifs plus que suffisants pour toute administration quelconque ne pas l'appeler à la tête de la commune ; si cette nomination n'est pas un encouragement donné à l'esprit d'anarchie dont il a fait preuve !
Si c'est ainsi que M. le ministre comprend les devoirs et la dignité du gouvernement, je ne lui fais pas mon compliment. A sa place j'aurais maintenu l'exclusion qu'il a critiquée et je ne serais pas venu innocenter et couvrir de ma signature des actes qui, à la rigueur, auraient pu être déférés à une autre juridiction que la juridiction administrative.
Il y avait, par provocation, anarchie, dans la commune, refus de concours sur tous les points essentiels de l'administration, les conseillers qui voulaient se réunir en étaient empêchés par la violence. Eh bien, on a récompensé l'agent principal de ces désordres par la place de bourgmestre. Que cette place lui soit légère ainsi qu'à M. le ministre de l'intérieur !
M. Bara. - Il a été décoré.
M. Rogier. - Il a été décoré ? Eh bien, je ne retire pas ce que je dis ; loin de là. J'en aurais peut-être, si je l'avais su, parlé avec plus d'animosité. Mais je ne voudrais pas y mettre de colère. J'avoue à M. le ministre de l'intérieur que ce n'est pas un sentiment de colère qu'il excite en moi.
On a donc décoré ce bourgmestre. Et ceux qui ont fait la guerre avec lui, n'ont-ils donc rien eu ? Nous les recommandons à la sollicitude de M. le ministre de l'intérieur.
Messieurs, à parler franchement, je crois que nos débats, tels qu'on doit généralement les comprendre, ne comportent pas précisément toutes les discussions de détail auxquelles nous sommes entraînés ; mais, cette fois, les observations de l'honorable M. Kervyn ne m'ont pas permis de garder une attitude purement passive. On est venu accuser le ministère doctrinaire de beaucoup de choses que, pour ma part, j'ai laissées passer, vu leur origine. Mais, de la part des ministres, c'est plus sérieux.
Je souhaite beaucoup que M. le ministre de l'intérieur parvienne à exercer ses fonctions politiques et administratives avec la modération et l'impartialité dont il a trouvé des exemples dans ses trois derniers prédécesseurs. Plusieurs hommes politiques qui se disent nos amis, et que je crois être nos amis, nous ont accusés d'avoir apporté trop de modération et de ménagement dans nos procédés politiques.
Nous ne pouvons pas accepter les reproches de M. Kervyn pas plus que les reproches de nos honorables amis. Nous pensons avoir été modérés, impartiaux, indépendants et fermes sans recourir aux moyens que la loyauté désavoue.
Je sais, messieurs, que l'honorable ministre de l'intérieur a d'autres qualités, supérieures à celle-là et je n'ai pas du tout l'intention de nous comparer à lui sous ce dernier rapport ; mais je lui demande de vouloir bien se montrer aussi indépendant que nous le sommes.
Je lui demanderai enfin, avant de lancer des accusations à ses prédécesseurs, de réfléchir à la portée de ses paroles ; il s'épargnera ainsi des répliques semblables à celles qu'il a provoquées de divers côtés et que j'ai été forcé de lui faire à mon tour.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Messieurs, je crois que j'avais parfaitement le droit de constater qu'un grand nombre de fonctions communales sont restées inoccupées pendant un grand nombre d'années... (Interruption.) J'ai cité plusieurs provinces où des fonctions communales sont restées inoccupées, pendant sept, huit ou neuf années... (Interruption.)
Il m'était permis de dire que dans deux provinces, parce que les personnes qui se trouvaient appelées par la confiance de leurs concitoyens à gérer les fonctions communales étaient en opposition avec le cabinet, par ce motif et rien que par ce motif, les fonctions communales sont restées vacantes pendant un certain nombre d'années.
M. Van Wambeke. - C'est arrivé dans trois communes de l'arrondissement d'Alost.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - J'ai cité la province de la Flandre orientale et la province de la Flandre occidentale.
L'honorable M. Rogier s'est vivement ému des paroles que j'ai prononcées, et il a résumé dans son discours un dossier qui était exclusivement formé de rapports remplis d'attaques contre l'honorable M. Vergauwen.
(page 713) Il est vivement regrettable que l'honorable M. Vergauwen ne puisse opposer à ces attaques dont il n'a pas connaissance, une réponse qui, j'en ai la conviction, serait complètement victorieuse. (Interruption.)
L'honorable M. Vergauwen appartient a une famille dont le nom n'est pas inconnu. Son frère fut l'un des fondateurs de notre monarchie constitutionnelle ; son nom est inscrit sur la colonne du Congrès. Lui-même fut désigné par la confiance de ses commettants pour entrer à la Chambre des représentants dès 1851, et en 1870, c'est encore la confiance du corps électoral qui lui maintient le mandat législatif au Sénat.
J'ai le droit de dire qu'un homme, qui aussi longtemps qu'ont existé nos institutions, qui depuis l'origine de notre monarchie, de notre liberté, est resté investi de la confiance du corps électoral, ne mérite pas les attaques dont il a été l'objet de la part de l'honorable M. Rogier.
M. Jacobs, ministre des finances. - Et on s'étonne qu'il soit décoré !
MiKù. - Je comprends autrement que l'honorable M. Rogier le rôle du gouvernement vis-à-vis des autorités communales ; et lorsque je l'entendais tout à l'heure citer un rapport du gouverneur de la Flandre orientale qui insistait sur la part prise par M. Vergauwen à des manifestes électoraux, je ne pouvais oublier que ce qu'on reprochait à M. Vergauwen et ce qui empêchait de lui confier les fonctions de bourgmestre, ce n'était pas cette adresse, ce n'était pas cette proclamation aux électeurs, c'était simplement cette circonstance qu'il avait placé sa qualité de conseiller communal, non pas comme je l'ai dit par erreur, au bas d'une carte déposée chez le gouverneur, mais au bas d'une circulaire qui fut adressée, je pense, au gouverneur et' où il se posait en adversaire politique du cabinet... (Interruption.)
Le gouverneur de la Flandre orientale lui-même déclare que ce n'est pas à raison de la circulaire de M. Vergauwen au corps électoral qu'il a proposé au gouvernement de ne pas le nommer.
M. Rogier. - Il cite des passages du manifeste.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Oui, mais il déclare que ce n'est pas à raison du manifeste, mais à raison de sa qualité de conseiller communal apposée au bas de la lettre.
M. Bara. - Lisez la pièce.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Je l'insérerai aux Annales parlementaires. [insérée en note de bas de page et non reprise dans la présente version numérisée].
Mais qu'était donc la base de cette théorie ? Il faut bien le dire ; il y avait, de la part du gouvernement ou tout au moins de ses représentants dans les provinces, un système qui consistait à briser les mandataires de l'autorité communale toutes les fois qu'ils osaient résister ; et puisqu'on a introduit dans cette discussion des arguments tirés de la correspondance du gouverneur de la Flandre orientale, je demande à la Chambre la permission de lui donner immédiatement la preuve qu'on considérait les autorités communales qui osaient résister au gouvernement comme des coupables de je ne sais quelle catégorie, car on les assimilait à ces malheureux que M. le ministre de la guerre envoie dans les compagnies de discipline !
M. Bouvier. - C'est trop fort !
- Voix à droite. - C'est comme cela.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. ~ Le dossier dont M. Rogier a fait usage se compose presque exclusivement de rapports du gouverneur de la Flandre orientale.
M. Frère-Orban. - Du commissaire d'arrondissement.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Surtout de rapports du gouverneur de la Flandre orientale. Eh bien, j'en citerai à mon tour un passage :
« Permettez-moi, M. le ministre, une observation d'ensemble et de circonstance.
« A propos des difficultés que chaque chef d'administration est exposé à rencontrer dans sa sphère d'action, l'évêque diocésain me disait un jour que bien de ses nuits étaient troublées par les soucis que lui causaient les dangers mêmes dont le menaçaient ses prêtres interdits ou en punition aux Chartreux.
« Un général me disait de son côté que sans l'existence du bataillon de discipline, il ne parviendrait pas à maintenir l'ordre dans ses régiments. (Interruption.)
« Or, les gouverneurs de province n'ayant à leur disposition ni établissement de Chartreux, ni bataillon de discipline, quand dans le personnel administratif de leur ressort se produisent des individualités qui, égarées, soit, par la fièvre d'opposition politique, soit par les propensions naturelles à dévier, manquent à leurs devoirs... »
M. Dupont. - Qu'il manque à ses devoirs...
M. Frère-Orban. - Qu'il introduit l'anarchie...
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - « Quand dans le personnel administratif de leur ressort se produisent des individualités qui, égarées, soit par la fièvre d'opposition politique, soit par les propensions naturelles à dévier, manquent à leurs devoirs, les seuls moyens correctifs praticables contre eux sont d'abord les avertissements et les conseils, ensuite la tenue en suspens de leur mandat à renouveler, puis leur élimination à l'expiration de celui-ci, enfin leur révocation.
« Je n'ai que très rarement fait usage de l'avant-dernier et jamais je n'en suis venu à provoquer l'autre, auquel je répugne. » (Interruption.)
M. Pirmez. - Je demande la parole.
M. le président. - Le premier orateur inscrit est M. Van Wambeke.
(page 719) M. Van Wambeke. - Messieurs, aussi longtemps que nos adversaires se sont tenus dans des déclamations banales et sonores... (Interruption.) Riez tant que vous voudrez, cela ne m'intimidera pas. Aussi longtemps, messieurs, qu'ils ont cherché par tous les moyens imaginables à faire revivre l'éternelle question du clérical et du libéral, nous avons cru pouvoir garder le silence, parce que nous sommes convaincus que l'immense majorité du pays est avec nous et pense comme nous, dit avec nous que toutes ces questions soulevées si mal à propos centre l'honorable M. Kervyn trouvent leur source dans la défaite de nos adversaires aux élections du 14 juin et du 2 août.
Mais lorsque nous avons entendu, dans une séance précédente, l'honorable M. Frère se plaindre de ce que dans une commune de l'arrondissement de Liège on s'était permis de nommer un échevin dans la minorité, lorsque nous avons entendu l'honorable M. Bara, avec une audace sans pareille (Interruption), venir dire qu'il n'avait jamais fait d'autres nominations que des nominations justes et équitables, nous ayons cru ne plus pouvoir garder le silence.
Nous avons haussé les épaules, messieurs, lorsqu'on nous a dit et répété sur tous les tons que nous sommes les représentants du clergé, que nous sommes les représentants des évêques, que nous voulons le règne de l'ignorance, que nous ne sommes pas les amis des libertés, que toutes ces vertus appartiennent exclusivement à nos adversaires ; lorsque nous avons entendu tout cela, nous nous sommes demandé si nous rêvions. Et, puisque nous nous occupons du budget de l'intérieur et que l'honorable M. Rogier a soulevé une discussion au sujet d'un bourgmestre...
M. Rogier. - Ce n'est pas moi ; c'est M. le ministre de l'intérieur qui a soulevé ce débat.
M. Van Wambeke. - Nous allons faire l'historique de ce qui a eu lieu, sous les administrations antérieures, dans l'arrondissement d'Alost que je connais plus particulièrement. Nous allons voir comment ces grands amis de la liberté agissaient à l'égard de nos populations flamandes et comment ils respectaient leurs vœux librement exprimés dans les élections communales.
Je ne dirai rien qui ne soit conforme à la plus scrupuleuse vérité et je prierai mes contradicteurs de contrôler tout ce que je vais dire.
M. de Rossius. - Donnerez-vous les dossiers ? (Interruption.)
M. Van Wambeke. - Je n'en ai pas besoin. (Interruption.) L'arrondissement d'Alost contient dans son sein 81 communes avec une population s'élevant à peu près à 150,000 habitants.
Ces communes sont essentiellement catholiques ; elles le prouvent à chaque élection, nos adversaires doivent en faire leur deuil : dans l'arrondissement d'Alost ils sont réduits à l'état d'impuissance la plus absolue. Eh bien, l'ancien ministère avait fait un raisonnement très simple, comme le font du reste tous les despotes ; il s'était dit : Les communes flamandes ne veulent de notre domination à aucun prix. Nous allons tâcher de leur imposer notre loi ; dans chaque commune, là où nous pourrons le faire, nous placerons à la tète de l'administration communale un censeur du curé et nous nommerons un bourgmestre sans envisager s'il appartient à la majorité ou à la minorité du conseil.
Aussi, messieurs, chaque fois que nos adversaires ont pu nommer, dans l'arrondissement d'Alost, un bourgmestre dans la minorité au risque, comme le disait l'honorable M. Frère dans la séance du 24 août, de désorganiser toute l'administration, ils se sont empressés de le faire. C’était chez eux un système que tout le monde dans les Flandres connaît et a apprécié.
Pour être nommé bourgmestre dans une commune flamande un peu divisée, il fallait être affilié à un club quelconque.
Des individus, sans aucune qualité, réunis autour d'un tapis vert, et qui prenaient jadis le titre de membre du club libéral, soit de Ninove, de Grammont, d'Alost exigeaient l'adhésion du candidat bourgmestre à leurs statuts et devaient être consultés sur ces nominations.
Voyons, messieurs, comment l'ancien ministère, qui était animé d'aspirations si libérales envers ces populations, se conduisait envers elles.
Dans la commune d'Appelterre-Eychem, arrondissement d'Alost, ayant une population de 1,000 habitants, on est parvenu à affilier un seul membre à l'association libérale de Ninove ou Alost. Il a été nommé bourgmestre quoique appartenant à la minorité du conseil.
A Baerdeghem, arrondissement d'Alost, commune de 1,200 habitants, un seul paraissait un peu pencher vers le libéralisme et a été nommé bourgmestre.
A Baeveghem, commune du canton d'Alost, l'ancien bourgmestre libéral avait été éliminé en 1806 ; ttout le monde désignait une personne honorable catholique pour le remplacer. La commune est restée de 1866 jusqu'en 1869 sans bourgmestre, on s'est décidé à faire la nomination après que le scrutin de 1869 avait enlevé tout espoir à l'ancien bourgmestre libéral.
A Bambrugge, petit village du canton d'Herzele, on a fait plus. On n'a pas hésité à nommer le bourgmestre en dehors du conseil ; il y a déjà plusieurs années que ce fait s'est passé, puis que l'ancienne bonne députation libérale avait dû donner son avis. Et voulez-vous que je vous cite un trait de ce bourgmestre libéral par excellence ? Vous rirez peut-être, mais le fait est aussi particulièrement connu de l'honorable M. Van Cromphaut. Ce bourgmestre modèle, voyant qu'il n'avait plus de chance d'être réélu, s'était dit : Je suis l'ami du gouverneur et du commissaire d'arrondissement, eh bien, il n'y aura pas d'élection à Bambrugge.
Le jour du scrutin, il prend la liste électorale et la clef de la chambre du conseil et quitte, la commune.
Et pour faire l'élection il a fallu l'envoi d'un commissaire spécial. Inutile de dire que les électeurs l'ont éliminé.
A Erondegem, commune de nos environs, l'ancien bourgmestre étant venu à décéder, on fait la nomination à la veille de la formation du nouveau cabinet.
On parvient à avoir un affilié au club libéral, on le nomme bourgmestre in extremis, le 30 juin 1870. Ah ! M. Frère, comme vous étiez dans l'erreur quand dans la séance du 24 août vous disiez ce qui suit :
« Et le ministère, après avoir commis ces fautes, au lieu de calmer, a irrité. Il était, on vient de le dire tout à l'heure, un ministère provisoire, il était sans pouvoir parlementaire ; il était dans une position analogue à celle du ministère démissionnaire.
« Or, qu'avons-nous fait ? Après avoir donné nos démissions, nous avons pensé qu'en attendant nos successeurs nous n'avions plus autre chose à faire que de pourvoir aux besoins quotidiens de l'administration, nous n'avons fait notamment que les nominations nécessaires, indispensables, sans plus. Nous avons agi ainsi à toutes les époques.
« Telle n'est pas la pratique de nos adversaires ; car, chaque fois que nous sommes arrivés au pouvoir, nous avons dû y mettre pour condition que les arrêtés proposés in extremis ne seraient pas exécutés. Le ministère actuel, au contraire, s'est empressé, dans la même situation, de faire des nominations administratives, judiciaires et politiques.
« A peine installé, il a demandé où en étaient les nominations de bourgmestres et d'échevins pour y pourvoir immédiatement. On craignait, sans doute, que le 2 août ne vînt pas consacrer la réalisation des espérances du parti catholique... Mais, messieurs, je parle de vos actes. Vous vous êtes empressés de pourvoir à toutes les nominations et dans que esprit l'avez-vous fait ? Dans un esprit de paix, d'apaisement, de conciliation et de concorde dont on nous a parlé tout à l'heure ?
« Je ne citerai qu'un fait, il y en a beaucoup d'autres ; ils viendront à l'heure propice. Pour le moment, je ne veux que caractériser le ministère et vous montrer, par ses actes, l'esprit qui le domine..
« Un fait donc me suffit.
« Dans mon arrondissement, une commune a un conseil communal presque complètement composé de libéraux ; deux catholiques seulement s'y trouvent. Cette commune a pour bourgmestre le principal propriétaire de l'endroit, M, le comte d'Hemricourt, un homme très modéré.
« Il y a une place d'échevin vacante. Que va faire le conciliant et modéré ministre de l'intérieur ? Va-t-il suivre les présentations administratives ?
« Je ne sais même si elles ont été demandées. Mais, en vérité, je suis plus porté à croire à la présentation du curé.
« Voilà les actes pour calmer les passions pendant l'élection.
« Donc dans ce conseil communal il y a deux catholiques ; tous les autres membres sont libéraux, et on inflige au bourgmestre l'un des deux pour échevin. »
Vous nommez donc, dans ce village d'Erondegem, un bourgmestre à la date du 30 juin, in extremis, et vous prenez le seul opposant à l'opinion (page 720) de tous |es autres membres du conseil, alors que, d'après M. Frère, vous n'en avez plus le droit, au risque de désorganiser toute l'administration communale.'
À Erembodegem, village qui touche à la ville d'Alost, l'ancien bourgmestre, appartenant à l'opinion libérale, avait été éliminé aux élections de 1869. On à laissé cette commune, de 4.000 âmes, sans bourgmestre. Et il a fallu que l'honorable M. Kervyn fît cette nomination au mois de juillet dernier, nomination excellente, prise dans la majorité du conseil, et dont je le remercie !
A Erpe, village de 2,500 habitants, l'ancien bourgmestre, notaire, avait été éliminé en 1866 ; il avait dans le conseil un seul affilié ; il a été nommé bourgmestre, contrairement à la demande générale. C'était un parti pris. Eliminé à son tour en 1869, on a encore laissé cette commune sans bourgmestre, jusqu’au 30 juin 1870.
Pourquoi a-t-on fait cette nomination ? Je vais vous le dire.
La commune était exclusivement catholique, on ne pouvait nommer qu'un catholique ' mais il y avait une personne qui était désignée par l'opinion publique. :C'était un conseiller provincial et communal, docteur en médecine, et entouré de l'estime générale. Cet honorable membre était désigné par tous, On était certain que le nouveau cabinet n'aurait pas hésité à le placer à la tête de l'administration et pour empêcher la nomination du docteur de Vos et satisfaire la rancune de l'ancien bourgmestre éliminé on a fait une autre nomination d'un homme honorable, mais qui était loin de posséder les qualités du conseiller provincial. !
A Hofstade, village de 2,200 habitants, situé aux portes d'Alost, le conseil communal est exclusivement catholique ; on y a nommé bourgmestre un très brave homme que je compte parmi mes amis ; mais la nomination n'a été faite que parce qu'il paraissait appartenir au parti libéral.
Ainsi, c'est toujours dans la minorité qu'on fait des choix, et cela, d'après la déclaration de M. Frère, pour désorganiser toutes les administrations communales.
A Kerkxken, commune industrielle de notre arrondissement, l'ancien bourgmestre libéral a été éliminé ; on a tardé de faire une nomination, espérant toujours ramener au bercail libéral un des élus ; n'y ayant pas réussi, on s'est décidé à nommer in extremis, le 30 juin 1870, un homme honorable.
A Mortel, commune d'au delà de 3,000 habitants, touchant également à la ville d'Alost, le conseil est composé en grande majorité de membres appartenant à 1'opinion catholique ; un seul paraît être du club libéral d'Alost ; il a été nommé bourgmestre de la commune et il l'est encore..
A Oordegem, commune de 2,000 habitants, appartenant au canton d'Alost, on a été plus loin. On a fait une élection partielle à l'effet de faire entrer une personne honorable dans le conseil ; on disait d'avance que cette élection partielle était faite pour nommer la personne désignée ensuite bourgmestre. Et le fait s'est parfaitement confirmé : quelques jours après les élections la personne désignée était nommée bourgmestre.
A Oultre, on a été plus loin encore et ici j'en appelle au témoignage de notre honorable président, M. de Naeyer.
Cette commune avait, à la tête de l'administration communale, un administrateur modèle,' éclairé, cultivateur aisé, mais qui ne voulait pas courber la tête devant les membres du club dit Libéral de la ville de Ninove. Cet homme honorable, malgré les recommandations de M. de Naeyer, malgré les preuves qu'il avait données de sa bonne administration, a été éliminé ; on l’a sacrifié pour nommer à sa place le seul membre du conseil appartenant à l'opinion opposante, et cela pour contenter les prétendus libéraux de Ninove.
Dans la commune de Nieuwerkerken près d'Alost, l'opinion catholique domine ; il y a un opposant : il a été nommé bourgmestre.
A Audenhove-Saint-Géry, à Strypen, commune du canton de Sottegem, l'ancien cabinet à encore pris le bourgmestre dans la petite minorité du conseil. Mêmes nominations à Steenhuyse, à Velsicque, à Meire, à Sottegem et, dans le chef-lieu de notre arrondissement même, on a pris le bourgmestre dans la minorité.
Nous avons donc le droit de demander, messieurs, en présence d'un si grand nombre de nominations faites dans les minorités, si ce n'était pas là un système organisé sous l'ancien ministère.
Du reste dans toute la Flandre, on sait que pour être nommé bourgmestre dans les communes divisées, il fallait courber la tête devant les exigences du pouvoir et que les hommes indépendants qui ne voulaient pas le faire étaient d'avance sacrifiés, n'importe quelle était leur honorabilité, n'importe quels étaient les services qu'ils avaient rendus à la chose publique. Voilà la vérité vraie. Je pourrais, à cet égard, citer de nombreux faits connus de tous les hommes politiques, mais je ne veux pas m'appesantir sur ce point. Il est donc très étonnant d'entendre que nous sommes les adversaires des libertés communales, les partisans de l'ignorance, et que vous, messieurs de la gauche, vous êtes les partisans des libertés communales. Singuliers artisans, vous portez toujours le masque de la liberté, et vous pratiquez partout un despotisme intolérable.
Mais, votre système, messieurs, a fait son temps, on sait ce qu'il vaut. Il tendait à faire courber la tête à toutes les administrations communales et à les faire fléchir devant l'omnipotence de l'Etat.
C'est ce système qui vous a perdus dans les Flandres, car les Flandres n'oublieront jamais ce qu'elles doivent à la liberté, et malgré tout ce que vous ferez, elles ne s'inclineront jamais devant les despotes.
Lorsqu'on dit donc que nous sommes les représentants des évêques, les représentants de l'ignorance, nous pouvons opposer à ce dire et à ces déclamations, qui n'ont plus de sens aujourd'hui, tout notre passé ; nous pouvons dire que nous sommes ici par la volonté de la nation, par la volonté des électeurs et que nous saurons toujours défendre leurs droits les plus sacrés... (Interruption.)
Nous n'avons pour guide, messieurs, que nos convictions et nos consciences et nous n'avons à recevoir d'ordre de personne ; peut-être n'en est-il pas ainsi sur vos bancs.
Ah ! vous êtes indépendants, vous le croyez ! vous êtes libéraux, vous le croyez encore ! Mais qu'avons-nous entendu à la séance d'hier ? Nous avons entendu l'honorable député de Bruxelles nous dire ce que le libéralisme veut en matière d'enseignement.
Que voulez-vous en matière d'enseignement ? L'honorable membre nous l'a dit avec une crudité de langage à laquelle je rends hommage. Vous voulez que l'enseignement soit complètement sous la dépendance de l'Etat, vous voulez anéantir la liberté de l'enseignement.
Mais, messieurs, de quel droit voulez-vous cela ? Que faisons-nous, nous autres catholiques, lorsque nous voulons ériger des écoles privées ; nous les payons de nos deniers, nous n'hésitons pas à faire des sacrifices. Introduisez à votre tour en Belgique autant d'écoles que vous voulez ; faites des écoles de libres penseurs et de libres penseuses, mais ayez soin de les payer vous-mêmes. (Interruption.) Ne faites pas payer aux populations un enseignement dont elles ne veulent pas et que vous ne parviendrez jamais à imposer à nos populations flamandes si dévouées et si patriotiques.
Messieurs, j'ai cru devoir protester contre ces paroles imprudentes qu'on nous lance continuellement à la tête, parce que nos adversaires finiraient par croire réellement et sérieusement qu'ils sont le parti des lumières, le parti protégeant toutes les libertés, toutes les vertus et, comme le disait avant-hier M. De Fré, le parti des honnêtes gens. En fait d'honnêteté, les Flandres n'ont rien à apprendre de vous. Nos populations, auxquelles nous sommes fiers d'appartenir, montreront en toute circonstance qu'elles sont les dignes descendants de leurs ancêtres ; et lorsque vous voudrez violenter leur conscience, n'importe par quel moyen, je vous dis d'avance que vous n'y réussirez jamais, parce que nous savons trop bien ce que nous devons à la liberté, parce que nous avons juré d'observer la Constitution et que nous sommes décidés à la maintenir dans toutes ses dispositions libérales, que nous voulons aussi que nous puissions en jouir, nous ne serons jamais les adversaires des libertés inscrites dans notre pacte fondamental. J'ai dit.
(page 713) M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Tout à l'heure, par une phrase dont j'ai eu peine à me rendre compte, l'honorable M. Rogier a affirmé ou a insinué que le dossier qu'il avait eu sous les yeux, n'était pas complet. Je viens d'examiner à l'instant le dossier, et voici ce que j'y trouve : c'est qu'à côté de la mention qu'une lettre du 7 septembre 1859 manque, mention ancienne, je pense, puisqu'il s'agit d'un dossier de 1859, je rencontre un bordereau indiquant l'existence de quatorze documents. J'affirme que ces quatorze documents se trouvent dans le dossier. J'ai l'honneur de le faire passer à l'honorable M. Rogier et je lui demande, au nom de la loyauté que nous nous devons les uns aux autres, de retirer ou son insinuation ou son affirmation.
M. Rogier. - D'abord ce dossier ne renferme pas la lettre dont vous venez de donner lecture.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Cette lettre est de 1870 et ne fait pas partie de ce dossier.
M. de Rossius. - Vous discutez sur cette pièce.
M. Rogier. - Je fais remarquer...
M. le président. - Vous n'avez pas la parole.
M. Rogier. - M. le ministre de l'intérieur a fait un appel à.ma loyauté, je voulais lui répondre.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - J'ai compris que vous m'imputiez d'une manière quelconque, plus ou moins directement, de ne pas vous avoir remis le dossier complet.
Voici ce qui s'est passé. Ce dossier, très ancien, n'était plus dans mon cabinet. Je l'ai fait rechercher ; je n'en ai pas même pris connaissance, je l'ai remis à l'honorable M. Rogier qui a eu la bonté de me le rendre aujourd'hui même vers onze heures ou midi. Je ne l'ai parcouru que plus tard, et (page 714) c'est à l'instant même, en présence des paroles prononcées par l'honorable M. Rogier, que j'ai remarqué qu'il y avait un bordereau et que j'ai acquis ainsi la certitude que toutes les pièces mentionnées dans le bordereau s'y trouvent.
M. Rogier. - On dit que toutes les pièces mentionnées dans le bordereau sont au dossier. Je soutiens le contraire, et je constate qu'il était écrit à l'encre bleue sur une des feuilles qu'une pièce manquait.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - J'ai vérifié numéro par numéro.
M. Rogier. - Je n'ai pas insinué que M. le ministre de l'intérieur a enlevé des pièces du dossier. Je reconnais qu'il a mis beaucoup de bonne volonté à me faire remettre ce dossier et je suis porté a croire qu'il n'en avait pas pris connaissance. La lettre qu'il vient de lire n'était pas au dossier.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Elle n'en faisait pas partie.
M. Rogier. - Le dossier, tel qu'il m'a été remis de la part de M. le ministre de l'intérieur, ne renfermait pas toutes les pièces. Je ne dis pas que M. le ministre a soustrait ces pièces au dossier, je me défends d'une pareille pensée ; si je le croyais, je le dirai avec une entière franchise, je trouve même que vous mettez beaucoup de complaisance à livrer vos dossiers ; je ne sais pas si j'y aurais mis la même complaisance ; mais si je les livrais, je le ferais de manière qu'ils ne fussent pas discutés.
M. le président. - Il y a eu un malentendu. Ne pouvons-nous pas considérer cet incident comme terminé ?
M. Rogier. - Pardon, M. le président, je persiste à affirmer que certaines pièces ne se trouvent pas au dossier.
Messieurs, nous venons d'entendre un discours où l'on reprochait à l'opposition de faire des phrases redondantes et ronflantes ; je ne veux pas analyser les qualités de la voix de l'honorable orateur. (Interruption.)
Vous venez de citer des nominations de bourgmestres faites dans le sens libéral ; je ne m'en suis pas occupé.
J'ai seulement rappelé que le gouvernement a nommé un grand nombre d'hommes qui le combattaient dans les Chambres.
Quant au bourgmestre de Scheldewindeke, c'est à M. le ministre de l'intérieur de répondre. Ce personnage n'a pas été attaqué dans sa vie privée ; loin de là ; si j'ai mis un peu d'énergie à critiquer sa conduite politique, c'est précisément parce que c'était un homme politique important et qu'il a donné, sous ce rapport, un détestable exemple.
Cette conduite consistait à dire au gouvernement : Vous me nommerez bourgmestre ; si vous ne me nommez pas, j'empêcherai tous les conseillers communaux d'accepter les fonctions de bourgmestre ou d'échevin ; j'empêcherai la marche des affaires de la commune ; je paralyserai toute action administrative.
Je dis que cette conduite est blâmable, qu'elle doit être blâmée par tout le monde et elle a été blâmée en effet par beaucoup d'amis politiques de l'honorable bourgmestre.
Je sais que dans cette enceinte la droite ne la blâmera pas ouvertement, tel n'est pas mon but ni mon espoir ; mais la question a été soulevée par M. le ministre, il m'a été impossible de ne pas dire ce que j'avais sur le cœur relativement à la conduite de l'honorable sénateur, actuellement bourgmestre ; plus il a d'importance personnelle, plus son exemple peut avoir de fâcheuses conséquences et plus, à mon avis, c'était un devoir pour nous de blâmer sa conduite.
Je ne pense pas, au surplus, que dans cette Chambre un seul membre veuille se lever pour prendre la défense de cette conduite. Je fais appel à l'impartialité de mes adversaires.
M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Je demande la parole.
M. Rogier. - Je suis charmé de voir que M. Wasseige se prépare à prendre la défense de M. Vergauwen. Cela prouve que les Flamands comptent des amis parmi les Wallons, et j'en suis. Si M. Wasseige veut prendre le rôle de ministre de l'intérieur, je ne demande pas mieux que de J'entendre.
M. Wasseige, ministre des travaux publics. - J'aurais vivement désiré ne pas prendre la parole dans l'incident du bourgmestre de Scheldewindeke, la Chambre en comprendra facilement la raison : beaucoup d'entre vous savent, messieurs, que cet honorable bourgmestre est mon beau-frère. Mais en présence du défi contenu dans les dernières paroles de l'honorable M. Rogier, il ne m'est plus permis de me taire et j'affirme que l’honorabilité politique de M. Vergauwen est hors de toute atteinte et ne justifie en aucune façon l'ostracisme dont il a été l'objet de la part du ministère libéral.
Voici les faits : M. Vergauwen a été élu membre de la Chambre de représentants en 1831, et depuis cette époque, soit comme représentant, soit comme sénateur, il a toujours servi son pays loyalement, consciencieusement, quoique adversaire déclaré du parti libéral, et cette façon d'agir a toujours eu l'appui de ses électeurs, puisque toujours il a été réélu.
Eh bien, il y a dix ans plus ou moins, M. Vergauwen fut élu conseiller communal de Scheldewindeke, dans un conseil complètement renouvelé et composé, je pense, exclusivement de catholiques. Dans cette situation, l'opinion publique désignait évidemment M. Vergauwen comme bourgmestre, le doute n'était pas permis et, malgré cela, le gouvernement le repoussa énergiquement et supplia un honnête échevin que ses antécédents ne désignaient nullement à son choix et qui ne se serait jamais attendu à devenir le premier magistrat d'une commune de près de 3,000 âmes. Ce brave homme accepta cependant sans comprendre la malice à laquelle on voulait l'associer, il croyait pouvoir compter sur l'appui de son conseil et de M. Vergauwen lui-même, mais lorsqu'il apprit qu'on voulait le rendre complice d'un procédé inqualifiable envers l'homme qu'il respectait lui-même, il refusa de jouer ce rôle et il refusa les fonctions qu'il avait d'abord acceptées. Mais j'affirme que M. Vergauwen ne s'est jamais abaissé à intervenir personnellement et directement dans une négociation qui aurait eu son propre intérêt pour but, en dehors de l'intérêt politique de son parti.
Qu'arriva-t-il après cela ? Le gouvernement fit des démarches incessantes pour trouver un bourgmestre de Scheldewindeke en dehors de M. Vergauwen, mais toujours il échoua, et le gouvernement préféra de laisser une commune de 3,000 âmes, non seulement sans bourgmestre, mais aussi sans échevins, plutôt que de passer sous les fourches caudines de M. Vergauwen, comme il le disait un jour, alors qu'une interpellation lui était adressée, car ce n'est pas la première fois que cette affaire occupe la Chambre.
Mais, chose réellement incroyable, alors que le cabinet, par passion politique, laissait une commune importante sans administration régulière, on a le triste courage d'accuser M. Vergauwen d'avoir, dans un intérêt personnel, désorganisé une commune à laquelle il a toujours été dévoué.
Eh bien, j'affirme que cette accusation est fausse en tout point. Quoique non bourgmestre, M. Vergauwen consacra tout son temps, tout son dévouement, toute l'influence que lui donnait sa position de grand propriétaire, aux intérêts de ceux qui en le nommant conseiller communal l'avaient désigné comme bourgmestre au choix du gouvernement.
Si d'abord, dans la chaleur de la lutte avec le gouvernement, il a fallu peut-être recourir à l'emploi d'un commissaire spécial, ce que j'ignore, j'affirme au moins que, bientôt après, la loi à la main et à l'aide de la liste d'ancienneté des conseillers communaux, le conseil de Scheldewindeke forma lui-même son collège échevinal et l'administration marche régulièrement et convenablement. C'est donc grâce à l'intelligence du conseil communal de Scheldewindeke que l'anarchie fut évitée dans une commune qui y était exposée par le fait du gouvernement.
Après les élections, lorsque l'opinion conservatrice revint au pouvoir, le ministère s'empressa de réparer une injustice criante qui n'avait que trop duré, et il a bien fait.
M. Pirmez. - M. le ministre de l'intérieur a donné lecture d'un passage d'un rapport du gouverneur de la Flandre orientale comme étant l'exposé de la politique qui était suivie, sous l'ancien ministère, à l'égard des communes des Flandres ; et il a représenté cette politique du gouvernement comme consistant à envoyer dans des bataillons de discipline les magistrats communaux qui ne se soumettent pas à la volonté du gouvernement !
J'accepte parfaitement le passage de ce rapport comme étant l'exposé fidèle de ce que faisait le gouvernement à l'égard des communes flamandes.
Malheureusement, M. le ministre de l'intérieur a mal compris le sens de ce qu'il a lu.
Bien loin de dire qu'il fallait envoyer dans des bataillons de discipline les fonctionnaires communaux rétifs à la volonté du gouvernement, le gouverneur fait remarquer qu'il ne peut user d'aucun moyen semblable, qu'il n'a pas plus les moyens de discipline des militaires, que les moyens qu'ont les évêques sur les prêtres qui ne se conduisent pas bien, et qui consistent à les envoyer pendant quelque temps dans un couvent de chartreux.
Après avoir ainsi, non pas indiqué ou proposé une assimilation avec l'autorité militaire, mais fait remarquer qu'il ne pouvait pas employer des moyens semblables, le gouverneur a fait l'exposé du système qu'il (page 715) suivait et qu'il suivait avec l'approbation du gouvernement précédent.
Je vais vous lire, messieurs, le passage de cette dépêche et je pourrai demander ensuite à M. le ministre de l'intérieur s'il entend appliquer les vues politiques qui y sont exprimées, et je lui dis d'avance que, s'il en suit une autre, elle sera mauvaise.
« Les gouverneurs de province n'ayant à leur disposition ni établissement de chartreux, ni bataillon de discipline, quand, dans le personnel administratif de leur ressort, se produisent des individualités qui, égarées, soit par une fièvre d'ambition politique, soit par des propensions naturelles à manquer à leurs devoirs, les seuls moyens coercitifs praticables contre eux sont, d'abord les avertissements et les conseils, ensuite la tenue en suspens de leur mandat à renouveler, puis leur élimination à l'expiration de celui-ci et enfin la révocation. »
« Je n'ai que très rarement fait usage de l'avant-dernier et jamais je n'ai été appelé à pratiquer le dernier, auquel je répugne. »
Voila le système ! Peut-on rien de plus judicieux ? Je demande à M. le ministre de l'intérieur quels moyens il emploiera à l'égard d'administrations communales qui manquent à leurs devoirs.
Ne fera-t-il pas ce que faisait M. le gouverneur de la Flandre orientale ? Ne recourra-t-il pas d'abord aux conseils, aux avertissements, et si, malgré ces conseils et ces avertissements, ces abus persistent, est-ce qu'il ne faudra pas recourir aux moyens de contrainte : la suspension et même la révocation ?
Je demande à M. le ministre de l'intérieur où il a vu, dans ces paroles, quelque chose qui soit à blâmer.
Est-ce que sous l'administration nouvelle, par hasard, il sera loisible aux fonctionnaires communaux de manquer à leurs devoirs ? Et s'il ne leur est pas libre de manquer à leurs devoirs, s'il ne leur est point permis de jeter le trouble dans une commune, s'il ne leur est point permis de désorganiser les administrations communales, le gouvernement, le pouvoir central doivent conserver un moyen de contrainte et je demande comment on pourra se dispenser de suivre la voie indiquée par gouverneur ? Si les conseils et les avertissements restent sans effet, trouvera-t-on le retard dans le renouvellement des mandats, quoi de moins violent que de retarder le renouvellement du mandat ? Et si cela reste sans effet, soutiendra-t-on que l'on puisse éviter l'élimination et la révocation ?
Ainsi, messieurs, voyez comme on travestit les choses les plus simples. Parce qu'un gouverneur écrit, et notez, messieurs, que ce n'est pas même à moi que cette lettre est adressée ; elle est adressée à M. le ministre de l'intérieur actuel.
M. Frère-Orban. - C'est trop fort ! (Interruption.)
M. Pirmez. - Ce n'est point là un acte de mon administration, c'est un rapport où M. de Jaegher indique à son chef actuel ce qu'il croit bon en administration. (Interruption.)
Je demande qui oserait critiquer quoique ce soit du système indiqué à M. Kervyn par son subordonné ?
L'honorable M. De Lehaye, qui m'interrompt, doit se montrer très modéré à cet égard, car déjà il s'est fait le dénonciateur des fonctionnaires dans cette enceinte...
M. De Lehaye. - Cela n'est pas exact. !
M. Pirmez. - Je répète que l'honorable M. De Lehaye doit être d'une extrême modération quand il s'agit de provoquer des rigueurs politiques. (Interruption.)
L'honorable membre désire que je m'explique, plus clairement. Soit !
L'honorable M. De Lehaye a été destitué lui-même, il ne doit pas venir demander contre d'autres personnes des mesures dont il a été victime.
M. De Lehaye.- Je n'ai pas demandé ces mesures.
M. Pirmez.- J'ajouterai que M. De Lehaye ne doit pas oublier que, pour lui, réclamer de pareilles mesures, c'est s'exposer à les faire porter sur d'anciens amis.
Je reviens au rapport de M. le gouverneur de la Flandre orientale, et je demande avec instance qu'on précise les choyés répréhensibles qui doivent faire que son chef vienne dénoncer à la Chambre un acte de son subordonné !
On sait que le gouverneur de la Flandre orientale a l'habitude d'exprimer ses pensées d'une manière humoristique ; et parce que, sur ce ton, il a parlé des droits que les évêques et les généraux possèdent pour maintenir l'ordre dans leurs administrations, en signalant qu'il n'a rien de semblable, on conclut qu'il veut faire comme eux !
Quelle merveilleuse conclusion !
Je regrette que M. le ministre de l'intérieur, cherche de mauvais prétextes pour attaquer le gouverneur de la Flandre orientale ; depuis qu'il est au pouvoir, c'est la troisième ou la quatrième, fois que je remarque cette tendance et que je dois le défendre contre des attaques inconcevables de la part d'un chef, et en fait d'une injustice flagrante.
M. Bara. - On a besoin de sa place.
M. Pirmez. - J'arrive aux attaques de l'honorable M. Van Wambeke. L'honorable membre s'est posé comme un modèle de modération...
M. Van Wambeke. - Comme vous, M. Pirmez.
M. Pirmez. - Je n'accepte pas l'assimilation.
M. Van Wambeke. - Ni moi non plus.
M. Pirmez. - C'est vous qui la faites !
Je n'accepte pas cette égalité de modération entre l'honorable M. Van Wambeke et moi ; nous avons déjà eu à comparer nos principes à cet égard et l'on verra qui de nous deux professe les plus modérés.
Je vais rappeler un incident datant de deux ou trois ans, mais beaucoup de nouveaux membres ne le connaissent sans doute pas.
A propos d'une discussion sur les écoles d'Enghien, j'ai eu l'occasion de lire alors un petit rapport, un tout petit rapport, mais où l'honorable membre a fait connaître très nettement ses principes politiques.
J'ai protesté contre ces principes, comme ministre ; je renouvelle, ma protestation dans l'opposition.
Je maintiens ma manière de voir. Je suppose que vous, M. Van Wambeke, maintenez la vôtre ?
M. Van Wambeke. - Toujours !
M. Pirmez. - A Alost, où l'on pratique le culte de la modération, on avait décidé ceci : c'est que toutes les administrations, toutes les institutions, toutes les commissions quelconques tenant à la commune seraient complètement renouvelées, afin d'éliminer tous les membres libéraux pour y substituer des membres catholiques.
Voilà la modération en fait ; mais la modération en principe est bien plus remarquable. Voici ce que porte ce rapport :
« Qui se servira de l'épée, périra par l'épée, sans examiner au fond les considérations empruntées par M. Béthune à M. Evit, la section est d'avis qu'entre adversaires les représailles sont de bonne guerre. »
M. Van Wambeke. - Puisque vous avez agi ainsi, nous sommes d'accord. Dites que vous l'avez fait.
M. Pirmez. - Je dis que je ne l'ai jamais fait. Quand l'honorable M. Liénart a entendu lire ici son œuvre, à ce pas sage significatif, il s'est écrié : « C'est évident ! » Je répondis à l'interruption de M. Liénart :
« C'est évident, dites-vous. Voilà encore un principe sur lequel je ne puis être d'accord avec l'honorable M. Liénart. Dans mon administration, je tâcherai de ne jamais faire de représailles et d'être juste partout, toujours. »
Vous voyez, messieurs, qu'entre MM. Van Wambeke et Liénart, d'une part, et moi, de l'autre, les principes sont très différents. Mais je continue la lecture du rapport :
« La section est d'avis qu'entre adversaires les représailles sont de bonne guerre et que si les moyens employés présentent quelque chose de rigoureux, l'odieux doit retomber tout entier sur celui des adversaires qui s'en est servi le premier. Il est temps, d'ailleurs, que le public sache que les catholiques ne sont plus d'humeur à se laisser bercer et qu'ils sont instruits aujourd'hui par l'exemple que leurs adversaires leur ont donné pendant une longue domination. Chacun son tour, est-ce trop ?
« Le rapporteur, Liénart
« Le président, Van Wambeke. »
Est-ce le système que l'honorable M. Van Wambeke désire voir appliquer par le cabinet libéral ? M. Van Wambeke peut bien dire oui.
M. Van Wambeke. - Je ne suis pas obligé de me soumettre à un interrogatoire.
M. Pirmez. - On ne répond plus. Puisque l'honorable M. Van Wambeke ne veut pas répondre, malgré sa franchise bien connue, je répondrai pour lui.
Oui, il maintient ses principes complètement ; il l'a dit tantôt, et son désir est de les voir non seulement appliqués mais outrés par le cabinet actuel.
M. Van Wambeke. - Nous les ferons appliquer par les électeurs.
M. Pirmez. - Par les électeurs tant que vous voudrez. Nous pourrons même faire un petit contrat dont je serais satisfait. Vous ferez appliquer vos principes par les électeurs et les miens par le gouvernement. Mais on n'acceptera pas cela ! Voilà, messieurs, l'honorable collègue qui vient se poser ici comme (page 716) défenseur de la modération et l'accusateur des violences de l'ancien cabinet.
J'arrive maintenant à me justifier contre mon honorable accusateur ; je veux m'excuser de l'épouvantable violence que j'ai commise avant de quitter le pouvoir.
J'ai commis, messieurs, deux crimes d'une nature extrêmement différente et en même temps ; ma perversité ne distinguait pas. Dans la dernière quinzaine de juin dernier, j'ai péché en nommant et en ne nommant pas. Quand j'ai nommé, j'ai mal fait ; quand je n'ai pas nommé, j'ai fait plus mal encore.
Voilà l'accusation.
Comment se fait-il que j'ai nommé à certaines places et que je n'ai pas nommé à d'autres et ce avant de quitter le pouvoir ?
D'abord, il faut savoir que l'année dernière était une année de renouvellement des collèges des bourgmestre et échevins, du moins en partie. Il y a, je crois, de ce chef 3,000 à 4,000 nominations à faire au département de l'intérieur.
M. Van Wambeke. - C'était en 1869.
M. Pirmez. - Pardon, c'était en 1870.
M. Van Wambeke. - Mais non, les bourgmestres et échevins devaient entrer en fonctions au 1er janvier 1870, c'est évident.
M. Pirmez. - Nous sommes d'accord, les élections se sont faites en 1869, mais les nominations des collèges échevinaux se font après ces élections à la fin de décembre et surtout dans les premiers jours de 1870 ; mais après la grande masse des nominations faites, il en reste un certain nombre qui se font successivement d'après l'arrivée des présentations par les autorités administratives ; il y a évidemment là un travail considérable.
Il suffit, pour s'en convaincre, de lire le Moniteur. Ce sont, messieurs, ces nominations et celles que les vacances accidentelles produisent que j'ai continuées même après les élections du 14 juin, suivant le cours des travaux administratifs, et que M. Kervyn a continuées ensuite. Dans les nominations faites à cette époque, il n'y avait aucune espèce de difficulté, ni politique, ni administrative.
J'ai signé ainsi ce qui était à signer. Mais il est resté des communes pour lesquelles le travail n'était pas arrivé, c'est M. Kervyn qui a statué. Il est en outre des communes où je n'ai pas cru devoir présenter de nominations au roi, précisément par réserve eu égard à la position du cabinet, et d'autres où des motifs administratifs engageaient à attendre.
M. Kervyn, m'ayant remplacé au département de l'intérieur, a naturellement fait les nominations que je n'avais pu faire moi-même. Voilà comment tout à la fois j'ai commis deux énormités qu'on signale, comment M. Kervyn a fait de si excellentes nominations quand il est arrivé et comment j'ai fait quelques nominations qui naturellement sont des forfaits, précisément parce que je les ai faites.
Savez-vous combien j'ai nommé, dans cette période, de bourgmestres et d'échevins ? J'ai nommé dans de petites communes vingt-trois magistrats communaux, dont six bourgmestres ? Cela résulte du tableau que vient de me communiquer M. le ministre de l'intérieur ! (Interruption.)
Maintenant, si vous me demandez des détails sur toutes les nominations faites dans les petites communes des Flandres, j'avoue que je serais tout à fait incapable de les donner. J'ignore le premier mot des petites rivalités intestines dont M. Van Wambeke s'est fait l'historien. Parmi les vingt-trois nominations dont il s'agit, il en est une seule dans les communes flamandes dont j'aie le souvenir : c'est celle de Nederbrakel, où M. De Wilde, conseiller provincial et appartenant très notoirement et très publiquement au parti catholique, a été nommé.
Voilà la seule nomination dont je me souvienne.
Quant aux deux ou trois communes des environs d'Alost dont M. Van Wambeke a parlé, ce sont des communes catholiques où tous les conseillers communaux sont catholiques et où l'on pouvait, sans résultat de parti, prendre l'un ou l'autre conseiller.
Mais même dans ces communes il y a des rivalités ; les nominations que j'ai faites sont des nominations de catholiques. Ce ne sont pas des libéraux qui ont été nommés, mais il a pu arriver que le choix ne tombât pas toujours sur des hommes ayant le cœur de l'honorable M. Van Wambeke et le cœur du curé, de la localité, deux cœurs qui battent toujours à l'unisson.
Eh bien, l'honorable M. Van Wambeke a un moyen de constater de plus près les énormités commises dans cette mémorable période commencée le 14 juin et finissant le 2 juillet, c'est d'examiner les dossiers et de voir si j'ai fait une seule nomination en dehors des présentations faites ; de voir si, pour une seule de ces épouvantables nominations, il se trouve, dans les dossiers, une indication quelconque.
M. Van Wambeke. - Je n'en doute pas ; c'est conforme à la demande du commissaire d'arrondissement et du gouverneur.
M. Pirmez. - Ainsi, voilà comment j'ai cherché à faire de la violence. Je trouve un certain nombre de bourgmestres ou d'échevins à nommer. Je prends les dossiers. Ces dossiers portent-ils quelque mention qui pourrait me faire hésiter ? Non, absolument rien. Ce sont des affaires régulières, des affaires à signer, comme on le dit en administration. Je les signe, et voilà que cela me vaut une dénonciation à la Chambre.
M. Van Wambeke. - Comment ! une dénonciation ?
M. Pirmez. - Non, mon expression est mauvaise, je retire le mot si vous le voulez ; mais un débat parlementaire d'une haute portée.
Je crois, messieurs, ne pas devoir m'arrêter plus longtemps sur ce débat. Je veux cependant encore répondre un mot à une phrase que j'ai regretté de voir dans le discours prononcé, il y a quelques jours, en mon absence, par l'honorable M. Kervyn. Il a dit ceci : « Il suffisait de voter, au sein du Sénat, contre le gouvernement pour n'être plus bourgmestre de son village. » Je puis présenter à l'honorable M. Kervyn une preuve vivante et parlante que je n'ai pas agi ainsi.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Je n'ai pas dit cela.
M. Pirmez. - Je lui présente l'honorable baron d'Anethan, ministre présent, qui a été nommé bourgmestre de la commune de Linkebeke, et j'ai eu l'honneur de contresigner l'arrêté qui lui a conféré ces hautes fonctions.
M. De Lehaye. - Je demande la parole pour un fait personnel.
M. le président. - Vous avez la parole pour un fait personnel.
M. Frère-Orban. - Je demande la parole pour une motion d'ordre.
M. le président. - Les motions d'ordre n'ont pas la priorité dans la discussion.
M. Dumortier. - Le fait personnel va avant tout.
M. Frère-Orban=. - Il me suffira de cinq minutes, et si j'ai indiqué une motion d'ordre, c'est pour terminer l'incident relatif au dossier communiqué par M. le ministre de l'intérieur.
M. De Lehaye. - Parlez, si vous le désirez.
M. Frère-Orban. - Je suis un peu solidaire de l'affirmation qui a été produite par l'honorable M. Rogier, au sujet du dossier qui nous a été communiqué par M. le ministre de l'intérieur.
M. le ministre de l'intérieur a énoncé qu'un bourgmestre n'avait pas été nommé ou n'avait pas été maintenu dans ses fonctions à raison notamment de ses votes en qualité de sénateur. J'ai interrompu M. le ministre de l'intérieur en lui disant : Vous vous trompez, c'est parce qu'il avait injurié le gouvernement. M. le ministre de l'intérieur a persisté dans son affirmation, en continuant à prétendre qu'un second motif d'élimination résultait de ce que le conseiller communal dont il s'agit avait envoyé d'une manière inconvenante sa carte au gouverneur.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Je me suis expliqué à cet égard.
M. Frère-Orban. - Oui, je rappelle les faits, vous avez reconnu une première erreur. Nous avons demandé communication du dossier. J'ai lu ce dossier et je dois dire que grande a été ma stupéfaction de voir M. le ministre de l'intérieur produire de pareilles affirmations lorsqu'il avait de tels documents sous les yeux.
L'honorable M. Rogier a constaté que le dossier n'était pas complet, sur quoi M. le ministre de l'intérieur a protesté en représentant, disait-il, le dossier qu'il nous avait remis, contenant 14 numéros repris à l'inventaire, en ajoutant qu'il venait de vérifier que ces 14 numéros se trouvaient au dossier. Mais l'honorable M. Rogier avait énoncé que sur une pièce se trouvait une note au crayon bleu, portant que telle autre pièce manquait.
J'avais vu et lu cette note, je puis l'attester. J'examinai de nouveau le dossier et non seulement je n'y retrouvai pas la pièce dont je viens de parler, mais un autre document essentiel, un rapport du commissaire de l'arrondissement du mois d'août 1858, que j'avais lu et fait lire à un de mes collègues. Il était donc indubitable pour moi que le dossier aux quatorze pièces n'était pas celui qui avait été primitivement remis ou ne constituait qu'une partie de ce dossier.
Je me suis immédiatement adressé à M. le ministre de l'intérieur pour lui faire cette observation ; il se trouve qu'en effet plusieurs pièces ont été retranchées du dossier et il vient de me les remettre. Elles n'y sont pas toutes encore. Il y manque le document portant la note au crayon bleu que l'honorable M. Rogier a vue et lue que j'ai vue et lue comme lui et qui était, ainsi que les autres, tout à fait distinctes et séparées des lettres et des rapports inventoriés au nombre de quatorze. Le procédé de M. le (page 717) ministre pour contester une allégation parfaitement fondée était donc tout au moins singulier.
Ce dossier composé de à pièces est un dossier incomplet, ce n'est pas celui qui nous a été communiqué hier ; il était joint a celui-ci.
Maintenant si dans ces pièces nous ne trouvons plus celle qui a été lue par nous, nous y trouvons, comme pour détruire l'assertion de M. le ministre de l'intérieur, que l'on procédait avec violence à l'égard de tous ceux qui ne partageaient pas l'opinion de l'ancien cabinet...
- Un membre. - C'est connu de tout le monde.
M. Frère-Orban. - C'est connu de tout le monde ! Eh bien, voici un rapport non suspect de M. le gouverneur de la Flandre orientale du 31 janvier 1860 qui fait justice de cette assertion.
Déjà, à cette époque, on voulait faire croire que c'était par animosité politique, que l'on ne conférait pas le mandat de bourgmestre à celui qui y prétendait dans la commune de Scheldewindeke. Voici ce que répondait le gouverneur :
« Ce n'est pas dans une province où les bourgmestres ruraux ont l'honneur de compter parmi leurs collègues des hommes aussi publiquement connus par leur foi religieuse et leurs principes que le sont entre autres MM. le marquis de Rodes, les barons Dellafaille, Denterghem, de Gellinck, Piers de Ravenschoot, d'Hane-Steenhuyse, vicomte Vilain XUII, etc., etc., tous nommés ou confirmés dans leurs fonctions sous notre contreseing, que l'on accusera l'administration d'exclure des fonctions administratives les grands propriétaires, soit parce que leur influence ne serait pas acquise au cabinet au pouvoir, soit parce que cete influence lui serait notoirement contraire.
« Quoique très ouvertement catholique politique ; quoique successeur des comtes de Lichtervelde dans la propriété du château de Scheldewindeke, quoique adversaire politique du cabinet de 1857, M. Fr. Vergauwen n'aurait donc, pas plus que les personnages précités, rencontré d'obstacle à l'obtention de la magistrature qu'il paraît ambitionner, s'il ne s'était lui-même donné la peine d'en élever un qui me paraît insurmontable. » (Rapport du gouverneur de la Flandre orientale du 31 janvier 1860.)
Cet obstacle, l'honorable M. Rogier nous l'a fait connaître. Le motif d'exclusion est péremptoire, et il n'y a pas un homme d'ordre qui oserait le condamner.
Voilà des faits que M. le ministre de l'intérieur avait sous les yeux. Voilà ce qu'il fallait dire à la Chambre avec sincérité, au lieu de vous livrer à des accusations sans fondement contre l'un-de vos prédécesseurs.
L'esprit d'exclusion, c'est celui qui vous anime, c'est cet esprit qui inspire tous vos actes et vous n'avez pas même pu vous en dégager pour le choix à faire des membres des conseils de milice. Vous n'aurez pas pour excuse les actes de vos prédécesseurs, et chaque fois que, pour vous en couvrir, vous les aurez dénaturés, nous aurons soin de rétablir la vérité, et nous aurons le droit de vous blâmer chaque fois que vous vous laisserez égarer par la passion politique.
(page 720) M. De Lehaye (pour un fait personnel). - Messieurs, lorsque tantôt l'honorable M. Pirmez m'engageait à être modéré, en disant qu'il serait très prudent de ma part de l'être, je croyais que j'allais être écrasé sous le poids d'une grave accusation.
Il a parlé de ma destitution.
Par modestie, peut-être n'en aurais-je rien dit.
Je pense que peu de personnes pourraient invoquer une destitution aussi honorable.
J'étais porté candidat aux élections pour la Chambre. Je remplissais les fonctions de procureur du roi.
Le ministre m'appela près de lui et me dit : Les fonctions de chef du parquet exigent votre présence à Gand. Je vous préviens que si vous ne renoncez pas à votre candidature, vous serez démissionné.
M. Bouvier. - Quel était ce ministre ?
M. De Lehaye. - M. Bouvier, une fois pour toutes, vous aurez beau me faire des questions, je ne vous répondrai pas, parce que je sais que vos interruptions sont dictées par la passion et non par la raison.
Je réponds au ministre que je n'obéirais jamais qu'à ma conscience et à mes convictions, que je maintenais ma candidature.
(page 721) J'ai été destitué et je ne me suis jamais plaint. Je comprends que le ministère agisse comme il l'a fait envers moi.
Je vais répondre maintenant à l'accusation que vient de me jeter à la tête l'honorable M. Pirmez et qui a été confirmée par l'honorable M. Bara.
Eh quoi ! j'aurais provoqué la destitution de fonctionnaires publics.
Jamais je n'ai eu l'intention de faire pareille chose, mais alors que j'ai eu la loyauté de renoncer à mes fonctions de procureur du roi plutôt que d'agir contre ma conscience, j'étais en droit de répondre aux journaux qui, grossissant le dossier Wasseige, annonçaient tous les jours quelque nouveau méfait, que ceux qui ne voulaient pas remplir leurs fonctions feraient bien d'imiter mon exemple.
Lorsque tous les jours vos journaux arrivent avec une plainte nouvelle contre M. Wasseige, tantôt pour un retard dans la remise d'un télégramme ou d'une lettre, tantôt pour un waggon non expédié à temps, voulaient en faire des motifs de culpabilité pour le ministre, ce sont donc eux qui s'érigeaient en accusateurs et non pas moi. Ce n'était pas le ministre, mais les employés qui étaient chargés de ce service.
Tantôt, j'ai entendu l'honorable M. Pirmez nous citer une circulaire aux gouverneurs parfaitement rédigée. Mais je me demande si les actions répondaient bien aux paroles.
Examinons ce qui s'est passé à Gand il y a quelques années. Aux environs de Gand se trouve une commune de 5,000 âmes. Il y avait là un échevin en fonctions depuis vingt ans.
Lors des élections, cet échevin fut appelé chez le gouverneur, qui lui dit : « Monsieur, je sais que vous avez l'intention de voter pour M. De Lehaye ; je vous préviens que si vous persistez à travailler pour M. De Lehaye, vous cesserez vos fonctions d'échevins aux élections communales prochaines. »
Quelque temps après, messieurs, des élections communales ont eu lieu dans cette commune. L'échevin est nommé à la presque unanimité des suffrages. A quoi fallait-il donc s'attendre ? On devait espérer que cet homme qui avait rempli les fonctions d'échevin depuis plusieurs années, qui avait réuni la presque unanimité des suffrages aux élections qui venaient d'avoir lieu, on devait espérer que cet homme, frère d'une victime de la révolution, à laquelle il s'était voué corps et âme, on devait espérer que cet homme aurait conservé la place d'échevin. Eh bien, quelques jours après les arrêtés paraissent, et cet échevin, contre lequel il n'y avait rien à dire, était sacrifié.
Et ce n'est pas le seul fait que je pourrais citer. (Interruption.)
Je sais bien que les gouverneurs et les commissaires d'arrondissement seraient mal venus de. dire au ministre : Par esprit de parti, ne nommez pas un tel. Non, messieurs, ils sont trop adroits pour cela, ils savent bien que les documents sont conservés au ministère et que ce qui peut plaire à un tel peut déplaire à un autre ; par prudence, ils écrivent des choses qui ne peuvent déplaire à personne, mais ils font des choses qui ne plaisent pas à tout le monde.
(page 717) - Des voix. - A mardi !
- D'autres voix. - Non, non !
- La Chambre consultée décide que la séance continue.
M. le président. - La parole est à M. Bara.
M. Bara. - J'ai demandé la parole, lorsque j'ai entendu M. De Lehaye parler de la destitution qui l'a atteint sous le ministère de M. d'Anethan...
M. d'Anethan, ministre des affaires étrangères. - Il n'a pas été destitué sous mon ministère.
M. Bara. - Vous êtes entré au ministère...
M. d'Anethan, ministre des affaires étrangères. - Trois ans après.
M. Bara. - C'est la même chose au fond, car si vous n'avez pas destitué M. De Lehaye, vous avez destitué M. Trémouroux dans les mêmes conditions et pour les mêmes causes, et vous avez approuvé la destitution de M. De Lehaye faite par votre prédécesseur, en pratiquant la même doctrine et en déclarant que vous ne nommeriez aucun candidat hostile à votre politique, et ne souffririez aucun fonctionnaire manifestant des opinions autres que les vôtres. Vous avez donc pratiqué un acte en vertu duquel M. De Lehaye a été destitué.
Les faits ne se sont pas passés comme les a rapportés M. De Lehaye.
M. De Lehaye. - Voyons...
M. Bara. - M. De Lehaye a très bien pu dire : Je sais que je risque ma position de procureur du roi, si je me mets sur les rangs pour la Chambre, mais je ne recule pas. A cette époque il était libéral, il était doctrinaire.
M. De Lehaye. - J'étais ce que je suis aujourd'hui. (Interruption de la droite.)
M. Bara. - Voulez-vous que je, cède la parole à M. De Lehaye ? Il vous dira ce que je dis. (Interruption.)
M. de Moerman d’Harlebeke - Ce n'est pas M. De Lehaye, c'est la gauche qui a changé.
M. Bara. - Mais, M. de Moerman, il faut alors que vos amis aient changé d'opinion ; car à cette époque M. De Lehaye attaquait et très vivement vos amis et notamment l'honorable M. d'Anethan, tandis qu'aujourd'hui il marche avec eux. Il faut nécessairement : ou que le parti clérical ait changé ou que ce soit l'honorable M. De Lehaye. (Interruption.)
Quand l'honorable M. de Moerman pourra m'expliquer comment, sans avoir changé d'opinion, l'honorable M. De Lehaye figure aujourd'hui dans les rangs d'un parti qu'il combattait jadis, je l'écouterai avec infiniment de plaisir, car il aura résolu un problème bien difficile.
Les faits exposés par l'honorable M. De Lehaye peuvent donc être très exacts quant à lui ; il a sacrifié sa position, je le veux bien ; mais quand le ministère d'alors disait à l'honorable M. De Lehaye : Vous devez vous retirer, ce n'était pas au magistrat qu'il s'adressait.
M. De Lehaye. - Qu'en savez-vous ?
M. Bara. - Comment pouvez-vous, dans cette Chambre, lancer une pareille interruption ?
M. Dumortier. - Vous n'étiez pas encore né à l'époque dont vous parlez !
M. Bara. - Est-ce que vous vous imaginez que, parce que l'histoire remonte à une vingtaine d'années, nous ne la connaissons pas ? Ce n'était pas, messieurs, pour des raisons administratives que le ministère clérical agissait ainsi. Car quelque temps après, il nommait procureur du roi à Gand, M. de Saegher, l'adversaire de M. De Lehaye dans l'élection, et au renouvellement suivant de la Chambre, M. De Saegher se remettait sur les rangs, renversait M. De Lehaye, et restait procureur du roi. Voilà votre histoire ! Voilà ce que faisait M. d'Anethan dont M. De Lehaye soutient la politique ! (Interruption.) Ce n'était donc pas à raison de vos fonctions, M. De Lehaye, que vous avez été amené à donner votre démission ; et la preuve c'est qu'à la même époque il y avait, dans cette Chambre, plusieurs magistrats auxquels on ne faisait pas d'objection.
On n'en faisait qu'aux magistrats libéraux et c'est en présence de pareils faits que M. De. Lehaye osera dire que ce n'est pas par esprit de parti qu'avaient lieu les destitutions dont il a été l'une des victimes.
Ce n'est pas l'honorable M. d'Anethan bien certainement qui me contredira sur ce point. Il n'a jamais caché son sentiment à cet égard et je lui en fais honneur ; il a déclaré très franchement à cette époque qu'il ne tolérerait pas des magistrats, des fonctionnaires professant des opinions contraires aux siennes.
Voilà ce qu'il a déclaré. (Interruption.) Et vous-même, M. De Lehaye, quand vous êtes venu attaquer les nominations faites dans les Flandres, n'avez-vous pas prétendu que, dans ces nominations, l'honorable M. d'Anethan n'avait été guidé que par l'esprit de parti ? Faut-il vous rappeler encore l'affaire du juge de paix d'Herzele, à propos de laquelle vous avez fait de si magnifiques protestations contre l'esprit de parti de l'honorable M. d'Anethan. (Interruption.) Et aujourd'hui vous lui tendez la main pardessus nos têtes ! (Nouvelle interruption.) Certes, je n'entends pas me constituer juge de vos nouvelles convictions ; mais je les signale parce qu'elles doivent éclairer les hommes politiques de notre pays.
Nous honorons tous nos adversaires quand ils viennent défendre ici des opinions convaincues, et qui sont celles de toute leur vie. Mais, messieurs, il y a une chose particulière au parti libéral, c'est qu'il n'offre pas de mandats aux anciens catholiques qui changent d'opinion. Nous leur disons :Vous changez d'opinion, soit, mais rentrez dans l'obscurité.
M. Snoy. - Et M. Crombez ?
M. Bara. - M. Crombez n'a jamais été clérical. (Interruption.)
Vos clameurs ne m'empêcheront pas de dire que cela est complètement inexact. Je vais vous en donner la preuve à l'instant.
M. François Crombez avait été nommé par les libéraux de Tournai. Se présente la question de la charité. M. Crombez déclare qu'il est, à cet égard, de la même opinion que M. Ch. de Brouckere. Mais la preuve qu'il n'appartenait pas au parti clérical, c'est que, lors du vote sur la question de la mainmorte, M. Crombez a voté, avec toute la gauche, une enquête ou un ajournement. Il est vrai, je le répète, que sur la question de la charité, il était d'une autre opinion que nous ; mais il n'appartenait pas plus pour cela à l'opinion catholique que l'honorable M. Ch. de Brouckere n'y appartenait.
Et puis M. Crombez n'a plus sollicité le renouvellement de son mandat, tant il est vrai qu'aucune spéculation n'était entrée dans la pensée de cet (page 718) honorable ancien collègue, auquel je rends avec toute la Chambre, j'en suis sûr, un hommage mérité. La conduite de M. De Lehaye a-t-elle quelque analogie avec celle de mon honorable ami ? J'en fais juge tout homme impartial.
Je dis donc que si nous devons notre estime aux membres de la droite qui défendent consciencieusement leurs opinions, si nous devons respecter les conversions loyales, nous ne devons pas avoir le même égard pour les consciences élastiques qui changent pour toutes sortes de raisons, et quand je vois des hommes politiques changer d'opinion, à raison de certaines circonstances étrangères au bien public, je déclare que c'est la chose la plus fatale, la plus préjudiciable au pays qu'on puisse imaginer.
Et ici je m'adresse à la droite. Je lui dis : Vous manquez à tous vos devoirs eu accueillant dans vos rangs les épaves de notre parti ; la considération du pays, la solidité des partis politiques en souffrent. Les partis ne doivent vouloir dans leurs rangs que des hommes convaincus et a l'abri du soupçon. (Interruption.)
(page 721) M. De Lehaye (pour un fait personnel). - Je dois d'abord dire à M. Bara que ce n'est pas M. d'Anethan qui m'a destitué ; M. d'Anethan n'est pour rien dans cette mesure.
Je dois maintenant répondre à une autre allégation de M. Bara. Cet honorable membre a révoqué en doute ce que je viens de vous rappeler. Je répète que lorsque j'ai été appelé dans le cabinet de M. le ministre de la justice, il s'est borné à me dire que ma présence était nécessaire à Gand. S'il y a d'autres documents au ministère à ce sujet, je l'ignore complètement.
J'arrive à un autre point, et sous ce rapport encore je remercie M. Bara. Il a dit : « Il y a des gens qui changent d'opinion parce qu'on leur offre une place. »
Je suis heureux de m'expliquer une bonne fois à cet égard. Jamais personne ne m'a offert une place quelconque et je n'en ai jamais sollicité. M. Bara était bien jeune alors. Mes collègues de Gand savent que peu d'hommes ont été aussi souvent honoré des suffrages de leurs concitoyens que moi ; j'ai été élu pour le Congrès, pour les Chambres, pour le conseil provincial, pour le conseil communal.
Eh bien, savez-vous de qui j'ai eu constamment l'appui dans toutes ces élections ? Je mis entré ici avec l'aide du Bien public dont on a parlé. Le Bien public, malgré mes opinions politiques qui n'étaient pas toujours conformes aux siennes, ne m'a jamais fait défaut ; je lui dois de la reconnaissance, mais jamais il ne m'a demandé le sacrifice de mes convictions. Il se respectait trop pour le faire et me respectait trop pour le proposer. Quant à vous, messieurs, je ne vous dois rien. En quoi donc aurais-je manqué à ce que vous vous seriez crus en droit d'exiger de moi.
Quant au ministère actuel, il a mon appui et il peut compter sur cet appui tant qu'il demeurera dans la voie ou il se trouve. S'il s'en écartait, ce qu'il ne fera pas, je l'espère, je le combattrais avec vous, sinon avec le même talent, du moins avec plus de désintéressement. (Interruption.)
Permettez-moi d'achever. Vous prétendez que vous n'offrez pas de places à vos adversaires. J'ai le droit d'en douter. Je ne sais ce que font ces derniers, mais vous, vous cherchez à intimider vos amis mêmes par des menaces.
Gand nous offre, à cet égard, un bel échantillon. Dans cette ville, comme ici, il y a de jeunes et vigoureuses intelligences qui n'admiraient pas la politique que les électeurs ont renversée ; ce sont ceux que votre organe nomme les avancés. Comment a-t-on agi à leur égard ? On s'est servi du mot « trahison »... (Interruption.), espérant les effrayer par cette accusation ; mais forts de leur conviction, ils ont tenu ferme, leur attitude à forcé vos amis à Gand de les comprendre parmi leurs candidats à la Chambre. C'est pour faire place à l'un d'eux que M. Vanderstichelen a été sacrifié au 2 août. Ne dites donc pas que nous avons cherché l'appui des avancés, nous ne l'avons ni demandé ni désiré, quoique nous eussions plus eu confiance dans leur sincérité que dans celle de leurs associés.
L'honorable M. Bara me fait un signe négatif, mais je crois que je dois mieux que lui savoir ce qui s'est passé à Gand.
Du reste, le fait que je signale est vrai, vous ne pouvez pas le nier. M. Vanderstichelen n'a pas été candidat aux élections du 2 août.
M. Bara. - Qu'est-ce que cela fait ? il n'y a pas de trahison pour cela.
M. De Lehaye. - Je ne prétends pas dire que M. Vanderstichelen ait été trahi ; c'est à lui à le savoir. Mais je réponds à cette accusation de trahison que vous jetez à la tête de ceux que vous espérez pouvoir effrayer, et à l'aide de laquelle tant d'esprits timides restent courbés sous le joug qu'on veut leur imposer.
Ainsi, si à Gand vos amis ont compris parmi les candidats à la Chambre des hommes qu'elle avait combattus et pour lesquels votre organe principal professe encore aujourd'hui peu de sympathies, ce sont les besoins de la cause qui vous y ont forcés.
Quant à moi, je le répète, j'ai toujours eu l'appui du journal le Bien public.
Rendant compte du discours de M. Bergé, plusieurs journaux ont prétendu que cet honorable membre avait dit que je m'étais servi du mot « monstrueux » pour qualifier, au sein du Congrès national, la loi de 1842. C'est une erreur. Jamais je ne me suis servi de ce mot. (Interruption.)
Je n'ai pas parlé de la loi de 1842. (Interruption.)
Je me suis borné à faire quelques observations relativement à la formation des comités provinciaux et n'ai pris la parole sur aucun autre objet. (Interruption.)
Ayant voté la loi sur l'instruction primaire, il aurait été absurde de la qualifier de monstrueuse.
J'ai voté, dites-vous... (Interruption.)
Mais, messieurs, vous êtes réellement incompréhensibles.
Hier, pas plus tard qu'hier, toute la gauche, après avoir applaudi M. Bergé, est venue faire des restrictions ; moi, je ne fais aucune restriction. Je conviens que j'ai fait partie du Congrès libéral ; mais je n'ai pas qualifié la loi de monstrueuse. Maintenant, je vous dirai que la loi de 1842 n'est plus ce qu'elle était à cette époque. - Avez-vous oublié, je réponds ici à un signe négatif de M. Funck, que les écoles primaires supérieures ne sont plus aujourd'hui sous le régime de la loi de 1842 ? Et l'exécution actuelle de la loi de 1842 répond-elle encore à l'esprit de cette loi ? Ne savons-nous pas que beaucoup d'enfants de personnes aisées abandonnent les écoles primaires pour fréquenter les écoles préparatoires dans lesquelles, conformément à l'article 27 de la loi du 1er juin 1850, sont enseignées les matières attribuées aux écoles primaires. Aujourd'hui, dans plusieurs localités, les écoles communales ne sont plus guère fréquentées que par les enfants des pauvres. Je finis sur ce point et je vous dis que, malgré ma présence au Congrès libéral, malgré tous mes votes et malgré toutes les attaques que j'ai dirigées contre le ministère conservateur, cela ne m'a pas empêché d'être appuyé par les évêques et par le Bien public.
Que faut-il en conclure ?
Que ceux qui m'ont donné leur appui sont plus tolérants que vous. (Interruption.)
Mais enfin, messieurs, soyez donc conséquents et soyez d'accord avec vous-mêmes. Vous me désignez comme étant l'adversaire, comme étant hostile au ministère catholique ; eh bien, je déclare que, malgré cela, j'ai eu l'appui du Bien public. (Interruption.)
(page 722) Permettez-moi ; je connais un de vos amis, homme honorable du reste ; il a été membre de la Chambre et a été éliminé aux dernières élections. Cet homme est entré dans la vie politique un peu par mon intervention, mais surtout avec l'appui du journal auquel le Bien public a succédé. Sans cet appui, il échouait incontestablement aux élections, combattu violemment comme il l'était par l'opinion libérale.
Il est élu ; il arrive au conseil provincial et prend place parmi les adversaires du journal qui avait soutenu sa candidature.
Je n'ai pas entendu le Bien public dire, pour cela, qu'il avait changé de conviction ou qu'il avait trahi ceux qui lui avaient donné leurs suffrages.
Preuve nouvelle de la tolérance de vos adversaires.
- Voix à gauche. - Quel est ce membre ?
M. De Lehaye. - Un de vos amis.
- Voix à gauche. - Son nom !
M. De Lehaye. - Je vous ai déjà dit que vous ne me ferez pas abandonner la règle que je me suis tracée. J'ai pour principe de ne jamais citer un nom propre des personnes absentes, leur abandonnant le soin de vous répondre, si elles le jugent convenable. Au reste, adressez-vous à Gand, tout le monde vous le dira.
(page 718) - Voix à droite : La clôture !
M. le président. - La clôture de la discussion générale est demandée.
- Voix à gauche. - Non, non !
- Voix à droite : Oui, oui !
M. Vandenpeereboom. - Je demande la parole contre la clôture.
L'honorable M. Van Wambeke a cité un grand nombre de faits. Je ne me rappelle, en ce moment, aucune des nominations qu'il a citées. Je ne sais pas s'il y en a qui se rapportent à mon administration.
M. Van Wambeke. - Il y en a.
M. Vandenpeereboom. - On me dit qu'il y en a ; et il y en a plusieurs aussi qui concernent l'honorable M. Rogier. Il me semble qu'on doit nous laisser le temps de les examiner.
- Des membres. - Non ! non ! la clôture !
M. de Theux. - La clôture !
M. Vandenpeereboom. - On ne peut persister à demander la clôture, on doit permettre à l'opposition de répondre. M. de Theux, soyez donc un peu tolérant.
C'est dans la discussion générale que les faits ont été exposés et c'est dans la discussion générale que nous devons répondre, si nous croyons devoir répondre.
- Un membre. - Vous répondrez aux articles.
M. Vandenpeereboom. - Lorsque nous nous occuperons des articles, vous direz que la discussion générale ayant été close sur ce point, il est trop tard.
- Des membres. - Non ! non !
M. Vandenpeereboom. - Si vous ne le déclarez pas, la discussion générale s'ouvrira encore et vous aurez deux discussions générales. C'est pourquoi je vous prie de laisser la discussion ouverte et de la remettre à mardi.
M. Bara. - On ne peut demander la clôture lorsque la Chambre est sur le point de se séparer. J'aurais compris qu'on la demandât au milieu de la séance, mais plusieurs membres sont partis.
M. Dumortier. - On veut empêcher la Chambre de voter les budgets. Je demande la clôture.
M. Le Hardy de Beaulieu. - Je m'oppose à la clôture de la discussion générale.
M. Hayez. - Vous en avez le droit.
M. Le Hardy de Beaulieu. - Lorsque j'ai prononcé mon discours, je n'avais pas certains documents sur l'enseignement que j'avais réclamés et que M. le ministre a produits depuis. J'ai vu ces documents et j'ai des explications à demander ou des appréciations à émettre. Je ne puis le faire d'une manière opportune que dans la discussion générale. Je demande que la Chambre veuille bien remettre cette discussion à mardi.
- Des membres. - Non ! non ! La clôture !
M. Frère-Orban. - Si l'on clôt, on recommencera la discussion.
- Des membres. - Le vote par appel nominal.
M. Frère-Orban (contre la clôture). - Je tiens à faire remarquer à la Chambre que l'ancienne administration a été mise en cause aujourd'hui, qu'elle a été vivement attaquée et qu'un de mes anciens collègues, l'honorable M. Vandenpeereboom demande a examiner les pièces, pour savoir s'il y a lieu pour lui de s'expliquer. Comment pouvez-vous clore dans cette situation ? Où serait la justice ? Il y a très peu d'orateurs inscrits et il est, par conséquent, tout à fait improbable que la discussion se prolonge. Ne vous donnez donc pas cette apparence de violence.
M. le président. - Ne pourrait-on pas se mettre d'accord pour clore la discussion générale mardi ?
M. Vandenpeereboom. - Il est impossible de décider aujourd'hui si la discussion générale sera close mardi ; on ne sait pas quels sont les incidents qui pourront se produire.
- Plusieurs membres. - La clôture ! la clôture !
M. Frère-Orban. - Il sera donc constaté qu'après les accusations lancées contre les membres de l'ancien cabinet, on leur aura refusé le droit de répondre !
- Plusieurs membres. - Aux voix ! aux voix !
M. de Rossius. - On veut clore la discussion après avoir soustrait des pièces au dossier.
- Plusieurs membres. - La clôture ! Aux voix ! L'appel nominal !
- La clôture est mise aux voix par appel nominal et prononcée par 36 voix contre 29.
Ont répondu oui :
MM. Wasseige, Wouters, Biebuyck, Cornesse, Delcour, De Lehaye, de Liedekerke, de Moerman d'Harlebeke, de Muelenaere, de Smet, de Theux, de Zerezo de Tejada, Drubbel, Hayez, Jacobs, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Kervyn de Volkaersbeke, Lefebvre, Liénart, Moncheur, Nothomb, Pety de Thozée, Rembry, Schollaert, Simonis, Snoy, Tack, Van Cromphaut, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Outryve d'Ydewalle, Van Overloop, Van Wambeke, Verwilghen et de Naeyer.
Ont répondu non :
MM. Allard, Anspach, Bara, Bergé, Boucquéau, Bouvier, Dansaert, David, De Fré, de Lexhy, Demeur, de Rossius, Descamps, de Vrints, Dupont, Elias, Frère-Orban, Funck, Hagemans, Jamar, Jottrand, Le Hardy de Beaulieu, Orts, Pirmez, Rogier, Thienpont, Vandenpeereboom, Van Humbeeck et Vleminckx.
- La séance est levée à 5 heures et un quart.