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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 9 février 1871

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1870-1871)

(Présidence de M. Vilain XIIII.)

Appel nominal

(page 561) M. de Borchgrave procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

Lecture du procès-verbal

M. Wouters donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

M. Descamps. - Je désire relever une inexactitude et une erreur assez grave commises hier par M. le ministre des travaux publics dans la discussion du projet de crédit de 83,000 francs à son département.

Messieurs, j'aurais relevé cette erreur hier si je l'avais entendu énoncer, mais je n'en ai eu connaissance qu'aujourd'hui en lisant les Annales parlementaires.

Voici ce qu'a dit l'honorable ministre des travaux publics ;

« Quant aux rails, messieurs, les expériences qui ont été faites jusqu'à présent par le département ont laissé un certain doute sur la valeur réelle du martelage. Le doute était tel en 1870 que mon honorable prédécesseur a cru d'abord qu'il suffirait d'employer 7,000 rails à l'entretien de la voie pendant l'année, ce qui impliquait une dépense de 320,000 francs seulement. A la vérité, l'honorable M. Jamar a cependant employé à cet objet plus de 1,100,000 francs en achetant 23,500 rails martelés.

« Vous le voyez, l'écart est considérable, tellement considérable que je me suis demandé ce qui a pu pousser l'honorable M. Jamar à s'éloigner, dans de si fortes proportions, des prévisions sur lesquelles reposait l'économie du budget en ce qui touche les fers de la voie. »

Il y a d'abord, dans ces paroles, une inexactitude. Ce n'est pas, en effet, parce que M. Jamar doutait de la qualité des rails martelés qu'il avait eu l'intention de n'en commander que 7,000 pièces ; c'est, comme il l'a fait observer dans la lettre du 25 avril 1869 à la section centrale chargée de l'examen du budget des travaux publics, parce que le gouvernement était indécis sur le point de savoir s'il fallait porter les dépenses supplémentaires de consolidation du matériel au compte de premier établissement ou au compte d'exploitation.

Mais il y a une erreur plus grave dans ce qu'a avancé l'honorable ministre des travaux publics. Il nous a déclaré que l'honorable M. Jamar avait employé à l'achat des rails martelés une somme de plus de 1,100,000 fr. au lieu de se borner à une dépense de 320,000 francs qu'exigeait la fourniture de 7,000 de ces rails. On pourrait croire, d'après cela, qu'il a été dépensé une somme de 780,000 francs en excédant de ce qui était prévu par l'article 57 du budget. Je ne sais comment l'honorable M. Wasseige aurait pu combler, dans ce cas, le déficit qui devait résulter de cette dépense, puisqu'il n'a demandé à la Chambre qu'un crédit supplémentaire de 835,000 francs pour subvenir à l'insuffisance qui s'est produite.

Mais l'honorable M. Wasseige aura momentanément perdu de vue que si ces 16,500 des 23,500 rails n'avaient pas été livrés martelés, ils auraient cependant été fournis, mais laminés par les procédés ordinaires. Ce qui constitue l'excédant de dépenses autorisé par l'honorable prédécesseur de M. le ministre des travaux publics équivaut donc simplement au prix du martelage de 16,500 rails, mais non au prix de 16,500 rails martelés, ce qui est une énorme différence.

Or, cet excédant se réduit à 52,811 francs. En effet, la dépense nécessitée par l'achat de 23,500 rails martelés a été de 1,1053517 fr. 80 c., les 23,500 rails simplement laminés ont coûté 1,034,341 fr. 97 c ; la différence, c'est-à-dire 70,975 fr. 85 c, représente le prix du martelage de 23,500 pièces ; donc le prix du martelage de 16,500 rails a été de 52,841 fr. 25 c, et c'est à ce chiffre que se réduit réellement, comme nous l'avons dit, l'excédant de dépense autorisé par l'honorable M. Jamar.

- Le procès-verbal est adopté.

Pièces adressées à la Chambre

M. de Borchgrave présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Les sieurs Vandenbroeck, président, et Jacquet, secrétaire, de la société littéraire de Eendracht à Hal, présentent des observations contre l'arrêté ministériel du 26 décembre dernier, relatif aux encouragements à l'art et à la littérature dramatiques. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le conseil communal de Basel se prononce en faveur d'un chemin de fer de Gand à Anvers par Lokeren et la vallée de la Durme, dont la concession est demandée par les sieurs Lefèvre et De Rechter et prie la Chambre d'obliger les concessionnaires à construire en même temps l'embranchement de remise à la Tête de Flandre. »

- Même renvoi.


« Des habitants de Neder-Overheembeck demandent le vote à la commune pour toutes les élections. »

- Renvoi à la section centrale pour le projet de loi sur la réforme électorale.

Dépôt sur le bureau pendant la discussion du rapport sur la pétition de l'administration communale de Chênée.


«Les bourgmestres des communes de Burst, Aygem, Heldergem, Bambrugge, Vleckem, Zonnegem, Vlierzele et Ottergem demandent l'établissement d'un bureau de poste à la station du chemin de fer à Burst. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Par trois pétitions, des habitants de Chênée déclarent adhérer aux motifs qu'ont fait valoir les membres du conseil communal à l'appui de leur décision de faire creuser dans le cimetière les fosses à la suite les unes des autres, sans distinction. »

M. Elias. - Je demande le renvoi de ces pétitions à la commission des pétitions qui est déjà saisie de deux requêtes émanant de la même commune et qui traitent du même objet, ou bien que la Chambre en ordonne le dépôt sur son bureau s'il est fait rapport aujourd'hui sur les premières pétitions.

M. le président. - Si la Chambre ne s'occupe pas de ces pétitions aujourd'hui, elle le fera demain ; il y aurait donc lieu d'ordonner le dépôt sur le bureau.

- Cette proposition est adoptée.


M. Puissant, retenu par une indisposition, demande un congé de quelques semaines.

- Accordé.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur pour l’exercice 1871

Rapport de la section centrale

M. De Lehaye. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale sur les modifications proposées par M. le Ministre de l'intérieur au budget de son département pour 1871.

- Impression et distribution.

Projet de loi approuvant la convention consulaire conclue entre la Belgique et l'Italie

Discussion générale

La discussion générale est ouverte.

M. Lelièvre. - Je me bornerai à émettre une simple observation sur l'article 15 de la convention. Cette disposition autorise les agents du service consulaire, en cas de (page 562) minorité ou d'absence des héritiers, à faire leurs actes conservatoires, à apposer, lever les scellés, faire inventaire.

Je pense qu'il doit être entendu que ces expressions « en cas de minorité» ou d'absence des héritiers » ne sont que démonstratives ; qu'en conséquence, la disposition est applicable dans le cas où l'héritier serait frappé d'interdiction, placé dans un établissement d'aliénés ou placé en curatelle par suite de condamnation judiciaire ; en un mot, dans tous les cas où l'héritier serait dans l'incapacité ou l'impossibilité de faire valoir lui-même ses droits.

Sous ce rapport, les expressions du traité ci-dessus mentionnées ne sont pas limitatives.

J'ai proposé cette observation afin qu'il ne puisse rester aucun doute à cet égard dans l'exécution.

Je pense également que, comme la ratification du traité est d'une urgence incontestable, on ferait bien de déclarer que la loi sera obligatoire le lendemain de sa publication.

M. d'Anethan, ministre des affaires étrangères. - L'article 15 de la convention doit, je pense, être entendu dans le sens indiqué par l'honorable M. Lelièvre ; il ne peut, me semble-t-il, y avoir aucune difficulté à cet égard.

Dans le rapport de la section centrale, on critique une expression qui se trouve dans l'article 13 de la convention. Cet article est ainsi conçu :

« A moins de stipulations contraires entre les armateurs, chargeurs et assureurs, toutes avaries essuyées à la mer par les navires des deux pays, soit qu'ils abordent volontairement au port, soit qu'ils se trouvent en relâche forcée, seront réglées par les consuls généraux, etc. »

La section centrale pense qu'il aurait fallu employer le mot « consignataires » au lieu du mot « chargeurs. »

Le mot « chargeur » est celui qui est employé dans toutes les conventions précédentes ; il est également employé dans les conventions faites par le gouvernement français avec diverses autres puissances.

Lors de la convention conclue le 10 mars 1870, la section centrale, ou plutôt son honorable rapporteur, M. Van Iseghem, avait proposé de remplacer le mot « chargeur » par le mot « affréteur » ; on n'avait pas alors parlé du mot « consignataire. »

Le gouvernement a fait examiner cette question ; d'après les réponses qui nous ont été envoyées, notamment par nos consuls au Havre et à Bordeaux, il a été reconnu que le mot « chargeur » devait être maintenu comme étant le mot le plus général, sur lequel les tribunaux s'étaient déjà prononcés, et au sujet duquel aucune difficulté sérieuse ne pouvait surgir.

Nous avons donc reproduit le mot « chargeur » dans la convention soumise en ce moment aux délibérations de la Chambre.

Je pense que c'est avec raison qu'on a maintenu le mot « chargeur », c'est avec le chargeur que se fait le contrat d'assurance, et si des difficultés s'élèvent quant à l'exécution du contrat, c'est donc avec le chargeur qu'elles doivent se discuter. Mais, nous dit-on, après que le navire est parti, les marchandises appartiennent au consignataire, ou du moins à la personne qui est en possession du connaissement.

Cette observation ne décide nullement la question contre l'opinion que je défends ; car il reste incontestable que si le contrat d'assurance donne lieu à des difficultés après le départ du navire, ces difficultés peuvent concerner les intérêts du chargeur, comme le prouve l'article 352 du code de commerce, ainsi conçu :

« Les déchets, diminutions et pertes qui arrivent par le vice propre de la chose, et les dommages causés par le fait et la faute des propriétaires, affréteurs ou chargeurs, ne sont point à la charge des assureurs. »

Comment donc ne pas mentionner celui qui peut être partie au procès ?

Quoi qu'il en soit, je ne me refuse pas à examiner derechef s'il serait préférable d'employer, dans les conventions ultérieures, le mot « consignataire », au lieu du mot « chargeur ». Mais je demande que la Chambre vote le projet de convention, tel qu'il lui est soumis. La section centrale ne propose pas d'amendement.

M. Van Iseghem, rapporteur. - Messieurs, la section centrale n'a pas proposé de changement au texte de la convention conclue avec l'Italie ; elle a fait observer seulement que, dans l'article 13, on a employé le mot « chargeur », et qu'à son avis il y aurait lieu de remplacer ce mot par le mot « consignataire » dans les conventions que le gouvernement conclurait ultérieurement avec d'autres puissances.

Lors de la convention consulaire de décembre 1868, avec les Etats-Unis, j'avais, comme rapporteur de la section centrale, fait observer que le texte anglais et le texte français étaient en désaccord, qu'on avait mal traduit le mot « freighter » par celui de « chargeur » au lieu de dire « affréteur », et qu'il aurait été préférable de dire « destinataire » ou « consignataire de la marchandise » (consigners).

Lorsque la section centrale, dont j'étais également le rapporteur, a examiné la convention consulaire avec l'Espagne, elle a demandé alors que le mot « chargeur » fût remplacé par le mot « consignataire. »

Quand le chargeur a embarqué la marchandise à bord d'un navire, le capitaine signe le connaissement, qui est immédiatement envoyé au destinataire de la marchandise dans le port de débarquement. Le chargeur en est donc dessaisi. C'est après le départ du navire qu'il peut essuyer des avaries en mer. Le porteur du connaissement ou le consignataire ayant le connaissement comme titre de propriété, est seul chargé de faire des arrangements avec les assureurs et avec le capitaine en cas d'avarie.

Le plus souvent, c'est le destinataire qui assure la marchandise.

Je conserve dès lors l'opinion que le mot « chargeur » doit être remplacé par les mots « consignataire de la marchandise », c'est-à-dire celui qui reçoit la cargaison.

M. le ministre des affaires étrangères vient de dire que les tribunaux ont déjà eu occasion de se prononcer à cet égard. Je dois lui faire observer que l'article 13 parle d'un arrangement volontaire ; par conséquent, les tribunaux n'ont pas, d'après moi, à y intervenir.

L'honorable ministre vient de citer l'article 352 du code de commerce ; d'après cet article, les marchandises mal amarrées à bord des navires ne sont pas à la charge des assureurs, mais concernent les propriétaires affréteurs ou chargeurs. Ce différend ne regarde donc pas les assureurs, et par conséquent l'article 15 n'est pas applicable. C'est un procès entre les chargeurs, le capitaine et les destinataires de la marchandise.

Au reste, M. le ministre des affaires étrangères ayant promis, pour les futures conventions, d'examiner la question, je borne là les observations que j'avais à présenter.

M. Vermeire. - Je ne ferai, messieurs, qu'une seule observation. Je crois qu'il serait dangereux de substituer, dans la convention qui nous est soumise, le mot « consignataire » au mot « chargeur. » Ces deux mots ne sont nullement synonymes. Chacun de ces mots a une étymologie à part, et par la substitution du mot « consignataire » au mot « chargeur », on pourrait tout à fait changer la signification de l'acte international que nous sommes appelés à approuver. Je crois donc qu'il vaudrait mieux ne rien changer du tout et adopter la convention telle qu'elle nous a été présentée par le gouvernement.

Par le mot « consignataire », on entend, généralement, celui qui est chargé de recevoir les marchandises.

M. Van Iseghem. - Nous sommes d'accord ; cela est évident.

M. Vermeireù. - Si cela est si évident, voyons ce que serait un chargement qui aurait reçu des marchandises de plusieurs chargeurs ; qui en serait le consignataire ou qui aurait le droit d'en faire la consignation ; car ne perdez pas de vue que le consignataire prélève sur le fret un certain tantième, tandis que les chargeurs n'ont de tantième que lorsqu'ils ont la plus grande partie du chargement ; or, on ne devient consignataire de navire que lorsqu'on a la plus grande partie du chargement oh tout le chargement et c'est alors seulement qu'on prélève une commission sur le fret.

Je crois donc, pour ma part, je le répète, qu'il vaut mieux adopter la convention telle qu'elle nous est présentée.

M. Van Iseghem, rapporteur. - Je ferai seulement observer à l'honorable M. Vermeire qu'il y a une différence entre le consignataire de navire et le consignataire de la cargaison.

Il est vrai, comme il vient de le dire, que celui qui à la plus grande quantité de marchandises dans le chargement est très souvent consignataire du navire, prélève alors sur le fret une commission de 2 p. c. Mais on peut être consignataire du navire et ne pas être en même temps consignataire de la marchandise. Nous avons seulement voulu parler, dans le rapport, du consignataire de la marchandise, de celui qui reçoit la marchandise au port de débarquement.

Vote de l’article unique et vote sur l’ensemble

L'article unique est ainsi conçu :

« La convention consulaire conclue le 12 décembre 1870, entire la Belgique et l'Italie, sortira son plein et entier effet. »

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'article unique qui est adopté à l'unanimité des 76 membres présents.

Ce sont :

MM. Delcour, De Lehaye, de Macar, Demeur, de Muelenaere, de Naeyer, de Rossius, Descamps, de Smet, de Theux, Dethuin, de Vrints, de Zerezo de Tejada, Drion, Drubbel, Elias, Frère-Orban, Guillery, Hayez, Houtart, Jacobs, Jamar, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Kervyn de Volkaersbeke, Lefebvre, Le Hardy de Beaulieu, Lelièvre, Lescarts, Liénart, Moncheur, Mouton, Mulle de Terschueren, Muller, Nothomb, Pety de (page 563) Thozée, Pirmez, Snoy, Tesch, Thibaut, Thienpont, Thonissen, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Outryve d'Ydewalle, Van Overloop, Van Renynghe, Van Wambeke, Vermeire, Verwilghen, Amédée Visart, Léon Visart, Vleminckx, Wouters, Ansiau, Beeckman, Bergé, Biebuyck, Boulenger, Bouvier-Evenepoel, Braconier, Cornesse, Cruyt, d'Andrimont, Dansaert, David, de Baillet-Latour, de Borchgrave, de Clercq, De Fré, de Haerne, Delaet et Vilain XIIII.

Projet de loi allouant un crédit supplémentaire au budget du ministère de la guerre

Discussion générale

La discussion générale est ouverte.

M. Bouvier. - Messieurs, le crédit supplémentaire que nous sommes appelés à voter s'élevait primitivement au chiffre de 5 millions de francs. J'ai lu avec plaisir, dans le rapport de la section centrale, que ce chiffre est diminué de 1,525,000 francs. C'est à l'armistice conclu à Versailles que nous devons cette réduction.

J'ai eu l'honneur d'interpeller, dans la séance du 1er février dernier, M. le ministre des affaires étrangères, qui remplaçait son collègue de la guerre, sur le point de savoir si, par suite de cet armistice et des dispositions pacifiques qu'il allait engendrer, il n'y aurait pas de difficulté à renvoyer dans leurs foyers les 12,000 nommes récemment rappelés sous les armes, rappel qui avait été la cause de la demande du nouveau crédit supplémentaire, car sans ce nouveau rappel, il devenait inutile. Nous avions même un boni de 750,000 francs sur les crédits supplémentaires votés dans les derniers jours de l'année dernière, boni qui nous permettait d'arriver à la fin du mois de janvier.

M. le ministre des affaires étrangères me tint le langage suivant :

« Je donne à la Chambre l'assurance que, dès que nous aurons la certitude que l'armistice existe réellement, c'est-à-dire, qu'il est accepté et respecté, que dès cet instant, nous n'attendrons pas un jour pour renvoyer les miliciens chez eux ; je puis même déclarer à l'honorable M. Bouvier que les ordres sont préparés et qu'ils seront expédiés dès que les prévisions de l'armistice seront réalisées. »

je pense, messieurs, que nous sommes dans la situation que M. le ministre des affaires étrangères à indiquée et que l'armistice, à l'heure qu'il est, est accepté, et si les nouvelles télégraphiques que j'ai lues dans les journaux sont exactes, il est question même de le prolonger.

je demande donc à l'honorable ministre de la guerre s'il a renvoyé dans leurs foyers les hommes qu'il a rappelés au mois de janvier et, s'il ne l'a pas fait, vers quelle époque, - je désire, quant à moi, que ce soit la plus rapprochée possible - il pourra renvoyer tous ces miliciens. Je crois que l'effectif actuel est assez considérable pour parer à la situation actuelle, d'autant plus que la guerre s'éloigne de nos frontières et que les sentiments de paix semblent dominer actuellement chez les deux nations belligérantes ; il est donc parfaitement inutile de retenir sous lès armes 12,000 hommes, qui ont déjà largement payé de leur personne depuis l'ouverture des hostilités.

J'attendrai les explications de l'honorable ministre de la guerre pour savoir si j'aurai à lui répondre.

M. Frère-Orban. - Messieurs, au début des événements dont nous sommés les témoins, j'ai cru devoir avertir le gouvernement qu'il me paraissait s'engager sans nécessité suffisamment justifiée dans des dépenses excessives. Je ne faisais pas, messieurs, de mes observations un thème d'opposition assurément, car tout en faisant ces représentations je m'engageais à voter tous les crédits demandés et, en effet, je les ai votés.

Un seul était excepté, c'était un crédit qui avait pour objet l'extension de fortifications ; on prenait prétexte des circonstances pour s'engager, sans ressources réalisées, dans des dépenses que, jusque-là, ni le gouvernement ni les Chambres n'avaient voulu admettre et que l'opposition d'autrefois repoussait unanimement, même lorsque l'on proposait d'y appliquer le produit de terrains militaires à réaliser.

Depuis, nous avons encore voté sans observation des crédits importants. On en sollicité aujourd'hui de nouveaux, qui ne me paraissent pas suffisamment justifiés., Dans les premiers jours du mois de janvier, le gouvernement qui n'avait pas même encore épuisé, je crois, les crédits mis à sa disposition, le gouvernement a cru qu'il était indispensable de rappeler des hommes appartenant à quatre classes de milice, de remettre l'armée sur le pied de guerre et de nous engager dans une dépense qu'il estimait alors à la somme de cinq millions de francs.

Les Chambres étaient alors en session, elles n'étaient pas réunies à cause des vacances, mais rien ne s'opposait à ce qu'on les convoquât pour leur soumettre l'affaire s’il y avait réellement urgence d'agir.

Je me souviens qu’à une autre époque, ayant pris sous notre responsabilité de faire certaines dépenses, de faire l'achat de fournitures indispensables à l'armée, dans une éventualité que nous prévoyions, mais qui pouvait ne pas se réaliser, je me souviens des orages qui éclatèrent dans cette Chambre, lorsque nous vînmes réclamer un bill d'indemnité.

Nous eûmes beaucoup de peine à faire comprendre que nous avions dû, dans l'intérêt public, pour ne pas alarmer le pays, faire ces dépenses sans autorisation préalable. C'est à grand-peine que ce bill d'indemnité fut voté ; il fut repoussé par la plus grande partie de l'opposition.

Aujourd'hui, je ne m'explique pas pourquoi le ministère n'a pas soumis préalablement à la Chambre les mesures qu'if croyait devoir prendre dans l'intérêt du pays.

Aurait-il pu les justifier ? Quel changement si grave était survenu qui nécessitât de nouveau la mise sur pied de guerre de l'armée ? Nous avions des troupes disponibles en nombre assurément suffisant pour faire face à la seule éventualité qui pouvait consister à faire déposer les armes à la frontière, à des troupes qui auraient été refoulées vers notre territoire. Evidemment nous n'avions pas autre chose à craindre.

M. le général Guillaume, ministre de la guerre. - Nous n'en savons rien.

M. Frère-Orban. - Personne ne songe, j'imagine, à diriger des hostilités contre nous.

Quel fut donc le motif du rappel de ces troupes et d'une dépense de tant de millions ?

Le voici, messieurs. Le bruit s'est répandu qu'il avait été formé en Allemagne, parmi les prisonniers français, un complot ayant pour objet leur évasion ; que ces prisonniers allaient se diriger vers la Belgique, où ils devaient trouver des dépôts d'armes pour se rendre en1 France à main armée.

Je dois croire que c'est là le motif qui a déterminé le gouvernement à rappeler tant d'hommes sous les armes.

M. d'Anethan, ministre des affaires étrangères. - C’est une grande erreur de votre part.

M. Frère-Orban. - Eh bien, il y a alors de singulières coïncidences. Le rappel des troupes a eu lieu vers le 8 ou le 9 du mois de janvier, si je ne me trompé. A la même heure, au même moment, des instructions étaient données à tous les chefs de corps, fondées précisément sur les motifs que je viens d'indiquer.

Par un procédé unique en ce genre, je pense, on transmit à tous les chefs de corps, une dépêche télégraphique chiffrée de notre ministre à Londres, qui annonçait une confidence qu'il avait reçue de M. le ministre de l'Allemagne du Nord à Londres. On y indiquait, vous l'avez vu dans les journaux, que des plans paraissaient concertés pour faire échapper les prisonniers français en Allemagne par la Belgique, où des fusils et de l'argent seraient envoyés. Le gouvernement recommandait de s'entendre avec les autorités civiles et judiciaires pour obtenir, par tous les moyens possibles des renseignements sur les dépôts d'armes qui pourraient être formés.

Il se trouva donc qu'un très grand nombre d'officiers et diverses autorités reçurent cette dépêche télégraphique, cette dépêche chiffrée qui bien certainement n'avait pas été expédiée par notre ministre à Londres en vue d'une pareille publicité ; mais non content de cela, le lendemain ou le surlendemain notre ministre à Londres ayant expliqué, dans une dépêche développée, ce qu'il n'avait pu dire que sommairement dans son télégramme chiffré, cette dépêche fut également envoyée aux chefs de corps ; on dit même qu'on la fit autographier, tant était grand le nombre de ceux qui devaient, la recevoir.

M. le général Guillaume, ministre de la guerre. - Pas du tout.

M. Frère-Orban. - Elle n'a été adressée à personne ?

M. d'Anethan, ministre des affaires étrangères. - Elle a été adressée à ceux qui devaient surveiller.

M. le général Guillaume, ministre de la guerre. - Aux trois lieutenants généraux.

M. Frère-Orban. - A trois lieutenants généraux seulement ? (Interruption.)

Si vous voulez demander que l'on vous envoie ici les registres d'ordre de l'un des régiments en garnison à Bruxelles, j'ai lieu de croire que vous y trouverez tout ce que je viens de dire.

M. Jacobs, ministre des finances. - Le dossier...

M. Guillery. - On ne dépose plus les dossiers.

M. Frère-Orban. - Sur tous les registres d'ordre des régiments, cette dépêche se trouve inscrite, d'après ce qui m'a été assuré.

(page 564) Je ferai remarquer que nos ministres à l'étranger dont le devoir est de faire de pareilles communications au gouvernement, de l'informer de tout ce qu'ils apprennent, vont se montrer aujourd'hui extrêmement circonspects, puisque les dépêches qu'ils peuvent ainsi transmettre se trouvent le lendemain livrées à la publicité ; de plus, les ministres étrangers vont devenir bien circonspects dans leurs confidences, s'ils peuvent craindre d'être exposés à voir le lendemain leurs confidences publiées.

Eh bien, je dis que c'est à raison de ces faits que le rappel des troupes a eu lieu. Il est impossible de le nier quand on voit, au moment où la communication est faite par notre ministre a Londres, des instructions données et le rappel opéré. Voilà le motif qui a fait déplacer tant d'hommes, qui a fait rappeler quatre classes de miliciens sous les armes et qui nous engage dans des dépenses considérables.

Je demande si cela est raisonnable.

J'admets parfaitement que, des faits étant signalés, on fît des investigations, on exerçât une surveillance, on prît les mesures nécessaires, des mesures raisonnables.

M. d'Anethan, ministre des affaires étrangères. - On n'a fait que cela.

M. Frère-Orban. - Quoi ! cette information exigeait le rappel des hommes de quatre classes de milice !

M. d'Anethan, ministre des affaires étrangères. - Ce n'est pas pour cela ; vous le savez bien.

M. Frère-Orban. - Comment, je le. sais bien ! je vous prie de croire, M. le ministre des affaires étrangères, que, si je connaissais un autre motif, je ne parlerais pas comme je le fais. Je ne sais absolument rien que ce que j'ai appris par les journaux. Je sais que des instructions ont été données et je constate qu'en même temps que ces instructions ont été données, on a opéré le rappel des troupes. Je sais que les instructions et le rappel avaient pour cause la crainte de nous voir envahir par les prisonniers français et je ne puis trouver cette crainte raisonnable.

Je sais bien qu'aujourd'hui on est un peu étonné d'avoir pris une pareille position et qu'on essaye d'échapper au ridicule.

M. d'Anethan, ministre des affaires étrangères. - Nous ne nous sommes exposés à aucun ridicule.

M. Bouvier. - Si c'est un canard, il nous coûte un peu cher.

M. Frère-Orban. - Si j'en crois un journal allemand, il y a une explication un peu plaisante des bruits de complot des prisonniers français en Allemagne. On prétend que ce qui a donné lieu à tous les bruits qui ont couru dans la presse depuis le mois de décembre jusque dans ces derniers temps, c'est que les Français, à ce qu'il semble, voulaient faire le réveillon. (Interruption.)

Je raconte ce qui se trouve dans un journal allemand. Des prisonniers annonçaient qu'ils se réuniraient à minuit pour le réveillon ; mais leurs surveillants, qui ne comprenaient pas trop le français, ont pris ces rendez-vous du réveillon pour des projets de rébellion. Et voilà ce qui nous vaut le rappel d'un grand nombre d'hommes sous les armes et une nouvelle dépense de plusieurs millions.

M. Thonissen. - Le complot a positivement existé.

M. Frère-Orban. - Je ne m'oppose pas à ce que vous croyiez qu'il y a eu complot. Je vous concède qu'il a existé ; il est probable que l'on a eu des raisons de le croire en Allemagne puisque les autorités paraissent s'en être préoccupées. On a pu, par prudence, recommander des mesures de précaution et de surveillance. Mais, pour ce qui regarde le pays et le gouvernement, il n'est pas raisonnable d'avoir imaginé que ces prisonniers allaient arriver ici en nombre considérable, qu'ils allaient trouver des armes en Belgique et qu'il fallait une grosse armée pour résister à une pareille invasion.

Je regrette donc que le gouvernement, sur des indications plus ou moins vagues qui lui ont été données, ait cru devoir s'engager dans d'énormes dépenses et imposer des charges considérables aux miliciens.

M. Amédée Visart. - Et l'armée du Nord ?

M. Frère-Orban. - Eh bien, quoi ? Est-ce qu'avant les affaires d'Amiens vous avez rappelé des troupes ? Et au surplus, je le répète, nous avions assez de troupes sous les armes pour parer aux éventualités qui pouvaient se produire à notre frontière du Midi, car il ne s'agissait que de recevoir des troupes qui déposaient immédiatement les armes en pénétrant sur notre territoire. Aucune des armées belligérantes n'était en état d'hostilité avec nous, aucune n'avait la moindre intention d'agression à l'égard de la Belgique.

Ayant exprimé mes regrets à cet égard, et le regret que la Chambre n'ait pas été consultée, j'ajoute que je ne suis pas disposé à pousser la rigueur jusqu'à rejeter le crédit nécessaire au payement de dépenses faite» de bonne foi, j'en suis convaincu. Mais je demande qu'on en reste là ; et je proposerai que la réduction indiquée par M. le ministre de la guerre soit plus considérable, qu'elle soit augmentée d'un million, afin de sortir le plus possible de la situation anomale où nous sommes. Si la moindre nécessité se présente de rappeler les miliciens, on pourra le faire avec la plus grande facilité et personne, à coup sûr, ne s'opposera alors aux crédits qui devront être demandés à la législature.

M. Thonissen.- Messieurs, je ne sais s'il a existé, parmi les Français internés en Allemagne, un complot ayant pour but de faire une invasion armée en Belgique ; mais ce que je puis affirmer, de science certaine, c'est qu'on prétend, en Prusse, qu'un complot d'évasion a été formé dans plusieurs dépôts de prisonniers. On y a découvert, aux mains des soldats français, plusieurs centaines de poignards et de couteaux, trouvés, dit-on, dans des vêtements qu'on leur avait distribués. (Interruption.) De grâce, messieurs, veuillez croire que je parle très sérieusement, et vous en serez convaincus quand je vous dirai qu'en ce moment des Français sont traduits, en Prusse, devant les conseils de guerre comme ayant trempé dans le complot dont je parle.

Il n'est pas sérieux de prétendre que les autorités allemandes se sont trompées en attribuant au mot « réveillon » le sens de rébellion. En Allemagne, messieurs, on connaît beaucoup mieux le français qu'on ne connaît l'allemand en France ; et ici encore, je puis affirmer que les autorités allemandes en rapport avec les prisonniers entendent et parlent parfaitement la langue française.

Messieurs, le gouvernement, en rappelant dix à douze mille hommes sous les armes, n'a fait autre chose que poser un acte de prudence indispensable. Il y a quelques jours, 80,000 hommes de l'armée du général Bourbaki sont entrés en Suisse et ont été forcés d'y déposer les armes. Eh bien, ce qui s'est passé en Suisse pouvait très bien se passer en Belgique.

Je crois même que le gouvernement avait reçu à ce sujet des avertissements bienveillants, mais très positifs.

Oui, messieurs, si l'armée du général Faidherbe ne s'était pas battue avec héroïsme aux environs de Bapaume, cette armée eût été très probablement refoulée sur notre territoire. Etes-vous certains qu'elle aurait déposé les armes devant quelques groupes impuissants de soldats belges ? N'aurait-elle pas pénétré sur notre sol, pour rentrer en France deux ou trois lieues plus loin ? Et alors, quel langage aurait tenu le gouvernement prussien ? Qu'auraient dit les organes de la publicité allemandes qui, bien à tort sans doute, nous ont déjà soupçonnés et accusés de partialité envers la France ?

Un péril plus grand encore aurait pu surgir. Le droit des gens enseigne que, si l'armée poursuivie ne dépose pas les armes en arrivant sur le territoire neutre, l'armée poursuivante peut, à son tour, pénétrer sur le même territoire avec armes et bagages. Et si cette redoutable éventualité s'était réalisée, quels conflits, messieurs, n'auraient pas surgi ! Quels justes reproches ne nous auraient pas adressés les Allemands ? Et vous, membres de la gauche, qu'auriez-vous fait ? Quel langage auriez-vous tenu ? Vous vous seriez levés comme un seul homme pour blâmer l'imprévoyance du ministère ? Vous auriez dit aux ministres : « Vous avez été imprudents, vous vous êtes montrés incapables, vous êtes de mauvais patriotes ! » Voilà le langage que vous auriez tenu. Quant à moi, je loue et je remercie le cabinet de ce qu'il a fait.

M. le général Guillaume, ministre de la guerre. - Messieurs, l'honorable M. Frère-Orban a adressé au gouvernement un double reproche ; il lui a d'abord fait un grief d'avoir mis sur pied des forces considérables et d'avoir entraîné le pays dans de grandes dépenses sans l'assentiment préalable des Chambres.

L'honorable M. Frère-Orban a été mal renseigné sur nos armements. On a fort exagéré l'importance des forces qui ont été réunies ; je n'ai pas rappelé quatre classes, comme on l'a prétendu. Il a pu se trouver parmi les miliciens rappelés des hommes appartenant à quatre ou cinq classes ; mais la vérité est que le rappel n'a pas atteint 12,000 hommes.

Quant au rappel en lui-même, je puis affirmer qu'il n'a pas été ordonné sur l'avis reçu par le gouvernement que certain complot se tramait en Allemagne.

M. le ministre des affaires étrangères a transmis cet avis au ministre de la guerre, qui, à son tour, a cru devoir le communiquer, par dépêche confidentielle, aux lieutenants généraux commandant les trois divisions territoriales.

Il me semble, messieurs, qu'il était tout naturel d'appeler l'attention des autorités militaires sur le complot qui nous était dénoncé et sur les dépôts (page 565) d'armes qu'on prétendait formés pour les prisonniers français qui devaient s'échapper d'Allemagne.

Les lieutenants généraux ont communiqué ma dépêche aux autorités sous leurs ordres, mais je n'ai fait autographier aucune dépêche, chiffrée ou non.

Quant à l'effectif de troupes que j'ai cru devoir rassembler à la frontière, il était impérieusement commandé par les nécessités qui ont surgi. Rappelez-vous, en effet, qu'à cette époque on assiégeait des places voisines de notre territoire.

Il fallait observer les différents corps d'armée qui continuellement longeaient nos frontières sur une étendue de près de soixante lieues ; il y avait à pourvoir à certaines éventualités, dont l'honorable M. Frère-Orban peut aujourd'hui contester la probabilité, mais que nous, qui avions la responsabilité de la défense, nous devions envisager avec plus de prudence que ceux qui se donnent le rôle facile de critiquer lorsque le danger est passé.

Je crois, du reste, messieurs, que le gouvernement ne mérite pas le reproche de ne pas avoir demandé en temps opportun les crédits nécessaires pour l'entretien des troupes. Au commencement de janvier, il y avait un reliquat de 750,000 francs qui pouvait nous aider à atteindre, le mois de février.

Dans les premiers jours de janvier, le gouvernement ayant jugé qu'il était absolument indispensable de rappeler un certain nombre de miliciens, un nouveau crédit a été demandé aussitôt que la Chambre s'est trouvée réunie.

Or, ce crédit n'a pas pour but de couvrir des dépenses déjà faites ; il doit servir à entretenir nos troupes sur le pied actuel, jusqu'au milieu du mois de mars. Le gouvernement n'a donc pas dépensé des fonds qui n'avaient pas été votés par les Chambres, puisqu'il a pu jusqu'ici faire face aux dépenses au moyen du budget de 1871 et du reliquat de 750,000 francs dont j'ai parlé.

Je crois donc que, sur ce point comme sur les autres, le gouvernement n'a pas mérité les reproches que l'honorable M. Frère-Orban lui a adressés.

M. Bouvier. - Je prie M. le ministre de la guerre de répondra à ma question. J'ai demandé si les miliciens récemment rappelés sous les armes allaient être bientôt renvoyés dans leurs foyers ?

M. le général Guillaume, ministre de la guerre. - Il résulte évidemment de la lettre que j'ai eu l'honneur d'écrire à la section centrale que le gouvernement s'est empressé de diminuer les effectifs, puisque j'ai donné l'ordre de renvoyer environ 10,000 miliciens dans leurs foyers et que j'ai pu diminuer le crédit que je sollicite en ce moment de 1,525,000 francs.

- Une voix. - Et les hommes mariés ?

M. le général Guillaume, ministre de la guerre. - Les hommes mariés n'ont été rappelés que dans une seule arme : l'artillerie, parce qu'il était complètement impossible de faire autrement.

C'est la conséquence de l'insuffisance des contingents ; l'effectif de l'artillerie n'est guère que les deux tiers de ce qu'il devrait être et cela est extrêmement fâcheux ; dès qu'il y a un service extraordinaire, on doit rappeler continuellement tous les hommes, tandis que si les contingents étaient plus nombreux, on pourrait se dispenser de rappeler les mariés.

M. Bouvier. - L'honorable ministre de la guerre vient de nous dire qu'une partie des 12,000 hommes rappelés sous les armes dans le courant de janvier, avant la conclusion de l'armistice (je ne parle pas du complot, que je ne connais pas), avaient été renvoyés dans leurs foyers. Il a même ajouté que c'est grâce au renvoi de ces miliciens que le crédit de 5,000,000 qu'il sollicitait de la législature a pu être réduit à 3,475,000 francs.

Comme l'armistice est aujourd'hui un fait accompli, affirmé, et j'ajoute accepté par la délégation de Bordeaux, j'invoque le langage de son collègue, l'honorable ministre des affaires étrangères, par lequel il s'est engagé vis-à-vis de la Chambre, dans la séance du 1er février, que dès que la situation serait éclaircie, que l'armistice serait accepté et respecté, dès cet instant, sans attendre un jour, les miliciens seraient renvoyés chez eux. Je demande que cet engagement, dont j'ai pris acte, soit respecté et accompli.

Nous avons déjà un effectif très considérable et suffisant, en temps ordinaire, à la défense du pays. Je ne pense pas qu'il faille, en présence de la situation actuelle, retenir sous les armes un effectif aussi considérable, d'autant plus que nos miliciens ont été fort éprouvés, qu'ils ont répondu avec empressement à l'appel fait à leur patriotisme, qu'il y aurait ingratitude à différer leur renvoi, que ce serait impolitique d'abuser de leur bonne volonté à rejoindre leurs drapeaux.

Ce n'est pas pour faire de l'opposition au gouvernement... (Interruption).

- Des membres à droite. - Non ! non !

M. Bouvier. - Evidemment non ! Vous en agissez à votre aise, à droite. Ai-je, comme vous, jamais fait de l'opposition au budget de la guerre ?

A l'heure actuelle, vous devenez très belliqueux, mais lorsque nous étions majorité, avez-vous donc oublié le mal que nous endurions pour vous faire accepter et voter le budget de la guerre, pour vous convaincre de la nécessité d'allouer les crédits nécessaires à la défense nationale ?

Quand, au 15 juillet dernier, le pays s'est trouvé sur le bord de l'abîme, quand la France et la Prusse vous ont demandé si la Belgique voulait et pouvait défendre sa neutralité, oh ! alors vous avez été très heureux de trouver que cette majorité devenue minorité avait prévu une situation difficile, et que, grâce à ses prévisions et à sa prudence, notre existence comme nation libre et indépendante n'a pas été compromise. Sans cette majorité, le pays se serait trouvé dans la situation la plus fausse et la plus critique qu'il ait été possible d'imaginer.

Vous devenez belliqueux après coup. C'est facile ; mais, en véritables hommes politiques, il fallait l'être avant les terribles événements qui ont éclaté en juillet dernier.

Eh bien, aujourd'hui que le temps est plus serein, que les esprits sont plus calmes et que la paix paraît prochaine, j'engage vivement le gouvernement à renvoyer les miliciens dans leurs foyers, à les rendre à leurs familles, à la culture, à l'industrie.

En acquiesçant à mes vœux, vous venez non seulement en aide à ces familles, mais vous dégrèverez singulièrement nos finances. J'espère donc qu'au premier jour ces miliciens seront rendus à leurs familles et à leurs travaux. Vous aurez ainsi maintenu et réalisé la promesse de votre collègue, l'honorable ministre des affaires étrangères.

M. le général Guillaume, ministre de la guerre. - Je crois avoir suffisamment prouvé, depuis que je suis entré au ministère, que je saisis toutes les occasions de diminuer l'effectif, lorsque la situation le permet. Je prends encore l'engagement de renvoyer une partie des hommes actuellement sous les armes, lorsque le gouvernement le jugera possible. Mais je ne puis promettre qu'immédiatement tous les hommes rappelés seront renvoyés ; c'est pour permettre au gouvernement d'agir selon les nécessités du moment que le crédit actuel vous est demandé.

M. Frère-Orban. - Pendant le mois de décembre, les sièges sur notre frontière étaient commencés ; l'armée du Nord opérait. L'armée du Nord a livré, à cette époque, la bataille d'Amiens. Le gouvernement n'a pas cru qu'il eût besoin de disposer d'un nombre d'hommes plus considérable que celui qu'il avait alors sous les armes. On ne nous dit pas en quoi la situation s'est modifiée dans les premiers jours de janvier.

Cette situation était la même au point de vue où je me place en ce moment ; une seule chose nouvelle est arrivée : c'est l'information relative au complot. Aussi, en même temps qu'on donne des instructions à cet égard à l'armée, le rappel des miliciens a eu lieu. Il est donc hors de doute que c'est la crainte de l'invasion des prisonniers français qui a motivé les mesures extraordinaires qui ont été prises, on ne donne aucune autre explication qui les puisse justifier. Hormis l'appréhension de voir une armée de prisonniers cherchant des armes cachées sur notre territoire, on ne signale, en janvier, rien de plus inquiétant pour nous qu'en décembre.

On n'essaye pas même d'indiquer quelle modification si considérable s'est tout d'un coup produite dans la situation des belligérants, pour que l'on fût obligé de remettre l'armée sur le pied de guerre.

L'honorable M. Thonissen assure que le complot était réel ; qu'il était très sérieux ; il nous le garantit ; on lui en a fait la confidence. C'est fort bien ; je ne sais pas quelle est la source de ces informations ; je les accepte.

Il y avait donc un complot ; l'honorable M. Thonissen en est convaincu ; mais je le prie de remarquer que je ne conteste rien à cet égard. Il est vraisemblable que l'on a eu, en Allemagne, des préoccupations sérieuses à se sujet et je n'ai pas à rechercher si elles étaient ou non fondées.

Seulement je demande si un complot qui se tramait en Allemagne, si une évasion supposée qui devait d'abord échapper à la vigilance des autorités et des armées allemandes, peuvent justifier, chez nous, le rappel précipité de tant d'hommes et la dépense de tant de millions.

L'honorable membre ne tente pas même d'expliquer par le complot les mesures qui ont été prises, mais il nous dit : S'il était arrivé que l'armée du Nord eût été dans la position de l'armée du général Bourbaki, nous aurions eu une situation analogue à celle de la Suisse, nous (page 566) aurions dû désarmer les troupes qui auraient pénétré sur notre territoire. Eh bien, messieurs, je réponds à cela deux choses : nous n'étions pas dans cette situation et si nous avions été dans cette situation, nous avions les troupes nécessaires pour remplir notre devoir. Le gouvernement lui-même l'a cru jusqu'au jour où le bruit de l'invasion des prisonniers est venu le troubler.

Rien donc, messieurs, ne me paraît justifier les actes du gouvernement. Mais en les critiquant, j'ai reconnu que s'il avait été un peu crédule et trop vite effrayé, je reconnaissais qu'il avait agi de bonne foi. il a fait des rassemblements de troupes qui n'étaient pas nécessaires, mais je n'accuse pas ses intentions ; je ne veux pas refuser complètement les crédits demandés ; je veux voter les dépenses faites, je veux même aller au delà pour donner le temps de rentrer dans la situation normale. Mais quelle nécessité y a-t-il de maintenir jusqu'au 15 mars une situation que rien ne justifie ?

- Un membre. - Nous ne pouvons pas l'apprécier.

M. Frère-Orban. - Nous ne savons pas apprécier qu'il y a un armistice en France ! (Interruption.) Y a-t-il, oui ou non, un armistice en France ? (Interruption.) Il est exécuté, parfaitement exécuté et en supposant la rupture de cet armistice, faut-il longtemps pour rappeler les troupes sous les armes ? Pourquoi faut-il que nous maintenions sans nécessité des troupes sous les armes ? Pourquoi faut-il voter dès à présent des crédits jusqu'au 15 mars ? Quand vous les aurez votés,, ils seront consommés.

Si les circonstances l'exigent de nouveau, nous nous associerons au gouvernement pour y pourvoir, comme nous l'avons fait jusqu'à présent.

J'ai été étonné de l'observation faite par l'honorable ministre de la guerre, que je ne prenais que le rôle de critique. Il se trompe. Membre de l'opposition, j'ai appuyé le gouvernement sans imiter ce qui avait été fait en semblable circonstance par des ministres actuels.

J'ai voté tous les crédits qui ont été demandés pour les besoins de la défense de notre neutralité.

Mais c'était mon droit et mon devoir de faire des observations, d'avertir le gouvernement que l'on paraissait excéder de justes bornes et j'allais jusqu'à voter les crédits même quand j'avais lieu de craindre que l'on ne dépassât les limites du nécessaire.

Aujourd'hui, on. tombe dans l'exagération. Je crois de mon devoir de protester et de demander que les choses soient ramenées à une situation plus raisonnable, plus sensée et qu'on ne dispose pas aussi inutilement d'un grand nombre d'hommes et d'un grand nombre de millions.

M. d'Anethan, ministre des affaires étrangères. - Messieurs ; dans son premier discours, l'honorable M. Frère a parlé de dépenses militaires excessives que nous aurions faites. Il a signalé l'exagération que nous aurions apportée dans les demandes faites à la Chambre pour assurer la défense du pays.

La Chambre a eu connaissance de tout ce qu'a fait le gouvernement depuis le commencement de la crise que nous traversons et la Chambre a donné son entière approbation aux mesures de prudence qui ont eu, chacun peut le constater, un si heureux résultat.

Je suis donc étonné que l'honorable M. Frère, d'une manière rétrospective, vienne critiquer des mesures auxquelles il s'est lui-même associé par son vote.

M. Frère-Orban. - J'ai déclaré, dès ce temps-là, que les dépenses étaient excessives.

M. d'Anethan, ministre des affaires étrangères. - Votre devoir était alors de vous y opposer si elles vous paraissaient excessives.

Maintenant, sommes-nous sortis des bornes de la modération, et la prudence nous permettait-elle de ne pas recourir aux mesures que nous avons adoptées ?

Voyons les faits :

Sur nos frontières le siège de Longwy était commencé ; le siège de Givet paraissait imminent.

Le mouvement des troupes belligérantes les rapprochait de la Belgique et nous avions des motifs sérieux pour prendre d'urgence des précautions.

M. Bara. - C'est inexact.

M. d'Anethan, ministre des affaires étrangères. - C'est parfaitement exact, et les renseignements que nous avions reçus ne pouvaient laisser aucun doute à cet égard.

Nous étions menacés non pas d'une invasion pour s'emparer de la Belgique, mais de l'entrée d'une armée belligérante dans notre pays.

L'armée qui aurait été vaincue aurait pu être forcée d'opérer sa retraite m Belgique, et si elle n'avait pas. consenti à se laisser désarmer, elle eût été suivie par l'armée victorieuse et nous aurions eu la guerre transportée sur notre territoire.

Voilà ce que nous avons voulu empêcher, ce que nous devions empêcher et ce que nous aurions été coupables de ne pas empêcher.

On nie cette nécessité et l'on prétend que nous avons agi uniquement en vue de prévenir les suites d'un prétendu complot qui aurait été découvert en Allemagne, et que nous avons été assez crédules pour rappeler des troupes dans le but d'empêcher que des prisonniers évadés ne viennent en Belgique désarmer nos soldats pour se jeter ensuite en France.

Je le déclare de la manière la plus positive, il n'y a absolument rien de vrai dans ces allégations des journaux.

Le gouvernement n'a pas songé à rappeler un seul homme en vue de ce complot.

M. Frère-Orban. - Les dates sont malheureuses.

M. d'Anethan, ministre des affaires étrangères. - Qu'importent les dates ! Cette coïncidence ne change pas la réalité des faits.

On nous a fait, il est vrai, connaître qu'un complot existait en Allemagne. En recevant ce renseignement, il était évidemment de notre devoir de rechercher ce qu'il pouvait avoir de fondé et de prendre éventuellement des mesures pour prévenir les conséquences qui pouvaient en résulter pour la Belgique.

Nous n'avons pas fait autre chose.

Voyez toutes les instructions qui ont été données, elles se bornent à ordonner de rechercher, à l'aide des moyens ordinaires de police, s'il y avait des dépôts d'armes et à enjoindre à la gendarmerie de redoubler de vigilance pour empêcher, le cas échéant, que des prisonniers évadés d'Allemagne ne passent par la Belgique pour retourner en France.

Voilà tout ce que nous avons fait, à l'occasion de ce prétendu complot. Je réponds du reste à M. Frère par les faits eux-mêmes.

Est-ce que les troupes que nous avons rappelées, nous les ayons envoyées à la frontière allemande, de manière à empêcher les prisonniers d'arriver ? Non, nous les avons placées à l'endroit où nous pouvions craindre l'invasion des armées belligérantes, parce que c'était en vue de cette éventualité et uniquement en vue de cette éventualité que les miliciens avaient été rappelés. (Interruption.)

D'ailleurs, avons-nous fait autre chose que les autres nations neutres ? Qu'a fait la Suisse ?

Dès l'instant où elle a pu penser que son territoire était menacé,, elle a rappelé deux nouvelles brigades et c'est grâce à cette précaution qu'elle a pu, dans des circonstances graves, parer à tous les événements.

M. David. - Elle n'a rappelé en tout que 20,000 hommes.

M. d'Anethan, ministre des affaires étrangères. - Elle a rappelé deux brigades sous les armes, elle a rappelé également de l'artillerie et c'est, je le répète, grâce à ces troupes que la convention entre le général Clinchamps et le général suisse a pu se faire. Si la Suisse n'avait eu que quelques hommes à sa frontière, elle n'aurait pas pu s'engager à désarmer l'armée qui voulait se réfugier sur son territoire.

Quand M. Frère dit que les troupes que nous avions, avant le 1er janvier étaient suffisantes, il est dans une complète erreur. Elles étaient loin d'être suffisantes et il fallait que l'armée victorieuse fût bien assurée que l'armée belge était en force assez considérable pour désarmer l'armée vaincue, qui se réfugierait chez nous. Il est facile de dire après coup : L'armée qui serait entrée en Belgique aurait déposé les armes ; mais qu'en savez-vous ? Et savez-vous si l'armée victorieuse se serait contentée de cette bénévole supposition pour ne pas franchir à son tour notre frontière ? C'est surtout cette éventualité que nous devions prévoir et empêcher, et c'est là ce que nous avons empêché.

Lorsque les hostilités ont commencé, lorsque les armées allemandes et françaises se trouvaient près de nos frontières, nous avions une armée plus nombreuse que maintenant, et cependant alors il n'y a eu que des éloges pour les précautions prises par le gouvernement.

Eh bien, messieurs, le danger a été plus grand peut-être dans les derniers temps, et si un reproche pouvait nous être adressé, ce serait de ne pas avoir rappelé autant d'hommes qu'au commencement de la guerre ; nous avions renvoyé dans leurs foyers 35,000 hommes, nous n'en avons rappelé que 12,000, et l'honorable M. Frère trouve cela exagéré !

Messieurs, si le gouvernement n'avait pas agi comme il l'a fait et d'urgence, il aurait, d'après moi, forfait à son devoir. (Interruption.) Le gouvernement a pris les mesures que les circonstances exigeaient impérieusement ; s'il n'avait pas rappelé une partie de l'armée, s'il avait laissé notre frontière dégarnie, il aurait compromis gravement la situation du pays. Ce n'est pas après avoir échappé jusqu'ici à tous les dangers que nous irions, (page 567) par une imprudence coupable, exposer le pays a perdre le fruit des précautions qui ont été prises et qui l'ont préservé des plus grandes calamités.

M. Bara. - Il est assez étonnant de. devoir combattre des propositions de dépenses militaires faites par le cabinet qui devait avoir pour mission de diminuer les dépenses militaires. Mais notre devoir est de rectifier les faits qui viennent d'être présentés par M. le ministre des affaires étrangères et de prouver que, si ces faits étaient exacts, le gouvernement n'aurait jamais été à la hauteur de sa mission.

En effet, messieurs, le gouvernement a la responsabilité de pourvoir, quant au rappel des hommes, aux nécessités que produisent les événements extérieurs. Or, que vient de dire M. le ministre des affaires étrangères ? C'est que le danger a été moins grand aux mois d'août et de septembre qu'au mois de janvier ; et nous constatons en même temps que notre armée sur pied de guerre a été beaucoup plus considérable en août et septembre qu'en janvier. S'il est vrai que le danger fut moins grand en août et septembre qu'en janvier, comment expliquer que vous ayez rappelé plus d'hommes la première fois, quand le danger était moindre, que la seconde, quand le danger était plus grand ? (Interruption.)

Ou bien vous avez été imprudents en janvier en ne rappelant pas un plus grand nombre d'hommes, puisque le danger était plus grand qu'en août et en septembre, ou bien vous avez, en août et septembre, mis sur pied une armée dont vous n'aviez pas besoin.

M. le général Guillaume, ministre de la guerre. - Savez-vous quel était le danger qui nous a menacé au mois de juillet ?

M. Bara. - Dites cela à M. le ministre des affaires étrangères ; c'est lui qui a fait la distinction entre les deux périodes. Ii est vrai qu'il juge après coup ; mais il est évident qu'il a jugé de différentes manières ; et c'est parce que le ministère juge très mal que nous ne voulons plus le suivre.

Ainsi, vous prétendez que le danger était plus grand en janvier ; mais il était absolument le même qu'en décembre : l'armée du Nord était formée ; elle avait déjà livré bataille et, qui plus est, quand vous avez rappelé vos troupes, si mes souvenirs sont exacts, le général Faidherbe marchait en avant contre l'armée allemande. Le général Faidherbe n'était donc pas alors acculé à la frontière. Eh bien, si vous avez eu raison de rappeler des troupes en janvier, vous êtes coupables de ne pas l'avoir fait en décembre. Vous avez laissé le pays sans défense, vous avez laissé nos frontières exposées. Vous ne pouvez pas échapper à ce dilemme. (Interruption.) Il est évident que, pour me répondre, vous vous contenterez de voter. C'est votre habitude, et elle est plus commode qu'honorable.

Mais je vous dis, messieurs, que nous ne voulons plus désormais jouer le rôle de dupes. Il y a quelques mois à peine, vous alliez dans les collèges électoraux vous représenter comme hostiles aux dépenses militaires ; vous avez même dans le cabinet deux hommes qui se sont particulièrement distingués par leur ardeur contre les dépenses militaires.

Et aujourd'hui, mettant votre cléricalisme au-dessus de votre hostilité au militarisme, selon le mot reçu, vous venez nous demander coup sur coup des crédits que vous ne savez pas même justifier. Eh bien, nous ne les voterons pas : nous n'abandonnons pas notre opinion en matière de budget de la guerre ; mais nous ne sommes nullement disposés à vous prêter notre appui quand même à propos de dépenses militaires.

Nous jouerions un véritable rôle de dupes si nous laissions nos adversaires se couvrir d'un manteau de popularité en se déclarant hostiles aux dépenses militaires ; puis, ayant conquis la majorité, nous proposer ici des crédits pour couvrir des dépenses dont l'exagération est manifeste.

M. le ministre des affaires étrangères nous disait tout à l'heure que nous avions applaudi aux projets de crédits que la Chambre a votés jusqu'à présent. Nous n'y avons pas applaudi du tout ; il y aune grande différence, sans doute, entre voter un projet et y applaudir.

M. d'Anethan, ministre des affaires étrangères. - Je ne vote que ce que j'approuve.

M. Bara. - Demandez à M. Dumortier si cela est vrai. L'honorable membre a dit que, sous votre ministère, M. d'Anethan, la droite a voté des lois qui répugnaient à certains de ses membres.

M. Dumortier. - Je n'ai pas dit cela.

M. Bara. - Vous l'avez dit, M. Dumortier, et je puis, si vous le désirez, vous mettre vos paroles sous les yeux.

Je reprends, messieurs, et je dis que nous n'avons pas applaudi à la conduite du ministère.

Au mois de septembre, nous n'étions pas juges de la question de savoir si on avait rappelé plus ou moins d'hommes sous les armes qu'il n'était nécessaire ; un rappel d'hommes était utile, et sans préjuger s'il avait été tel que les circonstances l'exigeaient, nous avons voté les crédits qui nous étaient demandés ; mais à l'heure qu'il est, alors qu'il y a moins de danger qu'au mois d'août, il est parfaitement inutile de maintenir sous les armes, jusqu'au 15 mars prochain, plus de soldats qu'on n'en avait au mois de décembre, dans une situation plus mauvaise.

Je demande donc que la Chambre vote une diminution plus considérable que celle qui est proposée par le gouvernement, et qu'elle donne son assentiment à l'amendement de l'honorable M. Frère, qui propose une nouvelle diminution d'un million.

M. David. - Je vais avoir l'honneur de vous donner quelques explications curieuses sur le fameux canard, dit complot des prisonniers français en Allemagne, dont il a été si souvent parlé dans la Chambre et ailleurs. Je les trouve dans le journal l’Allgemeine Zeitung d'Augsbourg du 28 janvier dernier ; en voici une traduction rapide. A l'instant j'ai été chercher ce journal à la bibliothèque :

« On écrit de Mayence à la Gazette de Silésie, sous la date du 21 janvier :

« L'affaire du complot des prisonniers dont il a été si souvent question commence à s'éclaircir peu à peu. Comme on le sait, on fête en France la nuit de Noël en mangeant et en buvant, avec grande gaieté, jusqu'à minuit, heure à laquelle on se rend à la messe de minuit. Cela s'appelle le réveillon. Dans leurs aspirations vers le retour dans leur patrie, les prisonniers parlèrent fréquemment, pendant le mois de décembre, de ce beau réveillon, si souvent célébré dans le passé. Comme les mots réveillon et rébellion, surtout pour des oreilles non françaises, sonnent de manière à être confondus, on comprend par là comment le bruit du projet des prisonniers de s'insurger à minuit le jour de Noël a pris naissance. Depuis lors, pas le moindre fait n'est venu confirmer ni la conjuration ni le projet de rébellion. »

Voilà la cause incroyable de la mise à nouveau sur un grand pied de guerre de notre armée.

M. Bouvier. - Quelle immense mystification !

- M. de Naeyer remplace M. Vilain XIIII au fauteuil.

M. Dumortier. - Messieurs, j'ai lieu de m'étonner de l'opposition que rencontre le projet de loi ; j'ai lieu de m'étonner surtout des paroles que vient de prononcer l'honorable M. Bara.

Je dirai d'abord que le gouvernement a fait en cette circonstance ce qu'il devait faire, en présentant le projet de loi pour assurer la sécurité de nos frontières, et que, s'il ne l'avait pas fait, M. Bara et M. Frère viendraient l'attaquer et mettre sa responsabilité en cause, pour n'avoir pas garanti nos frontières.

Voilà ce que vous auriez fait si le ministère n'était pas arrivé avec un projet de loi.

Mais il faut faire de l'opposition malgré tout. Pour ma part, messieurs, je loue et je félicite beaucoup le gouvernement des mesures qu'il a prises pour sauvegarder nos frontières. Comme l'honorable ministre des affaires étrangères l'a parfaitement dit, la situation de la Belgique a été plus dangereuse au mois de janvier qu'elle ne l'était au mois d'octobre. En effet, au mois de janvier, l'armée qui se trouvait au nord de la France était composée de soldats très peu habitués à la guerre ; elle était menacée continuellement par la grande armée du général Manteuffel et, à chaque instant, elle pouvait être rejetée sur notre territoire. À cette époque, ce n'était pas, comme au mois d'octobre, un point de nôtre frontière qui pouvait être violé ; c'étaient nos villes ; c'était Courtrai, c'était Tournai qui étaient menacées d'invasion et| on ne contestera certes pas que là le danger était plus grand à cause des nombreuses populations qui se trouvaient exposées.

Mon' honorable ami le baron d'Anethan a donc eu parfaitement raison, je le répète, de représenter la situation comme étant bien plus grave en janvier dernier qu'en septembre 1870.

Maintenant, messieurs, je vous le demande, fallait-il laisser nos frontières dégarnies ? Et peut-on venir parler de nationalité et de défense nationale lorsqu'on soutient ces théories ?

Comment ! Je me souviens encore que lorsque vous êtes venus ici avec votre loi d'organisation, vous avez dit que cette loi avait uniquement pour but de permettre à la Belgique de défendre ses frontières, si le pays venait à être menacé. Vous avez obtenu alors votre loi, par le vote de vos amis et par le vote d'un certain nombre de membres de la droite ; moi-même j'ai pris chaudement la défense de la loi que vous présentiez, et le jour où il faut faire usage de cette loi, vous venez critiquer les sacrifices que font vos adversaires politiques pour la défense de notre nationalité !

Mais alors, à quoi servait la loi que vous nous présentiez ? A quoi servait-il de réorganiser et d'augmenter l'armée si vous ne pouviez pas vous (page 568) en servir le jour où vous en aviez besoin ? Votre loi était donc mauvaise ? Au lieu d'augmenter l'armée, il aurait donc fallu, au contraire, la supprimer ?

Vous vous mettez donc évidemment aujourd'hui en opposition flagrante avec vos précédents. Vous êtes venus, dans le temps, mus par un sentiment patriotique, nous demander de fortifier l'armée et aujourd'hui, mus par un autre sentiment, je ne veux pas dire un sentiment antipatriotique, vous venez critiquer les dépenses qui ont été faites. (Interruption.)

Je dis donc que la Chambre n'a qu'une seule chose à faire : c'est de voter les crédits qui nous sont demandés.

L'honorable M. Bara disait tout à l'heure : Nous ne sommes pas obligés de prêter notre concours au gouvernement.

Certainement vous n'êtes pas obligés de prêter votre concours à un gouvernement qui n'a pas votre confiance, mais vous êtes obligés de prêter votre concours au pays.

Quand vous êtes venus présenter votre projet de loi, je n'étais pas obligé, moi, qui n'avais aucune confiance en vous, de vous prêter mon concours ; eh bien, mon concours, je vous l'ai prêté avec cœur, avec énergie, parce qu'il s'agissait de la défense du pays. Imitez donc l'exemple que j'ai donné et ne venez point faire une opposition qui n'est pas contre le ministre, mais qui en réalité est contre notre nationalité.

- La discussion générale est close.

Discussion des articles

Article premier

M. le président. - Le gouvernement a présenté un amendement à l'article premier par lequel le chiffre de 5 millions est réduit à 5,175,000 francs. La section centrale s'est ralliée à cet amendement, il fait donc partie de la discussion.

D'autre part, M. Frère-Orban a annoncé un amendement qui consistait à réduire encore d'un million le chiffre de 3,475,000 francs. Le crédit demandé serait alors réduit à 2,475,000 francs.

M. Bouvier. - Le gouvernement se rallie-t-il à la réduction proposée ?

M. le général Guillaume, ministre de la guerre. - Il m'est absolument impossible de me rallier à cet amendement.

M. Guillery. - M. le ministre de la guerre déclare qu'il lui est impossible de se rallier à cet amendement. Je désirerais savoir pourquoi. L'honorable ancien ministre qui a parlé tout à l'heure a certainement une longue expérience politique et administrative, il ne voit rien dans la situation extérieure qui puisse nous inquiéter. Personne, je crois, ne peut être d'un autre avis : il y a un armistice entre les puissances belligérantes : on peut espérer que la paix s'ensuivra ; si de nouveaux dangers nous menaçaient, nous pourrions réunir notre armée en peu de jours.

Nous sommes donc dans une situation qui doit nous inspirer la plus grande sécurité. Et on refuse de renvoyer les 12,000 hommes rappelés en dernier lieu sous les armes, c'est-à-dire de nous remettre dans la situation où nous étions lorsqu'il n'y avait pas d'armistice et quand l'armée du Nord n'était pas très loin de notre frontière et pouvait faire en Belgique cette invasion dont on a parlé.

J'avoue, messieurs, que je n'aime pas ce système d'infaillibilité. On ne nous communique pas de dossiers ; nous ne sommes pas admis à les lire, et. on ne nous donne pas d'explications. Et c'est là le gouvernement parlementaire ; c'est ce gouvernement qui allait tout réviser, tout améliorer, et spécialement réduire les dépenses militaires ; qui a même eu soin de faire entrer dans son sein des adversaires décidés de ces dépenses, afin de donner plus de garanties au pays. Non seulement il ne réalise aucune de ses promesses, mais il ne nous donne pas d'explications.

Je n'ai jamais vu, je l'avoue, de gouvernement plus militaire que celui-là ! car c'est la discipline militaire introduite dans le parlement, et il me semble que, contre ce militarisme, M. le ministre de la justice devrait au moins protester et nous prêter son concours.

Je ne veux rien dire de désagréable à M. le ministre de la guerre, dont j'estime infiniment les talents et la personne, mais je parle des généraux en thèse générale. Je trouve que les généraux ont trop la prétention à l'infaillibilité. Je vois que partout, lorsqu'on leur demande des motifs et des raisons, ils répondent : Je déclare que je prends tout sous ma responsabilité, je réponds de la situation.

Mais ce n'est pas là le gouvernement parlementaire. Il faut distinguer entre les relations du gouvernement avec les Chambres et les relations du gouvernement avec l'armée. Ce sont deux choses tout à fait différentes.

Nous demandons qu'on nous explique comment, alors que la situation est calme, alors que la Belgique n'est menacée d'aucun danger à l'intérieur et à l'extérieur, il faut maintenir sous les armes plus d'hommes qu'il n'y en avait en décembre.

M. le général Guillaume, ministre de la guerre. - J'aurai l'honneur de faire observer à l'honorable M. Guillery que c'est précisément pour solder cet effectif de la fin de décembre que le crédit est demandé. Remarquez que ce crédit a pour but de faire face aux dépenses extraordinaires afférentes au budget de 1871, qui a été établi uniquement pour le pied de paix normal. Or, à la fin de décembre et au commencement de janvier, nous avions un effectif supérieur au pied de paix habituel, et il est évident que nous ne pouvons pas rentrer, du jour au lendemain, sous le régime de ce pied de paix.

M. Guillery. - Pourquoi pas ? (Interruption.)

M. le général Guillaume, ministre de la guerre. - Pourquoi pas ? Mais nous serions la risée de l'Europe. Vous parlez de l'armistice ; mais les lignes de démarcation ne sont pas encore déterminées à l'heure qu'il est. (Interruption.)

Il n'y a pas 12,000 miliciens en plus ; je vous ai dit qu'au mois de janvier 12,000 hommes ont été rappelés et que je vais en renvoyer 10,000.

En un mot, il s'agit de revenir précisément à la situation qui existait au commencement de janvier, à très peu de chose près. Quant à exiger que nous désarmions immédiatement et que le gouvernement remette, du jour au lendemain, l'armée sur le pied de paix ordinaire, c'est une chose impossible.

M. Bouvier. - Si la situation, comme vient de le promettre l'honorable ministre de la guerre, est ramenée à celle du mois de décembre dernier et que dix mille miliciens sont immédiatement renvoyés chez eux, il n'en restera plus que deux mille sous les armes.

En présence de cette déclaration, je me décide à voter le crédit sollicité en nourrissant le légitime espoir que les deux mille miliciens qui ne suivent pas leurs camarades seront renvoyés dans le plus bref délai possible. C'est là, je le répète, le motif qui me détermine à voter le crédit.

M. Frère-Orban. - Messieurs, le gouvernement vous demande des crédits jusqu'au 15 mars prochain. Voici ce qui est exprimé dans la dépêche adressée par M. le ministre de la guerre à la section centrale :

« En présence de l'armistice qui vient d'être conclu entre les puissances belligérantes, il est permis d'espérer qu'on pourra réduire les effectifs actuels de manière à les rapprocher des chiffres budgétaires vers le 15 mars prochain. »

Ainsi, avec les fonds que l'on demande, on irait jusqu'au 15 mars prochain en conservant l'effectif actuel. (Interruption.)

Vous auriez un nombre plus considérable d'hommes jusqu'au 15 mars ; la réduction que je propose à la Chambre a pour objet de faire cesser cet état de choses avant le 15 mars. M. le ministre de la guerre veut-il nous dire que c'est trop de réduire d'un million ? Qu'il indique le chiffre, mais je pense, me tenir dans des limites raisonnables en proposant un million afin que nous ayons une situation normale plus tôt que ne l'indique le gouvernement.

M. le général Guillaume, ministre de la guerre. - Je tâcherai d'arriver à la situation normale le plus tôt possible, mais je ne puis pas, dès aujourd'hui, prévoir que nous puissions y arriver avant le 15 mars. Je ne puis donc pas accepter la réduction proposée.

M. le président. - Le chiffre du gouvernement étant le plus élevé, je vais le mettre aux voix en premier lieu.

- Plusieurs membres. - L'appel nominal !

M. Frère-Orban. - Est-ce sur l'amendement

M. le président. - D'après les usages de la Chambre, quand il y a deux chiffres en présence, on commence par le chiffre le plus élevé.

M. Frère-Orban. - M. le président a raison. Je demande seulement que la Chambre apprécie la position que l'on va faire à ceux qui seraient disposés à voter la réduction. On va les mettre dans la nécessité de voter contre le crédit ; cependant, j'ai déclaré que je suis disposé à voter les sommes nécessaires pour les dépenses faites par le gouvernement.

Dans cette situation, il me semble qu'il vaudrait mieux mettre aux voix d'abord l'amendement.

M. Vleminckx. - Je suis précisément dans le cas que vient d'indiquer l'honorable M. Frère.

Je suis disposé à voter son amendement. Mais si sa proposition n'est pas acceptée, je voterai contre le projet de loi.

On me placerait donc dans la situation de devoir voter (erratum, page 583) pour le projet de loi si l'on mettait pas d'abord aux voix l'amendement de l'honorable M. Frère.

(page 569) Il me semble qu'il faut permettre à toutes les opinions de se manifester. En mettant aux voix d'abord l'amendement, cette satisfaction serait donnée.

M. le président. - Je dois suivre les précédents de la Chambre ; vous me permettrez de faire remarquer qu'il y a un vote sur l'ensemble de la loi et que toutes les opinions peuvent alors s'exprimer.

Je mets donc aux voix la proposition du gouvernement.

« Art. 1er. Il est ouvert au département de la guerre un crédit supplémentaire de trois millions quatre cent soixante-quinze mille francs (3,475,000 francs), pour faire face aux dépenses extraordinaires de l'armée jusqu'au 15 mars prochain, savoir :

« 1° Pour l'entretien, la solde, etc., des troupes excédant les effectifs prévus au budget de 1871 : fr. 2,500,000 ;

« 2° Pour les dépenses résultant du renchérissement des denrées alimentaires et fourrages : fr. 625,000 :

« 3° Pour les dépenses résultant de l'internement de troupes étrangères : fr. 350,000.

« Total : fr. 3,475,000. »

- Plusieurs voix. - L'appel nominal !

- Il est procédé au vote par appel nominal.

87 membres y prennent part.

52 répondent oui.

35 répondent non.

En conséquence, la Chambre adopte.

Ont répondu oui :

MM. Delcour, De Lehaye, de Liedekerke, de Macar, de Naeyer, de Smet, de Theux, de Vrints, Drubbel, Dumortier, Jacobs, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Kervyn de Volkaersbeke, Lefebvre, Lelièvre, Liénart, Moncheur, Mulle de Terschueren, Nothomb, Pety de Thozée, Schollaert, Simonis, Snoy, Tack, Tesch, Thibaut, Thonissen, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Outryve d'Ydewalle, Van Overloop, Van Renynghe, Van Wambeke, Vermeire, Verwilghen, Amédée Visart, Léon Visart, Wasseige, Wouters, Beeckman, Biebuyck, Bouvier, Brasseur, Cornesse, Cruyt, de Borchgrave, de Clercq, de Haerne et Vilain XIIII.

Ont répondu non :

MM, de Lexhy, Demeur, de Rossius, Descamps, Dethuin, de Zerezo de Tejada, Elias, Frère-Orban, Funck, Guillery, Hayez, Houtart, Jamar, Jottrand, Le Hardy de Beaulieu, Lescarts, Mouton, Muller, Pirmez, Thienpont, Vleminckx, Warocqué. Allard, Ansiau, Bara, Berge, Braconier, Couvreur, d'Andrimont, Dansaert, David, de Baillet-Latour, De Fré, Defuisseaux et Delaet.

Article 2

« Art. 2. Ce crédit sera réparti par arrêtés royaux entre les articles du budget de 1871, suivant les besoins du service.

« Il sera rendu à la législature un compte détaillé de l'emploi de ce crédit, ainsi que des diverses mesures extraordinaires qui l'auront nécessité. »

- Adopté.

M. Jottrand. - Je prends la parole à propos de cet article pour insister fortement auprès du gouvernement afin qu'il se rende au désir exprimé par la section centrale et tendant à faire soumettre à la Chambre les rapports de l'autorité militaire suisse à la chambre suisse sur les opérations analogues aux nôtres qui ont été poursuivies dans ce pays à raison des circonstances critiques dans lesquelles il s'est trouvé.

Le meilleur commentaire qu'on puisse mettre à côté du rapport qui nous est promis et qui nous est présenté, c'est le rapport de ce petit Etat qui s'est trouvé pendant toute la durée de la guerre dans une situation semblable à la nôtre.

M. Guillery. - Pas semblable.

M. Jottrand. - Semblable au point de vue des dangers et non pas au point de vue des mesures prises, car, je crois que les rapports dont je sollicite le dépôt nous convaincront que les mesures prises en Suisse ont été supérieures à celles qui ont été prises chez nous, surtout à un point de vue important, celui de l'économie.

- L'article 2 est adopté.

Article 3

« Art. 3. Ce crédit sera couvert par une émission de bons du trésor ou d'obligations belges à 4 1/2 p. c. de la sixième série. »

M. le président. - Conformément à la décision prise, il y a lieu, je pense, de retrancher de cet article les derniers mots : « ou d'obligations belges à 4 1/2 p. c. de la sixième série. »

M. Jacobs, ministre des finances. - D'accord, M. le président.

- L'article 3 ainsi modifié est adopté.

Article 4

« Art. 4. La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa publication. »

- Adopté.

Vote sur l’ensemble

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble.

85 membres sont présents.

59 membres répondent oui.

19 membres répondent non.

7 membres s'abstiennent.

En conséquence, la Chambre adopte.

Le projet de loi sera transmis au Sénat.

Ont répondu oui :

MM. de Liedekerke, de Macar, de Naeyer, de Smet, de Theux, de Zerezo de Tejada, Drubbel, Dumortier, Funck, Jacobs, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Kervyn de Volkaersbeke, Lefebvre, Lelièvre, Liénart, Moncheur, Mulle de Terschueren, Nothomb, Pety de Thozée, Pirmez, Schollaert, Simonis, Snoy, Tack, Tesch, Thibaut, Thienpont, Thonissen,, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Outryve d'Ydewalle, Van Overloop, Van Renynghe, Van Wambeke, Vermeire, Verwilghen, Amédée Visart, Léon Visart, Vleminckx, Warocqué-,. Wasseige, Wouters, Allard, Beeckman, Biebuyck, Bouvier-Evenepoel,. Brasseur, Cornesse, Cruyt, de Baillet-Latour, de Borchgrave, de Clercq, de Haerne et Vilain XIIII.

Ont répondu non :

MM. Demeur, de Rossius, Descamps, Dethuin, de Vrints, Elias, Guillery, Hayez, Houtart, Jottrand, Le Hardy de Beaulieu, Lescarts, Mouton, Bara, Bergé, Dansaert, David, Defuisseaux et Delaet.

Se sont abstenus :

MM. de Lexhy, Frère-Orban, Jamar, Muller, Braconier, Couvreur et De Fré.

M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont priés de faire connaître les motifs de leur abstention.

M. de Lexhy. - Messieurs, partisan de l'amendement de l'honorable M. Frère-Orban, je n'ai pas voulu émettre un vote favorable. D'autre part, je n'ai pas voulu voter contre le projet de loi, parce qu'une partie des crédits sollicités est destinée à couvrir des dépenses faites.

M. Frère-Orban. -J'ai déjà fait connaître les motifs de mon abstention,

M. Jamar. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs que l'honorable M. Frère-Orban.

M. Muller. - Je me suis abstenu par les motifs que vient d'exposer l'honorable M. de Lexhy.

M. Braconier. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs.

M. Couvreur. - Je me suis abstenu parce que, à raison des mesures prises et de la gravité plus ou moins grande de la situation, j'ai voulu laisser au gouvernement l'entière responsabilité de ses actes jusqu'au jour où nous pourrons les discuter en pleine connaissance de cause.

M. De Fré. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs que l'honorable M. de Lexhy.


M. le président. - L'ordre du jour amène les prompts rapports.

M. Lelièvre. - Je propose à la Chambre de s'occuper immédiatement du projet de loi relatif à la réunion de la commune de Mont-Hadelin à l'arrondissement et au canton de Verviers. Ce projet ne soulèvera pas de. discussion sérieuse, de sorte qu'il pourrait être voté aujourd'hui.

- Des membres. - Non ! Non ! Suivons l'ordre du jour.

Motion d’ordre relative à l’encombrement de certains bureaux télégraphiques

M. Bergé. - Messieurs, j'ai demandé la parole pour avoir de M. le ministre des travaux publics quelques explications au sujet d'un avis qui a paru au Moniteur. D'après cet avis, l'encombrement des bureaux télégraphiques dans l'agglomération bruxelloise a pour cause l'insuffisance du personnel, et l'administration s'est trouvée obligée de suspendre un moment la communication entre les divers bureaux, de manière que les bureaux de l'agglomération ont en quelque sorte cessé d'exister. Dans l'avis officiel dont je parle, on engage le public à déposer les télégrammes au bureau de la station du Nord.

Je désire savoir pendant combien de temps va durer cette situation, qui n'est pas agréable pour l'agglomération bruxelloise.

(page 570) Puisque J'ai la parole, je soumettrai a M. le ministre des travaux publics l’idée de créer une lettre spéciale, taxée a un prix relativement élevé, 25 centimes par exemple ou même 50 centimes, et qui, faisant l'objet d'un service accéléré, pourrait servir de moyen de correspondance entre les diverses parties de l'agglomération bruxelloise ; le même système pourrait être appliqué à toutes les grandes villes du pays. A l'heure qu'il est, il n'y a véritablement pas de moyen de correspondance rapide entre les différentes parties de l'agglomération bruxelloise. Si l'on écrit une lettre, elle met six heures pour aller du centre de la ville à une de ses extrémités. Evidemment, c'est un temps beaucoup trop long et les affaires en souffrent.

Si l'on se sert des cartes-correspondance, on n'est pas plus avancé, car ces cartes-correspondance ne vont pas plus vite que les lettres ; c'est le contraire qui est vrai ; par conséquent tous les avantages qu'on aurait pu retirer de la carte-correspondance sont complètement nuls, ou se réduisent à une économie de cinq centimes par lettre,

La dépêche télégraphique rend de grands services ; malheureusement, ce moyen de correspondance est peu connu ; mais au moins ceux qui le connaissent savent qu'au prix de 50 centimes, et par l'emploi de quelques mots réglementaires, ils peuvent fournir ou obtenir des renseignements d'une extrémité à l'autre de la ville. Aujourd'hui ce service étant interrompu, nous nous trouvons dans une situation des plus déplorables. Je crois qu'on trouverait difficilement, en dehors de la Belgique, une ville importante où il est aussi difficile qu'à Bruxelles de transmettre une lettre et d'en obtenir une rapide réponse par une voie sûre.

Il est vrai qu'on a le service des commissionnaires ; mais on n'en rencontre pas toujours ; et on ne sait jusqu'à quel point on peut se fier à eux ; ils n'ont aucune responsabilité. Ce n'est pas là un service public.

J'appelle donc toute l'attention de M. le ministre des travaux publics sur la question que j'ai eu l'honneur de lui, soumettre.

M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Messieurs, si j'avais été prévenu de l'interpellation de l'honorable M. Berge, j'aurais pu probablement fixer le délai dans lequel cessera l'interruption qu'il a signalée dans le service des télégraphes, dans les différentes localités de l'agglomération de Bruxelles.

Le recrutement du personnel télégraphique se fait très difficilement. Je crois cependant pouvoir affirmer à l'honorable membre que le service ne sera interrompu que pendant très peu de temps. Je ferai, en tout cas, ce qui sera en mon pouvoir pour faire cesser, le plus tôt possible, cet état de choses.

Quant au nouveau mode de lettre que l'honorable M. Bergé voudrait voir introduire, je m'engage à examiner la question et à lui donner, lors de la discussion de mon budget, une réponse définitive.

- Voix nombreuses. - A demain !

M. le président. - Je propose à la Chambre de s'occuper demain de prompts rapports.

- Adopté.

La séance est levée à 5 heures.