(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1870-1871)
(Présidence de M. Vilain XIIII.)
(page 371) M. Wouters procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. de Vrints donne lecture du procès-verbal de la précédente séance.
M. Wouters présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre :
« Les membres de l'administration communale de Chênée déclarent protester contre une pétition d'habitants de cette commune demandant que le cimetière soit béni et qu'une partie en soit réservée pour l'inhumation des personnes mortes en dehors de l'Eglise catholique. »
M. Elias. - Je demande le renvoi de cette pétition à la commission des pétitions avec prière de faire un prompt rapport.
La Chambre a reçu également, je crois, une autre pétition d'habitants de cette ville. Le rapport pourrait être fait en même temps sur ces deux pétitions. C'est la même affaire.
- Adopté.
« Le sieur Vanuytven, garde champêtre à Gheel, ayant été rappelé au service comme milicien de la levée de 1864, demande un congé illimité. »
M. de Zerezo de Tejada. - Je demande que cette pétition soit renvoyée à la commission des pétitions avec prière de faire un prompt rapport.
- Adopté.
« Le sieur Hoyaux, milicien congédié pour infirmité contractée par le fait du service, demande un secours. ».
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur De Cuyper, ouvrier cultivateur à Wetteren, demande que son fils Séraphin, milicien de 18G5, incorporé au 3ème régiment d'artillerie, soit renvoyé dans ses foyers. »
- Même renvoi.
« Le sieur Coppin demande une enquête sur la mesure prise contre lui par le procureur du roi de Tournai, à l'occasion d'un article de presse. »
M. Van Hoorde.- Je demande le renvoi de cette pétition a la commission des pétitions avec prière de faire un prompt rapport.
- Adopté.
« Le sieur Langhe, ouvrier houilleur, demande la libération du service militaire de son fils Jean-Baptiste, milicien de la levée de 1870. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Les députations permanentes des conseils provinciaux du Limbourg, de Liège et de la Flandre occidentale réclament l'intervention de la Chambre pour obtenir le payement des intérêts moratoires des intérêts de leurs encaisses provinciaux de 1830. »
- Même renvoi.
« La veuve Chapelle demande que son fils André, soldat à la division de discipline et milicien de 1869, soit renvoyé dans ses foyers. »
- Même renvoi.
« Des habitants d’Hooghlede réclament l'intervention de la Chambre pour que la société concessionnaire soit mise en demeure d'exécuter le tronçon de chemin de fer de Roulers à Dixmude par Hooghlede, Staden et Clercken. »
« Même demande d'habitants de Roulers. et des membres du conseil communal de Dixmude. »
- Même renvoi.
« La députation permanente du conseil provincial d'Anvers demande une loi protectrice des animaux insectivores et des modifications aux lois sur la chasse. »
- Même renvoi.
« Le sieur Huberti demande l'abolition de la contrainte par corps en matière commerciale. »
M. Lelièvre. - Cette requête est urgente, puisque personne ne méconnaît la nécessité de supprimer immédiatement la contrainte par corps en matière commerciale ; je demande qu'elle soit renvoyée a la commission des pétitions avec prière de faire un prompt rapport.
- Adopté.
« Les sieurs Bodart, Masson et autres membres de la Ligue du commerce de Huy demandent la révision des tarifs des voyageurs sur les chemins de fer de l'Etat et proposent des mesures :
« 1° Pour amener l'uniformité et la justice dans les tarifs des chemins de fer ;
« 2° Pour améliorer le service des voyageurs. »
M. Bouvier. - Je demande le renvoi de cette pétition à la commission des pétitions avec prière de faire un prompt rapport..
- Adopté.
« Des habitants de Biesme demandent que le chemin de fer projeté de Charleroi à Athus prenne son point de départ à Châtelineau ou bien à Acoz. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Des secrétaires communaux du canton de Paliseul demandent que l'avenir des secrétaires communaux soit assuré, que leur traitement soit mis en rapport avec l'importance de leur travail et des services qu'ils rendent aux administrations communales, provinciales et générale.
« Même demande des secrétaires communaux de l'arrondissement de Bruges, d'Ostende, des cantons de Fosses, Arendonck, Florenne, Chièvres et des communes d'Oolen et Vorsselaer. »
- Même renvoi.
« Des conseillers communaux de Boussu-lez-Walcourr prient la Chambre d'accorder au sieur Closon la concession d'un chemin de fer de Bonne-Espérance à Beaumont, Romedenne et Givet. »
« Même demande de conseillers communaux de Solre-Saint-Géry, Hantes-Wihéries. »
- Même renvoi.
« Des habitants de Fosses demandent la prompte exécution du chemin de fer partant de la Sambre et aboutissant au chemin de fer de l'Est français qui a été concédé à la Société générale d'exploitation des chemins de fer. »
M. Lelièvre. - La construction de l'ouvrage d'utilité publique réclamé est urgente. Je demande que la requête dont il s'agit soit renvoyée à la commission des pétitions, qui sera invitée si faire un rapport le plus tôt possible.
- Adopté.
« Les bourgmestres de communes dans la Flandre orientale proposent des modifications à la loi sur le domicile de secours. »
M. Van Cromphaut. - Je demande le renvoi de cette pétition à la commission des pétitions avec prière de faire un prompt rapport.
- Adopté.
(page 372) « La députation permanente du conseil provincial demande une luo qui réglemente le travail des enfants dans les manufactures. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Les membres de l'administration communale et des habitants de Winenne prient la Chambre d'autoriser la concession d'un chemin de fer d'Ayemont à Athus demandée par le sieur Grangier. »
- Même renvoi.
« Le sieur de Brute, brigadier au 2ème régiment d'artillerie et milicien de 1868, réclame contre son incorporation dans l'armée et demande sa libération du service militaire. »
- Même renvoi.
« Le conseil communal de Schaerbeek prie la Chambre d'adopter la proposition de loi relative à l'enseignement primaire obligatoire. »
« Même demande d'instituteurs membres du cercle Hoop in de Toekomst à Leupegem. »
M. Bouvier. - Je propose le renvoi de cette pétition à la section centrale chargée d'examiner la proposition de loi.
- Adopté.
« Les sieur Janssens et compagnie, brasseurs à Bruxelles, prient la Chambre de modifier la loi de 1822 fixant la perception de l'impôt sur la fabrication de la bière ou du moins de modifier la base de l'impôt, pour les brasseurs qui en feront la demande. »
- Renvoi à la commission permanente de l'industrie.
« Les membres de l'administration communale de Fosses prient la Chambre de rejeter le projet de loi portant érection de la commune d'Aisemont ou du moins d'ordonner que le plan de cette nouvelle commune soit restreint à la section d'Aisemont suivant les limites du plan cadastral.
« Des habitants d'Aisemont déclarent protester contre la séparation de ce hameau de la ville de Fosses. »
M. Le Hardy de Beaulieu. - Je propose de renvoyer cette pétition à la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi portant érection de la commune d'Aisemont.
- Adopté.
« Des habitants de Malines demandent une loi qui déclare l'enseignement obligatoire pour tous les Belges de 6 à 14 ans.
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Par 21 pétitions, des obligataires des chemins de fer repris par l'Etat prient la Chambre d'introduire dans la convention avec la société des Bassins houillers du Hainaut les modifications indispensables à la sécurité de leurs titres. »
« Même demande d'obligataires à Verviers, Louvain, Bruxelles, Saint-André lez-Bruges, Hornu, Namur et de la commission de la bourse de Bruxelles. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif à la convention.
« Les huissiers près le tribunal de première instance de l'arrondissement de Neufchâteau demandent une augmentation de 50 p. c. sur les tarifs des actes de leur ministère. »
« Même demande des huissiers des arrondissements de Louvain et de Courtrai. »
M. Schollaert. - Je demande le renvoi de cette pétition à la commission des pétitions avec prière de faire un prompt rapport.
- Adopté.
« Des habitants de Mettet demandent qu'il soit pris des mesures pour hâter la construction du chemin de fer de la Sambre à la Meuse vers Dinant et par Fosses. »
- Même renvoi.
« Le conseil communal de Molenbeek-Wersbeek prie la Chambre d'autoriser la concession d'un chemin de fer de Tirlemont à Diest par Molenbeek-Wersbeek. »
« Même demande d'habitants de Becquevoort, Meensel-Kieseghem. »
- Même renvoi.
« Les instituteurs primaires communaux du canton de Menin demandent que les caisses provinciales de prévoyance des instituteurs soient réunies en une seule caisse générale. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi établissant une caisse générale de prévoyance des instituteurs primaires.
« Des habitants de Bilsen demandent, pour toutes les élections, le vote a la commune ou au chef-lieu du canton.
« Même demande, d'habitants de Millen, Nederheim, Piringen, Vursfe, Herderen, Rumpst, Neerhaeren, Waltwilder et d'une commune non dénommée. »
- Renvoi à la section centrale pour le projet de loi sur la réforme électorale.
« Des habitants de Lombeck-Notre-Dame demandent le vote à la commune pour toutes les élections. »
« Même demande d'habitants de Machelen, Bruxelles, Leeuw-Saint. Pierre, Teralphene, Esschene, Liedekerke, Nederockerzeel, Cappelle-Saint-UIric, Laerne, Wolverthem. »
- Même renvoi.
« Des électeurs à Ghoy demandent le vote au chef-lieu de canton pour les élections aux chambres législatives. »
- Même renvoi.
« Le sieur William Chapman, commissionnaire en fruits, à Anvers, né à Walsoken (Angleterre), demande la naturalisation ordinaire. »
- Renvoi au ministre de la justice.
« Le sieur Théophile-Antoine Clasen, surveillant à l'athénée royal de Bruxelles, né à Grevenmacher (grand-duché du Luxembourg) demande la naturalisation ordinaire. »
- Renvoi au ministre de la justice.
« Les instituteurs communaux du canton de Moorsele demandent la réunion des caisses provinciales des instituteurs en une seule caisse générale et l'égalité entre tous les instituteurs pour la jouissance de la pension. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi établissant une caisse centrale de prévoyance des instituteurs primaires.
« Le sieur Van Has prie la Chambre de faire restituer et réserver aux obligataires primitifs des sociétés du groupe des Bassins houillers du Hainaut les annuités qui leur ont été enlevées pour fonder la caisse des annuités. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif à la convention avec la Société anonyme des chemins' de fer des Bassins houillers du Hainaut.
« Des habitants de Liège, porteurs d'obligations des chemins de fer repris par l'Etat, demandent qu'il soit sursis à toute décision sur la convention conclue, avec la Société des Bassins houillers du Hainaut jusqu'à ce que les droits des porteurs de ces obligations aient été définitivement fixés. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif à la convention.
« Les sieurs Machiels, Campens et autres membres de la société fraternelle des instituteurs des captons d'Ostende et de Ghistelles prient la Chambre d'adopter le projet de loi établissant une caisse générale de prévoyance des instituteurs communaux. »
« Même demande du sieur Dossche. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.
« Des instituteurs primaires proposent des mesures pour améliorer leur position. »
« Même pétition d'instituteurs primaires dans le Brabant, à Oudenberg, Saint-Martin-Balatre, Amougies, Limerlé, Steinbach, Gouvy, Lamormenil, Hervé, Hachy, Samponl, Lobbes, Bilstain, Andrimont, Fouches, Bierset, Belcele, Blankenberghe, l'Eglise, Worteghem, Oordegem, Braine-le-Château, Aerschot, Rettigny, Waerschoot, Ostende, Oostmalle, Westmalle, Zoersel, Sinay, Haecht et dans les cantons de Glabbeek, Etalle, Thourout, Hooghlede, Mechelen, Hoogstraeten et du sieur Neuville. »
- Renvoi à la section centrale, chargée d'examiner le projet de loi établissant une caisse centrale de prévoyance des instituteurs primaires.
Il est fait hommage à la Chambre :
1° Par M. le gouverneur de la province de Hainaut, de 124 exemplaires de deux annexes au rapport annuel de la députation permanente sur la situation administrative de la province pendant l'année 1869 ;
2° Par M. Genard, bibliothécaire archiviste de la ville d'Anvers, d'un exemplaire du tome IV du Bulletin des archives de cette ville ;
3° Par la société néerlandaise de littérature et d'histoire de Gand, de 120 exemplaires d'une brochure contenant l'exposé sommaire de l'état statistique de la Belgique ;
4° Par M. le ministre de l'intérieur, de 124 exemplaires de l’Annuaire de l'Observatoire royal de Bruxelles pour 1871. 38ème année ;
5° Par M. l'administrateur délégué du chemin de fer des Bassins houillers du Hainaut, de 124 exemplaires d'une brochure intitulée « la Question des Bassins houillers. »
- Distribution aux membres et dépôt à la Bibliothèque.
« M. le ministre de la justice transmet, avec les pièces de l'instruction, la demande de grande naturalisation adressée à 1a législature par M. le comte Antoine-Charles-Hennequin de Villermont. »
(page 373) - Renvoi à la commission des naturalisations.
« Par messages, en date des 23 et 24 décembre 1870, le Sénat informe la Chambre qu'il a donné son adhésion aux projets de loi :
1° Qui ouvre aux départements de l'intérieur et des travaux publics des crédits extraordinaires pour la voirie vicinale et la grande voirie ;
2° Contenant le budget du ministère des finances pour l'exercice 1871 ;
3° Portant prorogation de la loi du 7 septembre 1870 qui autorise le gouvernement à prohiber l'exportation et le transit de certaines marchandises ;
4° Qui ouvre au budget de la dette publique de l'exercice 1871, un crédit de 2,000,000 de francs.
5° Qui autorise le département de la guerre à affecter aux dépenses extraordinaires de l'armée pour l'exercice 1871, le reliquat que présentera le crédit extraordinaire alloué a ce département pour l'exercice 1870, par la loi du 30 septembre 1870 ;
6° Qui rend disponible, pendant l'exercice 1871, une somme de 1,220,000 francs, formant le reliquat des allocations de l'article 21 du budget de la guerre de l'exercice 1870 ;
7° Allouant des crédits provisoires aux départements de l'intérieur et des travaux publics pour l'exercice 1871.
- Pris pour notification.
MM. Hayez et Beeckman demandent un congé de quelques jours.
- Accordé.
M. Jacobs, ministre des finances.- J'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre deux projets de loi :
1° qui porte le déplacement de la Monnaie de Bruxelles ;
2° qui accorde au département des affaires étrangères un crédit de 230,000 francs pour réparations aux navires qui font le service postal entre Ostende et Douvres.
- Il est donné acte a M. le ministre de la présentation de ces projets de lois, qui seront imprimés, distribués et mis à la suite de l'ordre du jour.
M. Lescarts. - Messieurs, l'affaire à propos de laquelle j'ai l'honneur d'adresser une interpellation à M. le ministre de la justice émeut vivement l'opinion publique dans l'arrondissement de Mons ; et c'est pour que M. le ministre de la justice veuille bien la rassurer, que je lui adresse cette interpellation.
Cette question du reste n'offre pas seulement de l'intérêt pour l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter, elle intéresse le pays entier, car, il s'agit de savoir si, contrairement à la loi, la vénalité des offices de notaires sera dorénavant admise en Belgique.
Il y a quelques jours, messieurs, M. Auguste Boulenger, notaire à Mons, a adressé à M. le ministre de la justice sa démission. Aussitôt le bruit se répandit dans le public qu'il existait, entre M. Boulenger et un candidat notaire de Mons, une convention en vertu de laquelle le notariat de M. Boulenger était cédé, moyennant écus, à ce candidat notaire, jeune homme du reste instruit, intelligent, et à la parfaite honorabilité duquel je me plais à rendre hommage. La divulgation de ce marché produisit, parmi les notaires et les candidats notaires de l'arrondissement de Mons, une émotion d'autant plus vive que, d'après ce que l'on disait, ce marché avait été porté à la connaissance de M. le ministre de la justice, qui, ajoutait-on, avait promis de le ratifier.
J'espère, messieurs, que les intentions que l'on prête à l'honorable ministre n'ont aucun fondement et qu'il voudra bien y donner un démenti formel.
Nommer le candidat en question, ce serait, contrairement aux lois des 29 septembre-6 octobre 1791, et à l'arrêté du régent de Belgique du 31 mars 1831, admettre la vénalité des offices de notaires. M. le ministre de la justice pourrait-il, en effet, sans blesser l'équité, sans violer la loi, nommer d'emblée à la résidence de Mons, un jeune candidat notaire, alors que ce candidat a pour concurrents des candidats notaires plus anciens que lui et réunissant, comme lui, toutes les conditions d'honorabilité et de capacité voulues par la loi : alors que le notariat de Mons est sollicité par plusieurs notaires de campagne, tous hommes de mérite et d'honneur, exerçant pour la plupart leurs fonctions depuis un grand nombre d'années ?
Je crois du reste, messieurs, qu'il est dans l'usage, au département de la justice, de ne nommer à des notariats de l'importance de Mons que des notaires et non des candidats notaires. En 1859, lors du décès de M. Baudelet, notaire a Mons, son neveu, âgé de trente ans, candidat notaire et docteur en droit, sollicita le notariat laissé vacant par la mort de son oncle. L'honorable M. Tesch, alors ministre de la justice, lui répondit que « l’on ne pouvait nommer d'emblée un candidat à un notariat de l’importance de Mons, lorsque d'autres notaires sollicitaient cette place.
L'honorable M. Cornesse me semble du reste, messieurs, suivre en cette matière, la même ligne de conduite que l'honorable M. Tesch. Il y a quelques jours à peine, en effet, le 5 janvier, le Moniteur contenait diverses nominations de notaires dans l'arrondissement de Liège. Trois notaires étalent nommés à Liège à des sièges vacants en cette ville, et c'étaient trois notaires des communes de l'arrondissement de Liège qui étaient appelés à ces notariats : quant aux candidats notaires liégeois, ils étaient nommés à des notariats dans les communes rurales.
J'espère, messieurs, que l'honorable ministre de la justice suivra, pour la nomination au notariat de Mons, les principes qui l'ont guidé dans les nominations faites à Liège et que sa décision sera tout à fait conforme a la loi et à l'équité.
Quant à moi, messieurs, je manquerais à tous mes devoirs si je ne protestais d'avance, et de la façon la plus énergique, contre une nomination que je considérerais, si elle se réalisait, comme une iniquité et une violation de la loi.
M. Cornesse, ministre de la justice. - Messieurs, ma réponse a l'interpellation de l'honorable député de Mons sera courte et péremptoire.
Je n'ai eu aucune connaissance du prétendu marché dont a parlé l'honorable préopinant ; je n'ai pas eu, par conséquent, à prendre l'engagement de le ratifier. Pour cette place devenue vacante depuis peu de jours comme pour toutes celles que j'ai eu à conférer depuis que j'ai l'honneur d'être au département de la justice, j'entends conserver ma liberté complète d'appréciation jusqu'à la dernière heure, et ne me décider qu'après avoir pris connaissance des titres des candidats en présence ;
J'espère que ces explications satisferont complètement M. Lescarts et mettront fin à des bruits dont l'honorable membre s'est fait l'écho dans cette enceinte.
Je ne veux pas le suivre dans les détails où il est entré.
M. Lescarts. - J'espère que M. le ministre voudra bien tenir compte des titres des différents candidats qui sollicitent ce notariat.
M. Cornesse, ministre de la justice. - C'est ce que j'ai dit tout d'abord.
M. Defuisseaux. - J'aurais voulu que M. le ministre de la justice complétât ses explications en nous disant quels étaient les principes qu'il comptait suivre en pareille matière. Nous n'avons pas la prétention de dicter à M. le ministre les choix qu'il doit faire. La majorité de la Chambre a placé sa confiance dans M. le ministre et il est seul maître à cet égard. Mais ce que nous avons le droit de demander, c'est quels sont les principes qui le dirigeront dans ses nominations.
Ce qui nous occupe, c'est la question de savoir si, en laissant la liberté la plus entière à M. le ministre, il entend s'en servir en choisissant n'importe où, n'importe pourquoi, n'importe comment, tel candidat que l'on placera dans une grande ville, alors que des candidats qui ont beaucoup plus de mérite que lui pour occuper ces fonctions ou beaucoup plus de capacités seront écartés. C'est, en d'autres termes, la question de l'hérédité et la question de la vénalité du notariat que nous entendons poser à M. le ministre et nous espérons bien qu'il la résoudra suivant les principes de la justice et de l'équité.
Nous désirons savoir enfin si M. le ministre compte suivre dans la nomination des notaires, de même qu'on le fait d'une manière générale pour la nomination des candidats dans l'armée, une certaine hiérarchie, ou s'il compte ne s'expliquer sur aucun des principes et aucune des règles qui guideront son choix, auquel cas il ne calmerait nullement l'émotion qui s'est produite dans l'arrondissement de Mons.
M. Bouvier. - Je ferai une simple question à M. le ministre. Je lui demanderai s'il a été consulté, avant la démission du titulaire, sur ce qu'il compte faire à propos de cette démission.
M. Dumortier. - Je crois que nous entendons singulièrement mal la responsabilité ministérielle. La responsabilité ministérielle commence à exister lorsqu'un acte a été posé et non avant que cet acte ait été posé.
Je trouve, pour mon compte, que la réponse à faire est très simple. Ce que doit faire M. le ministre, c'est, avant tout, d'être juste dans ses nomination., ; libre ensuite à la Chambre de les critiquer, si elle le trouve bon. Mais il ne peut être permis à l'honorable M. Defuisseaux par exemple, de venir dire : Vous nommerez tel candidat.
M. Cornesse, ministre de la justice. - Je réponds à la question que vient de me poser l'honorable M, Bouvier.
J'ai été effectivement consulté par certains membres de la Chambre sur la démission de M. Boulenger, qui se trouvait dans l'impossibilité de (page 374) continuer à remplir ses fonctions, et j'ai répondu à ces membres que j'entendais réserver ma pleine et entière liberté et me décider d'après les titres des candidats en présence. Voilà les principes que j'entends suivre dans la nomination des notaires.
Je ne crois pas devoir entrer dans d'autres explications. Lorsque des actes auront été posés, la Chambre les discutera si elle le juge convenable.
M. Lescarts. - M. le ministre de la justice nous déclarant ne pas avoir connaissance du traité dont j'ai parlé, et s'engageant à ne se laisser guider, dans la nomination qu'il est appelé à faire, que par les titres réels des compétiteurs et non par d'autres considérations, je me déclare satisfait pour le moment.
M. Jacobs, ministre des finances. - J'ai l'honneur de déposer l'expertise contradictoire du matériel de la société des Bassins houillers telle qu'elle a été clôturée à la date du 15 janvier.
Nous avons demandé aux ingénieurs qui, de part e d'autre, sont chargés de cette expertise, de faire en sorte que l'inventaire, quel que fût son degré d'avancement, fût provisoirement arrêté avant la rentrée des Chambres. L'inventaire n'est pas achevé : il a été clôturé à la date du 15 janvier, samedi dernier, et il constate une valeur inventoriée à cette date de 20,995,299 fr. 74 c.
Il y aura, messieurs, à y ajouter les waggons encore en construction à fournir d'après le contrat ; il y en a pour 2,745,335 francs.
Il y a enfin les waggons non encore expertisés et qui, approximativement, ont une valeur de 2,454,505 francs.
Total général : 20,195,039 fr. 74 c.
Il peut y avoir un certain écart, il ne sera pas considérable.
En même temps que je dépose ces pièces, je demande à la Chambre la permission de lui donner quelques explications au sujet du sous-amendement qui a été distribué hier soir.
Cet amendement consacre deux innovations.
Le payement d'un à-compte avant inventaire, qui avait été stipulé, soulevait des répugnances ; nous y avons fait droit en supprimant un pareil à-compte.
On ne payera, si la loi est adoptée, le lendemain du jour de sa publication, on ne paiera que ce qui aura été constaté à cette date.
Le deuxième objet de l'amendement est de défalquer, non plus 8,000,000 de francs, mais 13,600,000 francs, de la somme à payer immédiatement.
Nous avions commencé par défalquer le matériel provenant des anciennes compagnies de chemins de fer ; nous avons cru qu'il pouvait être prudent et équitable de faire la défalcation du. matériel payé des deniers des sociétés primitives, de celui créé au moyen des ressources des Bassins houillers ; aujourd'hui nous allons beaucoup plus loin en défalquant 13,600,000 francs.
En réalité, les Bassins houillers et la Société générale d'exploitation ont créé pour plus de vingt millions de matériel.
Les huit millions fournis par les compagnies primitives se trouvent à présent réduits à une valeur de six millions.
Si l'on consulte le tableau général des inventaires déposé sur le bureau, on verra que la somme à payer comptant (12 à 13 millions) est inférieure même à la quantité de matériel construit par les Bassins houillers à partir du 1erjuillet 1868 et qui, d'après la convention du 25 avril 1870, doit être reprise au prix de facture avec une seule bonification globale de 400,000 francs.
Je crois que ceci est de nature à calmer toutes craintes d'une revendication quelconque.
Mais ce n'est pas une telle considération qui nous a fait agir. Ce qui nous a conduit à défalquer 13,600,000 francs, c'est l'adoption en principe d'une combinaison qui garantit les intérêts des obligataires dans la plus large mesure, et nous croyons encore ici avoir fait preuve de déférence à l'égard du sentiment de la grande majorité de la Chambre.
Vous vous rappelez, messieurs, que la portée de l'article 59 de la convention a donné lieu déjà à de vives discussions.
Si la société des Bassins houillers pouvait librement transférer ses annuités, si elle pouvait créer elle-même, sans que l'Etat pût s'y opposer, des titres représentatifs des annuités, payables aux caisses de l'Etat, il est certain que la position des obligataires était au moins compromise.
Le peut-elle ?
C'est ma conviction personnelle c'est celle des trois avocats du département des finances que j'ai consultés, jurisconsultes éminents, parmi lesquels je cite M. Leclercq et M. Lejeune ; c'est celle des conseils du département des travaux publics et nous savons que c'était celle de la trésorerie.
Los avocats du département des finances, consultés par moi, ont émis l'avis que les Bassins houillers pouvaient aller jusque-là, le droit de transfert existant d'après le droit commun.
M. Boucquéau. - C'est clair.
M. Jacobs, ministre des finances. - C'est clair, dit-on ; mais c'est contesté.
M. Tesch. - Certainement que c'est contesté.
M. Jacobs, ministre des finances. - Le transfert, disaient-ils, est de droit commun et le droit de créer des titres représentatifs au porteur existe en vertu de l'article 59 de la convention du 25 avril. Il emporte consentement à l'émission de titres, au porteur, représentatifs des annuités payables dans les caisses de l'Etat. Il suffît de signifier à l'Etat les conditions dans lesquelles on crée ces titres, leur type, leur numérotage, leurs signatures, pour que l'Etat doive payer.
En opposition à cette opinion, se plaçait celle de quelques membres du cabinet précédent, émise dans cette enceinte.
La question était donc au moins douteuse et la position des obligataires s'en ressentait.
L'opinion générale était qu'il ne fallait pas laisser les obligataires dans cette situation, et qu'il fallait rendre leur position plus sûre.
Aussi, dans les négociations qui ont précédé la fondation de la caisse d'annuités dues par l'Etat, différentes propositions ont été formulées par la société des Bassins houillers.
Donnez-nous des lots à primes, disait-elle, et nous vous constituerons le séquestre perpétuel des titres représentatifs des annuités, de telle façon que, ces titres ne pouvant qu'être échangés contre des obligations, il n'y aura jamais deux titres en circulation pour une même valeur.
Elle ajoutait : Si vous ne voulez pas nous accorder de lots à primes, si vous vous bornez à donner à nos titres un visa pour contrôle, nous vous constituerons encore séquestre des annuités, mais pendant un an seulement. Les obligataires pourront échanger pendant cette année leurs titres ; l'année écoulée, le séquestre cessera, nous reprendrons nos titres et en ferons ce qui nous conviendra.
Ces deux combinaisons ont été repoussées par le gouvernement.
Chacun le comprend, un séquestre annuel est une garantie illusoire au point de vue des obligataires.
L'accord n'a donc pu s'établir à ce moment.
Depuis lors, des propositions nouvelles ont été faites ; on est revenu aux deux idées primitives. On a indiqué de nouveau les lots à primes. Nous les avons de nouveau écartés. Nous avons répondu que nous n'étions pas disposés à les accorder à des sociétés de chemins de fer.
La seconde combinaison a été modifiée dans un double sens.
Il importe, avons-nous dit, que, si l'Etat appose sur les titres le visa pour contrôle, le séquestre soit perpétuel, en ce sens que, jamais, il ne puisse dépendre des Bassins houillers de mettre en circulation, à la fois, un titre représentatif et une obligation pour une même valeur.
En second lieu, l'Etat ne peut s'immiscer dans les rapports entre les créanciers et leurs débiteurs. Il ne peut intervenir dans le règlement d’intérêts entre les sociétés et leurs obligataires. L'Etat ne peut que se constituer séquestre, au profit de cet intérêt collectif, qui est en quelque sorte un intérêt général, puisqu'il s'agit de maintenir en Belgique la confiance dans le placement en obligations de chemins de fer qui est l'une des conditions de l'achèvement de notre voirie ferrée.
En échange de ce séquestre des titres entre nos mains dans l'intérêt des obligataires, en échange du consentement qu'y donnent les Bassins houillers, nous pouvons revêtir ces titres de notre visa dans un but exclusif, de contrôle.
Les obligataires conserveront la position d'aujourd'hui ; ils auront leurs 15 francs de rente ; mais, en outre, ils auront, par ce dépôt et par ce séquestre, un gage.
Si aucun d'eux ne vend ses titres, nous aurons la situation d'aujourd'hui, sauf que l'interprétation de l'article 59 en ce sens que les annuités ne sont pas transférables sera réalisée.
Si, au contraire, ils vendent leurs titres, ils les vendront au taux qui leur conviendra, à des taux différentiels, suivant la valeur des diverses obligations ; les uns pourront les échanger contre les titres représentatifs correspondants à leurs obligations, d'autres exigeront une soulte, d'autres (page 375) pourront en payer une ; je pense cependant que ce dernier cas ne se présentera guère.
Ainsi donc, dans la combinaison à laquelle le gouvernement s'est rallié en principe, les obligataires obtiennent cette garantie qu'il n'y aura plus deux titres en circulation pour une même valeur.
Ils obtiennent, en fait de gage, tout ce qu'ils peuvent espérer et ils conservent entière leur liberté de traiter aux conditions qui leur plairont.
Il n'est pas étonnant qu'une combinaison de ce genre obtienne l'assentiment des obligataires. Il est assez difficile, je le sais, de s'assurer d'un assentiment général, mais je puis me prévaloir déjà d'un grand nombre d'adhésions.
Le comité de la Bourse de Bruxelles, émanation du gouvernement, nommé par lui, a fait une démarche près de moi, pour y donner son assentiment sans réserve.
Un comité libre, nommé par les obligataires, et qui a fait beaucoup parler de lui dans ces derniers temps, a donné son assentiment à la mesure. Il y a bien quelques réserves dans son adhésion ; mais je vais indiquer à la Chambre de quel ordre sont ces réserves et en quoi surtout elles consistent.
Dans une combinaison de ce genre, il faut déterminer, avec le plus grand soin, les obligations qui ont le droit de partager les bénéfices du séquestre.
Ainsi, les anciens actionnaires de la compagnie Hainaut et Flandres ont reçu des obligations en échange de leurs actions. Ces obligations d'une nature spéciale seront écartées. Les anciens actionnaires de Hainaut-Flandres n'ont pas plus le droit d'intervenir au partage que les actionnaires de la compagnie du Centre ou de toute autre dont les titres ont conservé la forme action.
La compagnie de Hainaut et Flandres a émis un certain nombre d'obligations afférentes à une ligne non construite, celle d'Ath à Saint-Ghislain, sans qu'on puisse discerner, dans l'ensemble de l'émission, quelles sont les obligations émises par anticipation.
On ne peut distraire une partie des obligations ordinaires de Hainaut et Flandres en procédant par voie de tirage au sort, par exemple, pour séparer les heureux des malheureux.
La compagnie des Bassins houillers du Hainaut a compris qu'il y avait cependant à remédier à cet état de choses et elle a consenti à prendre 127,700 francs sur les annuités du matériel pour combler le vide fait par ces obligations sans cause dans la masse.
Enfin, j'arrive aux obligations de l'Ouest. Le comité des obligataires élevait la prétention de n'admettre qu'une quotité des obligations de la première série, en proportion de la longueur des ligues de l'Ouest reprise par l'Etat. 28,000 obligations eussent été admises, 22,000 exclues.
J'ai cru équitable d'admettre toute la première série des obligations de l'Ouest, toute la seconde restant afférente aux lignes non reprises par l'Etat.
Ces questions, messieurs, devront être examinées avec soin ; mais je n'ai pu cependant accéder, même en principe, à la combinaison, avant d'avoir déterminé les grandes lignes et avant de savoir approximativement ce qu'il y aura moyen de donner aux obligations, réduites provisoirement à 335,016, si je ne me trompe.
Le voici :
A chaque obligation correspondraient deux titres que la société des Bassins houillers retirerait en échange de chaque obligation rapportant 15 francs qu'elle déposera.
Le premier titre, représente le prélèvement fixe de 7,000 francs par kilomètre sur tous les kilomètres afférents aux lignes grevées d'obligations ; pour tenir compte des obligations de Hainaut et Flandres afférentes à Ath à Saint-Ghislain, 127,000 francs sur les annuités du matériel sont ajoutées à ce prélèvement de 7,000 francs par kilomètre.
L'ensemble permet de donner aux obligataires un revenu fixe de 9 fr. 40 c. par obligation ; en tenant compte de l'amortissement, qui demande 70 centimes en sus, cela fait 10 fr. 10 c. par obligation.
Le comité des obligataires avait espéré un moment qu'on aurait pu arriver entre onze et douze ; en réalité, malgré la meilleure volonté du monde, on ne peut aller qu'à un chiffre entre 10 et 11 francs, soit 10 fr. 10 c. exactement.
Outre les titres représentatifs du prélèvement fixe de 7,000 francs par kilomètre, les obligataires verront séquestrer entre nos mains la part variable.
Et ici, ce sera non seulement la part variable afférente aux lignes grevées de ces obligations, mais la part afférente aux lignes Jonction de l'Est, haut et bas Flénu et Saint-Ghislain, qui, elles, reçoivent des délégations fixes pour toute la somme qui leur revient, mais même la part afférente aux lignes à construire.
Ce sera la part variable tout entière, sur tout le réseau tel qu'il sera un jour livré à l'Etat, qui sera séquestrée entre nos mains au profit des obligataires, à concurrence du désintéressement complet de ceux-ci, c'est-à-dire que, chaque année, on leur payera en revenu variable, ce que la part variable permettra de donner, et quand elle fournira au delà de 5 fr. 60 c, on emploiera le surplus au remboursement, de telle façon que le remboursement de la part variable ajouté au remboursement de la part fixe forme un total de 500 francs, somme à laquelle chaque obligataire a droit dans la situation actuelle.
La Chambre comprend que, pour qu'une combinaison pareille puisse se réaliser, il faut qu'on trouve sur le matériel d'abord 127,000 francs d'annuités à adjoindre au prélèvement kilométrique au profit des obligataires ; ensuite 148,512 francs qui doivent rester entre les mains de l'Etat pour servir de cautionnements à la société des Bassins houillers du Hainaut pour ses concessions de chemins de fer ; puis 293,000 francs à prélever au profit de deux compagnies : la Jonction de l'est et le chemin de Saint-Ghislain qui reçoivent des rentes fixes dépassant le prélèvement de 7,000 francs par kilomètre.
Enfin 42,000 francs doivent être conservés en garantie du matériel appartenant au prince de Chimay, matériel qui s'élève à 700,000 francs.
Il fallait tenir en réserve pour ces différents objets une annuité de 614,212 francs qui, capitalisée à 4 1/2 p. c. représente 13,600,000 francs.
Il était impossible d'exécuter la combinaison sans distraire du projet de loi relatif au matériel pour une valeur de 13,600,000 francs, sans payer pareille quantité en annuités. C'est pour y parvenir que je demande, dans le sous-amendement, à payer cette grosse moitié du matériel en annuités 4 1/2.
En somme, nous donnons satisfaction à un intérêt collectif, qu'on peut presque qualifier d'intérêt public, par la seule apposition du visa de la trésorerie pour contrôle sur les titres émis comme représentation des annuités.
A cet égard, il ne doit y avoir aucune ambiguïté. Il doit être établi de la façon la plus nette, la plus claire, la plus positive, que la situation reste absolument ce qu'elle est aujourd'hui.
Rien n'est changé. L'Etat n'assume pas une obligation de plus qu'avant, le prélèvement kilométrique reste prélèvement et ne devient pas une rente, il n'y a ni novation, ni changement, les positions restent ce qu'elles sont sans que l'Etat soit plus lié après le visa qu'avant. Celui-ci n'est qu'une garantie du nombre des titres.
Cependant, nous avons compris qu'il pouvait être regrettable que le visa de la trésorerie se trouvât exposé, pendant les premières années, à être apposé sur des titres dont le revenu ne serait pas intégralement payé. Un produit brut de 7,000 francs par kilomètre se réalisera certainement ; mais dans les années 1871, 1872 et 1873, il faut, pour que 7,000 francs soient prélevés, que le produit brut soit de 19,500 francs en 1871 et de 20,000 francs en 1872 et 1873.
Ce produit pourrait ne pas se réaliser ; j'espère qu'il se réalisera ; mais la chose est douteuse. Nous avons dès lors imposé pour condition à la société qu'elle offrît au gouvernement des établissements financiers de premier ordre qui garantissent, non pas au gouvernement, mais aux porteurs des titres à revenu fixe, pendant ces trois années, leur revenu plein.
La société des Bassins houillers ayant dès aujourd'hui, d'après les conseils de mon département, le droit d'émettre des titres représentatifs des annuités, il y avait, pour nous-mêmes, un intérêt direct au visa, celui de nous assurer du bon payement.
Je ne parle pas du petit intérêt financier qu'il peut y avoir pour l'Etat, dans une combinaison qui substitue le payement semestriel des coupons de ces titres au payement mensuel des annuités. C'est trop peu de chose pour y insister, quand il s'agit d'une combinaison de cette importance.
Mais nous trouvons dans cet arrangement un nouveau gage de l'exécution, par la société des Bassins houillers, de toutes les stipulations de la convention du 25 avril.
C'est dans cet ordre d'idées qu'à la date d'hier j'ai répondu à M. l'administrateur délégué de la société des Bassins houillers.
Voici ma lettre :
« Bruxelles, le 10 janvier 1871.
« Monsieur,
« J'adhère en principe à la proposition que contient votre lettre du 13 courant.
« Avant de passer à l'exécution il y aura à régler de nombreux points de détail : l'étendue précise des lignes livrées le 1er janvier 1871, le (page 376) nombre exact des obligations régulièrement émises, afférentes aux lignes reprises et représentatives d'un travail fait, le retrait des titres sur elle-même émis par la caisse d'annuités, la forme des titres représentatifs et du visa de la trésorerie, le choix des établissements qui garantiront aux porteurs l'intégralité du prélèvement de 7,000 francs par kilomètre en 1871,1872 et 1873, l'adhésion de la Jonction de l'Est a la substitution de 170,000 francs d'annuités sur le matériel à pareille somme d'annuités sur le prélèvement kilométrique, etc.
« Tous ces points feront l'objet d'un examen approfondi, mais dès a présent le gouvernement est disposé à viser pour contrôle tous les titres représentatifs des annuités dues par l'Etat en vertu de la convention du 25 avril 1870 et qui seront payables à ses caisses. En échange, il obtient la mise sous son séquestre de l'ensemble des titres qui représentent :
« 1. Le prélèvement de 7,000 francs par kilomètre des lignes reprises au 1er janvier 1871, à l'exception du Flénu, de Saint-Ghislain et de la Jonction de l'Est.
« 2. Le matériel, à concurrence d'une annuité de 127,700 francs.
« 3. Les annuités variables de l'ensemble du réseau livré ou à livrer en vertu de la convention du 25 avril jusqu'à concurrence de la somme nécessaire pour désintéresser les obligataires.
« La société des Bassins houillers retirera ces titres en proportion des obligations qu'elle remettra à la trésorerie sans que celle-ci ait à s'immiscer en rien dans les rapports entre les obligataires et la société des Bassins houillers ou les sociétés qui ont créé les obligations et sans que l'Etat assume aucune responsabilité de quelque chef que ce soit.
« Les titres ne seront pas anéantis.
« Le dépôt fait entre les mains de l'Etat, qu'il se compose de titres représentatifs ou, après l'échange, d'obligations anciennes, lui servira de garantie de l'exécution complète de toutes les stipulations de la convention du 25 avril. A ce titre, ce sera un gage et non un dépôt.
« Recevez, etc. »
Je pense, messieurs, que la Chambre accueillera avec satisfaction ces explications ; elle verra que, sans assumer aucune responsabilité, sans prendre aucun engagement, nous sommes parvenus à faire droit, dans une mesure inespérée, à un grand intérêt collectif, auquel elle s'intéressait. Je lui donne ces explications, parce que l'objet est assez intéressant pour qu'elle en soit tenue au courant sans le moindre retard, et ensuite parce, qu'elle aura, de cette façon, l'explication du chiffre de 13,600,000 francs qui figure dans le sous-amendement du gouvernement.
M. le président. - La Chambre ordonnera sans doute l'impression des pièces que M. le ministre vient de présenter ?
- Voix nombreuses. - Oui ! oui !
M. le président. - Il en sera ainsi.
M. Brasseur. - Je demande la parole.
M. le président. - La discussion générale n'est pas ouverte ; est-ce sur l'incident ?
M. Brasseur. - C'est sur l'incident. Messieurs, je désire avoir un simple renseignement de M. le ministre des finances. Je ne sais pas si j'ai bien saisi sa pensée. Voici, si je ne me trompe, le résumé de la combinaison qui a été signée par M. le ministre. Les Bassins houillers donnent aux obligataires une somme fixe de 9 fr. 40 c. et un titre variable jusqu'à concurrence de 5 fr. 60 c. pour parfaire les 15 francs.
Nous aurons à examiner jusqu'à quel point le gouvernement et la Chambre peuvent intervenir d'une manière quelconque, même moralement, dans un contrat qui altère essentiellement la position des obligataires, dont le droit à 15 francs est incontestable et auxquels on donne à l'avenir 9 fr. 40 c. et un titre aléatoire de 5 fr. 60 c. (Interruption.)
C'est un point que nous examinerons plus tard. M. le ministre des finances nous a dit que les obligations seront rachetées et remises au gouvernement, qui remettra les annuités comme contre-valeur, de sorte que les obligations qui sont dans le public vont rentrer à la trésorerie et les annuités qui y sont maintenant vont en sortir pour arriver définitivement au public. Il y a là simplement un chassé croisé de titres.
Le public va être détenteur des annuités, alors qu'auparavant il était détenteur des obligations.
M. le ministre des finances avoue que ces mêmes obligations qui rentrent dans les caisses de l'Etat vont servir de gage aux engagements contractés par les Bassins houillers envers le gouvernement. Je suppose que les Bassins houillers ne remplissent pas leurs engagements à l'avenir. Ils ont à payer à l'Etat une somme d'environ neuf millions, ils ont à construire 545 kilomètres et il est possible, par suite d'événements que nous n'avons pas à prévoir, que les Bassins houillers ne soient pas en mesure de faire face à cette situation.
L'Etat a une garantie, il prendra donc les obligations qui sont en gage pour les réaliser et voilà de nouveau deux titres sur le marché représentant la même créance. En effet, les annuités sont la capitalisation de la rente de 1,200,000 francs résultant des 7,000 francs de prélèvement par kilomètre. Si maintenant l'Etat considère les obligations comme un gage et s'il les réalise ultérieurement par suite de la non-exécution de la part des Bassins houillers, il est évident que ce gage n'a de valeur qu'à la condition que le gouvernement puisse éventuellement le réaliser.
Je désire savoir de M. le ministre si j'ai bien saisi la pensée du gouvernement, si réellement il est de son intention de considérer les obligations comme un dépôt et comme un gage ; en d'autres termes, veut-il détruire les obligations, une fois qu'elles seront entrées dans les caisses de l'Etat, de manière qu'il n'y ait plus qu'un seul titre dans le public ; ou veut-il laisser les annuités dans la circulation et garder les obligations existantes dans les caisses de l'Etat, mais de façon qu'elles puissent en sortir ultérieurement ? Voilà un point sur lequel je. désire, avoir une explication de la part de M. le ministre, sous réserve de tout débat ultérieur.
M. Jacobs, ministre des finances. - La position que prend le gouvernement est celle-ci. Je n'interviens en rien dans le règlement entre les créanciers et leurs débiteurs. Ce règlement se fera librement. Le débiteur a le choix ou de rester dans la situation qui lui est faite aujourd'hui ou de réaliser son titre aux conditions qui lui conviennent. Nous nous bornons à dire aux Bassins houillers du Hainaut : Ces annuités dont vous pourriez disposer, vous allez les immobiliser entre nos mains ; vous allez renoncer au moyen d'en disposer librement, à moins que vous ne parveniez à retirer de la circulation un nombre d'obligations correspondant, de sorte qu'il n'y ait pas dans la circulation deux titres pour une même valeur. Mais quant aux conditions du contrat à intervenir entre chacun de ces mille créanciers individuels et le débiteur unique, nous n'avons pas à nous en mêler.
C'est ce qui a fait écarter toute combinaison qui aurait fait venir les obligataires à nos caisses pour opérer l'échange des titres. Il aurait fallu offrir à tous la même chose, car différencier nous eût été impossible, et cependant il n'était pas juste de mettre sur la même ligne des obligations cotées à des cours différents.
Nous avons donc dit aux Bassins houillers : Vous vous entendrez comme vous le pourrez avec vos créanciers ; vous rachèterez comme vous pourrez les obligations. Vous traiterez avec vos créanciers ; celui qui traitera avec vous obtiendra ce qu'il aura bien voulu, et celui qui ne traitera pas trouvera toujours dans les caisses de l'Etat ce gage que nous y établissons à son profit.
Mais, objecte-t-on, si ce n'est pas un simple dépôt dans les caisses d'Etat (côté favorable aux obligataires), si c'est, en outre, un gage en faveur de l'Etat, celui-ci peut se trouver un jour dans le cas de remettre ces obligations en circulation en réalisant le gage et alors vous aurez de nouveau l'inconvénient d'avoir deux titres pour la même valeur.
Messieurs, si jamais ce cas pouvait se présenter, on n'aurait pas le même inconvénient qui existe aujourd'hui. Aujourd'hui vous avez des obligataires qui croient avoir un droit direct sur le produit des lignes, et des porteurs de titres représentatifs, qui ont ce droit direct, de sorte qu'en cas de conflit on verrait se renouveler la lutte du pot de terre et du pot de fer au détriment de l'obligataire.
Mais l'obligation vendue par l'Etat, après avoir été séquestrée, ne viendra jamais en concours sérieux avec les titres représentatifs. Elle ne sera qu'une créance à charge de la société qui l'a émise. Les obligations qui rentreront dans les caisses de l'Etat ne seront pas anéanties ; pourquoi ? Parce qu'elles font partie de l'avoir des Bassins houillers qui les rachètent, elles seront comptées dans leur bilan, ils en toucheront le revenu, les intérêts et l'amortissement. Prenons la compagnie du Centre. Elle doit recevoir des Bassins houillers un revenu de 1,900,000 francs.
Si toutes ses obligations étaient éteintes, la compagnie du Centre toucherait ces 1,900,000 francs et ne payerait rien. Si, au contraire, les Bassins houillers sont propriétaires de toutes les obligations, ils viendront lui dire : J'ai cent mille obligations, ce qui représente un revenu de 1,500,000 francs. Déduisant ces 1,300,000 francs des 1,900,000 francs, je ne vous donne que 400,000 francs,
Il est donc impossible d'annuler ces obligations, mais ce qu'il est possible de faire, c'est d'empêcher les Bassins houillers propriétaires de les remettre en circulation.
L'Etat n'aura pas à les remettre en circulation, surtout dans une situation normale. Mais, si faible que soit ce gage, il ne sera pas inutile dans la seule occasion où il y aurait lieu de s'en prévaloir, celui d'une débâcle, (page 377) le cas d'une faillite de la société des Bassins houillers. Alors, dans le règlement difficile au delà de toute idée qu'il y aurait à faire en cas de faillite, ce gage, qui consisterait en créances sur les lignes de Tamines à Landen, du Centre, de l'Ouest, sur toutes les compagnies primitives, améliorerait notablement la position de l'Etat.
Je ne me dissimule pas que la garantie peut n'être point parfaite, mais elle me donne tout ce qu'il est possible d'obtenir dans la position d'aujourd'hui en en tirant le meilleur parti possible.
Il ne s'agit donc pas de remettre ces titres en circulation, soit par les Bassins houillers, soit par l'Etat ; la compagnie ne le pourra jamais et l'Etat n'aurait à s'en prévaloir que dans le cas de faillite de la compagnie des Bassins houillers, qui, je l'espère, ne se présentera jamais.
M. Tesch. - Messieurs, l'amendement qui nous a été communiqué hier porte ce qui suit :
« Le lendemain de la mise en vigueur de la loi approuvant la présente convention, l'Etat payera le matériel régulièrement et contradictoirement inventorié à cette date, sans déduction de celui provenant des compagnies dont l'exploitation a été reprise par la société des chemins de fer des Bassins houillers et la Société générale d'exploitation, majoré jusqu'à concurrence de treize millions six cent mille francs.
« Le surplus sera payé à la fin de chaque mois, suivant le degré d'avancement de l'inventaire. »
Je désirerais savoir de M. le ministre des finances quel est véritablement le sens de cet article ? Payera-t-on, par exemple, le matériel qui a servi à exploiter la ligne de Beaume à Marchienne et celui qui a servi à exploiter la ligne de l'Ouest, celle de Denderleeuw à Courtrai ?
Ce matériel n'a peut-être pas été fourni en nature par les compagnies, mais il a été fourni en vertu d'engagements pris par ces compagnies et de sacrifices faits par ces compagnies.
Je désire savoir si ce matériel, qui, d'après les statuts, est le gage des obligataires, sera payé ou s'il restera affecté, comme les statuts le déclarent positivement, comme garantie des obligataires ?
M. Jacobs, ministre des finances. - Si la rédaction n'est peut-être pas aussi claire qu'on pourrait le désirer, c'est parce que j'ai voulu la rattacher à la rédaction précédente. La rédaction la plus claire eût été celle ci :
« On payera le matériel constaté à cette date sans déduction de 13,600,000 francs. »
Ce serait la rédaction la plus nette, car il est impossible de prétendre que l'ensemble du matériel construit par les obligataires et susceptible, au pis aller, d'une revendication, puisse atteindre au chiffre de 13,600,000 francs.
On me demande : Que ferez-vous du matériel de deux compagnies, Baume-Marchienne et l'Ouest ? Celui de Baume à Marchienne est compris dans les 13,600,000 francs, par la raison qu'il était déjà compris dans les huit millions de l'amendement de la section centrale. Il fait, en effet, partie du matériel du Centre.
Quant au matériel de l'Ouest, il n'y a pas lieu de le comprendre, bien que, avec la marge de 13,600,000 francs, il y ait place pour lui et bien au delà.
Mais, messieurs, voici la position de la compagnie de l'Ouest : elle a promis à ses obligataires la garantie de tout son avoir social, y compris naturellement, d'une part, le produit de la ligne et, d'autre part, son matériel.
Il se trouve que la compagnie de l'Ouest n'a jamais eu le moindre matériel et conséquemment la dernière stipulation peut être considérée comme une espèce de trompe-l'œil.
J'ajoute, cependant, qu'il n'a pas trompé les gros preneurs d'obligations de l'Ouest, ceux notamment qui l'ont construit, car il a été construit intégralement pour les 50,000 obligations de la première série.
L'Ouest a été exploité par la Société anonyme d'exploitation, et puis, par la Société générale d'exploitation.
Ces deux sociétés ont naturellement mis du matériel sur l'ensemble de leurs lignes, mais il n'y a jamais eu de matériel spécial à l'Ouest.
Si la combinaison dont j'ai parlé à la Chambre tout à l'heure s'exécute sans obstacle, l'Ouest sera le chemin de fer qui aura le moins à se plaindre ; une position privilégiée lui sera faite, puisque 50,000 obligations de la première série, c'est-à-dire le coût entier du chemin de fer, arriveront au partage. Les porteurs de ces obligations auront plus que les 7,000 fr. par kilomètre afférents aux lignes de l'Ouest, quoique l'Ouest ne rapporte pas 7,000 francs par kilomètre, loin de là, même en joignant au produit de la ligne celui du matériel que l'on aurait pu y mettre ; l'Ouest, en effet, est une ligne fort peu lucrative.
M. Tesch. - Je n'accepte pas du tout les explications de M. le ministre des finances.
Je ne m'occupe pas pour le moment des intérêts des obligataires de l'Ouest. Je m'occupe de la sincérité des contrats, de la loyauté avec laquelle ils doivent être exécutés.
Je ne veux pas entrer plus loin dans le débat, mais je me charge de démontrer à l'honorable ministre des finances qu'il est dans l'erreur quand il dit que le matériel du chemin de fer de l'Ouest ne doit pas être excepté de l'acquisition faite par l'Etar, et de lui prouver que, s'il paye une première fois ce matériel à la compagnie des Bassins houillers, il est exposé à le payer une seconde fois. J'attends la discussion pour m'occuper de ce point.
M. Bara. - L'honorable ministre a dit que, moyennant 13,000,000, il donnait la valeur du matériel des compagnies et bien au delà.
Il m'a été impossible de faire le calcul de toutes les lignes, mais voici un renseignement que je livre à la Chambre et sur lequel j'attire toute son attention. Je prie l'honorable ministre de le rectifier s'il est inexact.
Aux termes du contrat passé en 1867, entre la compagnie du Centre et les Bassins houillers, la compagnie du Centre a donné aux Bassins houillers 16,000 obligations valant 250 francs chacune.
La compagnie du Centre doit recevoir, au cas où le contrat de bail serait résilié, la représentation de ces valeurs, soit en argent, soit en matériel.
La représentation de ces valeurs est 4 millions de francs ou de matériel.
De plus, aux termes de l'article 3 du contrat, la compagnie du Centre cédait à la compagnie des Bassins houillers son matériel qui, au bilan de la compagnie du Centre de juin 1867, est porté pour 3,214,075 francs, non compris le matériel qui a été fourni lors de la construction du railway et compris dans une somme globale de 9,910,154 francs.
De plus, aux termes du contrat, en cas de résiliation du bail, la compagnie des Bassins doit payer pour le matériel du prince de Chimay 700,000 francs, pour approvisionnements, 51,121 francs, pour magasins de coupons, imprimés 10,072 francs, pour mobilier, outils 158,402 francs, ce qui fait en tout près de 8,200,000 francs.
Je demande s'il est vrai que dans les 13,000,000 dont a parlé M. le ministre des finances, il y a 8,200,000 francs réservés à la compagnie du Centre du chef de son matériel.
Et je demande alors à M. le ministre des finances s'il peut croire que les cinq millions restants vont suffire pour le matériel que les diverses sociétés ont cédé à la société des Bassins houillers, alors que ces sociétés ont 539 kilomètres de chemins de fer.
Je demande s'il est possible que les 539 kilomètres de chemins de fer restant n'aient que cinq millions de matériel.
Je redresse ensuite une erreur de M. le ministre. Il a compté la dépréciation du matériel ; il n'en avait pas le droit. Si le bail était résilié, la compagnie des Bassins houillers devait restituer le matériel complet dans les conditions où il a été reçu ; c'est ce que stipule formellement le contrat de cession entre la société des Bassins houillers, le Centre et les autres sociétés.
Je demanderai maintenant à M. le ministre un autre renseignement ; je lui demanderai si, dans les propositions faites par la compagnie des Bassins houillers à M. le ministre des finances, on place sur le même pied les obligataires de toutes les lignes ; si, par exemple, les lignes qui ne rapportent absolument rien ou presque rien, vont voir leurs obligations jouir des mêmes avantages que les lignes qui rapportent presque leurs quinze francs.
Je demanderai à M. le ministre de nous dire en quelles mains se trouvent les obligations des lignes de chemins de fer qui ne rapportent presque rien ; et si notamment elles ne sont pas en la possession, pour une grande partie, des sociétés intéressées dans les opérations dont nous avons à nous occuper.
M. le ministre ne peut pas refaire les contrats ; il ne peut pas, sans l'intervention des créanciers, venir leur imposer des sacrifices au profit d'obligataires de chemins de fer qui ne rapportent rien, qui n'ont jamais eu de valeur aux yeux du public.
J'espère que M. le ministre voudra bien me donner les renseignements que je lui ai demandés.
M. Jacobs, ministre des finances. - Parmi les renseignements qu'on me demande, il en est que je suis à même de fournir immédiatement ; il en est d'autres que je ne serai jamais à même de donner.
On me demande en quelles mains sont les obligations des mauvaises lignes. Je déclare que j'ignore absolument en quelles mains sont les obligations bonnes ou mauvaises.
(page 378) M. Bara. - Demandez-le aux commissaires du gouvernement.
MfJ. - Le savent-ils eux-mêmes ?
Les obligataires sont assez soucieux de leurs droits, - ils l'ont prouvé récemment encore, - pour fournir eux-mêmes à l'honorable membre, s'ils le jugent convenable, les renseignements demandés. Quant à moi, je n'ai aucun renseignement à fournir sur ce point ; l'honorable membre pourra se le procurer ailleurs.
On me demande aussi si je place toutes les obligations sur la même ligne et l'on me fait un reproche de tiercer en quelque sorte ces créanciers.
J'ai refusé complètement cette position ; j'ai déclaré à la société des Bassins houillers que je ne traiterais pas avec les créanciers, que je ne m'exposerais pas aux reproches d'avoir tiercé des créanciers quelconques, que je me constituais simplement séquestre dans leur intérêt. Etait-il possible, en cette qualité de séquestre, de tenir compte d'une différence de quelques francs dans le cours des obligations ? Je ne l'ai point pensé : toutes les obligations viendront sur la même ligne à l'échange qu'opéreront les Bassins houillers, mais les porteurs d'obligations restent entiers dans leurs droits ; s'ils voulaient s'entendre pour que personne ne fit la conversion, ils recevraient tous leurs 15 francs ; s'il leur convient de vendre aux Bassins houillers, acquéreur comme un autre, ils ne se plaindront pas de cet acte tout volontaire.
L'honorable membre m'a demandé des renseignements sur le matériel ; il lui paraît impossible que, s'il y a déjà pour 8,000,000 de matériel au Centre, il n'y en ait pas au delà de 5,600,000 francs pour les autres lignes.
Mais l'honorable membre peut s'assurer aisément, comme je me suis assuré moi-même, que la plupart des autres lignes ont été reprises par la société, avant que la construction en fût achevée, au moment où il n'y avait aucun matériel, tandis qu'une ligne ancienne, comme le Centre, qui traverse un pays riche, dont le produit kilométrique est considérable, a un matériel hors de proportion avec celui d'autres lignes.
Je crois qu'en comptant même 8 millions pour le Centre, on trouvera et au delà, dans les 5,600,000 francs, de quoi faire droit à toutes les revendications, à toutes les éventualités.
Le matériel est à nous, remarquez-le bien, on nous a vendu même le matériel appartenant au prince de Chimay !
Tout le matériel en service sur les lignes reprises est cédé à l'Etat par la convention du 25 avril.
Il ne s'agit plus que de savoir comment on le payera, au comptant ou en soixante et dix annuités 4 1/2 p. c ; dans cette annuité l'amortissement est compris au moins pour 1/4 p. c. Le principe du payement existe dans les deux modes.
Je pense qu'il faut s'en tenir au mode de payement qui nous expose aux moindres conséquences financières.
N'oublions pas les ratifications des compagnies ; elles ont renoncé à toute action résolutoire, en tant qu'elle puisse atteindre l'Etat, c'est-à-dire que la compagnie du Centre, par exemple, a conservé le droit de demander la résiliation vis-à-vis de la compagnie des Bassins houillers ; mais elle n'a plus le droit d'user à charge de l'Etat de l'action résolutoire, ni d'en faire peser sur lui les conséquences, tant qu'il exécute ponctuellement la convention du 25 avril.
Avec la marge de 13,600,000 francs d'ailleurs, on peut parer à toutes les éventualités qui peuvent se présenter.
M. Frère-Orban. - Je demande à M. le ministre des finances s'il est exact, comme le bruit en a couru, que la société des Bassins houillers ait été autorisée à retirer les cautionnements en fonds publics belges qu'elle avait déposés en garantie de l'exécution des chemins de fer dont elle est concessionnaire et, en cas d'affirmative, quelles sont les garanties nouvelles qui ont été données par la compagnie.
M. Jacobs, ministre des finances. - Le fait est exact ; j'ai eu l'honneur d'indiquer tantôt déjà la somme d'annuités qui servirait de cautionnement des différentes lignes dont la compagnie des Bassins houillers est concessionnaire.
Le gouvernement détermine les valeurs qui peuvent être admises comme cautionnement. Dans le principe, on n'admettait que des fonds belges ; mon honorable prédécesseur a admis les obligations du Crédit communal ; j'ai pensé que, si l'on s'était écarte des fonds publics de l'Etat pour admettre les obligations de cette mutualité de villes qui s'appelle le Crédit communal, on s'éloigne moins du point de départ en prenant, à titre de cautionnement, une créance sur l'Etat d'une autre nature que la rente.
Le système pourrait même être généralisé ; toutes les fois qu'il y a une créance sur l'Etat, cette créance, à un taux à déterminer, pourrait être admise en cautionnement au profit du créancier.
Mais il arrive rarement que ces créances existent, elles se présentaient dans les circonstances actuelles, puisqu'il y a des annuités qui sont dues par l'Etat ; nous avons admis que leur titulaire, les Bassins houillers, nous remettraient des annuités en cautionnement à un taux déterminé.
Dans la combinaison nouvelle, il serait question, au lieu des annuités kilométriques qui sont affectées au cautionnement, d'y substituer des annuités sur le matériel.
- L'incident est clos.
M. d’Andrimont. - Le 16 décembre, il y a un mois, je disais à la Chambre « que le gouvernement, fidèle en cela aux principes qui ont été développés et acceptés au congrès de Malines, voulait, pour les écoles normales et dans la mesure du possible, substituer l'enseignement congréganiste à l'enseignement laïque. »
Et à l'appui de cette assertion, je parlais de rumeurs étranges qui circulaient dans le pays et dont je me faisais l'écho dans les termes suivants :
« Il est encore question, c'est un on-dit - les journaux s'en occupent - d'adopter la congrégation des sœurs de Saint-André, près de Bruges, et l’établissement des sœurs de Pesche, près de Namur ; on parle même, et c'est encore un on-dit dont malheureusement je ne puis administrer la preuve, d'une proposition très sérieuse qui serait faite par un ecclésiastique de Liège, M. Habets, directeur des filles de la Croix, rue Hors-Château, proposition tendante à transformer le saint établissement qu'il gère, en une école normale pour les institutrices. »
Et dans la suite de mon discours, je manifestais la crainte non pas de voir à la tête de l'école normale de l'Etat une congrégation religieuse, ce qui eût été absurde et illégal, mais bien la crainte : 1° de voir retarder indéfiniment la construction des écoles normales de Liège et de Mons ; 2° de voir adopter de nouvelles écoles normales congréganistes.
Voici, messieurs, d'après les Annales parlementaires, la réponse que l'honorable ministre de l'intérieur fit à mon interpellation :
« D'où vient l'inquiétude qui s'est emparée de l'esprit de l'honorable membre ? C'est qu'à Liège des bruits circulent ; il y a des on-dit, et il suffit de pareilles rumeurs pour que l'honorable M. d'Andrimont croie l'existence de l'école normale de Liège comprise.
« Je suis très heureux de pouvoir le rassurer.
« Je n'ai jamais songé à remettre à des congrégations religieuses la direction des écoles normales de l'Etat. En ce qui touche l'école normale de Liège, je n'ai pas eu à examiner des propositions faites par M. le chanoine Habels, par le motif très simple qu'aucune proposition ne m'a été faite ; s'il y en avait eu une, elle n'eût pas été accueillie.
« J'espère que l'honorable M. d'Andrimont considérera cette réponse comme assez catégorique, quoique, tout à l'heure, il m'ait accusé de cacher des mystères entre les lignes de mes dépêches, reproche auquel je me réserve de répondre. »
Quel ne fut donc pas notre étonnement, notre stupéfaction de voir au Moniteur du 11 janvier 1871, les quelques lignes suivantes :
« Par arrêtés ministériels du 11 janvier 1871, l'école normale privée établie par M. le chanoine Habets à Liège et l'école normale privée établie par M. l'abbé de Trooz à Pesches sont agréées en conformité de l'arrêté royal du 25 octobre 1861. »
Ainsi, messieurs, les rumeurs dont je vous avais entretenus n'étaient que trop sérieuses. Mes on-dit n'ont pas même eu besoin d'un mois pour recevoir la consécration ministérielle, et cela malgré les déclarations les plus nettes, les plus formelles, les plus catégoriques que jamais ministre ait apportées sur les bancs du gouvernement. Et notez-le, messieurs, c'est que tous mes on-dit sans exception, tous ils ont été réalisés à bref délai.
Le jour où la Chambre se séparait pour prendre les vacances de Noël, on agréait, à Bruges, l’établissement des sœurs de Saint-André qui ont acheté, comme je l'ai déjà dit, à beaux deniers comptants, le splendide hôtel de T'Serclaes, et c'est le 11 janvier qu'on adoptait non seulement l'école normale de M. Habets, mais également l'école de M. l'abbé de Trooz à Pesches près de Namur.
N'avais-je donc pas mille fois raison de dire alors à la Chambre qu'il y avait de sourdes menées au ministère de l'intérieur et qu'il devait y avoir là-dessous quelque machination cléricale ? (Interruption.)
Mais, messieurs, il y a mieux que cela ; j'ai entre les mains une preuve qui permettra au pays de se former un jugement sur le compte de M. le ministre de l'intérieur, et ce jugement sera loin de lui être favorable. (Interruption.).
Vous pouvez rire tout à votre aise ; rira bien qui rira le dernier. Le document dont je veux parler est l'arrêté ministériel du 11 janvier, dont, vous n'avez vu qu'un extrait dans le Moniteur, mais que voici (page 379) in extenso. Et pour qu'on ne puisse soupçonner personne, je vais dire en deux mots comment je me Je suis procuré.
Ces pièces arrivent au gouvernement provincial pour être communiquées aux parties intéressées. Les conseillers provinciaux seuls, en vertu de l'article 121 de la loi provinciale, peuvent en prendre connaissance et copie.
Un de mes amis, conseiller provincial, s'est rendu, à cet effet, auprès de M. le greffier de la province de Liège et il a obtenu la copie textuelle de cet arrêté.
Le voici :
« Ministère de l'intérieur. Administration de l'instruction publique, n°3058.
« Le ministre de l'intérieur,
« Vu l'article premier de l'arrêté royal du 25 octobre 1861, article ainsi conçu :
« Art. 1er. Notre ministre de l'intérieur peut, sur l'avis de la députation permanente, adopter, dans chaque province, une ou plusieurs écoles de filles pour la formation d'institutrices primaires ;
« L'adoption est révocable en tout temps ;
« Vu la demande de M. le chanoine Habels, tendante à obtenir l'adoption de l'école normale d'institutrices religieuses qu'il a établie à Liège ;
« Vu l'avis de la députation permanente du conseil provincial de Liège ;
« Arrête :
« Article unique. L'école normale d'institutrices désignée ci-dessus est adoptée, à la condition qu'elle se soumettra aux diverses prescriptions légales et réglementaires concernant les institutions de l'espèce.
« Bruxelles, le 11 janvier 1871.
« (Signé) : Kervyn de Lettenhove.
« Pour expédition conforme :
« Le secrétaire général du ministère de l'intérieur, « (Signé) : Ed. Stevens.
« Pour copie conforme délivrée à la demande de M. Capitaine, conseiller provincial, en vertu de l'article 121 de la loi provinciale.
« Le greffier provincial, Laloux. »
De deux choses l'une :
Oou M. le ministre était déjà en pourparlers avec M. Habets quand il a eu la hardiesse de me dire le 16 décembre :
« Je n'ai jamais songé à remettre à des congrégations religieuses la direction des écoles normales de l'Etat. En ce qui touche l'école normale de Liège, je n'ai pas eu à examiner de propositions faites par M. le chanoine Habets, parle motif très simple qu'aucune proposition ne m'a été faite ; s'il y en avait eu une, elle n'eût pas été accueillie. »
Ou bien M. le ministre a agi dans cette affaire avec une précipitation, une rapidité dont j'ai tout lieu de m'étonner.
C'est pour cela, messieurs, que je demande que l'on dépose immédiatement sur le bureau de la Chambre toutes les pièces relatives à l'agréation de l'école normale de M. le chanoine Habels.
En tous cas, M. le ministre, vous avez manqué à la Chambre, en déclarant que si une proposition était faite par M. Habets, elle ne serait pas accueillie par vous.
Mais, si M. le ministre se soucie peu du respect qu'il doit à la législature... (Interruption.) il se soucie encore moins de l'observation des lois qu'il est chargé d'appliquer.
L'arrêté ministériel du 11 janvier nous en donne un éclatant témoignage. En effet, cet arrêté vise l'avis de la députation permanente de la province de Liège ; eh bien, j'affirme, l'entendez-vous, M. le ministre ? j'affirme que vous n'avez pas consulté la députation permanente de la province de Liège et qu'elle n'a pas été appelée à donner son avis sur l'adoption de l'école du chanoine Habets, rue Hors-Château.
Cet avis, messieurs, vous le chercherez en vain dans le dossier dont j'ai demandé le dépôt immédiat sur le bureau de la Chambre.
Ainsi, messieurs, voilà un ministre qui, avec une impardonnable précipitation, pour faire plaisir à l'épiscopat... (Interruption.) oui, pour faire plaisir à l'épiscopat, se soustrait aux obligations que la loi lui impose et fait litière des prescriptions de l'arrêté royal de 1861. Peu lui importe une illégalité, du moment que cette illégalité se commet au profit des gens qui enseignent que la fin justifie les moyens. (Interruption.)
Messieurs, j'ai fini. Je laisse à la Chambre et au pays le soin de qualifier la conduite de M. le ministre de l'intérieur.
Nous avons vu ce système de réticences pratiqué dans un pays voisin et nous savons où il a conduit ce pays. Puisse cet exemple, messieurs être un utile enseignement pour la nation belge.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Messieurs, quand, dans la séance du 16 décembre, en présence de l'interpellation de l'honorable M. d'Andrimont sur les retards de la création de l'école normale de Liège, je répondais que jamais je n'avais songé à remettre à des congrégations religieuses une école normale de l'Etat, mon langage était exempt de tout doute et de toute ambiguïté.
M. Bouvier. - Escobar n'est pas mort.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Consultez le texte des Annales et vous y verrez que je me suis exprimé comme suit :
« Dans la séance d'avant-hier, l'honorable M. d'Andrimont m'a annoncé une interpellation ayant pour but de réclamer du gouvernement des explications sur les retard qu'éprouve la mise en adjudication des travaux des écoles normales de Liège et de Mons.
« C'est à cette interpellation que j'ai l'honneur de répondre. »
Et j'ajoutais :
« Je suis très heureux de pouvoir le rassurer (l'honorable M. d'Andrimont). Je n'ai jamais songé à remettre à des congrégations religieuses la direction des écoles normales de l'Etat. »
Voilà ce qui se trouve aux Annales parlementaires.
Du reste, si ces explications ne suffisent pas à l'honorable membre, je me tiens à la disposition de la Chambre. C'est à elle de juger quand le moment le plus convenable sera venu et j'espère que l'occasion se présentera prochainement lors de la discussion du budget de l'intérieur qui est à l'ordre du jour.
M. Kervyn de Volkaersbeke - L'ordre du jour !
M. Braconier. - Il me paraît que l'honorable ministre de l'intérieur a répondu d'une manière entièrement incomplète aux questions qui lui ont été posées par l'honorable M. d'Andrimont.
Il y a un point essentiel qui n'a pas été touché.
Est-il vrai, oui ou non, que l'on dit dans l'arrêté que la députation permanente a été consultée ?
Est-il vrai, oui ou non, que la députation permanente n'a pas été consultée ?
Voilà un fait positif qui demande une explication immédiate.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - On verra le dossier.
M. Braconier. - Je constate que M. le ministre de l'intérieur ne veut pas répondre. Le pays jugera sa conduite dans cette circonstance. •
M. Kervyn de Volkaersbeke. - Il a raison.
M. d'Andrimont. - Si M. le ministre de l'intérieur, qui est un historien et un académicien, écrit l'histoire comme il fait ses discours, ses ouvrages n'inspireront pas plus de confiance que ceux du père Loriquet. (Interruption.)
Je fais ici appel à la loyauté de la Chambre.
En est-il un parmi vous qui ose affirmer qu'il a interprété comme vient de les expliquer l'honorable ministre de l'intérieur, les paroles qu'il m'a adressées en réponse à mon interpellation ?
- Voix nombreuses à droite. - Oui ! oui !
M. d'Andrimont.- N'avez-vous pas compris alors que M. le ministre de l'intérieur me donnait un démenti formel ?
N'avait-il pas l'air de me faire passer pour un colporteur de fausses rumeurs, pour un propagateur d'on-dit sans fondements ?
Cela est tellement vrai que tous les journaux catholiques ont saisi la balle au bond et m'ont assailli d'un torrent d'injures, chose à laquelle, je suis accoutumé et que j'ai jusqu'ici gaillardement supportée. (Interruption.)
Il n'avait qu'à me dire : Vous aurez votre école normale dans les conditions voulues par mes prédécesseurs ; mais vous me laisserez, à moi ministre, clérical, le droit d'agir selon mes convictions ; vous me permettrez de venir en aide à ces pauvres congrégations religieuses que cet affreux ministère libéral n'a cessé de poursuivre de sa haine ; vous me permettrez de proportionner le bien que je veux leur faire au mal que mes prédécesseurs leur ont causé. Quoi que vous fassiez, aurait-il pu me dire encore, vous aurez beau parler et beau crier, M. d'Andrimont, je favoriserai de mon mieux et l'établissement de Saint-André, et celui de Pesches, et celui de M. le chanoine Habbets et bien d'autres encore. (Interruption.)
Chose étrange, messieurs : chaque fois qu'un ministère clérical arrive au pouvoir, les faveurs pleuvent comme une manne céleste sur la tête de M. le chanoine Habbets ; et, chose plus étonnante encore, c'est en violation manifeste de la loi que toutes ces faveurs lui ont été généreusement octroyées.
(page 380) En 1845 (interruption), oui, messieurs, l'histoire est assez ancienne, mais elle mérite d'être rappelée, car elle démontre que les ministères catholiques d'aujourd'hui et ceux d'autrefois ne diffèrent pas quant aux idées et quant aux procédés. C'est en 1845 donc qu'eut lieu l'incendie de l'hôtel du gouvernement provincial.
Le terrain qu'occupait cet hôtel était vaste et bien situé ; quelques bâtiments étaient encore habitables ; cet immeuble convenait parfaitement à M. le chanoine Habets pour y installer les sœurs de Sainte-Croix. Eh bien, messieurs, sous le ministère de l'honorable M. de Theux, on a cédé cet immeuble de la main à la main à M. le chanoine Habets, par convention du 22 octobre 1845 au prix de 90,000 francs, alors que la loi faisait au gouvernement une obligation de le mettre en adjudication publique, et cette obligation était d'autant plus impérieuse qu'un tiers avait offert 100,000 francs pour acquérir cet immeuble.
Celte affaire, qui s'appelle aussi l'affaire Habets, eut un certain retentissement : la Chambre, lui consacra trois séances. MM. de Theux et Dumortier doivent s'en souvenir ; défendue par le ministère catholique, elle fut très vivement attaquée par les hommes les plus éminents de la gauche : MM. Lebeau, Devaux, Delfosse et Fleussu. Finalement, on approuva l'acte du gouvernement et M. le chanoine Habets resta propriétaire de l'immeuble pour 90,000 francs. Eh bien, messieurs, voulez-vous savoir ce que cet immeuble a gagne de valeur et quels bénéfices il a procurés à son propriétaire et dont le domaine public a été privé ?
Grâce à certaines expropriations nécessitées par la création de la rue des Bons-Enfants et par l'établissement du chemin de fer de ceinture, M. le chanoine a réalisé déjà 193,520 francs pour cession de terrains. Il lui reste encore 3,000 mètres carrés, qui, estimés à dire d'expert à 60 fr., valent 180,000 francs, plus les bâtiments restants, évalués à 20,000 francs.
Le total, enfin s'élève à 393,000 francs ; bénéfice net pour le chanoine Habets, 300,000 francs.
- Un membre. - Qu'est-ce que cela fait ?
M. d'Andrimont. - C'est pour vous exposer l'affreux état de misère dans lequel se trouvent la plupart des congrégations religieuses...
- Des membres. - L'ordre du jour !
M. d'Andrimont. - Je tenais à expliquer à la Chambre ce que j'avançais tantôt, savoir que, sous tous les ministères catholiques, M. Habets avait obtenu des faveurs.
Je ne veux pas prolonger cette discussion, puisqu'il ne convient pas à M. le ministre de l'intérieur de me répondre en ce moment ; mais je me réserve de revenir sur cet objet lors de la discussion du budget de l'intérieur. Je constate que, sommé par tous mes honorables collègues de Liège, M. le ministre de l'intérieur a refusé de répondre à la question que je lui avais posée.
Je lui demande de nouveau : Avez-vous, oui ou non, réclamé, lorsqu'il s'est agi d'agréer l'école normale de M. le chanoine Habets, rue Hors-Château, l'avis de la députation permanente ? Répondez.
M. le président. - M. d'Andrimont, vous devez vous adresser à la Chambre ou au président.
M. d'Andrimont. - Il ne convient pas à M. Kervyn de me répondre ; je ne puis pas l'y forcer.
- Des membres. - Aux voix !
M. Funck. - J'ai demandé la parole lorsque je croyais qu'on allait clore le débat. Il me semblait étrange que cette discussion fût close avant que M. le ministre de l'intérieur eût répondu à la dernière partie de l'interpellation de l'honorable M. d'Andrimont. Je comprends parfaitement que, lors de la discussion du budget de l'intérieur, on examine la question de savoir si l'honorable M. d'Andrimont a bien ou mal compris la déclaration faite par M. le ministre de l'intérieur ; mais ce que je ne comprends pas, c'est que M. le ministre de l'intérieur reste sous l'imputation d'avoir signé un arrêté visant un avis de la députation permanente qui n'existe pas. Si j'avais l'honneur d'être ministre de l'intérieur, je m'opposerais à. la clôture, afin de pouvoir répondre à la question qui est posée. Certes si M. le ministre de l'intérieur ne veut pas répondre, nous ne pouvons pas l'y obliger matériellement, mais je dis que moralement il manque à son devoir, et je constate le fait devant le pays.
M. Dupont. - Messieurs, je voulais présenter à la Chambre, dans des termes sans doute moins éloquents, mais aussi convaincus, les mêmes observations que celles que vient de faire l'honorable M. Funck.
Je l'avoue, il m'est impossible de comprendre l'altitude prise par M. le ministre de l'intérieur, en présence des explications qui lui sont demandées. Il est attaqué de deux chefs par notre honorable collègue, M. d'Andrimont ; on lui reproche, d'une part, l'adoption de l'école du chanoine Habets, malgré la déclaration formelle contenue dans le discours qu'il a prononcé ayant les vacances de Noël ; de l'autre, on le somme de s'expliquer sur le point de savoir si, oui ou non, il a visé un arrêté de la députation permanente de Liège, alors que cet arrêté n'existerait pas. Et d'abord, comment M. le ministre cherche-t-il à échapper au premier reproche ? Quelle interprétation nous donne-t-il ? A l'entendre, il n'a ni directement ni indirectement laissé entendre que les bruits dont M. d'Andrimont s'était fait l'écho étaient mensongers. Cette interprétation n'est-elle pas contraire aux souvenirs de tous les membres de cette Chambre, et ces souvenirs sont encore bien présents à l'esprit de tous... (Interruption.)
Messieurs, vous aurez beau m'interrompre ; il est incontestable pour tout le monde, au moins pour tous les membres qui siègent sur les bancs de la gauche, qu'il y a contradiction entre la déclaration de M. le ministre de l'intérieur et l'acte qu'il a posé ! Nous lui demandons des explications loyales et non des échappatoires. Il ne suffît pas à M. le ministre de l'intérieur de dire : « L'adoption de l'école normale de M. Habets n'est pas en désaccord avec la déclaration que j'ai faite ici ; j'avais dit tout d'abord que je ne m'occupais que de l'école normale de l'Etat. » Pour tous ceux qui ont entendu les termes de cette déclaration, pour tous ceux qui en ont lu le texte dans les Annales, il était certain que l'école de M. Habels ne serait pas adoptée. Voilà la vérité ! L'interpellation de M. d'Andrimont avait porté sur ce point.
Personne n'a pu supposer un seul instant qu'il soit entré dans la pensée de M. le ministre de l'intérieur de remplacer l'école normale de l'Etat par l'école normale de M. Habets ; de donner à cette dernière le caractère d'école normale de l'Etat. Mais ce que l'on craignait, c'était l'adoption de l'école da M. Habels et des retards dans la création de l'école laïque. Or, M. le ministre de l'intérieur, par sa déclaration, avait rassuré tous les vrais amis de l'enseignement à ce double point de vue, qui avait été formellement indiqué par M. d'Andrimont.
Mais ce n'est là que le point le moins important de ce débat : il est un fait bien plus grave aux yeux de tout homme d'honneur. On demande à M. le ministre de l'intérieur s'il a visé un avis de la députation permanente dans l'arrêté royal relatif à l'école, normale de M. Habets, avis qui était indispensable, avis qui n'existait pas. On l'accuse d'avoir commis une illégalité manifeste, d'avoir inventé une pièce ! Et M. le ministre ne répond pas !
De deux choses l'une : ou bien M. le ministre signe les pièces sans les lire, même quand il s'agit de faits importants sur lesquels il a été interpellé au sein des Chambres, ou bien il a signé après avoir pris connaissance du dossier. Alors, il n'a pu ignorer que l'avis de la députation permanente n'existe pas. Les deux hypothèses ne lui sont pas favorables et cependant M. le ministre garde le silence. Il refuse de s'expliquer et s'il prend la parole, il a soin de ne pas répondre un mot à la demande précise qu'on lui pose.
Messieurs, je n'entends pas me laisser aller à l'indignation que cependant j'éprouve à la pensée que les faits signalés seraient exacts, ce que le silence de M. le ministre ne laisse que trop supposer.
Je tiens à la dignité de tous les pouvoirs quand même les pouvoirs sont aux mains de nos adversaires. Si je tiens à la dignité du pouvoir judiciaire, si je tiens à la dignité de cette Chambre, j'attache aussi le plus grand prix à celle du gouvernement représenté, dans cette discussion, par M. le ministre de l'intérieur. Or, il est certain pour tout homme impartial que le gouvernement ne jouirait plus du prestige qui lui est, en ce moment plus que jamais, indispensable, en présence des événements extérieurs, s'il était acquis, que les hommes qui le composent pouvaient aller jusqu'à prêter à un corps des avis qu'il n'a pas émis et s'ils se résignaient ensuite à garder, en présence d'une demande d'explication, un silence qui équivaut presque à un aveu.
M. le président. - Messieurs, j'ai reçu la proposition suivante :
« Je demande à la Chambre d'ordonner le dépôt sur le bureau de la Chambre de l'avis de la députation de Liège visé dans l'arrêté du 11 janvier 1871.
« Signé : Orts. »
M. Bouvier. - Le gouvernement adhère-t-il à cette proposition ?
M. Orts. - Je comprends très bien, messieurs, que M. le ministre de l'intérieur remette la réponse qu'on lui a demandée à la discussion de son budget ; il peut avoir pour cela des raisons dont je ne suis pas le juge. Je réserve donc sur ce point mon appréciation, mais ce que M. le ministre ne peut pas nous refuser, c'est de mettre dès aujourd'hui à notre disposition les pièces indispensables pour que nous puissions, comme lui, nous préparer à prendre part à cette discussion le jour où il conviendra à l'honorable ministre de répondre.
Or, la pièce la plus importante de ce débat sera certainement l'avis de la députation permanente du conseil provincial de Liège, dont les considérants se trouvent dans l'arrêté royal du 11 janvier.
(page 381) Je demande donc à la Chambre qu'elle ordonne le dépôt sur le bureau de cet avis de la députation de Liége, à l’existence duquel je crois provisoirement.
Je demande que la Chambre use d'un droit incontestable qui est indépendant du droit du ministre de répondre ou de ne pas répondre, de choisir l'heure de sa réponse. Nous avons le droit de demander que, pour l'heure où le ministre parlera, nous soyons suffisamment éclaires.
Je demande donc à la Chambre un vote sur le dépôt de la pièce dont il s'agit.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Nous sommes à quelques jours de. la discussion du budget de l'intérieur. Le gouvernement, sans craindre le débat et avec l'intention bien arrêtée de s'expliquer nettement, doit cependant ajourner la preuve que M. d'Andrimont s'est trompé quand il disait que les paroles que j'ai prononcées dans une séance antérieure ne s'appliquaient pas à l'école normale de l'Etat à établir à Liège.
Le moment n'est pas arrivé de prolonger ce débat ; ce n'est pas l'intention de. la Chambre et je ne pense point qu'il soit dans le système constitutionnel de multiplier les interpellations au point de venir chaque jour interrompre et ralentir les travaux parlementaires.
- Voix nombreuses. - La clôture !
M. Orts. - M. le ministre de l'intérieur ne me répond pas et c'est à moi cependant que revenait de droit une réponse. J'ai fait une proposition nouvelle. Je n'entends interpeller en aucune façon M. le ministre sur quoi que ce soit. Je ne prolongerai aucune espèce de débat ; je n'en veux pas aujourd'hui. Je demande tout simplement à M. le ministre de l'intérieur s'il consent, oui ou non, à déposer sur le bureau de la Chambre une pièce que je réclame pour m'éclairer en vue d'un débat ultérieur. Je ne demande pas même qu'on s'explique sur son existence ; je demande qu'on la dépose. Je crois qu'elle existe, puisque le Moniteur le dit. Je croirai, jusqu'à preuve contraire, que le Moniteur dit la vérité ; je l'ai toujours cru jusqu'à présent.
Je demande donc à M. le ministre de l'intérieur si, oui ou non, il s'oppose au dépôt de la pièce que je réclame.
M. Jacobs, ministre des finances. - Je me demande si nous sommes ici pour faire des choses sérieuses (interruption) ou pour essayer de nous jouer des niches. Car, dans l'occurrence, ne sachant pas si une pièce existe... (Nouvelle interruption.)
M. de Rossius. - Et l'arrêté royal ?
M. Jacobs, ministre des finances. - Permettez : l'honorable M. d'Andrimont vous pose un dilemme et vous dit : Ou bien M. le ministre de l'intérieur a signé son arrêté à la légère sans avoir examiné tout le dossier, ou bien cet avis doit exister. D'après lui, il n'existe pas ; il déclare qu'il a pris des informations et que cet avis n'existe pas. Cependant l'honorable M. Orts qui, en général, a confiance dans l'honorable M. d'Andrimont, demande que cet avis soit déposé. Est-ce faire chose sérieuse que de demander le dépôt d'une pièce de l'existence de laquelle on n'est pas jusqu'à présent certain ?
M. Orts. - Je crois le Moniteur sur parole.
M. Vleminckx. - Qu'on reconnaisse que la pièce n'existe pas, et tout sera dit.
M. Jacobs, ministre des finances. - Si l'on disait à M. le ministre de l'intérieur : Vous êtes pris à l'improviste à la première séance delà rentrée ; vous n'étiez pas prévenu de l'interpellation ; vous n'avez pas examiné à nouveau le dossier ; vous pouvez l'avoir perdu de vue. Examinez et répondez-nous dans deux jours, lorsque viendra la discussion du budget de l'intérieur, je comprendrais ce langage. Mais non, on veut que M. le ministre de l'intérieur connaisse par cœur toutes les pièces des dossiers sur lesquels il appose sa signature.
M. d'Andrimont. - Le ministère est ici près, il peut se les procurer.
M. Jacobs, ministre des finances. - C'est cela ; M. le ministre de l'intérieur devra quitter la Chambre et aller chez lui chercher les pièces, pour le bon plaisir de l'honorable M. d'Andrimont ! Voilà où nous arrivons.
Messieurs, soyons sérieux. La discussion du budget de l'intérieur s'ouvrira dans deux ou trois jours. Je comprendrais que les honorables membres de l'opposition demandent le dépôt du dossier entier, comme moyen de vérifier ce qui s'y trouve et ce qui ne s'y trouve pas. Mais alors qu'il y a incertitude au sujet de l'existence d'une pièce...
M. Muller. - Elle n'existe pas, elle a été inventée.
M. Cornesse, ministre de la justice. - Eh bien, si vous êtes convaincus qu'elle n’existe pas, je déclare qu’il n'est pas sérieux d'en demander le dépôt ; je déclare que c'est manquer de déférence envers la Chambre que de faire des propositions qui n'ont pas un caractère sérieux.
M. Pirmez. - Admettez-vous, que la pièce n'existe pas ?
M. Jacobs, ministre des finances. - Je n'en sais rien. Je ne connais pas même le dossier.
Je crois que la proposition que fait l'honorable M. d'Andrimont demandant le dépôt de tout le dossier, peut être soumise au vote de la Chambre. Mais demander le dépôt d'une pièce dont l'existence est niée par les uns, est mise en doute par les autres, je déclare que ce n'est pas faire chose sérieuse et digne de la Chambre.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Messieurs, je répéterai ce que je disais tout à l'heure, en demandant à la Chambre de ne pas statuer avant le débat qui doit avoir lieu très prochainement sur cet objet dans la discussion du budget de l'intérieur. C'est alors qu'elle aura à apprécier la résolution qu'il lui convient de prendre.
M. le président. - J'ai reçu la proposition suivante :
« Attendu que M. le ministre a déclaré qu'il donnera les explications demandées, lors de la discussion de son budget, la Chambre passe à l'ordre du jour. »
La parole est à M. Millier.
M. Orts. - Je l'ai demandée pour un fait personnel.
M. le président. - Il n'y a pas de fait personnel.
M. Muller. - L'arrêté ministériel qui agrée l'école Habets est du 11 janvier. Cet arrêté vise un avis de la députation permanente de la province de Liège. Les souvenirs de M. le ministre de l'intérieur, dans une affaire sur laquelle il avait déjà été interpellé par mon honorable collègue, M. d'Andrimont, et qui est toute récente, doivent être assez positifs pour qu'il puisse dire s'il a réclamé ou reçu l'avis de la députation et, dans l'affirmative, si cet avis est favorable. Il ne peut pas se retrancher dans le silence à cet égard.
Si l'avis a été réclamé par M. le ministre, s'il existe, qu'on le dépose sur le bureau ; tôt ou tard, il faudra bien qu'on s'explique nettement sur ce. point ; et si la position du gouvernement lui paraît actuellement embarrassante, elle ne peut que le devenir davantage par un refus actuel d'explication.
M. Orts. - Je demande la parole, parce que deux mots prononcés par M. le ministre des finances constituent une accusation personnelle contre moi.
M. le ministre des finances a dit que ma proposition était une niche faite à la Chambre, et que cette proposition n'était pas sérieuse.
Je fais au gouvernement l'honneur de le croire sur parole quand il vise une pièce ; si, en faisant cela, je fais une chose qui n'est pas sérieuse, je nv le compliment de M. le ministre des finances à ses collègues, qui n'en seront certes pas flattés.
M. Van Humbeeck. - J'ai demandé la parole en entendant M. le ministre des finances redire jusqu'à trois fois avec une certaine complaisance que nous sommes ici pour faire des choses sérieuses, et qu'il n'y a rien de sérieux dans la discussion actuelle. Je ne trouve, moi, rien de plus sérieux que l'honneur de ceux qui sont au pouvoir ; rien de plus sérieux que de savoir si le pays peut encore compter sur la pratique loyale de ses institutions. Personne ne devrait chercher à étouffer un débat aussi grave.
La pièce visée pas M. le ministre de l'intérieur existe-t-elle ou n'existe-t-elle pas ? Si elle existe, qu'il le déclare bien vite ; qu'il se tire ainsi d'une position mauvaise ; qu'il ose reprocher à un membre de l'opposition de l'avoir accusé injustement, légèrement. Mais si la pièce n'existe pas, alors de deux choses il faut admettre l'une : ou M. le ministre de l'intérieur n'a pas su qu'elle n'existait point, il n'a pas lu assez attentivement son dossier, et dans ce cas il a donné une preuve d'incapacité. (Interruption.)
Oui, messieurs, je le répète, dans ce cas il a fait preuve d'incapacité.
Si, au contraire, il a su que la pièce n'existait pas et qu'il fait néanmoins visée dans un document officiel qu'il signait de sa main, il y a plus que de l'incapacité ; il y a alors une véritable fraude, il y a un faux officiel.
Il est impossible que la lumière ne se fasse pas sur ces choses.
Dans tous les cas, si la pièce n'existe pas, de quelque façon que doive être qualifiée la mention qui en est faite dans un arrêté, une illégalité a été commise, la loi et les règlements d'administration générale exigent, en pareille matière, un avis de la députation permanente.
Nous aurons donc à examiner, en toute hypothèse, si la politique de nos institutions, telle que nous pouvons l'attendre du ministère en fonctions, est réellement sincère et si le pays, en présence de tels faits, peut avoir confiance dans les hommes qui sont au pouvoir.
(page 382) N'écartez donc pas ce débat, messieurs, ou si vous voulez l'écarter, que ce soit par une déclaration franche et loyale. Dites que la pièce existe et que vous la déposerez.
Si vous ne produisiez pas cette pièce et que vous provoquiez une clôture immédiate, vous auriez commis un acte pour lequel je ne chercherai pas de qualification, parce que je ne pourrais pas en trouver d'assez sévère.
M. Bara. - M. le ministre de l'intérieur ne veut pus s'expliquer aujourd'hui, apparemment parce qu'il ne sait pas s'il y a ou s'il n'y a pas d'arrêté.
Remettons la discussion à demain. Demain M. le ministre nous dira si la pièce existe ou si elle n'existe pas et il fera son mea culpa si c'est nécessaire.
M. Vandenpeereboom. - D'après la proposition de l'honorable M. De Lehaye, on passerait à l'ordre du jour. Mais la Chambre est saisie de la proposition de l'honorable M. Orts qui a pour objet le dépôt d'une pièce et sur laquelle il faut voter d'abord, sauf à prononcer ensuite l'ordre du jour.
(page 383) M. De Lehaye. - L'ordre du jour met évidemment un terme à la discussion, mais il ne se prononce pas sur la proposition de l'honorable M. Orts.
Que propose-t-on ? On demande que les explications demandées par l'honorable M. d'Andrimont et d’autres membres soient données lors de la discussion du budget de l'intérieur. Nous demandons qu'après de longs débats sur cet objet, à la fin de notre dernière réunion, nous ne recommencions pas aujourd'hui et que nous rentrions dans la voie ordinaire, c'est-à-dire que les questions se rattachant au budget de l'intérieur soient traitées lors de la discussion de ce budget.
Je demande donc que, conformément au règlement, on vote sur la proposition que j'ai faite, puisque toute proposition d'ordre du jour doit avoir la priorité.
(page 382) M. Braconier. - Je crois que personne ne s'oppose à ce que la discussion soit close provisoirement. Mais comme elle doit recommencer, nous devons être à même de juger les choses et pour cela, nous devons connaître les pièces du dossier.
Il faut qu'un point soit éclairci, la députation permanente de Liège a-t-elle été consultée ? Si elle l'a été, déclarez-le ; si elle ne l'a pas été, l'arrêté ministériel a visé un document qui n'existe pas. La Chambre ne peut pas s'opposer à ce que la lumière se fasse, et ce serait un déni de justice d'empêcher le dépôt de pièces propres à l'éclairer ainsi que le pays ; il faut donc qu'un vote ait lieu sur ce point si M. le ministre persiste à refuser de prendre l'engagement d'effectuer le dépôt.
M. de Rossius. - Messieurs, l'objet de la proposition de l'honorable M. Orts est essentiellement distinct du fond du débat primitif. Nous aurons à examiner, et je consens, pour ma part, à retarder le moment de cet examen, quelle est la valeur et la portée des réponses qui ont été faites par l'honorable M. Kervyn de Lettenhove à l'interpellation qui lui fut adressée, il y a quelque temps, par l'honorable M. d'Andrimont. Mais un incident vient de se produire.
L'honorable M. d'Andrimont a appelé l'attention de la Chambre sur ce fait grave qu'un arrêté ministériel aurait visé un avis de la députation permanente que mon honorable ami prétend ne pas exister. Peu importe pour le moment le dispositif même de cet arrêté.
M. le président. - Vous rentrez dans la question.
M. de Rossius. - Nullement, M. le président ; je m'occupe de la position de la question quand je fais remarquer à la Chambre qu'elle aurait le même intérêt à accueillir la proposition de l'honorable M. Orts si le fait grave signalé par l'honorable M. d'Andrimont et qui a inspiré cette proposition s'était produit à l'occasion de tout autre arrêté ministériel.
Ce serait le devoir de la Chambre de réclamer dès à présent le dépôt de cet avis de la députation permanente dont l'arrêté affirmerait l'existence, tandis que l'existence de cet avis serait contestée dans cette enceinte.
Si le renseignement apporté à cette tribune par l'honorable M. d'Andrimont, qui réclame une vérification, n'est pas erroné, si mon honorable ami n'a pas été induit en erreur, si l'avis n'existe, pas, nous aurons évidemment le droit d'apprécier et de qualifier la conduite de l'honorable M. Kervyn, sans aborder le fond du débat relatif à l'agréation de l'école de M. le chanoine Habets.
Je demande donc que la proposition d'ordre du jour n'absorbe pas la proposition de l'honorable M. Orts sur laquelle la Chambre statuera séparément.
- Voix à droite. - La clôture !
M. le président. - La clôture est de droit puisque personne ne demande plus la parole ; je vais mettre aux voix l'ordre du jour proposé par M. De Lehaye.
- Voix à gauche. - Mais non !
M. le président. - L'ordre du jour a toujours la priorité.
M. Frère-Orban. - II n'y a pas ici de priorité.
M. Van Humbeeck. - Je demande la parole !
- Voix à droite. - Aux voix ! aux voix !
M. Van Humbeeck. - L'observation de M. le président est incontestable en principe ; l'ordre du jour a la priorité. Mais il ne s'agit pas ici d'appliquer cette maxime réglementaire.
Il y a deux propositions bien distinctes : une proposition de dépôt de pièce faite par M. Orts, et une proposition d'ordre du jour sur l'interpellation de M. d'Andrimont. Eh bien, le vote de cet ordre du jour ne peut pas impliquer le rejet de la proposition de M. Orts. Après que la Chambre aura adopté, je suppose, l'ordre du jour, il restera à statuer sur la proposition demandant le dépôt. On peut donc voter sur l'ordre du jour, sauf à statuer ensuite sur la proposition de M. Orts.
M. le président. - Je dois faire remarquer que la proposition d'ordre du jour faite par M. De Lehaye avait pour but d'écarter la proposition de M. Orts. (Non ! Non !) Permettez ; c'est son auteur même qui l'a dit.
- Voix à gauche. - Il a dit le contraire.
(page 383) M. De Lehaye. - Ma proposition n'a pas pour but d'écarter celle de l'honorable M. Orts ; je demande seulement qu'on mette fin au débat actuel, sauf à le reprendre lors de la discussion du budget de l'intérieur. (Interruption.)
Je suis vraiment surpris, messieurs, des clameurs auxquelles mes paroles viennent de donner lieu.
Lorsque le gouvernement fait une déclaration quelconque, et surtout lorsqu'il la fait à l'occasion de son budget, quelle est la conséquence ? C'est que si la réponse du gouvernement ne vous convient pas, vous rejetez le budget. Voilà la marche constitutionnelle, logique et qui a été constamment suivie.
Maintenant, l'honorable M. d'Andrimont y met trop d'insistance, car je suis convaincu que l'honorable membre renouvellera sa proposition lors de la discussion du budget ; et alors l'honorable ministre de l'intérieur donnera les explications qu'il vient de promettre ; il a dit qu'il répondrait alors à l'honorable M. d'Andrimont. Pourquoi ne pas attendre jusque-là ? (Interruption.)
Mais en vérité, je ne comprends pas ces interruptions ; vous me forcez en quelque sorte de le dire : est-ce que par hasard vous vous tenez au courant de ce qui se passe dans les bureaux du ministère ? Est-ce que (page 384) par hasard vous sauriez que la religion du ministre a été surprise ? L'honorable M. d'Andrimont sait-il quels sont les documents qui sont au ministère ?
M. d'Andrimont, je vous ai écouté avec beaucoup de plaisir ; je ne vous ai pas interrompu ; veuillez ne pas m’interrompre ; si ce que je dis ne vous convient pas, vous pouvez demander la parole, M. le président vous l'accordera.
Je disais que la manière dont on traite M. le ministre de l'intérieur nous permettrait de supposer qu'on a certains rapports avec quelques employés du ministère. (Interruption.)
Je dirai toute ma pensée ; je siège dans cette enceinte depuis bien plus longtemps que l'honorable M. d'Andrimont ; tous mes honorables collègues me rendront la justice de reconnaître que j'ai toujours proclamé hautement mon sentiment ; eh bien, depuis quelques jours, des feuilles publiques sont remplies d'accusations dirigées tantôt contre M. le ministre de l'intérieur et tantôt contre M. le ministre des travaux publics. Ces accusations reposent sur des renseignements que l'on peut croire émanés de quelques employés eux-mêmes. (Interruption.) Comment, sans cela, saurait-on ce qui se passe dans un bureau de poste, dans une administration quelconque des travaux publics, si l'on ne tenait pas ces renseignements de certains employés ? Aujourd'hui, vous vous attaquez à l'honorable M. Kervyn ; vous dites qu'il a signé un arrêté qui n'existe pas ; eh bien, je dis, moi, que l'honorable M. Kervyn est trop bien élevé, qu'il a trop le sentiment de ses devoirs, qu'il apprécie trop les exigences de la mission qui lui est confiée, pour avoir signé un arrêté mentionnant un avis qui n'existerait pas.
En présence des paroles de M. d'Andrimont, que je ne révoque pas en doute, j'ai donc lieu de croire qu'il y a certains employés qui se plaisent à susciter des difficultés aux ministres. (Interruption.)
Permettez ; je n'ai pas fini. J'ai lieu de croire qu'il y a dans le ministère quelques employés qui ne sont pas fâchés que le ministre se trouve en défaut pour pouvoir le livrer aux attaques de la Chambre.
Je maintiens mon ordre du jour, avec les explications que j'ai données, et je demande qu'il soit mis aux voix.
(page 382) M. d’Andrimont. - Messieurs, je ne veux pas laisser planer des soupçons sur des innocents ; je répète que la pièce que j'ai citée, je la tiens du greffier de la députation permanente, M. Laloux ; il me l'a fournie, à la demande d'un membre du conseil provincial, M. Capitaine. Voila comment je sais que la députation permanente n'a pas donné d'avis ; je n'ai pas cherché mes renseignements dans les bureaux du ministère de l'intérieur.
(page 384) M. De Lehaye. - Je demande la parole.
M. le président. - Abrégeons.
M. De Lehaye. - L'honorable M. d'Andrimont a bien mal interprété mes paroles ; je n'ai pas même fait allusion à la pièce qu'il a citée ; j'ai dit que l'on pourrait croire - et je n'ai non plus fait allusion à aucun membre de la Chambre- qu'il pourrait se trouver dans les ministères certains employés qui ne négligeraient pas l'occasion d'induire le ministre dans l'erreur.... (Interruption.)
M. Vandenpeereboom. - Je demande la parole.
M. De Lehaye. - Je continue et je dis que dans les ministères il est possible qu'il y ait des hommes malintentionnés, des hommes qui ne sont pas fâchés peut-être de soumettre au gouvernement des pièces qu'ils savent parfaitement bien devoir compromettre certains ministres. Voilà ce que j'ai dit ; je n'ai nullement suspecté la pièce dont a parlé M. d'Andrimont. Je suis convaincu que cette pièce existe.
M. d'Andrimont. - Elle est là.
M. De Lehaye. - Je n'ai pas même fait allusion à cette pièce. (Interruption.)
J'ai fait allusion à des rapports qui me paraissent exister entre les ministères et certaine presse, car il est impossible que des faits qui se passent au ministère, qui sont secrets, soient connus par certaines personnes. Et j'ai ajouté que certains employés malintentionnés pourraient faire signer des actes...
M. Bergé. - Mais c'est tout simplement de la délation !
M. De Lehaye. - Prétendez-vous qu'il n'y ait pas d'employés malintentionnés à l'égard des ministres ? Mais tous les ministères sont composés encore d'employés nommés par les anciens ministres et parmi eux, ne pourrait-il pas s'en trouver qui soient hostiles (interruption) non pas seulement à l'égard de certains membres du cabinet, mais encore à l'égard de certains membres de la majorité actuelle ? Nous qui vous parlons, nous pourrions parfaitement désigner certains hommes, mais nous ne voulons pas compromettre leur position. Il y a des employés, du reste, qui ne cachent pas leurs sentiments ce qui me permet de croire qu'ils ne seraient pas éloignés de nuire au ministère.
(page 382) M. Vandenpeereboom. - Je viens défendre ici d'honorables fonctionnaires et employés qui furent mes collaborateurs et mes amis et qui sont indignement attaqués dans cette enceinte aujourd'hui.
Il se passe en vérité quelque chose d'étrange ; depuis les élections du 2 août dernier, on dirait que le sens politique est perverti, que les ministres et leur majorité ne comprennent ni leur position, ni leur devoir, et que tous les rôles sont changés.
M. de Borchgrave. - Certainement ils sont changés.
M. Vandenpeereboom. - Vous l'oubliez ; M. Kervyn lui-même n'a-t-il pas, dans deux ou trois circonstances déjà, abrité sa responsabilité derrière des fonctionnaires dont la conduite était irréprochable, tantôt derrière un gouverneur, tantôt derrière un de ses directeurs ?
Et aujourd'hui, nous voyons un membre de la majorité accuser en masse des agents du gouvernement.
M. De Lehaye. - Je ne les ai pas accusés.
- Voix nombreuses à gauche. - Si ! si !
M. Vandenpeereboom. - Comment ! n'avez-vous pas, vous, député ministériel, attaqué en masse tous les fonctionnaires du département de l'intérieur ? Eh bien, messieurs, moi, ancien ministre, je viens protester contre ces injustes et inqualifiables accusations, puisque le chef de ce département ne s'est pas levé pour défendre ses collaborateurs et je regrette, pour M. Kervyn, que ce soit un ancien ministre qui soit obligé de prendre ici leur défense.
Tous les écrits, tous les minutes élaborés par les fonctionnaires du ministère, sont parafés par eux.
S'il y a des coupables, M. le ministre, vous pouvez les connaître ; frappez-les. Mais qu'on ne vienne pas ici sans preuves mettre en accusation et chercher à déshonorer, je le répète, des fonctionnaires honorables et qui, dans toutes les circonstances et dans toutes les situations, ont fait preuve de loyauté et de probité administrative, de talent et de dévouement ; qu'on ne vienne pas accuser et que le ministre surtout, qui doit signer les pièces et dont la responsabilité ne peut être mise à couvert, ne s'abrite pas derrière ces fonctionnaires aussi honorables qu'irréprochables.
Je demande pardon à la Chambre si je parle avec une animation qui n'entre pas dans mes habitudes, mais j'éprouve une émotion profonde en voyant que l'on traite d'une manière aussi peu digne, aussi injuste, d'honorables fonctionnaires qui ont toute mon estime, qui méritent la considération générale et dont je m'honore d'être resté l'ami, après en avoir été, pendant six-ans, le chef.
Je proteste donc contre les insinuations, pour ne pas dire les attaques injustes de M. De Lehaye et contre le mutisme inqualifiable de M. le ministre de l'intérieur.
(page 384) M. De Lehaye. - Je n'ai pas accusé tous les fonctionnaires en masse. (Interruption.) Il y a dans les ministères des hommes qui ne partagent pas mes convictions politiques, mais que j'estime infiniment. Animé d'un pareil sentiment, je ne puis évidemment avoir voulu accuser fous 'les fonctionnaires.
Mais j'ai dit qu'en voyant ce qui se passe, nous avions lieu de croire qu'il existe des rapports entre certains fonctionnaires et des membres de la Chambre. Voilà à quoi se bornait mon observation.
Messieurs, si le ministère signe des arrêtés qui contiennent des énonciations inexactes et qui ont été rédigés par des fonctionnaires en qui le ministère a mis sa confiance, que faut-il en conclure ? Ne faut-il pas croire que ces fonctionnaires manquent à leurs devoirs ?
(page 382) M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Messieurs, je regrette infiniment que les fonctionnaires du département de l'intérieur aient été mis en cause. Il y a à peine quelques mois que j'entretiens des relations de tous les jours avec eux. La plupart ont été nommés par des cabinets dont l'opinion politique était opposée à la mienne ; mais dès le jour où j'ai pris possession du ministère de l'intérieur, je leur ai dit à tous que je mettais indistinctement en eux la confiance la plus complète et la plus entière.
(page 373) Vous remarquerez que, ministre nouveau succédant à des ministres d'une opinion différente, en prenant possession du ministère de l'intérieur, je n'y ai pas introduit un seul nouveau fonctionnaire, depuis le surnuméraire jusqu'au rang le plus élevé.
M. Braconier. - Vous en avez envoyé à la garde civique.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - A tous ceux qui ont servi les cabinets précédents, j'ai dit que, mettant de côté toute question politique, je n'avais qu'une seule chose à leur demander : c'était de continuer à remplir leurs fonctions avec la même loyauté administrative, je l'espère et j'y compte.
- Des membres. - Et la pièce ?
M. Bouvier. - Il est regrettable qu'on ne veuille pas nous donner la pièce.
M. le président. - Je vais mettre aux voix l'ordre du jour proposé par M. De Lehaye. (Interruption.)
M. Muller. - J'en demande une nouvelle lecture ; on verra s'il n'est pas exclusif de la proposition de l'honorable M. Orts.
M. le président. - « Attendu que M. le ministre a déclaré qu'il donnera les explications demandées lors de la discussion de son budget, la Chambre passe à l'ordre du jour. »
M. Orts. - Je ne demande pas d'explication.
M. le président. - La Chambre est-elle d'avis de mettre les deux propositions aux voix ? Elles ne sont pas exclusives l'une de l'autre. (Adhésion.)
Je vais mettre aux voix en premier lieu la proposition de M. Orts.
Plusieurs membres. - L'appel nominal !
- La proposition de AL Orts est mise aux voix par appel nominal.
92 membres sont présents.
42 adoptent.
49 rejettent.
1 s'abstient.
En conséquence, la proposition n'est pas adoptée.
Ont voté l'adoption :
MM. Orts, Pirmez, Rogier, Sainctelette, Tesch, Vandenpeereboom, Van Humbeeck, Van Iseghem, Vleminckx, Allard, Anspach, Balisaux, Bara, Berge, Boucquéau, Boulenger, Bouvier, Braconier, Couvreur, d'Andrimont, Dansaert, de Baillet-Latour, de Dorlodot, De Fré, Defuisseaux, Demeur, de Rossius, Descamps, de Vrints, Dupont, Elias, Frère-Orban, Funck, Guillery, Hagemans, Houtart, Jamar, Jottrand, Le Hardy de Beaulieu, Lescarts, Mascart et Muller.
Ont voté le rejet :
MM. Royer de Behr, Santkin, Schollaert, Snoy, Tack, Thienpont, Thonissen, Van Cromphaut, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Outryve d'Ydewalle, Van Overloop, Van Wambeke, Vermeire, Amédée Visart, Wasseige, Wouters, Biebuyck, Coremans, Cornesse, Cruyt, de Borchgrave, de Haerne, de Kerckhove, Delaet, Delcour, De Lehaye, de Moerman d'Harlebeke, de Muelenaere, de Naeyer, de Smet, de Zerezo de Tejada, Drion, Drubbel, Gerrits, Hermant, Jacobs, Janssens, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Kervyn de Volkaersbeke, Landeloos, Lefebvre, Lelièvre, Liénart, Magherman, Moncheur et Vilain XIIU.
M. Brasseur s'est abstenu.
M. Brasseur. - Messieurs, je n'ai pas assisté à une partie de la séance. Je ne connais pas la proposition de M. Orts ; je ne sais pas de quoi il a parlé ; je n'ai pas assisté au débat. En rentrant, j'ai causé avec un de mes collègues et je n'ai pas pu suivre l'objet de la discussion. (Interruption.) Je vous prie de croire, messieurs, que si j'avais assisté à la séance, je voterais sans hésitation aucune ; il n'est pas dans mes habitudes de cacher mes opinions.
Il ne manquerait plus que de devoir voter lorsqu'on n'a pas entendu la discussion. Cette prétention serait vraiment étrange.
M. de Borchgrave. - M. le président, je demande la parole.
M. le président. - Sur quoi ?
M. de Borchgrave. - A propos de l'incident. A propos des rires de la gauche.
M. le président. - M. de Borchgrave, croyez-moi, les deux côtés de la Chambre n'ont rien à se reprocher sous ce rapport.
M. de Borchgrave. - Tout à l'heure lorsque M. Kervyn a voté, toute la gauche s'est mise à rire.
Mais l'année dernière lorsque la Chambre a voté sur une question de confiance, tout le ministère de cette époque a voté affirmativement et s'est ainsi attribué la confiance du pays.
Aujourd'hui M. le ministre de l'intérieur avait simplement demandé l'ajournement jusqu'à la discussion de son budget ; il était donc tout naturel qu'il volât comme il a voté.
M. le président. - Nous passons au vote sur l'ordre du jour : il n'y a pas d'opposition ?
- L'ordre du jour est adopté à l'unanimité.
M. de Rossius. -Nous ne pouvons laisser sans réponse les paroles qui viennent d'être prononcées par l'honorable M. de Borchgrave.
Il résulte du débat que l'honorable AL Kervyn, malgré notre résistance légitime, s'est refusé à prendre l'engagement d'effectuer le dépôt de l'avis de la députation permanente de Liège. L'honorable M. de Borchgrave a donc versé dans une erreur complète quand il a fait dire à l'honorable ministre qu'il a accepté de mettre cette pièce sous les yeux de la Chambre pour la discussion de son budget.
M. le président. - L'ordre du jour est prononcé.
M. de Rossius. - Je pense, M. le président, qu'il importe que les Annales parlementaires reproduisent fidèlement nos débats. Les explications posthumes de l'honorable M. de Borchgrave pourraient induire en erreur sur la portée de la déclaration ministérielle. Mon observation a pour but de lui restituer sa véritable valeur. Les Annales doivent donc constater que M. le ministre de l'intérieur a, contrairement à l'affirmation de l'honorable membre de la majorité, refusé de s'engager à opérer le dépôt par nous sollicité !
- La séance est levée à 5 heures et demie.