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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 21 décembre 1870

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1870-1871)

(Présidence de M. de Naeyer, premier vice-président.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 335) M. Wouters procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. de Borchgrave donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la Chambre

M. Wouters présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Des secrétaires communaux dans le Hainaut demandent que l'avenir des secrétaires communaux soit assuré, que leur traitement soit mis en rapport avec l'importance de leur travail et des services qu'ils rendent aux administrations communales, provinciales et générale. »

M. Van Renynghe. - Je demande le renvoi de cette pétition à la commission des pétitions avec prière de faire un prompt rapport.

- Adopté.


« L'administration communale de Bruges demande le maintien du tracé arrêté, en vertu de la loi de concession, pour la seconde section du chemin de fer d'Ostende à Armentières. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les président et secrétaire d'une société flamande, à Anvers, demandent que, dans les provinces flamandes, la langue française soit remplacée par la langue flamande à tous les degrés de l'enseignement et aux examens. »

- Même renvoi.


« Le sieur Bucan, ancien sous-officier au 2ème chasseurs à pied, milicien de la classe de 1865, demande son exemption définitive du service militaire. »

- Même renvoi.


« Le sieur Dellisse, facteur rural à Eghezée, demande une augmentation de traitement. »

- Même renvoi.


« Le sieur Lemaire demande que le projet de loi établissant une caisse générale de prévoyance des instituteurs primaires contienne des dispositions pour améliorer les pensions déjà liquidées au profit des instituteurs ruraux. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.


« Les membres du conseil communal d'Etterbeek présentent des observations en faveur de la proposition de loi relative à l'instruction primaire obligatoire. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner la proposition de loi.


« Des électeurs du canton de Hal demandent le vote à la commune et le fractionnement du collège électoral en circonscriptions de 80,000 habitants.

« Même demande d'habitants de communes rurales de l'arrondissement de Bruxelles. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi sur la réforme électorale.


« Par deux pétitions, des habitants de Menin proposent des modifications à la loi électorale. »

- Même renvoi.


« Les administrations communales de Roulers, Hooghlede et Clercken demandent l'exécution du chemin de fer de Roulers à Dixmude par Hooghlede. »

M. de Montblanc. - Je demande le renvoi de celle pétition à la commission des pétitions avec prière de faire un prompt rapport.

M. Dumortier. - Je me joins à mon honorable collègue pour qu'un prompt rapport soit fait sur cette pétition, dont personne ne peut méconnaître l'importance.

- Le prompt rapport est ordonné.


M. Van Outryve, retenu par une indisposition, demande un congé.

- Accordé.


M. le président. - Le bureau a été chargé de nommer une commission spéciale pour examiner la proposition de loi de MM. de Baets et Lelièvre ; il a désigné pour faire partie de cette commission : MM. Delcour, Muller, Drubbel, Guillery, Van Wambeke, Demeur et Santkin.

Projet de loi portant érection de la commune d’Aisemont

M. Moncheur. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport sur le projet de loi portant érection de la commune d'Aisemont.

- Impression, distribution et mise du projet à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi ouvrant des crédits provisoires aux budgets des ministères de l’intérieur et des travaux publics

M. Jacobs, ministre des finances. - D'après les ordres du Roi, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre un projet de loi allouant des crédits provisoires aux départements de l'intérieur et des travaux publics pour l'exercice 1871.

Je proposerai à la Chambre de renvoyer ce projet à la section centrale qui a examiné le budget de l'intérieur ; de cette façon, nous pourrions en être saisis dès demain.

M. Muller. - La section centrale du budget de l'intérieur a terminé ses travaux.

M. Jacobs, ministre des finances - On pourrait la constituer en commission spéciale.

M. De Lehaye. - Le rapport sur le budget de l'intérieur sera probablement distribué ce soir ou demain matin au plus tard. La section centrale du budget de l'intérieur a donc, comme l'a fait remarquer M. Muller, terminé ses travaux, mais rien ne doit empêcher, ce me semble, de la constituer en commission spéciale.

M. le président. - On propose de constituer la section centrale du budget de l'intérieur en commission spéciale pour l'examen du projet de crédits provisoires aux départements de l'intérieur et des travaux publics.

- Cette proposition est adoptée.

Motion d’ordre relative à la reprise du matériel de sociétés ferroviaires

M. Frère-Orban.- On a distribué, hier soir, le rapport sur le projet de loi déposé par le gouvernement relativement à la reprise du matériel de la Société générale d'exploitation et de la société des Bassins houillers du Hainaut.

Je suppose que, vu l'importance de ce projet, la Chambre voudra en faire un examen approfondi ; il sera donc nécessaire, à défaut de renseignements dans l'exposé des motifs et dans le rapport de la section centrale, d'obtenir certains documents.

Je demande donc au gouvernement de vouloir bien déposer sur le bureau, (page 336) pour servir à l'examen et à la discussion de ce projet, les documents suivants :

1° Les contrats passés d'une part entre la société des Bassins houillers et la Société générale d'exploitation et d'autre part les compagnies des chemins de fer qui ont affermé leurs lignes et leur matériel à l'une de ces sociétés ;

2° Les statuts des compagnies de chemins de fer et les modifications apportées à ces statuts en tant que ces dispositions et modifications déterminent les droits des obligataires de ces chemins de fer ;

3° Les actes de ratification ou d'approbation par les compagnies intéressées, de la convention du 25 avril 1870 ;

4° Les inventaires du matériel qui ont servi de base au projet primitif ayant pour objet le payement de ce matériel ;

5° Les inventaires partiels qui ont servi de base au projet amendé ;

6° La correspondance échangée :

A. Entre le département des travaux publics et la grande Compagnie du Luxembourg au sujet du droit d'option de cette dernière, quant au réseau franco-belge concédé à la Société générale d'exploitation sous réserve des droits de la Compagnie du Luxembourg ;

B. Les correspondances échangées sur le même objet entre M. le ministre des affaires étrangères et des tiers intéressés ou ceux qui agissaient en leur nom et dans leur intérêt.

Tous ces documents me paraissent indispensables pour pouvoir bien apprécier le projet de loi soumis aux délibérations de la Chambre.

Je pense qu'on ne fera aucune difficulté ù consentir au dépôt de ces pièces.

M. Jacobs, ministre des finances. - Messieurs, je ne refuse pas de livrer à la Chambre tous les documents qui pourront lui être utiles dans l'appréciation d'un projet de loi qui lui est soumis, mais je crains que la production de la longue énumération des pièces que nous demande l'honorable député de Liège n'ait d'autre but que d'ajourner la discussion du projet de reprise du matériel à une époque peut-être très éloignée. On nous demande des pièces, des renseignements que tout le monde possède, tels, par exemple, que les statuts des compagnies anonymes. Le recueil publié par notre honorable collègue, M. Demeur, donne, depuis le premier jour où l'on a établi une société anonyme en Belgique jusqu'aujourd'hui, l'énumération exacte de tous les statuts ainsi que de toutes les modifications qui y ont été apportées.

D'autre part, on nous demande des documents qu'il nous paraît impossible de remettre à la Chambre, notamment la correspondance que le ministre des affaires étrangères peut avoir échangée avec des tiers intéressés par rapport à la situation des obligataires ; c'est là une correspondance purement administrative qui ne concerne pas le projet de loi actuel et qui n'est pas destinée à la publicité.

Certainement la Chambre peut ordonner le dépôt sur son bureau de toutes les pièces qui se trouvent dans les ministères, mais la Chambre doit user de ce droit avec sagesse, et, par ce temps de dépôts de pièces de toutes espèces qui court depuis que nous sommes au pouvoir, la Chambre abuserait quelque peu de son droit en demandant le dépôt de correspondances de ce genre.

Il y a d'autres pièces qu'il me paraît bon et utile et que je suis prêt à communiquer à la Chambre : ce sont, dans la mesure de ce qu'il me sera possible de me procurer, les contrats passés entre les compagnies des Bassins houillers ou la Compagnie d'exploitation et les autres sociétés intéressées. Il y a des contrats de ce genre imprimés dans les Annales des chemins de fer, dont l'honorable M. Brasseur tient un exemplaire.

Je ne refuse pas de réunir tous les documents qui se trouvent dans les ministères des travaux publics, des affaires étrangères et des finances dans l'ordre d'idées que j'ai indiqué.

Quant aux actes de ratification des différentes sociétés, je demanderai à mon honorable collègue des travaux publics s'il voit quelque difficulté à leur dépôt. Si je ne me trompe, toutes les ratifications ont été données jusqu'à présent, sauf une seule, celle de la compagnie du chemin de fer de Jonction de l'Est qui dépend en grande partie de la compagnie du Nord français dont l'administration est bloquée dans Paris ; d'ailleurs, pour cette société il y a un contrat et des précautions spéciales prises.

Quant aux inventaires des matériels, je suis prêt à remettre les différents inventaires dressés antérieurement à la cession.

La Chambre sait par une des annexes au rapport de la section centrale qu'il y a quatre compagnies primitives : le Centre, le Flénu, la Jonction de l'Est et le Hainaut-Flandre qui ont du matériel, et quoique cet élément ait disparu de la convention, je suis prêt à communiquer ces inventaires à la Chambre.

Quant à l'inventaire de la compagnie des Bassins houillers, la Chambre sait que c'est à partir du 1er décembre qu'il devait commencer ; il est plus ou moins avancé aujourd'hui.

Plusieurs des membres des commissions tant de l'Etat que des Bassins houillers ont été indisposés, si bien qu'il est assez vraisemblable qu'avant deux ou trois mois, cet inventaire ne sera pas complètement achevé.

Quant à la correspondance avec la grande Compagnie du Luxembourg au sujet du réseau Forcade, mon honorable collègue des travaux publics ne verra pas d'obstacle de communiquer ce document à la Chambre.

Nous sommes disposés à communiquer un très grand nombre de renseignements, mais il me semble qu'il y a une limite à tout et que ce serait exagérer en quelque sorte les demandes de communication qu'on ferait au gouvernement que d'aller lui demander la correspondance particulière entre certains obligataires et le département des affaires étrangères.

Ces obligataires, s'ils y sont intéressés, rendront cette correspondance publique ; s'ils croient, au contraire, qu'elle a un caractère confidentiel, il est difficile au gouvernement d'en donner communication à la Chambre.

Du reste, je crois qu'elle ne présente pas un grand intérêt au point de vue de la discussion actuelle. La correspondance entre des obligataires qui se plaignent et le gouvernement qui leur répond ne serait pas de nature à éclaircir beaucoup la situation, en présence des nombreux avocats que les intéressés peuvent avoir dans le pays, dans la presse et dans cette Chambre.

M. Tesch. - Messieurs, d'après ce que vient de dire M. le ministre des finances, la Chambre devrait voter le projet de loi sans avoir vu ni inventaire, ni expertise.

Quant à moi, je m'y opposerai formellement et je protesterai contre toute discussion dans cette Chambre qui s'ouvrirait sans communication des inventaires et des expertises. J'entends, pour mon compte, exercer un contrôle sérieux, examiner les expertises et les critiquer, le cas échéant.

Comment ! on voudrait nous forcer à voter un projet de loi de cette importance sans nous communiquer aucune pièce ? Mais cela n'est pas sérieux ; ce n'est pas de cette manière qu'on dispose des fonds de l'Etat et, dès maintenant, je proteste contre une pareille prétention.

M. Frère-Orban.- Messieurs, l'honorable ministre des finances a supposé, bien à tort, que je faisais une demande de communication de pièces pour retarder indéfiniment l'examen du projet de loi qui est soumis a vos délibérations. Je proteste contre pareille supposition.

Il me semblait qu'au moment où la Chambre doit se séparer pour prendre ses vacances habituelles de Noël et de nouvel an, personne ne pouvait avoir l'idée de vouloir faire discuter hic et nunc, sans examen, sans aucune communication de pièces, un projet de loi d'une pareille importance ; j'ai pensé que ce serait à la rentrée qu'on examinerait le projet et, par conséquent, j'ai fait cette motion dès aujourd'hui, afin qu'aucun retard ne soit apporté à la discussion. Je ne demande rien d'ailleurs qui ne soit très régulier et tout à fait conforme aux droits de la Chambre.

L'honorable ministre des finances a reconnu qu'il n'y avait aucune difficulté à déposer les contrats passés entre les compagnies de chemins de fer, les Bassins houillers et la Compagnie générale d'exploitation. Cela est élémentaire du reste ; il faut bien que nous sachions ce que nous faisons.

Remarquez, messieurs, quel est l'objet du projet. Il intéresse le gouvernement, il intéresse la Société des Bassins houillers, la Compagnie générale d'exploitation et des tiers et il s'agit de savoir si peut-être la propriété des uns ne va pas passer en d'autres mains et si nous avons le pouvoir, en tous cas s'il y a raison de le décider ainsi.

Voilà donc une grave question, une des plus graves qui puissent être soumises aux discussions de la Chambre ; il s'agit des droits privés et de propriétés qui peuvent appartenir à des tiers. Nous demandons à connaître les titres sur lesquels on se fonde. Sur ce point, nous sommes d'accord.

J'ai demandé encore le dépôt d'un second document, c'est l'extrait des statuts des compagnies et des modifications apportées à ces statuts, en tant que cela intéresse les obligataires.

Je sais parfaitement bien que chacun de vous aurait pu prendre le recueil imprimé dont a parlé M. le ministre des finances et se charger lui-même de faire un long travail pour rechercher, dans ces statuts, tout ce qui est relatif aux obligataires, et toutes les modifications qui y ont été apportées. Mais il m'a paru convenable que le gouvernement fit un pareil travail au moment où l'on demandait le vote d'un pareil projet. Nous ne sommes pas assurés que tout ce qui a été fait a été publié, que cela est complet. Il importe que le gouvernement, sous sa responsabilité et dans une circonstance, je le répète, où il s'agit des droits des tiers, donne à la Chambre tous les éclaircissements qui sont à sa disposition.

(page 337) En troisième lieu, je demande le dépôt des ratifications et approbations par les compagnies intéressées de la convention du 25 avril. Cela a une grande importance également pour l'appréciation du projet. Qu'est-ce qui a été approuvé ? Qu'a-t-on autorisé à faire ? C'est ce que nous ne savons pas encore a l'heure qu'il est. On ne peut se refuser encore a communiquer ces pièces.

Les inventaires de matériel qui ont servi de base au projet primitif ayant pour objet le payement de ce matériel. Messieurs, il s'est passé ici quelque chose de bien extraordinaire. L'exposé des motifs de la convention du 25 avril porte que le matériel est estimé à 18 millions de francs. Je ne prétends pas que ce soit un chiffre fixe, irrévocable. C'était une estimation. Comment cette estimation avait-elle été faite ? Voici ce qui m'a été rapporté : Les inventaires de la compagnie portaient, si ma mémoire est fidèle, ce matériel à 22 millions de francs. Les agents du département des travaux publics ont pensé qu'un matériel qui figurait aux inventaires de ces sociétés, pour une somme de 22 millions, ne serait pas évalué par l'expertise à une somme supérieure à 18 millions et ce chiffre a été écrit dans l'exposé des motifs. Mais, comme une expertise ultérieure devait être faite, il n'y avait aucun inconvénient à mentionner ce chiffre.

Arrive le projet de loi qui demande pour le gouvernement l'autorisation de payer ce matériel en obligations 4 1/2 p. c. sur le pied de 26 millions de francs.

Je demande sur quel inventaire on s'est basé pour déterminer ce chiffre indiqué, dans l'exposé des motifs du projet de loi, comme valeur supposée du matériel.

Il est clair qu'on a dû se fonder sur une pièce quelconque pour faire cette estimation.

Le gouvernement n'a pu venir dire : Je demande à payer 26 millions, sans qu'il y ait un document qui rende ce chiffre au moins vraisemblable. Il y a un inventaire ; je demande cet inventaire.

Messieurs, chose non moins extraordinaire, le projet déposé est examiné dans les sections. Il y soulève paraît-il (je n'ai pas assisté au travail des sections), une opposition des plus vives, même parmi les membres de la majorité.

Ceux qui ont certaine connaissance de cette affaire font remarquer que ce matériel pourrait bien être la propriété des compagnies qui ont affermé les chemins de fer, qu'il pourrait être le gage des obligataires, qu'on ne pouvait en disposer ; et sur ce, vu cette opposition, on confesse que cette opposition pourrait bien être fondée et l'on arrive avec un projet de loi amendé, qui n'est rien moins que la condamnation du projet primitif. On fait deux parts du matériel, l'une, dit-on, du matériel qui a été repris des anciennes compagnies, l'autre du matériel qui a été fourni par la compagnie des Bassins houillers.

Mais encore une fois, comment a-t-on déterminé ces droits respectifs, si ces droits existent ?

Je demande cet inventaire spécial. Je demande sur quel document on s'est appuyé pour établir cette distinction ; quels sont les titres de propriété qui ont été produits.

Il est impossible que l'on refuse à la Chambre la communication de ces actes, et nous verrons, en les combinant avec les baux, avec les contrats d'affermage et avec les statuts, si le matériel qui a été fourni ultérieurement par la Compagnie des Bassins houillers ou la Société d'exploitation ne continue pas, dans toutes ses parties, sans distinction aucune, à servir de garantie aux sociétés qui ont affermé les chemins de fer et, par voie de conséquence, aux obligataires.

Ainsi, je fais bien comprendre l'objet particulier de chacune des pièces dont je réclame la communication.

Je demande en sixième lieu la correspondance échangée entre le département des travaux publics et la compagnie du Grand-Luxembourg au sujet du droit d'option qui appartient à celle-ci, quant au réseau franco-belge et la correspondance entre M. le ministre des affaires étrangères et les tiers intéressés, non pas les obligataires, j'ai été mal compris sous ce rapport par l'honorable ministre des finances, mais les tiers intéressés dans l'affaire du réseau franco-belge, je vais dire pourquoi j'ai demandé le dépôt de tous ces actes. Le commencement appartient à notre administration.

La première lettre de cette correspondance est, si je ne me trompe, du 28 mai 1870. C'est à cette époque que la déchéance de la compagnie franco-belge a été prononcée et que la notification a été faite à la compagnie du Grand-Luxembourg, tant de cette déchéance que du contrat nouveau intervenu entre le gouvernement et la Société générale d'exploitation.

Cette correspondance a été suivie de divers actes et poursuivie encore par nos successeurs.

Je tiens à dire ce qu'elle était au moment où nous avons quitté les affaires et ce qui est arrivé depuis.

Je veux établir l'ensemble des actes posés par le gouvernement a l'égard de la Société générale d'exploitation, soit pour l'exonérer de certaines charges qu'elle avait acceptées contractuellement, soit pour lui faire certaines faveurs résultant ou du projet de loi déposé ou d'actes du gouvernement que nous avons le devoir d'apprécier.

Voilà pourquoi je demande le dépôt de ces documents qui sont officiels,, qui n'ont rien de confidentiel, que beaucoup de personnes connaissent et que la Chambre surtout a le droit de connaître.

M. Jacobs, ministre des finances. - Messieurs, je ne connais pas les derniers documents auxquels l'honorable M. Frère-Orban vient de faire allusion. Je m'en enquerrai auprès de mon honorable collègue des affaires étrangères et, s'ils sont de nature à être communiqués à la Chambre, il n'y a pas de doute que la communication aura lieu.

Mais il me semble que l'on veut ajourner cette discussion précisément parce qu'on lui donne un caractère qu'elle ne doit pas avoir. On dit : Nous voulons discuter l'ensemble des actes du gouvernement dans ses rapports avec la société des Bassins houillers.

Le gouvernement ne recule pas devant cette discussion générale, mais ces grands projets ne sont pas une raison pour ne pas aborder l'examen d'un point isolé qui, d'après son texte même, est de nature à être discuté immédiatement.

Il s'agit exclusivement dans le projet de loi du point de savoir laquelle des deux alternatives données par la convention du 25 avril sera choisie par le gouvernement.

Le matériel appartenant à la Compagnie peut être payé au comptant ou par annuités de 4 et demi p. c. pendant soixante et dix ans. C'est à la demande du gouvernement (je dois le croire, car il y a peu de correspondances au dossier) que celle stipulation a été introduite, car, à l'origine, le payement devait avoir lieu par annuités. Si l'on a donné cette option au gouvernement entre le payement comptant et les annuités, c'est parce que l'ancien gouvernement l'a demandé.

Ne parlons donc pas tant des intérêts des obligataires en cette matière. Le gouvernement précédent a admis le payement comptant.

Il y est autorisé par l'article 10 de la convention ; le pouvoir exécutif peut le faire ; la Chambre l'a autorisé d'avance ; en ces matières nous n'avons à nous guider que d'après l'intérêt du trésor ; or, à cet égard, nous avons pensé que la bonification accordée au trésor plaide en faveur du projet de loi.

Voilà la question que soulève le projet ; les intérêts des obligataires, qui n'ont pas fourni le thème d'un seul discours dans la discussion de la convention-mère, n'ont pas à intervenir ici ; il s'agit uniquement de savoir si l'on peut payer au comptant un matériel que la compagnie des Bassins houillers et la Société générale d'exploitation ont créé au moyen de leur capital ; car la compagnie des Bassins houillers n'a pas une seule obligation.

L'argent consacré à l'acquisition de ce matériel n'est pas l'argent d'obligataires, mais l'argent des actionnaires.

Je comprends qu'on nous demande les inventaires de reprise des matériels des anciennes compagnies, des quatre compagnies qui avaient du matériel antérieurement et je suis prêt à les déposer, mais peut-on trouver étrange que nous proposions de régler, même par à-compte, le matériel appartenant aux Bassins houillers avant que l'inventaire soit terminé ?

M. Tesch. - Il n'y a rien qui presse.

M. Jacobs, ministre des finances. - Comment ! rien ne presse ; nous prenons possession au 1er janvier.

M. Boucquéau. - Qu'on paye la rente pendant un an.

M. Jacobs, ministre des finances. - Quand on prend le bien des gens, il est tout simple de les payer.

Je comprends que l'inventaire n'étant pas achevé on ne paye pas l'intégralité, mais en ces matières il y a des marges qu'on ne dépassera pas, et lorsque je proposais 20 millions sur 29 et lorsque je propose aujourd'hui 13 millions sur 18, il est certain que malgré les défalcations possibles nous ne serons pas en avance quand nous aurons payé l'à-compte.

La Chambre pourra se convaincre par l'examen des inventaires des Bassins houillers que son matériel est évalué à 26 millions de francs et non pas à 18 millions ; je ne sais où l'on a puisé ce chiffre. La Société a été aussi surprise que personne de le voir produire, ayant toujours indiqué (page 338) d'après ses inventaires le chiffre de 26 millions ; il y a eu malentendu, je le veux bien ; mais les inventaires démontreront que le chiffre de 18 millions n'a jamais été en corrélation avec les inventaires.

Je ne refuse pas non plus de communiquer à la Chambre les inventaires généraux de la société des Bassins houillers, mais il me paraît exorbitant de vouloir ajourner le projet qui ne décide pas le chiffre qu'il y aura à payer. L'inventaire se poursuit, il se terminera petit à petit et l'on établira alors le solde a payer. (Interruption.)

Mais devant les tribunaux à tout instant nous voyons des condamnations provisionnelles devancer les condamnations définitives. Eh bien, ici, il ne s'agit que de payer un à-compte, et dans ces conditions, la Chambre ne compromet rien en autorisant le ministre à payer un à-compte inférieur à la somme due.

Quant aux droits des obligataires, si l'on veut les discuter dès à présent, je suis prêt à soutenir cette discussion et j'y serai aidé, j'en suis sûr, par les signataires de la convention du 25 avril.

Dans ces conditions, messieurs, je ne refuse pas de communiquer à la Chambre dès demain tous les documents que je serai à même de lui fournir, mais j'insiste pour qu'elle ne remette pas la discussion du projet de loi. Si plus tard on veut discuter l'ensemble de nos actes, nous reviendrons sur ces points, mais ce serait jeter de la confusion dans le débat que de vouloir tout traiter à propos du projet de loi actuel.

M. Frère-Orban. – Messieurs, je m'étonne que l'honorable ministre des finances vienne dire à la Chambre que ce qui regarde les tiers en cette affaire est tout à fait indifférent, tout à fait en dehors de la question et qu'au surplus les signataires de la convention du 25 avril s'étant réservé l'option de payer l'annuité ou de payer le matériel, la question est jugée !

On n'a pas à s'occuper des droits des tiers ! J'avoue que je reste confondu devant une pareille énormité.

Le gouvernement stipule qu'il a l'option soit de payer l'annuité, soit de payer le capital et l'on en déduit qu'il n'y a rien à faire et qu'il faut payer le capital ? Comment ! il n'y a rien à examiner ? M. le ministre des finances va jusqu'à dire : J'aurais pu payer le capital. Quoi ! sans crédits, sans allocation législative ! En vérité c'est trop fort.

L'Etat a l'option de payer soit l'annuité, soit le capital. Pour l'annuité, point de difficultés ; pour le capital, il s'agit de savoir si l'on peut valablement le remettre au sous-bailleur. Voilà la question et c'est parce que cette question était soulevée qu'elle n'est point résolue par le contrat. Etait-il donc si difficile de se prononcer sur le point de savoir s'il fallait payer le capital, à ne considérer que le résultat financier pour le trésor ? Il n'y avait pas de difficultés à cet égard, il est certain qu'il pouvait y avoir intérêt pour l'Etat, selon les circonstances, à éteindre le capital plutôt que de payer l'annuité, et si par une stipulation expresse, le gouvernement s'est réservé le choix ou de payer l'annuité ou de payer le capital, c'est précisément parce qu'il n'a pas cessé de se préoccuper et qu'il avait pour devoir de ne pas cesser de se préoccuper des droits des tiers.

La stipulation d'une option ne compromettait rien.

Si l'on vérifiait ultérieurement que la compagnie des Bassins houillers et la Société générale d'exploitation avaient qualité pour vendre ou disposer du matériel, les droits des tiers ne pouvant être compromis, il restait à décider ce que l'intérêt de l'Etat lui commandait de faire.

La question est donc parfaitement entière ; elle est intacte.

On consent à donner la plupart des documents que j'ai demandés, mais il en est deux cependant que M. le ministre des finances déclare ne pouvoir communiquer maintenant à la Chambre. Que M. le ministre des finances me permette de le dire, il fait ici une équivoque.

Qu'on l'appelle comme on le voudra, inventaire ou autrement, peu importe ; il y a une pièce, un document quelconque qui a servi de base au projet de loi qui a été déposé ; sinon comment aurait-on indiqué le chiffre de 26 millions comme valeur du matériel ?

M. le ministre des finances nous répond : Les inventaires ne sont pas faits ; ils se font en ce moment ; nous verrons plus tard. Mais il suffirait qu'il en soit ainsi pour que la Chambre ne puisse discuter le projet de loi.

- Une voix à gauche. - C'est évident.

M. Frère-Orban. - Je ne demande pas, toutefois maintenant, l'expertise qui se fait en ce moment. Donc, point d'équivoque. Je parle des documents qui ont autorisé le gouvernement à évaluer le matériel à 26 millions de francs. Y a-t-il quelque difficulté à les déposer ? Je ne le pense pas.

Ensuite, on a fait un amendement au projet de loi, amendement qui, par parenthèse, si mes renseignements sont exacts, est arrivé hier à la section centrale convoquée d'urgence à 11 heures, qui en a délibéré sur-le-champ, et sur lequel un rapport a été fait sans retard et distribué dans la soirée.

Cet amendement, messieurs, a pour base une indication de titres de propriété. On fait deux parts du matériel : l'une qu'on dit appartenir aux anciennes sociétés et qu'elles ont donnée à ferme ; l'autre qui a été livrée par la compagnie des Bassins houillers et qui a été acquise de son propre argent.

Je désire connaître les documents, inventaires ou autres pièces qui justifient cette distinction et déterminent la valeur que l'on attribue au matériel que l'on veut payer.

Et comment de pareilles communications pourraient-elles être refusées à la Chambre sous le prétexte encore répété par M. le ministre des finances, que l'on fait les inventaires et les expertises en ce moment ? Point d'équivoque. Nous demandons la justification de votre amendement.

M. le ministre des finances consent à publier toute la correspondance relative au droit d'option de la Compagnie du Luxembourg quant au réseau franco-belge.

Il ne fait de réserves qu'en ce qui touche la correspondance échangée entre M. le ministre des affaires étrangères et des tiers intéressés. Je n'ai rien à objecter contre ces réserves ; M. le ministre des affaires étrangères n'étant pas à son banc ne peut pas se prononcer.

Je ferai cependant observer qu'il s'agit ici d'une correspondance officielle ayant directement le même objet que l'autre, étant une conséquence de la correspondance engagée avec le département des travaux publics au sujet du droit d'option de la Compagnie du Luxembourg.

Mais M. le ministre des finances semble croire, il s'imagine que j'ai annoncé que je vais examiner dans son ensemble la politique financière du gouvernement à propos de ce projet de loi. Qu'il se détrompe complètement ; j'ai bien précisé ce que j'avais l'intention de faire et j'ai dit loyalement que si je demandais cette correspondance c'est pour montrer la série d'actes qui tendent, d'une part, à exonérer la Compagnie générale d'exploitation des engagements qu'elle a vis-à-vis de l'Etat et, d'autre part, à lui accorder des faveurs qui ne lui sont pas dues.

M. Jamar. - Je n'ai que quelques mots à ajouter aux observations que vient de donner mon honorable ami M. Frère-Orban. Je tiens seulement à rectifier dès maintenant une assertion de M. le ministre des finances.

Il a déclaré que le chiffre de 18 millions qui se trouve dans l'exposé des motifs du projet de loi approuvant la convention du 25 avril, était le résultat d'un malentendu.

J'avoue que cette assertion m'a fort étonné.

il suffisait à M. le ministre des finances de faire appel aux souvenirs des fonctionnaires supérieurs du département des travaux publics qui ont été chargés des négociations qui ont précédé la convention, pour être fixé sur ce point.

Je suis convaincu qu'à cet égard leurs souvenirs seront aussi précis que les miens.

J'affirme que le chiffre de 18 millions indiqué par l'exposé des motifs nous a été donné par les négociateurs de la Société générale d'exploitation et de la Société des chemins de fer des Bassins houillers du Hainaut.

J'ajoute qu'il y avait d'autant moins de doute à cet égard dans notre esprit, que ce chiffre était corroboré par les inventaires qui nous ont été remis et qui, comme le disait tout à l'heure mon honorable ami, M. Frère-Orban, s'élevaient à 22 millions.

Or, les fonctionnaires chargés d'examiner ces inventaires étaient d'accord pour déclarer qu'une réduction de 4 millions pour l'usure que le matériel avait subie depuis la confection des inventaires, était loin d'être exagéré.

Du reste, ce chiffre de 18 millions n'a donné lieu, ni de la part de la Société des chemins de fer des Bassins houillers du Hainaut ni de la part de la Société d'exploitation, à aucune observation, si ce n'est aujourd'hui, pour les besoins de la cause, probablement.

M. Liénart.- Si j'interviens dans ce débat, c'est uniquement comme rapporteur de la section centrale et pour la défendre du reproche de précipitation que l'honorable M. Frère semble avoir voulu nous adresser. Il vous a laissé entendre, en effet, que la section centrale se serait ralliée incontinent et séance tenante, à une proposition qui serait arrivée sur l'heure.

M. Frère-Orban. - Je n'ai pas dit cela.

M. Liénart. - Si telle n'est pas votre intention, je devais à la section et à moi-même de relever vos paroles pour en préciser le sens.

(page 339) Nous n'avons pas agi avec précipitation. Nous avons examiné mûrement, avec réflexion, toutes les questions de droit et d'équité engagées dans ce débat.

Nous avons fait plus ; nous avons examiné aussi la convention du 25 avril, au point de vue des obligataires, auxquels vous portez un intérêt bien tardif.

Après avoir examiné ces différentes questions et sans rien préjuger, la section a été heureuse de donner son adhésion à un amendement qui place les intérêts des obligataires en dehors du projet de loi. Pour le prouver d'une façon plus complète, je devrais empiéter sur le fond du projet. Je ne veux pas le faire.

Je vois une chose : je m'en étais douté. La discussion passera au-dessus du projet qui nous est soumis, et vous saisirez l'intérêt des obligataires comme une arme politique.

Eh bien, nous acceptons ce terrain choisi pour vous et nous prouverons alors que vous n'avez pas eu toujours pour les obligataires la sollicitude que vous leur témoignez bruyamment aujourd'hui ; nous prouverons que, si un préjudice quelconque a été porté à leurs intérêts, il l'a été par la convention du 25 avril, qui est votre œuvre.

Le projet qui est soumis à votre délibération exécute la partie relativement la moins importante de ce contrat. La rente que nous proposons de capitaliser est relativement faible en présence de la grosse rente de 7 jusqu'à 15 mille francs par kilomètre dont vous avez, par votre convention du 25 avril, facilité la cession. Il était en votre pouvoir d'assurer les droits des tiers si vous en aviez eu la préoccupation. Vous ne l'avez pas fait, vous avez fait le contraire, nous vous le prouverons.

C'est tout ce que j'avais à dire. J'attendrai la discussion du projet pour venger plus complètement la section centrale du reproche de précipitation qu'on lui a adressé bien injustement.

M. Jacobs, ministre des finances. - Messieurs, je croyais m'être fait comprendre. J'ai promis à la Chambre, en répondant à l'honorable M. Frère, de lui communiquer et les inventaires faits lors de la reprise du matériel des diverses sociétés particulières par la société mère, la société des Bassins houillers, et l'inventaire même de cette dernière société, celui sur lequel est basée l'estimation de 26 millions de matériel. Si je ne me suis pas fait comprendre alors, j'y réussirai mieux maintenant.

La Chambre aura ces documents. (Interruption.)

La Chambre verra d'après les chiffres mêmes de ces inventaires, que, si un chiffre de 22 millions a été aperçu au mois d'avril, ce chiffre n'était pas complet.

Quand j'ai eu à m'expliquer pour la première fois avec les négociateurs qui ont été aux prises avec l'honorable M. Jamar pour conclure la convention du 25 avril, ils ont protesté immédiatement contre ce chiffre de 18 millions, déclarant qu'ils ne l'avaient jamais donné et que les inventaires qu'ils produisaient s'en écartaient notablement.

Le droit de gage dont on a parlé, et qui appartiendrait aux obligataires, doit disparaître de cette discussion.

En droit, personne ne peut soutenir qu'un obligataire ait un droit de gage, un privilège, une hypothèque, ni rien de semblable.

La section centrale n'a, pas plus que le gouvernement, admis que cela fût soutenable.

M. Bara. - Il y a autre chose que le gage.

M. Jacobs, ministre des finances. - Soit ; ne parlons donc pas de gage.

Eh bien, la section centrale a tenu compte des considérations d'équité qui peuvent militer en faveur des obligataires. J'ai été l'interprète de ces sentiments ainsi que de ceux de l'administration des Bassins houillers, en réduisant la convention aux limites où elle est ramenée aujourd'hui.

Dans ces limites, il me paraît que la Chambre peut l'accepter sans longues délibérations, sur le vu des inventaires que je produirai. Ecarter la discussion et la remettre à longue échéance, jusqu'au moment où tous les inventaires seront terminés, ne servirait qu'à rendre un mauvais service à la compagnie, sans intérêt pour la chose publique.

Dans ces conditions, il me paraît qu'en vue de la production des pièces que je promets à la Chambre, l'examen pourrait ne pas être ajourné.

M. Frère-Orban. - Je demande la parole.

M. le président. M. Frère-Orban demande la parole pour la quatrième fois. Je la lui accorderai, si la Chambre ne s'y oppose pas.

M. Frère-Orban. - Je ne puis m'imposer à la Chambre. Je m'adresse à sa justice. Je suis personnellement en cause.

L'honorable rapporteur de la section centrale vient de me répondre ; je crois devoir lui donner une explication ; je pourrais à la rigueur demander la parole pour un fait personnel. Je serai, du reste, très bref. L'honorable rapporteur de la section centrale a prétendu que j'avais dit que la section centrale, dont il est le rapporteur, avait adopté en aveugle la proposition du gouvernement.

Je n'ai rien dit de semblable. Je proteste contre une pareille supposition. Je suis convaincu, au contraire, que la section centrale a examiné.

M. Liénart. - C'est cette déclaration que j'ai voulu vous arracher.

M. Frère-Orban. - Vous vouliez m'arracher ! Qu'est-ce que cela signifie ?

Vous n'avez rien à m'arracher. Je me borne à protester contre une allégation inexacte que vous avez produite.

J'ai dit que d'après les renseignements qui m'avaient été donnés, la section centrale avait été convoquée hier d'urgence à 11 heures du matin ; qu'elle avait reçu communication de la proposition ; qu'elle l'avait examinée et que le rapport avait été distribué le soir même.

M. Liénart. - Précipitamment.

M. Bouvier. - N'est-ce pas là de la précipitation. ?

M. Frère-Orban. - Est-ce moi qui suis cause de cette précipitation ? A 6 heures du soir, le rapport était imprimé.

C'est ainsi qu'on a fait ; eh bien, il me semble que l'on a été un peu vite pour un projet de cette importance.

Maintenant, vous avez examiné très bien, très complètement, je le reconnais, je le constate.

M. Liénart. - La proposition était en discussion avant la séance de mardi.

M. Frère-Orban.-Je n'ai vu nulle mention du fait ; mais je ne vous incrimine pas ; vous avez parfaitement examiné...

M. Liénart. - Avant la séance de mardi...

M. Frère-Orban. - Soit, avant la séance de mardi ; mais nous ne sommes pas assez éclairés. L'honorable rapporteur saisit cette occasion pour m'annoncer que les droits des obligataires, s'ils ont été sacrifiés, l'ont été par la convention du 25 avril ; il annonce que la discussion ira au delà du projet de loi, que c'est la convention du 25 avril qui sera discutée.

Nous ne reculerons pas devant la discussion de la convention du 25 avril ; nous vous prouverons alors que toutes les stipulations ont été faites dans le but de ne pas léser les droits des tiers. Le gouvernement n'avait pas à stipuler pour les obligataires, mais il n'avait pas à faire dans un contrat des dispositions au profit de tiers qui pouvaient préjudicier à d'autres. Et cela il ne l'a pas fait ; et je démontrerai qui l'a fait.

Les obligataires ont été heureux de la convention du 25 avril ; il suffit de voir le cours des obligations immédiatement après le vote de la convention, convention, d'ailleurs, qui avait été acceptée par la grande majorité de cette Chambre ; les parties qui avaient traité avec le gouvernement étaient assez étonnées et pas fort réjouies de voir cette hausse des obligations. (Interruption.)

Je vous expliquerai tout cela ; je vous montrerai ce qui pouvait être fait, ce qui devait être fait ; je vous montrerai que pas un seul instant des droits respectables n'ont été méconnus ; mais je montrerai ce qui a été fait depuis avec légèreté et sans nécessité ; oui,, je le dis d'avance : le projet qui est injustifiable est complètement inutile ; j'espère vous en faire, une démonstration qui ne souffrira aucune réplique.

Je ne veux pas écarter indéfiniment la discussion du projet ; je me borne à demander l'ajournement de la discussion à la rentrée après les vacances.

M. Liénart. - Lorsque M. Frère-Orban a pris la parole pour la première fois, j'ai cru comprendre, et beaucoup de mes collègues partagent sans doute mon impression, à la façon dont il avait parlé du travail de la section centrale, qu'il avait l'intention de critiquer la précipitation avec laquelle la section centrale aurait donné son adhésion à une proposition présentée séance tenante.

M. Frère-Orban dit que telle n'était pas son intention ; tant mieux.

M. Frère-Orban. - J'ai constaté un fait.

M. Liénart. - Je me félicite d'avoir provoqué cette explication, car on n'aurait pas manqué de dire que l'insinuation dirigée contre la section centrale avait été acceptée par le rapporteur et que nous étions en aveu, c'est ce que j'ai voulu prévenir.

Je ne reviendrai pas sur la question des obligataires.

Vous tenterez de déplacer la responsabilité qui vous incombe, et de la (page 540) faire porter par le gouvernement actuel ; nous ne le permettrons pas. La question des obligataires viendra à son heure, et la discussion apprendra au pays et aux obligataires quels sont ceux des gouvernants passés ou des gouvernants actuels qui se sont montrés les plus soucieux de leurs intérêts.

La comparaison de votre attitude d'opposition avec les actes de votre ministère ne peut manquer de conduire à ce résultat.

M. le président. ~ Il est entendu que le gouvernement remettra les documents qu'il a indiqués.

M. Tesch. - Je renoncerais très volontiers à la parole à la condition que la Chambre décide, comme le demande l'honorable M. Frère-Orban, que la discussion sur cet objet n'ait lieu ni demain, ni après-demain, à moins que la Chambre ne renonce à ses vacances. (Interruption.)

Je n'entends donner à ce débat aucun caractère politique ; j'entends examiner exclusivement la convention et les différents éléments qui la constituent ; mais de ce que le débat n'a pas un caractère politique, il ne faut cependant pas conclure qu'il puisse être réduit aux petites proportions que veut lui donner M. le ministre des finances. Ce débat doit avoir des proportions plus grandes, non seulement au point de vue des obligataires, mais encore au point de vue de l'Etat même, car nous discuterons la question de savoir si M. le ministre ayant payé des deniers de l'Etat, il ne peut être exposé à payer une seconde fois en vertu d'une décision judiciaire.

Cette question est plus sérieuse que ne le croit M. le ministre des finances. Nous ne pouvons rien préjuger, nous examinerons la question dans tous ses détails laissant la responsabilité de cette affaire à qui elle incombe.

Je demande donc formellement que la Chambre vote que la discussion de cette question sera reprise à la rentrée des vacances. De cette manière, chacun aura pu examiner les pièces, car la question est très importante, le projet de loi soumis à la Chambre intéresse au plus degré la fortune d'une masse de gens, il concerne même la fortune publique.

Dans cette situation, on voudrait que du jour au lendemain, sans que nous ayons eu le temps d'examiner les pièces, nous discutions et nous adoptions ce projet de loi.

Cela est inadmissible.

D'autre part, si l'on veut avoir cette expertise, elle sera faite à la rentrée ; on pourra alors l'examiner à fond et on sera édifié sur la valeur du matériel. Si alors il faut 26 millions, on autorisera l'Etat à payer 20 millions ; mais aujourd'hui nous ne pouvons rien décider ni voter.

Nous avons d'autant plus de droits de nous montrer exigeants et circonspects que l'honorable M. Jamar, ancien ministre des travaux publics, vient parler d'un chiffre de 18 millions, alors que le gouvernement nous demande 26 millions. Ces chiffres doivent être vérifiés et c'est l'expertise faite sur inventaire qui nous donnera le chiffre véritable qu'il faut allouer.

Mais, nous dit M. le ministre des finances, je payerai un à-compte. ' Et le contrôle de la Chambre, pourquoi le prenez-vous, M. le ministre ?

La Chambre doit se réserver son contrôle, elle ne peut l'abdiquer et nous demandons que la Chambre, par un vote, fixe, à l'avance, le jour où la discussion aura lieu, car il est impossible que nous soyons obligés de discuter et de voter sur cette importante question dans le courant de cette semaine.

M. Jacobs, ministre des finances. - Il me semble que l'on renonce à exiger que la discussion soit remise jusqu'au moment où l'inventaire sera terminé.

M. Tesch. - Je demande que vous le fassiez faire d'ici à la rentrée.

M. Jacobs, ministre des finances. - C'est impossible, l'inventaire ne sera pas terminé avant la fin du premier trimestre de l'année prochaine.

M. Tesch. - C'est qu'on ne veut pas le faire.

M. Jacobs, ministre des finances. - On est d'accord pour ne pas vouloir remettre la discussion à ce moment.

M. Tesch. - Je ne renonce pas à mon droit de contrôle.

M. Jacobs, ministre des finances. - Je déclare que l'on ne pourra pas fournir l'inventaire avant l'époque que j'indique et cela malgré la diligence des fonctionnaires du département des travaux publics et de ceux des compagnies.

Maintenant, si l'on n'a pas à discuter les évaluations, que veut-on obtenir ? Les statuts des compagnies !

Mais ces statuts sont imprimés et les contrats de reprises aussi sont imprimés. La plupart des membres connaissent ces éléments et je suis prêt à fournir, pour les compléter, tous les documents que je possède, mais je désire surtout que la Chambre ne décide pas, en ce moment, que la discussion sera remise à une date après les vacances.

L'objet reste donc à l'ordre du jour. Je fournirai les documents réclamés et, quand on aura pu juger des documents, on sera à même de juger si la discussion peut se faire immédiatement ou si elle doit se faire plus tard. Il me paraît que ce serait anticiper sur ce point que de prendre une décision dès à présent.

M. le président. – M. le ministre des finances propose de maintenir le projet de loi à l'ordre du jour ; M. Frère-Orban propose de l'ajourner jusqu'à la rentrée des vacances.

M. Frère-Orban. - D'après M. le ministre des finances, on pourrait déposer les pièces et discuter dès demain le projet de loi. Mais, messieurs, s'il en était ainsi, personne de nous n'aurait le temps de lire les documents que je réclame. Je ferai observer à la Chambre que l'intérêt public n'est aucunement engagé dans cette affaire et qu'il n'y a aucune raison de donner des millions sur l'heure aux sociétés qui sont en cause. On peut parfaitement reprendre le matériel au 1er janvier et payer l'annuité' stipulée.

Quelle urgence y a-t-il à payer immédiatement le capital ? Aucune. Par conséquent discutons le projet et discutons-le sérieusement.

Ctlte discussion, messieurs, ne peut évidemment avoir aucun caractère politique ; elle a uniquement pour but d'examiner un acte financier, un acte administratif ; il ne s'agit pas d'autre chose. Donnez donc à la Chambre le temps de s'éclairer ?

M. le président. - Votre proposition est, donc celle-ci : Remettre-le projet de loi à l'ordre du jour après les vacances ?

M. Frère-Orban. - Oui, M. le président.

M. le président. - Je vais mettre cette proposition aux voix.

- Plusieurs membres : L'appel nominal !

M. Vilain XIIII. - J'engage vivement l'honorable ministre des finances à accepter la proposition faite par M. Tesch. Il est absolument impossible que d'ici à vendredi nous discutions un projet de cette importance.

M. Jacobs, ministre des finances. - Il appartient évidemment à la Chambre, messieurs, de régler son ordre du jour, mais j'ai pensé, connaissant les documents, que lorsque la Chambre les verrait sur son bureau, elle les trouverait beaucoup plus simples, beaucoup moins compliqués que certains membres de la Chambre ne le croient.

M. Tesch. - C'est une erreur.

M. Jacobs, ministre des finances. - Mais du moment qu'on reproche au gouvernement de vouloir écourter une discussion, de reculer devant un débat, il ne peut accepter une position pareille ; en présence de l'accusation dont il est l'objet, il doit évidemment déférer à la proposition de la Chambre.

Dans ces conditions, je ne m'oppose pas à ce que le projet de loi soit placé en tête de l'ordre du jour après la rentrée des vacances.

M. le président. - On est d'accord pour remettre la discussion du projet on tête de l'ordre du jour après la rentrée des vacances.

Projet de loi relatif au titre du code de commerce relatif aux sociétés

Rapport de la commission

M. Pirmez. - J’ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre le rapport de la commission spéciale qui a examiné le titre du Code de commerce relatif aux sociétés.

- Ce rapport sera imprimé, distribué et mis à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi fixant le contingent de l’armée de l’année 1871

Discussion générale

La discussion générale est ouverte.

M. Le Hardy de Beaulieu. - Je désire motiver, en quelques mots, le vote négatif que j'émettrai sur le projet de loi.

Lorsque, dans la session précédente, j'ai voté négativement sur les demandes qui nous étaient faites pour le même objet, j'ai donné pour raison, et ceux qui ont voté comme moi ont admis cette raison, que ce contingent impose au pays, impose à la population des sacrifices hors de proportion avec l'utilité ou l'efficacité que le pays est en droit d'attendre de ses sacrifices. Nous disions, et nous l'avons surtout dit lors de la réorganisation de l'armée, qu'en présence des progrès faits par le système d'armement actuellement en vigueur, il était impossible qu'une armée de campagne de 60,000 hommes, en vue de laquelle on a augmenté le (page 341) contingent et on l'a porté à 12,000 hommes, atteignît le but pour lequel on l'a créée, c'est-à-dire de couvrir le pays contre une invasion.

A cette époque, on nous a répondu avec la science militaire. On a répondu que nous ne savions pas ce que nous disions, et la Chambre a voté les projets présentés par le gouvernement ; mais depuis lors, l'expérience est venue nous donner complètement raison.

M. Bouvier. - C'est le contraire.

M. Le Hardy de Beaulieu. - Nous avons vu des armées non pas de 60,000 hommes, mais de 150,000 hommes, faites prisonnières d'un seul coup. Nous avons vu trois armées successives, en moins de trente jours, être annihilées.

Je demande quel service peut rendre au pays une armée de 60,000 hommes sur le papier, qui serait réduite, par les nombreux drainages qui s'exercent toujours sur les rassemblements d'hommes, à 30,000 ou 40,000 hommes ? En présence des armées considérables que peuvent mettre en ligne les deux grandes nations qui nous avoisinent, je dis que votre armée ne pourrait faire qu'une seule chose : mettre bas les armes avant d'avoir tiré un seul coup de fusil.

Messieurs, en présence de ce fait, je ne puis que persister dans l'opposition que j'ai faite depuis que je suis dans cette Chambre, à l'enrôlement forcé de 10,000 hommes d'abord et de 12,000 hommes ensuite.

Mais j'ai soulevé une autre objection. Je ne l'ai soulevée que dans une seule circonstance ; je veux la soulever de nouveau aujourd'hui.

D'après moi, nous sommes sans mandat et nous n'avons pas le droit d'imposer à qui que ce soit en Belgique un service forcé.

Je l'ai déjà dit, l'article 7 de la Constitution garantit à chacun de nous la liberté personnelle.

Nous sommes des mandataires. L'essence du mandat est d'être restrictive et non pas extensive, et dans la Constitution, il ne se trouve aucun article qui nous donne le pouvoir de forcer qui que ce soit à prendre un métier, fût-ce celui de soldat, qu'il n'a pas l'envie de prendre.

Nous avons tout simplement, d'après l'article 119 de la Constitution, le droit de voter le chiffre du contingent, mais nous n'avons pas le droit de forcer qui que ce soit à y entrer.

M. Bouvier. - C'est la désobéissance aux lois que vous proclamez là.

M. Le Hardy de Beaulieu. - Ces deux raisons suffisent pour motiver le vote, que j'émettrai aujourd'hui.

Je ne prétends pas, surtout à la suite de l'expérience malheureuse, regrettable, que nous faisons aujourd'hui, que la nation doive rester désarmée devant les éventualités qui peuvent se présenter.

Nous avons toujours, en toute circonstance, montré que sans soumettre la nation à de très grands sacrifices, à ceux qu'on lui demandait, on pouvait obtenir des résultats bien plus certains, bien plus efficaces en cas de besoin, sans imposer, pendant les longues années de paix, de lourds sacrifices au pays.

Nous avons toujours recommandé à l'attention du pays et du gouvernement l'organisation suisse qui n'impose aux citoyens que des sacrifices extrêmement faibles et à l'Etat des charges relativement minimes.

Au moyen d'une dépense portée au budget d'environ deux millions de francs et d'un sacrifice de sept jours en moyenne par an, la Suisse peut mettre 180,000 à 200,000 hommes, parfaitement exercés, sous les armes.

Nous avons recommandé au gouvernement l'examen de ce système qui n'entraînerait pour nous qu'un sacrifice de quelques millions au lieu de 30 à 40 millions qui résultent de l'organisation actuelle et qui mettrait à la disposition du gouvernement, dans les circonstances graves qui peuvent se présenter, 400,000 à 500,000 combattants suffisamment exercés.

J'appelle de nouveau l'attention du pays et du gouvernement sur ce point et, en attendant, je me refuse absolument à voter les sacrifices que l'on demande au pays.

M. David. - Vous le savez, messieurs, jamais je n'ai approuvé l'organisation militaire telle qu'elle existe aujourd'hui. Ce n'est cependant pas à dire que je ne veuille pas d'armée.

D'après moi, une armée pour le maintien de l'ordre à l'intérieur du pays, même pour la surveillance de nos frontières dans des circonstances comme celles que nous traversons, nous suffirait.

Dans mon système, aucun des droits acquis par nos officiers ne serait sacrifié. Ils disparaîtraient par la mise à la pension et par décès.

Je crois le moment des plus opportuns pour préparer la réduction de notre état militaire.

En effet l'Europe, oui, messieurs, l'Europe entière recule épouvantée devant les boucheries humaines, devant l'anéantissement des villes, des villages, des monuments, des trésors artistiques, historiques et littéraires, et de la fortune publique auxquels nous assistons en ce moment. Elle recule d'effroi devant les menaces de la force brutale et des périls que courent les libertés.

Dès la fin prochaine de cette guerre sanglante, toutes les nations civilisées réagiront contre leurs gouvernements et les forceront à réduire leur armée de façon qu'elles ne soient plus un danger pour les voisins, leurs biens, leurs institutions et leurs vies.

Pendant longtemps nous avons été peu nombreux pour nous opposer au militarisme exagéré, mais je suis convaincu que cette fois nous allons faire des recrues ; beaucoup de députés, afin d'obtenir les suffrages de leurs électeurs, ont fait avant les élections des déclarations formelles à cet égard. Je compte surtout que mes honorables collègues de Verviers se joindront aujourd'hui à moi pour rejeter la loi du contingent ou au moins, pour en demander une forte réduction.

Je me permettrai de vous citer ce que disait l'honorable M. Cornesse, ministre de la justice, à une réunion de l'Association constitutionnelle et conservatrice de Verviers, le 1er ou le 2 du mois de juin ; son discours est rapporté par la Gazette de Liège du 3 juin dernier.

Après avoir traité divers objets dans la question militaire, il fait la déclaration catégorique suivante :

« Sous le rapport de la question militaire, de grandes fautes ont été commises. Des millions ont été engloutis en pure perte dans les fortifications d'Anvers, et l'on a exagéré outre mesure notre appareil militaire. L'augmentation du contingent et l'élévation énorme du budget de la guerre, que le libéralisme avait promis de réduire à 25,000,000, créent à l'armée une situation précaire, intolérable, antipathique au sentiment public. Ce sont les excès, lès abus, les exagérations qui tuent les meilleures institutions.

« Le moment semble venu d'alléger les charges pour les familles et pour les contribuables. Jamais les circonstances ne furent plus favorables à un dégrèvement. Aucune puissance étrangère ne nous menace. Notre sécurité extérieure est complète. Le maintien du bon ordre à l'intérieur n'exige pas un vaste déploiement des forces militaires qui accable les nations et absorbe le plus clair du revenu public. »

Voilà les promesses que faisait M. le ministre de la justice dans, l'espoir d'obtenir les suffrages des électeurs, car, je ne vous cacherai pas, messieurs, que dans l'arrondissement de Verviers on est loin d'être militaire ; tout le monde s'y occupe d'industrie et de commerce et ne demande par conséquent pas mieux que de jouir de la paix pour pouvoir écouler eu sécurité ses produits manufacturés.

L'honorable M/ Simonis n'a pas été aussi explicite que M. le ministre de la justice.

Voici ce qu'il nous dit dans sa circulaire « adressée à tous les électeurs de l'arrondissement le 9 juin 1870 :

« Ennemi déclaré des dépenses militaires excessives auxquelles le gouvernement s'est laissé entraîner dans ces dernières années, mon vœu le plus ardent est que le budget de la guerre soit réduit à ce qui est strictement nécessaire au maintien de l'ordre intérieur. ». En suite de promesses et de déclarations aussi formelles, je dois, messieurs, avoir fait deux recrues dans mes honorables collègues de Verviers et je compte bien qu'avec moi ils voteront une forte réduction du contingent.

M. Cornesse, ministre de la justice. - Je demande la parole pour un fait personnel.

M. de Naeyer. - La parole est à M. le ministre de la justice.

M. Cornesse, ministre de la justice. - Je ne m'attendais nullement à être mis en scène, car j'étais sorti de la Chambre au moment où l'honorable M. David a pris la parole. Je n'ai même pas entendu le début de ses observations ; mais s'il a cru m'embarrasser par la lecture des paroles que, j'ai prononcées dans une réunion électorale qui a précédé le 14 juin, il s'est étrangement trompé,.

Je l'avoue franchement, je croyais à cette époque que la paix était pour longtemps assurée ; je me trompais avec tout le monde, car nul ne soupçonnait qu'une guerre aussi terrible que celle à laquelle nous assistons dût s'allumer entre les deux grandes puissances qui nous avoisinent.

Me plaçant à ce point de vue, en face du calme dont jouissait l'Europe, j'ai déclaré que, dans l'intérêt de l'armée elle-même, il fallait réclamer une réduction des charges militaires.

Telle était ma conviction intime à ce moment et je déclare, messieurs, que je n'ai accepté d'entrer au ministère qu'avec l'intention de rechercher (page 342) les moyens de diminuer autant que possible les charges militaires, sans amoindrir la force organique de l'armée.

Voilà, messieurs, quelles étaient mes convictions, quelle a été ma conduite et je n'ai rien à retrancher ni à rétracter de ce que j'ai dit à cette époque.

L'honorable M. David a ramassé une accusation qui m'avait déjà été lancée antérieurement ; je dois déclarer cependant qu'il n'a pas été aussi loin que l'on a été autrefois ; il ne m'a pas accusé d'avoir trompé mes électeurs.

On ne peut, en effet, messieurs, me faire un tel reproche ; je me suis, il est vrai, présenté une première fois au corps électoral après avoir prononcé les paroles que M. David a rappelées ; mais après cette date, après la dissolution des Chambres, après que j'avais cédé aux instances de mes amis en acceptant par dévouement un poste que je n'ambitionnais pas, le poste de ministre, auquel je ne me sentais nullement appelé par mes goûts, ai-je trompé le corps électoral de Verviers ?

Je lui ai dit alors : Je me présente à vous ; je vous ai dit telle chose avant le 14 juin ; mes convictions n'ont pas changé, mais aujourd'hui les circonstances sont telles que celui qui proposerait une réduction de l'armée mériterait que l'opinion publique se soulevât contre lui.

Voilà le langage que j'ai tenu avant le 2 août, lorsque je rencontrais M. David comme concurrent ; j'ai déclaré alors que, dans ce moment critique, je n'entendais proposer aucune réduction de l'effectif de notre armée, et c'est après cette déclaration solennelle que les électeurs de Verviers ont renouvelé mon mandat et m'ont envoyé siéger dans cette enceinte.

Je n'ai donc rien à rétracter ni à changer à mes déclarations ; ma conduite a été loyale et personne ne peut me reprocher d'avoir manqué de franchise et de sincérité.

M. Coomans. - Je constate avec joie l'assentiment que la grande majorité de la gauche me paraît avoir donné au généreux et juste langage, tenu par l'honorable ministre de la justice, dans une réunion électorale de Verviers. Je suis charmé de cet assentiment quelque peu bruyant, car il m'annonce de nouveaux auxiliaires dans la gauche pour la prochaine lutte contre le militarisme.

Je ne comprends pas le but que peuvent avoir certains membres de la gauche, quand ils signalent des contradictions dans le domaine des questions militaires de la part des membres de la majorité.

Le terrain est dangereux pour la gauche, car je pourrais démontrer qu'elle a singulièrement varié dans cet ordre d'idées et que des membres qui ont longtemps prêché la diminution des dépenses et des charges militaires se sont peu à peu laissés aller à des entraînements qui ont obéré nos finances et vexé doublement les contribuables.

J'engage donc la gauche à ne pas insister sur ce point.

Pour moi, qui n'ai pas à encourir un reproche de ce genre, je vais m'exprimer avec une entière franchise.

Les événements terribles, les affreux événements que tous nous déplorons, loin d'avoir modifié mes convictions, les ont raffermies. Moins que jamais j'admets la nécessité d'une grande armée permanente en Belgique même à l'heure actuelle. Il m'est démontré à moi, non seulement que la conscription est inique, qu'en conséquence nous ne devrions pas la voter, mais encore qu'elle donne des résultats puérils et complètement inefficaces.

Je ne puis pas supposer qu'un seul homme de bon sens se rencontre en Belgique pour dire que c'est notre armée de 100,000 hommes, quelque brave et excellente qu'elle est, qui a maintenu notre indépendance nationale. (Interruption.)

Notre armée n'y a été pour rien, selon moi... (Interruption.) Notre armée aurait défendu notre indépendance nationale aussi bien qu'aucune autre armée du monde, j'en suis très convaincu, mais je ne puis pas croire que les deux grandes puissances qui ont fait les énormes folies que nous connaissons aient reculé soit avant la guerre, soit pendant la guerre, devant nos fortifications d'Anvers et devant nos 100,000 hommes. Je n'en crois rien et en disant cela, je ne manque de respect ni à l'armée ni à ma patrie, mais je respecte la raison qui me paraît conclure de la sorte. Non ! il n'est pas vrai que ce soit notre armée de 100,000 hommes, que ce soit notre organisation militaire actuelle, les fortifications d'Anvers y comprises, qui a sauvé la Belgique.

D'abord je crois que la Belgique eût été mieux sauvée éventuellement avec l'armée de deux, trois ou quatre cent mille hommes dont M. Le Hardy et après lui M. Couvreur et d'autres ont entretenu la Chambre ; mais même dans cette hypothèse, je le déclare, la Belgique n'eût pas été sauvée quand même nous eussions eu sous les armes 300,000 hommes ; elle n'eût pas été sauvée si la France et la Prusse s'étaient entendues pour nous attaquer. (Interruption.)

Oui, les fortifications urbaines sont jugées et je ne pense pas être faux prophète en prédisant qu'on les supprimera en grande partie, non seulement en Belgique, mais partout.

Quant à la conscription que nous nous obstinons à maintenir, qui donc en est partisan maintenant ? Je doute fort qu'il y ait encore un seul partisan de la conscription ; et j'aime à croire, tant j'ai une haute idée du caractère et de la science de l'honorable ministre de la guerre, que lui-même a cessé d'être partisan de la loterie militaire.

Or, quel est l'objet du projet en discussion ? C'est d'affirmer encore l'utilité de la conscription, utilité qui devrait être évidente, palpable, pour nous obliger à voter le maintien de la loterie militaire. Vous renoncerez à la conscription, et vous y renoncerez demain, j'espère, pas seulement parce qu'elle est inique et odieuse, cela n'a jamais suffi, mais parce qu'elle est inefficace, parce que vous vous convaincrez vous-mêmes que ce n'est pas avec un chiffre maximum de 100,000 soldats que vous pouvez vous défendre éventuellement contre l'Europe entière.

Donc, messieurs, le vote négatif que j'ai depuis de longues années émis sur la loi du contingent, je dois le répéter encore. Un vote affirmatif aujourd'hui serait doublement injustifiable, pour les raisons que j'ai eu l'honneur de vous exposer sommairement et dont la principale est celle-ci : c'est que la conscription, au lieu de servir la défense nationale, peut la compromettre, la rendre impossible.

Voilà ma conviction entière.

M. David. - Messieurs, vous admettrez avec moi que le langage qu'a tenu l'honorable M. Cornesse devant ses électeurs, à Verviers, renfermait une promesse formelle, sur laquelle ceux-ci devaient pouvoir compter. L'honorable M. Cornesse se posait, à Verviers, en homme d'Etat. Relisez tout son discours, qui occupe trois ou quatre colonnes de la Gazette de Liège, et vous verrez qu'il a touché à tous les points de la politique du pays, qu'il a résolu toutes les questions.

L'honorable M. Cornesse avait l'exemple des hommes d'Etat qui l'avaient précédé et qui, presque tous, ont toujours considéré une armée nombreuse comme une nécessité ; s'il voulait entrer au ministère, il n'aurait pas dû, me semble-t-il, faire aussi légèrement de pareilles promesses.

Mais ce langage a été tenu avant le 14 juin et l'honorable M. Cornesse est entré immédiatement après au ministère. Pourquoi, bientôt après, a-t-il changé de langage ? C'est que M. le ministre de la guerre et M. le ministre des affaires étrangères lui ont assuré qu'ils ne supprimeraient ni un canon, ni un homme, ni un cheval, et M. le ministre de la justice a baissé pavillon.

Après son entrée au ministère, il aurait dû défendre les mêmes principes que ceux qu'il avait fait miroiter devant les électeurs de Verviers. Voilà ce que j'avais à répondre aux explications sur son revirement qu'il vient de nous donner.

M. le général Guillaume, ministre de la guerre. - Messieurs, conformément à d'anciennes traditions, les honorables MM. Le Hardy de Beaulieu, David et Coomans ont exprimé leur répulsion contre la conscription et, en général, contre les armées permanentes.

M. David. - Trop nombreuses.

M. le général Guillaume, ministre de la guerre. - Je prie la Chambre de remarquer qu'il ne s'agit pas dans ce moment-ci de discuter ni du système de recrutement ni de l'organisation de l'armée ; il s'agit de voter le contingent de l'armée pour exécuter les lois que la législature a votées.

Or, personne n'a dit un mot contre le chiffre du contingent ni contre la nécessité de ce chiffre, qui est conforme à la loi.

Je n'ai pas l'espoir de convertir les honorables membres au système de recrutement qui fonctionne maintenant, mais je crois devoir faire une observation à l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu.

Il a surtout motivé le vote hostile qu'il se propose d'émettre contre la loi en discussion, sur ce que les événements avaient prouvé l'inutilité de l'armée.

Or, messieurs, je crois que tous les Belges reconnaissent, au contraire, l'immense service que l'armée, établie aux frontières, a rendu au pays et que personne n'oserait le nier sérieusement.

M. Frère-Orban. - Messieurs, je regrette de ne pouvoir m'associer au témoignage de satisfaction que l'honorable ministre de la justice s'est décerné à propos de la conduite qu'il a tenue dans les circonstances rappelées par l'honorable M. David. (Interruption.) Est-ce que les ministres sont sacrés, inviolables ?

M. Bouvier. - Ils ne sont pas infaillibles.

(page 343) M. Cornesse, ministre de la justice. - Vous leur prouveriez, au besoin, le contraire.

M. Frère-Orban. - L'honorable ministre de la justice n'a pas pu contester que, la veille des élections du mois de juin, il n'ait, s'associant à des manifestations très bruyantes et très nombreuses, prononcé des paroles qui constituaient assurément des engagements.

L'honorable ministre de la justice, à cette époque, s'est montré l'adversaire énergique et convaincu, on devait le croire, des lois qui avaient récemment organisé notre établissement militaire. Il trouvait que les charges pour les populations, que les dépenses étaient exagérées et qu'elles devaient être inévitablement réduites. Il se présentait aux électeurs avec l'engagement de faire prévaloir ses opinions.

Il a été élu et, incontinent, il a été appelé à faire partie du nouveau cabinet, qui a été constitué le 27 juillet. Il a accepté le programme directement contraire à celui qu'il s'était engagé à faire triompher.

- Une voix. - Cela n'est pas en question.

M. Bouvier. - On constate les palinodies.

M. Frère-Orban. - M. le ministre de la justice vient de s'expliquer sur ce point.

Est-ce que par hasard, à l'occasion du contingent de l'armée, je n'ai pas le droit de discuter la politique du cabinet et en particulier les actes de M. le ministre de la justice, relatifs à l'armée ? Et je ne le fais que parce que cette discussion a été ouverte par d'autres et que M. le ministre de la justice m'a mis dans la nécessité d'y intervenir.

M. de Zerezo de Tejada. - On ne vous conteste pas ce droit.

M. Frère-Orban. - Pourquoi alors m'arrête-t-on en disant que je ne suis pas dans la question ?

M. le président. - Messieurs, je vous prie de laisser parler l'orateur ; il a droit au silence.

M. Frère-Orban. - Le 2 juillet, un programme directement contraire à celui qu'il avait professé a donc été accepté par M. le ministre de la justice. M. le ministre de la guerre a déclaré qu'il ne réduirait ni un homme, ni un cheval, ni un canon ; que c'était la condition de son entrée dans le cabinet. Ultérieurement, l'honorable chef du cabinet, M. le baron, d'Anethan est venu déclarer de la manière la plus expresse et la plus formelle que la condition de la constitution du cabinet avait été le maintien de l'organisation militaire. Eh bien, j'ai dit à une autre époque, je répète aujourd'hui que l'on ne paraît dignement accepter une pareille situation.

M. Jacobs, ministre des finances. - Nous en sommes juges.

M. Frère-Orban. - C'est induire les populations en erreur. (Interruption.)

Vous leur déclarez que les dépenses militaires sont excessives, qu'elles doivent être réduites, et tout à coup vous renoncez à votre opinion pour entrer dans le cabinet !

Que dit pour sa défense M. le ministre de la justice ? Il vous dit qu'après la dissolution, avant les élections du mois d'août, il s'est présenté de nouveau devant les électeurs et qu'il a déclaré alors que dans les circonstances actuelles, en présence de la guerre qui venait d'éclater, il serait insensé de vouloir demander la réduction des dépenses militaires.

M. le ministre de la justice ne peut s'excuser ainsi et les motifs qu'il invoque ne peuvent lui mériter une absolution.

C'est au 2 juillet, lorsque la guerre n'avait pas éclaté, qu'il a accepté les fonctions de ministre de la justice ; c'est le 2 juillet qu'il est entré dans un cabinet dont le programme était diamétralement opposé à celui qu'il avait professé. Mais au surplus qu'il ne croie pas que les événements ultérieurs puissent l'absoudre ; car cela prouverait une seule chose, c'est que l'honorable ministre de la justice aurait manqué de perspicacité. On ne fait pas l'organisation militaire en vue de la paix ; on la fait en vue de la guerre ; cette organisation était préparée parce qu'il y avait une guerre à craindre.

Bien aveugles ceux qui ne l'ont pas vue. Comment ! après Sadowa, après l'affaire du Luxembourg, il y avait des hommes d'Etat qui pouvaient croire qu'une guerre n'était pas à craindre ; il y avait des hommes politiques qui pouvaient croire que l'Europe n'était pas exposée à être mise à feu et à sang ! C'est précisément parce que cette éventualité redoutable était devant les yeux de tous ceux qui s'occupaient sérieusement de la politique du pays, qu'ils ont défendu les institutions militaires qui devaient être appropriées à la nécessité de la défense nationale et aux devoirs que nous avons à remplir en qualité de neutres.

Si le singulier genre de défense de M. le ministre était fondé, que pourrait-on en conclure ? C'est qu'il se réserve, la paix faite, de demander des changements à notre organisation militaire, en vue d'obtenir de notables réductions de dépenses.

Mais ne serait-il pas alors devant le même problème ? Les mêmes nécessités ne se reproduiront-elles pas. Si la paix est conclue, comme il faut espérer qu'elle le sera bientôt, combien d'années s'écouleront avant qu'une nouvelle guerre éclate, avant que des circonstances semblables se reproduisent ? N'aurez-vous pas toujours à résoudre les questions que nous avons dû poser à la Chambre et au pays, sur lesquelles la plupart de vos collègues, vos amis et vous, vous nous avez combattu et oserez-vous désormais les résoudre dans le sens des agitations que vous ayez fomentées jadis et que vous êtes condamnés à renier aujourd'hui ? Vous ne le tenterez même pas. Le pays comprendra dès lors qu'il a été trompé. Vous serez invinciblement dominés par la nécessité et vous proclamerez que la Belgique doit être armée pour remplir ses devoirs internationaux et pour faire respecter ses droits.

M. Cornesse, ministre de la justice. - Je ne comprends pas, messieurs, de la part de l'honorable M. Frère-Orban, la chaleur qu'il apporte à me reprocher une prétendue palinodie sur les dépenses militaires, alors que l'honorable membre a proposé lui-même autrefois, dans les circonstances les plus graves, de réduire à 25 millions le chiffre du budget de la guerre. (Interruption.)

Je regrette de n'avoir pas été prévenu de cette discussion, car j'aurais pu citer les déclarations de M. Frère, insérées dans les Annales parlementaires. N'ayant pas le texte de ces passages, je ne puis en donner lecture à la Chambre, mais je sais que M. Frère s'étonnait beaucoup de la prétention étrange de faire de la loi sur l'armée une arche sainte, un palladium, quelque chose de sacré et d'inviolable, auquel les Chambres législatives ne pouvaient toucher.

Je suis donc étonné que l'honorable M. Frère qui a, sur cette question militaire, donné l'exemple de la palinodie, vienne me reprocher, à moi, un changement d'opinion.

J'ai toujours été partisan d'une armée bien organisée, et précisément dans le passage cité tantôt par l'honorable M. David, je disais que l'armée était une de nos meilleures institutions, que l'exagération des dépenses pouvait lui être fatale et que, dans son intérêt même, je pensais que des réductions, des économies pourraient être admises. Mais est-ce que je voulais anéantir et supprimer l'armée ? Ne peut-on pas, en cette matière, désirer des économies et en poursuivre la réalisation sans encourir le reproche d'être un ennemi de notre établissement militaire ? Ne peut-on différer d'opinion sur le chiffre du contingent de l'armée, sur la durée du service, etc. ?

Quand j'ai accepté le pouvoir, je ne l'ai fait qu'avec l'espoir hautement exprimé d'arriver, les circonstances aidant, à réaliser des économies et à diminuer les charges militaires.

Je n'ai ni trompé, ni égaré les populations de mon arrondissement, ; messieurs, car avant le 2 août j'ai fait connaître exactement la situation, j'ai dit que dans les circonstances où se trouvait le pays, il ne pouvait être question de diminuer l'armée ou les dépenses faites pour cet objet. Le reproche de prétendue palinodie que m'adresse l'honorable M. Frère, n'est donc nullement fondé.

Et ce serait par ambition, par intérêt, pour obtenir un portefeuille que j'aurais renié mes convictions sur la question militaire ! La position de ministre est-elle donc si enviable, et l'honorable M. Frère n'a-t-il pas dit récemment lui-même, dans son discours à l'Association libérale de Liège, qu'en acceptant, il y a 25 ans, lorsqu'il était jeune encore, le poste que ses amis lui avaient assigné, il avait « jeté la fortune aux quatre vents du ciel » ?

Mais l'honorable M. Frère a-t-il d'ailleurs le privilège de n'avoir jamais changé d'opinion ? (Interruption.) N'est-il pas resté vingt ans au pouvoir en déclarant sur tous les tons que la loi de 1842 sur l'enseignement primaire était inconstitutionnelle, sans oser jamais y porter la main ? A-t-il trouvé contraire à sa dignité de continuer à gérer les affaires du pays en exécutant une loi contraire à ses convictions ?

M. Frère-Orban. - Je n'ai jamais soutenu cela. (Interruption.)

M. Cornesse, ministre de la justice. - Eh bien, tant mieux ; j'en prends acte.

Mais qu'avez-vous fait dans la question de l'or ? (Interruption.) ' Vous avez transformé cette question d'intérêt matériel en question de cabinet ; vous avez déclaré que, si le cours légal de l'or français était admis en Belgique, ce serait un malheur, une véritable calamité pour le pays.

Vous n'avez pas voulu prêter la main à l'exécution de cette loi, vous avez quitté le pouvoir (interruption) et, quelque temps après cependant, vous y êtes rentré tout en maintenant la loi et sans expliquer votre rentrée.

Les nécessités de ma défense m'obligent à présenter ces observations à l'honorable M. Frère. Ce n'est pas la première fois, messieurs, qu'il (page 344) m'adresse, dans cette enceinte, le reproche de palinodie. La première fois, j'avais laissé tomber cette accusation, mais aujourd'hui qu'il revient à la charge, je suis obligé de lui renvoyer un reproche qu'il articule si gratuitement à mon égard.

M. le président. - La parole est à M. Defuisseaux.

M. Defuisseaux. - L'heure étant avancée, je demanderai à remettre à demain les observations que j'avais à présenter.

M. Coomans. - Moi aussi, messieurs, j'aurais pu m'acquitter assez convenablement de la tâche que M. Cornesse a si bien remplie, car je connais les précédents militaires de la Chambre mieux que personne ; j'en ai tenu un registre spécial et je suis prêt à vous faire là-dessus des discours qui n'en finiraient jamais, surtout si j'entamais le chapitre des contradictions, qui est inépuisable et que l'honorable M. Frère confond avec le chapitre des personnalités. (Interruption.)

L'honorable M. Cornesse a eu raison de récriminer : force lui a été de nommer M. Frère, et il n'y a pas personnalité là dedans.

Le mot « personnalité » s'entend dans un mauvais sens. Ce n'est pas en faisant de la dialectique qu'on se rend coupable de personnalité. (Interruption.)

Je n'ai pas nommé tantôt M. Frère ; j'ai fait allusion à.sa personne en disant qu'il était très imprudent de la part de la gauche de marcher sur les charbons ardents des contradictions militaires parce que toute la gauche en est pavée. Quoi ! j'ai vu pendant des années les trois honorables présidents de la Chambre voter avec moi contre le budget de la guerre et M. Frère a si bien manœuvré qu'il a engagé ces trois honorables présidents et la plupart des membres de la gauche à se retirer avec lui dans les fortifications d'Anvers. (Interruption.)

Ces fortifications, M. Frère n'en a jamais voulu ; il les a déclarées mauvaises, détestables à tous les points de vue, mais il a fini par les faire voter. C'est là mon grand grief contre lui.

Et les contradictions dans l'affaire de l'or et dans l'affaire de l'enseignement primaire, en vérité, cela est grave ! M. Frère et beaucoup de ses amis s'abstiennent de modifier une loi qu'ils affectent de proclamer inconciliable avec la Constitution.

Jamais je ne consentirais, ayant juré la Constitution, à pratiquer une loi que je tiendrais pour inconstitutionnelle. Vous ne pouviez donc pas rester ministre quand vous pensiez que la loi de l'enseignement primaire était inconstitutionnelle ; car vous manquiez à votre serment de respecter la Constitution.

Quant aux contradictions au point de vue militaire, qui s'y prête si admirablement bien, c'est moins sérieux, j'en conviens. Je veux laisser cela de côté, quoique le sujet m'allèche fort. (Interruption.) Je crois plus intéressant, pour le quart d'heure, de me dégager d'une équivoque dans laquelle on a cherché souvent à m'embarrasser. On dit : Notre armée remplit noblement son devoir ; elle a rendu des services, des services incontestables ; le pays lui en est reconnaissant. C'est encore ce que vient de dire l'honorable ministre de la guerre. Mais qui dit le contraire ? Qui donc a jamais révoqué en doute toutes les qualités possibles que l'on peut attribuer à l'armée belge ? L'honorable ministre a donc raison. Mais conclure de là que cette armée, telle qu'elle est organisée, a sauvé le pays, et que pas une autre ne l'eût sauvée, c'est par trop tort. Ma conviction profonde est celle-ci : que 50,000 bons soldats nous auraient rendu les mêmes services, dans les circonstances que nous traversons, que nos 100,000 conscrits.

Donc quand vous vous êtes vantés, sur les bancs de la gauche, d'avoir sauvé la patrie en augmentant de 2,000 hommes le contingent annuel, vous vous êtes vantés à tort ; 7,000 ou 8,000 hommes nous auraient, selon moi, suffi pour remplir la même tâche.

J'ai parlé aussi d'Anvers. Je ne crois pas qu'Anvers ait été pour quelque chose dans le salut du pays. Là-dessus j'ai une autre conviction qui est celle-ci : c'est qu'en cas de guerre, ce sont les fortifications d'Anvers qui perdront notre métropole commerciale et la Belgique tout entière.

On me dit, - c'est l'honorable M. Frère : - Il faut organiser une armée dans l'éventualité de la guerre, et non pour la paix. Cela est vrai en ce qui concerne les grandes armées permanentes. Cela n'est pas vrai au point de vue du maintien de l'ordre public. Mais je veux bien lui faire cette concession et dire qu'en effet une armée doit être organisée dans l'éventualité d'une guerre. Eh bien, c'est à ce point de vue que je me place et je déclare que toute notre organisation militaire me paraît bien plus mauvaise encore au point de vue de la guerre qu'au point de vue de la paix.

Messieurs, laissez-moi vous exprimer une opinion que je n'ai jamais cachée. Notre armée de 12,000 conscrits forcés annuels serait inefficace, non parce qu'elle manquera de courage, non parce qu'elle manquera de discipline ; laissons de côté tous ces mots ronflants ; mais parce qu'elle se trouvera, dans toutes les hypothèses, inférieure à sa tâche, numériquement parlant.

Au point de vue de la guerre, vous auriez à organiser une autre armée ; vous devriez décréter l'armement général. Voilà une idée militaire sérieuse. La Belgique peut mettre un demi-million d'hommes sur pied. Eh bien, si elle veut défendre à tout prix son indépendance nationale, qu'elle le fasse. Mais déclarer, comme on s'est permis de le faire quelquefois, - ce n'est pas à l'honorable général Guillaume que je fais allusion, - qu'on garantit la parfaite sécurité nationale moyennant la conscription militaire et les fortifications d'Anvers, c'est outrecuidant et inadmissible.

Le mal contre lequel nous luttons est fatal, inévitable ; oui, il est inévitable, il gît dans notre faiblesse numérique.

Nous sommes une petite nation et voilà pourquoi nous serons battus quand nous nous battrons contre plus fort que nous.

Je ne suis pas honteux, le moins du monde, d'appartenir à une petite nation qui est sûre d'être battue quand il y aura une grande bataille. Je suis tout aussi fier d'être Belge pacifique condamné au bienfait perpétuel de la neutralité, qu'on peut être fier d'être Prussien ou d'être Français. Pour moi, l'honneur individuel et politique ne gît pas dans le militarisme.

Vaincu ou vainqueur, on ne prouve rien et l'on ne s'en porte pas mieux.

Ainsi, il est bien entendu qu'il n'y a rien d'hostile à l'armée dans mon vote négatif, ce vote signifie simplement que jamais je n'admettrai la conscription, parce qu'elle est inique, plus inique encore qu'elle n'est inefficace. Jamais je ne voterai, même en temps de guerre, pour un contingent et une armée qui dépassent les nécessités de la situation.

Je prétends qu'avec 50,000 hommes nous aurions fait ce que nous avons fait avec 100,000 et même plus honorablement.

Un dernier mot, au sujet d'une sorte de principe que l'honorable M. Frère a posé.

Il n'a pas exécuté la loi de l'enseignement primaire et ne mérite donc pas le reproche de palinodie qu'on lui a adressé. Il a été ministre des finances et non ministre de l'intérieur.

M. Frère-Orban. - Je n'ai rien dit de pareil.

M. Pirmez. - Il n'a pas parlé du tout.

M. Coomans. - Alors, je retire la réfutation d'une thèse absente. (Interruption.)

Mais mon argument reste debout devant la morale et la logique.

Il n'est pas permis d'exécuter, même indirectement, des lois que l'on considère comme inconstitutionnelles. Et si d'autres disaient à l'honorable M. Cornesse : « Je n'ai pas directement exécuté des lois que je désapprouvais ; donc, je ne suis pas responsable, » l'honorable M. Cornesse pourrait répondre : « Quand je serai ministre de la guerre, je supprimerai la conscription ; mais je suis ministre de la justice et j'attends. »

M. Frère-Orban. - Messieurs, je n'ai pas soulevé ce débat. Je n'y serais pas même intervenu si l'honorable ministre de la justice, répondant à l'honorable M. David, n'avait cru devoir, se tournant vers moi, lui dire qu'il avait ramassé un reproche de palinodie qui lui avait été adressé en d'autres circonstances.

L'honorable ministre, par son attitude, me sommait pour ainsi dire de parler.

M. Cornesse, ministre de la justice. - Je n'ai pas même regardé de votre côté.

M. Frère-Orban. - Je crois que tous ceux qui vous ont entendu ont ainsi compris vos paroles et, de bonne foi, vous ne pouvez nier que telle n'ait été voire intention.

C'est donc sur cette provocation que je suis intervenu.

M. le ministre de la justice trouve que j'ai mis quelque chaleur à attaquer un de ses actes, son acte le plus grave, son accession au cabinet, en reniant des idées qu'il venait de proclamer.

Je pense ne pas m'être écarté des règles de la modération ; j'ai usé prudemment et sagement de mon droit. Je crois que je suis fondé à reprocher à M. le ministre de la justice d'avoir eu, avant le 2 juillet, une attitude qu'il a abandonnée pour accepter un portefeuille.

Il n'y a pas à se faire illusion sur le caractère de ses déclarations ; on sait parfaitement dans quelles circonstances elles se produisaient ; une vive opposition avait été fomentée contre les lois militaires votées naguère par la Chambre et le Sénat ; le parti auquel appartient l'honorable M. Cornesse, à de rares exceptions près, avait voté contre ces lois militaires ; eh bien, l'honorable M. Cornesse s'est associé aux actes de ses amis, il a participé à des réunions, à des meetings qui avaient pour but (page 345) de protester contre l'aggravation des charges militaires ; par cette attitude, il s'engageait formellement vis-à-vis des populations.,

Or, pour avoir un portefeuille, en pleine paix, lorsqu'il ne pouvait pas invoquer même le prétexte de la guerre, il accepte de maintenir les lois qu'il avait attaquées la veille, il s'est incliné devant cette déclaration de son collègue de la guerre qu'il ne réduirait pas un homme, pas un cheval pas un canon. (Interruption.)

Voilà, messieurs, ce qui est hautement condamnable au point de vue politique, ce qui tend à introduire une démoralisation déplorable dans le pays. Si l'on ne reste pas fidèle aux engagements que l'on prend devant le corps électoral, si l'on peut impunément les trahir, c'en est fait de la moralité politique.

Certes on peut changer d'opinion ; ce peut même être parfois un devoir de changer d'opinion ; mais il faut le faire d'une manière désintéressée ; quand on change d'opinion pour accepter une position ministérielle, on a compromis sa considération politique. (Interruption.)

L'honorable ministre de la justice, après m'avoir provoqué et m'avoir ainsi obligé à entrer dans le débat, a cru devoir pour sa défense, et c'est peut-être le motif de sa provocation, récriminer contre moi. « Si je suis coupable de palinodie, m'a-t-il dit, vous l'êtes aussi ; je puis relever dans votre carrière politique (qui ne date pas d'hier, qui a déjà 25 années de durée) des actes qui attestent que vous avez aussi changé d'opinion en certaines circonstances. N'avez-vous pas, a-t-il dit, promis la réduction du budget de la guerre à 25 millions, et n'êtes-vous pas ensuite venu proposer des augmentations de dépenses militaires au lieu de tenir la parole que vous aviez donnée de maintenir le budget de la guerre à 25 millions ? » Jamais je n'ai fait cette promesse ni pris cet engagement. (Interruption.) Jamais. (Interruption.)

M. De Lehaye. - C'est à cette condition que vous nous avez engagés à voter le budget de la guerre avec M. Delfosse. 25 millions était un maximum ; c'était une transaction. (Interruption.)

M. Frère-Orban. - J'ai même combattu mon honorable ami, M. Delfosse, sur cette question.

M. Allard. - Les Annales parlementaires sont là, je suppose.

M. Frère-Orban. - Permettez ; je vais expliquer de nouveau, puisqu'on m'y oblige, l'histoire du budget de 25 millions, dont il a été tant de fois parlé dans cette enceinte.

Voici ce qui s'est passé, comme on pourra le constater en consultant les Annales parlementaires :

Dès avant 1843, M. Brabant avant mis en avant un budget de la guerre à 25 millions et on attestait qu'il pouvait être réduit à cette somme.

La droite soutenait ce système ainsi qu'une partie de la gauche. MM. Brabant et Osy défendaient sur ce point la même opinion. Un ministre de la guerre fut renversé pour l'avoir combattue. La question était ouverte lorsque nous arrivâmes au pouvoir en 1847. Fidèle à ses antécédents, mon ami, M. Delfosse, réclama la réduction des dépenses militaires. Je défendis mes convictions contre lui. Nous déclarâmes, non pas que nous ne voulions point faire d'économies, toutes les économies possibles, mais que nous ne pouvions faire une question d'argent de la défense nationale ; que, le trésor fût-il des plus prospères, nous ne consentirions pas à des dépenses inutiles pour l'armée, mais que, fût-il dans la détresse la plus grande, nous ne consentirions pas davantage à compromettre, par des réductions, notre établissement militaire.

La guerre, un instant suspendue sur cette question à cause des événements de 1848, reprit bientôt après plus vive que jamais. Elle était attisée par les passions politiques de la droite et nous avions la mauvaise fortune d'avoir des finances dans un état déplorable. Il fallait à tout prix rétablir l'équilibre entre les recettes et les dépenses de l'Etat.

Nos amis, partisans du budget de la guerre à 25 millions, nous disaient : Réduisez les dépenses militaires et vous trouverez ainsi les moyens de satisfaire au moins en partie aux charges publiques. En tous cas, s'il n'y a point de réduction des dépenses militaires, nous ne voterons pas de nouveaux impôts.

L'opposition tout entière s'élevait avec une grande énergie tout à la fois contre toute proposition de nouveaux impôts et contre toute idée de réduire le budget de l'armée.

L'opposition était convaincue que sa situation était inexpugnable et qu'elle allait condamner le ministère libéral à périr. On sait les péripéties de la lutte qui se termina par la dissolution du Sénat.

Qu'est-ce que nous proposâmes un jour à nos amis pour déjouer la tactique de nos adversaires politiques ? Nous leur proposâmes un compromis, en leur disant : Vous prétendez que l'on peut réduire le budget de la guerre à 25 millions ; assurément s'il est démontré que l'on peut avoir un bon établissement militaire pour 25 millions, nous aimons mieux, donner 25 millions que de donner 30 millions.

Voici ce que nous ferons, nous allons nommer une commission qui sera chargée d'examiner ce budget de la guerre et de rechercher s'il peut être ramené au chiffre de 25 millions. Nous n'entraverons pas les travaux de cette commission ; nous les seconderons et, en preuve de notre loyauté, nous déclarons solennellement qu'il entre dans nos vues de ramener le budget à 25 millions, s'il est reconnu possible d'établir un budget sérieux sur cette base, c'est-à-dire sans compromettre la force organique de l'armée. Cela étant, voterez-vous les impôts qui seraient nécessaires pour satisfaire aux charges publiques ?

Et nos amis nous ont répondu : Dans ces conditions et en attendant le résultat des travaux de la commission, nous voterons les impôts. Et les impôts ont été votés et approuvés par le pays, malgré les clameurs et les colères de l'opposition.

La commission a été nommée ; elle a examiné ; et avant que le gouvernement fût appelé à se prononcer sur ses travaux, le cabinet dont je fais partie avait donné sa démission.

La commission a reconnu qu'il était impossible de réduire nos dépenses militaires, qu'elles devraient même être accrues notablement ; mais cette question a été résolue, non pas par nous, nous étions alors démissionnaires, mais par nos successeurs, en vertu de la loi de 1853, que je n'ai pas même votée.

Il me semble donc que l'affaire est très claire. Je viens de montrer l'erreur dans laquelle on est tombé en répétant ce que l'on a lu dans les journaux, qui l'ont souvent ressassé, que j'avais promis quand même, à tout prix, aux dépens de la force organique de l'armée, la réduction du budget de la guerre à 25 millions. J'ai mis l'histoire à la place du roman et ma prétendue palinodie pour ce premier point ne servira pas de bouclier à M. le ministre de la justice.

Le second grief qu'on me fait, c'est que j'ai déclaré inconstitutionnelle la loi de 1842 et que, étant ministre, j'ai continué à l'exécuter sans en demander la réformation.

Et bien, jamais je n'ai soutenu que cette loi fût inconstitutionnelle. Et même, si ma mémoire me sert bien, il m'est arrivé de démontrer le contraire.

Ce que j'ai peut-être pu dire, car cela est vrai, c'est qu'elle n'est pas en harmonie avec l'esprit de la Constitution.

Mais avoir soutenu qu'elle fût inconstitutionnelle, jamais je ne l'ai fait.

Quelle est la disposition de la Constitution qui contrarie directement la loi de 1842 ? Il n'y en a pas.

Mais ce qu'il y a, c'est que la Constitution n'a pas classé les citoyens en raison de leur culte ; elle les a tous considérés comme des citoyens également égaux devant la loi, et n'a entendu établir entre eux aucune distinction, pas plus dans l'école que dans le cimetière. Et c'est en cela, selon moi, que la loi de 1842 n'est pas complètement en harmonie avec l'esprit de la Constitution.

Entre ce thème-là et celui qu'on m'attribue, la différence est grande ; et cette fois encore l'abri derrière moi manque à M. le ministre de la justice.

Reste un troisième point : la question de l'or.

Sur cette question, j'ai différé un jour d'opinion avec la majorité de la Chambre qui, dix fois auparavant, avait été d'accord avec moi. J'ai donné ma démission.

M. Cornesse, ministre de la justice. - Mais vous êtes rentré.

M. Frère-Orban. - J'étais donc exclu à tout jamais du pouvoir ?

M. Cornesse, ministre de la justice. - En tant que vous mainteniez la loi.

M. Frère-Orban. - Pourquoi pas ? Pour quel motif ne l'aurais-je pas fait ? Voulez-vous du reste m'expliquer comment l'or ayant, grâce à la loi, envahi la circulation, comment il aurait été possible de modifier cette situation ?

Maintenant, le terrain sur lequel vous vous êtes placé est très dangereux. En effet, oubliez-vous que vous avez proclamé l'inconstitutionnalité de la loi sur la mise à la retraite des magistrats ? Vous avez dit, non pas qu'elle était contraire à l'esprit de la Constitution, ce qui peut se dire de bien des lois, mais vous avez soutenu qu'elle était directement contraire à un texte formel de la Constitution. M. d'Anethan aussi l'a soutenu. Et la loi des bourses ! vous l'avez attaquée comme quelque chose de pire encore. Vous l'avez attaquée comme immorale, vous l'avez qualifiée de loi de vol, et vous l'accusez tous les jours. (Interruption.)

(page 346) On ne saurait pas la changer, dites-vous. Mais il suffirait de deux lignes pour abroger la loi, rétablir les anciennes administrations et tous les anciens abus. Vous pouviez remettre en possession tous ceux qui autrefois détenaient les bourses d'étude.

M. Bouvier. - Cela viendra peut-être. (Interruption.)

M. Frère-Orban. - Je répète donc que l'argument dont on s'est servi qui n'avait rien de sérieux contre nous, devient menaçant quand on le retourne contre le cabinet et en particulier contre M. le ministre de la justice.

M. le ministre de la justice s'est placé imprudemment sur un terrain dangereux ; il ne devait pas s'y engager. Il le devait d'autant moins qu'il ne pouvait s'affranchir ainsi de la responsabilité qui pèse aujourd'hui sur lui.

Il restera vrai qu'il a rétracté le lendemain ses opinions de la veille ; il restera vrai qu'il a abandonné ses opinions sans excuse possible autre que celle de prendre un portefeuille.

C'est par dévouement, déclare-t-il enfin, qu'il a accepté cette position. Eh bien, soit ; mais il a eu tort, même par dévouement, de renier les engagements qu'il avait contractés en face du pays.

M. Jacobs, ministre des finances. - Messieurs, on a tort, quand, dans cette Chambre, on reproche trop aigrement à ses adversaires politiques d'avoir renié leurs antécédents, même en matière d'interprétation de la Constitution. Je crois que, dans toute carrière politique un peu longue, on trouve que l'expérience a guidé et que l'expérience a appris.

On parlait tout à l'heure de la loi sur la magistrature. Je vais vous citer un exemple bien plus ancien ou il a paru aussi à des hommes d'Etat qu'une disposition de loi était inconstitutionnelle, et plus tard ces mêmes hommes d'Etat l'ont fait voter, sans que personne leur jetât la pierre, sans qu'on leur en fît un reproche.

On discutait la loi communale. La Constitution porte que les chefs des administrations communales sont nommés par le roi. Surgit la question de savoir si les échevins peuvent être nommés par le roi, si les chefs des administrations communales comprennent les échevins comme les bourgmestres. MM. Ernst et d'Huart, deux hommes que tout le monde respecte, soutenaient cette thèse qu'il était impossible, en présence du texte de la Constitution, de faire nommer les échevins autrement que par le corps électoral.

Eh bien, une année après, la question ayant été décidée par la Chambre, ces honorables hommes d'Etat se sont inclinés devant la décision de la majorité de la représentation nationale, et qu'ont-ils fait ? Etant au banc ministériel, ils ont fait voter la loi communale dans sa dernière édition y compris la disposition qu'ils avaient combattue.

De même, l'ordre de Léopold a été déclarée inconstitutionnel par beaucoup de membres...

M. Coomans. - Oui ! oui, et ils ont été décorés après. (Interruption.)

M. Jacobs, ministre des finances. - ... par beaucoup de membres qui ont accepté plus tard l'ordre de Léopold sans aucun scrupule inconstitutionnel.

Il en est de même de la loi sur la magistrature, dont on parlait tout à l'heure. Quand cette loi a été présentée, une des questions les plus délicates peut-être a été soumise à la Chambre.

D'honorables membres de la majorité d'alors ont émis des scrupules constitutionnels ; je citerai notamment MM. Dolez et Orts. Un seul membre du cabinet, tel qu'il a été constitué, a pris dans cette enceinte la parole dans cette discussion spéciale, c'est l'honorable M. Tack, et, si vous voulez revoir, aux Annales parlementaires, le discours prononcé par l'honorable M. Dupont, qui a parlé après lui, vous verrez que l'honorable M. Dupont déclarait que le discours de l'honorable M. Tack était plutôt un discours en faveur de la loi, tant il témoignait de doute et d'hésitation, qu'un discours contre la loi.

Il n'est donc pas exact de dire que la droite, d'une façon absolue, a considéré cette loi comme une loi inconstitutionnelle, qu'elle ne pouvait jamais, dans aucune hypothèse, accepter.

Il est, messieurs, des circonstances dans lesquelles il faut accepter le verdict de la majorité, chacun conservant son opinion ; on ne pourra jamais prétendre qu'un ministre se rend coupable de palinodie, parce qu'il accepte ce qui a été déclaré constitutionnel par la majorité de la législature, soit quant à l'ordre de Léopold, soit quant à la nomination des échevins, soit quant à la retraite de la magistrature.

- Un membre. - Vous condamnez M. Cornesse.

M. Jacobs, ministre des finances. - Je ne condamne personne.

Je prétends, au contraire, que l'on n'aurait pas dû, à propos d'une question qui n'intéresse pas la Constitution, attaquer l'honorable M. Cornesse comme on l'a fait. Si des modifications d'opinion sont justifiables, ce n'est pas seulement quand elles sont désintéressées, c'est surtout quand, les circonstances étant changées, celui qui modifie quelque peu que ce soit sa manière de voir, se soumet immédiatement au verdict du corps électoral en déclarant qu'il ne veut pas conserver un mandat qui ne soit confirmé.

L'honorable M. Cornesse, quand il est entré dans le cabinet, cédant aux vives instances de l'honorable baron d'Anethan, jetant, lui aussi, la fortune aux quatre vents du ciel, a exigé, comme condition avec d'autres de ses collègues, la dissolution immédiate pour permettre aux membres du cabinet de soumettre au corps électoral la politique qu'ils voulaient pratiquer au pouvoir.

Voilà l'altitude que l'honorable M. Cornesse a prise, et je crois pouvoir dire que sa considération, loin d'en être amoindrie, s'en trouve au contraire augmentée et fortifiée.

M. Bara. - Messieurs, je crois que le débat qui se trouve engagé mérite toute l'attention de la Chambre et du pays.

Que vient-on de faire au banc ministériel ? L'éloge de la palinodie ; pas autre chose.

Je comprends parfaitement que l'honorable M. Jacobs soit venu tendre la main à l'honorable M. Cornesse ; il a, sur ce terrain, bien des choses à se faire pardonner et à faire oublier.

Quelle est la défense de l'honorable M. Jacobs ? Vous l'avez entendu. Il se borne tout simplement à dire : « Je me suis représenté devant mes électeurs et ils m'ont réélu ; tout est dit, la morale est sauve, »

Ainsi l'on peut professer une opinion aujourd'hui, s'en servir pour conquérir des suffrages et, arrivé au pouvoir, condamner cette opinion. Si l'on obtient alors le renouvellement de son mandat, tout est justifié, tout est excusé. Le succès lave tout, voilà la morale de M. Jacobs ! (Interruption.)

Non, messieurs, le succès n'absout pas d'une mauvaise action et il ne justifie rien ; un homme vaincu pour avoir conservé ses opinions est plus honorable et plus respectable que le vainqueur qui a trahi son drapeau.

Voilà ce que la conscience proclame et je m'étonne profondément que là où l'on devrait défendre les principes de la morale et de l'honnêteté, on vienne dire : On peut impunément renier ce que l'on a soutenu la veille ; c'est un moyen honnête de réussir et de parvenir. (Interruption.)

M. Coomans. - Vous faites une tirade.

M. Bara. - Une tirade qui vous est malheureusement bien nécessaire.

Je sais fort bien que vous ne tiendrez aucun de vos engagements. (Interruption.)

Vous avez promis plus que vous ne tiendrez. (Interruption.) Que signifient ces interruptions ?

Comment l'honorable M. Cornesse se justifiait-il tout à l'heure ? Je me suis trompé, disait-il, je ne croyais plus à la guerre. Et vous acceptez ces explications !

Mais comment pourriez-vous faire croire que l'honorable M. Cornesse, si novice qu'il se dit en matière politique, ait ignoré les premiers mots de la question qu'il traitait devant les électeurs de Verviers ; qu'il ne croyait plus à la possibilité de la guerre et que, pour lui, l'âge d'or allait régner pour l'humanité ?

Et quand il vient se retrancher derrière la guerre actuelle pour justifier son changement d'opinion passant à côté de l'objection qu'on lui a faite, qu'il avait accepté le portefeuille de la justice et un programme contraire à ses promesses, alors que la guerre n'avait pas éclaté, pouvez-vous croire que c'est là une réponse sincère et sérieuse ? Non, messieurs ; M. Cornesse a changé d'opinion parce que sans cela il ne pouvait pas devenir ministre. (Interruption.)

Combien je préfère la conduite de mon honorable ami M. Frère-Orban ! Pour une question qui n'avait rien de politique ; pour une question que, quant à moi, j'ai considérée comme une simple question d'amour-propre, il s'est retiré du cabinet ! On peut se retirer du ministère quand on succombe dans son opinion, c'est honorable ; mais on ne peut pas y entrer par une palinodie.

Quand j'ai pris la parole, c'était surtout pour répondre à ce que M. le ministre des finances a dit de la loi sur la mise à la retraite des magistrats.

vous savez, messieurs, comme cette loi a été attaquée par l'opposition d'alors ; elle ne disait pas que la loi n'était inconstitutionnelle que dans son esprit, mais qu'on ne pouvait pas la voter parce qu'un texte formel de la Constitution en empêchait l'application ; elle invoquait l'article 100 disant que les magistrats étaient nommés à vie, et soutenait qu'on ne pouvait faire une loi pour les mettre à la retraite à 70, à 72 et à 75 ans.

(page 347) Voila la thèse que MM. Jacobs et de Theux soutenaient ici, que MM. d'Anethan et Malou défendaient au Sénat. Eh bien, quelle est aujourd'hui l'opinion de M. Jacobs ? Il ne révisera pas cette loi, le cabinet l'appliquera. D'un ton mielleux, il vient vous dire : « Mais tous les jours on change d'opinion ; MM. d'Huart et Ernst, au temps jadis, ont changé d'opinion à propos de je ne sais quel article de la loi communale ; il faut vous habituer à ces changements de convictions, car nous, nous allons opérer la même volte-face au sujet de la loi sur la mise à la retraite des magistrats. »

Je demanderai à M. Jacobs : Est-ce que le chef du cabinet, M. d'Anethan, a renié tout ce qui a été dit par la droite au sujet de cette loi ? Le cabinet va-t-il laisser subsister et appliquer ce que dans l'opposition il qualifiait de violation flagrante de la Constitution ? Alors je vous dirai que ce que vous appelez aujourd'hui vos scrupules constitutionnels n'étaient qu'un prétexte à opposition. Appliquer la loi sur la mise à la retraite des magistrats, c'est mériter ce reproche. J'ajouterai que quand vous attaquiez cette loi, vous saviez fort bien qu'elle n'était pas inconstitutionnelle, mais comme c'était le parti libéral qui devait faire les nominations, vous croyiez avoir intérêt à empêcher le vote de la loi. Si aujourd'hui vous ne considérez plus la loi comme inconstitutionnelle, c'est parce que c'est vous qui pouvez faire les nominations. Voilà de la moralité !

Nous n'agirons pas comme vous et nous vous en prévenons.

Si vous révisez la loi sur les cimetières dans des vues d'intolérance, et que mon parti revienne au pouvoir, j'espère qu'il réformera ou rapportera votre œuvre. Quand vous aurez corrompu l'enseignement... (Interruption.)

M. le président. - Je ferai remarquer à M. Bara que cette expression parlementaire...

M. Bara. -... Je veux dire : Quand vous aurez dénaturé nos lois sur l'instruction en livrant l'enseignement aux corporations religieuses, notre parti revenu au pouvoir ne viendra pas dire : « Oubliez mon passé, j'ai changé d'opinion. »

Vous devez être logiques ; vous devez être, au pouvoir, ce que vous avez été dans l'opposition. Sinon, le pays continuera à vous appeler, comme il vous appelle maintenant, le ministère de la palinodie.

M. de Theux. - Personne, messieurs, ne pouvait s'attendre à la discussion politique qui vient de surgir si inopinément. Mais n'avons-nous pas le droit de nous demander et le pays ne se dira-l-il pas que cette chaleureuse discussion n'est que le résultat des regrets d'être déchus du pouvoir ? (Interruption.)

Eh bien, messieurs, je crois que pour répondre à tout ce qui a été dit, on peut rappeler que deux élections ont eu lieu : un renouvellement par moitié de la Chambre, constitution du ministère et puis dissolution des deux Chambres. Et le pays a-t-il condamné le ministère ? En aucune manière ; il l'a, au contraire, vivement appuyé et l'on peut encore ici invoquer le fait de l'élection d'hier, qui nomme un sénateur catholique dans la capitale de la Belgique.

On nous a souvent dit : Vous êtes les représentants des paysans, des petits arrondissements. Eh bien, énumérez donc, s'il vous plaît aujourd'hui les villes qui vous donnent la majorité. Nous avons dans notre parti les représentants de Gand, d'Anvers, de Bruges, de Charleroi, etc., etc.

Votre politique, messieurs, est condamnée par le pays et vous avez beau vous élever contre cette condamnation dans de chaleureuses discussions, nous nous étendrons encore davantage dans l'avenir.

Votre politique, qui a dominé pendant tant d'années, n'a plus de chance de réussir et d'arriver au pouvoir. On nous reproche de ne pas proposer le retrait de la loi sur la mise à la retraite de la magistrature. Mais c'est vraiment vouloir nous faire jouer un rôle ridicule.

Vous avez mis à la retraite des magistrats nommés sous le régime de la Constitution, sans limite d'âge par conséquent, et aujourd'hui vous voudriez rendre l'immutabilité à des magistrats nommés à terme, et si vous reveniez au pouvoir, vous porteriez une nouvelle loi retirant celle que nous aurions votée et la magistrature se trouverait ainsi ballottée entre une loi nommant les magistrats à vie et une autre loi les mettant à la retraite à 70, 72 ou 75 ans.

Je maintiens encore aujourd'hui que la Constitution garantit la nomination à vie, mais il est impossible de changer la situation, la magistrature doit être établie suivant des règles fixes.

M. Bara. - Et vous dites que nous ne reviendrons pas ?

M. Beeckman. - Pas de sitôt !

M. de Theux. - Je parle ici d'une question spéciale. Il se peut qu'après nous, arrivent d'autres hommes qui encore une fois rétabliraient comme terme de la carrière des magistrats l'âge de 70 ou 75 ans. (Interruption.) Il n'est pas nécessaire que ce soit vous, M. Frère ; d'autres hommes, je le répète pourraient le faire, et nous ne voulons pas faire de la magistrature le jouet de nos discussions politiques.

Quant à la loi des bourses d'étude, il ne peut entrer dans notre intention de la réformer. Agir de la sorte serait jeter le trouble et le désordre dans l'administration du pays 'on pourrait encore changer notre loi, et ce n'est pas ainsi que les choses se passent dans un gouvernement sensé.

Quant à ce qui est de l'armée, messieurs, j'ai combattu énergiquement la proposition qui était faite d'augmenter le contingent annuel en le portant à 12,000 hommes, mais les circonstances n'étaient pas les mêmes qu'aujourd'hui. Quand le gouvernement français a proposé une loi qui se rapprochait de celle qui régit la Prusse, il n'a pas pu l'obtenir ; il y a eu des amendements.

Si la paix se fait bientôt, que fera la France ? Adoptera-t-elle la constitution militaire de la Prusse ? Nous n'en savons rien.

Dieu veuille que non ; Dieu veuille que les puissances soient assez bien inspirées pour mettre un terme aux exagérations militaires qui ruinent les pays et qui, fatalement, devront un jour subir un grand changement au détriment des forces militaires. Mais aujourd'hui, il se peut que, au lieu de réduire les armées permanentes, on en arrive à un armement général de toute l'Europe. L'exemple de l'Autriche et de la Russie nous le fait craindre. «.

Je termine, messieurs, et je conclus en disant qu'en prolongeant cette discussion, on pourrait faire croire au pays qu'on regrette son verdict du mois de juin et du mois d'août.

- Voix nombreuses. - Aux voix !

M. le président. - La Chambre me paraît désireuse de remettre à demain la suite de la discussion générale.

- Plusieurs membres. - Oui ! oui !

M. le président. - Il en sera ainsi.

Projet de loi allouant des crédits provisoires au budget du ministère de l’intérieur et des travaux publics

Rapport de la commission

M. De Lehaye. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre le rapport de la commission spéciale qui a été chargée d'examiner les projets de lois allouant des crédits provisoires au budget de l'intérieur et des travaux publics pour l'exercice prochain.

Projet de loi rendant disponible le reliquat de l’article 20 du budget du ministère de la guerre pour 1870

Rapport de la section centrale

M. Van Overloop. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre le rapport de la section centrale sur le projet de loi qui rend disponible, pendant les exercices 1871 et 1872, la somme de 1,220,000 francs formant le reliquat de l'article 20 du budget de la guerre pour 1870.

- Les rapports seront imprimés, distribués et les objets qu'ils concernent mis à la suite de l'ordre du jour.

La séance est levée à 5 heures et demie.