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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 24 novembre 1870

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1870-1871)

(Présidence de M. Vilain XIIII.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 179) M. Wouters procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Reynaert donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

(M. de Naeyer remplace M. Vilain XIIII au fauteuil de la présidence.)

Pièces adressées à la chambre

M. Wouters présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Les bourgmestre, échevins et conseillers communaux et des habitants d'Izel demandent que M. le ministre des travaux publics examine d'urgence les propositions de la compagnie du chemin de fer de Virton et qu'en attendant il n'oblige pas celle-ci à exécuter le tracé de l'administration des ponts et chaussées. »

« Même demande d'habitants de Torgny. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le secrétaire communal d'Assenede demande que l'avenir des secrétaires communaux soit assuré, que leur traitement soit mis en rapport avec l'importance de leur travail et des services qu'ils rendent aux administrations communales, provinciales et générale.

« Même demande des secrétaires communaux de l'arrondissement de Hasselt. »

- Même renvoi.

M. Lelièvre. - Un prompt rapport a été ordonné sur une requête de même nature. Je demande que semblable disposition soit prise à l'égard de la pétition dont il s'agit, que j'appuie tout particulièrement.

M. Van Renynghe. - J'appuie cette demande.

M. le président. - La recommandation sera transmise à la commission des pétitions.


« Des habitants de Bruges demandent une révision de la Constitution dans le sens de la proposition de M. Demeur.

« Des habitants de Verviers prient la Chambre de prendre la proposition en considération. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion de la prise en considération de la proposition.


« M. Van Cromphaut, empêché par un deuil de famille, demande un congé. »

- Accordé.

Interpellation relative à une demande de congé en matière de milice

M. Vilain XIIII. - Messieurs-, voici la pétition qui a été adressée hier à la Chambre et à propos de laquelle j'ai annoncé l'intention d'interpeller M. le ministre de la/guerre :

« Lessines, le 22 septembre 1870.

« Monsieur le président,

« Je soussignée Delchamp, Marie, épouse Délier, Emile, milicien de 1865, servant actuellement au premier régiment d'artillerie, huitième batterie montée, demande et vous supplie de faire renvoyer son mari en congé.

« Elle réclame votre ministère afin que vous preniez pitié d’une femme enceinte prête à avoir un enfant, sans ressource de personne et sur le point de mendier son pain.

« Epouse Delier. »

C'est la seule pétition de cette espèce qui soit arrivée à la Chambre. Mais j'ai reçu personnellement la visite de deux femmes qui se trouvent absolument dans le même cas et qui m'ont adressé personnellement leur réclamation.

Je sais bien qu'il y a dans la loi d'amnistie une disposition qui, en absolvant les déserteurs des peines édictées par le code pénal militaire, les oblige à rentrer dans leurs régiments et à servir pendant un laps de temps égal à celui qu'ils ont passé hors du pays, et il peut y avoir des miliciens mariés de cette catégorie.

Je sais aussi qu'on ne donne pas de congés illimités aux miliciens qui n'ont pas apuré leur masse. Il est possible que des miliciens mariés se trouvent également dans cette catégorie.

Mais, messieurs, j'attends de M. le ministre de la guerre une déclaration explicite, formelle que, hors ces deux catégories, il n'y a point de miliciens mariés retenus sous les drapeaux. Quand nous aurons cette déclaration formelle et lorsque de malheureuses femmes viendront réclamer notre appui, nous pourrons leur répondre que, tout en prenant pitié de leur position, leur malheur n'est dû qu'à la faute de leurs maris.

M. le général Guillaume, ministre de la guerre. - Si madame Delier s'était adressée tout simplement au département de la guerre, en faisant valoir le motif grave qu'elle invoque dans sa pétition à la Chambre, il n'y a pas le moindre doute que, conformément à tous les antécédents, son mari n'eût été envoyé en congé dans les vingt-quatre heures. J'ai reçu hier seulement une pétition de cette dame, mais elle a tout à fait négligé d'y faire allusion à la position intéressante dans laquelle elle se trouve. Quoi qu'il en soit, cette pétition sera examinée avec toute la bienveillance qu'on a l'habitude d'apporter dans l'examen de ces sortes d'affaires.

Quant à la situation des mariés en général, sur laquelle l'honorable M. Vilain XIIII m'a interrogé, je déclare, de la manière la plus positive, que tous les hommes mariés des classes de 1863,1864, 1865 et 1866 ont été renvoyés dans leurs foyers partout où l'on a pu le faire sans désorganiser le service. Dans le moment actuel, il n'y a qu'un régiment de l'armée, le deuxième d'artillerie, qui ait dû conserver quelques hommes mariés, parce que, si on les avait renvoyés chez eux, il eût été impossible de maintenir les attelages des voitures.

Voilà, messieurs, la position actuelle.

Mes efforts tendront à faire pour l'artillerie ce que je suis déjà parvenu à réaliser pour la cavalerie, l'infanterie et le génie.

M. Vilain XIIII. - D'ici à peu de temps ?

M. le général Guillaume, ministre de la guerre. - Le plus tôt possible.

M. le président. - Personne ne demandant plus la parole, l'incident est clos.

Proposition de loi proposant de déclarer qu’il y a lieu à réviser les articles 47, 53 et 56 de la Constitution

Prise en considération

La parole est à M. Couvreur.

M. Couvreur. - Messieurs, plus qu'aucun des autres signataires de la proposition, sauf l'honorable M. Demeur qui en a pris l'initiative, j'ai le devoir d'en justifier la nécessité et l'opportunité.

En effet, j'ai été des derniers à m'y rallier et je ne l'ai fait qu'après mûre réflexion, comme il convient à un homme de bonne foi, qui, après avoir longtemps professé une opinion contraire, se rend à la puissance des (page 180) raisons et des faits qui ont agi sur son esprit. C'est un converti qui vous parle. Peut-être cela me vaudra-t-il votre indulgence si je mets un peu trop de longueurs dans ma démonstration.

Et tout d'abord, permettez-moi, messieurs, d'écarter de ces délibérations le spectre rouge qu'on y a si étrangement mêlé pour dénaturer nos intentions et effrayer vos consciences. Ceci est une question de bonne foi : Notre proposition, loin d'avoir un caractère révolutionnaire, est éminemment prudente, prévoyante, conservatrice. Elle l'est par nos intentions, elle l'est par les faits, elle l'est par les circonstances au milieu desquelles elle se produit, elle l'est par le sentiment public qui n'a pas blâmé notre audace, alors qu'on nous accusait de porter la main sur l'arche sainte de notre nationalité pour introduire dans la législation des innovations incompatibles avec nos mœurs et avec l'ordre social.

De qui émane la proposition ? A-t-elle pour auteur quelque agitateur arrivé, par le hasard de la faveur populaire ou l'indifférence de ses adversaires, à l'honneur d'un mandat public ? Est-elle signée de quelques enthousiastes, ivres de théorie et de logique, marchant droit devant eux, sans s'inquiéter des obstacles qu'ils peuvent rencontrer sur leur route ? Les signataires de la proposition sont des hommes dans la force de l'âge, en communauté d'idées et de sentiments avec la génération à laquelle ils appartiennent, ayant à sauvegarder des positions acquises par le travail, mûris par l'expérience politique qu'ils doivent à des travaux antérieurs dans la presse ou dans les meetings, dans cette assemblée ou dans les autres corps électifs de la nation.

Il y a là déjà une première garantie qui devrait rassurer ceux qui feignent de s'alarmer si facilement au sujet de nos projets. Aussi, n'est-ce pas sans étonnement que j'ai entendu un esprit aussi ouvert que celui de l'honorable M. Rogier à toutes les idées de la jeunesse, tout en rendant un légitime hommage à la sagesse et à la modération des développements de la proposition, prétendre, lui aussi, que nous voulions le suffrage universel et faire des efforts pour nous en arracher l'aveu.

Je comprends d'autant moins cette attitude de l'honorable M. Rogier que j'ai peine à saisir les points qui nous séparent. Il n'est pas l'ennemi systématique du suffrage universel, nous non plus. Il n'en veut pas l'application brutale et absolue. Nous sommes encore de son avis. Toute la question entre lui et nous se réduit à savoir s'il faut prévoir et préparer l'avenir et faire droit aux exigences, aux griefs, aux craintes des générations nouvelles. Ici l'honorable M. Rogier s'arrête, il ne veut même pas que la discussion se prolonge, il nous invite à y couper court et il se plaint que la jeunesse dédaigne les conseils des anciens. Je ne sache pas que personne de nous ait jamais manqué de déférence pour l'honorable membre, d'estime pour sa personne, de reconnaissance pour ses services. Est-ce que, hier encore, nous ne prêtions pas à ses paroles une oreille attentive ? Et même pendant qu'il parlait je ne pouvais me défendre d'un rapprochement.

Quel dommage, me disais-je, devoir un esprit si heureusement doué, un cœur si chaleureux, ne pas savoir faire, avec plus de justice, la part des besoins des générations nouvelles. Pourquoi n'avons-nous pas parmi nous, à notre tête, comme en Angleterre, un de ces hommes d'Etat vieillis dans les affaires, qui marchent avec le temps, qui savent se faire aux nécessités nouvelles, qui suivent le mouvement et le dirigent au lieu de l'enrayer ?

Cela exige sans doute de grands efforts, il faut se tenir au courant des idées nouvelles, refondre les siennes, abandonner des convictions, rompre quelquefois des habitudes, ses relations, ses amitiés, s'exposer à être accusé, méconnu, calomnié ; mais quel triomphe de s'appeler dans l'histoire Peel ou Gladstone ! d'avoir été tory et de devenir radical, et de grandir encore dans l'estime du monde !

L'honorable député de Tournai a fait la Belgique libérale de 1830, que ne nous aide-t-il à faire la Belgique démocratique de 1870 ? Elle couvrirait sa gloire du plus illustre couronnement.

Sommes-nous, comme l'honorable M. Rogier veut à toute force nous le faire dire, des partisans du suffrage universel ? Notre proposition n'est-elle qu'un moyen habile et détourné de l'introduire dans nos institutions ?

On a déjà protesté contre l'assertion, et je ne puis que joindre mes protestations à celles de mes cosignataires. Personne de nous n'est disposé à introduire en Belgique ce qu'on entend ordinairement sous ces mots de, suffrage universel : Pour mon compte, je n'hésite pas à dire que je regarderais une introduction pareille comme un grand malheur.

La déclaration est, j'espère, claire et nette. Je désire que ce que j'ai à ajouter ne le soit pas moins.

En théorie, le suffrage universel n'est que l'application de ce principe sur lequel repose tout notre droit public : tous les pouvoirs émanent de la nation, c'est-à-dire du peuple tout entier. A ce point de vue, nul n'a le droit de le répudier ; ceux mêmes qui le condamnent, qui n'en veulent à aucun prix - et je ne range pas M. Rogier dans cette catégorie - doivent se préparer à le subir quelque jour soit par eux-mêmes, soit par leurs enfants ; le droit de participer à la vie politique ne peut plus rester le privilège de quelques-uns ; il doit aller en s'élargissant, et c'est avec raison qu'un publiciste éminent qui n'était pas un admirateur du suffrage universel - tant sans faut, l'honorable M. Prevost-Paradol, - a pu dire qu'il en était du suffrage universel comme de l'amour, et que si jamais on lui érigeait une statue, on pourrait écrire sur le piédestal ces lignes :

« Qui que tu sois, voici ton maître :

« Il l'est, le fut ou le doit être. »

Mais si juste que puisse être la théorie du suffrage universel, on ne fait pas des lois avec de la théorie pure. Expression des besoins de leur temps, celles-ci ne peuvent être jamais que l'application des principes aux nécessités du moment. Toute la science de la politique consiste à bien saisir ces nécessités. Qui les devance, s'égare ; qui y résiste, s'effondre.

Les partisans les plus fanatiques du suffrage universel en écartent les femmes, les mineurs, les fous, les imbéciles : ce qu'on appelle les incapables. Parmi ces incapables, il ne faut pas hésiter à ranger ceux qui ne possèdent pas les premiers instruments indispensables pour se familiariser avec les institutions politiques qui les régissent, ceux qui ne peuvent pas contrôler les conseils de leur entourage le plus immédiat, ceux qui ne se servent de leurs droits que pour les abandonner, comme nous l'avons vu en France, ceux qui ne peuvent pas entrer en communication avec la pensée des chefs de la nation et de leurs concitoyens vivant en dehors du milieu où les retiennent le rude labeur de leurs travaux quotidiens.

N'est pas citoyen qui n'est citoyen que de son village. Or, cette communauté d'idées, de vues avec d'autres coreligionnaires politiques en dehors d'un cercle étroit de la vie journalière, ne s'établit que par une éducation politique préalable, et cette éducation politique elle-même suppose un certain degré d'instruction primaire. Un suffrage universel exercé par une population ignorante, abrutie mène au despotisme et aux catastrophes qu'il engendre.

Je n'en veux à aucun prix, mais j'acclamerai de toutes mes forces et vous acclameriez avec moi, le tableau de toute une population intelligente et instruite confiant ses destinées à l'urne du scrutin.

Que la Belgique, malgré les grands progrès qu'y a réalisés l'instruction, ne possède pas encore une population pareille, c'est ce que nous devons, hélas ! bien nous avouer ; qu'il soit désirable, nécessaire de l'en doter, c'est ce que nul ne contestera. Que le suffrage universel reste dans l'idéal, mais le suffrage universel avec le développement de l'instruction publique,, le suffrage universel avec le bulletin écrit de la main du votant ; voilà l'avenir et c'est la transition vers cet avenir que le législateur beige doit toujours avoir présente à la pensée.

Je viens d'esquisser à grandes lignes les tendances générales des auteurs de la proposition. Faut-il maintenant que pour répondre à l'appel de l'honorable ministre des finances, j'aille jusqu'à formuler tout un projet de réforme électorale ? Faut-il que je vous dise qu'au cens de 20 florins nous substituerons d'autres garanties de capacité, que je précise la nature de ces garanties, que je vous dise comment nous pourrions marier le cens avec la capacité, ou le réduire à dix florins, ou le remplacer parla base anglaise du loyer ? Est-ce là ce qu'il vous faut pour vous prononcer sur le mérite de notre proposition ? Mais remarquez bien que nous nous ferions là un rôle qui n'est pas le nôtre, et que, de plus, nous tomberions très sottement dans un piège.

Nous n'avons pas délibéré sur les conditions de la loi électorale qui devrait prendre la place des dispositions constitutionnelles, parce que cela était complètement inutile. J'ajoute que si nous l'avions fait, si j'avais là un projet tout préparé, tout rédigé, je me garderais bien de le faire connaître. Vous vous en feriez une arme contre notre proposition et vous discuteriez l'accessoire au lieu de discuter le principal.

Tout ce que nous avons à démontrer, et cela a été fait à satiété par l'exposé des motifs et par les discours que vous avez entendus, c'est que la proposition est la conséquence logique et nécessaire du projet de loi que le gouvernement a déposé ; que les dispositions constitutionnelles dont nous demandons, la révision ne sont plus en harmonie avec nos mœurs, qu'elles peuvent devenir un danger public et qu'à tous ces points de vue, il y a lieu de les écarter. Quant à cela nous avons ajouté dans quel esprit la révision doit se faire, notre tâche est accomplie. Cette Chambre dépasserait sa compétence si elle voulait aller plus loin ; si elle voulait dire au pays : Voilà la formule que nous voulons substituer à ce qui existe.

Ce soin incombera aux assemblées futures, et elles ne pourront s’en (page 181) acquitter que lorsque le pays, après des discussions prolongées dans ses assemblées libres comme dans les conseils de la nation, aura fait connaître ses vœux, quant à la teneur des lois qui devront régler dorénavant le recrutement, soit de cette Chambre, soit du Sénat.

Une chose m'étonne, messieurs : c'est que ce soit le cabinet qui nous demande des explications inutiles, lui qui sait si bien se soustraire aux explications nécessaires. Quand il s'est installé au pouvoir et qu'on lui a demandé son programme, qu'a-t-il répondu ? Une véritable énigme. Insistait-on ? Lui disait-on : Mais quels sont vos principes ? - Le pays en décidera. - Etes-vous pour ou contre l'extension du suffrage ? - Le pays en décidera. - Comment voulez-vous l'extension du suffrage ? - Le pays en décidera. Et c'est là-dessus que se sont faites les élections. Dans le bleu ! C'était le moment de s'expliquer. Aussi, aujourd'hui, ne savons-nous pas encore si le gouvernement est d'accord avec l'honorable M. Schollaert ou' avec l'honorable M. Coomans en matière électorale, ou s'il ne l'est ni avec l'un ni avec l'autre de ces honorables membres.

Nous, du moins, nous disons nettement ce que nous voulons et comment nous le voulons. Nous voulons que les articles 47, 53 et 56 disparaissent de la Constitution, et nous démontrons que cela est nécessaire. Nous ajoutons que, dans notre pensée, le législateur devra élargir les dispositions contenues dans ces articles, mais nous n'avons pas la prétention de lui rien imposer à cet égard, parce que cela n'est pas de notre compétence et que le législateur futur doit garder, sur ce point, toute sa liberté.

Abordant un autre point, l'honorable M. Jacobs a essayé de démontrer que les dispositions électorales qui règlent la composition des Chambres doivent, nécessairement, faire partie des dispositions constitutionnelles ; qu'il en est ainsi dans les lois fondamentales de tous les pays, que c'est une garantie nécessaire contre les fluctuations des passions populaires et les intrigues parlementaires.

Il y a beaucoup à répondre à cela. Et d'abord, je demanderai à l'honorable ministre où il a vu que la résolution soumise à la Chambre tranchait la question ? Les considérants revendiquent, à la vérité, pour le législateur, une liberté constante. Mais c'est là une opinion personnelle aux auteurs de la proposition. La résolution n'en dit rien. Elle ne lie pas l'avenir. Elle ne préjuge rien. Il restera loisible au constituant futur de donner raison contre nous à la thèse de l'honorable ministre. Il pourra décider qu'il serait imprudent d'abandonner à la volonté mobile des majorités la composition des deux Chambres ; il pourra inscrire dans la future Constitution les bases de la future loi électorale ; substituer au cens de 20 florins n'importe quelle autre combinaison. Notre proposition n'y fait pas obstacle.

Toutes les législations, dit M. le ministre, lient sur ce point la volonté du législateur. Cela n'est pas exact pour la législation anglaise ; cela n'est pas exact non plus pour tous les pays, et ils sont nombreux, où le suffrage universel est devenu un principe de droit public, la loi électorale se bornant alors à réglementer l'application de ce principe ; enfin, cela a failli ne pas être pour notre propre législation.

En effet, messieurs, et ce point est intéressant à rappeler, il s'en est fallu de bien peu que cette disposition sacro-sainte du cens avec son minimum de 20 florins, ne fût pas inscrite dans la Constitution et que toutes les dispositions de la loi électorale restassent à la merci du législateur.

Le point est intéressant à rappeler ; il l'a été tout récemment dans une publication d'un ancien constituant, l'honorable M. Jottrand, et je demande à la Chambre la permission de lui rappeler l'histoire de l'introduction de l'article 47 dans la Constitution ; elle est véritablement édifiante.

Le projet de Constitution élaboré par les soins de la commission qui avait été nommée par le gouvernement provisoire, ne renfermait pas la disposition relative au cens. Il laissait, au contraire, au législateur le soin de déterminer les conditions électorales.

Le projet de Constitution qui fut déposé, plus tard, par MM. Forgeur, Barbanson, Fleussu et Liedts, en novembre 1830, ne porte également rien pour la qualification d'électeur.

Au titre X, on lit : « Le mode d'élection est fixé par la loi. »

Ces deux projets furent renvoyés à la section centrale qui était présidée par M. Raikem.

Après avoir passé par l'examen des sections et de la section centrale, la proposition qui revint au Congrès était ainsi conçue :

« La Chambre se compose des députés élus directement par les citoyens. »

Et dans son rapport, M. Raikem disait ceci :

« Le projet consacre l'élection directe ; il laisse à la loi le soin de régler les élections et de fixer le nombre des députés. On a pensé (remarquez la phrase), on a pensé que ces objets pouvaient être susceptibles de variations. »

Voilà donc bien la théorie contraire à celle développée par M. le ministre des finances qui est indiquée, par le rapport de M. Raikem et par la proposition de la section centrale, comme étant la vraie doctrine constitutionnelle.

Comment se fait-il que ces dispositions qui avaient été maintenues après les délibérations des différentes sections, de la section centrale, qui avaient passé par le critérium des hommes les plus éminents du Congrès, comment se fait-il que ces dispositions aient été modifiées ? Y a-t-il eu, sur ce point, un long débat ? une discussion dans la presse et dans les assemblées publiques ? Non ; l'article 47 a été improvisé.

C'est dans la séance du 6 janvier qu'on aborde l'examen du titre relatif à la Chambre des représentants. M. Defacqz se lève et propose d'ajouter ces mots : « Les citoyens payant le cens déterminé par la loi électorale, cens qui ne pourra excéder 100 florins d'impôts directs ni être inférieur à 20 florins. »

Croyez-vous que M. Defacqz se soit donné la peine de justifier longuement sa proposition ? Point ; il se borne à présenter quelques considérations très générales.

M. Raikem, rapporteur de la section centrale, parla après M. Defacqz.

Il dit que la question de savoir si la qualité d'électeur devait reposer sur le cens avait été agitée en section centrale et qu'on l'avait décidée par l'affirmative, mais qu'on était convenu d'en laisser la fixation à la loi électorale. La section centrale n'avait pas cru qu'il y avait lieu de rien stipuler à cet égard dans la Constitution et, ajouta M. Raikem dont l'opinion ne sera pas suspecte à nos contradicteurs, je crois qu'on peut s'en rapporter à la loi.

Y eut-il, à la suite de cet incident, une discussion quelconque ? Nullement, l'honorable M. de Theux fit observer que vu l'importance de la question soulevée, il importait de ne pas en faire l'objet d'une mesure improvisée.

M. l'abbé de Foere, qui voulait l'adjonction des capacités, réclama également ; mais le Congrès, en ce moment, était probablement fatigué. On ne discuta pas ; la proposition de M. Defacqz fut mise aux voix par assis et levé, malgré les protestations de M. Jottrand, de l'abbé de Foere et de M. de Theux, qui rappelait qu'il avait demandé un ajournement.

Voilà dans quelles conditions ce fameux article 47, ce palladium de nos institutions, cet article qui ne peut pas sortir de la Constitution, d'après M. le ministre des finances, voilà comment ce fameux article a fait son entrée dans le monde.

Et c'est maintenant cette disposition en quelque sorte improvisée, enlevée sans délibération préalable par cette espèce de lassitude qui s'empare quelquefois des assemblées délibérantes et qui les empêche de se rendre parfaitement compte des conséquences de leurs décisions, c'est cette disposition qu'on veut nous présenter aujourd'hui comme une chose sacro-sainte à laquelle nous ne pouvons toucher sans ébranler toutes les bases de notre édifice social !

Et c'est cette disposition improvisée, introduite dans le pacte fondamental malgré les réserves de M. de Theux, les protestations de MM. Jottrand et de Foere, c'est cette disposition qui ne fut ni mûrie, ni délibérée, qu'on veut nous présenter comme un palladium auquel il est défendu de toucher sous peine de tout bouleverser, même lorsque ses inconvénients éclatent tous les jours.

Un point auquel l'honorable ministre des finances n'a eu garde de répondre, et qui forme le point capital du débat, est celui-ci : Comment concilierons-nous les conséquences qu'entraînera le projet de loi déposé par le gouvernement avec les restrictions que la Constitution impose aux élections générales ? Comment pourrons-nous conjurer les dangers éventuels d'une crise révolutionnaire lorsqu'elle se trouvera en conflit avec les prescriptions compliquées qui règlent une révision de la Constitution ?

Pour moi, dans les conditions où nous nous trouvons aujourd'hui, je ne vois plus d'autre issue que la révision des articles de la Constitution qui entravent la liberté du législateur, quant à la composition des Chambres,

Cette question de la révision de la Constitution n'est pas neuve ; elle a été posée souvent devant le pays ; un peu par amour de l'art, pour des besoins de théorie. Tant qu'elle est restée dans ce domaine, elle n'a guère trouvé d'adhérents. Plus tard, lorsque la question électorale a commencé à. prendre corps, elle a reparu, et cette fois plus sérieusement. Aujourd'hui, le besoin est devenu indiscutable depuis le dépôt du projet du gouvernement, depuis que nous nous trouvons devant l'impossibilité absolue de (page 182) concilier les conséquences de ce projet avec les dispositions constitutionnelles.

Pour moi, messieurs, sans méconnaître cette impossibilité, j'ai longtemps hésité devant l'application de la solution que nous vous soumettons aujourd'hui. J'ai exprimé publiquement mes répugnances. J'ai fait plus ; j'ai résisté à la pression qui voulait me les faire abandonner, et cette pression a été très vive.

Et, puisque l'honorable M. Rogier a rappelé ce qu'il a dit à ses électeurs à Tournai, qu'il me soit permis de relater aussi ce qui s'est passé à Bruxelles à l'époque de mon élection.

C'était dans une assemblée très ardente, très tumultueuse. On me demandait de prendre, comme candidat, l'engagement ou de déposer un projet de révision de la Constitution, ou d'appuyer une proposition de cette nature.

Je refusai de la façon la plus absolue ; je refusai en disant que je voulais rester maître de mon temps, de mon jour, de mon heure ; que je voulais pouvoir juger par moi-même de l'opportunité de la mesure ; entendre les vœux, non seulement d'une fraction du corps électoral de Bruxelles, mais du corps électoral du pays tout entier.

Certainement, il m'eût été facile, par un biais, de sauter la difficulté. Je forçai la note et, à une question très formelle, je répondis par un refus non moins formel.

J'y ai perdu quelques centaines de voix, mais en revanche j'aime à croire que j'y ai gagné un peu d'estime de la part de mes adversaires. Ils auront reconnu, j'espère, que je n'étais pas disposé à accepter un mandat impératif, que j'entendais ne me laisser guider que d'après les inspirations de ma conscience, les enseignements des faits.

Libre ainsi de tout engagement, je pouvais aisément refuser ma signature à la proposition qui vous est soumise. Pourquoi donc l'ai-je donnée ? Pour courir après une vaine popularité ! Le moment serait mal choisi. Mieux eût valu donner la promesse en pleine agitation électorale. D'ordinaire le candidat promet plus que le député ne tient. Pourquoi donc mon appréciation a-t-elle changé ? Pourquoi suis-je aujourd'hui plus radical que je ne l'étais il y a trois mois ?

Pourquoi, messieurs ? La raison est bien simple. Les faits ont changé, les situations ont changé, et j'ajoute que malgré la crise, ou plutôt à cause de la crise, jamais moment ne fut mieux choisi pour supprimer certaines dispositions défectueuses de notre pacte fondamental.

Depuis trois mois, le pays a parlé, et parlé si haut que nul ne peut se tromper à sa voix. Il veut une réforme électorale à tous les degrés et il a renversé ceux qui la lui refusaient ou qui ne lui en donnaient qu'un simulacre.

Les résistances opposées à ses désirs par l'ancienne majorité et par l'ancienne administration ont été sinon la principale, du moins une des principales causes de leur chute. Il est vrai qu'il n'a pas encore pétitionné.

Nous autres nous n'avons pas encore appris le moyen de faire arriver ici 600,000 signatures, y compris celles des femmes et des enfants, fût-ce en faveur de dispositions qui sont un outrage à la liberté de conscience et à la tolérance qu'on doit aux morts comme aux vivants. Mais s'il ne vous faut que des pétitions, vous en aurez, et plus que vous n'en voulez. Pour le moment, vous ne pouvez nier que la révision de la Constitution n'effraye pas le pays. Elle ne lui répugne pas. La preuve en est dans les élections de Mons, de Bruxelles et de Charleroi.

M. Pirmez. - La réforme électorale n'a été pour rien dans les élections de Charleroi.

M. Couvreur. - Je ne veux pas insister pour Charleroi ; les élections peuvent y avoir été influencées par des incidents spéciaux que je ne connais pas ; j'abandonne très volontiers à l'honorable M. Pirmez le soin de caractériser les faits. Mais l'élection de Bruxelles a bien la signification que je lui ai assignée. Le corps électoral de Bruxelles a donné congé à ceux qui ne voulaient d'aucune espèce de réforme ; il a placé en tête de la liste de ses élus des hommes nouveaux qui voulaient non seulement la réforme électorale, mais même la révision de la Constitution, et qui avaient fait de l'agitation en faveur de cette révision.

Enfin aux timides, aux prudents - je me range dans cette catégorie - qui hésitaient non sur le principe mais sur l'application, il a dit clairement : Ne doutez pas de moi, allez de l'avant, éclairez-moi, je suis prêt à vous suivre. Ce langage, il le tiendra d'une façon bien plus claire encore lorsque la discussion aura achevé de faire la lumière à ses yeux, lorsqu'il aura pu se rendre compte par lui-même des nécessités qui pour nous sont déjà évidentes. j

C'est que nous avons, messieurs, grâce à la presse, un corps électoral admirablement doué, plein de bon sens et de hardiesse à la fois, qui voit les grandes lignes et ne se laisse pas détourner de sa route par les finasseries des polémiques politiques. Sans doute, il n'est pas passionné pour la révision de la Constitution, il ne fera pas une révolution pour la changer ; il aimerait mieux la trouver parfaite et n'avoir rien à y changer ; il est plein d'admiration pour les hommes qui en ont doté le pays ; mais il comprend aussi que dans ses dispositions sur la loi électorale, elle devient trop étroite ; qu'il y a là une barrière, une barrière qui peut devenir un danger, et que ce danger doit être écarté.

D'ailleurs, pourquoi s'effrayerait-il ? II y a, dans la Constitution, quelques grands principes qui ne sont que la consécration des droits primordiaux du citoyen et auxquels personne de nous ne veut toucher, quoi qu'en, dise l'honorable M. Dumortier.

Il y a aussi des dispositions qui n'ont qu'une importance très secondaire et qui pourraient en disparaître sans inconvénients. Je dis plus, contrairement aux théories émises par l'honorable ministre de l'intérieur, et que l'honorable M. Jacobs a reprises, je suis d'avis que (erratum, page 198) les peuples les plus libres, les moins exposés aux bouleversements, sont ceux qui peuvent se passer de Constitution ou en changer sans trop de difficultés ; chez lesquels les mœurs et les traditions tiennent lieu de Constitution.

L'Angleterre n'a pas de Constitution que je sache. La Suisse en a un grand nombre, une Constitution fédérale, des Constitutions cantonales. Elle les modifie souvent et dans des conditions radicales. Non seulement elle n'entrave pas ces révisions fréquentes, mais elle les favorise, elle les prescrit. La Constitution de Genève prévoit sa révision de vingt en vingt années. Plusieurs Constitutions américaines renferment la même disposition, destinée à donner facilement satisfaction aux besoins des générations, à mesure qu'elles arrivent à leur majorité politique.

En revanche la France, l'Espagne, le Portugal ont eu des Constitutions à la douzaine, toutes mieux rédigées les unes que les autres, toutes offrant, sur le papier, des garanties d'immutabilité, toutes établies avec la pensée de durer des siècles et de lier à jamais les générations futures, toutes énergiquement défendues et audacieusement violées, la révolution les renversant lorsque le progrès ne pouvait y entrer, toutes succombant par l'exagération de leur immutabilité et la prétention des hommes à rendre éternelles des œuvres toujours et nécessairement imparfaites, au moins dans quelques-unes de leurs parties.

Il est enfin une dernière raison en faveur de la proposition, que je voudrais vous présenter et qui répond directement à. tous les arguments d'inopportunité qu'on a fait valoir. Cette raison a l'apparence d'un paradoxe ; cependant, je la tiens pour si bonne qu'elle a emporté mes dernières hésitations, et que si vous voulez bien y réfléchir un instant, vous la jugerez au moins digne d'un moment d'examen.

On fait valoir contre la proposition l'état troublé de l'Europe, les dangers qui peuvent nous menacer. Or ces dangers, cet état troublé sont précisée un les raisons qui devraient déterminer les esprits conservateurs à reconnaître l'opportunité du vote qui leur est demandé.

Pourquoi, dites-vous ; pourquoi ? Pour les raisons mêmes que nous ont données deux vétérans de cette assemblée, MM. Dumortier et Rogier. Voyez, disaient-ils, les dangers auxquels est exposé notre pacte fondamental. Nous n'avons pas encore statué sur la proposition qui nous est soumise, que déjà on attaque et le privilège du roi de déclarer la guerre, - privilège bien négatif,-et l'immutabilité de la Constitution sous une régence. Où irions-nous, si nous ouvrions les écluses ? On viendrait nous demander de supprimer nos plus chères libertés : la liberté d'enseignement, la liberté d'association. Que l'honorable député de Roulers se rassure, nous respectons et chérissons ces libertés comme il les aime lui-même ; nous les défendrions avec lui si elles étaient mises en péril. Mais ce qui pourrait bien se demander un jour, ce qui a déjà été indiqué dans cette enceinte comme une.réforme possible et nécessaire, ce serait l'application au budget des cultes du principe de la séparation de l'Etat et des Eglises.

Voulez-vous ouvrir la porte à ces idées qui, aujourd'hui, ne s'expriment encore que dans des discours et dans des programmes, sans se formuler dans des propositions de loi, repoussez, messieurs, repoussez notre demande actuelle si impérieusement limitative ; au point de vue du triomphe de nos principes, je ne m'en plaindrai pas.

Si, au contraire, vous estimez, en hommes sages et prudents, qu'il vaut mieux faire la part du feu, accueillez notre demande. Aujourd'hui, elle ne sera pas dépassée. Les événements extérieurs, l'attachement que nous portons tous au pays, pèsent sur les plus déterminés et limitent leurs exigences au strict nécessaire. Il n'en serait pas de même si l'agitation politique pouvait se donner libre carrière en pleine paix.

(page 183) Aujourd'hui, rien de cela n'est à craindre. Vous n'avez pas de pétitions en faveur de notre demande ? Félicitez vous-en, et agissez en hommes politiques prévoyants avant qu'elles ne vous arrivent plus exigeantes que nous ne le sommes aujourd'hui. Une révision constitutionnelle est une opération délicate, je comprends qu'elle vous effarouche au premier abord ; quand vous aurez bien réfléchi, vous reconnaîtrez qu'il faut agir lorsque le malade est engourdi.

Aujourd'hui, comme le disait hier l'honorable M. Balisaux, nous n'avons que quelques pierres à enlever à l'édifice, et nous en apprécions si bien les beautés que toutes les mains sont tendues pour empêcher qu'il ne lui arrive malheur. Attendez la paix, attendez le calme, attendez ce que vous appelez l'opportunité, et vous ne manquerez pas d'architectes qui vous proposeront de le reconstruire de fond en comble. Voilà ce que vous gagnerez à refuser la prise en considération.

La situation extérieure vous effraye ? Je suis, moi, bien plus alarmé de notre situation intérieure. Sans doute, il ne faut pas que le pouls d'un pays batte la fièvre ; que chaque jour, dans chaque localité, la presse, les assemblées publiques sonnent le tocsin et s'excitent au combat. Mais cet état est encore moins dangereux que celui qui, depuis quelque temps, se dessine autour de nous : la désaffection des classes populaires, leur manque de confiance dans leurs tuteurs naturels, leurs dispositions farouches à repousser les mains amies qui se tendent vers elles pour élever leur niveau social et politique. Lorsque j'entends des hommes jeunes, intelligents, instruits, éloquents, sortis des rangs de la bourgeoisie, dire au peuple qu'il doit répudier toute espèce de droit de suffrage, même le suffrage universel, comme un piège qui le livrera une fois de plus à son ennemi le bourgeois ; lorsque je vois des groupes de citoyens se désaffectionner de la politique sous prétexte que ceux qui l'exercent sont pour eux sans entrailles, lorsque je constate, dans certaines classes de la société, la sombre résignation de l'animal vaincu qui guette l'occasion d'une revanche ; lorsque je vois ces phénomènes se produire, je dis que la société belge est malade et qu'il est temps d'agir, qu'il est temps de donner des gages à ceux qui se détournent de nous.

Ah ! il n'y a pas de pétitions sur le bureau !

Voulez-vous que je vous dise pourquoi il n'y eu a pas ?

Ceux qui pourraient et devraient en envoyer disent : A quoi bon ? On ne nous écoutera pas. Nous savons le cas qu'on fait de nous. Nous n'attendons plus rien des censitaires et de leurs représentants. C'est de nous-mêmes que nous voulons tenir nos droits. Nous sommes le nombre.

M. Bouvier. - La force !

M. Couvreur. - Nous sommes la force et nous vous le ferons bien sentir lorsque l'heure sera venue.

M. Bouvier. - Ce n'est plus de la démocratie cela.

M. Couvreur. - A la loi des majorités nous substituerons la loi de notre intérêt. Non, ce n’est plus là de la démocratie.

Je dis, messieurs, que, lorsque dans un pays, on peut tenir ce langage qui rappelle la souveraineté du but et les souvenirs de 93, je dis qu'il est temps que le législateur agisse pour détruire d'aussi détestables tendances.

M. Bouvier. - C'est de l'intimidation cela.

M. Couvreur. - C'est le langage de la sagesse s'adressant à des aveugles qui courent à l'abîme !

Je dis, messieurs, que lorsque ces traditions de Babeuf reparaissent, il est grand temps de prouver aux déshérités de la vie politique qu'ils peuvent, qu'ils doivent avoir confiance dans la sollicitude des pouvoirs publics, dans la bienveillance de ceux que les hasards de la fortune, les dons de la nature, les fruits du travail, ont placés dans une condition plus favorisée.

C'est cette tâche que nous voulons accomplir.

Nous appartenons à la génération et au parti dans lesquels il faudra recruter les gouvernements à venir.

Nous voulons être prêts aux événements, nous ne voulons pas nous trouver aux prises avec des difficultés inextricables, aggravées par vos résistances à ce que conseille la prudence. Lorsque l'heure d'agir s'imposera par quelque catastrophe, nous ne voulons pas, nous, être des révolutionnaires, mais des hommes politiques ; nous voulons, pour nous ou nos successeurs immédiats, la faculté de faire des lois et non celle de frapper des coups d'Etat. Nous voulons enfin donner aux masses des gages de notre bon vouloir.

M. Bouvier. - Donner-leur d'abord l'instruction.

M. Couvreur. - Elles sauront qu'elles ont en nous des amis impatients de les appeler au partage de la souveraineté, dès que nous pourrons le faire sans danger pour elles-mêmes et au grand avantage du pays.

Ce que j'ai dit n'a pas pour but cependant de vous inviter à une discussion immédiate. J'admets, avec mes honorables amis, la pensée d'un débat prolongé dans les sections. Nous n'avons pas la prétention d'obliger la Chambre de discuter hic et nunc. Elle reste maîtresse de ses convenances, de son ordre du jour, de l'opportunité de ses délibérations. Je lui conseille cependant de ne pas trop retarder le débat.

Ce que je repousse, c'est le refus de la prise en considération, parce que ce refus est un déni de justice et qu'il peut avoir de très graves conséquences pour le gouvernement lui-même.

Hier, au début de la séance, l'honorable M. Coomans reprochait aux signataires de la proposition, anciens membres de cette Chambre, de ne l'avoir pas produite antérieurement ; il en tirait la conséquence qu'elle n'était qu'une machine de guerre dirigée contre le cabinet. Les développements dans lesquels je suis entré ont fait justice de ce reproche. Nous avons pu être, sous l'ancienne administration, plus ou moins indépendants sur certaines questions, plus ou moins gênants pour le gouvernement ; mais nous n'avons jamais autorisé personne à croire que nous n'avions pas de sens politique. Or, c'eût été en manquer, et beaucoup, que de venir déposer une proposition de révision de la Constitution alors que nous ne pouvions même pas obtenir une réforme électorale tant soit peu sérieuse. La vérité est que, ni les anciens, ni les nouveaux membres signataires de la proposition ne se sont inquiétés du gouvernement ni en bien, ni en mal.

Ils ont voulu affirmer leurs principes, rien de plus, le jour où il affirmait les siens. C'est aux éléments progressistes de la droite de juger ce qui leur reste à faire. Seulement, si je pouvais leur donner un conseil, ce serait de bien peser le vote qu'ils vont émettre, de tenir compte de ce que leur ont dit hier et l'honorable M. Coomans lui-même et l'honorable M. Defuisseaux, de ne pas se laisser lier les mains par le gouvernement, de ne pas se brouiller avec les idées qui ont fart leur véritable force dans le pays et qui ont ramené le parti catholique au pouvoir.

Tout en disant que nous n'avons eu, à l'égard du gouvernement, aucune pensée hostile en déposant notre proposition, je ne veux pas dissimuler que cette proposition était aussi pour nous une espèce de pierre de touche. Elle allait nous servir à voir un peu clair dans sa politique. Car, jusqu'à présent, nous ne savons pas trop quelle politique il représente : si c'est celle de MM. Schollaert et Dumortier, ou s'il est plus en harmonie d'idées avec d'autres membres de la droite. Je dois le dire, la première épreuve ne lui a pas été favorable.

Les discours que nous avons entendus jusqu'ici de sa part n'ont plaidé qu'une double thèse : ou la résistance absolue, ou l'inopportunité. Pas mal de lieux communs ont été produits sur le danger de toucher à une loi fondamentale qui a fait le bonheur de la Belgique depuis quarante ans, ce qui est précisément une raison de la mettre en rapport avec les besoins des générations nouvelles, et sur l'inconvénient de donner un caractère d'instabilité à la loi des lois, alors qu'on se gardait bien d'établir une distinction entre les dispositions fondamentales de la charte qui doivent être respectées, ses dispositions accessoires qui ne gênent personne, et celles enfin qui, maintenues trop longtemps, peuvent devenir un danger public. Ce qui faisait la puissance de la Belgique, a dit l'honorable M. Kervyn, c'était sa fidélité à sa Constitution, et M. Dumortier de le répéter après lui, et M. Jacobs de le redire. C'est une très grande erreur. Ce qui a fait la puissance de la Belgique, c'est la pratique des libertés inscrites dans sa Constitution, libertés qui nous sont sacrées comme à vous et que notre proposition a en vue d'étendre et de consolider.

Puis vient, brochant sur le tout, le refus d'une prise en considération, alors que le gouvernement avait tant d'autres moyens de neutraliser par les voies parlementaires une proposition qui ne le gêne que parce que sa politique manque de franchise.

Comment ! l'honorable M. Demeur monte à la tribune et, dans un document public, à la modération duquel on a rendu un juste hommage, il démontre par des faits, par des statistiques, par un raisonnement saisissant, qu'un des grands corps de l'Etat jouit d'un pouvoir trop étendu eu égard à ses origines ; il amoindrit l'autorité morale de ce pouvoir ; deux sénateurs sont assis au banc ministériel, et ils ne trouvent d'autre réponse à faire à l'honorable M. Demeur qu'un refus de prise en considération.

Ils déclinent le débat, ils n'ont rien à dire soit pour relever l'autorité morale de leurs collègues, soit pour reconnaître, dans l'intérêt même du Sénat, qu'en effet il y a lieu de renforcer les éléments parmi lesquels il doit pouvoir se recruter. Que diriez-vous, messieurs, d'un homme auquel on contesterait ses titres à l'autorité dont il est investi et qui se bornerait à répondre à son adversaire : Votre appréciation sur moi n'est pas opportune !

Et quant à la question d'opportunité, quels sont vos arguments ? Que nous sommes sur un volcan. Mais vous êtes d'insignes maladroits. Est-ce (page 184) que, par hasard, nous n'étions pas sur un volcan le 2 août dernier, lorsque vous décrétiez et mainteniez la dissolution de cette Chambre au lendemain de la déclaration de M. de Gramont à la tribune française, à l'heure même ou la guerre menaçait notre territoire, la veille du jour où un traité européen devait sanctionner à nouveau notre neutralité ? N'étions-nous pas sur un volcan, lorsque les électeurs, se préparant au scrutin, pouvaient se demander s'ils ne rencontreraient pas sur leur chemin l'envahisseur du pays ? Mais qu'importait alors ? Il fallait emporter d'assaut le pouvoir, et le danger même que courait le pays servait vos intérêts. Aujourd'hui, au contraire, la prudence la plus extrême doit être à l'ordre du jour.

Vos intérêts ne sont plus en cause. Il ne s'agit plus que de ceux du pays, et de ceux-là vous faites bon marché. Et dans votre ardeur à vous servir de cet argument banal, vous oubliez la connexité qui existe entre notre proposition et la vôtre. Vous oubliez qu'ajourner l'une, c'est condamner l'autre au même ajournement. La déclarer inopportune, c'est frapper du même reproche vos propres projets. Argumenter de l'agitation électorale qu'elle peut répandre dans le pays, c'est vous avouer coupables d'avoir prononcé intempestivement la dissolution des anciennes Chambres ; c'est faire, à l'avance, votre mea culpa pour les futures élections provinciales et communales. On vous l'a dit et redit, et, jusqu'à cette heure, vous n'avez absolument rien trouvé à répondre.

Tenez, messieurs les ministres, faut-il que je vous dise toute ma pensée ? C'est celle d'un homme qui n'est pas de vos amis, qui n'a pas confiance en vous, mais qui, jusqu'à nouvel ordre, veut bien ne pas trop tenir compte du passé de quelques-uns d'entre vous et prendre l'engagement de ne vous juger que sur vos actes, disposé qu'il est à accepter le bien du pays d'où qu'il vienne et sans trop regarder la main qui le donne. Eh bien, je regrette pour vous la marche que vous avez imprimée à la discussion. Vous nous donnez trop facilement gain de cause, en même temps que vous vous affaiblissez.

Ne nous opposer que des raisons d'opportunité, refuser de discuter, soit maintenant, soit plus tard, c'est nous donner raison sur le fond. Est-ce que, par hasard, vous n'oseriez pas aborder le fond ? Pourquoi vous refuser de vous prononcer sur le mérite intrinsèque de la proposition ? Cela, du moins, serait sincère. Nous saurions à quoi nous en tenir. Les partis pourraient se grouper. Mais votre refus d'examiner, votre mort sans phrase a, pour vous, tous les inconvénients de l'impuissance. On vous accusera non seulement d'être illogiques, mais encore de porter de faux masques et de ne parler de droit et de liberté que lorsque cela peut être utile à vos intérêts.

Je me résume, messieurs : notre proposition n'est pas révolutionnaire.. Elle est au contraire très conservatrice. Elle n'implique pas le suffrage universel plus que le cens avec ou sans garanties de capacités ou ces garanties seules, mais elle tient compte de droits latents et elle leur ouvre la perspective d'une satisfaction possible par les voies légales. Elle est opportune, parce qu'elle tend à refaire à la Constitution une seconde jeunesse dans un temps de crise et (erratum ? page 198) et lorsque cette crise même modère la fièvre qu'entraîne toute opération de ce genre ; elle est opportune, parce qu'elle rattache à nos institutions ceux qui s'en désaffectionnent ; elle est opportune, parce qu'elle consolidera la justice et la puissance de la loi.

Répondre à une telle proposition par une fin de non-recevoir n'est pas digne de cette assemblée et ne peut qu'aggraver une situation déjà grave par elle-même. La prise en considération ne préjuge rien ; c'est une simple promesse d'examen, une autorisation de discuter.

L'examen accompli, la Chambre reste maîtresse ou d'ajourner la proposition ou de la rejeter. Est-ce que, par hasard, en prenant en considération la proposition de l'honorable M. Funck, la Chambre a décidé qu'elle voterait l'instruction obligatoire ou même qu'elle reconnaissait le principe ? Si plus tard, elle rejette ou ajourne notre proposition, du moins elle agira en connaissance de cause et on ne pourra pas lui reprocher d'avoir un parti pris, la pire des choses en politique.

Je le répète : le refus de la prise en considération serait un déni de justice, c'est-à-dire une de ces fautes qui s'expient toujours chèrement..

Dans l'intérêt du gouvernement, j'espère qu'il n'y persistera pas.

M. Pirmez. - Messieurs, je serais dans un grand embarras si, pour me prononcer dans le débat actuel, je ne pouvais former mon vote que sur les discours des membres de cette Chambre qui ont signé la proposition de révision de la Constitution et des membres du gouvernement qui ont pris la parole dans le débat pour la combattre.

Les orateurs, en effet, soutiennent de commun accord deux choses : d'abord que le pays demande une large réforme électorale ; ensuite que l'extension du suffrage est dans tous les cas un immense progrès.

Je suis naturellement disposé à accepter un vœu du pays réclamant un progrès, mais quand je suis ceux qui proclament ces deux propositions, je les trouve bientôt en complet désaccord.

Le gouvernement, qui proclame que le pays demande une large réforme électorale, vient proposer une large réforme électorale pour la province et pour la commune ; mais il n'en veut pas pour les Chambres.

Les partisans de la proposition demandent avec beaucoup de raison au gouvernement : Où trouvez-vous que ce que la nation réclame pour les élections communales et provinciales, elle le repousse pour ce qu'il y a de plus important : la nomination des membres du pouvoir législatif ?

Le gouvernement ne répond rien. Là déjà, je le trouve en défaut.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Je demande la parole.

M. Pirmez. - Le gouvernement, d'accord avec les partisans de la proposition, ajoute que l'extension du suffrage est un immense progrès ; il réalise ce progrès pour les élections communales et provinciales ; mais les partisans de la proposition, avec beaucoup de raison encore, demandent : Si l'extension du suffrage est un progrès, pourquoi ne poussez-vous pas ce progrès jusqu'au bout ? Pourquoi le limitez-vous ? Pourquoi n'introduisez-vous pas ce progrès là où il est le plus nécessaire : dans la nomination des grands corps de l'Etat, là où il s'agit des destinées de la nation ? J'avoue ici encore ne pas comprendre le gouvernement.

Mais je me trouve bien plus étonné lorsque j'entends l'honorable ministre des finances, par exemple, nous développer pour raison fondamentale de rejeter la proposition qui nous est faite, qu'elle tend à une révision de la Constitution, que la première révision de la Constitution est extrêmement dangereuse et qu'il faut se garder de l'adopter.

Mais comme il faut que la première révision soit toujours la première, il en résulte que d'après l'honorable M. Jacobs, il y aura toujours une fin de non-recevoir à opposer aux propositions qui tendraient à réviser la Constitution ! On comprend que les signataires de la proposition ne soient pas convaincus que cette raison est bonne.

Je suis plus perplexe encore lorsque je lis un paragraphe de l'exposé des motifs de la loi sur la réforme électorale où le gouvernement s'occupe d'un article de la Constitution dont on demande la révision ; il nous apprend qu’il est occupé à examiner comment on pourra tourner cette disposition et, malgré ses termes, étendre le droit de suffrage au-delà de ce qu’il est aujourd’hui. Et le gouvernement a soin d’ajouter que c’est une chose extrêmement difficile, qu’il l’examine très fort, qu’il ne sait pas encore s’il arrivera, mais qu’il espère bien trouver un biais habile pour étendre le suffrage malgré cet article constitutionnel. Je me dis assez naturellement : Si le gouvernement doit faire ces incroyables efforts pour tourner une disposition de la Constitution, pour l’escamoter en partie, il vaut autant la supprimer immédiatement en adoptant la proposition que nous discutons en ce moment.

Voilà donc la position dans laquelle on se trouve quand on entend les orateurs opposés que je viens d'indiquer.

Messieurs, j'ai souvent remarqué que lorsqu'on est dans une mauvaise voie, lorsqu'on part d'un faux principe et qu'on est plusieurs, il arrive toujours qu'il y a une division.

Parmi ceux qui sont partis ensemble d'une fausse base, il y en a qui ont plus de logique que de sens pratique, et ceux-là ne lâchent pas leurs prémisses et vont jusqu'au bout, dussent-ils rencontrer un fossé dans leur chemin. Ceux chez qui le sens pratique domine la logique s'arrêtent en route ; ils se disent qu'il vaut bien mieux faire un accroc à la logique que de faire une mauvaise chose.

Les signataires de la proposition sont certainement logiques, et je rends hommage à cette qualité qui, ici, semble manquer au gouvernement ; mais il faut qu'il y ait quelque résultat bien grave pour qu'il abandonne ses principes, et peut être rachète-t-il, par un sentiment politique plus vrai, ce qu'il perd en logique.

Quoi qu'il en soit, comme cette division entre gens qui professaient les mêmes principes m'a semblé quelque chose de singulier, j'ai examiné les prémisses d'où ils sont partis et j'ai voulu me rendre compte par moi-même de la question.

J'ai donc examiné, à mon tour, si le pays réclame bien une réforme électorale ; j'entends une réforme électorale dans le genre de celles qui sont présentées.

J'ai examiné ensuite en quoi consiste le progrès en cette matière et si ce qu'on nous propose est bien un progrès.

Ce sont les deux points que je me propose de discuter devant la Chambre.

(page 185) Et d'abord on nous dit : Il y a dans le pays un vœu général de réforme électorale :

Je ne demande où ce vœu s'est manifesté de la façon qu'on l'indique ?

M. Jottrand. - Je demande la parole.

M. Pirmez. - Si je reporte mes souvenirs à quelques années en arrière, je trouve qu'en 1864 une dissolution s'est faite précisément sur la réforme électorale. La droite d'alors, qui était assez fatiguée de discuter ce qu'on appelle les questions cléricales et libérales, questions qui lui tournaient toujours très mal, a imaginé une nouvelle question : la réforme électorale.

Le pays, consulté sur la réforme électorale, a maintenu la majorité qui se trouvait alors à la Chambre et a écarté les partisans de la réforme électorale. Le vœu du pays n'était donc pas alors qu'on fît une réforme électorale.

Aussi le gouvernement d'aujourd'hui qui se trouvait lié par le programme de 1864 n'a pas eu grande confiance dans le succès d'une élection faite sur une réforme électorale. Faisant une dissolution, il avait une magnifique occasion de s'expliquer. S'il était bien convaincu de ce que le pays désirait, et s'il voulait lui être agréable, il pouvait lui présenter sa réforme pour la province et pour la commune ; et par les élections on aurait su si c'était là ce que le pays voulait.

Mais le gouvernement a mieux aimé introduire dans son programme une phrase qui, par son vague, est un chef-d'œuvre d'habileté. Je ne sais pas qui l'a rédigée ? Je voudrais bien le savoir pour en féliciter l'auteur ; mais je soupçonne l'honorable M. Malou de ne pas y être étranger.

Voici cette phrase :

« L'opinion publique, unanime pour réclamer le développement de nos institutions, ne l'est plus quand il s'agit d'en déterminer le caractère et l'étendue. »

Je ne sais si c'est le caractère et l'étendue du développement ou de nos institutions. Mais ceci ne fait rien ; plus c'est ambigu, plus c'est beau. (Interruption.)

« La nation se prononcera sur les graves questions qui la préoccupent ; le cabinet n'a pas à lui dicter de solutions ; il veut se conformer à la règle fondamentale des Etais libres : le gouvernement du pays par le pays. »

Comment le pays qui ne parle pas, qui se borne à voter pour des noms, peut-il dire ce qu'il veut, s'il est ou non d'accord avec vous sur une chose que vous ne lui faites pas connaître ?

Ce qui n'empêche pas qu'après vous ne proclamiez que le pays a manifesté une vive approbation pour ce que vous lui avez celé !

Cela peut être extrêmement habile, mais cela est extrêmement peu franc.

Je demanderai à M. le ministre de l'intérieur, qui a l'intention de me répondre, puisqu'il a demandé la parole, comment il explique la réponse que le pays a donnée par les élections.

Ainsi, par exemple, MM. Schollaert et Dumortier ne sont pas partisans de la réforme électorale. Est-ce que la nomination de M. Dumortier est une réponse à cet article secret de votre programme ? Est-ce que l'élection par le même collège de l'honorable M. Nothomb, qui veut du suffrage universel, et de l'honorable M. Coomans qui n'en veut pas est une réponse à votre programme et dans quel sens ?

Il me semble qu'il est du devoir du gouvernement de nous dire comment il comprend les choses.

A Charleroi, la lutte a été très vive ; mais, ainsi que l'a déclaré naguère un de mes collègues, la question électorale n'a pas été en jeu dans cette élection. Le résultat de cette élection a-t-il indiqué que l'arrondissement de Charleroi voulait la réforme du gouvernement ? Mais M. Houtart, qui voulait précisément cette réforme électorale, n'a pas été nommé et ne s'est plus présenté à la seconde élection. M. Defontaine a aussi échoué et, s'il avait été ici, il aurait, sans doute, signé la proposition de révision de la Constitution.

Ces candidats ont été écartés, et ceux qui ont été nommée n'avaient absolument fait aucune déclaration, pas plus que moi.

Si le gouvernement, qui a été si docile et si prudent lorsqu'il a fait la phrase que j'ai citée, nous dit aujourd'hui que le pays veut précisément la réforme qu'il nous présente, les signataires de la proposition nous disent également que ce qu'ils proposent est dans les vœux du pays.

L'habileté du gouvernement a été si bien remarquée par les signataires de la proposition, qu'ils font exactement la même chose.

Ils se sont bien gardés de dire ce qu'ils veulent pour ne pas avoir de discussion sur leur projet, et l'honorable M. Couvreur a employé la moitié de son discours à débattre sur ce point des questions de procédure législative. Il est, à cet égard, très naïf : nous ne vous dirons pas ce que

nous voulons, parce que si nous vous le disions, vous pourriez le discuter.

Donc, il faudrait accepter la révision sans savoir ce qu'on veut nous donner.

Je n'aime pas d'accepter un paquet fermé, et je veux l'ouvrir pour voir ce qu'il y a dedans. Or, ce qu'il y a dedans, c'est le suffrage universel et pas autre chose.

- Un membre. - Si c'était la réforme anglaise !

M. Pirmez. - Je vous démontrerai que ce n'est pas la réforme anglaise, je vous démontrerai par les discours de MM. Defuisseaux et Couvreur que c'est le suffrage universel et pas autre chose.

Mais vous ne voulez pas le montrer, parce que vous avez peur que le pays, malgré ce qu'on dit de ses vœux, ne recule épouvanté !

M. Couvreur se donne personnellement comme argument des vœux du corps électoral de Bruxelles ; or, il nous apprend lui-même qu'il a déclaré ne pas vouloir s'engager à faire réviser la Constitution et l'honorable M. Couvreur a été nommé ! C'est donc que les électeurs de Bruxelles ne se soucient pas beaucoup de la révision de la Constitution.

Mais il y avait un honorable membre qui voulait la révision de la Constitution, c'est l'honorable M. Demeur ; il s'en était expliqué clairement ! Combien M. Demeur a-t-il eu de voix de plus que MM. Anspach et autres membres, qui ne voulaient pas de la révision de la Constitution ?

La différence montrerait ce qu'il y a d'électeurs à Bruxelles voulant la révision de la Constitution.

Et l'élection de M. Dolez, qu'en direz-vous ? M. Dolez est-il partisan de la révision de la Constitution ? A-t-il adhéré même au projet du gouvernement ?

Mais, enfin, supposons que votre proposition passe : voilà le pays consulté ! et vous ne lui aurez pas fait connaître quelle est la réforme que vous désirez !

Que M. Couvreur me permette d'appliquer son système à un autre article, celui qui concerne les traitements des ministres des cultes.

M. Couvreur nous démontrera que cet article n'est pas en harmonie avec la Constitution, qu'il est inconstitutionnel comme dirait l'honorable M. Coomans, qu'il faut le réviser.

Mais, croit-il qu'il tranquillisera les membres du clergé et les partisans de l'article, en leur disant : Je vous demande de faire disparaître cet article, mais je ne vous dis pas ce que nous mettrons à la place. Il est possible que nous le maintenions et même que nous le modifiions à votre avantage ; c'est une simple expérience que nous voulons faire, sans savoir ce qui en adviendra. Dans tous les cas, n'ayez aucune inquiétude avant le vote de révision. Si vous ne voulez pas voter avec nous dans ces termes indéterminés, vous commettez un déni de justice.

Voilà un langage certainement singulier que l'on nous tient aujourd'hui et que je trouve aussi étrange dans la question que nous discutons. Aussi je ne m'en paye pas, et allant droit au fait je dis que ce que vous. voulez c'est le suffrage universel.

Le suffrage universel ne serait pas dans votre intention que vous y seriez fatalement conduits ; de même que vous êtes logiques vis-à-vis du gouvernement quand vous lui demandez : Pourquoi vous arrêtez-vous, pourquoi n'allez-vous pas plus loin dans l'extension du suffrage, de même on me dirait avec raison : Pourquoi un cens de 20 francs ou de 10 francs ? Celui qui voudrait le suffrage universel me tiendrait, sans réplique possible de votre part, le langage que vous tenez au gouvernement.

Quand on se place sur la pente, on doit la descendre jusqu'au bas.

Mais que d'aveux dans les discours des signataires de la proposition ?

L'honorable M. Defuisseaux ne vous a-t-il pas hier signalé ces abominables réactionnaires de tous les partis qui repoussent le suffrage universel ? Ne vous a-t-il pas montré ces miliciens que vous devriez envoyer à la frontière si la guerre éclatait et auxquels vous ne pouvez refuser le droit de suffrage ?

L'honorable M. Couvreur, tantôt encore, au milieu de ses protestations contre la discussion du suffrage universel, nous disait : Vous devez vous rallier les masses populaires ; il ne faut pas qu'il y ait des déshérités ; il faut que tous soient appelés à participer aux affaires nationales. Si vous ne le faites pas, vous désaffectionnez, vous affaiblissez la nationalité !

Je demande si ce raisonnement ne s'applique pas exclusivement au suffrage universel ?

Soyons de franc jeu et disons ce que nous voulons.

Et ici se pose la seconde question que je voulais examiner : l'extension du suffrage est-elle nécessairement un progrès ; le suffrage universel est-il le dernier point de ce progrès ?

(page 186) Le progrès, c'est l'accroissement du bien ; tous ici nous le voulons ; mais quelles divergences sur l'appréciation !

Il me paraît qu'il y a ici une immense confusion ; il me paraît que, chez les auteurs de l'amendement comme chez le gouvernement, il y a une méconnaissance complète de ce qui constitue le progrès.

Ou confond complètement le but avec les moyens d'y arriver ; on applique ses effets aux moyens sans s'inquiéter du but.

A mon sens, le progrès, dans la politique, consiste à avoir dans le gouvernement de la nation le plus d'intelligence, d'honnêteté, de liberté, pour que la nation jouisse de la somme la plus grande de biens moraux et matériels.

Je considère que plus un gouvernement est éclairé, plus il est disposé a répandre la lumière et la richesse au sein de la société la plus libre de se développer, plus il est parfait.

Le système électoral qui conduira le mieux à ces grands résultats me paraîtra le meilleur.

Pour les auteurs de la proposition, pour le gouvernement, la situation gouvernementale née des lois électorales semble absolument indifférente. Pour eux, le progrès est l'augmentation du nombre des électeurs.

N'est-ce pas là une confusion complète ?

L'élection est un moyen d'avoir un bon gouvernement. Or, vous en faites un but.

Croyez-vous que vous avez réalisé un progrès uniquement parce que vous avez augmenté le nombre d'électeurs ? Sans doute, si vous ajoutez au corps électoral de bons éléments, si vous le rendez plus apte à faire de bons choix, parce qu'il représentera d'une manière plus complète ou plus intelligente les aspirations du pays, vous aurez réalisé un progrès ; mais si vous ajoutez au corps électoral un élément qui le vicie, oserez-vous dire que vous aurez réalisé un progrès ?

Le progrès ne peut être dans le moyen, il ne peut être que dans les résultats. Or, pas un des auteurs de la proposition ne démontre que, par l’extension du suffrage qu'ils réclament, on aurait un gouvernement meilleur, que les Chambres seront composées d'hommes plus honnêtes, plus capables de faire marcher la nation dans une situation meilleure ; c'est cependant ce qu'il faudrait avant tout démontrer. J'aime mieux un bon gouvernement avec peu d'électeurs, qu'un mauvais gouvernement avec beaucoup d'électeurs. Le suffrage universel, qui est au fond de votre proposition, est-il un moyen d'arriver à un bon gouvernement ? Voilà ce qu'il faut discuter.

Les partisans de la proposition s'imaginent que nous redoutons le suffrage universel, uniquement parce que le suffrage universel peut produire dans le pays des excès de démagogie ; nous avons entendu un orateur nous dire : Pourquoi craignez-vous le suffrage universel ? Le suffrage universel a fonctionné en France, mais il a toujours soutenu le maintien de l'ordre. Et l'on croit avoir tout dit.

Messieurs, je redoute le suffrage universel moins à cause de ses tendances démagogiques qu'à cause de ses tendances au despotisme, au gouvernement d'un seul.

- Un membre. - Et l'Amérique !

M. Pirmez. - Ne nous pressons pas. Vous me permettrez, avant d'aller en Amérique, de regarder ce qui se passe chez nous. Vous avez la vue longue, mais vous ne voyez pas ce qui se passe autour de vous.

M. Bergé. - Et la Prusse !

M. Pirmez. - La Prusse est un modèle de liberté, je vous le concède !

Je disais donc que je redoutais le suffrage universel, parce que dans les masses il y a des entraînements vers les choses extrêmes et que si parfois elles se portent à des excès de démagogie, elles se portent plus souvent encore à des excès de despotisme.

Et, messieurs, c'est dans la nature des choses.

La liberté ne s'établit généralement que par des assemblées délibérantes. Mais les masses ne s'enthousiasment jamais pour les assemblées ; elles n'ont pas de passion pour un corps moral dans lequel les individualités se confondent ; ce qui frappe les masses, ce sont les personnalités brillantes, et dans les personnalités brillantes, ce ne sont pas celles qui brillent par le talent et l'intelligence, ce sont celles qui éblouissent par la force.

C'est l'histoire de tous les temps. Chaque fois que vous aurez une individualité tellement puissante qu'elle dominera toutes les autres, la liberté périra.

Faut-il, pour le prouver, remonter à l'histoire ancienne ? Mais, messieurs, quand donc la liberté a-t-elle succombé à Rome ? C'est lorsque le vote par tribus a remplacé le vote par centuries et lorsque les masses ont ainsi conquis une prépondérance marquée ; la république n'a pas tardé à tomber sous la dictature et la liberté a succombé sans pouvoir jamais se relever.

Faut-il chercher des exemples dans des temps plus rapprochés ?

L'assemblée constituante n'était pas le produit du suffrage universel ; quelle magnifique assemblée, cependant ! La Convention a été élue par le suffrage universel ; vous savez, messieurs, quels ont été ses excès ; mais la fièvre révolutionnaire n'a pas duré longtemps et le suffrage universel a, avec la même ardeur, conduit la France au régime le plus despotique dont on ait gardé la mémoire ; chaque plébiscite a acclamé le grand capitaine qui avait absorbé toutes les libertés dans sa gloire militaire.

Le gouvernement de la restauration s'est établi sur les bases du suffrage censitaire, il n'a pas été exempt d'abus, sans doute ; mais, du moins, il a donné à la France une somme de libertés que, depuis bien longtemps, elle n'avait plus connue et qu'elle a, depuis bien longtemps, cessé de connaître. Si l'on avait eu alors le suffrage universel, vous auriez eu certainement une assemblée d'insensée réaction ; les massacres du Midi en sont la triste preuve.

Le gouvernement de Juillet, sous un régime censitaire, a porté bien haut, sans doute, la prospérité de la France ; avec un amour de la paix qui lui a été imputé à grief et qui sera sa vraie gloire dans l'avenir, il a donné à la France une incontestable puissance au dehors ; il lui a procuré bien certainement la somme de libertés la plus grande qu'elle ait jamais eue. On a demandé une réforme électorale. Cette réforme, la France l'a eue aussi complète qu'on l'a voulue ; 1848 a donné à la France le suffrage universel.

Et voyez ce qu'il a produit.

Le suffrage universel fonctionnait depuis quelques mois, lorsqu'il s'est agi de procéder au choix du président de la République.

Il y avait deux hommes en présence : l'un républicain modéré, caractère antique ; il avait rétabli l'ordre, mais voulait le maintien d'institutions libres. L'autre représentait les idées de gloire militaire et de pouvoir fort.

Qu'a fait le suffrage universel ? Il a abandonné l'homme qui avait sauvé la société de l'anarchie, mais qui représentait les idées de liberté et il a élevé à là présidence le représentant des idées de force militaire. Trois ans après, celui que la France républicaine s'était donné pour président

faisait arrêter les principaux membre de l’assemblée législatives, les hommes les plus éminents du pays étaient emprisonnés, envoyés en exil et des commissions administratives envoyaient à Cayenne les républicains. Qu'a fait le suffrage universel ? Il a approuvé.

Un an après, le nouveau dictateur' faisait une Constitution plus despotique ; il organisait pour la presse le système des avertissements, réduisait à néant les assemblées représentatives, en un mit il prescrivait toutes les libertés dont nous jouissons en Belgique ; il se proclame empereur et demande au suffrage universel : Ai-je bien fait ? Et ce suffrage universel lui répond : Vous avez très bien fait.

L'empereur savait si bien qu'il n'y a que le pouvoir fort qui puisse entraîner le suffrage universel qu'au commencement de cette année, lorsqu'il a établi le gouvernement constitutionnel, il a été convaincu qu'un plébiscite lui donnerait le moyen de reprendre quand il voudrait son pouvoir personnel. En introduisant dans la Constitution nouvelle une disposition portant qu'il pourrait la modifier avec l'assentiment du suffrage universel, il avait la confiance de rester le maître des destinées du pays.

Et son sentiment était partagé par tous les esprits libéraux qui se sont élevés contre cette faculté d'interroger le pays par des plébiscites. Ils comprenaient que du jour où l'empereur voudrait abolir la liberté en la signalant comme dangereuse, le suffrage universel lui rendrait le pouvoir absolu.

Et lorsque le gouvernement qui a conduit la France à la situation où nous la voyons aujourd'hui, grâce au suffrage universel, a disparu dans la tempête, c'est à ce moment que les auteurs de la proposition viennent nous dire : « Voilà ce qu'il nous faut. »

Et parce que nous repoussons pour notre pays ce régime, nous devons nous entendre dire à nous : « Vous êtes des réactionnaires ; vous n'avez aucun amour pour la liberté ! » J'engage mes honorables contradicteurs à bien réfléchir aux leçons de l'histoire, et peut-être, l'étude des faits modifiant leurs aspirations théoriques, reconnaîtront-ils qu'ici, c'est nous, et non pas eux qui servons la cause de la liberté.

Oh ! je ne prétends pas qu'il n'y ait pas de pays où le suffrage universel ne puisse fonctionner avec avantage. Les petits cantons de la Suisse peuvent peut-être s'en accommoder ; malgré les abus qu'il engendre, l'Amérique, si différente de mœurs avec notre pays, a pu jusqu'ici le supporter. Mais je ne connais en Europe aucun pays de quelque importance ou il ait fait régner la liberté, et la Hollande et l'Angleterre n'ont été les modèles des (page 187) gouvernements libres que sous le régime censitaire. Je désire, avant de risquer notre situation qui est bonne dans une expérience, qu'elle ait été faite ailleurs. Nous avons peu à gagner, beaucoup à perdre ; il faut être circonspect pour jouer un jeu si inégal.

Messieurs, sans doute, le système électoral peut subir des améliorations ; qu'on nous démontre qu'une extension du corps électoral doit produire de bons effets, j'y souscrirai volontiers, mais je refuse mon appui à la proposition dont nous sommes saisis, parce que rien ne me démontre qu'elle doive produire un bien dans le fonctionnement de nos institutions, parce que ceux qui la présentent ne s'occupent même pas de ce point fondamental.

Croyez-vous que tous les dangers de la liberté aient disparu ? Croyez-vous que tout le monde en Belgique soit convaincu de l'excellence de toutes les libertés dont nous jouissons ? Un des honorables signataires de la proposition, à propos du suffrage universel, a dit : « Qu'est-ce que le parti libéral ? Qu'est-ce que le parti clérical ? Je n'en sais rien. »

Mais l'honorable membre a donc oublié qu'il a été longtemps membre de l'association libérale de Charleroi ? qu'il y a trois mois à peine, il se posait comme candidat libéral aux élections de Charleroi, qu'il se prétendait même beaucoup plus libéral que moi !

Aujourd'hui, il ignore ce qui constitue le parti libéral, et il donne une déclaration de confiance absolue, illimitée à un cabinet qui se proclame l'adversaire du parti libéral.

M. Balisaux. - J'ai dit que le gouvernement n'avait encore posé aucun acte qui méritât ma méfiance et que je l'attendais à l'œuvre.

M. Pirmez. - M. Balisaux étant, jusqu'il y a peu de temps, comme moi, à fond de cale, selon son expression, ignore-t-il absolument les antécédents et les opinions du cabinet actuel ? Mais qui donc ignore cette politique ? N'est-elle pas la cause même de l'existence du ministère qui sait parfaitement la différence qu'il y a entre un ministère catholique et un ministère libéral, et n'a pris le pouvoir que pour la manifester !

Mais la majorité d'aujourd'hui ne se compose-t-elle pas des hommes que vous combattiez, quand vous faisiez partie de l'Association libérale ; ceux que vous deviez être censés combattre, quand devant les électeurs de notre arrondissement, vous vous proclamiez libéral ?

Il ne faut pas oublier que les intentions que vous avez reconnues jusqu'à présent au parti catholique ne sont pas des intentions favorables à nos libertés.

Pour nous, messieurs, nous voyons encore du danger, nous en voyons surtout pour la liberté et nous croyons que ce danger serait considérablement aggravé si l'on appelait les masses ignorantes au scrutin. Ce serait là cependant la conséquence immédiate du suffrage universel : il ne nous conduirait peut-être pas aux désastres que nous avons vus se produire dans un pays voisin, mais j'ai le devoir de ne pas accepter un régime qui pourrait dans les Flandres augmenter l'influence déjà si énorme du clergé et dans les grands centres industriels faire dominer des éléments démagogiques.

Voilà pourquoi je repousse le suffrage universel.

Mais, messieurs, le débat s'est agrandi.

Pour M. Couvreur, ce ne sont plus certains articles seulement de la Constitution qui doivent disparaître, c'est la Constitution tout entière.

Pour l'honorable membre, une Constitution est quelque chose de mauvais : il faut déchirer notre Constitution. En effet n'a-t-il pas indiqué la Constitution comme étant la cause de révolutions en France et n'a-t-il pas dit qu'en Angleterre et en Amérique il n'y avait pas de constitution ?

M. Couvreur. - Je n'ai pas dit cela ; j'ai dit qu'en Amérique la Constitution impose la révision au bout de quinze ou vingt ans.

M. Pirmez. - Mais vous n'en avez pas moins accusé les Constitutions d'être une cause de révolution.

M. Couvreur. - J'ai dit que les Constitutions immuables sont une cause de révolution.

M. Pirmez. - Notre Constitution, messieurs, n'est pas immuable. Elle permet la révision, mais de ce qu'une Constitution peut être changée, il ne faut pas en conclure qu'il faille absolument la changer sans raison. Or je vous le demande, quelles sont les raisons que vous avez pour opérer les modifications que vous proposez ? Vous n'en donnez pas et vous ne savez même pas ce que vous voulez mettre à la place.

J'ai écouté très attentivement les différents signataires de la proposition, mais je suis encore à me demander quel est l'obstacle qui est mis par la Constitution à la réalisation d'un progrès ?

L'honorable M. Defuisseaux est le seul qui nous ait indiqué ce que nous aurions obtenu, d'après lui, si nous avions eu le suffrage universel.

Si vous aviez eu chez vous, a-t-il dit, le suffrage universel, vous auriez eu la presse dégagée de la juridiction des tribunaux civils. Mais, en France, la presse a-t elle été dégagée de la juridiction des tribunaux après ses dix-sept ans de suffrage universel ? Comme le régime de la presse a été meilleur en France que dans notre pays de vote censitaire !

L'honorable membre a ajouté que nous aurions été dégagés, par le suffrage universel, de cet odieux impôt de la conscription.

Mais allez voir à Wœrth et à Sedan si les cadavres qui couvrent son sol ne sont pas des cadavres de conscrits. Allez en Allemagne ; vous trouverez 300,000 individus qui vous diront que la conscription les a pris à leur famille et que les élus du suffrage universel ont applaudi à la guerre qui les a rendus prisonniers !

M. Defuisseaux. - J'ai parlé du suffrage universel avec la garantie de la liberté de la presse et de toutes les autres libertés.

M. Pirmez. - L'honorable M. Defuisseaux me dit : Le suffrage universel avec la garantie de la liberté de la presse et de toutes les autres libertés, mais nous trouvons que le suffrage universel a supprimé tout cela.

Le suffrage universel a supprimé la liberté d'association, la liberté de la presse, la tribune politique même. Il a supprimé tout, excepté le despotisme militaire.

M. Bouvier. - Et nous jouissons en Belgique, sans le suffrage universel, de la liberté de la presse, de la liberté d'association et de toutes les autres libertés qu'il n'a pas données à la France.

M. Pirmez. - Mais comment voulez-vous que le suffrage universel nous donne tout ce que vous indiquez ? Ne l'avons-nous pas vu dans son entier fonctionnement ? Ce sont des illusions que vous vous faites. Vous vivez dans un monde de théories. Les faits les plus éclatants ne vous frappent pas. Non, vous vous dites : « Il nous faut le suffrage universel. Advienne ce qui pourra. Nous dirons que nous avons réalisé un progrès. Nous serons signalés comme des progressistes ; nous pourrons traiter de réactionnaires ceux qui ne veulent pas du suffrage universel. Peu nous importe, encore une fois, ce qui arrivera. »

Eh bien, c'est là la différence entre nous et les membres que je combats. Nous voulons savoir ce qui viendra après. Nous nous préoccupons beaucoup moins du moyen électoral que des résultats. Nous voulons les institutions libérales, la conservation de la grande liberté dont nous jouissons, à laquelle on n'ajoutera rien, mais qu'on peut beaucoup réduire. C'est là ma grande préoccupation. Avant de suivre quelqu'un, je veux qu'il me dise où il me conduit ; or, c'est ce qu'on ne veut pas me dire, et dans de pareils termes, je ne puis prendre en considération ce qu'on me propose.

On a beaucoup parlé, dans cette discussion, d'édifice ; c'est une métaphore dont on a fait un grand usage pour notre Constitution. Un membre a dit qu'il voulait enlever une pierre vermoulue à cet édifice constitutionnel, pour la remplacer et mettre ainsi l'édifice à neuf.

Combien nous avons eu dans notre pays d'architectes de cette espèce ! Nous avons de magnifiques édifices gothiques, qui peuvent rivaliser avec les plus beaux du monde. A une certaine époque, on s'est pris de pitié pour les constructeurs de ces édifices. Ils ne connaissaient pas les principes de l'architecture grecque ou romaine ! Et de mettre à ces édifices une porte Renaissance. Dans toutes nos villes, vous trouverez des édifices qui ont été arrangés de la sorte. Je suis convaincu que ceux qui ont fait ces beaux changements se trouvaient de bien autres hommes que leurs devanciers ; ils étaient dans le courant des idées modernes, ces idées il fallait les appliquer, et celui qui s'y serait opposé eut été, à leurs yeux, un réactionnaire.

Nos honorables collègues qui veulent introduire le suffrage universel dans notre Constitution, sont un peu du genre de ces architectes ; ils contemplent l'œuvre du Congrès je ne dirai pas avec dédain, mais comme une œuvre un peu arriérée ; ils gémissent des restrictions qu'elle impose à leurs élans progressistes, ils croient avoir des idées beaucoup plus larges et pensent s acquérir un titre de gloire en proposant d'introduire à la Constitution un changement qui menacera la solidité des institutions si libérales qu'elle comporte.

Je ne veux pas de ce portique parce que je crois qu'il y passera parfois un peu de démagogie et que je crains surtout qu'il n'y passe beaucoup de restrictions à nos libertés.

M. Balisaux (pour un fait personnel). - Je demande pardon à la Chambre, après une discussion d'un ordre aussi élevé, de l'occuper de choses purement personnelles, mais je dois répondre à l'honorable (page 188) M. Pirmez qui m'a attaqué personnellement au sujet de la position politique que j'ai entendu prendre dans cette Chambre.

L'honorable M. Pirmez m'a dit : « Vous voyagez à fond de cale. » Eh bien, ce voyage me sera d'autant plus agréable que j'y verrai à mes côtés l'honorable M. Pirmez, mais avec cette différence que j'y suis libre, indépendant et désireux d'en sortir, tandis que l'honorable membre y est enchaîné.

On me critique en disant : « Vous venez déclarer au gouvernement qu'il a votre confiance ! » Je soutiens que les luttes arides entre le libéral et le clérical ont fatigué le pays et, notamment, l'arrondissement de Charleroi qui compte parmi les plus intelligents.

Si je voulais chercher les causes de la chute de la plupart de vos amis, certes, ces causes ne se trouveraient pas exclusivement dans la question de la réforme électorale, mais dans ce fait incontestable que vous avez fatigué le pays par des luttes intestines qui n'avaient d'autre but que de conserver le pouvoir, auquel vous teniez trop.

Il est difficile de rechercher et surtout de préciser quelles sont les causes de l'élévation des hommes politiques ou de leurs chutes, mais ce qui vous a perdus, c'est un libéralisme bâtard qui consiste à promettre et à ne rien tenir.

Voilà la cause de votre perte et, en temps et lieu, lorsque vous le jugerez convenable, je vous prouverai la vérité de ce que j'avance. Tel est votre libéralisme.

Vous m'avez adressé des reproches amers. Quand M. Balisaux, dites-vous, faisait partie de l'Association libérale, il pensait autrement.

Oui, messieurs, j'ai fait partie de l'Association libérale. J'ai fait mes études dans la ville peut-être la plus libérale de la Belgique, où l'air que l'on respire est imprégné de libéralisme, et je suis resté fidèle à toutes les idées de liberté et de progrès. J'affirme que je suis libéral sincère et libéral convaincu. Je l'étais avant l'honorable M. Pirmez, avant qu'il fût question, à Charleroi, de sa candidature à la Chambre des représentants, en 1856, alors qu'il refusait d'allier sa candidature à celle de M. Lebeau, mon beau-père, qui était le fondateur du parti libéral dans cet arrondissement.

Je me rappelle, je le dis, puisque vous me prenez personnellement à partie et je me trouve obligé de me défendre, je me rappelle, dis-je, honorable collègue, avoir conseillé de cacher la lettre par laquelle vous disiez que vous adhériez au programme du libéralisme.

M. Pirmez. - Le fait est faux. Je demande la parole.

M. Balisaux. - Voici ce que j'entends par libéralisme : Pour moi le mot « libéral » est synonyme d'ami du progrès et de toutes les libertés.

Or, honorable collègue, quand vous étiez au pouvoir, vous vous êtes trop rapproché du gouvernement absolu.

Vous ne permettiez à personne de penser ou de faire autrement que vous ne pensiez ou n'agissiez vous-même.

Voilà pourquoi l'arrondissement de Charleroi, arrondissement libéral s'il en fut, vous a renversé pour nous élever.

M. Pirmez. - L'honorable M. Balisaux m'a reproché de ne pas avoir été du parti libéral en 1856. Or, à cette époque le parti catholique m'a combattu et fait échouer.

Nous avons échoué, M. Lebeau et moi, battus par MM. Dechamps, Brixhe et Wautelet.

M. Balisaux. - Pardon, vous aviez refusé d'allier votre candidature à celle de M. Lebeau, mon beau-père.

M. Pirmez. - Je produirai, quand on le voudra, un discours de M. Lebeau prouvant que nos candidatures réunies par nos amis formaient la liste libérale.

Du reste nous avons été battus ensemble par trois candidats catholiques ; que voulez-vous de plus ? Voilà une première explication.

Quant à la lettre que prétend avoir eue en mains l'honorable M. Balisaux, et par laquelle j'adhérais au programme de l'association libérale, ce qu'en a dit l'honorable membre est complètement inexact.

J'ai trouvé dans une lettre de M. Lebeau, il y a quelques mois, mention de ce fait, qui remonte à quatorze ans, et dont jamais je n'avais entendu parler. J'ai recherché la lettre à laquelle il faisait allusion ; et j'ai été assez heureux pour la retrouver, elle est entre les mains du secrétaire de l'Association et l'on peut la publier.

Elle renferme une adhésion pure et simple aux principes de l'association libérale, mais je déclare qu'elle ne contient rien de ce qu'a dit l'honorable M. Balisaux.

Elle sera du reste publiée.

M. Balisaux. - Je regrette infiniment cette difficulté qui est intervenue entre mon honorable collègue et moi parce qu'en notre qualité de députés d'un seul et même arrondissement nous devrions, au lieu de nous désunir, unir nos efforts pour défendre les intérêts moraux et matériels de nos commettants, mais vous l'avez voulu !

C'est une ancienne rancune du meeting de Fleurus et vous voulez exercer votre vengeance dans cette Chambre.

Vous avez cru que je ne répondrais pas, que nouvellement entré dans cette Chambre, je serais interdit, j'aurais peur, mais vous vous êtes trompé.

Quand à la lettre dont j'ai parlé, vous voyez qu'elle existe, vous l'avouez.

Eh bien, la vérité est que nous avons cru que les termes de cette lettre étaient tellement ambigus, tellement incertains, tellement sujets à différentes interprétations, qu'il n'y avait pas, possibilité d'en donner lecture à l'assemblée.

M. Pirmez. - Je publierai la lettre. Ce n'est qu'une adhésion pure et simple aux principes de l'Association libérale.

J'ai été candidat de l'Association avec M. Lebeau et M. Sabatier et nous avons triomphé contre MM. Dechamps, Brixhe et Wautelet.

Batlu en 1856 par l'opinion catholique, nommé contre elle en 1857, j'aurais un reproche à me faire !

Les déclarations libérales de M. Balisaux ont fait succomber mes amis, en amenant une division dans le parti libéral.

Moi-même j'ai failli avoir leur sort pour ne pas avoir voulu les abandonner, il faut qu'on connaisse pourquoi ils sont tombés.

Ceci est une question politique qui mérite d'occuper la Chambre ; il faut que l'on sache dans l'arrondissement de Charleroi...

M. le président. - Cela est étranger à la question que nous discutons en ce moment, M. Pirmez.

M. Pirmez. - Je vous demande pardon, M. le président.

M. Bara. - Vous avez laissé insulter le parti libéral.

M. le président. - La parole est à M. Pirmez pour s'expliquer sur un fait personnel. Je le prie de s'y renfermer.

M. Pirmez. - Dans mon discours, je me suis borné à répondre avec beaucoup de modération à un passage du discours de M. Balisaux qui vient de se livrer contre moi à des attaques personnelles en exposant à sa manière un fait qui remonte à quatorze ans.

M. Balisaux. - Vous m'avez dit que j'étais à fond de cale.

M. Pirmez. - J'ai employé une comparaison faite par vous. Vous allez voir ce que M. Balisaux disait il y a trois mois et si j'avais raison de dire que c'est lui qui a fait succomber le parti libéral à Charleroi.

M. le président. - Mais, M. Pirmez, ce n'est plus là le fait personnel...

M. Bouvier. - C'est très personnel, au contraire...

M. Pirmez. - M. Balisaux déclare ne savoir pas ce que c'est qu'un catholique et un libéral. J'ai le droit de dire qu'il y a trois mois M. Balisaux posait sa candidature comme libéral. Voici la profession de foi de M. Balisaux :

« Mon beau-père, M. Charles Lebeau, bourgmestre de la ville de Charleroi, que vous avez honoré de votre confiance pendant un grand nombre d'années, ayant pris la détermination de ne plus solliciter le renouvellement de son mandat de député, je viens vous demander de vouloir reporter sur moi la confiance que vous lui avez accordée, espérant que je pourrai m'en rendre digne.

« Comme lui, et quoi qu'en disent certains adversaires plutôt personnels que politiques, j'appartiens au parti libéral, j'en professe les opinions et je ne consentirai jamais, à quelque prix que ce soit, à faire violence à mes convictions. »

M. Balisaux. -Cette pièce prouve que M. Pirmez s'était préparé à une attaque personnelle ; je tiens à le constater. (Interruption.)

M. Pirmez. - Je suis toujours prêt à me défendre et je crois qu'il y a déjà beaucoup de membres de la Chambre qui le savent ; je suis prêt depuis longtemps à répondre à M. Balisaux. (Interruption.)

C'est en se proclamant libéral que M. Balisaux a divisé le parti libéral, et le résultat a été de faire entrer dans cette Chambre, lui compris, quatre candidats catholiques qui n'y seraient jamais entrés, si M. Balisaux avait tenu alors le langage d'aujourd'hui. Aussi j'ai le droit de dire à M. Balisaux, qui a si bien parlé de moralité, que ce qu'il faut, avant tout, c'est la moralité politique et qu'elle ne consiste pas à se dire libéral avant l'élection et à dire après qu'on ne sait ce qu'est un libéral pour donner sa confiance aux adversaires du libéralisme.

(page 189) - Voix à droite. - La clôture !

- Voix à gauche. - Non ! non !

M. le président. - La clôture est demandée régulièrement, je dois la mettre aux voix.

M. Guillery. - Je demande la parole sur la clôture.

M. Muller. - M. le ministre de l'intérieur a demandé la parole.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Si la Chambre désire clore ce débat, je suis prêt à renoncer à la parole.

M. le président. - La parole est à M. Guillery sur la clôture.

M. Guillery. - M. le président m'ayant fait l'honneur de me donner la parole, je désire dire quelques mots sur la clôture.

La question qui est soumise à la Chambre est, à coup sûr, une des plus graves qu'elle puisse avoir à examiner.

Il est impossible que, dans aucun des projets de lois déposés par le gouvernement ou qu'il peut avoir l'intention de déposer, il y ait quelque chose d'aussi grave, d'aussi important que la question de savoir si l'article 47 de la Constitution disparaîtra, si le cens d'éligibilité au Sénat sera réduit.

Voilà donc une question sur laquelle les opinions peuvent varier, sur laquelle elles varient même, mais dont personne ne peut méconnaître l'importance.

Comment donc la Chambre pourrait-elle prononcer la clôture du débat sur une pareille question, alors surtout qu'elle n'a aucun projet urgent à l'ordre du jour, au moment où M. le ministre de l'intérieur annonce l'intention de sortir des nuages dans lesquels le gouvernement est resté jusqu'à présent ; au moment où, pleins d'espérance, nous nous disons : Nous allons enfin connaître la pensée du gouvernement ; au moment où la vérité va enfin descendre sur nous...

- Plusieurs membres. - La clôture !

- D'autres membres. - Non ! non !

M. Demeur. - Je n'ai qu'un mot à dire contre la clôture.

On nous a attribué des opinions diamétralement opposées à celles que nous professons. Le discours de l'honorable M. Pirmez a été applaudi par la Chambre.

- Plusieurs, voix. - Non ! non !

- D'autres voix. - Par une partie.

M. Bouvier. - Peu importe !

M. Demeur. - Le discours de M. Pirmez repose sur cette allégation que le but de la proposition est d'établir en Belgique le suffrage universel. C'est là ce que nous voulons, a-t-il dit, et c'est au moyen de cette allégation qu'il a essayé de convaincre la Chambre.

Eh bien, messieurs, je vous demande si, en présence d'une affirmation pareille qui prouve tout au moins combien la pensée des auteurs de la proposition est encore mal comprise, je demande s'il est permis de clore le débat dans de pareilles conditions.

M. le président. - N'insiste-t-on plus pour demander la clôture ?

- Quelques voix. - Si ! Si !

- D'autres voix : L'appel nominal !

M. Rogier. - Messieurs, je prie la droite de ne pas insister sur la clôture.

La discussion actuelle peut se prolonger encore sans aucun inconvénient. Il est rare même que nous ayons l'occasion de nous livrer à des débats de cette hauteur. Il y a, d'ailleurs, des lacunes dans la discussion : le gouvernement ne s'est pas largement et complètement expliqué ; M. le ministre de l'intérieur a demandé la parole ; il importe, je pense, que la Chambre l'entende.

M. le président. - On paraît ne plus insister.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - En présence des paroles de l'honorable M. Guillery, je me rallie à la demande d'ajournement à demain.

Projet de loi accordant des crédits supplémentaires aux budgets des ministères de l’intérieur, des finances et des travaux publics

Dépôt

Projet de loi relatif à la lettre de mer

Dépôt

M. Jacobs, ministre des finances. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre :

1° Un projet de loi de crédit d'un million au département de l'intérieur, pour la voirie vicinale ;

2° Un projet de loi de crédit d'un million au département des travaux publics, pour travaux de grande voirie ;

3° Un projet de loi de crédit d'un million au département de l'intérieur pour construction de bâtiments d'école ;

4° Un projet de loi de crédit au département des finances pour l'exécution d'une transaction avec les héritiers Motte ;

5° Un projet de loi relatif à la lettre de mer.

- Il est donné acte à M. le ministre des finances de la présentation de ces projets de lois qui seront imprimés, distribués et renvoyés à l'examen des sections.


M. Cornesse, ministre de la justice. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre les dossiers qui ont été demandés dans la séance d'avant-hier.

- La séance est levée à 5 heures.