(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session extraordinaire 1870)
(Présidence de M. Vilain XIIIIµ.)
(page 131) M. Reynaertµ procède à l'appel nominal à 3 heures et un quart.
M. de Borchgraveµ donne lecture du procès-verbal de la séance, d'hier ; la rédaction en est approuvée.
M. Reynaertµ présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.
« Le sieur Coppin demande que l'article 114 du Code pénal soit appliqué au procureur du roi qui a lancé contre lui un mandat d'amener en matière de presse, »
- Renvoi à la commission des pétitions.
M. de Haerne, qui est en Angleterre, demande un congé.
- Accordé.
La discussion générale est ouverte.
M. Coomansµ. - Messieurs, j'approuve fort l'intention que le gouvernement a annoncée de diminuer encore, dans une proportion très considérable, l'effectif de l'armée ; je l'y engage, en ce qui me concerne, d'autant plus vivement, que je suis très convaincu que la chose est aussi possible que désirable, sans le moindre danger pour les grands intérêts nationaux que nous avons à sauvegarder.
.le prie l'honorable ministre de la guerre de me dire si toute la classe de 1863 et 1864 a été congédiée ; hier et aujourd'hui j'ai reçu des réclamations qui m'ont paru fort étranges, puisque hier nous avons entendu, de la bouche de l'honorable ministre des finances, que les classes de 1863 et de 1864 ont été congédiées.
Or, deux soldais appartenant à ces deux classes sont venus se plaindre d'être retenus aujourd'hui encore sous les drapeaux. J'aime à croire qu'ils sont mal informés ou que ce sont des cas exceptionnels, des situations particulières ; mais encore faut-il, vu l'engagement que j'ai pris, que j'obtienne une explication sur ce point.
Messieurs, je regrette que l'avis que j'ai émis naguère n'ait pas prévalu et même qu'il n'ait pas paru faire l'objet de l'attention du monde officiel auquel il s'adressait.
Parmi les miliciens congédiés, qui sont au nombre de 28,000, il y en a beaucoup qui n'auraient pas demandé mieux que de rester sous les armes. L'explication de ce fait est aisée. Ce sont des- ouvriers privés de leur gagne-pain, assez embarrassés d'en retrouver un en rentrant chez eux ; ce sont aussi des jeunes gens ayant plus ou moins le goût des armes, et désirant, surtout dans certaines éventualités, de servir la patrie.
J'aurais voulu qu'on permît l\ tous ces miliciens, qu'on dit assez nombreux, de rester sous les drapeaux, en même temps qu'on aurait congédié un nombre proportionnel, de miliciens appartenant aux autres classes. Il est évident que, dans les quatre dernières classes de milice, il y a beaucoup d'hommes qui ont été rappelés à l'activité et qui pourraient rendre de grands services à leurs familles éplorées. *
Je conçois que lorsque le gouvernement exige un certain chiffre, il garde sous les armes tous les miliciens des classes dot lje parle ; mais s'il avait permis à des miliciens plus anciens de servir encore en qualité de quasi-volontaires, il aurait pu congédier des hommes vraiment malheureux, qui sont aussi nécessaires chez eux que les autres dont je viens de parler ne le sont pas.
Ainsi, s'il en était temps encore, Je prierais le gouvernement de réaliser cette idée ; il aurait le même nombre de miliciens et la qualité en serait meilleure, car il est évident que le soldat volontaire vaut mieux que le soldat forcé.
Tout en priant le ministère de compléter les bonnes mesures qu'il vient de prendre, plus encore au point de vue de la liberté individuelle qu'au point de vue financier, je le prie également d'examiner s'il ne peut pas garder à sa disposition les miliciens désoeuvrés qui ont été subitement arrachés à leurs travaux et qui, d'ici à quelques mois peut-être, ne trouveront pas l'équivalent de ce qu'ils ont perdu.
MgGµ. - Messieurs, dès que les circonstances l'ont permis, le gouvernement s'est empressé de réduire, autant que possible, les charges militaires en envoyant en congé plusieurs classes de milice. Tous les hommes de 1861 et 1862 ont été renvoyés dans leurs foyers, à quelque arme qu'ils appartinssent.
Quant aux miliciens de 1863 et 1864, ceux qui appartiennent à l'infanterie ont également été renvoyés. La même mesure n'a pas pu être prise pour la cavalerie et l'artillerie, par la raison qu'il faut bien que les cavaliers restent pour soigner leurs chevaux.
Or, les circonstances ne sont pas encore assez rassurantes pour songer à désorganiser les services du pied de guerre et à vendre les chevaux.
L'honorable M. Coomans demande si l'on ne pourrait pas conserver les hommes qui désirent rester au corps au lieu d'aller en congé et, par compensation, donner des permissions à un égal nombre d'hommes appartenant à une classe retenue sous les armes, mais qui sont indispensables chez eux ?
Je ne vois pas, messieurs, d'inconvénients à réaliser ce désir, mais il faut que ceux qui tiennent à rester sous les armes l'expriment nettement. Car, je dois déclarer que, jusqu'à présent, aucune demande en ce sens n'a été présentée au département de la guerre. Cette combinaison, du reste, n'est pas nouvelle ; elle se pratique ordinairement pendant l'hiver, elle a toujours reçu l'assentiment des chefs de corps.
M. Coomansµ. - Je remercie l'honorable ministre surtout de l'engagement qu'il paraît prendre, de permettre l'espèce de compensation que j'ai préconisée, c'est-à-dire de libérer autant de miliciens appartenant aux dernières classes que l'on trouverait de miliciens des autres classes désireux de rester encore quelque temps sous les drapeaux, pour les raisons que j'ai dites : les unes patriotiques, les autres économiques.
Je constate donc que j'étais bien informé quand je prenais la liberté de faire observer au gouvernement que ses déclarations d'hier n'étaient pas tout à fait exactes et que les classes de 1863 et de 1864 n'ont pas été entièrement congédiées.
M. le ministre de la guerre vient de le dire : on n'a congédié que l'infanterie, je devine bien pourquoi. Mais encore une fois, je dois protester contre cette espèce de manque de justice distributive.
M. Dumortierµ. - Messieurs, le crédit que nous sommes appelés à voter est une nouvelle dépense occasionnée par la situation actuelle de l'Europe. Dieu veuille que ce soit la dernière ! Cependant nul de nous ne saurait en donner l'assurance.
En présence des circonstances difficiles que nous traversons, nous ne pouvons que nous féliciter de la manière dont la Belgique a conservé sa nationalité et sa neutralité ; nous ne pouvons assez louer le pays, à la vue des services qu'il a rendus à l'Europe dans cette grave situation. Aussi, je croirais manquer aux devoirs de mon mandat, si je ne disais (page 132) quelques mots à ce sujet pour rappeler a l'Europe, qui ne doit pas et ne peut pas l'ignorer, les services que la Belgique a rendus, par sa nationalité unie à sa neutralité, aux deux grandes puissances qui se combattent maintenant d'une manière si déplorable et si regrettable pour l'humanité. Au point de vue militaire, la neutralité de la Belgique a été un grand bien pour l'une et pour l'autre, en réduisant la ligne d'attaque des deux pays et en leur permettant ainsi la concentration de leurs forces.
Elle leur a rendu un autre service bien grand lorsque, après ces batailles si sanglantes qui ont eu lieu à la frontière, elle a recueilli leurs blessés avec un soin dont il n'y a pas d'exemple dans l'histoire. Toutes nos populations, toutes nos villes, toutes nos institutions se sont empressées, avec un dévouement sans bornes, de venir en aide à toutes les infortunes que la guerre a fait naître. Partout, en Belgique, vous avez vu ouvrir des établissements pour recueillir les blessés, et nos Sœurs de charité, ces anges de l'humanité souffrante, se sont multipliées pour soulager les infortunes qui se sont manifestées à nos portes.
Ce n'est pas tout. La Belgique est devenue le lieu de refuge des personnes qui craignaient les abus de la guerre, et nos villes sont remplies de familles étrangères, qui viennent chercher un abri à l'ombre de l'arbre de la liberté, fuyant les désastres de la guerre qui affligent leur propre pays.
Voilà des services qu'on ne peut méconnaître et ces services, nous les avons rendus, sans distinction d'opinion, à chacune des parties belligérantes.
Mais je dois le dire, j'ai vu avec regret et avec une vive douleur que les journaux d'un des deux Etats en lutte accusent incessamment la Belgique de partialité et même d'indignités commises envers les citoyens de l'un des deux pays. L'insistance avec laquelle certains journaux allemands accusent et attaquent continuellement la Belgique, contre la vérité des faits, m'oblige à protester, à cette tribune, contre cette ténacité avec laquelle on dénigre la conduite de la Belgique dans les circonstances actuelles.
Les étrangers, à quelque nation qu'ils appartiennent, ont été reçus et accueillis par nous avec le même dévouement, avec un dévouement sans bornes.
Il peut y avoir eu quelques petits faits isolés, qui se produisent dans tous les pays, libres ou non libres. Mais la nation belge a montré la même générosité, le même dévouement vis-à-vis des Allemands que vis-à-vis des Français.
Je proteste donc contre ces accusations qu'on lance dans les pays étrangers contre la Belgique ; je proteste, au nom de la nation, qui ne me démentira pas ; je le répète, la Belgique s'est montrée également bienveillante pour les blessés des deux pays qui sont en lutte.
Je vois avec bonheur que déjà l'un des principaux organes de la presse en Allemagne s'est empressé de rectifier ces injustes accusations ; mais il fallait ce mot de protestation, parce que, dans d'autres journaux, les accusations se répètent avec une ténacité que, pour mon compte, je déplore et qui deviendrait sérieuse, si elle avait pour but de cacher une arrière-pensée.
Je le répète donc, je ne puis que protester, au nom de la Belgique hospitalière et bienfaisanle, contre ces accusations. Jamais aucun pays n'a fait, en faveur des blessés des deux parties belligérantes, ce qu'a fait la Belgique. Notre pays a donné au monde un magnifique exemple ; il s'est grandi dans l'opinion du monde et il ne faut pas qu'on l'accuse injustement à la suite de la conduite si belle qu'il a tenue.
Nous avons d'autant plus de motifs de défendre la vraie conduite de la Belgique en cette circonstance, que nous voyons, d'un autre côté, dans une autre sphère, combien peu sont respectées les petites nationalités. Et ici, je déclare que je ne puis pas voir sans une profonde douleur l'atteinte si violente qui vient d'être portée à l'indépendance de la papauté, à l'indépendance des Etats Romains. (Interruption.)
M. De Fréµ. - Nous n'avons pas à nous occuper de cela.
M. Dumortierµ. - Vous avez à vous occuper des droits des petites nationalités, monsieur De Fré. Les droits des petites nationalités sont les mêmes dans tous les pays du monde.
Eh bien, quant à moi, je déclare que j'ai vu, et la Belgique catholique a vu, avec la plus grande douleur, ce qui se passe à Rome, l'invasion d'un Etat neutre, d'un Etat catholique, qui excite la plus grande et la plus profonde vénération dans le monde entier, d'un Etat qui a à sa tête l'immortel Pie IX, l'un des plus grands papes qu'ait eus la chrétienté. (Interruption.)
Comment ! vous oserez murmurer contre des paroles si vraies ! Si vous ne partagez pas ma manière de voir, respectez au moins l'opinion de la Belgique catholique, qui proteste par ma faible voix contre cet odieux attentat au droit des gens.
Il est donc évident que nous avons d'autant plus de motifs de maintenir nos droits à la reconnaissance publique, dans les circonstances actuelles, que nous voyons, dans une autre partie de l'Europe, porter l'atteinte la plus grave possible à la nationalité d'un Etat respectable et respecté par l'Europe entière, d'un Etat qui a servi de base à la civilisation et qui est l'objet de la vénération sinon de nous tous, au moins de l'immense majorité de la Belgique.
Dans cette situation, j'ai cru devoir prononcer quelques mots pour protester contre les accusations que certains journaux allemands ne cessent de diriger contre la Belgique, malgré les protestations des hommes les plus éminents qui ont vu ce qui se passe dans notre pays.
M. Mullerµ - Messieurs, s'il m'était permis de rentrer dans la discussion spéciale du projet de loi, je demanderais à M. le ministre de la guerre une explication.
Je vois figurer, dans les dépenses supplémentaires qui ont eu lieu, une somme de 769,850 francs, représentant une avance qui a dû être prélevée sur le budget ordinaire des derniers mois de l'année, afin de munir les magasins des divers corps d'effets d'équipement et d'habillement, en vue du rappel éventuel de quelques classes licenciées, qui ont été laissées dans leurs foyers.
Les 9ème et 10ème classes ayant été rappelées, c'est donc pour les classes antérieures et plus anciennes que vous avez fait cetue dépense de 769,850 francs.
Or, je ferai remarquer qu'au moment où l'on nous a demandé les derniers crédits, on connaissait aussi bien qu'aujourd'hui les éventualités dans lesquelles cette dépense pourrait être nécessaire.
En conséquence, il eût été préférable de la comprendre dans ces crédits. Ce n'est pas un grief capital que j'élève, mais une explication nette est nécessaire ; la dépense a été faite, mais on n'a pas eu le droit d'en faire emploi pour les classes qui ont été rappelées.
Je désirerais savoir, en second lieu, jusqu'à quelle époque s'étendent les calculs présentés par le gouvernement à l'appui du projet de loi actuel. Les crédits demandés doivent-ils nous conduire jusqu'au 31 décembre, ou simplement jusqu'à la rentrée des Chambres, par exemple ? J'ai lu et relu l'exposé des motifs et je n'y ai trouvé aucun éclaircissement sur ce point, qui a son importance.
MgGµ. - Messieurs, les effets qui ont été achetés et déposés en magasin étaient destinés aux classes congédiées antérieures à la dixième, qui n'ont pas été rappelées, mais qui l'auraient été si les circonstances avaient été assez graves pour l'exiger.
Comme il n'y avait pas, dans les magasins, d'effets qui pussent être distribues à ces hommes, le gouvernement, par précaution, a fait des acquisitions qui seront utilisées dans l'avenir.
L'honorable préopinant a exprimé l'opinion que, déjà à l'époque où l'on avait demandé le premier crédit, on pouvait prévoir ces dépenses.
Je dois reconnaître que cela est vrai ; mais le gouvernement a pensé qu'il pouvait ajourner la demande, d'en récupérer le montant jusqu'à l'époque où il demanderait un crédit pour faire face aux dépenses résultant du renchérissement des denrées, renchérissement qui s'était déjà manifesté à l'époque où fut présentée la demande du premier crédit.
En ce qui concerne le temps pour lequel le crédit est demandé, le gouvernement espère qu'il pourra suffire jusqu'à la fin de l'année ; mais il est évident que les circonstances pourront exercer, à cet égard, une très grande influence.
Si le gouvernement peut maintenir les réductions déjà faites et en opérer de nouvelles, le crédit demandé pourra, je le répète, couvrir les dépenses jusqu'au 31 décembre.
M. Mullerµ. - Vous aurez donc un crédit suffisant pour l'effectif actuel.
MgGµ. - Le gouvernement a annoncé qu'il espérait pouvoir réduire encore l'effectif. C'est à cause de la possibilité éventuelle de cette réduction qu'il pense pouvoir aller jusqu'à la fin de l'année avec le crédit sollicité.
M. Pirmezµ. - Messieurs, le projet de loi qui nous est présenté a un double objet. Il sollicite de la Chambre un crédit de 9 millions et il autorise un emprunt de 25 à 30 millions. C'est sur ce dernier point que je veux appeler l'attention de la Chambre.
Des lois antérieures ont déjà accordé au gouvernement la faculté d'émettre des titres de rente 4 1/2, mais il ne s'est agi là, je pense, que de (page 133) sommes minimes dont le gouvernement avait l'emploi en lui-même, qu'il pouvait céder à des caisses qu'il administre.
Mais il s'agit cette fois d'un emprunt qui doit être réalisé au moyen des capitaux des particuliers.
Je crois qu'il y a un inconvénient à s'écarter, en cette matière, du système qui a été suivi jusqu'ici et qui consiste à émettre les emprunts par voie de soumission ou de souscription publique.
Je demanderai au gouvernement si son intention est de faire, soit une soumission, soit une souscription publique, ou s'il entend traiter de la main à la main ?
Je crois qu'il importe que les garanties de publicité et de libre concurrence existent en matière de finances comme en toute autre matière.
Le gouvernement a déjà demandé à se départir de ces bonnes règles de comptabilité et d'honnêteté publique, lorsqu'il a sollicité, pour les travaux d'utilité générale, l'autorisation de traiter de la main à la main, au lieu de procéder par voie d'adjudication publique. Je demanderai s'il a l'intention de généraliser ce système ou s'il entend introduire, pour les finances, ce qu'il a fait déjà pour les travaux publics ?
MfJµ. - Messieurs, à la suile du dernier emprunt, un arrêté royal a été pris, dans lequel il est dit que, dans le cas de consolidation de tout ou partie de la delte flottante en 4 1/2, le capital pourra en être rattaché au présent emprunt.
Cette disposition a été étendue à plusieurs acquisitions faites ultérieurement, au rachat des embranchements du canal de Charleroi, à l'acquisition du Jardin Botanique.
On ne peut méconnaître qu'au point de vue financier, au point de vue des émissions, nous sommes dans une situation anomale et qu'il est impossible de déclarer à priori le mode qui sera le meilleur à l'époque où il faudra recourir au crédit.
La loi du 2 septembre ne parle que d'une émission de bons du trésor ; aujourd'hui que la situation s'est améliorée, que le 4 1/2 p. c. dépasse le pair, nous demandons à la Chambre de donner au gouvernement une latitude plus grande, de lui permettre, s'il le juge convenable dans l'intérêt du trésor, de donner à la delte consolidée la préférence sur la dette flottante ; nous demandons qu'on laisse au gouvernement le choix d'après les circonstances.
Il est certain que la souscription publique est un mode d'emprunt préférable à tout autre en temps normal. C'est à ce système que nous donnons la préférence ; mais il se peut que les circonstances ne s'y prêtent pas, qu'elles empirent et que nous soyons amenés à préférer écouler petit à petit des titres de la delte publique ou des bons du trésor.
Le gouvernement préfère, il ie déclare, recourir à la voie de l'adjudication publique, mais il demande que la Chambre ne lui prescrive pas tel ou tel mode et qu'elle le laisse libre, dans l'intérêt même du trésor, de choisir entre des titres 4 1/2 et des bons du trésor, entre la souscription publique et les autres modes d'émission. Si la Chambre préfère nous lier les mains, nous indiquer tel mode que nous devrions suivre, quelles que soient les circonstances, libre à elle, la responsabilité sera passée de ma tête sur celle de la représentation nationale.
M. Vleminckxµ. - L'effectif de l'armée vient d'être réduit, et d'après la déclaration de M. le ministre de la guerre, il doit l'être encore.
Lorsque nous avons voté la loi qui autorise l'augmentation des cadres, l'honorable ministre s'est engagé à en user avec réserve, c'est-à-dire à ne faire que les nominations strictement nécessaires. Je ne sais si le gouvernement a fait toutes les nominations que la loi lui permettait de faire...
MgGµ. - Pas une seule.
M. Vleminckxµ. - Alors il est probable que, l'effectif ayant été diminué, il n'y en aura plus de nouvelles.
Je serais heureux de recevoir une déclaration à cet égard.
MgGµ. - Le gouvernement n'a pas fait usage, jusqu'à présent, de la faculté que lui accorde la loi votée de mettre tous les cadres sur le pied de guerre et il n'en fera pas usage si les circonstances ne l'obligent pas de nouveau à augmenter les effectifs des troupes. Mais si l'armée devait être remise sur le pied de guerre, la loi qui a été présentée et votée en vue de cette éventualité serait nécessairement exécutée.
M. Pirmezµ. - Le point fondamental des observations que j'ai eu l'honneur de soumettre à la Chambre est celui-ci : qu'il importe, en matière de finances comme en toute autre matière d'intérêt public, que la publicité existe et que l'on ait la garantie de la concurrence.
Je crois,donc et M. le ministre des finances est d'accord avec moi, que le système de l'emprunt public est préférable à tout autre mode.
Voilà le point que je constate. Si je ne présente pas d'amendement, c'est en présence de la déclaration de M. le ministre des finances qu'il préfère ce système. Je dois déclarer que s'il suit un autre système, il en aura toute la responsabilité et je me réserve de critiquer ce changement du mode de nos emprunts, dans lequel je verrais des dangers. Il importe, en effet, que le gouvernement ne puisse jamais être soupçonné d'avoir fait une émission de titres qui ne soit pas dans les meilleures conditions pour le trésor ; il ne faut pas qu'il puisse être même injustement soupçonné d'avoir pris une voie qui permettrait de favoriser des intérêts privés au détriment de ceux du trésor.
MfJµ. - Il n'est pas même certain qu'il y ait une émission.
MaedAµ. - J'ai lu avec autant d'indignation que l'honorable M. Dumortier la manière injuste dont certains journaux étrangers ont apprécié la conduite de la Belgique à l'égard de personnes appartenant à l'une des deux nations belligérantes. La plupart des faits avancés par ces journaux sont déjà reconnus inexacts. Les enquêtes auxquelles nous avons fait procéder dès l'instant où des révélations de cette nature se sont produites ne peuvent laisser aucun doute à cet égard dans tout esprit impartial.
Nous avons recherché la vérité, afin de pouvoir démentir les faits s'ils étaient reconnus faux, et afin de punir, s'ils étaient vrais, les individus qui s'en seraient rendus coupables.
Heureusement, comme je viens d'avoir l'honneur de le dire à la Chambre, les enquêtes les plus minutieuses ont établi l'exagération et même l'inexactitude des faits signalés ; ces enquêtes ont établi que les blessés des deux nations ont été traités partout avec la même sollicitude, avec les mêmes égards ; ces enquêtes ont prouvé également que les expulsés allemands qui ont passé par la Belgique n'ont pas eu lieu de se plaindre de nos procédés à leur égard.
Les investigations continuent relativement à des faits plus récemment révélés, elles se poursuivront avec le même zèle et la même impartialité.
Le gouvernement s'est empressé de communiquer aux gouvernements intéressés tous les renseignements recueillis par ses soins ; ses explications ont rétabli la vérité des faits et prouvé l'injustice des accusations articulées contre la Belgique. Aussi, je puis le dire, au lieu de reproches, ce sont des remerciments et des félicitations que nous avons reçus.
- Plusieurs voix. - Très bien !
M. Malou, ministre d'Etatµ. - Je voudrais, messieurs, ajouter deux mots en ce qui concerne la clause que l'honorable M. Pirmez a critiquée.
En 1840, la Chambre, dans une loi d'emprunt, avait introduit la condition formelle de la publicité et de la concurrence. Le gouvernement, après l'avoir combattue, ne l'avait acceptée qu'à regret. Une crise européenne est survenue et l'emprunt n'a pas pu se réaliser aux conditions qu'on avait espérées : on a eu à enregistrer une perte assez notable pour le trésor public.
Depuis lors, la plupart des emprunts contractés ont été faits d'après un système mixte, c'est-à-dire que l'honorable M, Frère-Orbàn, dans les emprunts qu'il a contractés pendant sa longue administration, a généralement placé à main ferme une partie de l'emprunt et remis l'autre partie en souscription publique.
Je crois, messieurs, que, dans les circonstances ordinaires, c'est le meilleur système au point de vue des intérêts du trésor, dans l'intérêt du crédit public.
D'une manière absolue, à une époque de grande prospérité, lorsque aucun nuage n'existe à l'horizon, on peut s'en tenir exclusivement à la publicité et à la concurrence pour un emprunt considérable.
Je crois que le système qui a été suivi jusqu'à présent est le plus pratique et le plus favorable aux intérêts du trésor public.
Maintenant, de quoi s'agit-il ? La dernière loi d'emprunt, outre la somme qu'elle décrétait, donnait au gouvernement l'autorisation d'émettre des obligations 4 1/2, pour payer des dépenses votées par la législature. Nous demandons que cette faculté soit appliquée aux dépenses extraordinaires résulianl des circonstances actuelles.
Il y a trois moyens de couvrir ces dépenses : c'est un emprunt par bons du trésor, ou un emprunt consolidé, ou la combinaison de ces deux modes.
Les inconvénients qui résultent d'une dette flottante considérable peuvent déterminer ici l'emploi des deux modes. Je ne crois pas qu'il soit utile, même dans les circonstances normales, d'avoir une dette flottante très considérable, avec échéances nécessairement très courtes.
Lorsque notre crédit se sera encore relevé, et il se maintient, je puis le dire, glorieusement, malgré les circonstances que nous traversons, il serait imprudent de faire une trop forte émission de bons du trésor. Le projet de loi nous permet de parer à cet inconvénient.
(page 134) Il est évident que l'intention du gouvernement ne peut pas être d'user de cette faculté pour négocier de la main à la main avec tel ou tel établissement ; mais le gouvernement peut et doit même avoir le droit de placer des fonds consolidés dans des caisses dont l'administration ressortit directement ou indirectement à la trésorerie publique, au lieu de les placer en bons du trésor. Le gouvernement doit avoir également la latitude pour profiter du développement de crédit public, à l'effet de réaliser à la Bourse les titres de l'emprunt 4 1/2. Le projet de loi qui vous est soumis n'a pas d'autre but.
- Personne ne demandant plus la parole dans la discussion générale, la Chambre passe aux articles.
« Art. 1er. Le crédit, ouvert au déparlement de la guerre par l'article 2 de la loi du 2 septembre 1870, pour l'entretien et la solde des troupes excédant les effectifs prévus au budget, est augmenté de fr. 3,3629,000. »
- Adopté.
« Art. 2. Il est accordé au même département pour avances du chef : 1° des approvisionnements extraordinaires d'effets d'équipement et d'habillement, un crédit de 769,850 francs, et 2° des dépenses d'internement des troupes étrangères un crédit de 525,000 francs ; ensemble : fr. 1,294,850 »
- Adopté.
« Art. 3. Un crédit extraordinaire de fr. 5,035,000 est alloué au ministre de la guerre pour l'entretien et la solde des troupes excédant les effectifs prévus au budget. »
« Ensemble [des trois articles] : fr. 9,956,850. »
- Adopté.
« Art. 4. Ces crédits seront répartis, par des arrêtés royaux, entre les articles du budget de 1870, suivant les besoins du service. »
« Il sera rendu à la législature un compte détaillé de leur emploi, ainsi que des diverses mesures extraordinaires qui les auront nécessités. »
- Adopté.
« Art. 5. Le gouvernement est autorisé à émettre, soit des bons du trésor, soit des obligations de la dette à 4 1/2 p.c. (6ème série), jusqu'à concurrence du montant des crédits accordés par les articles 1er, 2 et 3, ainsi que par les lois du 2 septembre 1870. »
- Adopté.
« Art. 6. La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa publication. »
- Adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet.
89 membres y prennent part.
85 répondent oui.
4 répondent non.
En conséquence le projet de loi est adopté ; il sera transmis au Sénat.
Ont répondu oui : MM. Lelièvre, Liénart, Magherman, Mulle de Terschueren, Muller, Notelleirs, Orts, Pety de Thozée, Pirmez, Rembry, Reynaert, Rogier, Sainctelette, Schollaert, Simonis, Tack, Tesch, Thibaut, Thienpont, Van Cromphaut, Vandenpeereboom, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Overloop, Van Renynghe, Van Wambeke, Vermeire, Verwilghen, Amédée Visart, Léon Visart, VIeminckx, Wouters, Anspach, Balisaux, Beeckman, Bergé, Biebuyck, Braconier, Brasseur, Cornesse, Couvreur, Cruyt, d'Andrimont, Dansaert, David, de Baets, de Baillet-Latour, de Borchgrave, de Clercq, de Dorlodot, De Fré, de Kerckhove, Delcour, De Le Haye, de Lhoneux, de Macar, Demeur, de Moerman d'Harlebeke, de Montblanc, de Muelenaere, de Naeyer, Descamps, de Smet, Dethuin, de Zerezo de Tejada, Drion, Drubbel, Dumortier, Funck, Guillery, Hagemans, Hermant, Houlart, Jacobs, Janssens, Jottrand, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Kervyn de Volkaersbeke, Landeloos, Lefebvre et Vilain XIIII.
Ont répondu non : MM. Coomans, Defuisseaux, Delaet et Gerrits.
MpXµ. - La discussion générale est ouverte.
M. Lelièvreµ. - Je donne mon assentiment au projet de loi. Toutefois, je dois présenter une observation. Je pense qu'il est bien entendu que la province de Hainaut devra payer, provisoirement, le prix de la cession et que les prétentions par elle annoncées ne pourront la dispenser de ce payement, sauf à elle à élever après cela toute question de propriété.
Il doit aussi être bien entendu que la province cessionnaire devra payer tous frais quelconques relatifs à l'acquisition, etc.
MfJµ. - C'est bien entendu.
- La discussion générale est close.
L'assemblée passe au vote par appel nominal sur l'article unique ainsi conçu :
« Le gouvernement est autorisé à vendre à la province de Hainaut, au prix de 14,600 francs, 41 ares 70 centiares de terrain sis à Mons et provenant de l'ancien couvent des Filles de Sainte-Marie, sous la réserve des droits que peut avoir la province à la propriété de cet immeuble. »
- Adopté.
Il est procédé à l'appel nominal.
89 membres y prennent part.
Tous répondent oui.
Ce sont :
MM. Lelièvre, Lescarts, Liénart, Magherrnan, Muller, Notelteirs, Orts, Pety de Thozée, Puissant, Rembry, Reynaert, Rogier, Sainctelette, Schollaert, Simonis, Tack, Tesch, Thibaut, Thienpont, Van Cromphaut, Vandenpeereboom, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Overloop, Van Renynghe, Van Wambeke, Vermeire, Verwilghen, Amédée Visart, Léon Visart, VIeminckx, Wouters, Anspach, Balisaux, Beeckman, Bergé, Biebuyck, Braconier, Brasseur, Coomans, Cornesse, Couvreur, Cruyt, d'Andrimont, Dansaert, David, de Baets, de Baillet-Latour, de Borchgrave, de Clercq, de Dorlodot, De Fré, Defuisseaux, de Kerckhove, Delaet, Delcour, De Le Haye, de Lhoneux, de Macar, Demeur, de Moerman d'Harlebeke, de Montblanc, de Muelenaere, de Naeyer, Descamps, de Smet, Dethuin, de Zerezo de Tejada, Drion, Drubbel, Dumortier, Funck, Gerrits, Guillery, Hagemans, Hermant, Houlart, Jacobs, Janssens, Jottrand, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Kervyn de Volkaersbeke, Landeloos, Lefebvre et Vilain XIIII.
En conséquence, le projet de loi est adopté.
Il sera transmis au Sénat.
Personne ne demandant la parole dans la discussion générale, la Chambre passe à la délibération sur les articles.
« Art. 1er'. Il est alloué un crédit spécial de 200,000 francs pour achever les travaux de démolition et de nivellement des terrains militaires de Charleroi. »
- Adopté.
« Art. 2. Ce crédit sera couvert provisoirement au moyen des ressources ordinaires, et ultérieurement par le produit des terrains à vendre. »
- Adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet ; il est adopté à l'unanimité des 90 membres présents.
MpXµ. - L'ordre du jour étant épuisé, je propose à Chambre de s'ajourner indéfiniment, en laissant à son président le sppn de la convoquer, s'il y a lieu.
- Cette proposition est adoptée.
La séance est levée à 4 heures et demie.