(Annales parlementaires de Belgique, Chambre des représentants, session 1870 extraordinaire)
(Présidence de M. Vilain XIIIIµ.)
(page 101) M. de Borchgraveµ fait l'appel nominal à 1 heure et un quart.
M. Reynaertµ lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.
M. Frère-Orbanµ. - Messieurs, il me semble que le crédit extraordinaire réclamé par le gouvernement est peu justifié. On sollicite 50,000 francs de plus pour les fonds secrets.
Dans les sections, on a été assez étonné de cette demande, paraît-il, et on avait proposé de demander des explications a M. le ministre de la justice, mais il a été décidé que ces explications étaient inutiles. Elles me paraissent cependant nécessaires.
Depuis 1848 jusqu'en 1858, les fonds secrets ne s'élevaient qu'à une somme de 68,000 francs. C'est avec cette somme que le gouvernement de l'époque a pu faire face à toutes les nécessités.
En 1848 et après, vous savez, messieurs, dans quelle situation l'on s'est trouvé : les incursions de bandes dont nous avons été menacés, les émissaires qui ont été envoyés en Belgique, et puis ultérieurement un grand nombre de réfugiés après les événements de juin, après le coup d'Etat, ont exigé des soins et une surveillance exceptionnels. Cependant on n'a pas cru devoir demander la moindre augmentation de crédit et la somme dont nous disposions nous a paru entièrement suffisante.
A une époque postérieure, on a distrait de la somme de 68,000 francs une somme de 12,000 francs, destinée à la police judiciaire et par conséquent on a demandé une augmentation de 12,000 francs. Le rapport de la section centrale constate l'emploi de ces 12,000 francs pour la police judiciaire. C'est ainsi que le fonds a été porté à 80,000 francs.
Selon les années, ce fonds a été absorbé ou il ne l'a pas été, et, au moment où nous avons quitté le pouvoir, nous avons laissé, de ce chef, sur l'exercice qui n'était pas encore clos, une somme qui, si mes souvenirs sont exacts, devait bien aller à environ 40,000 francs, sans que je puisse préciser.
Ainsi, le gouvernement a eu à sa disposition tout le semestre du crédit voté de 80,000 francs, plus une somme non encore employée et qui était considérable : environ 40,000 francs. (Interruption.)
Mes souvenirs ne sont pas très précis, mais c'est une somme considérable qui s'ajoute au crédit ordinaire.
Quelles sont les nécessités nouvelles qui viennent justifier une augmentation de crédit de 50,000 francs ?
On ne dira pas que c'est à cause de l'armée qu'il y aurait nécessité de faire certaines investigations secrètes.
Je ne crois pas que cela puisse être sérieux. Nous avons affaire, cette fois, à des armées régulières et nous ne sommes pas exposés, quant à présent, à être en guerre.
Je ne pense donc pas, messieurs, qu'il y ait une justification suffisante du crédit de 50,000 francs.
MjCµ. - Messieurs, une allocation de 80,000 francs ligure au budget de la justice, depuis 1858, pour frais de police et mesures de sûreté générale.
Cette somme a figuré annuellement au budget, elle y a toujours été portée sans critique, et je ne crois pas que l'on ait jamais exigé du gouvernement des explications détaillées sur l'emploi et la destination de ces fonds. La nature, le caractère de cet emploi oblige au secret.
Mais si cette allocation de 80,000 francs est suffisante pour les temps normaux, pour les temps de calme et de paix, elle est insuffisante pour les temps de crise comme ceux que nous traversons. Jamais la Belgique ne s'est trouvée dans une situation comme celle qu'elle subit aujourd'hui. Il y a fort longtemps que deux grandes puissances n'aient été aux prises sur nos frontières. Les événements de guerre, menacent de se prolonger longtemps et on ne peut répondre de ce qui arrivera.
Le gouvernement ne vient pas vous dire : J'ai besoin immédiatement de ces fonds ; ce n'est pas une dépense faite qu'il s'agit de couvrir, il s'agit d'une dépense à faire. Le gouvernement vous dit : Il y a des événements extraordinaires qui peuvent se produire ; l'état dans lequel se trouve la Belgique est un état exceptionnel, un état qui peut nous obliger à des mesures de police extraordinaires ; nous devons être en mesure de parer aux éventualités.
C'est pourquoi le gouvernement a formulé la demande qui vous est soumise.
Si le calme se rétablit, on ne touchera peut-être pas au crédit de 50,000 francs que nous sollicitons. Mais il faut que le gouvernement soit prêt à tout événement.
Jamais des explications n'ont été demandées ni données, même en temps normal, sur la destination de ces fonds ; à plus forte raison, ne doit-on pas en fournir dans les circonstances où nous nous trouvons. Le gouvernement doit montrer la plus grande prudence, la plus grande réserve. Il déclare qu'il ne touchera aux fonds qu'il sollicite qu'en cas d'absolue nécessité, qu'il n'y touchera que pour autant que les besoins de la surveillance et de la sûreté publique l'exigent absolument. Mais il doit borner là ses explications ; s'il allait plus loin, il excéderait son devoir et il manquerait le but qu'il s'agit d'atteindre.
M. Baraµ. - Il ne s'agit pas de demander des explications au gouvernement au sujet des fonds secrets, et mon honorable collègue, M. Frère, n'a pas demandé à M. le ministre de la justice ce qu'il entendait faire des 50,000 francs qu'il sollicite de la Chambre. Mon collègue a dit que, dans sa pensée, ces fonds étaient, pour le moment, sans utilité et je dois déclarer que c'est aussi mon avis.
En effet, M. le ministre de la justice peut disposer de toutes les sommes restées disponibles ; il a en réserve une somme importante, restant des crédits antérieurs, dont il m'est difficile de fixer le chiffre. Il y a, de plus, le crédit non dépensé de l'année courante. Est-ce que cela n'est pas suffisant ?
M. le ministre de la justice nous dit : II peut se produire des événements qui nous obligent à faire des dépenses considérables. Mais, messieurs, vous avez voté, hier, pour le département de la guerre, c'est-à-dire pour le département où en ce moment les dépenses sont les plus urgentes, des fonds qui ne lui suffiront que jusqu'au 20 septembre seulement ; pourquoi procéderait-on d'une manière différente en ce qui regarde le département de la justice ?
M. le ministre de la justice n'a-t-il pas de fonds secrets suffisants jusqu'au 20 septembre ? Evidemment ; il ne pourrait affirmer le contraire.
Le gouvernement sera obligé, si l'état de crise se prolonge jusqu'au 15 septembre, de convoquer les Chambres. Si M. le ministre de la justice avait alors besoin de fonds, il pourrait en demander, mais je suis convaincu qu'il en a suffisamment pour parer à toute éventualité jusqu'au delà de cette date.
Dès lors, le crédit demandé est inutile. Or, comme nous avons en ce moment de grands besoins d'argent et qu'il s'agit de fonds dont il ne doit (page 102) pas être rendu compte, nous devons mettre une grande réserve dans le vote de ce crédit.
Je crois que, dans ces conditions, M. le ministre de la justice ferait mieux d'ajourner son projet. (Interruption.) On me fait remarquer que M. le ministre de la justice pouvait ne pas connaître, lorsque le projet a été rédigé, que la session ne serait pas close. Cela est possible ; mais, dans tous les cas, le ministère ayant depuis déclaré que les Chambres ne seraient pas fermées et qu'elles seraient, le cas échéant, convoquées dans le courant du mois de septembre, je crois qu'il n'y a aucune utilité à voter actuellement le projet de loi qui nous est soumis. J'en propose l'ajournement.
MjCµ. - Le chef de la sûreté publique réclame vivement l'allocation du crédit qui vous est demandé ; et je ne me suis décidé à le réclamer, que parce que j'ai cru qu'à raison des circonstances le crédit pouvait devenir nécessaire. L'administrateur de la sûreté publique n'a pas dit le moins du monde qu'il y avait une réserve d'environ 40,000 francs disponible. (Interruption.)
M. Frère-Orbanµ. - J'ai dit approximativement.
MjCµ. - Dans tous les cas, je garantis que si ces fonds disponibles ne sont pas nécessaires, nous n'y toucherons pas ; il ne peut donc y avoir aucun inconvénient à voter le projet de loi. Ce n'est qu'une simple mesure de précaution et de prudence. Si les circonstances ne nous obligent pas à l'employer, ce crédit restera Intact ; nous n'en ferons pas emploi. Il n'y a donc aucun danger à le voter dès à présent.
La Chambre peut avoir confiance dans le gouvernement ; cet argent ne sera utilisé que s'il y a nécessité absolue.
M. Baraµ. - Je comprends très bien la demande de fonds qu'a faite M. l'administrateur de la sûreté publique : il ne savait probablement pas que la Chambre devait rester ouverte et que la session ne serait pas close ce mois-ci : le gouvernement n'a fait connaître que tout récemment ses intentions à cet égard.
Maintenant, je ne sais pas quelle somme est encore disponible sur les crédits votés, mais je sais qu'elle doit être assez importante.
Je demande donc à M. le ministre de la justice d'ajourner sa proposition.
Nous sommes ici pour voter des dépenses extraordinaires, urgentes, indispensables. Or, les paroles que vient de prononcer M. le ministre de la justice prouvent que le crédit demandé n'a nullement ce caractère, et que tout au moins jusqu'au 15 septembre les fonds qu'il a à sa disposition seront suffisants.
Je propose donc formellement l'ajournement du projet de loi jusqu'à la prochaine réunion de la Chambre.
M. Wasseigeµ. - Il me semble que M. le ministre de la justice actuel, qui a la responsabilité de la situation grave où se trouve le pays, doit mieux savoir ce qu'elle exige que l'ancien ministre, qui n'a plus aucune responsabilité. Il est vraiment étonnant que je doive lui rappeler ce fait qu'il a tant de peine à comprendre.
Or, M. le ministre de la justice vient de vous dire que le crédit demandé peut être nécessaire dans les circonstances actuelles. C'est un acte de confiance qu'il vous demande, il est parfaitement justifié, et je crois que la Chambre doit le lui accorder.
Pourquoi ajourner le vote de ce crédit, alors que le gouvernement vous déclare qu'il peut lui être nécessaire. Qui nous dit que la Chambre sera convoquée pour le mois de septembre prochain ?
Il est possible qu'elle ne le soit pas, et cette éventualité suffit pour que tout bon citoyen ne prenne pas la responsabilité d'un ajournement qui pourrait être dangereux.
Dans tous les cas, je le répète, c'est un acte de confiance que réclame le gouvernement, et je ne comprendrais vraiment pas qu'on le lui refusât après les déclarations qui ont été faites.
M. Baraµ. - L'honorable membre vient de dire que M. le ministre de la justice doit mieux connaître que moi les nécessités de son département. Cela est parfaitement exact. Mais la Chambre vient d'apprendre que M. le ministre de la justice n'était pas très au courant de la situation dès crédits dont il dispose, puisque nous avons dû lui faire connaître qu'il y avait sur ces crédits une somme disponible assez importante. (Interruption.)
Je ne sais pas quelles dépenses vous avez faites depuis un mois.
J'ai passé par des circonstances et par des événements aussi difficiles que les conjonctures actuelles : la guerre d'Allemagne de 1866 et l'incident du Luxembourg.
Nous avons eu beaucoup de dépenses à cette époque ; nous avons eu, plus tard, les réfugiés espagnols en grand nombre. Cependant, nous n'avons jamais dû demander des crédits extraordinaires.
Je suis convaincu que l'honorable M. Cornesse n'usera pas de ce crédit.
L'honorable M. Cornesse aurait dû commencer par s'enquérir de ce que l'administrateur de la sûreté publique a en caisse.
Cet honorable fonctionnaire a pu faire son devoir en demandant des fonds à son chef hiérarchique, parce qu'il ne pouvait savoir que la session extraordinaire ne serait pas close et qu'il pouvait supposer que la Chambre ne serait pas réunie avant le 11 novembre.
Mais, fait observer l'honorable M. Wasseige, qui vous dit que les Chambres seront convoquées ?
Remarquez que, si le crédit est voté, les Chambres devront quand même être convoquées, car le général Guillaume n'a des fonds que jusqu'au 15 septembre.
Et, d'autre part, si les troupes sont renvoyées dans leurs foyers et si le ministre de la guerre n'a pas besoin d'autres fonds, l'honorable M. Cornesse n'aura pas besoin de fonds secrets pour l'armée et les affaires étrangères.
Par conséquent, à part une pure question d'amour-propre, dans laquelle l'honorable ministre aurait tort de s'engager, je ne comprendrais pas comment la Chambre voterait ce crédit.
Je pense donc que ma proposition est très modérée. Je demande l'ajournement et non le rejet.
MjCµ. - Je demande à répondre un mot à l'honorable M. Bara.
Au moment où nous discutons, il y a au département de la justice de quoi satisfaire aux nécessités actuelles, mais demain, dans quelques jours, peuvent surgir des événements qui rendront nécessaires des dépenses extraordinaires.
Je ne sais pourquoi les honorables contradicteurs, et l'honorable M. Bara principalement, insistent pour refuser le crédit puisque le gouvernement affirme qu'il n'en usera qu'en cas d'impérieuse nécessité.
Ce n'est pas une question d'amour-propre, c'est une question de sécurité publique.
Les circonstances peuvent devenir très graves et nous pourrions manquer de fonds.
Ce n'est donc pas par plaisir que le gouvernement vient solliciter ce crédit.
Le gouvernement n'a nullement l'intention de mésuser de ce crédit. C'est une preuve de confiance qu'il demande, comme l'a dit l'honorable M. Wasseige, et je crois que, dans les circonstances que nous traversons, elle doit lui être donnée.
M. Wasseigeµ. - Je désire répondre un mot aux observations de l'honorable M. Bara.
Il se trompe lorsqu'il dit que dans le cas où la paix serait faite, où les miliciens ne devraient plus être maintenus sous les armes, le crédit ne serait plus utile.
Bien au contraire, c'est peut-être au moment où la paix sera imposée à l'une des puissances belligérantes que le crédit serait le plus utile. C'est alors que, par suite d'émotion révolutionnaire, nous pourrons avoir à nous défendre contre les entreprises de gens animés des plus mauvaises passions et contre lesquels ce n'est pas l'armée, mais la police, qui devrait être principalement employée.
Il se pourrait donc que l'armée ne devant plus être maintenue sur le pied de guerre à cause du rétablissement de la paix, il ne serait pas nécessaire de réunir les Chambres, tandis que les fonds secrets de la police seraient plus nécessaires que jamais. L'ajournement, dans ces conditions, n'est qu'un moyen d'opposition ; cela n'est ni sérieux ni patriotique.
M. Bouvierµ. - Nous avons la gendarmerie.
M. Baraµ. - Cela est très vrai ; mais ce sont des observations de détail.
L'honorable M. Cornesse a dit qu'il n'avait plus de fonds. C'est une erreur. Il a tout le dernier trimestre à toucher. Par conséquent, il a de l'argent jusqu'au 20 septembre. Cela est certain, incontestable.
L'honorable M. Wasseige parle d'événements postérieurs qui pourraient se produire et dit qu'il pourrait y avoir des dépenses extraordinaires indispensables à faire.
Mais vous parlez là d'événements que vous ne connaissez pas, tandis que l'honorable général Guillaume aura des dépenses bien plus importantes que celles-là à faire, ce sont les dépenses de l'armée, et cependant il ne demande pas de crédit au delà du 15 septembre ; si l'on raisonnait comme MM. Wasseige et Cornesse, il est certain que le général Guillaume réclamerait beaucoup plus. On nous demande pourquoi nous faisons (page 103) opposition au crédit de la sûreté publique. Mais c'est parce que nous ne voulons voter que ce qui est indispensable, et que l'emploi des fonds secrets ne peut être discuté.
Nous devons maintenir ce crédit, mais pour l'honneur du pays nous ne devons pas l'augmenter.
On nous demande maintenant 50,000 francs de plus.
Je sais que cet argent ne sera dépensé que pour l'utilité publique, mais n'ayant pas cette somme, on s'efforcera d'assurer le service avec la somme que l'on possède et ayant ces 50,000 francs on fera peut-être des dépenses inutiles.
En matière de fonds secrets, on doit être très parcimonieux de la fortune publique.
Or, on demande aujourd'hui un crédit qui n'est pas nécessaire, qui n'est pas justifié, car l'honorable ministre de la justice vous déclare qu'il lie connaît pas les fonds qui sont à sa disposition.
La Chambre commettrait donc un acte repréhensible en accordant ces fonds. (Interruption.)
M. Rogierµ. - Je regrette que l'honorable M. Wasseige, dans son zèle de néophyte ministériel, ait été plus loin que M. le ministre de la justice lui-même. Il m'a paru que le ministre acceptait les observations de mes honorables collègues et avec eux je ne vois aucun danger à retarder la discussion du crédit demandé. On ne propose pas, quant à présent, le rejet absolu de la proposition du ministre de la justice, quoiqu'il y ait lieu de s'étonner de le voir demander un crédit supplémentaire alors qu'il ne connaît pas exactement lui-même la situation du crédit normal.
Suivant une nouvelle forme de discussion qui tend, semble-t-il, à s'introduire, M. le ministre a mis ici en scène un de ses subordonnés, lequel n'aurait pas fait connaître à son chef la situation réelle, en demandant de nouveaux crédits alors qu'il y aurait encore un disponible de 40,000 à 50,000 francs tant sur l'exercice courant que sur les exercices écoulés.
L'honorable M. Bara vous l'a déclaré : il n'a pas dépensé toute l'allocation budgétaire de 1870 ; il reste un disponible qui, ajouté à l'excédant des exercices antérieurs, forme une ressource plus que suffisante pour un et plusieurs mois.
Quant à dépenser en quelques jours l'ensemble de ces ressources, cela ne peut pas entrer dans les prévisions du ministre : je lui demande de ne pas persister dans sa proposition et de consentir à la remise de la discussion jusqu'à la prochaine réunion de la Chambre. Il a certes des ressources plus que suffisantes pour faire face à tous les besoins présents.
Je le répète, j'engage M. le ministre de la justice à se rendre aux raisons qui ont été données ; elles sont bonnes et elles ne sont certes pas dictées par la passion politique.
MaedAµ. - Messieurs, une somme de 80,000 francs est allouée annuellement, pour des mesures de sûreté publique., au département de la justice.
C'est au moins, je pense, la somme qui est nécessaire en temps normal.
Aujourd'hui on sollicite un crédit extraordinaire de 50,000 francs. Eh bien, je vous demande s'il est possible de méconnaître que la situation anomale dans laquelle nous nous trouvons doit nécessairement exiger une augmentation de dépenses ?
Si la somme de 80,000 francs est jugée nécessaire en temps normal, comment est-il possible de refuser une somme quelconque supérieure pour les circonstances actuelles ?
J'aurai l'honneur de faire remarquer à la Chambre qu'il existe également un crédit au département des affaires étrangères, crédit dont le ministre dispose suivant les besoins constatés par lui ; ce crédit sera vraisemblablement insuffisant et le gouvernement aurait pu demander une augmentation de ce crédit, qui aurait été parfaitement justifiée. Mais, au lieu de demander cette augmentation, nous nous sommes bornés à demander une somme de 50,000 francs pour le département de la justice, qui pourra être utilisée par le gouvernement, non seulement pour les objets spéciaux ressortissant spécialement au département de la justice, mais également pour les dépenses qui incombent au ministère des affaires étrangères et même au département de la guerre.
Il me semble, messieurs, sans entrer à cet égard dans d'autres explications, que les membres de la Chambre comprendront que dans la situation où nous nous trouvons le département de la guerre lui-même aura des dépenses à faire qui ne sont pas comprises évidemment dans les crédits normaux qui sont attribués à ce département.
Je pense que la Chambre n'hésitera pas un instant à voter le crédit de 80,000 francs, qui ne sera du reste dépensé qu'en cas de nécessité, et je lui fais observer qu'il serait imprudent de rejeter ou seulement d'ajourner un projet reconnu nécessaire par les fonctionnaires compétents.
M. Frère-Orbanµ. - Je ne comprends vraiment pas l'insistance que met le gouvernement à repousser la proposition très modérée qui est soumise à la Chambre. On demande simplement, en effet, l'ajournement de la discussion du crédit de 50,000 francs qui est sollicité, et cet ajournement ne peut pas être long ; il ne peut pas excéder un mois si les circonstances se maintiennent telles qu'elles sont.
Dans ce cas, tout le monde est d'accord sur ce point qu'il n'y aurait pas assez de fonds pour l'armée et qu'il faudrait que la Chambre se réunît pour mettre des fonds à la disposition du département de la guerre.
Messieurs, je suis convaincu, pour ma part, que les circonstances ne sont pas telles en ce moment qu'un crédit nouveau soit indispensable et encore une fois, je demande qu'on ajourne la discussion de ce crédit jusqu'au 20 septembre, alors surtout qu'il est incontestable que les fonds qui se trouvent aujourd'hui dans les mains du gouvernement sont plus que suffisants pour faire face à toutes les difficultés, puisqu'il y a des crédits votés qui doivent courir jusqu'à la fin de l'année.
- Voix nombreuses. - L'appel nominal !
- M. de Naeyer remplace M. Vilain XIIII au fauteuil de la présidence.
M. Dumortierµ. - Messieurs, je partagerais l'opinion des honorables membres qui viennent de parler, si nous étions dans une situation normale. Moi-même, je suis très opposé aux frais de police et bien certainement je ne les voterais pas. Mais nous sommes dans une situation extraordinaire et il vaudrait beaucoup mieux proposer le rejet du projet de loi que l'ajournement.
Vous proposez l'ajournement à un mois et peut-être qu'alors ce sera inutile. Vous êtes dans une situation où il est obligatoire de conserver votre neutralité et cette neutralité ne consiste pas seulement dans la défense à la frontière, il peut se passer à l'intérieur des faits, entre autres des faits d'espionnage, qui compromettent votre nationalité, même après le désarmement. Je pense donc qu'il serait de la plus grande imprudence de repousser ce crédit. Encore une fois, ce n'est pas l'ajournement que vous devez demander ; soyez conséquents avec vous-mêmes : c'est le rejet. Mais quant à moi, je crois le vote de cette somme indispensable dans les circonstances actuelles.
- La discussion est close.
La proposition d'ajournement est mise aux voix par appel nominal :
36 votent pour l'ajournement.
57 votent contre.
En conséquence l'ajournement n'est pas adopté.
Ont voté pour l'ajournement :
MM. Defuisseaux, de Lexhy, de Lhoneux, de Macar, Demetil1, Descamps, Dethuin, de Vrints, Elias, Frère-Orban, Guillery, Hagemans, Hermant, Houtart, Jamar, Jottrand, Le Hardy de Beaulieu, Lescarts, Mascart, Muller, Pirmez, Rogier, Sainctelette, Vandenpeereboom, Van Humbeeck, Van Iseghem, Vleminckx, Ansiau, Bara, Berge, Bouvier, Couvreur, d'Andrimont, Dansaert, David et de Baillet-Latour.
Ont voté contre l'ajournement :
MM. de Clercq, de Dorlodot, de Haerne, de Kerckhove, Delaet, De Le Haye, de Montblanc, de Naeyer, de Smet, de Theux, de Zerezo de Tejada, Drion, Drubbel, Dumortier, Gerrits, Jacobs, Janssens, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Kervyn de Volkaersbeke, Landeloos, Lefebvre, Liénart, Magherman, Mulle de Terschueren, Notelteirs, Pety de Thozée, Rembry, Reynaert, Royer de Behr, Schollaert, Simonis, Snoy, Tack, Thienpont, Van Cromphaut, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Outryve d'Ydewalde, Van Overloop, Vai» Renynghe, Van Wambeke, Vermeire, Verwilghen, Amédée Visart, Léon Visart, Wasseige, Beeckman, Biebuyck, Boucquéau, Coomans, Coremans, Cornesse, Cruyt, de Borchgrave et Vilain XIIII.
L'article unique du projet de loi est ainsi conçu :
« Le budget des dépenses du ministère de la justice pour l'exercice 1870, fixé par la loi du 28 juin 1869, Moniteur, n°185, est augmenté d'une somme de cinquante mille francs (fr. 50,000), qui sera rattachée à l'allocation du chapitre XI, art. 60.
« L'allocation qui fait l'objet de la présente loi sera couverte au moyen des ressources ordinaires du présent exercice. »
II est procédé au vote par appel nominal sur cet article unique.
En voici le résultat :
91 membres sont présents.
59 adoptent.
32 rejettent,
En conséquence le projet est adopté.
(page 104) Ont voté l'adoption :
MM. de Clercq, de Dorlodot, de Haerne, de Kerckhove, Delaet, De Le Haye, de Lhoneux, de Montblanc, de Smet, de Theux, de Zerezo de Tejada, Drion, Drubbel, Dumortier, Gerrits, Hagemans, Hermant, Jacobs, Janssens, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Kervyn de Volkaersbeke, Landeloos, Lefebvre, Liénart, Magherman, Mulle de Terschueren, Notelteirs, Rembry, Reynaert, Royer de Behr, Schollaert, Simonis, Snoy, Tack, Thienpont, Van Cromphaut, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Humbeeck, Van Outryve d'Ydewalde, Van Overloop, Van Renynghe, Van Wambeke, Verwilghen, Amédée Visart, Léon Visart, Wasseige, Beeckman, Biebuyck, Boucquéau, Coomans, Coremans, Cornesse, Cruyt, de Borchgrave et Vilain XIIII.
Ont voté le rejet :
MM. Defuisseaux, de Lexhy, de Macar, Demeur, de Rossius, Dethuin, de Vrints, Elias, Frère-Orban, Guillery, Houtart, Jamar, Jottrand, Le Hardy de Beaulieu, Lescarts, Mascart, Muller, Pirmez, Rogier, Sainctelette, Vandenpeereboom, Van Iseghem, Vleminckx, Ansiau, Bara, Berge, Bouvier-Evenepoel, Couvreur, d'Andrimonf, Dansaert, David et de Baillet-Latour.
M. Pely de Thozéeµ. - Messieurs, je tiens à déclarer que, si j'avais été présent au moment où mon nom a été appelé, j'aurais répondu oui.
MpdeNaeyerµ. - Le gouvernement se rallie-t-il aux amendements de la section centrale ?
MgGµ. - Oui, M. le président.
M. Frère-Orbanµ. - Messieurs, je dois à la Chambre, à mes amis et à moi-même de dire les motifs qui ne me permettent pas de voter le crédit sollicité pour des travaux de fortifications permanentes a Termonde.
Messieurs, nous avons proposé autrefois le système des fortifications d'Anvers ; il a été adopté après une enquête longue et minutieuse et sur les résolutions prises par une commission composée de 21 officiers supérieurs de l'armée, qui ont déclaré que ces fortifications, telles qu'elles résultaient des plans alors adoptés, répondaient complètement aux nécessités de la défense nationale. Nous avons, non sans peine, fait admettre cette opinion par les Chambres. On y a consacré des sommes fort considérables.
Les travaux étant en cours d'exécution, ils avaient comme vous le savez, soulevé une vive opposition dans la ville d'Anvers, il arriva que certaines personnes qui voulaient une extension de ces fortifications imaginèrent de profiter du trouble qui existait dans cette ville pour présenter ce qu'on appela la solution de la question d'Anvers et qui consistait à prolonger l'enceinte sur la rive gauche de l'Escaut avec l'établissement de forts détachés en avant de cette enceinte, créant ainsi, sur la rive gauche, un état de choses analogue à celui qui existe sur la rive droite.
Les journaux furent pleins de ces projets appelés la solution de la question d'Anvers.
Le conseil communal d'Anvers s'assembla et prit une résolution par laquelle il offrait son concours financier à l'Etat pour la réalisation de ce plan, afin d'obtenir la démolition, non plus seulement des deux citadelles, mais également du fort de la Tête de Flandre.
Ces prétendus projets, qui faisaient beaucoup de bruit alors dans la presse, appelèrent notre attention.
J'étais absent. On disait que le gouvernement avait délibéré sur ce plan, qu'il était disposé à l'adopter, que tout allait marcher à la satisfaction commune.
J'écrivis à mes collègues, en particulier à l'honorable ministre de la guerre de l'époque, et il fut constaté que ces prétendues propositions n'existaient point, que personne n'avait songé à les réaliser.
Le gouvernement fut obligé d'insérer une note au Moniteur pour démentir les projets qui lui étaient attribués.
Le gouvernement persista à soutenir ce qu'il avait dit loyalement à la Chambre, que le projet proposé répondait aux besoins de la défense nationale.
La déclaration du gouvernement ne satisfit point les personnes qui poursuivirent le but que j'ai signalé tantôt.
La question fut portée devant la législature. on proposa à la Chambre de soumettre toute cette affaire d'Anvers à un nouvel examen, en vue d'arriver à la solution que l'on avait indiquée.
Après un long débat, la Chambre prit des résolutions formelles qui furent votées.
La majorité de l'époque, sans exception, déclara que l'on persisterait à maintenir le projet tel qu'il avait été arrêté et que l'on n'entendait pas imposer de nouveaux sacrifices au pays, pour un prétendu complément des fortifications d'Anvers.
Ainsi, messieurs, échoua ce que l'on appelait la solution de la question d'Anvers.
Mais, à quelque temps de là, les mêmes personnes qui n'avaient pas réussi dans cette première intrigue imaginèrent quelque chose de mieux. Ce fut de prétendre que l'intérêt de la défense nationale exigeait que l'on fît ces travaux ; que l’on n'avait pas fait ce qui devait être fait ; que les travaux de fortification d'Anvers étaient insuffisants et qu'il fallait les compléter.
On essayait donc de faire accroire que la Chambre et le pays avaient été trompés et que le système de fortification d'Anvers qui avait exigé tant de millions devait en absorber davantage encore.
Nous avons repoussé cette injure et pour le gouvernement et pour la majorité qui avait rempli courageusement son devoir.
Nous avons résisté comme nous devions le faire, comme notre honneur politique nous le commandait, à toutes les tentatives qui furent faites pour altérer nos engagements.
L'honorable général qui avait alors le portefeuille de la guerre, avait déclaré dans cette Chambre que, dans sa pensée, les fortifications, telles qu'elles étaient, suffisaient ; que, sans doute, si l'on pouvait établir sur la rive gauche d'autres travaux, on pouvait le faire comme on peut mettre de doubles portes et de doubles fenêtres à une maison ; que si on voulait lui imposer ces travaux, il ne manquerait pas de les faire, mais qu'il n'y avait pas nécessité ; qu'à tous les points de vue, il repoussait cette proposition.
Nous avons dit une chose. Il existe des terrains qui sont occupés par des fortifications, les terrains de la citadelle du Sud. Ce sont des terrains qui sont, par leur nature, destinés, inévitablement, nécessairement dans un temps donné, à l'extension de la ville d'Anvers, pour les besoins de son commerce maritime. Si l'occasion s'offrait de vendre ces terrains, il n'y aurait point de difficulté d'en appliquer le produit à établir sur la rive gauche des travaux qui tiendraient lieu de ceux qu'on supprimait sur la rive droite.
Mais nous n'entendions pas qu'il y eût nécessité de le faire au point de vue de la défense et nous n'entendions pas imposer, de ce chef, des sacrifices au pays. Les mêmes sommes devaient être réemployées.
Nous annonçâmes un jour ce projet à la Chambre ; il y fut assez mal accueilli par l'opposition de l'époque ; on nous dit que c'était un leurre, qu'on irait bien au delà de la somme qui était indiquée. Quand on parlait de 14 millions, il y avait encore beaucoup d'arrière-pensées ! Et parmi les membres qui tenaient ce langage se trouvait M. le ministre des finances.
« On nous a communiqué un tableau où l'on évalue ces travaux (de fortifications à faire encore à Anvers) à 15 millions de francs.
« Il doit exister au département de la guerre un autre tableau qui les porte à 30 millions ; dans ce plan rentre l'hôpital, qui n'est pas une dépense de fortification, je le veux bien, mais n'en est pas moins une dépense nécessaire pour compléter la place d'Anvers…
« Je n'ai pas sous la main tous les éléments de l'énumération ; mais je ne crois pas, me tromper en disant que c'est à 30 millions et non à 15 que s'élève le total de ce qui reste à faire à Anvers. »
« Le moment n'est pas davantage venu de parler de marine ; tout cela est pour demain ; et le jour de demain ne verra pas encore tout ; ce ne sera jamais tout.
« Aujourd'hui que l'on ne se préoccupe que de l'armée, nous demande-t-on tout ce qu'il faut pour elle ? En aucune façon…
« Présage d'avenir ! on ne demande pas davantage aujourd'hui, parce que le pays n'y consentirait pas ! »
Et c'est ici que venait cette comparaison, rappelée l'autre jour par mon honorable ami M. Pirmez, des ministres assimilés à des dentistes, afin de pouvoir dire : menteur comme un arracheur de dents.
Lorsque ces choses venaient des bancs de l'opposition aux bancs du ministère, elles paraissaient de bon goût, elles semblaient aux amis pleines de grâce et d'atticisme. Aujourd'hui qu'on est au banc ministériel, on voudra bien nous dire si en effet il s'agit de 30 millions et non de (page 105) 15 millions, si on a sous la main l’énumération qu'on n'avait pas dans le moment où l'on parlait et si le gouvernement a induit la Chambre en erreur.
Postérieurement l'occasion s'offrit de vendre, ce qui était inespéré, les terrains de la citadelle du sud pour un prix très élevé.
Le département de la guerre fut invité à revoir les plans pour les mettre en harmonie avec les sommes dont on pouvait disposer.
Ce projet fut soumis à la Chambre avec la demande de ratification de la convention qui approuvait la cession de la citadelle du sud.
Ici, messieurs, nouvelle opposition ; un très grand nombre de membres de la majorité d'alors ne voulaient pas s'engager dans ces dépenses ; un certain nombre d'autres, parmi lesquels M. le ministre des finances, s'abstinrent, sans doute comme conséquence du discours que j'ai rappelé.
L'honorable M. de Theux avait, sur tous ces points, exprimé déjà antérieurement son opinion au nom de l'opposition d'alors.
« Il semblait, disait-il, qu'après avoir construit la grande forteresse d'Anvers, la mesure serait comble.
« Il n'en est rien. On démolit aujourd'hui la citadelle de Gand ; on en crée une autre à Termonde ; on fortifie la rive gauche de l'Escaut ; un autre jour on viendra demander des navires de guerre pour défendre l'Escaut. Tout cela a été sur le tapis, tout cela est dans l'air. Après les travaux d'Anvers, il y en aura encore d'autres. On nous fait entrevoir un petit point noir.
« Messieurs, plus vous vous montrerez faibles, plus les charges militaires s'accroîtront…
« Messieurs, on a souvent parlé de patriotisme. J'approuve beaucoup ce sentiment ; il est certainement honorable, utile et nécessaire. Mais je distingue entre un patriotisme d'enthousiasme et qui n'est pas réfléchi et le patriotisme d'un représentant.
« Le patriotisme d'un représentant consiste à méditer sérieusement, mûrement si les charges que l'on veut imposer au pays sont nécessaires ; si elles ne le sont pas, son devoir de patriotisme exige qu'il les repousse. C'est là mon sentiment. »
Et ce fut le sentiment de la plupart des amis de l'honorable M. de Theux.
On vota, malgré l'opposition, le projet de loi portant approbation de la convention faite avec M. le docteur Strousberg et l'application des fonds à provenir de la vente des terrains de la citadelle du sud à des travaux sur la rive gauche.
Mais on y a mis une condition : l'opposition y insista fortement et la majorité, d'accord avec le gouvernement, stipula qu'on n'emploierait ces fonds qu'au fur et à mesure des rentrées provenant de la cession de la citadelle du sud.
Cela est formellement exprimé dans le rapport de la section centrale qui a approuvé la convention ; cela a été déclaré par tout le monde, c'est la condition sous laquelle le crédit a été voté.
Eh bien, messieurs, savez-vous ce que vient de faire le cabinet ? Engagé comme vous le voyez et son parti engagé comme vous l'avez vu sur cette question, le cabinet, pour ne pas affronter même le vote des Chambres, au mois de juillet, alors que la Chambre allait se réunir, le cabinet a pris un arrêté par lequel on a décrété d'utilité publique l'exécution des travaux sur la rive gauche de l'Escaut, sans avoir un sou à sa disposition, sans que les payements faits à valoir sur le prix de la cession de la citadelle du sud lui permissent de disposer d'un centime en respectant les engagements pris et qui avaient été pris à la demande de l'opposition.
Voilà, messieurs, dans quelles circonstances il a pris cette mesure, et il a disposé sur le crédit de 14 millions d'une somme de 2 millions et quelques cent mille francs, pour les appliquer à l'exécution de ces travaux.
Et que fait-on aujourd'hui ? Lisez l'exposé des motifs : on énonce le fait purement et simplement ; on ne vous demande, de ce chef, aucune espèce d'autorisation.
Les engagements pris ont été violés ; on se passe du concours des Chambres ; on ne les a pas consultées pour revenir sur les engagements contractés et qui ont été imposés au gouvernement à une autre époque.
Comme on ne pouvait plus abuser, je le dis, de ce crédit de 14 millions qui a été mis à la disposition du gouvernement, mais qui était destiné à n'être employé que pour autant que les fonds auraient été versés, - comme le gouvernement n'avait plus de fonds pour exécuter d'autres travaux à Termonde, - il vient aujourd'hui vous demander un crédit pour cet objet.
Et comment colore-t-on ces actes ?
On les colore du prétexte des nécessités du moment, nécessités qui exigeraient l'exécution de nouvelles fortifications !
Il y avait urgence de prendre cet arrêté du 18 juillet, à la veille de la réunion des Chambres ! Et il s'agit de travaux qui doivent servir en cas de siège et je demande qui songe à assiéger Anvers ! Et il faut longtemps pour exécuter ces travaux. Les seules expropriations doivent réclamer beaucoup de temps. (Interruption.) Si vous devez accomplir les formalités exigées en cette matière, il est évident que les fortifications n'arriveront que bien tardivement.
Au surplus, il n'est personne qui puisse soutenir sérieusement qu'il y avait urgence à décréter ces travaux. On a voulu se passer du concours des Chambres.
Il a été reconnu par tous les ministres qui ont eu à s'expliquer sur ce point, non seulement par l'honorable général qui commande aujourd'hui l'armée d'observation, mais encore par l'honorable chef de l'état-major général de l'armée, alors qu'il était ministre de la guerre, qu'il ne s'agissait point, par les travaux projetés, d'augmenter la force défensive de la place, mais uniquement d'accroître l'importance stratégique de la position.
Eh bien, messieurs, je dis qu'il y a là un acte grave ; on abuse des circonstances et on paraît résolu à en abuser beaucoup.
On n'a pas eu d'autre but que d'arriver subrepticement à faire ce que la Chambre n'a pas voulu faire à diverses époques, ce que l'opposition d'alors, aujourd'hui majorité, ne voulait pas absolument que l'on fît.
Dans ces circonstances, je pense que l'on comprendra que nous ne pouvons pas nous prêter au rôle que l'on veut nous faire jouer.
Nous ne pouvons pas faire, dans l'opposition, ce que nous n'avons pas voulu faire étant au pouvoir.
Nous ne pouvons pas reconnaître bénévolement que le système des fortifications d'Anvers est insuffisant et qu'il faut des crédits pour le compléter.
Nous ne pouvons pas accepter un pareil système.
M. Coomansµ. - Ne vous fâchez pas. (Interruption.)
M. Frère-Orbanµ. - Vous riez de tout. Je ne puis, moi, rire de ces choses qui ne sont pas conformes à la loyauté politique.
M. Coomansµ. - Vous avez fait du militarisme, mais moi pas.
M. Frère-Orbanµ. - Si j'avais à faire votre histoire sur le militarisme, je vous montrerais partisan des fortes armées, je vous lirais des discours dans lesquels vous nous accusiez en gémissant d'avoir osé parler d'un budget de la guerre de 25 millions.
M. Coomansµ. - Mais, messieurs... (Interruption.) Il n'y a rien de vrai dans ce que vous venez de dire.
M. Eliasµ. - Je vous donnerai la date de votre discours.
M. Frère-Orbanµ. - Je vous mettrai ces discours sous les yeux en temps opportun. Je dis donc, messieurs, qu'il est impossible pour nous d'accepter cette situation, et comme expression de notre sentiment sur les actes du ministère en cette circonstance, je demande le rejet du crédit proposé pour travaux permanents à Termonde.
MfJµ. - Je crois que la Chambre ne désire pas voir se prolonger cet échange de récriminations entre l'ancien et le nouveau ministère.
Je me bornerai donc à répondre aux interpellations qui m'ont été faites et à répondre aux questions qui m'ont été adressées.
M. Frère-Orban, me rappelant qu'il y a quelques années j’évaluais à 30 millions et non pas à 15 millions le chiffre des dépenses nécessaires pour compléter absolument la place d'Anvers, me dit : Viendrez-vous déclarer aujourd'hui qu'avec les 15 millions du docteur Srousberg vous aurez tout ce qu'il faut ?
Eh bien, à l’encontre du gouvernement précédent, à l’encontre des errements d'autrefois, je déclare au contraire à la Chambre, que si l'on veut faire à Anvers tout ce que l'élément militaire considère comme d'une utilité réelle, nous irions beaucoup plus loin.
M. Frère-Orbanµ. - Je le crois bien.
MfJµ. - Il en est ainsi de l'hôpital dont je parlais naguère, d'un champ de manœuvre, d'un chemin de fer stratégique fort utile pour relier entre eux nos différents forts ; du pavage de la rue, du rempart de la nouvelle enceinte ; bien d'autres choses encore viendront peut-être un jour, parce qu'au point de vue militaire elles seront reconnues éminemment utiles.
Je puis donner à M. Frère-Orban l'assurance que sous ce rapport je comprends le rôle du ministre des finances tel qu'il l'a tracé lui-même dans (page 106) une dernière séance. Comme ministre des finances, je défends l’encaisse du Trésor autant qu'il dépend de moi. Je ne garantis donc rien à la Chambre.
Je ne lui dis pas : Anvers est une affaire terminée. Une grande place n'est jamais terminée parce qu'il se présente à tout instant, comme dans la réorganisation de l'armée, des nécessités nouvelles, qui impliquent des transformations nouvelles. Cela est élémentaire, et il ne fallait pas le cacher. Pour ma part, je ne le cacherai jamais à la Chambre.
Nous demandons, dans les circonstances actuelles, ce qui nous paraît strictement nécessaire. Plus tard nos officiers auront à vous démontrer par a+b que militairement il est sinon absolument indispensable au moins excessivement utile d'exécuter tel ou tel travail.
Ainsi donc, messieurs, vous jugerez. Pour moi, je n'apporte à la Chambre, comme ministre, aucune garantie que, représentant, je lui aurais dépeinte comme peu sérieuse.
On me dit ensuite : Mais tout au moins, il était entendu que vous ne pourriez jamais dépenser les 14 millions du docteur Strousberg, que lorsqu'ils auraient été versés dans les caisses de l'Etat et aujourd'hui vous méconnaissez cet engagement.
Jusqu'à quel point, messieurs, un engagement pareil a-t-il été pris ? Il n'est évidemment pas dit dans le texte de la loi qu'un crédit de 14 millions est ouvert purement et simplement au département de la guerre ; que, dans la section centrale, il ait été question de faire concorder les dépenses avec les recettes ou les assurances de recettes, je le veux bien et que, en temps normal, le gouvernement ne se fût pas mis en avance, je suis prêt à l'admettre. Je me rappelle que lorsqu'on a voté la démolition de la citadelle de Gand, et qu'on a voulu appliquer exclusivement le million provenant de la démolition de cette citadelle aux travaux militaires d'Anvers, ayant fait moi-même la proposition de l'insérer dans la loi, ma proposition a été écartée et l'on n'a absolument rien inséré dans la loi.
Autant que possible, nous ne disposerons des 14 millions qu'au fur et à mesure que nous les aurons reçus ; mais, dans les circonstances actuelles, nous sommes amenés à aller au delà et à disposer de ce crédit que la Chambre nous a accordé sans conditions et sans réserves ; cependant, nous le ferons avec la plus grande réserve ; et n'oublions pas que nous avons déjà reçu des sommes considérables du docteur Strousberg.
Enfin, messieurs, une troisième interpellation nous a été adressée, c'est celle-ci : Comment pouvez-vous, dans les circonstances actuelles, ordonner des travaux qui sont des travaux de longue haleine, dont le résultat n'apparaîtra que probablement longtemps après que les événements actuels auront vu leur fin ?
Eh bien, ici encore quand le ministre de la guerre est venu proposer à ses collègues du cabinet des crédits pour faire des fortifications, nous avons été unanimes, lui compris, qu'il ne fallait faire que les travaux qui pouvaient s'exécuter immédiatement, qu'il ne fallait faire que de véritables travaux de campagne. Nous avons écarté toute espèce de travail qui, de l'avis de notre collègue de la guerre, aurait été un travail de longue haleine et dont on n'aurait pas pu tirer parti pendant la guerre actuelle.
Voilà ce que nous avons fait. Nous nous en sommes rapportés à l'honorable général, en qui j'ai toute confiance à cet égard.
MgGµ. - M. le ministre des finances a déjà répondu en partie aux objections qui ont été présentées par l'honorable M. Frère.
En présence des événements vis-à-vis desquels nous nous trouvions, j'ai pensé qu'il était absolument indispensable de mettre la ville d'Anvers à l'abri d'un bombardement possible de la rive gauche de l'Escaut et d'éviter autant que possible les désastres d'une inondation tendue sur cette rive. Sur ma demande, le gouvernement s'est décidé à élever, sur la rive gauche de l'Escaut, des fortifications de campagne, tracées de manière à former partie intégrante des ouvrages définitifs dont le principe a été voté par la Chambre.
La dépense de ces fortifications ne sera pas perdue.
Lorsque les circonstances le permettront, on renforcera les parapets, on élargira les fossés de manière à leur donner les formes et les propriétés de la fortification permanente.
Ce n'est pas une dépense imprévue, comme le dit l'honorable M. Frère, c'est une dépense parfaitement prévue, et autorisée en principe, puisqu'elle doit être couverte par le prix des terrains cédés au docteur Strousberg.
En ce qui concerne la place de Termonde, j'ai pensé qu'il y avait lieu de la traiter sur le même pied que la place d'Anvers, c'est-à-dire d'y exécuter des travaux de défense capables d'éloigner ou de prévenir un bombardement. Je croyais, à tort, paraît-il, que ces travaux avaient été décidés en principe par la Chambre.
M. Frère-Orbanµ. - Du tout.
MgGµ. - Je le croyais à tort ; je vous prie d'excuser mon inexpérience, j'ai été induit en erreur, parce que j'ai vu ces travaux renseignés dans un document présenté à la Chambre par le cabinet précédent.
Dans ce document figure la citadelle de Termonde, et non seulement elle y figure, mais encore on indique ce qu'elle doit coûter et les ressources au moyen desquelles elle sera érigée.
La section centrale m'a fait observer que ce document n'engageait ni le gouvernement ni la Chambre, et que, dès lors, elle ne pouvait se considérer comme liée et obligée d'approuver une dépense qui s'appliquait à l'exécution d'une citadelle que la législature n'avait pas encore admise en principe. Je me suis rendu à cette observation et il a été convenu qu'on ne construirait à Termonde comme à Anvers que des travaux de campagne qui pourraient être utilisés plus tard, si les ouvrages définitifs étaient ultérieurement votés.
Je ne m'appesantirai pas sur la nécessité de la citadelle projetée à Termonde. Lorsque le moment sera venu, je présenterai des considérations qui me paraissent décisives et qui seront de nature à entraîner vos convictions.
Je rappellerai seulement qu'en tout temps, en toutes circonstances, les commissions et les ministres de la guerre ont établi que l'érection d'une bonne tête de pont à Termonde était indispensable.
Ce n'est donc pas une chose nouvelle qu'on introduit ; il s'agit d'un projet dont il a été plusieurs fois question dans cette Chambre et qui, je pense, n'a pas rencontré de contradicteurs.
De toutes les dépenses qui figurent dans le projet qui vous est soumis, il n'y en a qu'une seule qui soit nouvelle.
C'est celle qui se rapporte au barrage de l'Escaut, dont la Chambre a déjà été entretenue.
Le gouvernement a pensé que, dans les circonstances actuelles, il est indispensable sinon de tendre ce barrage, au moins d'en préparer les éléments, afin de pouvoir les placer et les assembler avec rapidité lorsque la nécessité s'en présentera.
M. Vermeireµ. - Messieurs, mon intention était de voter tous les crédits qui sont pétitionnes par le gouvernement, crédits dont il a immédiatement besoin pour défendre le pays dans les cas qui ont été déterminés par lui.
Cependant, je dois l'avouer, je ne puis pas voter les 400,000 francs pétitionnes pour des travaux à faire à la place de Termonde et si j'avais pu les voter encore par les motifs que j'avais exprimés dans le principe, je ne pourrais plus le faire comme acheminement à des travaux qui occasionneront des dépenses beaucoup plus considérables dans l'avenir.
Ainsi je vois que le gouvernement avait indiqué une somme pour la construction d'une fortification, somme qui était de 3,800,000 francs, et comme les travaux actuels ne sont que l'acheminement vers cette énorme dépense qui devra être faite un jour, je ne puis pas, par un vote que j'émettrais aujourd'hui, m'engager à voter actuellement la somme considérable qui sera demandée ultérieurement.
Mon vote, donc, sur la somme pétitionnée aujourd'hui, sera négatif, par la raison que je viens d'indiquer. Il sera surtout négatif, parce que les travaux auxquels on fait allusion ne pourront pas être immédiatement achevés.
D'autre part, je crois encore que l'on exagère les dépenses faites à Termonde, car il me semble que la première somme de 400,000 francs et la deuxième somme de 400,000 francs qui est pétitionnée, sont trop considérables pour les travaux à construire.
M. Malou, ministre d'Etatµ. - Messieurs, je dirai un mot du crédit demandé pour les travaux de Termonde. Voici d'abord la situation légale.
Dans un document parlementaire, on a indiqué la création d'une citadelle sur la rive gauche de l'Escaut à Termonde, comme étant la conséquence de la démolition de la citadelle de Gand et de l'ensemble des travaux qui devaient se faire à Anvers.
Ce n'est, messieurs, qu'une indication ; il n'y a point de vote de la Chambre qui décrète une citadelle à construire à Termonde et si la Chambre vote le crédit demandé aujourd'hui pour travaux de campagne sur la rive gauche, pour aucun de vous il n'y a absolument rien de préjugé.
Ainsi moi-même, je me réserve complètement mon opinion quant à l'utilité d'une citadelle à Termonde.
(page 107) Mais un fait est Incontestable ; tous ceux qui ont été à Termonde savent que la tête de pont actuelle sur la rive gauche est d'une insignifiance complète ; un petit mur crénelé avec quelques meurtrières pour tirer de là quelques coups de fusil.
Aujourd'hui, si l'on veut que dans une éventualité, qui, je l'espère, ne se présentera pas, mais qu'il est cependant sage de prévoir ; si l'on veut, dis-je, que, dans l'ensemble du système de défense, le premier pont qui se trouve sur l'Escaut en amont d'Anvers puisse être défendu, il faut créer des ouvrages de campagne en avant de cette tête de pont toute primitive, insignifiante, ne répondant à aucune des conditions nécessaires à la défense de la position.
Il ne s'agit donc, je le répète, ni d'engager la Chambre au vote d'une citadelle qu'elle n'a pas encore décrétée, ni d'établir des travaux définitifs, mais seulement d'un ouvrage provisoire, que l'on appelle ouvrage de campagne, pour défendre le passage de l'Escaut à Termonde.
Tel est le seul objet du crédit qui vous est demandé.
On croit, messieurs, qu'il faut beaucoup de temps pour que le département de la guerre fasse les expropriations. C'est un point que l'honorable M. Frère touchait font à l'heure.
Mon honorable collègue de la guerre me dit qu'à l'heure présente, en vertu de l'imputation qui a été ordonnée par le gouvernement sur le crédit ouvert par la Chambre, pour les travaux de la rive gauche devant Anvers, le département est en possession de tous les terrains et que l'adjudication des travaux de terrassement est faite, de sorte que ces ouvrages de campagne pourront être élevés immédiatement. (Interruption.)
On peut acheter à l'amiable. Je cite les faits. On aura à rendre compte à la Chambre des sommes qui auront été payées pour les terrains, mais j'ai vu faire des travaux d'utilité publique très considérables sans que l'on eût recours à l'expropriation et cela pour une raison très simple : c'est que chacun sait aujourd'hui qu'il en coûte des frais considérables de recourir aux formalités de l'expropriation et que, la nécessité étant reconnue, il vaut mieux la subir.
En m'associant à la présentation de ce projet de loi, je n'ai nullement entendu, messieurs, et aucun de mes collègues n'a entendu blâmer, ni directement, ni implicitement, aucune des choses qui ont pu être faites ou dites antérieurement, en ce qui concerne ce grand intérêt de la défense militaire d'Anvers. La seule chose que l'on ait faite est très simple.
La loi qui a approuvé la convention faite avec le docteur Strousberg a mis les 14 millions à la disposition du gouvernement.
Dans le rapport de la section centrale que j'ai eu sous les yeux, le gouvernement a déclaré, il est vrai, qu'il ne serait fait usage de ce crédit pour les travaux de la rive gauche qu'au fur et à mesure des payements faits ou assurés. Le gouvernement faisait une exception pour les travaux de la rive droite, c'est-à-dire pour le complément de la grande enceinte. Moi-même, comme rapporteur au Sénat (j'ai fait un rapport favorable à cette opération de l'honorable M. Frère), j'ai demandé que cette règle fût prescrite au gouvernement.
Le docteur Strousberg a aujourd'hui payé 3,150,000 francs sur les 14 millions.
Lorsque les circonstances ont fait croire (et c'est pour cela que la résolution a été prise) qu'il pouvait être nécessaire de faire immédiatement sur la rive gauche ces travaux provisoires, ces travaux de campagne qui suffisent pour la destination actuelle, nous étions parfaitement certains que nous ne faisions autre chose qu'une anticipation et que le payement ultérieur ne pouvait être douteux. Lorsque le gouvernement détient des arrhes de 3 millions sur 14, il est évident que les payements ultérieurs ne peuvent pas faire défaut dans des circonstances normales et lorsque l'Etat sera lui-même en mesure de livrer des terrains.
Le gouvernement aurait pu faire cette imputation d'après les termes de la loi, mais il nous a paru loyal d'expliquer clairement la situation afin que la Chambre pût apprécier et l'acte qui avait été posé et les motifs qui justifient un gouvernement de. faire cette anticipation, dans laquelle le trésor rentrera dans un délai assez rapproché.
M. Van Overloop, rapporteurµ. - Je ne crois pas devoir rencontrer ce qu'a dit l'honorable M. Frère à propos des travaux exécutés sur la rive gauche de l'Escaut. La section centrale n'a pas eu à délibérer sur cet objet. Je me contenterai de faire remarquer que, s'ils n'avaient pas été reconnus nécessaires sous l'administration de l'honorable M. Frère, M. Frère n'aurait pas consenti à affecter à l'exécution de ces travaux une somme de 14 millions.
L'honorable M. Frère, qui a toujours, comme il le dit, tenu si serrés les cordons de la bourse, aurait évidemment gardé les fonds dans le trésor s'il n'avait pas trouvé nécessaire l'exécution des travaux sur la rive gauche de l'Escaut.
La haute utilité de ces travaux ne saurait d'ailleurs être contestée : Depuis l'invention de l'artillerie rayée, Anvers serait exposé à un bombardement si des forts 'avancés n'étalent pas établis sur la rive gauche ; sans l'existence de ces forts, comme l'inondation ne peut être tendue que jusqu'à Burght, on pourrait, en outre, venir établir, sur la rive gauche, des batteries pour prendre à revers notre camp retranché de la rive droite ; enfin, sans ces forts, il faudrait, si Anvers était assiégé, inonder les polders de Borgerweert et de Melsele et causer des dommages incalculables au pays de Waes.
Telle sont les grandes considérations qui militent en faveur de l’exécution des travaux sur la rive gauche.
Personnellement, je suis fort désintéressé dans le débat, car j'ai toujours voté les dépenses que j'estimais, en conscience, être indispensables pour assurer l'indépendance du pays.
En ce qui concerne les travaux de Termonde, ils sont, à mon avis, le complément nécessaire des travaux d'Anvers. Termonde est une tête de pont par laquelle notre armée, renfermée dans Anvers, pourrait faire un retour offensif vers Bruxelles. Si vous supprimez cette tête de pont, le retour offensif n'est plus possible ou, tout au moins, il est rendu beaucoup plus difficile.
Un mot maintenant en réponse à l'honorable M. Vermeire, qui prétend que M. le ministre de la guerre a dit que les travaux de Termonde seraient un acheminement vers d'autres travaux.
M. le ministre de la guerre a dit cela, si je ne me trompe, à propos des travaux sur la rive gauche de l'Escaut, mais pas à propos des travaux à exécuter à Termonde. .
MgGµ. - J'ai dis que les travaux que je voulais faire auraient été utilisés...
M. Van Overloopµ. - Il me semble que la section centrale donne tous ses apaisements à l'honorable M. Vermeire: elle a fait une réserve formelle relativement à l'exécution d'une citadelle à Termonde.
Qu'avons-nous voulu en section centrale ? Nous ayons voulu tout simplement que la question de la construction d'une citadelle à Termonde fût complètement réservée. Cela est dit en termes exprès dans le rapport. Et pour bien prouver que nous entendions que cette question fût complètement réservée, nous avons déduit 90,000 francs du crédit pétitionné par le gouvernement. Mais, d'un autre côté, nous nous sommes dit: En présence des circonstances graves où nous nous trouvons, il ne faut pas laisser le gouvernement sans ressource ; il faut lui accorder les fonds qu'il demande pour exécuter les travaux qu'il jugerait nécessaires, comme devant être immédiatement utiles..
La question de la citadelle de Termonde est donc parfaitement en dehors du projet actuel.
Je crois donc que la Chambre fera bien d'adopter le projet de loi tel que l'a modifié la section centrale.
M. Vermeireµ. - Il est un fait certain, c'est que la citadelle de Termonde a été décrétée autrefois en principe comme étant d'une nécessité absolue pour la défense de la rive gauche de l'Escaut.
Pour moi, messieurs, je pense que si les grandes villes, qui exercent une influence considérable sur le gouvernement, n'avaient obtenu la suppression de leurs fortifications que pour les reporter dans d'autres localités et si celles-ci avaient joui de la même influence sur le gouvernement, ce transfert n'aurait jamais eu lieu. Pour préciser, je crois que si Termonde avait la même influence sur le gouvernement que la ville de Gand, à coup sûr on ne supprimerait pas la citadelle de Gand pour la reporter à Termonde.
Maintenant, on nous dit qu'il ne s'agit pas actuellement de construire une citadelle à Termonde. Cependant, si J'ai bien compris ce qu'a dit M. le ministre de la guerre, les travaux qu'il s'agit de faire aujourd'hui seront un acheminement vers la construction d'une citadelle définitive à Termonde. Or, messieurs, ce langage n'est guère de nature à nous tranquilliser à cet égard. .
A bon entendeur demi-mot, dit le proverbe ; et quand le chef du département de la guerre vient nous dire d'une manière plus ou moins dubitative que les travaux projetés pour Termonde peuvent servir d'acheminement à d'autres travaux, je suis autorisé à croire qu'il y a tout lieu de craindre l'exécution de ces derniers travaux dans un temps plus ou moins éloigné.
En résumé, messieurs, comme je ne veux pas contribuer à exagérer lès dépenses militaires ; comme, d'autre part, il serait impossible d'exécuter (page 108) immédiatement les travaux projetés et que, par conséquent, ils ne sont pas urgents, je voterai contre le projet de loi.
M. Coomansµ. - Je ne puis, messieurs, voter ce crédit pas plus que le suivant ; je ne le puis sans démentir tous mes antécédents et, ce qui serait infiniment plus grave, sans froisser ma conscience.
Je ne blâme pas, Dieu m'en garde, ceux qui ont d'autres convictions que les miennes, mais il est bien naturel que je défende les miennes.
Je tiens toutes vos fortifications d'Anvers pour inutiles, ce n'est pas assez dire, pour dangereuses.
Ce n'est pas le moment de développer cette thèse qui, du reste, n'est pas nouvelle dans ma bouche ; nous verrons plus tard et je souhaite de tout mon cœur que les événements me donnent le plus décisif démenti.
Je ne voterai pas le projet de loi ; la Chambre n'en sera pas étonnée, mais ce qui l'étonnera peut-être, c'est de me voir d'accord avec l'honorable M. Frère.
M. Bouvierµ. - C'est la première fois.
M. Coomansµ. - Erreur, monsieur. Je n'en reviens pas. Je vais voter avec M. Frère, avec M. Frère que, sur cette question, je combats depuis de longues années, avec cet ancien ministre qui a fait du militarisme à outrance, qui a construit les fortifications d'Anvers, qui les a si bien construites à lui tout seul qu'il peut les appeler siennes, car dans ma conviction profonde, lorsque le projet de la grande enceinte a été apporté ici par M. Frère, il n'y avait pas cinq membres dans la Chambre qui fussent disposés à le voter.
M. Frère-Orbanµ. - Vous l'aviez vous-même réclamé.
M. Coomansµ. - J'avais moi-même réclamé votre projet !
M. Frère-Orbanµ. - Vous l'aviez réclamé.
M. Coomansµ. - J'accepte la parenthèse.
Je comptais répondre tantôt à l'injure que M. Frère m'avait adressée tout à l'heure, mais, puisqu'il m'interrompt, je vais le faire maintenant.
Donc, j'aurais demandé moi-même la grande enceinte, et la sienne encore ! C'est trop fort ! J'ai demandé l'exécution du projet Keller, qui né devait pas coûter un centime à la Belgique ; cela est de notoriété publique, nationale ; j'ai dit plus : j'ai dit que je demandais la grande enceinte de M. Keller pour ces deux motifs : parce qu'elle ne devait pas coûter un sou au Trésor public, et parce qu'elle ne pouvait pas être défendue deux heures. (Interruption.)
L'honorable M. Frère se permet, pour la troisième fois au moins, de ne pas tenir compte de cette explication que toute la Belgique a reçue et comprise, mais je défie M. Frère de me prouver le contraire de ce que je viens de dire.
J'ai reçu une médaille des Anversois avec l'honorable M. Rogier et d'autres parce que j'avais demandé la grande enceinte, c'est à dire la suppression des fortifications actuelles, remplacées par un rempart en terre construit gratuitement par M. Keller en échange des anciens terrains militaires.
Vous m'avez prouvé vous tous qui êtes plus ou moins compétents que cette enceinte ne valait rien et j'ai accueilli cette preuve parce que je n'admettais pas qu'on fortifiât sérieusement de grands centres de population. On retourne à la barbarie quand on fortifie des villes, quand on les expose, en cas de siège, à une destruction presque inévitable.
Rappelez-vous aussi que j'ai proposé de construire vos belles fortifications dans les déserts de la Campine ; je vous aurais donné carte blanche si vous aviez voulu les y élever ; mais jamais au grand jamais, je n'ai voté un centime pour les fortifications de notre métropole commerciale, M. Frère se trompe étrangement en apportant ici cette assertion.
Je crois qu'il m'a dit tantôt que j'ai été partisan des grandes armées, des grandes dépenses militaires. Grande erreur encore. M. Frère oublie que son ami et très honorable patron, M. Delfosse, a pendant plusieurs années voté presque seul avec moi contre le budget de la guerre.
J'ai toujours dit que la question financière était pour mol secondaire dans la question de l'armée et que j'aurais consenti à augmenter encore le budget si l'on voulait supprimer la conscription.
Voilà à quoi M. Frère fait allusion peut-être.
Eh bien, je le dis encore une fois, la question financière est secondaire pour moi ; votre budget de la guerre coûte, en réalité, aujourd'hui, 60 millions ; je vous en donnerai 70, si vous voulez supprimer la conscription.
Quand on tâche de réfuter des adversaires, il faut, comme le disait tout a l'heure M, Frère lui-même, le faire avec la loyauté politique qu'il prône.
M. Eliasµ. - Je vous apporterai la date des discours que vous avez prononcés.
M. Coomansµ. - Ces discours, je les relirai à la Chambre si elle daigne me le permettre. (Interruption.)
C'était à l'époque. où M. Frère ou ses collègues, et ils sont tous solidaires d'après sa théorie, venaient vous assurer qu'on ne bombarderait jamais plus, que l'ère des bombardements était finie, attendu que les projectiles coûtaient trop cher et que le respect de l'humanité avait grandi dans l'opinion publique.
On ne bombarderait plus ! cela nous a été dit du banc ministériel. Eh bien, on n'a jamais autant bombardé que depuis que les doctrinaires nous ont assuré qu'on ne bombarderait plus. (Interruption.)
On bombarde aujourd'hui, non seulement les villes fortifiées, mais, chose barbare, les villes non fortifiées.
Encore une fois, je désire que mes prédictions soient démenties, mais si Anvers doit servir un jour, vous verrez que vos fortifications seront la ruine non seulement d'Anvers, mais du pays.
Ainsi donc, je viens de démontrer que le reproche de M. Frère est injuste, mais dans sa bouche il est d'une audace très imprudente.
En effet, si quelqu'un a varié sur le thème militaire, n'est-ce pas M. Frère ? Je vous en ai dit un mot l'autre jour ; d'abord c'était un maximum du budget de la guerre de 25 millions.
Ensuite c'était la proscription de la grande enceinte d'Anvers, (Interruption.) Eh ! au mois de septembre 1858. (Interruption.) Si ce n'est pas au mois de septembre, c'est au mois d'octobre, mais l'argument reste le même ; donc au mois de septembre 1858, un an ayant le vote qu'il imposa à la Chambre, pour la grande enceinte, M. Frère vint nous déclarer ici que jamais (jamais, note qu'il devrait rayer de son dictionnaire), il ne consentirait à accepter la grande enceinte d'Anvers parce que c'était là la fuite de toute l'armée belge vers Anvers.
M. Frère-Orbanµ. - Je n'ai jamais dit cela.
M. Coomansµ. - Relisez votre discours, vous l'avez dit et redit.
M. Frère-Orbanµ. - Jamais ! (Interruption.)
M. Coomansµ. - Je l'affirme avec le Moniteur. Voilà un discours à relire, monsieur Elias.
Maintenant que vous importe, M. Frère, une couple de millions de plus jetés dans les fortifications si vous aimez tant les fortifications ? Vous devriez au contraire, si le dépit politique ne vous emportait pas, voter ce projet de loi. Voilà ce qu'il me semble.
Moi, je n'y mets pas d'esprit de parti puisque je vais voter contre mes amis politiques, mais vous, vous avez pris pour votre objectif, mieux fortifié que bien d'autres choses, mon honorable ami M. Jacobs.
Vous ne pouvez pas lui pardonner qu'il soit ministre des finances. (Interruption.) C'est de l'ingratitude.
M. Jacobs ne cesse pas de vous appeler ministre des finances. (Interruption.)
Je dois le dire, messieurs, il y a, dans ce qui se passe ici, quelque chose qui me révolte, moi qui suis décidé à voter toujours selon ma conscience, et je vais vous le dire. Vous avez soutenu, en demandant l'ajournement du crédit de 50,000 francs, qui ne me plaît que tout juste, que vous ne demandiez pas le rejet du crédit, que vous sollicitiez seulement l'ajournement, et quand l'ajournement a été rejeté, vous avez tous voté contre le crédit même ; la preuve que l'ajournement et le rejet étaient absolument la même chose ; et si nous avions donné dans ce panneau (vous en avez tant dressé que l'on finit par s'en délier), demain tous vos journaux, vous-mêmes peut-être, n'auriez pas manqué de dire que la droite avait combattu le ministère, qu'elle avait rejeté avec blâme les fonds secrets qu'il demandait.
Vous n'ayez pas eu la franchise de demander tout de suite ce que vous avez fini par voter, c'est-à-dire le rejet pur et simple : ce que j'aurais compris, loyalement parlant. Mais vous avez commencé par demander l'ajournement, tandis qu'au fond vous vouliez le rejet. Eh bien, ces pratiques, je les désapprouve. Au fond, ce que vous voulez, dites-le, c'est le renversement du cabinet. Je le comprends, et quand je vois toute la lutte soutenue par quatre anciens ministres et pas par d'autres, je n'en doute pas, vous voulez renverser le ministère pour reprendre sa place.
Eh bien, cette espérance me paraît illusoire. Que vous parveniez à renverser le ministère, ce n'est pas en dehors de toutes les possibilités. Car il est clair que si mon programme n'était pas plus ou moins accepté par le ministère, je finirais par lui faire aussi de l'opposition. Mais vous autres, MM. les doctrinaires, vous ne le remplacerez plus. Ce n'est pas pour vous que le pain politique cuit dans le four parlementaire.
Ah ! vous avez parlé l'autre jour de mystifiés. J'avoue qu'il y a peut-être eu des mystifiés à droite ; mais vous n'avez. pas parlé des mystifiés de la (page 109) gauche. Les malheureux progressistes. ! a dit l'honorable M. Pirmez, Les malheureux progressistes de la droite, je le veux bien, jusqu'à un certain point ; je crois cependant que pour le moment ils ne sont pas extrêmement malheureux.
Mais aux malheureux progressistes de la gauche, vous leur avez donné un beau billet de la Châtre ! Vous les avez convoqués avant le 2 août, alorsque vous saviez que vous alliez mourir, in articula mortis, pour faire votre testament politique, un faux testament ; vous n'aviez pas envie de le tenir. Vous preniez notre symbole à nous, nos trois articles du comité de l'association catholique de Bruxelles : réforme électorale, réduction des dépenses militaires, réduction des impôts. Tout cela s'est trouvé dans votre programme doctrinaire que vous ayez fait voter, par un certain nombre de progressistes, et c'est grâce à cela que vous n'avez pas été entièrement battus ; mais ce programme, vous ne l'exécuterez pas, et voilà les mystifiés de la gauche.
Mais comme ces mystifiés m'ont l'air d'être des hommes d'esprit et même des hommes de cœur, je crois qu'ils reconnaîtront la mystification et alors vos espérances seront à jamais déçues.
Messieurs, je vous en prie, laissons à chacun ses convictions, respectons-les. Respectez les miennes ; ne les partagez pas, vous avez peut-être raison ; mais respectez-les. Ne venez pas m'enlever le grand honneur de ma vie, qui est la fidélité à mes convictions. Ne venez pas dire que je change du jour au lendemain. Je vous défie de prouver ce reproche, le plus mauvais que vous puissiez m'adresser.
M. Baraµ. - Et la loi des étrangers ?
M. Coomansµ. - La loi des étrangers ! Faut-il encore m'expliquer sur cette question ? (Interruption.) Je crois vraiment que mon humble personnalité est élevée trop haut. Il s'agit de toute autre chose ; il s'agit de mes convictions et des vôtres. Il s'agit au fond de la loyauté politique ; c'est plus important. Eh bien, je ne conçois pas encore une fois que les grands militaristes de cette assemblée, leur honorable despote en chef, votent contre un projet qui est la conséquence naturelle, forcée, de tout ce qu'ils ont fait.
M. Davidµ. - Je tiens à motiver en très peu de mots le vote négatif que j'émettrai sur le projet qui nous est soumis en ce moment.
J'ai une raison générale de ne pas le voter. Les fortifications qu'il s'agit d'ériger ne pourraient pas servir dans les circonstances actuelles. La guerre sera terminée avant que les travaux pour lesquels on demande de fortes sommes puissent servir à rien pour la défense du pays.
Comme raison spéciale, messieurs, de refuser le crédit demandé pour Termonde, je dirai que les armées belligérantes passent aujourd'hui à coté des places fortes comme Termonde sans même tourner la tête de leur côté.
Quant au bas Escaut, c'est principalement pour le fort Philippe que l'argent est demandé ; eh bien, ce fort est depuis longtemps considéré comme inutile par les hommes du métier pour la défense de l'Escaut.
On a établi à grands frais, à Anvers, des travaux destinés à défendre l'Escaut ; c'est ainsi que le front Nord-Ouest de la citadelle du Nord est destiné à balayer l'Escaut jusque entre les forts Sainte-Marie, rive gauche et Philippe, rive droite du fleuve et par delà ; pourquoi dès lors dépenser 800,000 francs pour agrandir ce malheureux fort Philippe ? Il est, du reste, dans une situation tellement malsaine, qu'au bout de huit jours les militaires y périraient de la fièvre tierce.
Quant à l'achat de matériel pour un barrage éventuel de l'Escaut à la hauteur du fort Sainte-Marie, c'est la dépense la plus inutile qu'on puisse imaginer ; ailleurs on défend l'entrée des ports de mer par des torpilles ; l'Escaut est relativement peu large et peu profond, ces engins de destruction coûtant beaucoup moins d'argent, y seraient d'un effet bien plus épouvantable et plus certain que des batteries de côtes et des barrages mobiles.
Faites confectionner des torpilles, plongez-les à certains endroits dans l'Escaut et quand une flotte voudra remonter pour tenter le bombardement d'Anvers, vous l'anéantirez par une explosion effroyable.
Il est conc complètement: inutile de dépenser autant d'argent pour des travaux de la nature de ceux qui sont projetés.
M. Frère-Orbanµ. - Messieurs, la Chambre, dont je comprends l'impatience, n'attend pas de moi que je réponde aux divagations qui ont été tout à l'heure soumises à la Chambre par un honorable préopinant qui a traité de tout, excepté du sujet qui nous est soumis.
Je m'occuperai le plus brièvement possible de l'objet de nos délibérations.
L'honorable ministre des finances m'a reproché d'avoir fait des récriminations. Je ne crois pas le moins du monde avoir mérité ce reproche ; je n'ai fait qu'une seule chose, j'ai rappelé les précédents, j'ai rappelé les opinions émises, les votes émis, j'ai demandé si on voulait être conséquent avec ces opinions et ces votes. Ce n'est pas là récriminer.
J'ai demandé si on allait démentir ce qui à une autre époque avait été affirmé par l'opposition. Ceux qui étaient alors au banc ministériel indiquaient certaines dépenses comme nécessaires pour le département de la guerre et d'après ce qu'affirmait alors l'opposition, par l'organe de l'honorable M. Jacobs, on avait trompé le pays en évaluant à 15 millions des travaux qui devaient s'élever à 30 millions.
Comment l'honorable ministre des finances s'est-il tiré du mauvais pas où le plaçait cet antécédent ? C'est en disant que, bien certainement si l'on écoutait les militaires, rien ne serait jamais suffisant ; mais il s'agit des résolutions du gouvernement et pas d'autre chose. Lorsque nous disions quelles étaient les résolutions du gouvernement, nous indiquions les dépenses qui étaient à faire et nous ne parlions pas des fantaisies que pouvait avoir tel ou tel officier général. Nous affirmions que la dépense ne s'élèverait pas au-dessus de 14 millions, c'est la somme que vous proposez vous-mêmes.
Or, comment avez-vous agi, d'après vos propres déclarations, au sujet des propositions du département de la guerre ? Votre honorable collègue a fait des propositions et vous avez immédiatement reconnu qu'elles n'étaient pas admissibles, vous les ayez réduites dans certaines limites. Vous avez donc reconnu que vous pouviez discuter les affaires militaires, pour formuler une opinion gouvernementale ; et quand vous aurez un peu plus d'expérience, vous reconnaîtrez que ce n'est pas seulement à l'égard du département de la guerre que ce rôle doit être suivi ; d'autres départements aussi se trouvent dans le même cas et le devoir du ministre des finances est précisément de proportionner les dépenses aux ressources dont on peut disposer.
Sur le crédit lui-même on a mal répondu, selon moi, au reproche que j'ai fait d'avoir méconnu des engagements pris et imposés par l'opposition de l'époque, de ne pas disposer du crédit de 14 millions produit de la citadelle du sud, si ce n'est lorsque ces fonds seraient rentrés.
Vous avez aujourd'hui plus que jamais le devoir de ne pas constituer le Trésor en avance de ce chef.
Vous avez des dépenses considérables et extraordinaires à faire. Vous en aurez peut-être encore.
Je vous ai montré que vous n'avez pas de ressources pour y faire face et que si les dépenses que vous proposez sont votées, il y aura un déficit de plus de 30 millions de francs.
Donc, en supposant que nous ayons cette année, ce dont on peut douter, un excédant de recettes de 12 millions de francs, vous n'aurez pas moins aggravé la situation de 2,176,000 francs, en en disposant sans autorisation législative, ou tout au moins en méconnaissant les engagements pris envers la Chambre et réclamés par l'opposition.
Il a été entendu au Sénat, sur la proposition de l'honorable M. Malou. qui le reconnaît, que l'on ne dépenserait du crédit que les sommes rentrées, si ce n'est pour fermer la place du côté de la rive droite.
On vous dit, messieurs, que ces travaux sont nécessaires. L'honorable M. Van Overloop l'a exposé militairement ; je demande à l'honorable membre si la nécessité dont il parle n'existait pas aussi à l'époque où nous avons proposé à la Chambre l'opération de la vente de la citadelle du sud.
Est-ce que l'artillerie rayée n'était pas inventée ? Est-ce qu'en 1869, on ne connaissait pas la situation ?
M. Van Overloopµ. - La guerre n'était pas à nos portes,
M. Frère-Orbanµ. - Vous parlez de travaux de fortifications devenues indispensables par suite des progrès de l'artillerie. C'est en 1869 que vous auriez dû dire cela.
En 1869 la droite n'a pas même admis l'emploi des 14 millions à l'achèvement des fortifications sur la rive gauche et, aujourd'hui, on voterait dans un sens contraire, sous prétexte des circonstances !
C'est là s'aveugler volontairement. C'est voter de gaieté de cœur ce qu'on a repoussé, c'est s'engager dans des dépenses considérables qu'on a déclaré ne pas vouloir faire.
Incontestablement ce ne serait là qu'une capitulation.
Evidemment ces dépenses ne sont faites qu'en vue d'obtenir dès à présent un engagement pour les travaux que l'on veut exécuter à Termonde, comme le disait l'exposé des motifs, pour poser le premier jalon.
Que l'argent rentre ou non, la Chambre se trouvera engagée.
Nous maintenons que les travaux militaires sur la rive gauche n'ont pour but que d'augmenter l'importance stratégique de la position.
(page 110) J'aurais, selon l'honorable M. Van Overloop, reconnu moi-même la nécessité de ces travaux, en proposant l'emploi des 14 millions à l'exécution de travaux sur la rive gauche de l'Escaut.
L'honorable membre se trompe.
J'ai reconnu une seule chose. C'est qu'il était indifférent d'affecter les 14 millions à un mode de fortifications plutôt qu'à un autre.
Il n'y a donc là aucune espèce de contradiction.
Mais ce qui n'a pas été prévu, ce sont les travaux à exécuter à Termonde.
En 1868, alors qu'il ne s'agissait pas d'exécuter les travaux, alors qu'il s'agissait de donner des explications sur un plan annoncé par le gouvernement relativement à l'aliénation des terrains de la citadelle du Sud, on a, indiqué, dans un document parlementaire, quels étaient les travaux projetés par le département de la guerre : des travaux sur la rive gauche de l'Escaut, des travaux éventuels à Termonde.
Mais dès ce jour, il a été déclaré qu'aucun crédit ne serait sollicité pour l'exécution de ces travaux, que c'est à l'aide des réalisations de terrains que ces travaux s'exécuteraient. Et l'on a fait à cet égard, dans l'exposé des motifs, des conclusions et des calculs erronés. Il n'y a point de déficit, comme on l'a supposé.
Les travaux étaient estimés, d'après la note que vous invoquez, à 14,800,000 francs. Mais dans l'exposé des motifs du projet approuvant la convention avec le docteur Strousberg, ce chiffre a été modifié ; il y est dit que le produit de la vente étant seulement de 14 millions, le département de la guerre avait réduit à cette somme la dépense à faire.
M. Malouµ. - Vous confondez deux choses.
M. Frère-Orbanµ. - Je ne confonds rien du tout, c'est ainsi ; j'en suis parfaitement sûr.
Il reste Termonde ; or, quant à Termonde, jamais aucune proposition n'a été faite par nous ; si des réalisations de terrains à Charleroi, à Gand, à Ostende et ailleurs avaient produit des sommes suffisantes pour exécuter les travaux à Termonde, on n'aurait pas refusé de les y appliquer ; mais jamais nous n'avons consenti à faire des travaux à Termonde.
Je suis donc parfaitement conséquent avec la conduite que j'ai tenue et je conclus, pour ma part, au rejet du crédit destiné à l'exécution de travaux permanents à Termonde.
M. Vandenpeereboomµ. - Je ne viens ni traiter la question d'Anvers ni répondre aux divers discours prononcés.
J'ai demandé la parole simplement pour faire une réserve, lorsque mon honorable ami, M. Frère, a dit que si nous avions réalisé certaine valeurs, nous aurions peut-être consenti à affecter ces valeurs à de nouvelles fortifications, voire même à celles de Termonde.
Je tiens à dire que je ne suis pas compris dans ce « nous ». Je ne sais à qui il s'applique ; c'est à l'ancien cabinet, je pense ; car une pareille résolution n'a jamais été prise à l'époque où je siégeais au banc ministériel. C'est au lendemain de ma sortie du ministère que mes anciens collègues sont venus apporter à la Chambre le projet de fortifications de la rive gauche ; et c'est encore plus tard que, dans un document qui n'est pas même un projet de loi, ils ont fait connaître qu'il pourrait être utile peut-être un jour de construire une citadelle à Termonde,
Quant à moi, je n'ai jamais consenti à laisser faire de nouveaux ouvrages de fortifications, autres que ceux qui avaient été décrétés primitivement. Toujours j'ai eu la confiance la plus entière dans la déclaration de l'honorable général Chazal qui, ainsi qu'on vient de le rappeler, disait que de nouvelles fortifications sur la rive gauche pourraient être utiles, mais qu'elles n'étaient pas nécessaires. L'honorable général a même déclaré que dans d'autres circonstances ces fortifications pourraient être dangereuses pour Anvers et contribuer à faciliter le bombardement de cette ville.
J'ai eu la confiance la plus complète dans cette déclaration de l'honorable général, et après le vote, dans une circonstance solennelle, de l'ordre du jour proposé par MM. Orts, Dolez et de Brouckere, je me suis dit : L'ère des fortifications doit être close.
Je déclare donc à la Chambre qu'en supposant même qu'on ne puisse réaliser des ressources par la vente de certains terrains militaires, je ne pourrais me considérer comme engagé à consentir à appliquer ces ressources à l'exécution d'ouvrages nouveaux de fortification.
Je tiens à faire cette réserve pour que plus tard on ne puisse pas inférer de mon silence que j'ai adhéré aux déclarations qui ont pu être faites dans cette discussion par mon ami, M. Frère-Orban.
Maintenant, j'ai une question à adresser à M. le ministre de la guerre. Lorsque le projet de loi a été présenté, on a lu avec un certain étonnement dans l'exposé des motifs le passage suivant :
« Le littéra A de l'article premier du projet de loi concerne le commencement d'exécution du plan d'ensemble des travaux projetés à Termonde. Ces travaux, comme la remarque en a déjà été faite, ont été reconnus essentiels pour la défense d'Anvers. Ils doivent être payés au moyen de l'aliénation d'autres parties du domaine de la guerre. »
Et plus loin, il est parlé encore d'autres travaux que ceux de Termonde.
Ces déclarations semblaient graves ; on se rappelait certains projets élaborés, annoncés et décrits par nos officiers de génie, de grand génie même, et qui peuvent entraîner la Belgique dans des dépenses très considérables.
Dans un de ces ouvrages qui a paru en 1866, et qui était intitulé : a Réorganisation du système militaire de la Belgique », on proposait de compléter certains travaux d'Anvers, et sur la rive gauche, alors que le ministère soutenait qu'il n'en fallait pas ; on demandait qu'on fît des travaux sur le bas Escaut, alors que personne n'y songeait ; on conseillait encore de faire ce qu'on propose aujourd'hui, c'est-à-dire des travaux ou plutôt une citadelle à Termonde ; enfin on demandait qu'on fortifiât Malines et même Lierre. C'était un projet complet, si parfaitement étudié, qu'on le considéra comme un ballon d'essai lancé par le cabinet et que le cabinet fut forcé de le désavouer.
Eh bien, je le dis, messieurs, lorsque parut l'exposé, j'ai cru comprendre que c'était le commencement d'exécution de ce plan d'ensemble qu'on voulait faire décréter. Et c'est pour ce motif que la section centrale, s'y est opposée, car non seulement elle ne veut pas consentir à laisser exécuter ces projets à cause des dépenses qu'ils nécessiteraient, mais, encore parce qu'il faudrait ensuite exécuter d'autres travaux, garnir ces fortifications de canons, acheter des munitions et augmenter le contingent afin d'avoir un effectif suffisant pour défendre ces nouveaux remparts.
La section centrale a pensé qu'en aucun cas, on ne pouvait voter des crédits pour exécuter des travaux qui n'avaient pas été approuvés par la Chambre et qui ne peuvent être exécutés immédiatement.
C'est dans ce but et pour bien faire comprendre sa pensée que la section centrale a modifié le projet de loi présenté par le gouvernement.
Je me serais rallié à ces propositions, mais l'honorable ministre de la guerre a dit un mot, peut-être involontairement, qui m'a fait réfléchir. Il a dit que les crédits demandés pour Termonde seraient un acheminement vers d'autres travaux, c'est-à-dire vers la citadelle dont parle la brochure de 1866.
Or, je ne veux pas qu'on s'achemine vers ces travaux ; je demande, au contraire, qu'on s'en éloigne le plus possible, et je désire que dans cette discussion il soit entendu de la manière la plus claire, la plus catégorique, qu'en votant un crédit pour travaux de campagne à Termonde, on ne s'engage nullement à laisser commencer l'exécution du plan d'ensemble dont je viens de parler.
Que l'on fasse des dépenses, par exemple, pour l'achat du matériel nécessaire pour le barrage éventuel de l'Escaut, soit, cela peut être nécessaire ; qu'il y ait à faire des ouvrages de fortifications passagères, je le veux bien ; mais je demande que dans aucun cas les crédits qui seront votés ne puissent, ni directement ni indirectement, être employés en tout ou en partie pour commencer l'exécution du plan d'ensemble dont j'ai parlé, du quadrilatère belge, en un mot, dont la citadelle de Termonde ne serait que le premier jalon.
M. Malou, ministre d'Etatµ. - Je crois, messieurs, qu'il peut être utile de bien préciser le sens du vote qui est demandé à la Chambre.
Je dirai d'abord un mot de la situation financière.
Je tiens ici une note que je ne lirai pas à la Chambre, parce qu'il est difficile d'en saisir les chiffres à une première lecture.
Il résulte de cette note que l'honorable M. Frère, dans les calculs qu'il a faits, s'est quelque peu trompé.
Sans doute, parce que certains faits ne pouvaient lui être connus.
En supposant que tous les travaux qui sont décrétés en principe fussent exécutés, il y aurait un déficit, c'est-à-dire nécessité de créer des ressources extraordinaires à concurrence de 23 millions et une fraction au lieu de 30 millions.
Je ferai copier cette note et j'aurai l'honneur de la remettre à l'honorable M. Frère.
- Une voix à gauche. - A la Chambre.
M. Malou, ministre d'Etatµ. - Soit. C'est le résumé de la situation du Trésor public à la date de ce jour.
Le gouvernement et les Chambres, les choses étant ainsi, doivent ménager rigoureusement les ressources du Trésor public soit pour les dépenses ordinaires, soie pour les dépenses extraordinaires.
M. Frère-Orbanµ. - Qu'il y ait 23 millions ou 50 millions, vous êtes en déficit.
M. Malou, ministre d'Etatµ. - Je crois qu'il suffira que Je fasse connaître cette pièce aux deux Chambres.
(page 111) Messieurs, je répète donc qu'en cette situation du Trésor et en présence des nécessités que nous impose le service extraordinaire de la guerre, il y a des raisons spéciales, exceptionnelles, d'être plus que jamais ménager des ressources publiques, non seulement pour les dépenses extraordinaires, mais pour les dépenses ordinaires.
L'honorable M. Frère disait l'autre jour que le devoir du ministre des finances était de contenir le ministre de la guerre et aussi ses autres collègues. J'entendais dire autrefois qu'il y avait cinq ministres consommateurs et qu'il n'y avait qu'un ministre producteur et que ce ministre producteur avait nécessairement le devoir de garder aussi sévèrement que possible les caisses de l'Etat contre les demandes de crédits pour des dépenses utiles ou populaires.
J'ai eu a remplir ce mandai pendant quelque temps, M. Frère a eu a le remplir pendant beaucoup plus longtemps ; ce n'est pas toujours la partie la plus agréable des fonctions de ministre des finances.
Mais il n'a pas fallu contenir notre honorable collègue, le ministre de la guerre ; nous avons examiné avec lui quelles étaient, dans les circonstances présentes, les dépenses militaires qui devaient être considérées et proposées comme étant immédiatement nécessaires et d'une incontestable urgence.
Deux dépenses ont été attaquées ; distinguons, pour que la discussion et le vote soient parfaitement clairs. Il y a d'abord les travaux qui sont projetés sur la rive gauche de l'Escaut.
Voici la situation : le crédit de 14 millions qui doit résulter des versements successifs à faire par le docteur Strousberg est ouvert par la loi qui a approuvé la convention faite avec lui. Il y a, dans le rapport de la section centrale de la. Chambre des représentants, comme dans le rapport que j'ai fait au Sénat, une déclaration que je demande à la Chambre la permission de lire : « 4ème question : Les travaux ne seront-ils adjugés qu'au fur et à mesure de la rentrée des fonds ou bien le gouvernement se proposé t-il de prendre des engagements avant que le payement ait été effectué ou au moins assuré ? »
La réponse du gouvernement est très longue, mais il suffit de lire la fin :
« Le gouvernement aurait donc, dès ce moment, la plus forte partie de la somme nécessaire pour l'exécution de l'enceinte jusqu'à l'Escaut ; et, en supposant gratuitement qu'aucune autre partie du domaine acquis ne pût être livrée avant le complet achèvement de ce travail, les avances qu'il aurait à faire seraient peu importantes.
« Quant aux autres travaux (c'est-à-dire quant aux travaux de la rive gauche), ils coïncideraient avec la remise de ce qui restera à livrer de la propriété vendue et les travaux ne seront entrepris que lorsque les payements seront effectués ou assurés. »
D'après cet engagement, s'il n'avait pas existé, selon nous, des motifs d'urgence de faire une avance, évidemment on s'en serait abstenu, mais n'est-il pas d'une évidence extrême que lorsqu'un à-compte de plus de 5 millions est acquis au trésor, les payements à venir sont complètement assurés ?
Voilà, selon moi, la question.
Je me suis permis tout à l'heure, et j'ai eu tort (on a toujours tort lorsqu'on interrompt), de dire à l'honorable M. Frère qu'il confondait deux choses, et voici en effet, messieurs, comment me semble établi le bilan des prévisions en ce qui concerne la transformation du domaine militaire.
Il y avait une partie certaine, assurée, qui concernait le complément des travaux d'Anvers, c'est-à-dire la rectification de la grande enceinte jusqu'à l'Escaut, puis les travaux de la rive gauche.
Cette partie certaine avait été réduite, dans la prévision des dépenses, comme elle l'était dans la prévision des recettes, à 14 millions, c'est-à-dire qu'on avait, sur ce chapitre, fait disparaître la différence de 800,000 francs qui existait dans le projet primitif.
Une autre partie était, en quelque sorte, éventuelle ; elle était présentée, comme je l'ai dit tout à l'heure, non pas dans les termes d'une proposition de crédit à voter par la Chambre, mais dans les termes d'une indication de ce qu'on se proposait de faire successivement, au moyen de réalisations d'autres domaines militaires. Ainsi, on disait aux Chambres : Nous croyons qu'il y aura à dépenser 3,800,000 francs à Termonde, qu'il y aura d'autres dépenses à faire, qui sont énumérées dans les documents remis à la Chambre, et ces dépenses pourront être couvertes au moyen de l'aliénation de la citadelle de Gand et de l'aliénation des terrains militaires des places les plus récemment démantelées.
Là il n'y avait donc pas de crédits ouverts. Il n'y avait d'engagements de la Chambre ni pour la citadelle de Termonde, ni pour d'autres travaux ; et là, dans ce bilan général, les terrains de la citadelle du Sud d'Anvers avaient été évalués à 18 millions.
M, Frère-Orbanµ. - Non.
M. Malou, ministre d'Etatµ. - Je dis dans la prévision première. Permettez-moi de citer les chiffres que j'ai ici imprimés. Je ne vous attaque pas ; je reproduis vos chiffres en m'attachant à être exact et juste.
Dans ce bilan général, qui comprenait toutes les transformations du domaine militaire, la citadelle du Sud ayant été évaluée à 18,200,000 fr., il était parfaitement exact, pour établir ce compte, de dire : Si toutes les prévisions des recettes et des dépenses se réalisent, il y aurait, en définitif, sur ce bilan général, un déficit de 3,500,000 francs.
Ce sont les expressions de l'exposé des motifs et elles sont parfaitement exactes ; elles sont même prudentes, au double point de vue de l'initiative du gouvernement et du droit de la Chambre.
Nous n'établissons pas cela comme une chose acquise. La Chambre demeure maîtresse de disposer autrement et de ne pas admettre certaines de ces dépenses, et alors ce déficit qui résulterait du compte tel qu'il avait été primitivement, non pas établi, mais prévu, disparaîtrait.
J'espère avoir réussi à faire comprendre quelle est, en réalité, la situation des crédits et la position qui résulte des votes antérieurement émis, ainsi que des prévisions réalisées.
Ces prévisions de recettes et de dépenses se réaliseront-elles ? II y en avait une qui s'était réalisée, lorsque les événements, que nous déplorons tous, sont survenus en Europe. L'honorable M. Frère avait traité de la vente de la citadelle de Gand pour le prix d'un million, payable à termes assez rapprochés, et si ce contrat n'a pas reçu une exécution même partielle, c'est à raison de la non-existence d'autres travaux qui étaient décrétés et que le génie militaire considérait comme nécessaires à raison de la démolition de la citadelle de Gand, et qu'on n'a pu livrer à la ville de Gand la citadelle qu'elle a acquise. Les circonstances venant à changer, le contrat qui a été conclu avec la ville de Gand recevant son exécution, la rentrée d'un million de francs est assurée au trésor public.
Le système que le gouvernement avait prévu était d'affecter, en tant que la nécessité en fût reconnue, les ressources provenant de l'aliénation des domaines militaires à d'autres travaux reconnus utiles. Qu'avons-nous fait et que proposons-nous aujourd'hui à la Chambre ?
Nous proposons d'affecter à des ouvrages de campagne immédiatement exécutables et destinés à fortifier la tête de pont qui doit défendre un passage de l'Escaut, selon les stratégistes, le plus essentiel à la défense nationale, nous proposons, dis-je, d'y affecter une somme qui est acquise au Trésor et qui rentrera le jour où la convention relative à la citadelle de Gand recevra son exécution.
Nous ne demandons pas autre chose en ce qui concerne les ouvrages de campagne de Termonde.
Je l'ai déjà déclaré, il ne s'agit pas d'une citadelle. Rien n'est préjugé, quant au vote d'un crédit ultérieur. Ce n'est pas un premier jalon posé pour d'autres dépenses. Il s'agit de fermer par des travaux de campagne un passage qui n’est pas défendable, où ce qui existe est littéralement ridicule, passez-moi l'expression. Il suffit d'avoir été à Termonde pour en être convaincu.
Ainsi, loin de lancer la Chambre dans le fameux quadrilatère, que décrivait tout à l'heure l'honorable M. Vandenpeereboom, nous ne préjugeons rien quant à la citadelle de Termonde.
M. Davidµ. - Voyez l'exposé des motifs.
M. Malou, ministre d'Etatµ. - J'accepte volontiers les interruptions qui servent à la discussion, mais celle-ci ne peut que faire dérailler le débat.
Elle ne signifie absolument rien, par la simple raison que le gouvernement s'est rallié au projet de la section centrale. A quoi bon dès lors discuter sur un passage de l'exposé des motifs ? Ce passage, je l'ai rédigé et je le comprends d'une autre manière que l'honorable membre. Mais le projet de la section centrale écarte toute espèce de doute ou d'équivoque quant aux dépenses futures et c'est là l'essentiel.
Je me résume, messieurs ; nous n'entendons point préjuger le vote ultérieur de la Chambre.
Quant aux travaux d'Anvers, nous avons fait une avance sur un crédit ouvert parce que la dépense était nécessaire et urgente, parce que les travaux pouvaient se faire immédiatement et que le génie militaire les déclarait immédiatement nécessaires, parce que la rentrée de la somme est complètement assurée.
Quant à Termonde, nous demandons à pouvoir fortifier la tête-de-pont par des ouvrages provisoires, par des ouvrages de campagne qui n'engagent ni le gouvernement à proposer, ni la Chambre à voter un centime d, plus pour Termonde.
J'espère que la Chambre trouvera cette déclaration nette et catégorique.
(page 112) J'ai parlé tout à l'heure de l'évaluation, dans un document officiel, de 18,200,000 francs et de la différence qui est résultée de la convention faite par l'honorable M. Frère-Orban.
Pour que l'honorable membre ne puisse pas croire qu'il y ait dans ces paroles quelque idée de critique, je n'hésite pas à déclarer que, dans ma pensée, il a bien fait d'évaluer la citadelle à 18 millions et beaucoup mieux fait encore de la vendre pour 14 millions.
J'en félicite le pays.
Ce n'est donc pas un blâme, ce n'est pas une critique, c'est une addition que j'ai faite, et rien de plus.
- Plusieurs membres : Aux voix, aux voix !
M. Simonisµ. - Messieurs, mon intention première était de m'abstenir dans le vote que la Chambre est appelée à émettre.
Cependant, après avoir entendu les déclarations de l'honorable M. Malou et de l'honorable ministre des finances, je me décide à voter le projet qui vous est soumis.
Je le voterai avec le même patriotisme qui a animé mon vote d'hier, sans engager mon opinion pour l'avenir.
MpdeNaeyerµ. - La section centrale a apporté quelques observations au projet de loi. Le gouvernement s'y rallie-t-il ?
MgGµ. - Oui, M. le président.
« Art. 1er. Un crédit spécial de deux millions cent cinquante mille francs (fr. 2,150,000) est ouvert au département de la guerre pour couvrir les dépenses résultant :
« A. Des travaux les plus urgents à exécuter :
« 1° Pour améliorer la place de Termonde (terrassements et locaux à l'épreuve) : fr. 400,000.
« 2* Pour fortifications passagères : fr. 400,000.
« B. de la continuation des forts du bas Escaut, à concurrence de : fr. 800,000.
« C. A l'achat du matériel nécessaire pour le barrage éventuel de l'Escaut à la hauteur du fort Sainte-Marie, et de l'établissement de batteries pour protéger le barrage : fr. 550,000.
« Total : fr. 2,150,000. »
M. Bergéµ. - Puisque c'est l'honorable M. Malou qui a le portefeuille de la guerre, il vient de le déclarer, je lui demanderai comment il se fait que, dans l'exposé des motifs, on parle de 890,000 francs pour permettre de faire les expropriations nécessaires, pour entamer, comme à Anvers, les ouvrages qui peuvent concourir à la défense immédiate de la position.
il s'agit là d'argent nécessaire pour les expropriations, mais dans le projet tel qu'il nous est proposé par la section centrale, il n'est plus question d'expropriation.
La somme est réduite seulement de 90,000 francs, mais on ne dit pas dans l'exposé des motifs que ces 90,000 francs étaient la somme nécessaire aux expropriations.
On nous dit que si le crédit est diminué, c'est uniquement parce qu'il s'agit actuellement d'exécuter les travaux immédiatement utiles pour la défense de la place, c'est-à-dire exactement la même chose que dans l'exposé des motifs.
En résumé, je vois dans le projet de la section centrale qu'il est uniquement question de terrassements et locaux à l'épreuve et de fortifications passagères, et nullement d'expropriations, et je trouve dans l'exposé des motifs que la somme de 890,000 francs est destinée aux expropriations.
Je voudrais connaître la raison de cette contradiction.
M, Malou, ministre d'Etatµ. - Je n'ai pas la prétention de tenir le portefeuille de la guerre.
La Chambre aura remarqué que les explications que j'ai données portaient sur une question purement financière.
Si j'ai dit quelques mots de stratégie, j'en demande pardon à la Chambre. Je proclame mon incompétence sur ce point.
La contradiction n'existe pas, comme l'honorable membre le croit.
Pour pouvoir faire ce qu'indiquait l'exposé des motifs, il fallait commencer par exproprier les terrains.
Cela ne pouvait pas faire doute et la phrase de l'exposé des motifs le dit implicitement. Il s'agit de faire ce qui a été proposé dès le principe, des ouvrages provisoires pour fortifier la tête de pont de Termonde,
Dans tous les systèmes, il fallait exproprier une certaine partie de terrains. Ces expropriations, d'après les prévisions, coûteront beaucoup plus de 90,000 francs.
M, Bouvierµ. - Je demande la division de l'article.
M. Frère-Orbanµ. - J'ai annoncé que je demanderais le retranchement du 1° de l'article pour sanctionner par mon vote la pensée que j'ai indiquée dans mon discours.
Je demande le retranchement des 400,000 francs pour améliorer la place de Termonde.
Je désire que la Chambre ne s'engage sur des travaux à exécuter à Termonde que lorsqu'elle aura les plans sous les yeux et l'indication des produits réalisés que l'on proposerait d'y affecter.
On demande en second lieu 400,000 francs pour des fortifications passagères.
Le département de la guerre les juge nécessaires, et bien que je ne partage pas complètement son opinion, je ne veux pas, en ce moment, lui refuser le crédit qu'il sollicite.
Mais quant au premier point, il n'y a pas le moindre inconvénient à eu demander le rejet.
Je demande donc la division.
MgGµ. - Les ouvrages de campagne projetés en avant de Termonde sont indispensables ; quant aux 400,000 francs demandés pour l'intérieur de cette place, ils sont destinés à améliorer les fortifications actuelles, et à construire des magasins à poudre.
Je demande donc à la Chambre de voter les deux chiffres qui lui sont proposés.
MpdeNaeyerµ. - La division est demandée ; je mets donc aux voix le 1° de l'article premier ; il est ainsi conçu :
« Un crédit spécial de 2,150,000 est ouvert au département de la guerre pour couvrir les dépenses résultant :
« A. Des travaux les plus urgents à exécuter ;
« 1° Pour améliorer la place de Termonde (terrassements et locaux a l'épreuve), 400,000 francs.
- Voix nombreuses. - L'appel nominal !
- Il est procédé à cette opération.
94 membres y prennent part.
46 répondent oui.
48 répondent non.
En conséquence le paragraphe premier est rejeté.
Ont répondu oui :
MM. de Clercq, de Haerne, de Kerckhove, eq Le Haye, de Smet, de Theux, Drion, Drubbel, Dumortier, Hermant, Jacobs, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Kervyn de Volkaersbeke, Landeloos, Lefebvre, Liénart, Magherman, Mulle de Terschueren, Notelteirs, Pety de Thozée, Rembry, Reynaert, Royer de Behr, Schollaert, Simonis, Snoy, Tack, Van Cromphaut, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Outryve d'Ydewalde, Van Overloop, Van Renynghe, Van Wambeke, Vilain XIIII, Amédée Visart, Léon Visart, Wasseige, Beeckman, Biebuyck, Brasseur, Cornesse, Cruyt, de Borchgrave, et de Naeyer.
Ont répondu non :
MM. de Dorlodot, De Fré, Defuisseaux, Delaet, de Lexhy, de Lhoneux, de Macar, Demeur, Descamps, Dethuin, de Vrints, Elias, Frère-Orban, Funck, Gerrits, Guillery, Hagemans, Houtart, Jamar, Jottrand, Le Hardy de Beaulieu, Lescarts, Muller, Orts, Pirmez, Rogier, Sainctelette, Thienpont, Vandenpeereboom, Vanden Steen, Van Humbeeck, Vermeire, Vleminckx, Warocqué, Ansiau, Anspach, Bara, Berge, Boucquéau, Boulenger, Bouvier, Coomans, Coremans, Couvreur, d'Andrimont, Dansaert, David et de Baillet-Latour.
« 2° Pour fortifications passagères.....fr. 400,000 »
M. Jottrandµ. - Je désirerais savoir si ces fortifications passagères doivent être établies n'importe où et suivant les besoins ou si elles sont exclusivement applicables à la place de Termonde.
MgGµ. - Elles sont detinées à défendre la place de Termonde.
- Le paragraphe 2° est mis aux voix et adopté.
« B. De la continuation des forts du Bas-Escaut, à concurrence de : fr. 800,000. »
- Adopté.
« C. A l'achat du matériel nécessaire pour le barrage éventuel de l'Escaut, à la hauteur du fort Sainte-Marie, et de rétablissement de batteries pour protéger le barrage : fr. 550,000. »
- Adopté.
(page 113) « Art. 2. Ce crédit sera couvert soit par les ressources ordinaires, soit par des bons du trésor. »
- Adopté.
« Art. 3. La présente loi sera obligatoire le jour même de sa publication. »
- Adopté.
MpdeNaeyerµ. - La Chambre est-elle d'avis de procéder aujourd'hui au second vote ?
- Voix à droite. - Non ! non !
MpdeNaeyerµ. - Y a-t-il opposition au second vote immédiat ?
- Plusieurs membresµ. - Oui ! oui !
MpdeNaeyerµ. - Comme il y a opposition, le second vole doit être remis à un autre jour. A quel jour la Chambre entend-elle renvoyer le second vote ?
- Voix à gauche. - A demain !
- Voix à droite. - Non ! non ! à mardi.
M. de Theuxµ. – Il a toujours été entendu que, pour observer le règlement, il suffisait qu'un seul membre le réclamât et je demande formellement que le second vote n'ait lieu que mardi.
J'ai le droit de demander cela en exécution du règlement...
M. Bouvier. - Il y a urgence.
M. de Theuxµ. - Mais on ne peut pas violer le règlement.
M. Bouvierµ. - D'après l'exposé des motifs, il y a cependant urgence.
M. De Le Hayeµ. - J'ai demandé la parole pour faire la même observation que M. de Theux. Le règlement est formel, il porte que lorsqu'une loi est amendée, elle ne peut être votée dans la même séance. Je comprendrais qu'il pût être dérogé à cet article si toute la Chambre le demandait. Mais il suffit qu'un seul membre demande que le règlement soit observé, pour qu'il en soit rigoureusement ainsi.
M. Bouvierµ. - Quelle est l'opinion du gouvernement sur cette question ? (Interruption.)
Dans le projet de loi, Il est dit que ces travaux sont les plus urgents.
M. De Le Hayeµ. - Je comprends parfaitement que ces travaux soient urgents, mais je m'étonne que M. Bouvier, qui connaît l'urgence de ces travaux, ait voté contre.
M. Bouvierµ. - La loi n'est pas votée.
M. De Le Haye. - Je demande l'exécution rigoureuse du règlement.
MpdeNaeyerµ. - Voici ce que dit l'article 45 du règlement :
« Lorsque des amendements auront été adoptés, ou des articles d'une proposition rejetés, le vote sur l'ensemble aura lieu dans une autre séance que celle où les derniers articles de la proposition auront été votés.
« Il s'écoulera au moins un jour entre ces deux séances...»
Il n'y a donc pas de doute ; le règlement doit être observé.
- La Chambre consultée décide que le second vote aura lieu dans la séance de mardi.
La séance est levée à 5 heures.