(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1870 extraordinaire)
(Présidence de M. Vander Donckt, président d’âgeµ.)
MM. Defuisseaux et Simonis, les plus jeunes membres de l'assemblée, remplissent les fonctions de secrétaires provisoires.
M. Simonisµ procède à l'appel nominal à 3 heures et un quart. Il donne ensuite lecture des procès-verbaux de la séance royale d'ouverture et de la séance publique qui l'a suivie ; la rédaction en est approuvée.
M. Defuisseauxµ présente l'analyse suivante des pièces adressées a la Chambre.
« Des électeurs à Bruxelles demandent l'annulation de l'élection issue du ballottage qui a eu lieu dans cette ville, le 2 août, et prient la Chambre de prendre des mesures pour que les ballottages nocturnes disparaissent de notre régime électoral. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du rapport sur les élections de Bruxelles.
« Des électeurs de Virton réclament contre les élections de cet arrondissement. »
- Renvoi à la commission de vérification.
M. Saincteletteµ - Messieurs, votre première commission a procédé a l'examen du dossier des élections du collège de Bruxelles.
Elle a constaté qu'au premier tour de scrutin le nombre des votants était de 9,031.
Le nombre des bulletins valables de 8,970.
La majorité absolue était donc de 4,486.
M. Anspach a obtenu 4,806 voix.
M. Couvreur 4,825.
M. De Fré 4,581
M. Funck 4,698
M. Guillery 4,843
M. Orts 4,640
M. Van Humbeeck 4,884
M. Vleminckx 4,551
M. Bergé 4,999
M. Dansaer 5,152
M. Demeur 4,946.
En conséquence, ces messieurs ont été aussitôt proclamés représentants.
M. Jottrand, qui avait obtenu 4,448 voix et M. Jamar, qui en avait obtenu 4,178, ont été ballottés avec M. Vanderplassche, qui avait obtenu 3,836 voix et avec M. Capiaumont qui en avait obtenu 3,594.
A ce second tour de scrutin, le nombre de votants était de 3,977, le nombre de bulletins valables de 3,960.
Les suffrages se sont répartis comme suit :
M. Jamar 2,518 voix.
M. Jottrand 2,532.
M. Vanderplassche 1,410.
M Capiaumont, 1,293.
En conséquence, les deux premiers ont été proclamés représentants. Votre première commission s'est assurée que toutes les formalités prescrites par la loi avaient été accomplies.
Votre commission avait clos son travail et s'était dispersée, quand on a adressé au bureau une réclamation demandant l'annulation du ballottage.
Je vais avoir l'honneur de vous en donner lecture ; elle est ainsi conçue :
« A MM. les président et membres de la Chambre des représentants.
« Messieurs,
« Nous avons la conviction d'obéir à un devoir en vous faisant connaître :
« 1° Que le résultat définitif de l'élection de Bruxelles, du 2 août dernier, qui aurait dû être connu à six heures du soir au plus tard, n'a été proclamé que dans la nuit du 2 au 3, à onze heures ;
« 2° Que l'on attribue principalement au 22ème bureau la cause de ce retard qui a eu pour résultat de fatiguer outre mesure les électeurs et de forcer ceux d'entre eux qui n'habitent pas la capitale ou les environs des bureaux électoraux à ne pas prendre part au ballottage ;
« 3° Qu'en même temps que ce retard insolite amenait la dispersion du corps électoral, des émissaires répandus aux abords des bureaux engageaient les électeurs à ne pas rester au ballottage affirmant que personne ne saurait quand le dépouillement du 22ème bureau serait fini ; que du reste il était prudent de s'éloigner, car la nuit devait être marquée par des désordres, des troubles, etc., etc., ce qui a été, du reste, confirmé par l'événement ;
« 4° Que, tandis que le retard apporté à la proclamation du résultat définitif de l'élection de Bruxelles a fatalement occasionné la dispersion des électeurs ; la précipitation avec laquelle a eu lieu le ballottage a eu un résultat identique, en ce sens qu'elle n'a pas donné le temps à un grand nombre d'électeurs d'aller voter une seconde fois. En effet, le ballottage a eu lieu presque immédiatement après la proclamation du résultat définitif et le tambour battant le rappel des électeurs commençait à peine à se faire entendre, que, dans la plupart des bureaux, les opérations du ballottage étaient en voie d'achèvement ;
« 5° Que le président du bureau principal (Temple des Augustins) a refusé de faire droit à la réclamation de plusieurs électeurs qui lui faisaient remarquer que l'extrême brièveté du temps laissé aux électeurs pour se rendre au ballottage enlevait à celui-ci tout caractère digne et sérieux.
« Prenant en considération les faits que nous venons d'avoir l'honneur de vous signaler :
« Nous protestons avec énergie contre le ballottage nocturne du 2-3 août et les circonstances qui l'ont amené et accompagné.
« Nous demandons formellement l'annulation de l'élection issue dé ce ballottage.
« Enfin, nous vous prions, messieurs, de bien vouloir faire en sorte que dans la loi qui organisera la prochaine réforme électorale, il soit pris des mesures pour que les ballottages nocturnes disparaissent de notre régime électoral. Ils constituent un véritable scandale : la conscience publique les flétrit et il importe qu'ils cessent d'être, comme cela arrive presque toujours actuellement, un moyen de surprise et d'escamotage politique,
« Agréez, messieurs, l'expression de notre plus profond respect.
« Bruxelles, 7 août 1870.
« (Suivent les signatures.) »
Cette lettre porte une quarantaine de signatures.
Messieurs, votre commission n'ayant pas délibéré sur cette pétition, Je n'ai à exprimer d'autre opinion qu'une opinion personnelle et si la Chambre veut bien le permettre, je la lui dirai en quelques mots.
Nous avons constaté que les opérations du 22ème bureau avalent été parfaitement régulières, que le nombre des bulletins trouvés dans l'urne était égal au nombre des votants ; que le dépouillement s'était fait d'une façon (page 4) régulière ; que le procès-verbal ne mentionnait aucune réclamation de la part des électeurs.
Maintenant, pour la question au fond, il est évident que la loi électorale n'a indiqué aucun intervalle obligatoire entre le résultat du premier tour et le commencement du ballottage. C'est évidemment une question d'appréciation.
Or, le bureau principal est l'autorité la mieux placée pour savoir à quelle heure il fallait commencer le ballottage. Nous ne pensons donc pas que, sous l'empire de la loi électorale, on ait pu procédera cet égard autrement qu'on ne l'a fait, et, pour ma part, je ne vois qu'il y ait lieu de prendre en considération la pétition de certains électeurs de Bruxelles.
M. de Theuxµ. - Messieurs, j'ai eu l'honneur de présider la première commission qui a vérifié les opérations électorales de l'arrondissement de Bruxelles ; ce n'est qu'après que la commission avait terminé son travail et que j'avais voté en faveur de la validité du scrutin de ballottage, que l'honorable rapporteur a reçu la réclamation dont il s'agit et qu'il m'a communiquée immédiatement.
Quant à moi, je persiste dans le vote que j'ai émis dans le sein de la commission ; je ne demande pas l'annulation du scrutin de ballottage, mais je ne puis cependant m'empêcher de faire observer à la Chambre que plus de la moitié des électeurs qui avaient pris part au premier scrutin, n'ont pas paru au scrutin de ballottage. C'est la, messieurs, un résultat véritablement déplorable.
D'après la décision prise par le bureau principal, il n'y a eu qu'un intervalle de cinq quarts d'heure entre les deux scrutins ; je n'ai pas à me prononcer à cet égard ; le bureau principal l'a décidé ainsi ; comme la loi ne détermine pas le temps dans lequel il doit être procédé au scrutin de ballottage, force nous est de nous en rapporter à la décision du bureau principal.
Je vais faire encore une observation à la Chambre : oc n'est pas la première fois que dans de grands centres de population, où il se rend un nombre considérable d'électeurs campagnards, tous les bureaux ne procèdent pas toujours avec la même rapidité au dépouillement des bulletins ; il est arrivé ainsi qu'on a procédé à un scrutin de ballottage lorsque la plus grande partie des électeurs s'était déjà retirée.
Dans de pareilles conditions, le scrutin n'est plus l'expression certaine de la volonté des électeurs. Pour que le scrutin de ballottage soit sérieux, il faut que tous les électeurs puissent exercer leur droit.
Je me borne, pour le moment, à ces observations.
M. Liénartµ. - Messieurs, je ne viens pas demander l'annulation du scrutin de ballottage de Bruxelles, mais je tiens a faire pour l'avenir des réserves très formelles au sujet de ce scrutin de ballottage, commencé à 11 heures et demie et ainsi opéré nuitamment.
L'on m'a assuré que, prévoyant, avant le jour des élections, l'éventualité d'un ballottage à Bruxelles, le plus grand nombre des présidents de bureaux avaient opiné pour la remise au lendemain ; seul ou presque seul, M. le président du bureau principal aurait annoncé l'intention d'y faire procéder incontinent, et vous savez que cette intention a été accomplie.
Mieux inspiré était l'auteur d'une circulaire ministérielle, en date du 7 juin 1836, que je tiens ici à la main et de laquelle j'extrais le passage suivant :
« On doit procéder au scrutin de ballottage dès que le résultat du premier sera connu, et se borner à laisser aux électeurs le temps de se rendre du local où se tient le bureau principal, dans ceux qui leur sont respectivement assignés... Toutefois, il faudrait, plutôt que de procéder au scrutin de ballottage à une heure de la journée qui obligerait à faire le dépouillement des votes pendant la nuit, renvoyer ce scrutin au lendemain. L'ajournement aurait, dans ce cas, moins d'inconvénients qu'une élection faite à la hâte et en l'absence de la plupart des électeurs. »
La circulaire ne s'occupe que des élections communales ; mais il doit en être ainsi a fortiori des élections générales qui appellent au scrutin des électeurs de plusieurs lieues à la ronde.
La circulaire était inconnue à M. le président du premier bureau ou elle a été méconnue par lui ; mais tous ceux qui ont le souci de la liberté électorale partageront l'avis du ministre auteur de la circulaire, j'ai nommé M. le comte de Theux.
Je ne puis pas regarder comme sérieuses ces épreuves nocturnes et, à mon sens, ce n'est rien moins qu'une dérision que de recommencer l'épreuve à une heure où il conviendrait bien plus de sonner le couvre-feu que de sonner la cloche pour rappeler les électeurs au scrutin.
Les résultats parlent assez haut, du reste ; il y a eu, au scrutin du matin, 9,031 votants et 3,977 seulement au scrutin de ballottage, soit 5,000 en moins, c'est-à-dire plus de la moitié.
On se plaint surtout à Bruxelles de l'indifférence du corps électoral, avouez que c'est un singulier moyen de le tirer de cette apathie que de semer à plaisir les obstacles sur sa route.
Les épreuves retardées jusqu'à la nuit, outre le peu de sincérité qu'elles présentent, offrent un autre inconvénient : elles peuvent devenir l'occasion de graves désordres.
Pour tous ces motifs, je pense exprimer le sentiment de la plupart de mes collègues et aussi le sentiment de la très grande partie du pays, quand je dis que les ballottages dans de semblables circonstances ont fait leurs preuves, qu'ils sont une confiscation indirecte et injustifiable du droit des électeurs, que, comme tels, ils sont condamnés et qu'ils ne doivent, qu'ils ne peuvent plus se présenter à l'avenir.
C'est au nom de la sincérité de la représentation nationale, au nom des droits méconnus des électeurs, au nom enfin de tous ceux qui, comme nous, désirent la participation la plus large, la plus complète possible des citoyens aux comices électoraux, que je prie le gouvernement de diriger de ce côté ses prochaines études, me réservant moi-même de revenir sur ce sujet dans un temps plus opportun.
M. Orts. - Messieurs, personne jusqu'à présent ne demande l'annulation du scrutin de ballottage qui a eu lieu à Bruxelles, et à l'égard duquel je suis personnellement désintéressé, puisque j'ai été élu au premier tour.
Les critiques que l'on formule se fondent sur ce que les bureaux électoraux ou plutôt les présidents des bureaux électoraux se sont entendus pour procéder, immédiatement après le dépouillement du premier résultat, aux opérations du ballottage.
On voit dans ce mode de procéder une atteinte à la liberté électorale, une mesure concertée pour empêcher une certaine catégorie d'électeurs, n'appartenant pas à la ville de Bruxelles, de prendre part au scrutin de ballottage et on dit que ce mode de procéder a été déconseillé par une circulaire ministérielle de l'honorable M. de Theux, remontant à 1836.
On comprend, messieurs, que la demande d'annulation du scrutin de ballottage qui a eu lieu à Bruxelles ne soit pas la conclusion de ces critiques. Elle n'aurait, pour les bancs d'où les critiques sont parties, aucune utilité pratique. Il suffit de consulter les chiffres généraux de l'élection pour être convaincu que le résultat du ballottage est l'expression exacte du vœu de la majorité du corps électoral de Bruxelles.
Je ferai remarquer seulement, pour la justification des présidents des bureaux électoraux de Bruxelles, d'abord, que la marche qu'ils ont suivie est conforme à la lettre de la loi ; la loi veut que le ballottage ait lieu le jour même du scrutin. Les opérations préliminaires doivent s'accomplit « immédiatement » (c'est son mot). Le procès-verbal de l'élection, comprenant les premières opérations et le ballottage, doit être dressé séance tenante, ce qui exclut l'idée que le scrutin de ballottage pourrait être renvoyé à un autre jour que celui où l'on a commencé à tenir séance.
Maintenant les bureaux se sont conformés non seulement à la lettre de la loi électorale, mais ils se sont conformés à ce qui, en d'autres circonstances, avait été un vœu énergiquement émis au sein de cette Chambre, précisément par des membres de l'opinion à laquelle appartiennent ceux qui se lèvent aujourd'hui pour critiquer ce que les bureaux ont fait, conformément au conseil donné par leurs prédécesseurs dans cette enceinte. En 1843, à Gand, un scrutin de ballottage avait été remis au lendemain, vu l'heure avancée de la soirée à laquelle les premières opérations avaient été terminées, le ballottage avait amené l'élection de l'honorable M. d'Elhoungne qui, il est vrai, venait siéger sur les bancs de la gauche. Aussi, MM. de Man d'Attenrode et Malou s'empressèrent-ils de soutenir la thèse que l'esprit et la lettre de la loi défendent de renvoyer au lendemain l'opération du ballottage.
Devant ce précédent, je m'étonne d'entendre aujourd'hui la droite blâmer les présidents des bureaux électoraux de Bruxelles pour avoir suivi le conseil que leur donnait la droite dès 1843 dans cette enceinte.
Maintenant on a dit que le ballottage immédiat était un moyen d'écarter les électeurs étrangers au chef-lieu d'arrondissement dans lequel se font les opérations électorales.
Messieurs, en 1843 on accusait le bureau principal de Gand d'avoir remis les opérations du ballottage au lendemain précisément pour écarter la même catégorie d'électeurs. En 1843, remettre le ballottage au lendemain c'était, disait-on, empêcher les campagnards de venir au scrutin, parce qu'ils devraient faire deux voyages au chef-lieu, et l'objection est sérieuse.
Je crois donc, messieurs, qu'il n'y a rien à blâmer dans ce qui s'est pratiqué à Bruxelles, conformément aux précédents suivis dans ce collège. Il y a eu, sans doute, un incident fâcheux. Par le retard d'un bureau, le (page 5) corps électoral a été forcé d'attendre plus longtemps que de coutume ; mais, à cela, il y avait un remède indiqué d'avance : le corps électoral avait été prévenu dés le matin que, quoi qu'il arrivât, le ballottage, si ballottage il y avait, se serait fait le jour même. Tout le monde était prévenu et il était plus facile aux électeurs qui n'habitent pas Bruxelles de rester au chef-lieu que de rentrer chez eux pour faire un nouveau voyage le jour suivant pour y revenir à une heure, qu'ils auraient pu ignorer.
Je crois donc que la marche suivie à Bruxelles n'a porté préjudice à personne et je m'étonne de la réclamation tardive qui s'est produite et que je n'avais pas entendu formuler hors de cette enceinte avant la séance de ce jour.
M. Coomans. - Messieurs, si la Chambre s'était unanimement associée au juste blâme que deux de mes honorables collègues ont déversé sur ce qui s'est passé à Bruxelles dans la nuit du 2 au 3 août, je n'aurais pas demandé la parole.
Je la demande après le discours de M. Orts qui s'est terminé par deux allégations complètement inadmissibles : d'abord qu'il n'y avait rien à blâmer dans les opérations électorales de Bruxelles, et ensuite que les faits n'ont porté préjudice à personne.
Je m'inscris en faux contre ces deux affirmations. Je trouve qu'il y a beaucoup à blâmer et qu'il y a eu préjudice pour 5,000 électeurs au moins, car il faut reconnaître qu'il y a préjudice quand vous mettez vos concitoyens dans l'impossibilité morale et presque matérielle d'user du premier de leurs droits politiques.
Il est deux points secondaires que je n'examinerai pas ; je ne rechercherai pas s'il y a eu mauvais vouloir ou méchant calcul, au point de vue indiqué par l'honorable préopinant.
Peu importe, au fond, qu'il y ait eu fraude préméditée ; le résultat est suffisant, selon moi, pour attester la fraude, la fraude légale qui est la pire des fraudes.
Je ne rechercherai pas non plus si l'on s'est exactement conformé à la lettre et à l'esprit de la loi. Je suis prêt à résoudre les deux problèmes dans le sens qui vous conviendra le mieux, mais ce que je dis, avec tous les honnêtes gens dont vous êtes, c'est qu'il est souverainement scandaleux d'ouvrir un ballottage a onze heures du soir, qui peut durer jusqu'à deux ou trois heures de la nuit et même plus tard encore, si un second ballottage, une troisième opération devenait nécessaire...
- Voix à gauche. - Un second ballottage ?
M. Coomans. - Messieurs, entendons-nous ; il peut y avoir trois votes ; un second vote peut ne pas terminer l'élection, dans diverses hypothèses. (Interruption.) Enfin n'importe, j'abandonne ce point.
Un ballottage aussi peut durer quatorze heures.
Je dis donc qu'il est scandaleux de soumettre à un pareil régime la majorité du corps électoral, exclue presque violemment des comices. En effet, que s'est-il passé ? La majorité du corps électoral s'est retirée sans voter. J'ai quelques droits d'en parler, j'étais électeur de l'arrondissement de Bruxelles ; j'ai observé les faits et les hommes et je puis attester que beaucoup d'électeurs non seulement ruraux, mais habitant les villes autres que le chef-lieu, ont fait le pied de grue devant les bureaux jusqu'à 6, 7 et 8 heures du soir et ne se sont retirés que lorsqu'ils avaient la conviction plus ou moins fondée que, vu l'heure avancée, il n'y aurait pas de ballottage.
Si vous trouvez qu'il n'y a rien à blâmer dans un pareil fait, dans l'exclusion quasi violente de la majorité du corps électoral, je dis que vous appréciez cette grave question à un point de vue étroit et exclusif.
J'ai le droit de m'élever en termes plus sévères que beaucoup d'autres contre les ballottages nocturnes, parce que, depuis nombre d'années, j'en signale les injustices et l'absurdité.
Mainte fois, je vous ai rendus attentifs à cette iniquité réelle, consacrée par la loi et qui consiste dans la centralisation des opérations électorales, c'est-à-dire, dans l'obligation imposée à la grande majorité des électeurs d'un district, de se déplacer, de faire des corvées de 5, 6, 7, 8, jusqu'à 20 lieues, aller et retour, et cela sans motifs raisonnables.
Si à cette injustice vous ajoutez celle de ne pas permettre à ces électeurs de voter, à moins de s'imposer un surcroît de sacrifices, vous arrivez, comme je l'ai dit, jusqu'à l'iniquité.
Voulez-vous un fait entre cent que je pourrais citer ?
Les 20 électeurs arrivés à Bruxelles, le 2 août, d'un village qui m'est très particulièrement connu, sont tous partis à 7 et à 8 heures du soir, parce qu'il leur était matériellement impossible, en ne jouissant que très imparfaitement d'un chemin de fer, de regagner leurs foyers avant le lendemain, s'ils n'avaient pas profité des dernières heures de la soirée.
Il y a là une violence morale.
Pour ne pas être long, je résume net mon opinion et je dis que parmi les vices nombreux de notre détestable régime électoral, le ballottage nocturne est le plus criant de tous.
Plaçons-nous au point de vue des principes, n'examinons pas à qui ce grave abus a profité, mais disons qu'au point de vue de la justice constitutionnelle, de ce qu'on appelle l'égalité des Belges devant la loi, mais ce qui est complètement méconnu et violenté dans notre système électoral, vous devez dire, non pas que dans ce qui s'est passé à Bruxelles il n'y a rien à blâmer, mais que le fait dont nous nous plaignons est extrêmement blâmable.
Je le répète donc, vous avez exclu des comices, par le jeu plus ou moins régulier de votre loi électorale, la majorité effective du corps électoral.
J'avoue, messieurs, que la conclusion logique de ces remarques, c'est l'annulation du ballottage.
Je l'aurais voulue, non dans un intérêt de parti parce que... (Interruption.)
Ne vous vantez pas trop de ce résultat... parce que deux voix de plus ou de moins ne me gêneront guère et ne vous serviront pas. Mais j'aurais voulu l'annulation comme une protestation contre notre régime électoral et comme une promesse de réparer le plus tôt possible des injustices depuis longtemps commises.
M. de Rossiusµ. - Voilà le programme !
M. Coomans. - Voilà le programme, dit-on.
Mais, M. le représentant de Liège, vous savez que ce programme est très vieux dans ma bouche et dans ma plume. Voilà de longues années que je blâme notre régime électoral, et de longues années que je dis que ceux qui sont les vrais ennemis, les plus cruels ennemis de notre régime électoral sont ceux qui approuvent des actes pareils que nous blâmons, nous, hautement.
M. Dupontµ. - Les ennemis de notre régime électoral sont ceux qui veulent le suffrage universel.
M. Coomans. - Je vous ajourne à quelque temps pour discuter cette question. Maintenant, ai-je parlé du suffrage universel ? Il ne me déplaît pas, il est vrai, d'en parler ; ce n'est pas moi que la question gêne. Mais il me paraît certain que vouloir maintenir de pareils abus, c'est vouloir, sinon sciemment, du moins involontairement, supprimer les bases mêmes de notre système électoral.
Quant à moi, je proteste de toutes mes forces contre cette iniquité criante.
- Voix nombreuses. - Aux voix !
M. de Theuxµ. - On a cité une circulaire de 1836 relative à l'exécution de la loi communale. Je pense qu'il y a une très grande distinction à faire entre les élections communales et les élections législatives. Les élections communales se font par les habitants de la commune même ; ils peuvent être facilement avertis de la remise du ballottage au lendemain. Si les opérations du ballottage pour les élections législatives ne peuvent se faire que pendant la nuit, il est sage et conforme à la raison de les remettre an lendemain et de donner la plus grande publicité à la convocation des électeurs pour le scrutin de ballottage.
La distinction est essentielle ; les électeurs pour les Chambres qui ont quitté le chef-lieu lorsque le ballottage serait fixé au lendemain ne seraient point avertis ; il aurait fallu que la loi déterminât le délai de la convocation et le mode d'avertissement à donner aux électeurs, c'est pour ce motif que mes amis ont critiqué la remise du ballottage qui a eu lieu à Gand, il y a quelques années.
Je dis donc qu'il y a là quelque chose à corriger pour que des faits aussi regrettables que ceux qui se sont présentés dans les élections du 2 août ne se reproduisent plus.
- Voix nombreuses. - Aux voix !
M. Saincteletteµ. - Je ne crois pas, messieurs, avoir à répondre aux critiques qui ont été faites par quelques-uns des honorables adversaires de notre régime électoral.
La seule question soumise à l'appréciation de la Chambre est celle de la validation des élections de Bruxelles.
Or, je ne crois pas qu'elles doivent être annulées. J'ai donc l'honneur, au nom de la commission, de vous proposer l'admission de MM. Anspach, Couvreur, De Fré, Funck, Guillery, Orts, Van Humbeeck, Vleminckx, Berge, Dansaert, Demeur, Jottrand et Jamar comme membres de la Chambre.
- Les conclusions de la commission sont mises aux voix et adoptées.
En conséquence, M. Anspach, Couvreur, De Fré, Funck, Guillery, Orts, (page 6) Van Humbeeck, Vleminckx, Berge, Dansaert, Demeur, Jottrand et Jamar sont proclamés membres de la Chambre des représentants.
Ces messieurs prêtent serment, sauf M. Vleminckx, qui n'est pas présent.
M. de Kerckhoveµ, au nom de la première commission, fait rapport sur les élections de l'arrondissement de Louvain, et il propose l'admission de MM. Landeloos, Delcour, Beeckman, Schollaert et Wouters comme membres de la Chambre des représentants.
- Ces conclusions sont adoptées.
En conséquence, MM. Landeloos, Delcour, Beeckman, Schollaert et Wouters sont proclamés membres de la Chambre et ils prêtent serment.
M. Dupont, au nom de la deuxième commission, fait rapport sur l'élection de MM. Visart, Declercq et Van Outryve par le collège électoral de l'arrondissement de Bruges et propose leur admission comme membres de la Chambre des représentants.
- Ces conclusions sont adoptées.
MM. Visart, Declercq et Van Outryve prêtent serment.
M. Dupont fait rapport sur l'élection de MM. Dumortier et de Montblanc par le collège électoral de l'arrondissement de Roulers et propose leur admission comme membres de la Chambre des représentants.
- Ces conclusions sont adoptées.
MM. Dumortier et de Montblanc prêtent serinent.
M. Wouters, au nom de la deuxième commission, fait rapport sur l'élection de MM. de Haerne, Tack et Reynaert par le collège électoral de l'arrondissement de Courtrai et propose leur admission comme membres de la Chambre des représentants.
- Ces conclusions sont adoptées.
MM. de Haerne et Reynaert prêtent serment.
M. Wouters fait rapport sur l'élection de MM. de Muelenaere et Mulle de Terschueren par l'arrondissement de Thielt et conclut à leur admission.
- Ces conclusions sont adoptées.
En conséquence, MM. de Muelenaere et Mulle de Terschueren sont proclamés membres de la Chambre.
MM. de Muelenaere et Mulle de Terschueren prêtent serment.
M. Van Cromphaut, au nom de la troisième commission, fait rapport sur l'élection de MM. Thienpont, Magherman et Vander Donckt par l'arrondissement d'Audenarde, et conclut à leur admission.
- Ces conclusions sont adoptées.
En conséquence, MM. Thienpont, Magherman et Vander Donckt sont proclamés membres de la Chambre.
MM. Thienpont, Magherman et Vander Donckt prêtent serment.
M. Notelteirsµ, au nom de la troisième commission, fait rapport sur l'élection de M. Kervyn de Lettenhove par l'arrondissement d'Eecloo et conclut à son admission comme membre de la Chambre.
Ces conclusions sont adoptées.
M. Kervyn de Lettenhove prête serment ; il est proclamé membre de la Chambre.
M. Van Iseghem, au nom de la troisième commission, fait rapport sur l'élection, par l'arrondissement de Gand, de MM. de Baets, Cruyt, Delehaye, Drubbel, Kervyn de Volkaersbeke, de Moerman d'Harlebeke et Desmet et conclut à l'admission de ces messieurs comme membres de la Chambre.
- MM. Cruyt, Delehaye, Kervyn de Volkaersbeke, Drubbel, de Moerman et Desmet prêtent serment. Ils sont proclamés membres de la Chambre.
M. Defuisseaux, au nom de la troisième commission, fait rapport sûr l'élection, par l'arrondissement d'Alost, de MM.de Naeyer, Van Wambeke et Liénart, et conclut à leur admission.
- Ces conclusions sont adoptées.
MM. de Naeyer, Van Wambeke et Liénart prêtent serment. Ils sont proclamés membres de la Chambre.
M. de Macar, au nom de la troisième commission, fait rapport sur l'élection de MM. Verwilghen, Janssens et Van Overloop par le collège électoral de Saint-Nicolas et propose leur admission comme membres de la Chambre.
- Ces conclusions sont mises aux voix et adoptées.
MM. Verwilghen, Janssens et Van Overloop prêtent serment.
M. Frère-Orban, au nom de la quatrième commission, fait rapport sur l'élection de MM. Ansiau, Boucqueau et Houtart par le collège électoral de l'arrondissement de Soignies et propose leur admission comme membres de la Chambre des représentants.
- Ces conclusions sont adoptées.
MM. Ansiau, Boucqueau et Houtart prêtent serment.
M. Verwilghen, au nom de la quatrième commission, fait rapport sur l'élection de MM. Sainctelette, Defuisseaux, Dethuin, Lescarts, Boulanger par le collège électoral de l'arrondissement de Mons et propose leur admission comme membres de la Chambre des représentants.
- Ces conclusions sont adoptées.
MM. Sainctelette, Defuisseaux, Dethuin, Lescarts et Boulanger prêtent serment.
M. Van Hoorde fait rapport sur l'élection de MM. Balisaux, Drion, de Dorlodot, Hermant et Pirmez, par le collège électoral de Charleroi et conclut à leur admission comme membres de la Chambre des représentants.
- Ces conclusions sont adoptées.
MpVanderDoncktµ. - M. de Dorlodot n'a pas produit jusqu'ici les pièces exigées pour la constatation de sa nationalité, je propose donc d'ajourner la prestation de serment de cet honorable membre jusqu'au moment où il aura produit les pièces nécessaires.
- Adopté.
MM. Balisaux, Drion, Hermant et Pirmez prêtent serment.
M. Vilain XIIIIµ fait rapport sur les élections de MM. Allard, Bara, Crombez et Rogier par le collège électoral de Tournai et conclut à leur admission comme membres de la Chambre des représentants.
- Ces conclusions sont adoptées.
MM. Allard, Bara et Rogier prêtent serment.
M. Drubbel, au nom de la quatrième commission, fait rapport sur les élections qui ont eu lieu dans l'arrondissement d'Ath, et conclut à l'admission de M. Descamps et Bricoult comme membres de la Chambre des représentants.
- Ces conclusions sont adoptées.
En conséquence, M. Descamps et Bricoult sont proclamés membres de la Chambre. M. Descamps prête serment.
M. Vandenpeereboomµ, au nom de la cinquième commission, fait rapport sur les élections de l'arrondissement de Liège, et conclut à l'admission de MM. d'Andrimont, Braconier, de Rossius, Elias, Dupont, Muller, Mouton et Frère-Orban, comme membres de la Chambre des représentants.
- Ces conclusions sont adoptées.
En conséquence, MM. d'Andrimont, Braconier, de Rossius, Elias, Dupont, Muller, Mouton et Frère-Orban sont proclamés membres de la Chambre des représentants et ils prêtent serment.
M. Vandenpeereboomµ. fait rapport sur l'élection de M. de Lexhy par le collège électoral de l'arrondissement de Waremme et propose son admission comme membre de la Chambre des représentants.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. de Lexhy prête serment.
M. Vermeireµ, au nom de la cinquième commission, fait rapport sur l'élection de MM. Moncheur, Wasseige, Royer de Behr et Lelièvre par le collège électoral de l'arrondissement de Namur et propose leur admission comme membres de la Chambre des représentants.
- MM. Moncheur, Wasseige et Lelièvre prêtent serment.
M. Allard, au nom de la cinquième commission, fait rapport sur l'élection de MM. Simonis, Cornesse et David par le collège électoral de l'arrondissement de Verviers et propose leur admission comme membre de la Chambre des représentants.
- Ces conclusions sont adoptées.
MM. Simonis, Cornesse et David prêtent serment.
M. Biebuyckµ, au nom de la cinquième commission, fait rapport sur l'élection de MM. Thibaut et de Liedekerke, par l'arrondissement de Dinant et conclut à l'admission.
- Ces conclusions sont adoptées.
En conséquence, MM. Thibaut et de Liedekerke sont proclamés membres de la Chambre.
M. Thibaut prête serment.
M. Delcourµ, au nom de la sixième commission, fait rapport sur l'élection de MM. de Theux et Thonissen pour l'arrondissement de Hasselt et conclut à l'admission.
- Ces conclusions sont adoptées.
En conséquence, MM. de Theux et Thonissen sont proclamés membres de la Chambre.
M. de Theux prête serment.
(page 7) M. Delcourµ fait rapport sur l'élection de MM. Julliot et François de Borchgrave par l'arrondissement de Tongres et conclut a l'admission.
- Ces conclusions sont adoptées.
En conséquence MM. Julliot et F. de Borchgrave sont proclamés membres de la Chambre.
MM. Julliot et de Borchgrave prêtent serment.
M. Delcourµ, au nom de la même commission, fait rapport sur l'élection, par l'arrondissement de Maeseyck, de M. Vilain XIIII. Il propose son admission.
- M. Vilain XIIII prête serment ; il est proclamé membre de la Chambre.
M. Couvreurµ, au nom de la sixième commission, fait rapport sur l'élection, par l'arrondissement d'Anvers, de MM. d'Hane-Steenhuyse, Jacobs, Hayez, Delaet, Gerrits, Coremans et conclut à leur admission.
- MM. d'Hane-Steenhuyse, Jacobs, Hayez, Delaet et Coremans prêtent serment.
Ils sont proclamés membres de la Chambre.
M. Couvreurµ, au nom de la même commission, fait rapport sur l'élection, par l'arrondissement de Turnhout, de MM. de Zerezo de Tejada, Coomans et Nothomb. Il conclut à leur admission.
MM. de Zerezo, Coomans et Nothomb prêtent serment.
Ils sont proclamés membres de la Chambre.
M. Couvreurµ, au nom de la même commission, fait rapport sur l'élection, par l'arrondissement de Malines, de MM. de Kerckhove, Lefebvre et Notelteirs. Il conclut à leur admission.
MM. de Kerckhove, Lefebvre et Notelteirs prêtent serment.
Ils sont proclamés membres de la Chambre des représentants.
M. Wasseige, au nom de la sixième commission, fait rapport sur l'élection de M. Tesch par le collège électoral de l'arrondissement d'Arlon et propose son admission comme membre de la Chambre des représentants.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. Tesch prête serment.
M. Wasseige, au nom de la sixième commission, fait rapport sur l'élection de M. Van Hoorde par le collège électoral de l'arrondissement de Bastogne et propose son admission comme membre de la Chambre des représentants.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. Van Hoorde prêle serment.
M. Wasseige., au nom de la sixième commission, fait rapport sur l'élection de M. Petit par le collège électoral de l'arrondissement de Marche et propose son admission comme membre de la Chambre des représentatifs.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. Petit prête serment.
M. Wasseige, au nom de la sixième commission, fait rapport sur l'élection de M. Santkin par le collège électoral de l'arrondissement de Neufchâteau et conclut à son admission comme membre de la Chambre des représentants.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. Santkin prête serment.
M de Borchgrave demande un congé.
- Accordé.
La séance est levée à cinq heures.