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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 13 mai 1870

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1869-1870)

(Présidence de M. Dolezµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 905) M. Dethuin fait l'appel nominal 2 hures et un quart et lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Reynaertµ présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Le sieur Lion, préposé des douanes pensionné, demande un secours. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Madoux, ancien soldat et combattant de 1831, demande la croix de Fer ou une pension. »

- Même renvoi.


« Des maitres de carrières demandent que les dispositions des articles 43 et 44 de la loi du 21 avril 1810, sur les mines, soient étendues aux exploitations de carrières. »

- Même renvoi.


« Des habitants de Solre-sur-Sambre demandent la révision des dispositions en vigueur relatives à la police des établissements dangereux et réclament l'intervention de la Chambre pour faire établir, en dehors de l'agglomération de la commune, le dépôt de poudre de chasse et de mine tenu par le sieur Dart. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal de Gembloux demande que le chemin de fer projeté, devant passer par Fosses et aboutir la ligne de Namur à Givet, prenne son origine à la station de Gembloux. »

- Dép6t sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif à la concession de chemins de fer.


« Le conseil communal de Turnhout prie la Chambre d'autoriser la concession, demandée par la Banque générale des travaux publics, d'un chemin de fer direct d’Anvers à Eindhoven par Turnhout. »

- Même décision.


« Les membres du conseil communal de Linth déclarent appuyer la demande du conseil communal de Contich relative au tracé du chemin de fer d'Anvers à Douai et prient la Chambre de faire établir une station à Contich. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi approuvant la convention relative à divers chemins de fer concédés.


« M. le ministre de l'intérieur adresse à la Chambre 126 exemplaires d’une publication faite les soins de son département et intitulée : Annuaire statistique de la Belgique. Première année, 1870.

- Dépôt la bibliothèque et distribution aux membres de la Chambre.


« Par messages, en date du 12 mai, le Sénat informe la Chambre qu'Il a donné son adhésion aux projets de loi :

« Contenant le budget du ministère de la justice pour 1871 ;

« Allouant au département des finances un crédit spécial de 17,249 fr. 63 c., pour frais de transformation d'anciennes monnaies divisionnaires ;

« Contenant le budget des non-valeurs et des remboursements, pour 871 ;

« Allouant des crédits supplémentaires aux budgets de la dette publique et des finances pour 1869

« Portant rectification de la limite séparative entre la ville Antoing et les communes de Calonne et de Bruyelle ;

« Portant érection de la commune de Ryckhoven, province de Limbourg ;

« Portant érection de la commune de Sart-Bernard, province de Namur ;

« Relatif à la caisse des valves et orphelins des officiers de l'armée ;

« Portant règlement définitif du budget de 1865. »

- Pris pour notification.

Démission d’un membre de la chambre

M. le président. - On me remet à l'instant la lettre suivante :

« A messieurs les membres de la Chambre des représentants,

« Je vous présente ma démission de membre de la Chambre des représentants.

« Daignez agréer l'assurance de mon humble respect.

« Mons, le ...

« (Signé) Carlier. »

- Avis en sera donné à M. le ministre de l'intérieur.


M. le président donne lecture de la lettre suivante :

« Monsieur le président,

« En adoptant à l'unanimité le projet de loi qui me confère la grande naturalisation, la Chambre des représentants m'a décerné la plus haute distinction que je puisse ambitionner et qui m’est d'autant plus précieuse qu'elle est tout exceptionnelle.

« Pénétré des sentiments de la plus profonde gratitude, je vous prie, monsieur le président, de vouloir bien en agréer l’hommage respectueux pour vous et le faire agréer aux honorables membres de la Chambre que vous présidez.

« Tant que Dieu me prêtera vie, tous mes efforts tendront à payer à ma patrie adoptive la dette de la reconnaissance.

« J'ai l'honneur, M. le président, d’être, un profond respect, votre très et très obéissant serviteur,

« (Signé) J.-J. Haus. »



« M. Kervyn de Lettenhove demande un congé de deux jours. »

- Accordé.


M. Van Wambekeµ. - Messieurs, je suis au regret de n'avoir pu assister à la séance d’hier, parce que je me serais empressé de donner mon vote approbatif au projet de toi accordant la grande naturalisation à mon ancien et digne professeur, M. Haus. »


MiP, dépose les rapports triennaux sur la situation de l'enseignement primaire et de l’enseignement moyen pendant les années 1867 à 1869.


(page 906) MfFOµ, dépose les explications qu’il avait promises sur la situation des officiers pensionnés.

- La Chambre décide que ces documents seront imprimés et distribués.


M. le président. - Je rappelle à la Chambre qu’elle a décidé, à la fin de la séance d’hier, qu’elle tiendra une séance ce soir à 8 heures.

Projet de loi autorisant des aliénations domaniales

Vote de l’article unique

« Article unique. Le gouvernement est autorisé à aliéner les biens désignés dans l'état annexé à la présente loi, de la manière et aux conditions indiquées, pour chacun de ces biens, dans ledit état. (Suit cet état, non repris dans la présente version numérisée.)

Il est procédé à l'appel nominal sur cet article.

79 membres y prennent part.

Tous répondent oui.

En conséquence, la Chambre adopte.

Le projet de loi sera transmis au Sénat.

Ont pris part au vote :

MM. de Naeyer, Descamps, Dethuin, de Vrints, Dewandre, de Zerezo de Tejada, d'Hane-Steenhuyse, Dumortier, Elias, Frère-Orban, Gerrits, Guillery, Hagemans, Hayez, Hymans, Jacobs, Jacquemyns, Julliot, Landeloos, Le Hardy de Beaulieu, Lesoinne, Lippens, Magherman, Mascart, Moncheur, Moreau, Muller, Notelteirs, Orban, Pirmez, Reynaert, Rogier, Sabatier, Sainctelette, Schmitz, Schollaert, Tesch, Thienpont, Thonissen, T’Serstevens, Van Cromphaut, Alphonse Vandenpeereboom, Ernest Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Humbeeck, Van Iseghem. Van Merris, Van Wambeke, Vermeire, Vilain XIIII, Vleminckx, Warocqué, Wasseige, Watteeu, Wouters, Allard, Ansiau, Beke, Bieswal, Braconier, Bricoult, Broustin, Castilhon, Coremans, Crombez, David, de Baillet-Latour, de Borchgrave, de Breyne-Dubois, de Brouckere, Declercq, de Kerchove de Denterghem, Delcour, de Lexhy, d'Elhoungne, de Liedekerke, de Macar, de Maere et Dolez.


M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi portant prorogation de l'article de la loi du 12 avril 1835, concernant les péages sur les chemins de fer de l'Etat.

M. le ministre des travaux publics, retenu momentanément au Sénat, m'a demandé de postposer ce projet.

- Des voix. - Il n'y a pas d'observations.

M. le président. - Nous ne pouvons pas le préjuger. Mais je puis ouvrir la discussion générale ; si des observations doivent être présentées, nous attendrons l'arrivée de M. le ministre des travaux publics.

- La discussion générale est ouverte.

M. Eliasµ. - Je demande la parole.

M. le président. - Puisque quelqu'un demande à présenter des observations, nous attendrons la présence de M. le ministre des travaux publics.

Projet de loi approuvant la convention conclue entre la Belgique et la France en matière d’assistance judiciaire

Discussion des articles

Articles 1 et 2

M. le président. - La discussion générale est ouverte.

- Personne ne demandant la parole, l'assemblée passe aux articles.

« Art. La convention relative à l'assistance judiciaire, conclue, le 22 mars 1870, entre la Belgique et la France, sortira son plein et entier effet. »

- Adopté.


« Art. 2. Le gouvernement est autorisé à conclure des arrangements semblables avec les autres Etats. »

- Adopté.

Vote sur l’ensemble

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet.

86 membres y prennent part.

Tous répondent oui.

En conséquence le projet de loi est adopté ; il sera transmis au Sénat.

Ont pris part au vote :

MM. de Naeyer, Descamps, Dethuin, de Vrints, Dewandre, de Zerezo de Tejada, d'Hane-Steenhuyse, Dumortier, Elias, Frère-Orban, Gerrits, Guillery, Hagemans, Hayez, Hymans, Jacobs, Janssens, Jacquemyns, Julliot, Landeloos, Le Hardy de Beaulieu, Lesoinne, Lippens, Magherman, Mascart, Moncheur, Moreau, Mouton, Muller, Notelteirs, Orban, Pirmez, Reynaert, Rogier, Sabatier, Sainctelette, Schmitz, Schollaert, Tesch, Thibaut, Thienpont, Thonissen, T' Serstevens, Van Cromphaut, Alphonse Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vander Maesen. Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Merris, Van Wambeke, Vermeire, Verwilghen, Vilain XIIII, Visart, Vleminckx, Warocqué, Wasseige, Watteeu, Wouters, Allard, Ansiau, Bara, Beke, Bieswal. Braconier, Broustin, Castilhon, Coremans, Crombez, David, de Baillet-Latour, de Borchgrave, de Breyne-Dubois, de Brouckere, Declercq, De Fré, de Kerchove de Denterghem, Delcour, de Lexhy, d'Elhoungne, de Liedekerke, de Macar, de Maere et Dolez.

Projet de loi autorisant le gouvernement à céder à la ville de Gand les terrains et bpatiments de la citadelle

Discussion générale

M. le président. - La section centrale qui a été chargée da l'examen du projet de loi en propose l'adoption pure et simple.

La discussion générale est ouverte.

La parole est à M. Thonissen.

M. Thonissenµ. - Messieurs, il est inutile d'examiner encore s’il (page 907) convient de conserver ou de la citadelle de Gand. La suppression de cet ouvrage de défense est définitivement résolue.

Je ne viens pas donc combattre, en principe. la convention conclue avec la ville de Gand : je me contenterai d'appeler l'attention du gouvernement et surtout celle de M. le ministre de la guerre, sur les inconvénients qui pourraient résulter de la démolition immédiate de la citadelle.

Les travaux de défense reconnus indispensables sur la rive gauche de l'Escaut, en avant d'Anvers, n'existent pas encore. Le seul fort capable d'offrir une résistance sérieuse est aujourd'hui la citadelle de Gand.

Aussi a-t-il formellement déclaré dans cette enceinte, par M. le ministre des finances et par M. le ministre de la guerre, que la démolition de cette citadelle n'aurait pas lieu avant l'établissement de nouvelles fortifications sur la rive gauche de l'Escaut.

Un membre de cette Chambre ayant accusé le gouvernement d’inconséquence, parce qu'il consentait à la démolition d'un ouvrage qu'il avait déclaré indispensable, à une autre époque, l'honorable ministre des finances répondit, dans la séance du 14 janvier 1868 :

« L'engagement que nous avons pris alors, nous venons le tenir aujourd'hui en annonçant notre résolution de proposer la vente de la citadelle du Sud, pour en appliquer le produit au remplacement, sur la rive droite. des établissements militaires qui trouveront supprimés, et à l'établissement de deux forts avec une digue défensive sur la rive gauche. Ce dispositif, avec l'appui de Termonde, donne à l'armée le moyen d'opérer isr les deux rivés du fleuve et permet l'abandon de la citadelle de Gand. »

Trois jours plus tard, l'honorable ministre de la guerre fut encore plus explicite. Il disait, dans la séance du 17 janvier :

« On a représenté la suppression de la citadelle de Gand comme une manœuvre électorale, et mon honneur militaire est intéressé à ce que l'opinion publique ne s'égare pas à ce sujet. Je déclare que, si l'on n'avait pas élevé les forts la rive gauche, je n'aurais pas conseillé ce démantèlement. Cette opération est la conséquence de l'autre. »

Messieurs, la convention soumise à notre approbation n'est pas conforme à ces engagements. Elle autorise la démolition de la citadelle de Gand avant la construction de nouveaux travaux de défense sur la rive gauche de l’Escaut. Elle peut compromettre, à ce point de vue, les intérêts de la défense nationale. Si le gouvernement ne donne pas des explications satisfaisantes, mon vote sera négatif.

MfFOµ. - Messieurs, dans les explications qui viennent d'être données par l'honorable préopinant, il a passé sous silence une condition très importante qui a été admise par tout le monde comme corollaire des propositions du gouvernement : c'est que la dépense des travaux à exécuter sur la rive gauche de l'Escaut devait être couverte, non par des crédits spéciaux, mais au moyen des fonds produits par l'aliénation des terrains militaires que le système de défense adopté pouvait rendre disponibles.

Nous avons aliéné les terrains de la citadelle du Sud à Anvers ; on a indiqué, dans l'exposé des motifs du projet de loi destiné à consacrer cette aliénation, ainsi que dans le rapport de la section centrale, la marche qui serait suivie pour l'exécution des travaux auxquels on voulait affecter les millions à provenir de cette opération. Nous avons déjà reçu un à-compte sur cette somme ; nous en recevrons un autre dans un prochain délai, et nous aurons très incessamment une notable partie des fonds nécessaires pour la construction des fronts n°11 et 12 de l'enceinte, qui doivent fermer l'ouverture résultant de la démolition des ouvrages aliénés.

C’est seulement après l'érection de ces fronts que l'on pourra entreprendre, au moyen des sommes disponibles sur cette première aliénation et de celles que produira la vente d'autres ouvrages, les travaux complémentaires qui doivent être exécutés tant sur la rive droite que sur la rive gauche de l'Escaut.

Nous devons donc bien commencer par aliéner, pour créer les voies et moyens de ces travaux.

Il a été annoncé, dans les déclarations faites à la Chambre, qu'au moyen des travaux décrétés, l'on pouvait abandonner la citadelle de Gand. Eh bien, on l'abandonne. Il y aura certainement un intervalle pendant lequel on n'aura ni la citadelle de Gand, ni les travaux à exécuter à Termonde et sur la rive gauche ; mais il est impossible de procéder autrement, à moins qu'on ne mette d'abord à la disposition da gouvernement les crédits nécessaires pour l'exécution des travaux dont il s'agit, saur à récupérer ces crédits sur le prix des aliénations. (Interruption.) Mais le moyen proposé par le gouvernement et adopté par la Chambre nous oblige à procéder comme nous le raisons en ce moment.

M. Jacobsµ. - Je ferai une simple observation, en réponse ce que vient de dire M. le ministre des finances : c'est que le projet ne dit pas, d'une manière générale, comme le disait le projet de loi à l'aliénation de la citadelle da Sud. que le million à provenir de la vente de la citadelle de Gand sera employé aux travaux sur la rive gauche.

MfFOµ. - Je ne vois, pour ma part, aucun inconvénient à ce que l’on insère dans la loi une disposition qui consacre cette affectation.

Des membres. - Non ! non !

MfFOµ. - Mais je viens de dire les raisons pour lesquelles une disposition de genre n'a pas été introduite dans le projet. Ce n’est pas que nous ne fussions parfaitement fixés sur la destination que devait recevoir le produit de la vente de la citadelle de Gand. Nous avons rappelé, dans l'exposé des motifs, les engagements qui avaient été pris ; ils sont mentionnés également dans le rapport de la section centrale.

Mais nous n’avons pas demandé que cette affectation fût spécialement indiquée parce qu'il nous faut d’autres fonds encore pour compléter la sommes nécessaire à l’ensemble des travaux. Sans doute, on pourrait dire, d’une manière générale, que ces fonds seront affectés 1'exécution des travaux sur la rive gauche de l'Escaut, mais après les déclarations formelles qui ont été faites sur ce pont et que la Chambre a sanctionnées, cela serait parfaitement inutile.

M. Dumortier. - Je crois qu'il est indispensable d'insérer cette affectation dans la loi ; c’est la consécration du principe énoncé par M. le ministre des finances. Il a déclaré que les fonds à provenir de l'aliénation de la citadelle d'Anvers seraient consacrés aux travaux à exécuter sur la rive gauche de l'Escaut. Ceci doit être, plus forte raison, appliqué au projet actuel.

La citadelle de Gand ne pourra être démolie que lorsque la rive gauche sera fortifiée d’une manière satisfaisante.

Je n'ai pas voté les travaux d'Anvers, si c'était encore à faire, je ne les voterais pas davantage. mais nous devons accepter la position qui nous est faite par le vote de la Chambre.

M. Hayezµ. - Messieurs, si mon opinion pouvait avoir de l'influence sur la décision de quelques-uns de mes honorables collègues, je dirais, que, d'après moi. l'existence de la citadelle de Gand ne retarderait pas d'une heure la marche d'une armée ennemie sur Anvers si notre pays était envahi.

Qu'on démolisse cette forteresse ou qu'on la laisse debout, le résultat sera exactement le même.

Je crois donc qu'on peut, sans retard. procéder à cette démolition, et que le patriotisme le plus susceptible n'a pas lieu de s'alarmer.

Vote de l’article unique

« Article unique. La convention conclue, le 25 avril 1870, entre le gouvernement et la ville de Gand. qui a pour objet la cession, au prix de 1,000,000 de francs, des terrains et des bâtiments dont se composent la citadelle de cette ville et ses dépendances, sortira son plein et entier effet. »

- Cet article est mis aux voix par appel nominal.

99 membres sont présents.

87 adoptent.

1 rejette.

2 s'abstiennent.

En conséquence le projet de loi est adopté.

Ont voté l'adoption :

MM. de Naeyer, Descamps, Dethuin, de Vrints, Dewandre, de Zerezo de Tejada, d'Hane-Steenhuyse, Dumortier, Elias. Frère-Orban, Funck, Gerrits, Hagemans, Hayez, Hymans, Jacobs, Janssens, Jacquemyns, Julliot, Landeloos, Le Hardy de Beaulieu, Lesoinne, Liénart, Lippens, Magherman, Mascart, Moncheur, Moreau, Mouton, Muller, Mulle de Terschueren, Notelteirs, Orban, Orts, Pirmez, Reynaert, Rogier, Sainctelette, Schmitz, Schollaert, Tesch, Thibaut, T'Serstevens, Van Cromphaut, Alphonse Vandenpeereboom, Ernest Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vander Maescn, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Merris, Van Wasseige, Watteeu, Wouters, Allard, Ansiau, Anspach, Bara, Beke, Bieswal, Braconier, Bricoult, Broustin, Castilhon, Coremans, de Baillet-Latour, de Borchgrave, de Breyne-Dubois, de Brouckere, Declercq, De Fré, de Kerchove de Denterghem, Delcour, de de Lexhy, d'Elhoungne, de Liedekerke, de Macar, de Maere et Dolet.

M. Thonissen a voté le rejet.

MM. Vermeire et David se sont abstenus.

M. Vermeireµ. - Messieurs, je n’ai pas voté contre le projet de loi parce que je suis partisan de la démolition des fortifications. Je n’ai pas (page 908 voter pour le projet de loi parce que l'on ne fait que déplacer le mal en construisant de nouvelles fortifications sur d'autres parties du pays.

M. Davidµ. - J'approuve la démolition de la citadelle de Gand, mais, ce que je ne puis approuver, c’est l’affectation de l'argent qui en proviendra à de nouvelles fortifications. Voilà pourquoi je n'ai voté ni pour ni contre le projet de loi.

Projet de loi ouvrant un crédit au budget du ministère des travaux publics

Vote des articles

Articles 1 et 2

« Art. 1er. Un crédit supplémentaire s'élevant à la somme de 128,550 fr. 67 c. est alloué au département des travaux publics, pour les couvrir les dépenses effectuées à ce jour par suite de l'accident survenu sur le chemin de fer de l’Etat, près de la station de Boussu, à la date du 27 janvier 1868. »

- Adopté.


« Art. 2. Ce crédit formera l'article 98 du chapitre X du budget des travaux publics pour l'exercice 1869. Il sera couvert moyen des ressources ordinaires de cet exercice. »

- Adopté.

Vote sur l’ensemble

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi.

87 membres y prennent part.

Tous répondent oui.

En conséquence la Chambre adopte.

Le projet de loi sera transmis au Sénat.

Ont pris part au vote :

MM. de Naeyer, Descamps, Dethuin, de Vrints, Dewandre, de Zerezo de Tejada, d'Hane-Steenhuyse, Elias, Funck, Gerrits, Hagemans, Hayez, Hymans, Janssens, Jacquemyns, Jamar, Julliot, Landeloos, Le Hardy de Beaulieu, Lesoinne, Liénart, Lippens, Magherman, Mascart, Moncheur, Moreau, Mouton, Muller, Mulle de Terschueren, Notelteirs, Orban, Orts, Pirmez, Reynaert. Rogier, Sabatier, Sainctelette, Schollaert, Tesch, Thibaut, Thienpont, Thonissen, T'Serstevens, Van Cromphaut, Alphonse Vandenpeereboom, Ernest Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vander Maesen, Van Humbeeck. Van Iseghem, Van Wambeke, Vermeire, Watteeu, Wouters, Allard, Ansiau, Anspach, Bara, Beke, Bieswal, Braconier, Bricoult, Broustin, Castilhon, Coremans, Crombez, David, de Baillet-Latour, de Borchgrave, de Breyne-Dubois, de Brouckere, Declercq, De Fré, de Kerchove de Denterghem, Delcour, d'Elhoungne, de Liedekerke, de Macar, de Maere et Dolez.

Projet de loi prorogeant l’article premier de la loi relative aux péages sur les chemins de fer de l’Etat

Discussion générale

M. le président. - La discussion générale est ouverte.

M. Eliasµ. - Je crois utile d'appeler l'attention de M. le ministre des M. des travaux publics sur la nécessité de réviser quelques articles des règlements qui sont joints aux tarifs des chemins de fer.

On a cru pouvoir déroger aux conditions ordinaires de la responsabilité dans les transports. On a cru que l'Etat, dans l'exploitation de ses chemins de fer, pouvait modifier les règles du code de commerce sur les voituriers.

La cour de cassation, par des arrêts récents, vient de déclarer ces dérogations contraires à la loi.

Deux de ces dispositions notamment, les articles 20 et 64, visés par ces arrêts, doivent être supprimées, puisqu'elles ne peuvent plus être appliquées, mais il en est d'autres, et en nombre assez grand, qui sont dans le même cas.

Je crois que le gouvernement ferait chose utile au commerce en soumettant ces conditions à une révision générale.

MtpJµ. - Comme vient de le dire l'honorable membre, la cour de cassation a rendu, dans ces derniers temps, des arrêts qui déclarent que les livrets réglementaires n'ont pas de force légale et n'ont qu'une valeur contractuelle. A la suite de ces arrêts qui venaient modifier une jurisprudence consacrée par de nombreux arrêts d'appel et un grand nombre de jugements, j'ai chargé une commission composée des avocats de mon département d'examiner les mesures qu'il convient de prendre.

A cette occasion, je déférerai volontiers au désir de l'honorable M. Elias en examinant avec attention quelles modifications pourraient être apportées aux livrets réglementaires, en conciliant les vœux de l'industrie et du commerce avec les exigences de l'exploitation de nos chemins de fer.

Puisque j'ai la parole, je désire présenter quelques observations à l’assemblée au sujet de certaines assertions contenues dans le rapport présenté par M. Descamps.

Dans ce rapport, l'honorable rapporteur, après avoir examiné les résultats de la réforme introduite, en 1864, par mon honorable prédécesseur, termine en disant que, dans la fixation des taxes différentielles, cette réforme a un caractère de libéralité plus apparent que réel.

A l'appui de cette appréciation. l'honorable membre a puisé, dans l’Annuaire des chemins de fer, un tableau comparatif des tarifs des prix de transport des marchandises sur les chemins de fer exploités par l'Etat belge et des tarifs des chemins de fer de Prusse.

Ceux d'entre vous qui ont lu ce rapport auront éprouvé un grand étonnement en voyant, par exemple, qu'en Prusse on transporte, moyennant 17 centimes, une tonne de marchandises à une lieue de distance.

De leur côté, les industriels dont l'attention aura été appelée sur ce tableau, auront le droit de dire que nous avons mauvaise grâce à déclarer, qu'en ce qui concerne les tarifs de transport de marchandises, nous avons, dans leur ensemble, les tarifs les plus bas du continent.

Il importe que je rectifie l'erreur dans laquelle a versé l'honorable rapporteur. Comme je viens de dire, Descamps a emprunté ce tableau à l'Annuaire des chemins de fer, publié par Loisel.

Il y a d'abord quelques erreurs de transcription que je rectifie.

Ainsi, en ce qui concerne les marchandises de petite vitesse, première classe, les tarifs sont de 10 fr. pour un trajet de 20 lieues au lieu de 11 francs, 14 fr. 50 pour un trajet de 30 lieues au lieu de 16 francs, 17 fr. 50 pour un trajet de 40 lieues au lieu de 21 francs et 19 fr. 50 pour un trajet de 50 lieues au lieu de 26 francs.

Ces rectifications, messieurs, ont peu d'importance, au reste, dans mon esprit. Mais dans l'Annuaire des chemins de fer, M. Loisel, en publiant son tableau, a grand soin de renvoyer aux pages 62 et 63 comme contenant les bases de ces tarifs.

Or, aux pages 62 et 63, on voit que M. Loisel donne non pas les prix effectifs, mais les prix moyens.

Loin même d'indiquer que ce prix de centimes est un prix perçu pour le transport d'une tonne de marchandises à une lieue, M. Loisel ajoute : Des prix plus réduits ont été accordés pour des transports importants, à grandes distances, de coke, chaux, zinc, fer brut, rails, sel, lin et bois : on est descendu à la taxe de 17 centimes par tonne-lieue.

Mais, messieurs, l'honorable membre s'est étrangement trompé lors qu'il a interprété comme il l'a fait les chiffres de M. Loisel. Descendre à une moyenne de 17 centimes par tonne-lieue, ce n'est pas transporter une tonne de marchandises à une lieue de distance moyennant 17 centimes.

L'honorable membre a comparé les prix effectifs de l'Etat belge avec les prix moyens de l'Etat prussien.

Or, si l'on égalise la comparaison avec les prix moyens de nos tarifs, on trouve, par exemple, à une distance de 50 lieues, les résultats suivants :

Première classe. Tarif belge : 39 c. ; tarif prussien : 40 c.

Deuxième classe. Tarif belge : 25 c. ; tarif prussien : 26.5 c.

Troisième classe. Tarif belge : 16 c. ; tarif prussien : 20 c.

Quatrième classe. Tarif belge : 12 c. ; tarif prussien : 17 c.

Mais, messieurs, on serait aussi peu autorisé à dire que l'Etat belge transporte, moyennant 12 centimes, une tonne de marchandises à une lieue que l'honorable membre a été peu autorisé à dire qu'en Prusse on transporte une tonne de marchandises à une lieue pour 17 centimes.

La vérité est, messieurs, que le prix minimum du transport en Prusse d'une tonne à une lieue de distance est de 70 centimes, et encore ce prix est-il celui d'un tarif spécial créé en vue du transport de chaux, de minerai et de houille.

Je tiens, messieurs, à faire cette déclaration la Chambre, parce que, après le rapport de l’honorable M. Descamps comme avant, j'ai droit de dire qu'en mettant en regard des tarifs généraux des compagnies de chemins de. fer des pays voisins notre tarif général, en agissant de même pour certains tarifs spéciaux, on aura dans une comparaison d'ensemble faite ainsi d'une manière normale, la preuve que nous avons, en fait de transport de marchandises, un régime dont la libéralité est aussi réelle qu'apparente.

M. Descampsµ. - L'honorable ministre des travaux publics s'est trompé en m'attribuant l'intention d'avoir voulu prouver que les tarifs prussiens règlent à 17 centimes le prix de transport à une lieue, des matières pondéreuses.

J'ai pris, en effet, la précaution d'ajouter en note, qu'il fallait joindra à ce prix, comme frais fixes, la somme de 75 centimes à 1 fr. 50 c. par (page 909) tonne, somme qui constitue les frais d'enregistrement, de déchargement et de port des avis d’arrivée.

Or, il est probable que ces frais fixes, en Prusse, sont inférieurs à un franc, c’est-à-dire qu'ils sont moins élevés que sur les chemins de fer de l'Etat belge, et ce qui me le fait supposer, c'est que, dans certains cas spéciaux, il est vrai, pour le transport de certaines marchandises pondéreuses, telles que le coke, la chaux, le fer brut, le zinc, etc., le prix de transport à une lieue descend en Prusse à 70 centimes pour tous frais tant fixes que variables. A ce propos, j'ajouterai encore que les frais fixes sont plus élevés en Belgique que sur beaucoup d'autres lignes du continent, et qu'il serait très désirable que l'Etat belge songeât à les réduire, surtout s'il veut étendre le trafic à petites distances des matières pondéreuses.

Quant à ce qui concerne les trois premières classes de marchandises, je remarque que si, aux taxes prussiennes, on ajoute le prix de 1 fr. 50 c. indiqué comme taux maximum des taxes lires, on arrive à ce résultat :

Première classe

Transport à 10 lieues. Tarif belge : 6 fr. ; tarif prussien : 5 fr. 50.

Transport à 20 lieues. Tarif belge : 11 fr.. ; tarif prussien : 9 fr. 50.

Transport à 30 lieues. Tarif belge : 16 fr. ; tarif prussien : 13 fr. 50.

Transport à 40 lieues. Tarif belge : 21 c. ; tarif prussien : 17 fr. 50.

Deuxième classe

Transport à 10 lieues. Tarif belge : 5 fr. ; tarif prussien : 4 fr. 15.

Transport à 20 lieues. Tarif belge : 8 fr. ; tarif prussien : 7 fr.

Enfin, des différences analogues se produisent pour la troisième classe. de marchandises.

Messieurs, j'ai dit effectivement, dans mon rapport, que le tarif de l'Etat belge pour le transport des marchandises présente un caractère de libéralité plus apparent que réel.

Je regrette, messieurs, de devoir, malgré les observations de M. le ministre, maintenir mon assertion tout entière ; en effet, messieurs, ce tarif, à bases excessivement décroissantes, suivant la distance, est appliqué, remarquez-le bien, à un réseau sur lequel la moyenne des transports se fait à neuf lieues et un cinquième.

Nous avons prouvé que le trafic de certaines matières les plus pondéreuses atteint la proportion de 80 p. c. du mouvement total à la 20ème lieue et de 97 p. c. la 25ème lieue. Or, il se trouve que, d'après les renseignements fournis par Loisel, c’est vers la 25ème lieue environ que le tarif belge descend en dessous du tarif prussien.

Je sais, messieurs, combien il est difficile et dangereux de comparer entre eux deux tarifs dans lesquels les frais fixes ne sont point indiqués d'une manière exacte ; combien surtout les différences dans le classement des marchandises peuvent apporter de modifications dans les appréciations comparatives ; mais j'ai trouvé une nouvelle preuve de la vérité de ce que j'avais avancé, dans ce fait que les établissements prussiens viennent chercher chez nous, dans la province de Liége, nos minerais de plomb et, si je ne me trompe, nos pyrites, que nos usines des bords de la Meuse et de la Sambre ne peuvent traiter à cause de l'élévation des prix de transport par chemin de fer.

Le tarif spécial, appelé « pfenning-tarif », laisse, en effet, aux industriels prussiens un avantage marqué pour le traitement des matières premières qu'ils viennent chercher sur nos frontières mêmes.

Enfin les perturbations apportées dans certaines industries par le relèvement des tarifs au février 1868 ont été telles, que le transport vers Charleroi des minerais de manganèse indispensables à la production de la fonte spéculaire ou acier est devenu du jour au lendemain impossible. Il en a sans doute été de même pour plusieurs autres industries. Je me hâte toutefois d'ajouter qu'en ce qui concerne le transport du manganèse, le département des travaux publics s'est empressé de modifier son tarif dès qu'il lui fut démontré quelles en étaient les conséquences immédiates. Mais les faits que nous venons de rappeler n'ont eu pour but que de prouver que les tarifs des marchandises ne sont pas, dans beaucoup de cas, aussi avantageux à l'industrie qu'ils le paraissent à la première vue.

MtpJµ - Je tenais à rectifier ce qu'avait d'étrange l'une des indications du tableau joint au rapport de l'honorable M. Descamps.

Il mettait en regard du prix moyen de centimes par tonne-lieue indiquée par M. Loisel, le prix de tr, 20c., prix effectif, pour le transport d'une tonne de marchandises à une lieue.

Il est regrettable que, dans un document aussi sérieux qu'un rapport fait à la Chambre, on se livre à des comparaisons établies dans des conditions aussi peu sérieuses.

Il faut, je le répète, comparer les tarifs généraux des différentes administrations entre eux ; il faudrait ensuite examiner les tarifs spéciaux et ne pas confondre les tarifs spéciaux en les comparant aux tarifs généraux. Si l'honorable rapporteur veut bien se livrer à cet examen qui a été fait très souvent, il reconnaîtra que les tarifs généraux de l'Etat belge, comparés aux tarifs généraux des administrations des pays voisins, présentent une grande différence en notre faveur.

M. Descamps, rapporteurµ. - Messieurs, les renseignements publiés par le rapport de la section centrale n'ont point été donnés légèrement ; lorsque, averti par les plaintes de quelques industriels auxquels je faisais allusion tout à l'heure, j'ai voulu comparer le tarif belge au tarif prussien, j'ai trouvé dans ce dernier des données tellement renversantes, des prix tellement bas, comparés à ceux de notre tarif, que je me refusai à les croire : j'allai donc m'enquérir de la vérité dans les bureaux du département des travaux publics ; là on m'affirma qu'on avait bien tous les renseignements relatifs aux parcours des voyageurs, mais qu'on ne possédait point les documents officiels du tarif prussien propres à éclairer cette question du tarif prussien du transport des marchandises, comparé au tarif belge.

M. le ministre vous a dit tout à l'heure que le prix de 17 centimes est un prix moyen calculé pour un parcours très long et qu'il serait facile de soutenir, de la même manière, que l'Etat belge transporte même à 12 centimes par tonne-lieue. Sans doute, si vous prenez en Belgique le prix moyen de transport à 50 lieues, par exempte, vous pourrez peut-être descendre à une moyenne de 12 centimes environ par tonne-lieue, mais on n'a pu établir, dans cette hypothèse, le tableau publié par M. Loisel, et reproduit dans le rapport de la section centrale, puisque que ce tableau indique que ce prix de 17 centimes s'applique également aux transports de 10 lieues.

Du reste, quand, à la faveur de leur tarir réduit, les Prussiens viennent nous enlever nos minerais de plomb rendus inexploitables par nos usines à cause de la taxe élevée des transports par chemin de fer, ce n'est point pour les transporter à 50 lieues, mais bien pour aller les traiter à des distances peu considérables de la frontière.

M. de Theuxµ. - Je demanderai à M. le ministre des travaux publics si le gouvernement a fait des démarches pour faire cesser les différences qui se trouvent entre les tarifs des chemins de fer de l'Etat et ceux des chemins de fer concédés, surtout en ce qui concerne les marchandises. Là, les différences sont énormes. Dans cet état de choses, les conditions industrielles et commerciales, d'une province l'autre, varient extrêmement ; et par conséquent où les tarifs sont le plus élevés, l'industrie et le commerce sont le plus gênés.

Je parle uniquement, en ce moment, des marchandises. Le tarif des voyageurs a bien aussi son importance, mais moins que celui des marchandises.

Je désire savoir de M. le ministre des travaux publics quelles sont les compagnies qui déjà adopté le tarif du gouvernement pour le transport des marchandises. On m'a dit que le Grand-Central est dans ce cas ; je ne sais si c'est pour toutes les lignes. Je voudrais savoir s'il est d'autres compagnies qui ont également accédé au tarif du gouvernement.

MtpJµ. - Il est peu de compagnies qui, jusqu'à présent, aient adopté le tarif des chemins de fer de l'Etat. Le gouvernement est sans force pour agir vis-à-vis de ces sociétés, autrement que par la persuasion de l'exemple. Les compagnies ont, dans leurs cahiers des charges, des limites de taxes dans lesquelles elles ont la liberté absolue de se. mouvoir.

Je n'ai qu'un mot à ajouter en réponse à l'honorable M. Descamps. Je regrette vivement que l'honorable rapporteur ne se soit pas adressé à moi. Je l'aurais mis en garde contre des chiffres qu'il a cités. Je me serais empressé, en outre, de demander en Allemagne les renseignements qui auraient pu lui manquer et que j'eusse mis bien volontiers à sa disposition.

- La discussion est close.

Vote de l’article unique

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'article unique du projet ainsi conçu :

« L'article premier de la loi du 12 avril 1835 (Bulletin officiel, n°196), concernant les péages des chemins de fer de l'Etat, est prorogé jusqu'au 1er juillet 1873. »

Ce projet est adopté à l'unanimité des 90 membres présents.

Ce sont :

MM. de Montblanc, de Naeyer, de Rossius, Descamps, de Theux, Dethuin, de Vrints, de Zerezo de Tejada, Elias, Frère-Orban, Funck. Gerrits, Hagemans, Hayez, Hymans, Jacobs, Janssens, Jamar, Julliot, (page 910) Landeloos, Le Hardy de Beaulieu, Lelievre, Lesoinne, Liénart, Lippens, Magherman, Mascart, Moncheur, Moreau, Mouton, Muller, Mulle de Terschueren. Notelteirs, Orban, Orts, Pirmez, Reynaert, Rogier, Sabatier, Sainctelette, Schmitz, Schollaert, Tesch, Thibaut, Thienpont, T’Serstevens, Van Cromphaut, Alp. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vander Maesen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Merris, Van Wambeke, Vermeire, Verwilghen, Vilain XIIII, Visart, Vleminckx, Warocqué, Wasseige, Watteeu, Wouters, Allard, Ansiau, Anspach, Bara, Beke, Bieswal, Braconier, Bricoult, Broustin, Castilhon, Crombez, David, de Baillet-Latour, de Borchgrave, de Breyne-Dubois, de Brouckere, Declercq, De Fré, de Kerchove de Denterghem, Delcour, d'Elhoungne, de Liedekerke, de Macar, de Maere et Dolez.

Projet de loi approuvant l’acquisition du Jardin botanique de Bruxelles

Discussion générale

M. Hayezµ. - Messieurs, dans la convention intervenue entre le gouvernement et l'administration :communale de Bruxelles, je lis, à l'article 6 :

« Il est entendu que le gouvernement conservera à la propriété une destination publique.

Je trouve les termes de cet article par trop larges ; ils permettent au gouvernement de changer absolument la destination du Jardin Botanique. Il y a toutes sortes de « destinations publiques ».

Puisque l'intention du gouvernement a été que la propriété restât jardin botanique, il me semble qu'on pourrait dire dans la convention que cette destination ne peut pas être changée.

Plusieurs fois déjà on a construit, vis-à-vis des serres du Jardin botanique, des annexes pour les expositions des beaux-arts et je crois que l'on viendra à élever des constructions permanentes pour répondre au reproche, qui a été articulé à plusieurs reprises, de faire toujours du provisoire.

On pourra faire, en adjoignant ces constructions aux serres du Jardin botanique, un bâtiment que l'on croira propre à constituer un palais des beaux-arts ; or, je pense, messieurs, que si l’on entre dans cette voie, on fera du replâtrage et on gâtera le panorama qu'offre aujourd'hui le Jardin botanique.

Pour ajouter au serres des annexes propres à former un palais des beaux-arts, il faut nécessairement abattre les arbres qui font suite aux grandes serres et par conséquent détruire les serres qui se trouvent dans le bas-fond ; de cette manière on changera complètement le panorama. Il faudra élever les constructions d'une manière considérable comme pour un autre bâtiment, en voie d'exécution aujourd'hui, et dont le rez-de-chaussée s'élève d'un côté à environ 60 pieds au-dessus du sol.

La situation du Jardin botanique vers la rue Botanique et la rue Saint-Lazare est précisément la même ; si l'on veut faire quelque chose de convenable pour la façade, il faudra dépenser des sommes considérables rien qu'en fondations.

Aujourd'hui, on demande un million pour l'acquisition de la propriété ; prochainement, on demandera une couple de millions pour faire des annexes aux serres ; ce nouveau crédit sera accordé, mais il sera certainement absorbé pour les fondations seulement.

Si l'on se décide à édifier un véritable palais des beaux-arts, on trouvera un emplacement plus convenable que celui du Jardin botanique, c'est le Palais Ducal.

La démolition de ce bâtiment fournirait des matériaux considérables et de très bonne qualité, et je suis convaincu qu'en prenant cette mesure, on dépenserait beaucoup moins qu'en faisant une annexe aux serres du Jardin botanique.

Au Palais Ducal on pourra faire un monument, tandis qu'au Jardin botanique on ne fera jamais que du replâtrage.

Je demande donc que l'on ajoute à l'article 6 une disposition qui lie entièrement les mains du gouvernement.

M. Anspachµ. - Messieurs, je pense que l'honorable membre qui vient de se rasseoir a entretenu la Chambre d'une question dont elle n'est pas saisie. Il ne s'agit pas le moins du monde de savoir le gouvernement créera un palais des beaux-arts, mais uniquement 'de savoir s'il faut permettre au gouvernement d'acquérir le Jardin botanique.

Je conçois que l'honorable membre ait conçu quelque crainte, s'il pense que la convention permet au gouvernement de détruire le magnifique pano-ama dont la ville de Bruxelles est fière.

La disposition dont il a parlé a également paru susceptible de critique an sein du conseil communal, et des observations ont été adressées, à cet égard, à M. le ministre de l'intérieur.

L'honorable ministre a répondu par une lettré qui a donné toute satisfaction à la section centrale qui a été reproduite dans le rapport de l'honorable M. Dumortier.

Le gouvernement y prend l'engagement exprès de ne jamais nuire au magnifique panorama du Jardin botanique.

Il y a donc là une promesse qui lie non seulement le ministère actuel, mais encore ses successeurs.

Discuter devant la Chambre si des constructions qui pourraient élevées dans le Jardin botanique ne changeraient pas le panorama et la destination du jardin, c'est discuter dans le vide, parce qu'il faudrait, pour se prononcer sur une pareille question, avoir sous les yeux les plans des constructions projetées.

L'honorable membre peut être tranquille. L'administration communale, pas plus que M. le ministre de l'intérieur, ne permettra que rien dans l'avenir vienne altérer l'aspect monumental du Jardin botanique.

Je crois que sous ce rapport la discussion qu'il provoque serait prématurée et que la Chambre a reçu du gouvernement toutes les satisfactions nécessaires pour qu'elle puisse voter le projet de loi.

MiPµ. - Messieurs, la proposition de l'honorable M. Hayez est certainement la plus étrange que l'on puisse imaginer.

Je ne m'explique pas même qu'il ait songé la faire à la Chambre.

L’Etat achète à une société particulière un immeuble moyennant un prix qui lui est incontestablement avantageux. Il s'agit de l'acquisition de 5 hectares de terrain dans la plus belle partie de la capitale, pour un million de francs.

L'honorable membre ne critique qu'une chose, c'est que l'Etat n'ait pas pris vis-à-vis de la société, du vendeur, certains engagements qui le lient.

Ainsi M. Hayez, qui représente ici la nation, considérerait comme une garantie de la conservation d'un monument public à Bruxelles, un engagemcnt pris par la législature vis-à-vis d'un particulier.

Quelque avantageux que soit le marché, le fût-il dix fois plus qu'il ne l'est, je le repousserais de toutes mes forces s'il fallait accepter des conditions constituant une position aussi humiliante à l'Etat.

De quoi s'agit-il ? Nous achetons le Jardin Botanique pour l'Etat ; or, il me semble que cette propriété ne peut être confiée à des mains qui offrent plus de garanties au point de vue du respect dû à la splendeur de la capitale, que celles de la représentation nationale.

Mais on semble croire que le gouvernement médite contre ce monument les projets les plus noirs, les plus ténébreux ; que le ministre de l'intérieur, notamment, ne peut avoir d'autre pensée que d'attacher son nom à la destruction d'un monument public. Mais, messieurs, le ministre ne peut rien ; je ne pourrais toucher à ce monument sans demander à la législature les fonds nécessaires.

Supposerait-on que j'aie l'intention de faire faire des travaux de mes propres deniers ? Je puis donner la certitude à la Chambre qu'il n'en est rien.

M. Rogierµ. - Et encore !

MiPµ. - Et encore, le faisant, Je m'exposerais à devoir rétablir, toujours à mes frais, à devoir rétablir ce que j'aurais détruit.

Vous voyez, messieurs, qu'il n'y a aucun danger à craindre cet égard. Le conseil communal de Bruxelles m'a demandé ce que je comptais faire ; j'ai répondu que je n'aurais garde de détruire le panorama et que je consacrerais à cette propriété une destination publique. Suppose-t-on que Je vais diviser la propriété pour en faire des terrains à bâtir ?

M. Hayez discute les différents projets qui peuvent être présentés ; il m'est impossible de le suivre ici sur ce terrain. Tout ce que je puis dire, c'est que nous chercherons à tirer du Jardin botanique le meilleur parti possible, que l'on examinera si l'on peut y établir un beau monument, salle de festival ou d'exposition. Mais je n'ai pu mettre la question à l'étude, parce qu'il ne m'appartient pas de disposer d'une chose qui n'appartient pas encore à l'Etat.

L'assurance que je. puis donner à la Chambre, c'est que nous nous attacherons à répondre pour le mieux à ce qui est dans les désirs de tout le monde, c'est-à-dire à donner au Jardin Botanique une destination digne du pays.

M. Dumortier, rapporteur. - L'honorable M. Hayez n'aurait pas présenté son observation s'il avait compris qu'il n'appartient pas à la Chambre de modifier une convention passée avec des particuliers.

La proposition de l'honorable membre aurait donc pour résultat de remettre en question tout ce qui a été fait avec tant de difficultés. (Interruption.)

L'acquisition du Jardin botanique présentait des difficultés parce qu'elle devait être votée par les deux tiers des membres de la société, représentant les deux tiers des actions ; or, toutes les personnes qui connaissent (page 911) le mécanisme des sociétés savent combien il est difficile d’arriver à la dissolution de la société.

Il y avait une opposition forte, basée sur la crainte exprimée par H. Hayez, qu'on ne détruisît le panorama que présente le Jardin botanique. Une première réunion n'a pas abouti, des explications ont été demandées : la ville de Bruxelles en a donné ; M. le ministre de l'intérieur, de son côté, à qui je me plais à rendre hommage dans cette circonstance et qui va attacher son nom à une des plus belles créations de la capitale, M. le ministre de l'intérieur, de son côté, a donné des explications satisfaisantes.

Eh bien, messieurs, malgré ces explications, le Jardin botanique n'a été cédé qu'à 6 voix de majorité sur 300 votants. Dans ces conditions, je demande s'il est prudent de remettre en question l'acquisition da Jardin botanique.

Vous avez fait un marché admirable ; la propriété a été cédée par une stipulation. L'Etat achète aujourd'hui pour un million une propriété qui en rapporterait cinq si elle était vendue. Cette propriété se trouve au centre de la capitale.

Or, messieurs, quelle est aujourd'hui la situation de l'Etat ? Excepté les palais et les hôtels de ministères, l'Etat ne possède aucun local dans la capitale.

L'Etat avait un intérêt réel à posséder un local : ce local, il le trouve, et, selon moi, il a parfaitement raison d'en faire l'acquisition.

Maintenant, messieurs. il est évident qu'on conservera au Jardin botanique la destination qu'il a aujourd'hui.

Sous ce rapport, j'ai pleine confiance dans l'assurance qui nous a été donnée par l'honorable ministre de l'intérieur et je lui adresse mes remerciements. D'ailleurs, le Jardin botanique ayant une contenance de plus de 5 hectares, on peut y trouver l'emplacement nécessaire aux constructons dont on a parlé sans rien détruire.

De plus, messieurs, aucun changement ne pourra être fait sans qu'il en résulte une certaine dépense et toute dépense de l'Etat nécessitant un vote de la Chambre, la Chambre sera là pour maintenir la destination actuelle du Jardin botanique si, ce que je ne pense pas, on venait lui proposer de réduire l'importance que ce jardin a pour la capitale et pour le pays.

Je crois que ce qui a engagé M. Hayez à parler, c'est qu'un de ses parents a vendu, dans le temps, ce magnifique établissement pour une somme très peu considérable. C'est évidemment là un grand sacrifice qui a arit, mais je pense que maintenant que nous sommes plus éclairés, nous pouvons parfaitement voter le projet de loi qui nous est soumis.

- Voix nombreuses. - Aux voix !

M. Hayezµ. - Je ne répondrai pas à ce que M. le ministre de l'intérieur vient de dire parce que si, comme il l'a déclaré, il ne peut comprendre mes observations, je ne l’ai pas moi-même compris davantage, quelque spirituelles qu'aient pu avoir été ses paroles, qui n’arrive pas jusqu'à nous, parce que M. le ministre se tourne toujours vers ses amis.

Les explications qui viennent d'être données par mes honorables collègues MM. Dumortier et Anspach sont, du reste, de nature à dissiper mes craintes. J’ai foi dans la parole de l'honorable ministre, mais je dois faire observer que les ministres se suivent et ne se ressemblent pas toujours.

A cette occasion, je citerai un exemple de l'instabilité de pareils contrats. On a acheté le musée Wiertz sous certaines conditions, et cependant ces conditions ont été changées ; il ne serait donc pas étonnant qu'on modifiât aussi les conditions auxquelles se fait la vente du Jardin botanique, et c'est précisément pour ce motif que j'aurais voulu trouver une condition expresse stipulée dans la convention.

Les explications qui viennent d’être données par l'honorable M. Dumortier et par l'honorable bourgmestre de Bruxelles me suffisent. J'ai atteint, je l'espère, le but que je me proposais.

On a dit que nous n'avons pas à nous occuper des conventions intervenues entre le gouvernement et la ville de Bruxelles.

Je ferai observer, cet égard, que le vote doit dépendre en partie de ces conventions et que par conséquent nous ne pouvons y rester indifférents.

- La discussion générale est close.

Discussion des articles

Articles 1 à 6

On passe aux articles :

« Art. 1er. Le gouvernement est autorisé à acquérir le terrain et les bâtiments qui constituent le Jardin botanique de Bruxelles, aux conditions de la convention conclue, le 23 janvier 1870, entre le conseil d'administration de Société royale d’horticulture, le bourgmestre de Bruxelles et le ministre de l'intérieur. »

- Adopté.


« Art. 2. Le gouvernement est autorisé à payer immédiatement le prix stipulé dans la convention précitée et émettre, au pair, des obligations de la dette 4 1/2 p. c., sixième série, jusqu'à concurrence d'un capital nominal de 1,000,000 de francs. »

- Adopté.


« Art. 3. Des crédits supplémentaires sont ouverts aux budgets de la dette publique de 1870 et 1871, pour intérêts et amortissement du capital susmentionné de 1,000,000 de francs, saloir pour 1870 25,000 fr. et pour 1871 50,000 fr.’

- Adopté.


« Art. 4. Il est alloué au département de l'intérieur un crédit de 25,000 francs pour frais relatifs à l'acquisition de la propriété, travaux d'entretien tant du jardin que des bâtiments, rétribution du personnel, etc.

« Ce crédit formera l'article 136 du budget de l'intérieur de 1870. »

- Adopté.


« Art. 5. Les produits du jardin et des serres pourront être vendus et utilisés dans l'intérêt de l'établissement, conformément des règles de comptabilité et de contrôle arrêtées de commun accord entre le département des finances et celui de l'intérieur. »

- Adopté.


« Art. 6 (nouveau). Les crédits mentionnés aux articles 3 et 4 seront couverts au moyen des ressources ordinaires. »

- Adopté.


La Chambre, consultée, décide qu'elle procédera, séance tenante, au vote définitif.

L'article 6 est mis de nouveau aux voix et définitivement adopté.

Vote sur l’ensemble

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi, qui est adopté à l'unanimité des 93 membres présents.

Il sera transmis au Sénat.

Ont voté :

MM. de Montblanc, da Naeyer, de Rongé, de Rossius, Descamps, de Theux, Dethuin, de Vrints, Dewandre, de Zerezo de Tejada, d'Hane-Steenhuyse, Dumortier, Frère-Orban, Funck, Gerrits, Hagemans, Hayez, Hymans, Jacobs, Janssens, Jacquemyns, Jamar, Julliot, Landeloos. Le Hardy de Beaulieu, Lelièvre, Lesoinne, Lienart, Lippens, Magherman, Mascart, Moncheur, Moreau, Mouton, Muller, Mulle de Terschueren, Notelteirs, Orban, Orts, Reynaert, Rogier, Sabatier. Sainctelette, Schmitz, Schollaert, Tesch, Thibaut, Thienpont, T'Serstevens, Van Cromphaut, Alphonse Vandenpeereboom, Ernest Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vander Maesen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Merris, Van Wambeke, Vermeire, Verwilghen, Vilain XIIII, Visart, Vleminckx, Warocqué, Wasseige, Watteeu, Wouters, Allard, Ansiau, Anspach, Cara, Beke, Bieswal, Braconier, Bricoult, Broustin, Castilhon, Coremans, Crombez, David, de Baillet-Latour, de Borchgrave, de Breyne-Dubois, de Brouckere, Declercq ; De Fré, de Kerchove de Denterghem, Delcour, d'Elhoungne, de Liedekerke, de Macar, de Maere et Dolez.

Projet de loi érigeant la commune de Flénuq

Discussion des aricles

Articles 1 à 3

Personne ne demandant la parole dans la discussion générale, la Chambre passe la délibération sur les articles.

« Art. 1er. Le hameau de Flénu est séparé de la commune de Jemmapes, province de Hainaut, et érigé en commune distincte sous le nom de Fléau.

« La limite séparative est tracée sur le terrain, conformément au plan annexé à la présente loi, à partir de la commune de Quaregnon :

« 1° Du côté de Jemmapes, par les parcelles cadastrées section B, n°1167b, 1165, 1171, 1172, 1182, 1183, 1216, traversant le sentier des Mal-Peignés, 1215z, 1214e, traversant le pavé dit du Fléau, 1233, 1245b, 1250, 1245 ; la rue des Trois-Hurées, 1282n, 1281, 1280, 1279, 1300, où elle traverse le train d'herse de l'Argillière, 1307b, 1318e, 1310, 1311c, coupant la rue des Croix, 1326a, où elle traverse le train d'herse du Moulin, 1335l, passant le chemin de fer industriel, dit : du Plan incliné, 1335n, 1365, 1354, 1368, 1372-2, aboutissant ainsi au territoire de Cuesmes ;

« 2° Du coté de Flénu, par les parcelles cadastrées section B, n°1168, 1169, 1170, 1173b, 1173a, 1179, 1181, 1217 traversant le sentier des Mal-Peignés, 1225a, traversant le pavé dit : du Flénu, 1232a, 1232b, 1232c, 1246,1248b, 1249b 1251b 1252, passant le chemin des Trois-Hurées, 1276, 1278, 1301, où elle coupe le train d'herse de l’Argillière, 1305d, 1309, 1333p3/bis, 1333p2/bis, 333o2/bis, traversant le chemin de fer industriel dit : du Plan incliné, 1334d, 1368e/4, 1368o3.4, 1368o3/4 et 1370a, aboutissant à la commune de Cuesmes. »

- Adopté.


(page 912) « Art. 2. Il y a renonciation, de part et d'autre, à toutes prétentions du chef des édifices communaux situés dans chacune des fractions séparées. »

- Adopté.


« Art. 3. Le cens électoral et le nombre des conseillers à élire dans ces communes seront déterminés par l'arrêté royal fixant le chiffre de leur population.

- Adopté.

Vote sur l’ensemble

Il est voté par appel nominal sur l’ensemble du projet, qui est adopté à l'unanimité des 88 membres présents.

Ce sont :

MM. de Montblanc, de Naeyer, de Rongé, de Rossius, Descamps, de Theux, Dethuin, de Vrints, Dewandre, d'Hane-Steenhuyse, Dumortier, Frère-Orban, Funck, Gerrits, Hagemans, Hayez, Hymans, Jacobs, Janssens, Jacquemyns, Jamar, Julliot, Landeloos, Lelièvre, Lesoinne, Liénart, Lippens, Magherman, Mascart, Moncheur, Moreau, Mouton, Muller, Mulle de Terschueren. Notelteirs, Orban, Orts, Reynaert, Rogier, Sabatier, Sainctelette, Schmitz, Schollaert, Tesch, Thibaut, Thienpont, T’Serstevens, Van Cromphaut, Alphonse Vandenpeereboom, Ernest Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vander Maesen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Wambeke, Vermeire, Verwilghen, Vilain XIIII, Visart, Vleminckx, Warocqué, Wasseige, Watteeu, Wouters, Allard, Ansiau, Anspach, Bara, Beke, Braconier, Bricoult, Broustin, Castilhon, Coremans, Crombez, David, de Baillet-Latour, de Borchgrave, de Breyne-Dubois, de Brouckere, De Fré, de Kerchove de Denterghem, Delcour, d'Elhoungne, de Macar, de Maere et Dolez.

Projet de loi allouant un crédit au budget du ministère de l’intérieur

Discussion générale

M. le président. - La commission conclut à l'adoption du projet en proposant une disposition additionnelle qui formerait l'article 2 et qui serait ainsi conçue :

« Ce crédit sera couvert au moyen des ressources ordinaires de l'exercice 1871. »

Le gouvernement se rallie-t il à cette proposition ?

MfFOµ. - Oui, M. le président.

M. Vermeireµ. - Messieurs, je ne viens pas m'opposer au crédit demandé en faveur de l'exposition internationale, dont cependant je ne comprends pas très bien le but ; si c'est une exposition permanente en ce sens que celle-ci doit se renouveler, soit tous les ans, soit tous les deux ans, soit à des époques indéterminées.

Maintenant il faut encore remarquer que les produits qui peuvent être exposés sont en très petit nombre ; c'est plutôt une exposition des beaux-arts qu'une exposition de l'industrie proprement dite.

C'est ainsi que la ville de Saint-Nicolas, qui a toujours figuré avec tant d'honneur dans les expositions, ne sera pas admise, je pense, à cette exposition spéciale. je pense qu’aucun industriel de Saint-Nicolas ne pourra figurer à cette exposition, quoique cependant cette ville, ainsi que plusieurs autres villes des Flandres, pourraient très bien y trouver une place honorable.

Maintenant, messiers, il y a encore quelque chose dans le projet de loi qui ne me plaît pas trop, c'est que le crédit de 100,000 francs me paraît être trop élevé ou trop restreint. Il y a là un manque de franchise : ainsi dans une annexe jointe au projet de loi, M. le président du comité s'exprime ainsi :

« Nous avons pensé que nous étions tenus de vous soumettre un budget aussi réduit que possible, et c'est sous l'empire de cette préoccupation que nous nous sommes attachés à vous proposer les évaluations les plus modiques.

« Il nous est, toutefois, permis d'espérer, M. le ministre, que si ces évaluations étaient dépassées dans nos dépenses, nous serions autorisés à faire un nouvel appel à la bienveillance du gouvernement et de la législature. On comprend, en effet, que nous n'avons pu établir que des données très approximatives, et que, d'un autre côté, il faut faire la part d'éventualités qui pourraient se produire d'une manière inattendue. »

Or, messieurs, si nous consultons ce qui s'est toujours passé en pareille circonstance, nous voyons que l'on commence toujours par demander des sommes peu importantes, mais lorsqu'il faut rendre le compte définitif, il s’est toujours trouvé qu'il y avait des insuffisances très considérables.

Pour ma part, j'aurais préféré que l'on nous eût présenté un budget qui se serait rapproché autant que possible de la vérité des faits, mais, quand déjà le président de la commission vient dire à M. le ministre de l'intérieur qu'il compte sur la bienveillance de la Chambre et du gouvernement en cas d’insuffisance de crédit, il me semble impossible de voter le projet de loi.

Puisqu'il s'agit d’une exposition permanente, il eût mieux valu agir comme on l’a fait dans d'autres pays.

Ceux qui veulent exposer et réaliser leurs produits au moyen de l'exposition pourraient bien en faire les frais.

Je remarque dans l'exposé des motifs cette considération que les industriels belges n'exposeraient pas si le gouvernement n'en faisait pas les frais, c'est-à-dire, ne se chargeait pas du transport, du placement et de la surveillance en leur lieu et place. Comme ce sont les industriels qui doivent récolter les bénéfices de l'exposition, il me semble qu'ils devraient bien en faire les frais.

Je considère même comme une insulte au commerce et à l'industrie belges que de supposer qu'ils ne comprennent pas suffisamment leurs intérêts pour se rendre compte de l'importance d'une exposition permanente, et de l'utilité qu'il y a pour eux d'en faire les frais.

Ces motifs, messieurs, me détermineront à voter contre le projet de loi.

M. Hymans. - Messieurs, je voterai également contre le crédit qui nous est demandé ; voici pour quel motif.

Il ne s'agit pas ici d'une exposition extraordinaire, d'un grand concours international comme les expositions de Londres et de Paris ; et si un crédit nous était demandé pour une exposition de ce genre, je ne sais pas si le voterais encore, car l'opinion s'est considérablement modifiée, depuis quelque temps, sur l'utilité de ces expositions qui ne sont que d'immenses bazars et de grands concours de vanité.

Il s'agit ici d'une exposition permanente, où l’on n’admettra, l'année prochaine, qu'une certaine catégorie de produits, l'année suivante une autre catégorie et ainsi de suite les années subséquentes.

En votant aujourd'hui le crédit qui vous est demandé et qui, j'en suis convaincu, sera notablement dépassé, vous allez décider, en principe, l'intervention permanente du gouvernement dans les expositions annuelles qui se feront dorénavant à Londres.

C'est une nouvelle charge ordinaire dont vous voterez l'inscription au budget de l'intérieur et qui pourrait être plus utilement consacrée à l'instruction publique.

Je ferai observer à la Chambre qu'il y a tous les ans, dans les pays étrangers, des expositions de beaux-arts où les artistes envoient leurs œuvres.

Le plus souvent, le gouvernement prend à sa charge les frais de transport, mais là tout au moins doit se borner son intervention.

Je me rallie complètement, à cet égard, à l'observation faite par l'honorable M. Vermeire.

Si les expositions sont réellement utiles, aujourd'hui qu'elles sont entrées dans les mœurs depuis vingt ans, nos industriels doivent en comprendre assez les avantages pour y participer sans que le gouvernement les y pousse.

C'est ici plus que jamais le cas de s'en rapporter à l'initiative privée.

MiPµ. - Messieurs, l'honorable M. Hymans se trompe complètement s'il croit que le crédit que nous demandons aujourd'hui doit se renouveler pour les différentes expositions qui se succéderont en Angleterre. Dans l'exposé des motifs, j'ai déclaré précisément le contraire.

La série d'expositions internationales projetées débute par les œuvres d'art qui en seront la partie principale, c'est-à-dire par une branche de l'activité humaine qui est une des gloires de notre pays.

Le gouvernement anglais a pris les expositions sous son patronage. Nous avons cru ne pas devoir refuser notre concours à cette œuvre et nous proposons d'accorder l'intervention de l'Etat quant à la première exposition ; mais nous ne sommes pas allés plus loin.

On examinera ultérieurement s’il y a lieu de continuer à intervenir. Je fais, à cet égard, toutes mes réserves ; le gouvernement a ouvert la voie ; il était prudent et utile, je pense, qu'il donnât la première impulsion ; mais plus tard, les intéressés pourront avoir à se tirer seuls d'affaire ; le concours du gouvernement ne doit pas être permanent.

M. Vermeire me dit : Vous demandez trop ou trop peu.

Voici ce qui s'est passé : la commission chargée de l'exposition avait désiré disposer d'un crédit plus considérable. - c'est la loi commune - Mais j'ai insisté pour la réduction da chiffre à 100,000 francs, que la commission a inscrit à son budget et que je demande aujourd'hui la Chambre.

On m'a demandé, à la vérité, si, dans le cas où le crédit serait dépassé, le gouvernement liquiderait toutes les dépenses ; mais je n'ai pris aucun engagement, je n'ai rien décidé cet égard et j'ajouterai même que je n'ai pas du tout l'intention d’autoriser la commission à dépasser son budget. (page 913) (Interruption.) Je ne puis pas m’empêcher de déclarer qu’elle voudrait avoir plus d'argent que je n'en demande.

Je serais charmé de savoir ce que M. Vermeire m'aurait conseillé. Si j’avais accordé tout l'argent qu'on me demandait, il m’aurait blâmé plus fortement encore. Je déclare de nouveau que je n'ai pas le moins du monde l'intention d'autoriser la commission à dépasser son crédit.

M. Hymans. - Et si elle le dépasse ?

MiPµ. - La Chambre verra alors ce qu'elle a faire ; quant à moi, je serais tout disposé à laisser à la commission la responsabilité de ses actes.

Voilà la situation ; je crois qu'elle est bien simple et qu'au lieu de me faire des reproches, l'honorable M. Vermeire aurait été plus conséquent avec ses propres idées en déclarant que j'avais sagement fait en limitant le crédit.

M. Vermeireµ. - Je ne crois pas avoir été en contradiction avec moi- même en disant que le gouvernement demandait trop ou trop peu.

Le gouvernement demande trop pour l’exposition dont il est question dans le projet ; il demande trop peu pour une grande exposition. L'exposition dont il s agit n'a pas assez d'importance pour que le gouvernement intervienne ; ceux qui y participeront le feront sans nul doute parce qu'ils y voient leur intérêt ; ils peuvent donc en payer les frais.

- La discussion générale est close.

Discussion des articles

Articles 1 et 2

« Art. 1er. Il est ouvert, au département de l'intérieur, un crédit spécial de cent mille francs (fr. 100,000), applicable aux dépenses résultant de la participation des artistes, industriels et horticulteurs, à l'exposition internationale qui doit avoir lieu à Londres en 1871. »

- Adopté.


« Art. 2 (nouveau). Ce crédit sera couvert au moyen des ressources ordinaires de l'exercice 1871. »

- Adopté.

Vote sur l’ensemble

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet.

88 membres y prennent part.

55 répondent oui.

33 répondent non.

En conséquence, le projet de loi est adopté.

Il sera transmis au Sénat.

Ont répondu oui : MM. de Montblanc, de Rongé, de Rossius, Descamps, Dethuin, de Vrints, Dewandre, d'Hane-Steenhuyse, Dumortier, Elias, Frère-Orban, Funck, Hagemans, Jacquemyns, Jamar, Julliot, Lelievre, Lesoinne. Lippens, Moreau, Mouton. Millier, Orban, Pirmez, Rogier, Sabatier, Sainctelette, Tesch, T'Serstevens, Alphonse Vandenpeereboom, Ernest Vandenpeereboom, Vanderstichelen Van Humbeeck, Van Iseghem, Watteeu, Allard, Anspach, Bara, Beke, Braconier, Castilhon, Couvreur, Crombez, David, . de Baillet-Latour, de Borchgrave. de Beyne-Dubois, de Brouckere, De Fré, de Kerchove de Denterghem, de Lexhy, d'Elhoungne, de Macar, de Maere et Dolez.

Ont répondu non :

MM. de Naeyer, Gerrits, Hayez, Hymans, Jacobs, Janssens, Landeloos, Le Hardy de Beaulieu, Magherman, Mascart, Moncheur, Mulle de Terschueren, Notelteirs, Orts, Reynaert, Schmitz, Schollaert, Thibaut, Thienpont, Van Cromphaut, Vander Donckt, Vander Maesen, Van Wambeke, Wasseige, Bricoult, Broustin et Coremans.

Interpellation

M. d’Hane-Steenhuyseµ. - Messieurs, j'ai. demandé la parole, profitant de la présence de M. le ministre des affaires étrangères, pour lui adresser une interpellation.

Au mois de novembre dernier, j'ai fait rapport à la Chambre sur une pétition signée par des habitants des deux rives de l'Escaut et demandant la régularisation du service des bateaux à vapeur de passage entre Anvers et la Tête de Flandre. La Chambre a demandé, à cette époque, à M. le ministre des affaires étrangères de vouloir bien lui donner des explications ce sujet.

Je viens donc aujourd'hui prier M. le ministre de nous faire connaître quelles sont les mesures qu'il a cru devoir prendre jusqu'à présent dans l'intérêt des pétitionnaires.

MaeVSµ. - Messieurs, la Chambre se rappelle, en effet, que l'honorable M. d’Hane-Steenhuyse s'est rendu l'organe de certaines réclamations au sujet de l'insuffisance du service de passage d'eau à Anvers. Ces réclamations, messieurs, ont fait l’objet, de ma part, d'une enquête attentive et ont été reconnues fondées.

Le vice de l’organisation provient de ce que l'Etat subvient à la fois au passage public et au passage des voyageurs arrivant de la ligne du pays de Waes.

J'ai signalé cet état de choses à la compagnie, en l'invitant à m'adresser des propositions ayant pour objet de mettre un terme à des abus que je considérais comme flagrants.

La compagnie m’a en effet adressé des propositions, mais je les ai jugées tout à fait insuffisantes.

J’ai, en conséquence, dénoncé la convention qui lie l'Etat à la compagnie. L'Etat rentrera donc dans toute sa liberté.

Cette liberté lui permettra de donner au public un service complètement satisfaisant.

J'ai fait ce que j'ai pu ; malheureusement ce que j'ai fait n'opère que dans un délai de vingt jours.

- L'incident est clos.

Projet de loi portant le budget des dotations de l’exercice 1871

Discussion du tableau des crédits

Chapitre III. Chambre des représentants

Article 4

M. le président. - Nous avons à nous occuper maintenant du budget de la Chambre et du budget des dotations pour l'exercice 1871. D'ordinaire, la Chambre discute son budget en comité secret, mais je crois qu'il est parfaitement inutile qu'il en soit ainsi pour le budget de 1871, attendu que ce budget n'est que la reproduction exacte de celui de 1870, sauf deux modifications ; l'une consiste à augmenter le crédit du littera C d'une somme de 3,500 francs, destinée au traitement d'un septième sténographe ; l'autre, augmenter le crédit du littera D (traitement des employés) d'une somme de 325 francs.

Je propose donc à la Chambre de voter son budget pour {871 en séance publique. (Adhésion.)

La question de de la sténographie sera réservée pour l'an prochain.

Personne ne demandant la parole dans la discussion générale, on passe aux divers litteras.

« A. Indemnité des représentants : fr. 470,000. »

- Adopté.

« B. Traitement du greffier : fr. 7,000. »

- Adopté.

« C. Traitements des sténographes : fr. 35,500. »

- Adopté.

« D. Traitements des employés : fr. 42,525. »

- Adopté.

« E. Salaire des gens de peine : fr. 3,847 25. »

- Adopté.

« F. Achat de livres et de documents utiles aux de Chambre : fr. 5,000. »

- Adopté.

« G. Impressions pour le service de la Chambre : fr. 37,000. »

- Adopté.

« H. Fournitures de bureau, chauffage, éclairage, ameublement, entretien des bâtiments, reliures, menues dépenses : fr. 40,000. »

- Adopté.


« I. Crédit spécial pour la confection d'un travail de traduction et d'analyse de documents parlementaires des pays étrangers : fr. 5,000.

« (Les crédits qui resteront disponibles à la fin de l'exercice pourront être transférés d'un littéra l'autre de l'article unique du budget ; la questure rendra compte des transferts à la commission de comptabilité.) »

- Adopté.


M. le président. L'ensemble du budget de la Chambre, tel qu'il vient d'être voté, au chiffre de 645,872 fr. 25 c. forme l'article 4 du budget des dotations pour l'exercice 1871.

- Cet article est mis aux voix et adopté dans les termes suivants :

« Art. 4. Chambre des représentants : fr. 645,872 25. »

Tous les autres articles du budget des dotations ont été votés dans une séance précédente.

Vote sur l’ensemble

La Chambre passe au vote, par appel nominal, sur le dispositif du budget, qui est ainsi conçu :

« Article unique. Le budget des dotations est fixé, pour l'exercice 1871, à la somme de 4,394, 722 fr. 25 c., conformément au tableau ci-annexé. »

Voici le résultat de l'appel nominal :

84 membres sont présents.

Tous répondent oui.

En conséquence le projet de budget des dotations pour l'exercice est adopté.

Etaient présents :

MM. de Montblanc, de Naeyer, de Rossius, Descamps, Dethuin, de Vrints, Dewandre, Dumortier, Elias, Frère-Orban, Funck, Gerrits. Hagemans. Hayez, Hymans, Jacobs, Janssens. Jamar, Julliot, Landeloos, Le Hardy de Beaulieu, Lelievre, Lesoinne, Lippens, Magherman, Mascart, Moncheur. Moreau. Mouton, Muller, Mulle de Terschueren, Notelteirs, Orban, Orts, Pirmez, Reynaert, Rogier, Sabatier, Sainctelette, Schmitz, Schollaert, Tesch, Thienpont, T'Serstevens, Van Cromphaut, Alp. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vander Maesen, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Wambeke, Vermeire, Verwilghen, Vilain XIIII, Visart, Vleminckx, Warocqué, Wasseige, Watteeu, Allard, Anspach, Bara, Beke, Braconier, Bricoult, Broustin, Castilhon, Coremans, Couvreur, Crombez, David, de Baillet-Latour, de Borchgrave, de Breyne-Dubois. de Brouckere, De Fré, de Kerchove de Denterghem, Delcour, de Lexhy, d'Elhoungne, de Macar, de Maere et Dolez.

Projet de loi accordant diverses concessions ferroviaires

Discussion générale

M. le président. - La discussion générale est ouverte.

M. Lelièvreµ. - Je donne avec satisfaction mon assentiment au projet de loi, mais je dois signaler M. le ministre des travaux publics la nécessité de prendre, pour point de départ du chemin de fer vers la Meuse, la commune de Gembloux.

On comprend l'importance de raccorder la voie ferrée à construire avec les divers chemins de fer qui aboutissent à Gembloux.

D'autre part, les communes intermédiaires entre cette dernière ville et Tamines ou Auvelais sont actuellement privées du bienfait des voies ferrées. Il y existe des carrières nombreuses et d'autres industries sans débouchés.

Il est donc indispensable de doter ces localités de voies de communication qui sont nécessaires à leur prospérité.

Du reste, c'est dans cet ordre d'idées que le tracé primitif avait été adopté.

Je prie donc le gouvernement de faire étudier cette importante question et de la résoudre d'après les intérêts généraux et les principes de justice et d'équité. D'ailleurs, le tracé que je défends est celui que réclament des motifs sérieux d'utilité publique.

Sans doute, on ne peut changer la convention existante, mais il est possible, par des négociations ultérieures, de raccorder soit Jemeppe-sur-Sambre, soit Tamines ou Auvelais avec Gembloux, et je ne puis engager M. le ministre des travaux publics à ne rien négliger pour obtenir ce résultat.

M. le président. - La parole est à M. Moncheur.

M. Moncheurµ. - M. le président, je suis prêt parler, mais vu l'impatience de la Chambre de se retirer quelques heures avant la séance du soir, il ne m'est guère possible de prendre la parole en ce moment.

MtpJµ. - Je pense qu'il serait possible de terminer maintenant le vote du projet de loi relatif à des concessions de chemins de fer pour aborder ce soir l'examen du projet de loi approuvant la convention du 25 avril relatif à divers chemins de fer concédés.

M. Moncheurµ. - Je veux bien qu'on procède au vote du projet, que j'admets du reste, mais à la condition que je puisse présenter, à propos du projet de loi approuvant la convention relative à l'exploitation de divers chemins de fer, les observations que je voulais faire sur celui-ci.

M. le président. - Je suis aux ordres de la Chambre. Je la consulte sur le point de savoir si elle veut continuer maintenant.

- La Chambre décide que la séance continue.

M. Moncheurµ. - Messieurs, les populations de la province de Namur ont appris avec beaucoup de plaisir que le chemin de fer de la Sambre la Meuse par Fosses allait être exécuté dans un court délai. Toutefois, il y a une ombre à ce tableau, c’est que ce qui forme la suite et même une partie intégrante de ce chemin de fer, partie qui avait été concédée d'abord, est restée dans l’oubli : je veux parler du chemin de fer de Gembloux à Jemeppe.

Messieurs, douze communes très importantes des cantons de Gembloux et de Fosses se sont adressées à la Chambre pour la prier de comprendre ce tronçon de chemin de fer, dit de la vallée de l'Orneau, dans la convention dont vous êtes saisis.

Il est impossible, j’en conviens, de comprendre, aujourd'hui même, ce tronçon dans la convention qui est soumise à votre examen, puisqu'il s'agit aujourd'hui de l'approuver tout entière on de l'improuver, mais je tiens à faire valoir ici les droits que conservent les populations qui se plaignent, à ce que ce chemin de fer se fasse également et cela le plus tôt possible.

Le chemin de fer de Gembloux à Jemeppe par la vallée de l'Orneau a été décrété par la législature avant celui de Jemeppe vers la Meuse ; son utilité a donc été reconnue avant même celle du chemin de fer qui va se construire : il est infiniment à regretter que le gouvernement n'ait pas pu faire en sorte que ce chemin de fer de Gembloux à Jemeppe fût compris dans la nouvelle concession accordée à la Société générale d'exploitation. J'espère qu'il a fait tout son possible à cet effet.

Quoi qu'il en soit, messieurs, les populations en faveur desquelles la voie ferrée de l'Orneau a été décrétée ne peuvent pas en être privées, et elles ne doivent certes pas perdre l'espoir de le voir construire.

Je prie donc l'honorable ministre des travaux publics de ne pas perdre de vue et les vœux et les intérêts et les droits de ces populations : je l'engage, au contraire, de saisir la première occasion qui se présentera pour faire exécuter le railway dont il s'agit.

Il n'oubliera pas qu'une partie du cautionnement confisqué par le gouvernement est afférente au chemin de fer de Gembloux à Jemeppe.

Une somme de 100,000 francs reste donc dans la caisse de l'Etat pour la construction de cette voie ferrée ; suivant le cahier des charges de la concession, cette somme peut servir à encourager toute société qui serait disposée à l'entreprendre.

Peut-être, il est vrai, le gouvernement sera-t-il amené à demander la restitution de ce cautionnement, mais ce ne peut être que pour autant qu'il se présente un autre concessionnaire pour exécuter la même voie, et en attendant, les populations intéressées ont un droit acquis à cette somme.

J'ai, messieurs, une autre observation importante à vous présenter : Il y entre ce projet, en ce qui touche le chemin de fer de Jemeppe vers la Meuse, et la loi qui a été adoptée en 1865, une différence très considérable et que je ne puis approuver : D'après la loi de 1865, le point de raccordement du chemin de fer de Jemeppe au chemin de fer de Namur à devait se faire soit à Dinant, soit moins en aval de Dinant, tandis que, d'après le projet actuel ; le point de raccordement peut être fixé en amont de Dinant, c'est-à-dire, peut-être non loin de la frontière française.

Eh bien, messieurs, je n'ai trouvé nulle part l'explication ou la justification de ce changement fait à la loi de 1865. Cette modification ne donne à la vérité qu'une faculté au gouvernement, celle d'admettre le point d'arrivée en amont de Dinant, mais l'usage de cette faculté serait tout à fait contraire aux intérêts belges ; car les intérêts belges exigent que le chemin de fer partant de Jemeppe arrive dans la vallée de la Meuse en aval de Dinant, ou au moins à Dinant même.

En effet, messieurs, ce chemin de fer doit desservir surtout les minières et les carrières de l'Entre-Sambre-et-Meuse ; or, les produits doivent être employés par l'industrie belge, non seulement en aval de Dinant, mais même en aval de Namur, donc il serait tout à fait contraire aux intérêts belges que des matières premières à employer au cœur de la Belgique dussent faire un long détour par un point quelconque en amont de Dinant.

Il résulte de là, messieurs, que si le gouvernement était amené à admettre un point d'arrivée en amont de Dinant pour le chemin de fer de Jemeppe à la Meuse, il serait tout à fait indispensable que le gouvernement fit en sorte qu'au moyen d’une bifurcation, l'idée vraie, l'idée adoptée par la législature en 1863, c'est-à-dire l'idée d'aboutir à la Meuse soit à Dinant, soit en aval de Dinant, ne soit pas perdue de vue, mais réalisée.

C'est, du reste, dans le sens de cette même idée que toutes les études du chemin de fer de Jemeppe à la Mense ont été faites par les premiers concessionnaires et ce serait encourir une très grave responsabilité que de s'en départir et d'en adopter une toute contraire.

M. Thibautµ. - Messieurs, je suis que le gouvernement ait trouvé l'occasion de ressusciter le réseau de chemins de fer à construire dans le Luxembourg et dans une partie de la province de Namur, réseau (page 915) qui avait été concédé en 1864 et qui, depuis lors, n’avait pas donné signe.

J'espère et je suis même convaincu que la Société générale d’exploitation sera plus fidèle à remplir ses engagements que ne l'a été la société concessionnaire primitive.

Je voterai donc avec empressement le projet de loi.

J'ai cependant deux observations à présenter : la première concerne l'embranchement partant de la ligne indiquée au projet de loi sous le littera b, c’est--dire de la ligne de la Meuse à Vielsalm et aboutissant à la frontière de France vers Givet.

D'après la convention et le cahier des charges, la société générale d'exploitation aura la faculté d'établir l'embranchement dont il s'agit.

Je demande quel est le sens et la portée de cette faculté.

Je désire savoir s'il faut l'entendre en ce sens, que la société doit, dans le délai fixé par le cahier des charges, pour présenter au gouvernement le plan figuratif du tracé des diverses lignes de chemin de fer, c'est-à-dire dans le délai de six mois, déclarer qu'elle construira ou ne construira pas cet embranchement.

Si la société reste complètement libre, j'aime à croire que le gouvernement se réserve aussi sa complète liberté et le droit de concéder cette même ligne à d'autres demandeurs en concession.

Ce point a une grande importance, parce que d'après mes informations une demande de concession très sérieuse a été remise an gouvernement, antérieurement à la convention qu'il a faite avec la Société générale d'exploitation.

J’engage l'honorable ministre des travaux publics à tenir compte de cette demande de concession.

Je ne veux pas m'étendre sur les raisons d'intérêt public qui recommandent la construction d'une ligne destinée à faire suite à la ligne de l'Ourthe et à lui donner toute l'importance qu'elle doit avoir.

Je me borne à dire qu'elle est vivement désirée et réclamée par les populations de deux cantons importants de l'arrondissement de Dinant, les cantons de Rochefort et de Beauraing.

La seconde observation que j'ai à présenter concerne la demande de concession d'un chemin de fer de Givet à Athus.

Je pense que les concessions comprises dans le projet de loi ne seront considérées par personne comme faisant obstacle à la concession du chemin de fer de Givet à Athus.

Cette ligne, pour laquelle on ne sollicite aucun subside et dont le capital est prêt, doit traverser une partie des provinces de Luxembourg et de Namur qui. si la demande de concession venait à être écartée, devrait craindre d'être à jamais privée d'un chemin de fer. Elle est, d'ailleurs. ardemment désirée par les puissantes exploitations houillères du bassin de Charleroi et par toutes et presque toutes les sociétés métallurgiques qu'il renferme.

J'espère, messieurs, que ces trop courtes considérations suffiront cependant pour empêcher que la demande de concession d'un chemin de fer de Givet à Athus ne soit exposée au dédain et à l'oubli. J'attends sur cette question comme sur la première des explications rassurantes de la part de M. le ministre des travaux publics.

MtpJµ. - Les honorables MM. Lelièvre et Moncheur ont attiré l'attention du gouvernement sur l'intérêt qu'il y aurait pour grand nombre de communes de voir le chemin de fer de Gembloux à Jemeppe se construire.

Il en est, messieurs, de ce chemin de fer comme de celui de Tirlemont à Diest. Nous avons prononcé la déchéance des sociétés concessionnaires. mais sans avoir de demande de la part de concessionnaires nouveaux.

Nous n'avons pas eu l’occasion d'examiner l'utilité du maintien de ces lignes ou s'il n'y a pas lieu de modifier le tracé de la concession qui avait été faite primitivement.

Quant aux modifications dans les indications données pour les tracés de concessions nouvelles dont ont parlé les honorables membres qui ont pris la parole, je puis les rassurer en leur donnant l'assurance que nous nous sommes inspirés de l'esprit des concessions anciennes.

Nous avons modifié seulement des indications trop restrictives, qui gênaient, sans aucune utilité, l'action du gouvernement.

La faculté réservée par convention pour le réseau Forcade, dont a parlé l'honorable M. Thibaut, doit s'entendre d'une manière normale. Il est bien entendu que la nouvelle compagnie n'aura pas le droit de rester indéfiniment dans une indécision fâcheuse pour les intérêts de certaines localités, et que, si le gouvernement était en présence de demandes sérieuses, la compagnie aurait à se prononcer sur l'usage qu'elle veut faire de cette faculté.

Il me reste à traiter un point assez important C'est la demande de M. Thibaut relative à la concession du chemin de fer d'Athus à Givet.

Mon département n'a pas encore fait de cette question une instruction complète, mais je n'hésite pas à déclarer à l'assemblée, comme le l’ai fait dernièrement à une réunion d'industriels qui s'étaient rendus chez moi, que ma première impression est défavorable à la construction de cette ligne.

Je serai amené tout naturellement à donner les raisons qui me rendent peu favorable à cette concession dans la discussion du projet de loi approuvant la convention relative à des chemins de fer concédés.

- La discussion générale est close.

Discussion des articles

Articles 1 à 3

« Art. 1er. Le gouvernement est autorisé à concéder, aux clauses et conditions des conventions en date du 5 mai 1870 et des cahiers des charges y annexés, les chemins de fer qui ont fait l'objet de l'article premier, littera A, de la loi du 31 mai 1863 et de la loi du 1er juillet 1863, savoir :

« Un réseau de chemins de fer se composant :

« A. D'une ligne prenant son origine à la frontière française, près de Bouillon, se dirigeant, par Bastogne, vers Vielsalm et aboutissant à la frontière de Prusse, dans la direction de Saint-Vith ;

« D'un embranchement, partant de cette ligne à un point pris à proximité de Bastogne, pour aboutir à la frontière du grand-duché de Luxembourg, dans la direction de Wiltz ;

« D’un second embranchement, partant également d'un point situé à proximité de Bastogne, pour se joindre, soit à la ligne reprise ci-dessous, sub. littera B, soit la ligne de Marloie à Liège, par la vallée de l'Ourthe ;

« B. D'une ligne prenant son origine au chemin de fer de Namur vers Givet, soit à Dinant, soit à Hastières, soit à un point intermédiaire entre ces deux localités, et aboutissant à la première ligne, à ou près de Vielsalm ;

« C. D’une ligne prenant son origine à celle de Bouillon vers Bastogne, à ou près de Bouillon, et se raccordant à la deuxième ligne énoncée ci-dessus, à près de Rochefort.

« 2° Un chemin de fer prenant son origine sur le chemin de fer de l'Etat, à Tamines , à Auvelais à une station à créer entre Auvelais et Moustier, passant par Fosse et aboutissant au chemin de fer de Namur à Givet. »

- Adopté.


« Art. 2. Le gouvernement est autorisé à concéder, aux clauses et conditions qu'il déterminera :

« 1°Un chemin de fer partant de la station d’Eeckeren du chemin de fer d'Anvers à Rotterdam, passant par ou près de Hoogstraeten, et se dirigeant vers le chemin de fer de Turnhout à Tilbourg, avec embranchement partant d'un point pris à ou proximité de Hoogstraeten et se dirigeant vers la frontière néerlandaise dans la direction de Bréda.

« 2° Un chemin de prenant son origine à Anvers et aboutissant à la frontière néerlandaise, dans la direction de Woensdrecht. »

- Adopté.


« Art. 3. Le gouvernement est autorisé à restituer :

« 1° Le cautionnement de 1 million de francs, qui avait été déposé à titre de garantie de la concession d'un réseau de chemins de fer, à construire dans la province de Luxembourg, octroyée en exécution de la loi du 31 mai 1863, par arrêté royal du 20 mars 1864 ;

« 2° Le cautionnement de 200,000 francs, qui avait été déposé à titre de garantie de la concession d'un chemin de fer de Jemeppe-sur-Sambre au railway concédé de Namur à Givet, octroyée en exécution de la loi du 1er juillet 1865, par arrêté royal du 12 septembre de la même année ;

« 3° Le cautionnement de 100,000 francs qui avait été déposé à titre de garantie de la concession d'un chemin de fer de Houdeng-Goegnies à Jurbise, octroyée en exécution de la loi du 1er juillet 1865 par arrêté royal du 25 du même mois.

- Adopté.

Article 4

« Art. 4. Les restitutions autorisées par l’article 3 ne pourront, toutefois, être effectuées qu'après que de nouvelles concessions définitives de ces divers chemins de fer auront été accordées. »

M. Castilhonµ. - Le projet que nous discutons touche à un très haut degré aux intérêts de mon arrondissement. A ce titre, je demanderai la permission à la Chambre de présenter de courtes observations sur la disposition qui est en moment soumise à notre examen.

Le gouvernement nous demande l'autorisation de restituer les cautionnements déposés à titre de garantie par les sociétés dont on vient de prononcer la déchéance.

Votre commission adhère purement et simplement à cette restitution.

(page 916) Je ne partage pas, messieurs, cette manière de voir : je crois qu'il conviendrait, si pas de confisquer, au moins de retenir le cautionnement jusqu'à l'exécution des obligations contractées par la nouvelle société.

Messieurs, l'octroi d'une concession, lorsque surtout celle-ci comprend toute une combinaison de lignes, comme c'est le cas pour notre province, engage des intérêts trop considérables pour admettre qu'une société puisse en disposer, j'allais dire s'en jouer, sans courir aucun risque.

Et lorsqu'une société, après six années de fluctuations et de tolérance, en arrive à faire aussi complètement défaut que le fait aujourd'hui la société Forcade, je ne crois pas qu'il soit juste et prévoyant de la dégager purement et simplement des obligations de son contrat.

Autrement, messieurs, si la règle est admise qu'en tout état de cause les sociétés peuvent se soustraire aussi facilement à la clause pénale de leurs engagements, je ne vois pas quelle garantie il y aurait, sinon une garantie complètement illusoire.

Et nous devons prévoir cette situation où, de concession en concession et de déchéance en déchéance, on en arrive à remettre indéfiniment l'exécution d'une ligne dont le caractère d'urgence et d'utilité publique n'est nullement contesté.

Je demanderai donc, non pas que le cautionnement soit définitivement acquis à l'Etat, mais qu'il soit tenu en réserve jusqu'à l'exécution des obligations de la nouvelle société.

J'ai l'honneur de déposer un amendement conçu dans ce sens.

M. le président. - Voici, messieurs, l'amendement que M. Castilhon vient de faire parvenir au bureau :

« Art. 4. Les restitutions autorisées par l'article 3 ne pourront, toutefois, être effectuées qu'après que les travaux qui font l'objet des nouvelles concessions seront exécutés. »

- L'amendement est appuyé ; il fait partie de la discussion.

MtpJµ. - Je rappelle à la Chambre que chaque fois qu'une concession nouvelle a été octroyée après le gouvernement avait prononcé la déchéance d'une première concession restée inerte, la Chambre a jugé qu'il était équitable de rembourser le cautionnement qui avait été confisqué par l'arrêté de déchéance. La cause en est simple, c'est que la restitution du cautionnement est loin de rendre la compagnie indemne des pertes qu'elle a subies.

Les études des tracés des lignes à construire, la recherche des moyens financiers occasionnent pour les compagnies des dépenses considérables. La plupart du temps lorsque les compagnies ne peuvent pas remplir leurs engagements, c'est par suite de circonstances indépendantes de leur volonté.

Je suis convaincu pour ma part que, pour ne parler que de la concession Forcade, les personnes qui ont pris l'initiative de cette demande de concession perdront, dans des débours de différentes natures, plus d'un million. (Interruption.)

C'est une grave erreur. Il y a eu des études très complètes, très considérables qui ont d'ailleurs été soumises à mon département, et je n'exagère pas en disant qu'en déboursés de toute nature, la société Forcade perdra certainement plus d'un million de francs. Il y a donc là une situation très sérieuse, un dommage considérable dont la Chambre tiendra compte.

M. Lelièvreµ. - La question de restitution du cautionnement est une question d'équité. Or, lorsque le gouvernement déclare qu'il existe des motifs justifiant cette mesure, il est impossible que la Chambre se montre plus sévère que le gouvernement. Ne perdons pas de vue que telle est la conséquence d'une résiliation qui remet les choses et les parties dans le même état elles se trouvaient avant la convention. Ici non seulement des motifs particuliers n'exigent pas la confiscation du cautionnement ; mais le gouvernement, en qui nous devons avoir confiance, affirme que des raisons d'équité militent en faveur des compagnies. En cet état de choses, il est impossible de décréter des mesures de rigueur qui ne sont pas justifiées et qui ne doivent être prononcées que dans des cas extraordinaires.

M. Castilhonµ. - Je ne veux pas, messieurs, abuser des moments de la Chambre.

L'honorable ministre ne m'a pas compris : je ne demande pas la confiscation, mais seulement la retenue éventuelle du cautionnement. On m'oppose les précédents de la Chambre.

Mais si la tradition s'est établie de faire acte de haute générosité vis-à-vis des sociétés concessionnaires, s'ensuit-il qu’il faudra, dans tons les cas et toujours, en agir de même ? Encor une fois que la devient la stipulation de garantie ?

J’estime qu'il y a des intérêts trop graves et trop sérieux engagés dans l'établissement d'une ligne de chemin de fer pour ne pas tenir la main, dans certains cas et dans une certaine mesure, à la sanction que le gouvernement se réserve pour assurer l'exécution d’une concession. En conséquence. je crois devoir maintenir l'amendement que j’ai eu l'honneur de présenter.

MtpJµ. - Pour ma part, je n'hésiterais pas à me joindre à M. Castilhon si, en ne restituant pas le cautionnement, je pouvais augmenter les garanties d'une construction rapide.

Mais la mesure que nous prendrons vis-à-vis de la société Forcade et de la société de Jemeppe à la Meuse n'aura aucune influence sur la rapidité de l'exécution. L'honorable M. Malou au Sénat, et des membres de cette Chambre avaient le même sentiment, avait si peu de confiance dans la situation fâcheuse où se trouvaient les associés de la compagnie Forcade que lors de la discussion de la loi du 23 février 1869, l'honorable sénateur insistait pour que la restitution du cautionnement eût lieu, sans qu'il y eût une concession nouvelle.

- La discussion sur l'article est close.

L'amendement de M. Castilhon est mis aux voix et n'est pas adopté.

L'article 4 et dernier du projet de loi est ensuite mis aux voix et adopté.

Projet de loi modifiant la loi sur la chasse

Rapport de la section centrale

M. De Lexhy. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre le rapport de la section centrale qui a été chargée d'examiner le projet de loi modifiant la loi sur la chasse.

- Impression, distribution et mise la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi accordant diverses concessions ferroviaires

Vote sur l’ensemble

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi relatif aux concessions de chemins de fer.

M. le président. - La Chambre ayant décidé que la séance serait reprise à 8 heures, il sera procédé au réappel au moment de cette reprise, s'il n'y a pas d'opposition. (Adhésion.)

- La séance est suspendue à cinq heures et demie et reprise huit heures.

Il est procédé au réappel pour le vote sur le projet de loi relatif à la concession de divers chemins de fer.

Ce projet de loi est adopté à l'unanimité des 72 membres qui ont pris part au vote.

Ces membres sont : MM. de Montblanc, de Naeyer, de Rossius, Descamps, de Theux, Dethuin, de Vrints, Dewandre, Elias, Frère-Orban, Funck. Gerrits. Guillery, Hagemans, Hayez, Jacobs, Janssens, Jacquemyns, Jamar, Julliot, Lefebvre, Le Hardy de Beaulieu, Lelièvre, Lesoinne, Lippens. Magherman, Moncheur, Moreau, Mouton, Muller, Notelteirs, Orban, Pirmez, Sabatier, Sainctelette, Schmitz. Thibaut. Thienpont, TSers1evens, Van Cromphaut, Alp. Vandenpeereboom, Ernest Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vander Maesen, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Wambeke, Vermeire, Verwilghen, Wasseige. Watteeu, Wouters. Allard, Anspach, Bara, Beke, Bieswal, Braconier, Bricoult. Broustin, Castiihon, Coremans, Crombez, David, de Breyne-Dub0is, de Brouckere. Declercq, de Kerchove de Denterghem, de Lexhy, d'Elhoungne, de Maere et Dolez.

Projet de loi approuvant la convention relative à divers chemins de fer concédés

Discussion générale

M. le président. - La discussion générale est ouverte.

M. Bekeµ. - Messieurs, la loi en discussion est un acheminement vers la concentration de toutes les lignes ferrées de la Belgique entre les mains de l'Etat.

J'applaudis cette réforme, qui aura pour résultat la régularité du service des correspondances ainsi que l'unité et la fixité des tarifs. Maintenant que voyons-nous ?

Pour qui regarde les correspondances, elles sont, la plupart du temps. réglées par les compagnies de manière à retenir les voyageurs, le plus longtemps possible, sur leurs lignes et leur imposent ainsi de grands détours avant leur arrivée à destination.

(page 917) Quant aux tarifs, la situation est également des plus déplorables. En effet, messieurs, il y a autant de tarifs qu'il y a de compagnies. Lorsqu'il s'agit donc d'expédier des marchandises sur des lignes appartenant à des exploitations différentes. on est obligé de faire des calculs très difficiles et qui donnent lieu à des erreurs et des contestations nombreuses. Il y a plus : les tarifs des chemins de fer concédés sont assujettis à des changements fréquents.

De là hésitations à conclure des marchés d'une certaine importance et à livraisons échelonnées.

Ensuite, comme les tarifs des compagnies ne sont point uniformes, que plusieurs sont plus élevés que celui de l'Etat, il en résulte, entre les principales parties du pays, des différences dans les frais de transport qui ont tous les inconvénients des droits protecteurs.

Il est encore remarquer que le régime des transports et surtout celui des transports par les voies ferrées qui se prêtent à des combinaisons les plus variées, exercent une action considérable et parfois prépondérante sur les relations commerciales.

Il est donc dangereux de confier au bon vouloir des sociétés. qui ne s'inspirent que de leurs intérêts, le soin de régler une matière qui peut, dans une très large mesure, seconder ou entraver la politique commerciale du pays.

Enfin, comme le fait observer l'honorable M. Sainctelette dans son remarquable rapport : « abstraction faite du point de vue économique, une foule de graves considérations militent en faveur de la concentration dans les mains de l'Etat de l'exploitation des grandes voies de communication établies entre les diverses parties du royaume. Il importe la sécurité du pays, à l'indépendance des populations, à la dignité des pouvoirs publics, à tous nos grands intérêts nationaux. Que ce puissant instrument de progrès et d'influence échappe à la domination exclusive de l'esprit mercantile. L'honneur de la Belgique exige que l'Etat achève l'œuvre qu'il a si courageusement entreprise en 1834, et que, depuis lors, il a poursuivie avec un constant succès. »

Toutes ces considérations me portent à donner mon approbation au projet de loi qui nous est soumis.

Je ne puis cependant le faire sans poser des réserves et sans manifester mes vifs regrets de ne pas figurer les chemins de fer de la Flandre occidentale parmi les lignes reprises par le gouvernement.

Messieurs, des motifs puissants militent en faveur de cette mesure.

Indépendamment des considérations générales que je viens de faire valoir, Il y en a d'autres qui s'appliquent plus particulièrement aux réseaux de la Flandre occidentale.

Je me borne à dire que le service des voyageurs y est réglé de manière que la plupart des localités desservies par ces lignes sont privées de correspondances directes et économiques avec les principaux centres du commerce et de l'industrie du pays.

C'est ainsi que les voyageurs de Poperinghe, Ypres, Menin et d'autres villes doivent passer par Audenarde et par Bruxelles pour se rendre à Gand et Anvers.

Ensuite, les tarifs sont si élevés qu'il en coûte moins pour traverser la Belgique, dans sa plus grande longueur, sur les lignes de l'Etat, que de parcourir quelques lieues sur les chemins de fer concédés.

Le trajet de Poperinghe à Bruxelles, par Denderleeuw, se paye 10 fr. 60 c.

Tous ces inconvénients, qui paralysent les affaires, se font principalement sentir dans la partie des Flandres naguère la plus rudement éprouvée.

Il est vrai que grâce à l'énergie et à l'esprit industrieux des populations flamandes, le commerce et l'industrie commencent à refleurir dans ces contrées.

Cependant elles sont encore loin d'avoir reconquis leur ancienne prospérité.

Il est de l'honneur et du devoir du gouvernement de les seconder dans leurs efforts.

L'occasion s'en présente ; que l'on continue les négociations qui ont si bien réussi jusqu’ci et qui ont abouti au projet de loi que nous discutons aujourd'hui.

Cela me paraît d’autant plus juste que les lignes dont il est question ne sont que la continuation de celles qui sont reprises et qu'elles constituent d'importants affluents des chemins de fer exploités par l'Etat.

Je soumets donc, avec confiance, ces considérations au gouvernement et j'espère qu'il y fera droit.

En attendant que la reprise se fasse, je prie le gouvernement de prendre tous les mesures qui sont en son pouvoir pour améliorer l'exploitation des lignes de la Flandre occidentale et faire disparaitre les inconvénients et les abus que je viens de signaler.

En résumé. j'approuve le principe de la loi mais je regrette qu’on ne l'ait pas appliqué aux réseaux de la Flandre occidentale et je fais des vœux afin que cette lacune soit comblée au plus tôt.

Ensuite, et en attendant la reprise, j'adjure le gouvernement d'intervenir auprès des sociétés afin de faire disparaître les vices qui entachent leur exploitation.

J'émets aussi le vœu que le gouvernement respecte, autant que possible, les positions acquises ; qu'il conserve les employés de tout grade qui ont fait preuve de zèle et de capacité dans l'exercice de leurs fonctions auprès des sociétés.

J'espère que le gouvernement voudra bien me donner des explications satisfaisantes quant aux réserves et aux vœux que je viens de formuler, sinon je croirai de mon devoir de m'abstenir.

M. de Maere. - Messieurs, le projet de loi dont nous avons à nous occuper est un des plus importants dans l'ordre économique qui puissent être soumis à nos délibérations. Il est important non seulement à cause de ce qu’il nous apporte aujourd'hui, mais encore et surtout à cause de ce qu'il nous réserve pour l'avenir. Je le considère, en effet, comme un pas décisif vers la réglementation et l'unification du transport en Belgique.

Pour justifier la haute importance que je lui attribue, il suffit, ce me semble, de songer au rôle considérable que joue, dans la production des richesses, le phénomène économique de circulation. En effet, la richesse d'un pays ne consiste pas seulement dans la masse des valeurs qui sont produites à un moment donné, mais encore dans le mouvement général rapide et continu de ces valeurs ; si bien que la suprématie d’un pays sur un autre peut s’établir tout aussi bien par la perfection des voies communication dont il jouit, que par l'abondance de ses capitaux.

Cela étant, il importe que la circulation se fasse sans trouble, sans confusion, sans désordre, sans même qu'un obstacle passager vienne en suspendre le cours, car les temps d'arrêt constituent autant de chômages et d’intermittences dans le service des capitaux, dont ils diminuent d'autant la productivité.

Il saute aux yeux dès lors, que pour obtenir cette régularité, cette rapidité dans la circulation, conditions si essentielles, que sans elles aucune transmission ne saurait avoir de valeur pratique, il convient d'en confier l'organisation et la direction à une main unique. Sera-ce à celle de l'Etat ou à celle d'une compagnie ? C’est ce que je me propose d'examiner. Mais auparavant voyons de quelle manière la circulation en Belgique sur les voies ferrées est organisée ; de quelle manière ces lignes elles-mêmes ont été construites.

Il existe, au moment je parle, d'après l'exposé des motifs, 3,107 kilomètres de voies ferrées. Un peu plus du quart de ce total, soit 863 kilomètres, sont exploités par l'Etat, les 2,244 kilomètres qui restent sont exploités par des compagnies.

Manifestement. aucune idée suivie n'a présidé à la répartition de toutes ces lignes. Quand on jette les yeux sur la carte du pays, on est frappé, en effet, de la configuration tourmentée du réseau, comme du continuel enchevêtrement des lignes de l'Etat dans celles des compagnies et réciproquement.

Evidemment, l'Etat s'est laissé entrainer à des concessions irréfléchies. des lignes ont été construites sans utilité bien grande pour les populations qu'elles sont appelées à desservir, tout on créant des concurrences redoutables à celles qui ont été primitivement établies.

On constate, en effet, des doubles emplois fréquents qui ont enfoui des millions en pure perte, sans autre résultat que de faire naître des luttes stériles.

Si l'Etat s'est montré peu soucieux de sauvegarder les intérêts des compagnies, il a appliqué ce même principe de laisser faire à sa propre exploitation. C’est ainsi qu'il a laissé construire la ligne d'Erquelinnes à Charleroi et celle de Namur Liége, qui lui enlève le transit de la France vers l'Allemagne.

C'est ainsi encore qu’il a concédé la ligne d'Anvers à Hasselt, laquelle, se prolongeant par Maestricht à Aix-la-Chapelle, lui prend une partie du trafic avec l'Allemagne. Tant d'autres encore, qui partant du même point pour aboutir au même point, lui causent un préjudice considérable.

Je pourrais citer la ligne d'Anvers à Gand par Saint-Nicolas ; celle de Gand à Bruges par Eecloo ; celle de Courtrai par Denderleeuw à Bruxelles ; celle de Bruxelles par Ottignies à Namur. etc., etc.

Il a enfin construit lui-même la ligne directe de Bruxelles à Louvain. abandonnant ainsi l'idée qui avait prévalu dans le principe et qui consistait (page 918) à faire de Malines le centre ou le point de rayonnement de la Belgique septentrionale.

Quoi qu'il en soit (et c’est là un résultat auquel il faut applaudir), trente-six années ont suffi pour doter la Belgique du réseau tel qu'il existe aujourd'hui.

Durant ces trente-six années. l'Etat a construit, pour sa part, 379 kilomètres et il a accordé 79 concessions.

Voilà, messieurs, l'état de choses premier, celui dont il convient d'abord que je dise quelques mots.

De ces soixante-dix-neuf concessions, cinquante-deux exploitent un réseau de 2,244 kilomètres, c’est pour chacune d'elles, une moyenne de 50 kilomètres.

C'est là, messieurs. vous le voyez, un fractionnement considérable, un morcellement excessif qui offre et qui a dû offrir les inconvénients les plus sérieux au double point de vue des exploitants et du public.

Pour les exploitants, il résulte de l'extrême division des lignes une grande déperdition de force, de temps et d'argent. Les conséquences financières résultant d'une incomplète utilisation de matériel sont considérables.

Il est d'ailleurs difficile aux petites compagnies de pourvoir isolément à leurs travaux et à leur matériel, d'asseoir leur crédit sur des bases stables et targes, de surmonter enfin les moindres difficultés que les crises politiques ou commerciales peuvent faire naître.

Enfin, les taxes kilométriques faibles, rémunératrices pour les longs parcours, ne sont pas applicables aux courtes distances ; en beaucoup de cas, elles doivent rester pour celles-ci inférieures aux prix de revient.

Pour le public, les inconvénients sont aussi nombreux.

D'abord, les transports coûtent cher et sont mal faits. Il y a des irrégularités à chaque arrivée et à chaque départ, résultant des retards inévitables qui se produisent à chaque point d'échange, par le remaniement des trains, le changement de personnel et des machines.

Je ne parlerai pas maintenant de la question inextricable des tarifs mixtes communs à deux ou trois sociétés ; ni des conflits qui peuvent surgir entre elles et dont évidemment le public est toujours la première victime.

J'en ai dit assez, je crois, pour faire voir que le système suivi en Belgique en matière de concessions de chemins de fer n'était pas durable ; qu'indépendamment des concurrences ruineuses qu'il faisait naître pour les lignes de l'Etat elles-mêmes, il n'a pas fait aux compagnies des conditions de vie possibles.

Et c'est certainement la situation fausse, pour ne pas dire intolérable, dans laquelle tant de concessionnaires se sont trouvés, qui a donné naissance à la première fusion des lignes.

Cette fusion s’est faite à des conditions que nous n’avons pas à examiner ici, mais elles ont eu pour résultat de concentrer les 52 concessions primitivement données et réalisés dans les mains de douze compagnies.

La Société Générale en repris, à elle seule, 17.

Le Grand-Central en a racheté 7.

Déjà l'Etat avait donné l'exemple en s'annexant la ligne de Mons à Manage et une demi-douzaine d'autres. Aujourd’hui donc 3,107 kilomètres du réseau belge se subdivisent comme suit :

Etat, 863 kilomètres ;

Grand-Central, 430 kilomètres ;

La Société Générale, 990 kilomètres ;

Le Luxembourg, 346.

Le reste appartient des compagnies qui ne se sont pas fusionnées encore.

C'est là, messieurs, l’état de choses second, celui qui existe aujourd’hui.

Il réalise. comme vous le voyez, un progrès sérieux sur le passé, mais faut-il le considérer comme définitif et repousser le projet de loi qui nous est soumis ? En d'autres termes, la Belgique si riche par ses produits naturels, par l'activité, la densité même de sa population. possède-t-elle un territoire assez vaste pour que treize compagnies s'y meuvent à l'aise ?

Certes les compagnies sont aujourd'hui plus puissantes. leur crédit est assis sur des bases plus solides ; les tronçons épars étant devenus des lignes homogènes, de grandes économies d'exploitation ont pu être réalisées, des réactions heureuses se sont produites.

Mais les waggons rivaux se coudoient encore à chaque pas, les lignes sont encore bien enchevêtrées les unes dans les autres ; il suffit de jeter un coup d’œil sur la carte pour voir à quel point l’écheveau est resté embrouillé.

D'ailleurs, les inégalités de tarif persistent. La déperdition de personnel et de matériel, quoique amoindrie, n'a pas cessé ; le danger des conflits n'a pas disparu. Peut-être même serait-il plus exact de dire qu'en raison de la puissance plus grande des compagnies et du réseau plus étendu qu'elles exploitent, ce danger a augmenté.

Tout le monde se rappellera encore les difficultés qui ont surgi en mai 1868, au sujet des tarifs mixtes. entre l'administration des chemins de fer de l'Etat et la Société générale d'exploitation, alors que ces deux administrations exploitant l'une un plus de 800, l'autre un réseau de plus de 700 kilomètres, se sont dans leurs limites respectives, exigeant la reprise des coupons, la réinscription des bagages à chaque point d’échange, et surtaxant les marchandises dans des proportions considérables.

Personne n'a oublié non plus cet autre conflit, bien plus grave, qui, l'année dernière, a tenu en suspens l'opinion publique et qui a rendu nécessaire la présentation du projet de loi dont l'honorable M. Orts a été le rapporteur.

Je pense donc que la fusion doit s'étendre encore.

Que l'on n'objecte pas que confier à une seule administration une exploitation de 3,000 kilomètres de voies ferrées soit lui imposer une tâche surhumaine. Ne voit-on pas en France six grandes compagnies se mouvoir à l'aise dans leurs zones respectives ?

Le Nord exploite 1,434, l'Est 2,692, l'Ouest 2,215, l'Orléans 3,712, le Paris-Lyon 4,040, le Midi 1,710. Et, plus tard, quand le Victor-Emmanuel sera achevé, le Paris-Lyon ne desservira-t-il pas un parcours de 6,256 kilomètres ?

Eh bien, cela étant, je demande si les 4,000 à 5,000 kilomètres de voies ferrées qui quelque jour constitueront le réseau belge à l'état complet, seront une charge trop lourde pour ceux à qui on pourrait la confier. Evidemment non. La fusion est possible ; elle est possible, et j’ai hâte d'ajouter, elle est désirable, elle est nécessaire. Seule, elle permettra l'établissement du transport bon marché et des tarifs uniformes. Les tarifs modérés ne sont possibles que sur de vastes réseaux qui offrent de longs parcours et de grands courants. Sil est absurde, par exempte, de transporter à raison de 3 1/2 centimes la tonne kilométrique à des distances de 15 ou 20 kilomètres, ce prix devient rémunérateur lorsqu'il s'agit de parcours de 100 ou 200 kilomètres. Obtenir la charge la plus grande pour le parcours le plus long, sans manœuvre, sans recomposition de trains, c'est-à-dire sans répétition de frais généraux, tel est le but qu'il faut atteindre.

Et ce but est important, car les hommes spéciaux évaluent à un cinquième de la dépense totale les pertes de toute nature qui résultent des relations mixtes. Or. remarquez-le, en 1868, les dépenses totales pour le réseau belge entier ont été de 41 millions de francs. C'est donc plus de 8 millions de francs annuellement que la fusion permettrait de réaliser. Je le répète : charge maxima, parcours maximum, c'est le problème, tout le problème des chemins de fer. Seule la fusion permettra de le résoudre.

Maintenant est-ce à l'Etat, à une compagnie qu'il faut céder le monopole ?

Quant à moi, je n'hésite pas à le dire, c'est à l'Etat. C'est, pour me servir d'une expression de l'honorable M. Jamar, c'est le domaine de l'Etat qui doit s'agrandir ; c'est l'Etat qui doit reprendre l'exploitation de toutes les lignes concédées et voici mes raisons.

Dans ma pensée, l'exploitation des chemins de fer ne constitue pas une industrie : c'est un service public. Le chemin de fer n'est pas un but, c'est un moyen.

A l'égard de la poste, de la monnaie, du télégraphe, il constitue un instrument d'échange ; il est un agent de la circulation, et, comme nous le disions en commençant, un facteur puissant dans la production des richesses ; l'Etat seul, qui représente la collectivité des intérêts généraux, peut conserver au chemin de fer son véritable rôle, qui est d'organiser les transports.

Fatalement, et en raison même de leur existence, les compagnies obéissent à d'autres lois ; elles organisent le transport pour le transport lui-même et pour en tirer profit. Pour elles, le transport n'est pas un moyen d'aider à la production des richesses, c'est le but même de leur exploitation ; elles en vivent. Les bénéfices qu'elles réalisent sont donc autant de dîmes prélevées sur l'activité publique et plus ces bénéfices sont considérables, plus elles affectent la productivité dans une des sources principales qui est la circulation. En un mot, les compagnies récoltent là où l'Etat sème.

Il est une autre raison, aussi puissante que celle-ci, qui milite en faveur de la cession à l'Etat.

Lorsqu'on suit de près et pour une série d'années les résultats financiers de l'exploitation du réseau belge, tant du réseau de l'Etat que du réseau concédé, même au temps de sa plus grande dislocation, on est frappe d’un double fait qui se produit, il est vrai, avec plus d'intensité sur l'une ligne que sur l'autre, mais qui se manifeste sur toutes avec assez de régularité et d'énergie pour qu'il soit permis d'en tirer une conclusion certaine. C'est d'une part l'augmentation constante des recettes brules, d'autre part la diminution continue des frais d'exploitation.

(page 919) C’est ainsi que la recette brute par jour et par kilomètre réalisée sur le réseau de l'Erat était, en 1838, de 12 francs ; en 1847, de 71 francs ; en 1858, de 103 francs ; en 1861. 117 francs ; en 1865, de 142 francs : et en 1868, après la réduction des tarifs, de 133 francs.

En 1850, les chemins de fer concédés rapportaient 27 francs par jour kilométrique ; en 1858, 47 francs ; en 1861, 35 francs ; en 1868, le Grand- Central donnait 54 francs ; l'exploitation générale 42 francs et le Luxembourg. 77 francs.

Sur l'ensemble de nos lignes, Etat et Compagnies, la même progression se manifeste.

En 1850, la recette brule était de 62 francs ; en 1858, de 71 francs ; en 1861 de 81 francs, et en 1868, après la réduction des tarifs de l'Etat, de 82 francs. Voilà pour les recettes.

Quant aux dépenses, elles étaient pour les lignes de l’Etat, en 1839. de 72 p. c. de la recette brute ; en 1850, de 62 p. c. ; en 1860, de 49 p. c. ; en 1865 de 51 p. c.

Depuis la mise en vigueur des tarifs de 1866. elles ont dû nécessairement remonter dans une certaine mesure. Elles étaient, en 1867, de 61 p. c. environ, en 1868, de 59 p. c. Elles tendent donc de nouveau à baisser et elles baisseront à mesure que le trouble apporté dans la recette brute par la grande réduction des tarifs ira en s'effaçant.

Les compagnies, et la raison s'en voit facilement, exploitent à meilleur compte. En 1868, le Grand-Cenlral dépensait 53 1/2 p. c. de sa recette brute ; la Société d'exploitation générale 51 p. c. et la société du Luxembourg 52 p. c.

Avant la fusion des diverses lignes, les frais d'exploitation étaient plus considérables. Le rapport de la dépense à la recette brute était de 60 p. c. en moyenne.

Eh bien, messieurs, je trouve dans ce double fait que je viens de constater et, je pense, de démontrer par les chiffres que j'ai cités, un argument puissant en faveur de la reprise par l'Etat de tout le réseau concédé.

En effet, s'il est vrai, d'une part, que la dépense tend à se rapprocher d'une constante, qu'on peut fixer à 50 p. c. de la recette brute (un homme très capable, dont personne ne peut contester la compétence spéciale, M. l'ingénieur Gendebien, estime même qu'une administration unique pourrait exploiter tout le réseau à raison de 45 p. c.) et s'il est certain, d'autre part, que les recettes brutes gardent une marche ascendante dont personne ne peut prévoir la limite, puisque leur accroissement est le résultat direct du développement de la prospérité publique et que celle-ci est infinie par essence même, il est évident qu'à mesure que l’institution se consolidera, l'exploitation des lignes de l'Etat donnera des recettes et des bénéfices de plus en plus considérables.

Rien ne viendra arrêter cet essor, ni les dépenses nouvelles, ni les réductions de tarifs : tout au plus, ces dernières pourront-elles provoquer une stagnation momentanée, nous l'avons vu. Il ne faudrait rien moins qu'un trouble social profond, une ère de calamités, une guerre publique, pour que la loi, si nettement accusée, se modifiât et qu'un déficit vînt remplacer les excédants de recette.

De 1837 à 1847, la moyenne du revenu net du capital employé pour les lignes de l'Etat était de 3 1/3 p. e. ; de 1850 à 1860, cette moyenne était de 5 1/4 p. c. En 1860, le revenu net est de 6 1/2 p. c. ; en 1865, d'environ 7 p. c.

Après la réduction des tarifs de 1866, il redescend naturellement. En 1866 il est de 5 1/5 p. c., en 1867 de 4 4/5 p. c. et en 1868 il remonte à 5 1/10 p. c.

Il est donc surabondamment prouvé que l'Etat, tout en réduisant les tarifs dans une proportion qu'on peut certainement qualifier d'extrême et favorisant par cela même le développement de la richesse publique dans une si large mesure, retire encore de l'exploitation de ses lignes un revenu qui va croissant toujours, et qui, dès aujourd'hui, atteint le taux rémunérateur de 5 p. c.

Je finis et je conclus.

J'approuve sans réserve et sans restriction aucunes le projet de loi qui nous est soumis. Je loue et félicite le gouvernement de nous l'avoir présenté.

La convention stipule, d'ailleurs, des conditions fort avantageuses à l'Etat ; les chiffres que j'ai cités tout à l'heure le prouvent à toute évidence.

Il est cependant une ombre an tableau ; elle a été signalée par l'honorable M. Beke ; comme lui, je regrette que la Flandre occidentale ait été tenue l'écart. Mais je me persuade et j'aime à croire que M. le ministre des travaux publics, qui déploie une si grande activité dans l’administration de son département et qui défend avec tant d'autorité et de talent les intérêts qui propose lui sont confiés, sera bientôt à même de compléter l’utile mesure qu’il nous propose aujourd’hui.

Il grandement temps, en effet, d'enlever aux mains l'industrie privée les clefs de notre prospérité publique ; la circulation, c'est la civilisation, c’est la vie même des nations.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Messieurs, je sais prendre précisément le contre-pied du discours que vous venez d'entendre. La loi qui vous est proposée est la fille aînée légitime de la loi du 23 mars 1869. Lorsque la Chambre a consenti, sans examen, presque sans discussion, à se dépouiller de son droit de participation dans la modification des lois de concession de chemins de fer, et accordé au gouvernement le droit de confisquer les lignes concédées dans certaines circonstances, lorsqu'elle a été jusqu'à consentir à dépouiller l'autorité de la chose jugée de son action légitime, elle a pour ainsi dire admis d'avance la présentation du projet de loi sur lequel nous délibérons à un moment où il est matériellement impossible le discuter à fond, puisqu'il a été très difficile, pour ne pas dire impossible, d'examiner toutes les pièces qui devaient l'appuyer. Messieurs, vous comprenez que, dans ces conditions, la discussion complète, détaillée, avec tous les documents à l'appui, n'est guère possible.

Je vais tâcher de vous démontrer en aussi peu de temps et en aussi peu de mots que je le pourrai, que cette loi n'a pas en vue les intérêts publics ; que c'est, avant tout, une loi d'intérêt privé ; que c'est une loi qui sacrifie les intérêts généraux du pays à des spéculations particulières.

Messieurs, dans l'exposé des motifs, on s'est fortement appuyé sur les résultats d'une enquête qui a été faite récemment en Angleterre sur les tarifs des chemins de fer ; on a, pour justifier le projet de qui vous est soumis, présenté l'opinion d'un seul des membres de la commission d'enquête, comme étant le résultat de toute cette enquête. Je dois donc forcément, au début de mon discours, renverser d'une façon complète, par la lecture des résultats réels de cette enquête, toutes les conséquences que l’on a voulu en tirer.

Messieurs, la chambre des communes d'Angleterre, dont j'ai eu quelquefois l'occasion de vous citer l'exemple, procède d'une façon toute différente de la nôtre. Lorsque de grandes questions, des questions qui touchent aux grands intérêts du pays, aux grands intérêts de l'industrie nationale, sont soulevées, ce n'est pas l'improviste, à la fin d'une session, dans la dernière séance, la nuit (interruption) qu'elle les discute. C’est en donnant à tout le monde le temps d'examiner les questions, de les débattre, de formuler son opinion.. C’est en les discutant non seulement dans les Chambres, mais surtout la presse, sur les hustings, dans les élections, en les faisant pénétrer de cette manière dans l'opinion publique ; ce n'est qu'après ce grand travail que l'on se décide et que l'on arrive en connaissance de cause à une solution définitive par la loi.

Messieurs, voici l'enquête qui a été faite sur la question qui nous est soumise. Ce volume comprend les dépositions de tous les hommes compétents en matière de transports, de tous ceux qui pouvaient apporter des lumières dans une question aussi considérable. Les autres volumes contiennent les comptes des compagnies, les comptes de l'exploitation de tous les chemins de fer. D'autres contiennent les renseignements recueillis non seulement dans le pays même, mais également sur le continent, en France, en Belgique, en Allemagne et partout où l'on exploite des chemins de fer.

C'est de cette masse de documents et de renseignements que le rapport suivant a été extrait, et c'est de là que sont sorties les conclusions que la commission d'enquête a tirées de ce grand travail. Je vais vous donner, messieurs, lecture de quelques-unes d'entre elles ; elles vous donneront la signification de tout le reste.

Messieurs, la commission d'enquête anglaise avait une seule question résoudre. Je vais vous en lire le texte qui est très court, pour que vous puissiez mieux apprécier les résultats auxquels elle est arrivée. J'ai traduit littéralement :

« Attendu que nous avons trouvé expédient qu'une commission soit dès ce jour formée pour s'enquérir des frais et charges qui sont ou seront perçus sur les différents chemins de fer de la Grande-Bretagne et d'Irlande pour les transports et s'il serait praticable d'effectuer quelque réduction considérable sur ces frais en tenant un juste compte de la sécurité, de la ponctualité et de la rapidité des transports, qu'il soit connu de tous que nous avons nommé une commission, etc. »

Voilà donc la question. Elle peut se résoudre en ceci. Il ne s'agissait pas, comme on l'a affirmé, du rachat des chemins de fer par l'Etat ; il s’agissait simplement de savoir s'il était utile, s'il était opportun d'apporter, législativement, quelque intervention dans la question des tarifs. Mais, dans le cours de l'enquête, un des membres de la commission, sir Rowland Hill, ancien directeur des postes, émit l’avis que l’Etat devait acquérir les chemins de fer et en devenir propriétaire.

Notons en passant, messieurs, que la question, en Angleterre, est toute (page 920) différente de ce qu'elle est en Belgique. Dans ce pays, l'Etat n'est pas du tout propriétaire des chemins de fer ; les concessions y sont perpétuelles ; les compagnies sont donc de véritables propriétaires. En Belgique. au contraire, l'Etat est propriétaire ; lei compagnies ne sont des usufruitiers exploitant pour un terme déterminé.

Or, messieurs, la première résolution, à laquelle la commission est arrivée est ainsi conçue, je traduis littéralement :

« Nous sommes d'opinion qu'il est inexpédient de changer la politique qui a jusqu'ici été adoptée et qu'il faut laisser à l'entreprise libre du peuple la construction et la direction des chemins de fer, sous telles conditions que le parlement pourra juger utile d'imposer pour le bien-être général du pays. »

Voilà la première résolution qui est certainement tout ce qu'il y a de plus contraire à l'opinion citée dans l'exposé des motifs du projet de loi. Mais cette résolution n'aurait pour vous, messieurs. aucune valeur si je ne disais non pas tous les motifs, cela nous entrainerait au delà de l'heure jusqu'à laquelle il serait possible de retenir la Chambre, mais quelques-uns de ces motifs sur lesquels elle est basée et je vais vous les donner en aussi peu de mots que possible.

D’abord les premiers actes du parlement qui ont concédé les chemins de fer d'Angleterre n'ont prévu en aucune le cas du rachat par l'Etat. Les principales lignes d'Angleterre ne peuvent donc être rachetées qu'en payant aux porteurs des actions le prix qu'ils voudraient en obtenir. On ne peut les exproprier.

Le résultat de l'obligation du rachat de ces chemins de fer serait, par conséquent (j'exprime ici les raisons données par la commission), de livrer aux porteurs d'actions la clef du trésor public. Personne ne pourrait les forcer à vendre cette propriété, sinon aux prix qu'ils exigeraient.

A partir de 1844, il a été inséré dans les actes du parlement portant concession une clause qui permet à l'Etat, au bout de 21 ans et lorsque les chemins de fer rapporteraient 10 p. c. au moins de bénéfices nets, de les racheter en payant vingt-cinq fois le revenu annuel ou vingt-cinq fois le bénéfice de la dernière année d'exploitation.

Par conséquent, le rachat des chemins concédés était rendu possible à partir de condition de les payer très largement...

- Une voix. - En Angleterre.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Oui, en Angleterre ; on a calculé qu'une somme de 400 à 300 millions de livres sterling serait nécessaire pour le rachat de la partie rachetable du réseau.

MfFOµ. - Nous les rachetons à bon marché et du consentement des parties.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Ne nous pressons pas ; nous examinerons le marché tantôt.

Mais ce ne sont pas là les seules raisons qui ont déterminé le vote unanime de la commission. Il y en a d'autres.

On a pensé que ce rachat donnerait des avantages financiers à l'Etat, d'une part, et aux particuliers, à l'industrie, de l'autre.

Il est démontré, dans le travail que j'ai entre les mains, que cette opinion est complètement erronée, et cela se trouve développé dans quelques pages que je vais résumer.

Il y est prouvé que d'abord l'Etat ne réaliserait aucun bénéfice, qu'il éprouverait, au contraire, une perte considérable, et que les particuliers seuls profiteraient de l'opération, parce qu’ils gagneraient au moins un milliard et demi de francs au détriment de l'Etat, et c'est précisément le gain de ce milliard et demi qui pousse une grande partie des porteurs d'actions de chemins de fer, très nombreux et très répandus sur toute la surface de l'Angleterre, à entraîner la presse, d'une part, et le gouvernement. de l'autre, dans cette voie.

Mais, messieurs, pour montrer combien son opinion était fermement arrêtée, la commission d'enquête a pris une seconde résolution qui démontre combien elle est inébranlable dans les principes dont l'enquête lui a démontré la vérité.

Il s'agissait des chemins de fer de l’Irlande. Ces chemins de fer ont été construits en grande partie avec les fonds prêtés par l'Etat. Ils sont, on peut le dire, en grande partie, la propriété réelle de l'Etat, qui possède sur eux une première hypothèque.

De nombreux témoins disaient la commission : Mais au moins rachetez les chemins de fer irlandais. Ils sont dans une situation pitoyable. Tout ce que l'honorable M. de Maere vous a dit tantôt sur la diversité des compagnies, sur les difficultés d'accord entre les exploitants, sur les tarifs mixtes, tout cela se retrouve dans l'enquête tout au long et dans les plus grands détails.

Les témoins ont fait valoir tout cela avec une grande force, et voici la réponse de la commission à la question du rachat des chemins de ter irlandais :

« Nous considérons qu'il n'y a pas de raisons suffisantes pour excepter l'Irlande de notre conclusion générale ; mais comme il a été de politique admise et pratiquée d'assister les compagnies de chemins de fer et autres travaux publics en Irlande, nous recommandons que, chaque fois que la législature jugera à propos de faire des avances à ces compagnies. elle prête ces fonds pour une période fixe et suffisamment prolongée pour leur permettre de développer toutes leurs ressources.

« Nous sommes cependant d'avis qu'aucune avance ne doit être faite aux compagnies irlandaises sous la condition de réduire leurs tarifs et celles-ci doivent être laissées juges des meilleures opportunités pour réduire ces tarifs de manière qu'Ils deviennent rémunérateurs dans un temps raisonnable. »

Telle est la seconde conclusion à laquelle la commission d'enquête est arrivée.

Je pourrais vous donner lecture de quelques autres qui toutes seraient certainement en situation ici. Mais cela nous entraînerait plus loin que vous ne le désireriez peut-être.

Cependant il en est une que je ne puis laisser en arrière, parce qu'elle vient confirmer d'une manière complète et en termes tellement précis qu'ils ne pourront pas être contestés, la manière de voir de la commission d'enquête.

Il avait été émis, par divers témoins interrogés par la commission d'enquête et par deux des membres de cette commission, l'avis que la législature avait droit et intérêt d'intervenir dans la question des tarifs, qu'elle pouvait imposer aux compagnies des tarifs uniformes, qu'elle devait, en un mot, adopter le système d'intervention.

La commission d'enquête développe très longuement et en termes très énergiques cette idée-ci : que la liberté dans les questions de transport. comme dans toutes les autres questions qui sont du ressort de l'activité humaine, est le meilleur système ; qu'aucune raison de politique permanente et durable ne peut être soutenue pour engager le gouvernement à intervenir dans cette question plus qu'il pourrait le faire dans d'autres questions industrielles, qu'il n'y a pas plus de raison pour forcer une compagnie de chemin de fer à faire des transports à 9 francs lorsqu'ils lui en coûtent 10 qu'il n'y en a pour forcer un haut fourneau qui produit des fontes à 10 francs de les vendre 9 francs.

Voici donc la résolution qui condense son opinion et qui indique d'une façon complète les résultats auxquels l'enquête a conduit la commission.

« Par les différentes raisons que nous venons d'exprimer, nous ne considérons pas qu'il soit expédient, même si cela était praticable, d'adopter aucune législation qui pourrait abolir la liberté dont les compagnies de chemin de fer jouissent, d'établir pour les transports les tarifs qu'elles jugent convenables dans les limites du maximum qui leur est imposé par leur acte de concession. Mais nous sommes d'opinion que les compagnies de chemins de fer pourraient être requises de donner, assez longtemps d'avance, avis du changement qu'elles pourraient apporter leurs tarifs. »

Messieurs, je pense avoir démontré, par les quelques citations que je viens de faire, que l'opinion de sir Rowland Hill n'est pas la conclusion de l'enquête anglaise, et je pense avoir en mème temps donné une idée suffisante de la voie où l'opinion publique est entrée en Angleterre sur cette question ; et je ne pense pas qu'on puisse justifier d'aucune façon que l’Angleterre soit dans une autre voie pour le moment.

J'en viens maintenant, messieurs, à la loi elle-même.

La loi repose sur ce principe, qui a été parfaitement expliqué avec une grande lucidité par l'honorable orateur qui m'a précédé, que l'Etat serait le meilleur agent pour faire les transports à bon marché et de la façon la plus convenable pour le public en général. C'est bien là, je pense, le résumé exact de l'opinion de l'honorable M. de Maere.

Je suis au regret de différer sur ce point d'opinion avec lui et je crois être en mesure de démontrer que l'Etat n'a aucune des qualités qui puissent le conduire, d'une façon permanente, à faire ces transports à meilleur marché. Et d'une manière convenable pour le public, si ce n'est en imposant aux contribuables, en général, des charges qu'ils se refuseront tôt ou tard de supporter. (Interruption.)

Voyons, ne nous payons pas de mots, voyons ce qu'est l'Etat comme exploitant de chemins de fer. Prenons-le à l'origine., voyons-le d'abord comme entrepreneur et constructeur de chemins de fer.

Il s'agit de construire une ligne de chemin de fer : deux personnes se présentent : supposons l’Etat d'une part, une société ou on particulier de l’autre.

(page 921) Qu'est l'Etat dans cette situation, comment se produit-il ? Il est nécessairement représenté par une ou par plusieurs personnes, exactement comme une compagnie. Les agents de l'Etat seraient-ils doués de qualités particulières ? Ensuite, pour construire un chemin de fer, l'Etat a besoin d'argent, exactement comme n'importe quelle compagnie ; il n'a rien à lui, il doit donc s'adresser, pour obtenir ces capitaux, exactement aux mêmes bailleurs de fonds que les simples concessionnaires, c'est-à-dire au public ; seulement il le fait d'une autre façon que je vais expliquer.

L'Etat crée ses chemins de fer, ses travaux publics exclusivement garantis sur l’ensemble des revenus publics, au moyen d'obligations dont les porteurs sont absolument sans intérêt dans les résultats directs de l’exploitation.

Que l'Etat perde ou qu'il gagne, ses prêteurs sont exactement dans la même position. Il n'en est pas de même des compagnies. Là, les bailleurs de fonds sont directement intéressés et responsables. Je pose en fait que si l'Etat se présentait sur le marché en disant à ses prêteurs : « Je ne vous garantis que les résultats du produit net de l'exploitation dont il s'agit », je puis vous assurer que l'Etat n'obtiendrait pas plus d'argent, ni plus vite, ni à des conditions meilleures que les compagnies placées dans les mêmes circonstances et s'offrant à construire les mêmes ligues.

C'est parce que l'Etat met en gage la masse des impôts publics, c'est parce que les emprunts qu'il fait sont garantis, non par les produits directs des travaux qu'il exécute, mais par tous les impôts, c'est pour cela et seulement pour cela que l'Etat obtient de l'argent à meilleur marché que les particuliers.

L'Etat doit donc emprunter exactement aux mêmes sources que les particuliers. L'argent est obtenu ; à qui est-il remis ? A un ministre responsable, sans doute, mais qui doit employer des agents irresponsables.

L'Etat est donc en fait une société anonyme sans autre responsabilité que celle que peut offrir un ministre, lequel très souvent, heureusement pour nous, nous offre toutes les garanties de moralité, d'honnêteté et de loyauté que nous sommes en droit d'exiger ; mais ce ministre n’est qu'un homme qui peut faillir, errer, se tromper, et lorsqu'il s'agit d'intérêts aussi considérables, il n'offre, matériellement partant, aucune espèce de responsabilité, en rapport avec les immenses intérêts qui lui sont confiés.

Voilà donc l'Etat qui, s'il n'était garanti lui-même par la masse des contribuables, n'offrirait, comme je le disais tout l'heure aux bailleurs de fonds, qu'une garantie infiniment moins sérieuse, moins réelle que la plupart des compagnies, car là il y a une responsabilité directe, personnelle, tangible ; sans doute elle n'est pas toujours en proportion, il est vrai, des intérêts qui lui sont confiés ; elle peut, comme le gouvernement, se tromper, mais au moins il y a cette responsabilité directe et matérielle qui, dans ces derniers temps, a été mise très fortement à l'épreuve.

MfFOµ. - Et en Angleterre ?

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - D'autre part, les faits mêmes cités tantôt par l'honorable M. de Maere nous prouvent que l'Etat n'est pas un constructeur économe ; que, bien loin de construire d'une façon plus économique que les particuliers, il construit d'une façon désastreusement plus onéreuse.

Je ne veux pas entrer dans de grands développements de chiffres, à cet égard, parce que je vous entraînerais trop loin et j'ai promis d'être court... (Interruption.) Mais je suis obligé de vous en donner quelques-uns qui vont vous démontrer que l'Etat est un constructeur qui n'épargne pas l'argent. L'Etat, je parle de l'Etat en Belgique, a commencé à construire ses chemins de fer à raison de 234,000 francs par kilomètre.

C'était en 1840.

En 1850, ce prix s'élevait à 294,000 fr., en 1860 à 324,000 en 1865 à 364,000 fr.. et en 1869, d'après le dernier rapport de l'honorable ministre des travaux publics, ce prix s'élève à 400,000 fr. (Interruption.)

M. Saincteletteµ. - Que faites-vous des agrandissements et complément d’installation ?

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Je vais expliquer cela de suite : quand nous arriverons au chapitre de l'exploitation, vous aurez cette explication très simple, très tangible dans l'accroissement du coût du kilomètre de chemins de fer.

Voici maintenant, messieurs, quelques-uns des coûts kilométriques de certains de nos chemins de fer.

Anvers-Rotterdam coûtait, en 1850, 91,000 francs...

MfFOµ. - Il ne traverse pas de montagnes.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - En 1860, ce chemin de fer coûtait 98,000 francs et en 1863, 101,000 francs. Vous voyez donc que la progression est infiniment moins grande. Cependant ce chemin de fer rend tous les services qu'on peut exiger d'une bonne exploitation.

La ligne d'Anvers-Rotterdam...

MfFOµ. - Encore des montagnes.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Nous arriverons tout à l'heure aux montagnes, ne nous pressons pas.

M. de Brouckere. - Si, si, pressons-nous un peu, au contraire.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Anvers-Rotterdam coûtait donc, en 1857, 123,000 francs ; en 1860, 124,000 francs ; en 1865, 125,000 francs.

Vous voyez que là la progression du kilométrique est excessivement peu rapide.

En un mot, pour ne pas vous donner ce long tableau, les chemins de fer les plus coûteux en Belgique sont, après l'Etat toujours, le Grand-Luxembourg, qui coûte 329,000 francs ; Hainaut-Flandre, qui coûte 363,000 francs, et le Centre, qui en coûte 368,000.

Et voici pourquoi.

Ces derniers chemins de fer ont été créés au moyen d'obligations émises à moins de moitié du taux de leur import, c'est-à-dire à moins de 250 francs ou aux environs de 250 francs ; tandis que le coût est porté au prix du remboursement, c'est-à-dire 500 francs.

Voilà ce qui grossit d'une façon fictive le coût de la plupart des chemins de fer concédés.

MiPµ. - Pas du tout.

M. Saincteletteµ. - Jamais on n'a porté le prix des obligations au prix du remboursement.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - J'ai relevé tous ces chiffres des rapports annuels des compagnies, certainement elles donnent l'état de leur capital au complet.

Je résume donc.

Comme constructeur, l'Etat produit l’instrument le plus cher et, comme je le disais il y a quelques mois, le coût des transports doit nécessairement être influencé par le coût de la construction. Il est impossible qu'un chemin de fer de 400,000 francs puisse, à la longue, transporter au même prix qu'un chemin de fer de 100,000 francs. Cela est élémentaire.

Il faut que le prix du coût de la construction finisse un jour par influer sur les prix de transport, à moins que par des moyens artificiels, que je vais signaler tout l'heure, on n'arrive à des prix de transport inférieurs, mais fictifs ; mais à la longue, il est impossible que cela continue. La vérité a ses droits en cette matière comme en toute autre.

Voyons maintenant l'Etat comme exploitant.

L'Etat est représenté ici par qui ? Par le ministre d'abord, mais par des agents nécessairement irresponsables.

MfFOµ. - Pas da tout. Ils sont très responsables.

M. Hardy de Beaulieuµ. - Vis-à-vis du ministre.

MfFOµ. - Eh bien, n’est-ce rien ?

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Mais pas responsables vis-à-vis du pays, qui ne connaît leurs actes que longtemps après...

MfFOµ. - Mais si !

MpVµ. - Prenez garde, messieurs, ne soulevez pas une question sur la responsabilité ministérielle. Cela prolongerait le débat sous une autre forme.

MfFOµ. - Il faut bien rectifier les erreurs.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Ces agents exploiteront-ils, y a-t-il une raison pour laquelle ils puissent exploiter à meilleur marché, c'est-à- dire dépenser moins d'argent pour l'exploitation qu'une compagnie quelconque ?

Est-ce parce qu'ils porteraient une casquette d’une certaine forme qu'ils pourront produire des transports à un prix moindre que celui des compagnies ou des particuliers ? Je ne vois absolument que cette raison à alléguer.

Il est évident, et l'expérience est là pour le démontrer à chaque pas, que l'Etat dépensera par ses agents plus d'argent que n'importe qui.

Quelle raison ont-ils d'économiser ? Quel intérêt y ont-ils ? Que peut-il importer tous ces agents que l'Etat épargne mille, deux ou trois mille francs par kilomètre et par an ? Mais, au contraire, ils ont tout intérêt à (page 922) être très larges. Partout, ils sont aux prises avec privé. Tout ce qui les entoure les pousse à faire dépenser largement l’argent de l'Etat. L'Etat, en principe, duit donc nécessairement et inévitablement exploiter d’une façon plus chère que les particuliers. Et, en effet, en réalité, l’Etat dépense plus et, pour le même argent, obtient moins de résultats que les particuliers. La preuve en est manifeste. Vous ne pouvez pas faire un pas dans les rapports annuels des ministres sans vous heurter aux preuves de ce que j'avance. Voyons en quelques mots la situation.

L'Etat possède les meilleures lignes du pays, les plus directes, avec les profits les plus doux, en un mot avec tous les éléments d'économie les plus concentrés, les lignes qui touchent aux foyers de production des éléments nécessaires à une exploitation économique. Eh bien, l'Etat dépense 29,000 francs par kilomètre pour leur exploitation. Les compagnies exploitent au maximum 12,000 à 15,000 francs. (Interruption.) Je prends la compagnie du Luxembourg. qui ne dépense pas davantage d'après ses rapports.

La compagnie du Luxembourg a cependant une ligne qui a un profil extrêmement tourmenté.

MtpJµ. - Combien perçoit-elle par kilomètres et combien percevons-nous ?

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Je ne puis pas tout dire à la fois ; je suis obligé de dire les choses successivement.

L'Etat aurait beau vouloir changer sa nature, il est nécessairement un agent plus cher que tout autre dans les opérations industrielles ; peut-il, conséquent, avec un instrument qui coûte plus cher, avec des moyens de travail qui sont plus chers, transporter à meilleur marché que d'autres ? Telle est la question posée dans ses termes les plus précis.

Sans doute, qui le nie ? l'Etat peut transporter à meilleur marché, et la preuve c'est qu'il le fait, mais qui paye ? il faut bien, en définitive, que quelqu'un paye. Si ce ne sont pas ceux qui se servent de chemins de fer, il faut que ce soient d'autres. C'est le contribuable et je vais vous en donner la preuve.

Voici, messieurs, comment on fait croire au pays que l'on transporte à bon marché tout en faisant des bénéfices.

Cela n'est pas difficile quand on y met de la bonne volonté.

Je prends le compte rendu des chemins de fer de 1867.

L'honorable ministre ne m'accusera pas de forger des chiffres à plaisir. Je prends ses éléments. Je n'y change rien ; seulement je rétablis les choses comme elles doivent être.

Le capital dépensé au 31 décembre 1867 s'élevait à 262,797,275 fr. 18 c. (page 22 du rapport).

Vous pensez peut-être que l'on va porter en compte l'intérêt de cette somme à 4 1/2 p. .c. et pour l'amortissement 1/2 p. c. ?

Point. L'intérêt porté en compte est de 7 millions, c'est-à-dire à peu près 2 1/2 p. c., tandis que l'intérêt à 4 1/2 p. c. devrait être de 11,825,000 francs.

L'amortissement est également porté d'une façon fictive, parce que si l'on porte en compte, pour amortissement, une certaine somme dans le courant de cette année-là, on porte, en même temps, une somme beaucoup plus considérable comme frais de premier établissement, de telle sorte que le capital de premier établissement grandit beaucoup plus rapidement que l'amortissement.

Dans ce même exercice, par suite de la façon dont on présente les chiffres, le résultat de l'exploitation du chemin de fer donne 4,291,371 fr. 55 c. de bénéfice versé au trésor, en déduction de la dette vis-à-vis de celui-ci, tandis que le compte réel, comptant l'intérêt de tout le capital employé et non d'une portion de ce capital, celle qui provient des emprunts, serait qu'au lieu d'avoir ce bénéfice, il n'y aurait plus qu'un boni de 331,000 francs.

Mais cela même n'est pas encore réel. Il y a des parties d'un chemin de fer qui ne peuvent s'amortir par un demi pour cent et ce n'est qu'en augmentant sans cesse le capital de premier établissement que l'on dissimule ce vice dans la comptabilité des chemins de fer de l'Etat.

Il en résulte tout naturellement ce que je disais tantôt, que le coût kilométrique doit s'élever constamment et compense ainsi le bon marché des transports et l'élévation du coût de l'exploitation.

Messieurs, pour ne pas prolonger cette partie de mon examen... (Interruption.) J’aurais certainement encore beaucoup de choses à dire sur ces questions importantes, mais j'ai hâte d'aborder la question du marché fait avec la Société générale d'exploitation.

Si je me suis un peu étendu sur cette première question de la construction et de l'exploitation, c'est pour vous démontrer que l'Etat n'est pas l'agent économique par excellence et que, dans un marché semblable à celui dont il s’agit, il avait beaucoup sinon toutes les chances contre lui.

Quand j'ai entendu parler de cette négociation, je me suis dit, de prime abord et sans même avoir vu les pièces : L'Etat doit avoir fait une mauvaise affaire.

Mais après examen des pièces, j'ai vu que l'Etat avait fait une affaire détestable, tellement détestable que je ne sais pas si, quand j'aurai l'honneur de vous l'expliquer, vous consentirez encore à ratifier le marché.

M. de Brouckere. - Je crois que oui.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Nous verrons.

Pour faire ma démonstration, je n'ai pas besoin d'examiner beaucoup d'articles de la convention ; un seul me suffira probablement.

L'Etat s'engage à reprendre non seulement les 600 et quelques kilomètres construits, mais encore 500 et des kilomètres à construire, moyennant une rente annuelle de 7,000 francs par kilomètre de chemin de fer exploité lorsque les recettes brutes seront égales ou inférieures à 18,000 francs par kilomètre.

Il résulte d'abord de là que l'Etat s'engage à payer 7,000 francs par kilomètre, et lorsque tout le réseau convenu sera construit, 8,036,995 fr. 90 c. par an quoi qu'il arrive, qu'il y ait arrêt dans l'industrie, qu'il y ait un cataclysme européen, qu'il y ait une guerre étrangère, qu'il y ait une crise commerciale intense, toujours 7,000 francs au minimum ; voilà l'engagement de l'Etat.

MfFOµ. - Pourvu qu'il y ait 7,000 francs.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Relisons l'article :

« Sur le montant des recettes brutes de l'ensemble des lignes dont l'exploitation est remise à l’Etat belge, il sera prélevé au profit de la société une somme annuelle de 7,000 francs par kilomètre de ligne concédée. »

MfFOµ. - A prélever la recette brute.

M. Le Hardy de Beaulieu. - Soit ; cela ne change pas assez la question pour que vous en puissiez tirer moindre avantage ; car si l'exploitation ne produisait pas 7,000 francs que vous auriez à verser intégralement dans les caisses de la compagnie, l'affaire serait tellement mauvaise qu'aucun de nous ne se vanterait de l'avoir approuvée.

7,000 francs par kilomètre, qu'est-ce que cela représente ? Notons bien, 7,000 francs garantis par l'Etat qui est solvable et qui est certainement bon pour les huit millions de rente minimum par an que comportera définitivement le marché ! Cela vaut 140,000 francs par kilomètre capital à réaliser en bourse immédiatement.

Or, ni l'exposé des motifs ni le rapport la section centrale ne nous disent si ces lignes nues, car ce sont des lignes nues, sans matériel, si ces lignes nues valent bien 110,000 francs par kilomètre en moyenne. La section centrale n'a pas eu temps d'examiner tout cela.

M. Sainctelette, rapporteurµ. - Je demande pardon.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Je crois qu’en deux jours qu'elle a consacrés à ce rapport, il y a bien des questions qui ont dû lui échapper ; vous vous en apercevrez tout à l'heure. (Interruption.)

MtpJµ. - Et le contrat, nous avons mis trois mois à le conclure.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Rien ne nous indique que ces lignes valent en réalité 140,000 francs par kilomètre. Et je crois que si on voulait les mettre en adjudication pour cette somme, il y aurait beaucoup d'amateurs pour les reprendre et qu'ils y réaliseraient de jolis bénéfices.

Mais ce n'est pas tout : Après un produit brut de 18,000 francs par kil mètre, la moitié de l'excédant, jusqu'à concurrence d'un maximum déterminé à 8,000 francs, sera attribuée à la société, qui a la chance de recevoir ainsi 15,000 francs par kilomètre exempts de toute charge.

La différence entre le montant de la recette brute et la part attribuée chaque année à la société, reste acquise à l'Etat belge ; de telle façon que voici la situation et vous allez comprendre de suite quelle excellente affaire l'Etat a faite.

D'abord, c’est un fait d'expérience universelle, qui ne se produit qu'à mesure que les exploitations seront étendues, seront ramifiées, seront écartées des lignes principales, les frais d'exploitation seront augmentés proportionnellement à la longueur des lignes exploitées, tandis que les produits ont diminué dans la même proportion. Cela est si vrai que les grandes compagnies françaises ont exigé de l'Etat des subventions considérables pour construire leurs deuxième et troisième réseaux et qu'elles ont exigé en même temps de ne pas mêler le compte des réseaux secondaires avec celui des lignes principales. Je doute fort que l'Etat soit à cet égard dans des conditions meilleures que les compagnies françaises pour (page923) lesquelles les deuxième et troisième réseaux étaient exclusivement des affluents, tandis que l’Etat reprend en partie des lignes parallèles de concurrence qui ne lui apporteront rien. Je vous ai expliqué tantôt comment, par la nature des choses, il devra en être autrement, que l'Etat devra dépenser davantage tout en recevant moins ou la même chose. Voici ce qui va se produire d'une façon indubitable et incontestable.

L'Etat possède et exploite les meilleures lignes du pays, cela est testé ; en acceptant les comptes, tels qu'il les produit, et non tels qu'il devrait les produire, l'Etat exploite actuellement à 59 p. c. de la recette brute.

A quel taux exploitera-t-il lorsqu'il aura des lignes secondaires, des lignes qui sont parallèles aux siennes, des lignes qui ont de mauvais produits, des lignes, en un mot, qu’il déclare lui-même prêt à sacrifier pour améliorer son exploitation...

MtpJµ. - Et sur lesquelles on vous garantit produit de 22,000 francs par kilomètre.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Oh ! Oh ! la bonne farce que je vais vous expliquer tout à l’heure ; elle fait mériter la couronne de rosière.

La Société générale d'exploitation réalise, d'après l'exposé des motifs, 15,000 francs environ par kilomètre. L'Etat reprend son exploitation, il se met en son lien et place ; je me demande quel trafic nouveau ce changement va amener et quelles recettes nouvelles il va occasionner.

D'abord, l'Etat va nécessairement abaisser les tarifs sur ces lignes-là ; que diraient les populations s'il ne le faisait pas ? Abaissant les tarifs sur les nouveaux affluents ou concurrents, il peut amener un certain accroissement de transports. Mais en même temps qu'il abaissera les tarifs, il devra aussi augmenter les frais d'exploitation par toutes les raisons que j'ai développées tout à l'heure et que je ne répéterai pas.

Il augmentera donc, d'une part, ses frais d'exploitation, et il devra les augmenter, sinon il ne pourrait pas exploiter mieux que les compagnies ; il exploiterait nécessairement plus mal avec la même dépense ; ce n'est qu'en dépensant beaucoup d'argent qu'il peut exploiter d'une matière qui fait dire à tout le monde : « Oh !voyez comme l'Etat exploite bien ! comme tout est régulier ! » La belle malice, l'Etat emploie treize personnes par kilomètre exploité tandis que les compagnies n'en emploient que cinq et demi. (Interruption.) Et les personnes écrasées.

L'Etat n'écraserait pas moins de personnes ; il n'en écrasera peut-être pas moins quand il sera à la place des compagnies ; nous verrons ce que l'avenir nous réserve à cet égard.

L'Etat sera donc forcé d'augmenter ses dépenses ; est-ce qu’il recevra un centime de plus ? Là est la question. Supposons qu'il conserve d'abord les 15,000 francs de recettes brutes actuelles.

Il a 7,000 francs à payer la compagnie, il lui reste 8,000 francs ; est- ce que l'Etat qui dépense 29,000 francs sur ses chemins de fer pourra exploiter les lignes qu'il rachète avec 8,000 francs ?

Là est la question ; on le voit : elle pas compliquée. Je la pose simplement et je dis de plus que ces 7,000 de recette ne répondront pas à toutes les nécessités de premier établissement de ces chemins de fer. Car l'Etat devra encore les pourvoir de tout leur matériel, il devra les pourvoir d'améliorations, comme il l'a fait sur les lignes particulières qu’il exploite déjà et qui ont absorbé plusieurs millions, et vous verrez, messieurs, le coût kilométrique de ces lignes partis de zéro capital, au jour du rachat, arriver, d'ici à quelques années, ù un chiffre qui exigera peut-être aussi 6,000 à 7,000 francs d'intérêt.

Donc à 18,000 francs pas plus qu'à 15,000 francs l'Etat ne peut réaliser de bénéfice. Il sera en perte nécessairement, fatalement. Au-delà de 18,000 francs, le partage devient égal entre l'Etat et les compagnies, entre l'Etat exploitant actuellement bonnes lignes à 59 p.c., il est évident que même en conservant ce taux pour les mauvaises il va perdre sur toute la recette nouvelle les 9 p. c. de différence.

Examinons par approximation la perte que cela va produire. Plus les lignes donneront de produits, plus elles seront productives pour les vendeurs, plus elles seront onéreuses pour l’Etat. Voilà l'avenir qui attend l'Etat à la suite du marché qu'il vient de contracter.

Et savez-vous, messieurs, ce que représente la somme de 8,000 francs par kilomètre que la compagnie venderesse se réserve sur les recettes futures ? Cette somme représente, avec les 7,000 francs garantis, la somme totale de 17,265,0000 francs par an, c'est-à-dire environ 9 millions de francs en sus des 8 millions déjà garantis. Ah ! messieurs, j'appelle ici toute votre attention, et le point que je vais vous signaler est tellement grave que je doute fort que vous consentiez à voter sans autre examen la loi qui vous est présentée actuellement.

Ces 9,000 francs qu'il s'agit de gagner par les compagnies, représentent, en comptant la durée qui reste à courir de la concession, un capital d’environ 175 millions qu'il s'agira de conquérir par les vendeurs. Vous connaissez l’intérêt particulier. Croyez-vous qu’il va laisser l’Etat parfaitement tranquille et libre d'agir à son gré ? Il y a 175 millions à mettre en poche dans un délai plus ou moins prochain ? Croyez-vous que les intérêts engagés vont rester sans s’agiter ? (Interruption.)

Il est impossible de continuer à parler au milieu d’un bruit pareil. (Nouvelles interruptions.) Messieurs, si j'avais moi-même fixé le jour du débat, vous auriez certes le droit de vous plaindre. Il est tard, sans doute, mais je n'ai pas fixé le jour du débat. Je l'ai subi, je ne pourrai, si vous continuez, suffire à l'effort auquel vous me condamnez.

Voilà donc 175 millions qu'il s'agit de gagner par des particuliers répandus sur toute la surface du pays. Ne voyez-vous pas ces particuliers s'agiter dans les élections pour agir sur le gouvernement par les Chambres ? Ne les voyez-vous pas s'agiter tout autour de l'administration, de cette administration que je vous ai décrite tantôt, pour l'influencer dans leur intérêt ? Mais il ne s'agira peut-être que de prendre quelques petites mesures très anodines, très simples, qui ne paraitront rien à personne et qui feront passer le trafic des lignes de l'Etat sur les lignes concédées. Il ne faut pas de grands efforts pour cela. Quelques petites combinaisons bientôt trouvées suffiront. Il ne s'agit que d'avoir un ministre favorable et des Chambres complaisantes.

Vous voyez ainsi l'intérêt privé poussé à nommer des Chambres qui favorisent leurs intérêts. Vous voyez s'agiter ces intérêts purement privés pour lesquels l'intérêt public est un ennemi qu'il faut vaincre à tout prix.

Voyez-vous s'agiter dans l'avenir, autour de l'urne électorale, ces intrigues intéressées, car il s'agit de gagner sans efforts, par quelques petites combinaisons, d’accord avec le gouvernement, un capital de 175 millions !

Messieurs, je crois qu'il suffit de vous signaler ces faits, pour attirer toute votre attention sur les dangers du contrat qui vous soumis. Je comprends très bien, quoique j'y sois opposé, que lorsque des chemins de sont construits avec les emprunts faits par l’Etat, où les emprunteurs sont complètement désintéressés dans les résultats, le gouvernement n’a rien à gagner à intervenir dans l'administration ; je comprends très bien que, dans ce cas, l'Etat ne soit pas poursuivi jusque dans son sanctuaire, que de mauvaises influences ne s'insinuent pas dans les rouages du gouvernement.

Mais avec le système où vous entrez, nous allons faire pénétrer l'influence mauvaise, délétère des intérêts privés dans toute l'administration.

Notez bien, messieurs, qu'il ne s'agit encore que du petit réseau qui fait l'objet du marché actuel. Que sera-ce lorsque, poursuivant ce système, vous aurez engagé l’Etat à reprendre les 1,500 à 2,000 kilomètres qui restent et les milliers qui se construiraient bientôt si on leur accordait les mêmes conditions ?

Car l'honorable M. de Maere vous a invités tout à l'heure à reprendre tous les chemins de fer ; mais alors le gouvernement, comme je l’ai déjà dit plusieurs fois, le pays deviendrait impossible parce qu'il faudra toujours compter, sur tous les points du pays, avec les influences qui s’agiteront tantôt pour faire produire aux chemins de fer le plus possible, tantôt pour abaisser les tarifs.

Si l'Etat veut abaisser les tarifs, les propriétaires des actions et des obligations ne le voudront peut-être pas. Pour éviter une diminution de revenu, ils s'agiteront dans les élections pour amener aux Chambres des hommes qui s'opposeront à l'abaissement des tarifs ; parce que l'espoir de voir leurs revenus s'augmenter dominera toute autre considération. Vous aurez donc introduit, dans le gouvernement de l'Etat, un élément ingouvernable, un élément des plus mauvais, celui des intérêts privés.

Tout à l'heure l'honorable ministre des travaux publics m'a interrompu pour faire valoir la fameuse clause de l'article 49 par lequel la compagnie garantit une recette brute minimum de 21,000 francs par kilomètre en 1871 et de 22,000 francs par kilomètre en 1872 et en 1873. Messieurs, c'est là une clause connue depuis longtemps en Angleterre sous le nom de Contractors truk, c'est-à-dire le truc des entrepreneurs ; seulement ici le truc est perfectionné. En Angleterre, les entrepreneurs ne devaient rien rendre aux actionnaires ; ils garantissaient un revenu de 5 p. c., pendant trois, cinq et même six ans à charge d'exploiter les lignes qu'ils prennent ; pendant ce temps, ils bénéficiaient de l'exploitation, car ils avaient porté la garantie dans le prix de construction.

Mais ici il est stipulé que nous devrons rendre aux compagnies venderesses les sommes que nous aurons reçues du chef de cette garantie. C'est donc une simple amorce qui est mise là pour faire avaler le goujon, comme on dit vulgairement.

(page 924) - Plusieurs membres. - A demain !

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - J’aurais peut-être déjà fini, messieurs, si l’on ne m’avait pas interrompu.

M. le président. - Vous voyez que M. Le Hardy veut finir. Si vous ne l’interrompez pas, il finirait. Il est au bout.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Laissez-moi parler au moins.

Messieurs, je crois vous avoir démontré, d'une façon aussi succincte que possible... (Interruption.)

J'en aura pour plus d'une heure à vous dire les choses que j'ai élaguées et qui ne manqueraient pas d'importance, je vous prie de le croire.

C'est vous, messieurs, qui avez laissé soumettre à votre appréciation, au dernier moment d'une session, une question aussi importante.

Ne vous gendarmez donc pas si nous sommes obligés de vous faire passer quelque temps de plus que vous ne désiriez sur ces bancs. Il dépendait de vous de demander que cette question fût remise à un autre moment, à une session extraordinaire ; vous ne l'avez pas voulu ; supportez-en donc patiemment les conséquences.

Je ne pense pas m'être écarté de l'objet en discussion ni que vous ayez à vous plaindre de moi en aucune façon, et je vous prie de me laisser continuer.

M. le président. - N'interrompez plus, messieurs, je vous en prie.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Je vous disais donc, messieurs, que je crois vous avoir démontré d'une façon évidente, que l'Etat est entré dans une voie qui, financièrement, ne peut aboutir qu'à des déceptions et qui, au point de vue des populations intéressées, ne peut également leur amener que des déceptions si l'Etat veut exploiter économiquement et qui peut nous conduire aux résultats les plus déplorables ; qui agira dans des circonstances où il s'agit d'une question très grave, d'une question politique très importante qui viendra se mêler à ces questions pour faire pencher la balance contre le gré du pays, au gré des intérêts particuliers.

Je crois vous avoir démontré qu'un intérêt privé, l'intérêt de quelques spéculateurs, seul, trouvera son avantage dans la loi en discussion, que ce sont ces intérêts qui malheureusement déjà ont pénétré jusque dans l'enceinte sacrée du gouvernement et amené, à un moment où il s'agit de renouveler la moitié de la législature, à nous proposer cette loi. Eh bien, messieurs, en présence de cette situation, je fais une déclaration que j’aurais voulu éviter. (Interruption.)

M. le président. - Ecoutez la conclusion, je vous prie.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - J'estime trop cette Chambre et tous les membres qui la composent pour croire qu'aucune personne intéressée dans la question qui nous soumise ne prendra part au vote. (Interruption.)

D’autre part, je récuse, et d'une façon formelle, le vote de tous ceux dont le mandat expire cette année. (Interruption.)

M. le président. - M. Le Hardy, à mon tour, j'ai le devoir de vous dire que ceci dépasse les justes bornes. Vous n'avez pas le droit de récuser aucun de vos collègues ni d'en suspecter aucun.

Je n'étonne que vous, d'ordinaire si calme et si modéré, vous vous soyez laissé aller à prononcer ces paroles. Je vous engage à les retirer. Vous ne pouvez mettre en suspicion la moitié de vos collègues.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Là où le mandat cesse, la responsabilité personnelle commence.

M. le président. - Je ne comprends pas.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Je ne me reconnais pas à moi-même, dont le mandat n'est pourtant pas sur le point d'expirer, le droit d'engager de cette façon les générations qui me suivent ni de lier d'une façon indissoluble aux intérêts privés les représentants qui nous succéderont.

Dans une question de cette gravité, que j’ai essayé de faire comprendre, mais que je ne suis peut-être pas parvenu à faire comprendre comme je la comprends moi-même, j'ai cru de mon devoir d'appeler l'attention de mes collègues, dont le mandat va finir, sur leur situation vis-à-vis du vote qu'ils ont à exprimer.

Quant à moi, je déclare, en présence de la situation qui m'est faite de discuter une affaire de cette importance au moment présent, je me refuse à prendre part au vote ; je ne voterai pas même d'une façon négative, car ce serait apporter par mon vote un acquiescement que je ne puis donner à la loi qui nous est proposée.

Je demande donc que cette loi soit ajournée une époque où nous aurons plus le temps de l’examiner avec la maturité désirable. Je ne veux pas prolonger davantage mon discours ; mais je dois signaler des lacunes très importantes dans les contrats et dans la loi qui sont soumis.

La souveraineté des assemblées qui vont nous succéder n’est pas sauvegardée. Qu’arrivera-t-il si ces assemblées refusent de souscrire aux engagements que nous prenons aujourd’hui ; si elles refusent de voter d’une au budget des voies et moyens les recettes à provenir des chemins de fer dont il s'agit, et, d'autre pari, au budget des dépenses, les crédits nécessaires au payement des dépenses que ces chemins de fer vont occasionner ?

C’est notre droit ; c’est le droit de chaque législature qui succédera à celle-ci. Aucune mesure, aucune précaution n'est prise cet égard et il peut se faire que nous soumettions les intérêts particuliers à des épreuves excessivement pénibles, excessivement désastreuses. Il faut avertir les intérêts privés dès maintenant ; il faut que la Chambre reste en tout temps maîtresse de régler les recettes et les dépenses de l'Etat.

M. d’Elhoungneµ. - M. le président vous a interpellé tout à l'heure ; expliquez pourquoi nous ne pouvons pas voter.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - J'aurais volontiers expliqué cela à mon point de vue si l'honorable président ne m'avait pas arrêté, et je crois que l'explication vous aurait peut-être paru satisfaisante.

M. d’Elhoungneµ. - Eh bien, donnez-la maintenant.

- Plusieurs voix. - Non ! non !

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Certainement.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - M. le président permet-il ?

M. le président. - Je vous ai arrêté tout à l'heure quand vous avez prononcé des paroles offensantes pour vos collègues. Je vous engage pas y revenir, car je pourrais pas plus vous le permettre maintenant que je ne l'ai permis tout à l'heure.

Il ne s'agit pas d'explications, mais de l'affirmation que vous avez faite que ceux de vos collègues, sujets à réélection, ne pouvaient pas voter en pareille matière. La liberté de conscience de tous les membres de la Chambre reste entière en toutes matières et en toutes situations. Voilà ce que je vous ai rappelé.

Maintenant, veuillez continuer, mais ne restez pas sur ce terrain.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Permettez, M. le président, vous interprétez mes paroles d'une façon que je ne trouve pas exacte.

M. le président. - Mon impression a été celle de tous nos collègues.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Je n'ai exprimé de soupçon sur la loyauté, ni de l'opinion, ni du vote de personne.

J'ai seulement dit, et je maintiens que je suis dans le vrai, que les législateurs dont le mandat sera terminé demain ne sont pas maîtres d'engager l'avenir du pays dans une pareille affaire. Cette assertion n'avait rien de personnel à qui que ce fût. Je me la suis appliquée moi-même. Je vous ai montré comment, dans un autre pays, les assemblées procédaient ; comment, dans des questions de cette importance, elles laissaient agir l'opinion publique, elles la laissaient se former, s'éclairer tout entière, en n'émettant pas de vote sans avoir passé par l'épreuve d'une élection.

Voilà ce que j'ai voulu exprimer.

Je dis donc, M. le président, qu'à raison des explications que j'ai données à la Chambre, je ne me crois pas le pouvoir de voter cette loi, même négativement.

M. le président. - La parole est à M. Dumortier.

- Beaucoup de membres. - A demain !

- D’autres membres. - Continuons.

M. Dumortier. - Je demande la remise à demain ; je n'ai pas l'intention de parler au milieu des conversations publiques qui sont engagées depuis plus d'une demi-heure ; on demande depuis plus d'une demi-heure la remise à demain ; si c'est dans ces conditions qu'on veut me faire parler, je renonce la parole, sauf à la prendre demain.

Je dois parler contre le projet de loi ; l'honorable M. Le Hardy vient de parler contre ; je désire qu'on donne la parole à un orateur pour.

M. le président. - Après M. Dumortier, sont inscrits MM. Hagemans et de Montblanc ; voilà toute la liste des orateurs.

M. Dumortier. - M. le rapporteur parlera ; M. le ministre des travaux publics devra nécessairement se lever pour chercher à réfuter les arguments si forts présentés par l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu. (Interruption.)

Oh ! il est bien plus facile de trancher le gordien que de le dénouer.

Je persiste à demander la remise à demain.

- La Chambre, consultée, remet à demain, à 2 heures, la suite de la discussion.

La séance est levée à 10 heures et demie du soir.