(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1869-1870)
(Présidence de M. Dolezµ.)
(page 727) de Rossiusµ procède à l’appel nominal à 2 heures et un quart.
M. Reynaert lit le procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est approuvée.
M. de Rossiusµ présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.
« Des sauniers à Deynze prient la Chambre d'insérer, dans le projet de loi portant abolition du droit sur le sel, des dispositions sauvegardant leurs intérêts. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.
« M. le ministre de la justice informe la Chambre qu'il a fait connaître au sieur Deroyer, tailleur, à Anthée, que sa demande de naturalisation était inutile, attendu qu'ii se trouvait dans le cas de l'article 9 du code civil. »
- Pris pour information.
« Des sauniers à Huy demandent que la mise en vigueur de la loi portant abolition du droit sur le sel soit fixée au 1er juin ou au 1er septembre et que les sels raffinés étrangers soient soumis au droit d'entrée de 2 p. c. au moins. »
M. Preud’hommeµ. - Je prie la Chambre d'ordonner le renvoi de cette pétition à la section centrale chargée de l'examen du projet de loi, avec demande d'un prompt rapport.
- Adopté.
« Des habitants de Chimay prient la Chambre d'autoriser la concession au sieur Brassine du chemin de fer de Givet à Athus. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du rapport sur une pétition identique.
M. Julliot. - Messieurs, avant-hier, je n'étais pas encore à la Chambre quand on a analysé une pétition de la ville de Looz et d'autres communes avec des centaines de signatures, tendante à obtenir un chemin de fer indispensable à ce canton, une station à Looz.
Cette pétition se rattache au projet mentionné.
Je demande donc la permission de pouvoir y revenir pour postuler un prompt rapport à cet égard.
- Adopté.
M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Je demande un prompt rapport sur la pétition de la Ligue de l'enseignement relative au travail des enfants dans les manufactures, pétition qui a été renvoyée à la commission dans la séance d'avant-hier.
- Adopté.
M. le président. - Nous sommes arrivés à l'article 10, ainsi conçu :
« Les actes ou extraits d'actes dont les articles précédents prescrivent la publication seront, dans la quinzaine de la date des actes définitifs, déposés en mains des fonctionnaires préposés à cet effet ; ils en donneront récépissé. La publication devra être faite dans les dix jours du dépôt, à peine de dommages-intérêts contre les fonctionnaires auxquels l'omission ou le retard serait imputable.
« La publication sera faite par la voie du Moniteur, sous forme d'annexes, qui seront adressées aux greffes des cours et tribunaux, où chacun pourra en prendre connaissance gratuitement, et qui seront réunies dans un recueil spécial.
« Un arrêté royal indiquera les fonctionnaires qui recevront les actes ou extraits d'actes, et déterminera la forme et les conditions du dépôt et de la publication. »
Il y a un amendement de l'honorable M. Reynaert, ainsi conçu :
« Ajouter à l'article 10, un paragraphe 2, ainsi conçu :
« Les extraits d'actes de sociétés en commandite constituées au moyen de souscriptions ne devront être déposés que dans les trois mois de leur date. »
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je crois cet amendement parfaitement inutile. Il n'y a pas lieu de déroger aux règles générales fixées pour la publication.
L'honorable M. Reynaert dit que les extraits d'actes de sociétés en commandite constituées au moyen de souscriptions ne devront être déposées que dans les trois mois de leur date. Nous n'empêchons pas les sociétés de retarder ce dépôt, mais elles ne feront leurs actes définitifs que lorsque toutes souscriptions seront faites.
M. Reynaertµ. - Je ne demande qu'une chose, C'est que l'on fasse pour les sociétés en commandite ce qu'on a fait pour les sociétés anonymes.
Il y avait d'abord, pour ces sociétés, un délai d'un mois. Sur l'observation de l'honorable M. de Macar, que ce délai serait trop restreint quand le capital de la société est très considérable, il a été porté à trois mois.
Les mêmes raisons existent pour la commandite.
Si l'entreprise est importante, il faut qu'elle ait le temps de se faire connaître. Il faut qu'on puisse prendre des renseignements.
- La discussion est close..
L'amendement de M. Reynaert est mis aux voix par assis et levé ; l'épreuve, étant douteuse, est renouvelée ; l'amendement de M. Reynaert n'est pas adopté.
M. Saincteletteµ. - Je désirerais présenter une observation sur la rédaction de l'article tel qu'il a adopté au premier vote.
M. le président. - La Chambre permet-elle à M. Sainctelette de revenir sur cet article ? (Oui, Oui !)
La parole est M. Sainctelette.
M. Saincteletteµ. - Cet article est ainsi conçu : « Les actes ou extraits d'actes dont les articles précédents prescrivent la publication, seront, dans la quinzaine de la date des actes définitifs, déposés en mains des fonctionnaires préposés à cet effet, etc. »
Il semble, d'après cette rédaction, que les actes soit préparatoires, soit définitifs, doivent être publiés, et effectivement si je rapproche l'article 10 de l'article 29, je vois que, lorsque la société est constituée au moyen de souscriptions, on doit publier non pas seulement l'acte définitif qui institue réellement la société, mais même les projets d'actes qui sont le point de départ de la souscription. (Interruption.)
Je crois qu'il y a là un inconvénient sérieux ; j'avoue que, pour ma part, je ne comprends la publication des actes que pour autant qu'ils soient définitifs, qu'ils constatent réellement les droits et les devoirs des parties. A publier les actes de société qui ne seront pas suivis d'effets, il y a un véritable danger, celui d'induire les tiers en erreur, et aussi celui de décréditer une affaire dès son premier pas.
Lorsqu'une société aura été constituée par un acte publié, mais que cet (page 728) acte n’aura pas été suivi des souscriptions exigées par la loi, l’affaire sera, n'en doutez pas, complètement décréditée.
Il vaudrait mieux, selon moi, se borner à n'exiger la publication que des actes définitifs.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - L'honorable membre se trompe sur la portée de l'article. On ne doit publier que les actes définitifs et ce n’est qu’à partir du moment où l'acte est devenu définitif que la publication doit avoir lieu. Si l'acte ne devient pas définitif, il n’y a pas lieu de faire de publication. Da moins, il n'en est pas question dans cet article.
M. Saincteletteµ. - Dites alors dans la quinzaine de leur date.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Non, dans la quinzaine de l'acte définitif, parce que s'il n'y a pas d'acte définitif, on ne doit pas faire de publication.
M. Saincteletteµ. - Je ne comprends pas cette rédaction.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Le projet admet que les actes de société peuvent se faire en quelque sorte en plusieurs scènes. On peut faire d'abord des actes provisoires, puis des souscriptions, puis l'acte devient définitif. Eh bien, c'est à partir de ce moment seulement que le délai de dépôt commence à courir. Mais si l'acte n'a pas de suite, il ne doit pas être publié.
M. Reynaertµ. - L'opinion de M. le ministre de la justice me semble contraire au texte même. Ainsi, au paragraphe 3 de l'article 29, je lis que les souscriptions doivent indiquer « la date de l'acte authentique de société et de sa publication. » De acte s'agit-il là ?
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Il ne s'agit pas là d’un acte définitif.
M. Reynaertµ. - Et cependant il doit publié en vertu même de l'article 29, puisque les bulletins de souscription doivent en porter la mention.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Si l'honorable membre voulait lire l'article 29, il verrait qu'il n'y est pas question de publication des actes dont il parle. Cet article dit que les bulletins de souscription doivent indiquer la date de l'acte authentique de société et de sa publication ; tandis que l'article 10 parle, non pas de l'acte authentique, mais de l'acte définitif.
A l'article 30, il est dit : « Le procès-verbal authentique de cette assemblée, qui contiendra la liste des souscripteurs et l'état des versements faits, constituera définitivement la société. » Voilà l'acte définitif.
M. Reynaertµ. - Un seul mot. Il doit y avoir évidemment, d'après les dispositions proposées, deux espèces de publications. Que faut-il entendre par la publication dont parle le troisième paragraphe de l'article 29 ? Il s'agit bien là de la publication prévue l'article 10.
M. Saincteletteµ. - Evidemment ; M. Reynaert a parfaitement raison. (Interruption.)
M. le ministre de la justice (M. Bara). - L'article 290...
M. Saincteletteµ. - Permettez, M. le ministre. Lorsque la société anonyme est constituée par plusieurs actes au lieu de l'être par un seul, voici quelle est la marche que trace le projet de loi : Les fondateurs comparaissent devant notaire et, là, ils dressent un projet de statuts. Alors commence la période de souscription. L'article 30 indique les éléments que doit exprimer l'acte de souscription. L'un de ces éléments c'est l'acte authentique de société et « sa publication ».
Ainsi, d'après l'article 30, au moment où l'on s'adresse aux souscripteurs, on leur dit : Voici notre acte de société et voici à quelle date il a été publié.
Mais, comme je le faisais remarquer tout l'heure, après que le projet d'acte dressé par les fondateurs a été publié et que les souscriptions ont été recueillies, qu'en conséquence un acte définitif a été passé, il faut, pour constituer définitivement la société, que ce second acte, résumant le tout, soit son tour publié. Il y a donc, dans le cas de société anonyme constituée par voie de souscription, deux publications distinctes : la publication de l'acte dressé par les fondateurs et la publication de l'acte définitif.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Dans le cas de souscription, oui.
M. Saincteletteµ. - Eh bien, c'est ceci qui m'a fait demander si à l'article 10 il ne serait pas beaucoup plus exact de dire que : « les actes ou extraits d'actes dont les articles précédents prescrivent la publication, sont, dans la quinzaine de leur date, déposés contre récépissé. » Autrement, après la publication de l'acte dressé par les fondateurs, il peut arriver, si cet acte n'est pas suivi de souscriptions et qu’en conséquence il n'y ait pas lieu de passer un acte définitif, que vous ayez inséré dans le recueil spécial le statuts d'une société qui n'existe pas, et par conséquent, que les tiers soient induits en erreur par le fait du gouvernement.
MiPµ. - Je crois que l'honorable membre ne se rend pas bien compte de l'ensemble des dispositions des articles 10 et 29.
Il est extrêmement facile d'expliquer le système du projet de loi et on ne peut adopter la proposition qui est faite sans renverser tout le système.
Dans l'article 10, il s'agit des actes définitifs qui doivent avoir des effets vis-à-vis des tiers. Il prescrit les délais dans lesquels cette publication doit avoir lieu et il détermine les conséquences du défaut de publication. Il s'agit des actes définitifs qui constituent la société ; nous n'avons donc pas à nous occuper ici des actes préparatoires.
La disposition qui prescrit la publication des actes préparatoires est l'article 29.
Voici pourquoi il est nécessaire d'en parler :
On peut constituer une société par voie de souscription ; dans ce cas les fondateurs dressent les statuts de la société et ils appellent ensuite le public à venir prendre part à la souscription, ce n'est qu'après la souscription que la société est définitivement constituée et qu'elle a, par conséquent, ses effets vis-à-vis des tiers.
Il est d'une nécessité absolue qu'au moment où l'on appelle le public à souscrire, il sache bien à quoi il souscrit ; nous avons voulu entourer les souscripteurs de toutes les garanties possibles, nous avons voulu empêcher que l'on laisse ignorer aux souscripteurs la nature de la société.
Or, pour atteindre ce but, il est indispensable que l'acte qui provoque la souscription, que l'acte de la société qui appelle des versements de fonds soit connu de ceux qui souscrivent.
L'honorable membre voudrait-il qu'il pût y avoir une souscription en vertu d'un acte de la société alors que cet acte est ignoré des souscripteurs ?
Cela n'est pas possible.
Aussi, messieurs, en vertu de l'article 29, quand on constitue un acte de société par voie de souscription, on devra d'abord déposer les statuts non pas comme acte définitif irrévocable, mais comme projet d'acte de société dans lequel on appelle les souscripteurs à venir le rendre définitif par leurs souscriptions.
La publication est donc nécessaire et cet article 29 exige que, préalablement à la souscription, l'acte ait été publié.
On doit donc avoir une première publication de l'acte à titre de projet ct quand les souscriptions sont venues rendre la société définitive, il y aura lieu à une nouvelle publication, non plus ici en vertu de l'article 29, mais bien en vertu de l'article 10.
Donc la première publication provisoire et préalable à la souscription est faite en vcrtu de l'article 29 et l'article 10 vient ensuite soumettre à la publication les actes définitifs alors que la souscription est venue définitivement constituer la société.
Cette publication pourra se référer à l'acte déjà publié, et qui, par l'acte de constitution alors publié, devient l'acte fondamental de la société.
Je pense donc, messieurs, que ce système doit être maintenu et on ne peut admettre la proposition de M. Sainctelette sans renverser le système du projet de loi.
M. Dumortier. - Je crois, messieurs, que les observations présentées par l'honorable M. Sainctelette et par l'honorable M. Reynaert sont parfaitement fondées.
L'interprétation donnée par M. le ministre de l'intérieur ne peut s’appliquer, selon moi, qu'à certaines grandes sociétés et elle entrave la formation de toutes les autres sociétés.
Je ne conçois pas, pour ma part, comment il est possible d'admettre en principe que toute société devra avoir un acte provisoire qui sera publié dans les journaux. En effet, combien n'avez-vous pas de sociétés par souscription qui ne font pas de grandes affaires comme celles auxquelles on a fait allusion ?
J'avoue donc que je ne comprends pas votre système ; vous allez entraver les opérations industrielles que vous voulez protéger, parce que vous appliquez à toutes les sociétés ce qui doit être une très rare exception.
Je pense, je le répète, que les observations présentées par Sainctelette et Reynaert sont parfaitement fondées et il me semble qu'il y aurait moyen d'y faire droit. Si vous exigez la publication de tous les actes, vous arriverez à des inconvénients très sérieux ; l'honorable M. Sainctelette vous en a cité beaucoup, mais il n'a pas tout dit.
Il peut se trouver des opérations auxquelles la publication de l'acte provisoire va créer une concurrence considérable.
(page 729) Il pourra arriver que celui qui aura eu une idée soit spolié de cette idée par de grands spéculateurs.
De plus, vous établirez une confusion très grande. Quand on aura à faire à une société, on ne saura plus à quel acte il faudra s’en rapporter.
Je pense, messieurs, qu'il serait facile de parer ces inconvénients en ajoutant dans l’article 10 le mot « définitifs » et en disant « Les actes définitifs ou extraits d'actes définitifs. »
Cette modification donnerait, je pense, satisfaction aux observations présentées par les honorables membres. Je leur soumets cette idée ainsi qu'à l'assemblée.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Il suffira de mettre à l'article 29 que le dépôt de l'acte devra avoir lieu dans la quinzaine de sa date.
M. le président. - M. Sainctelette maintient-il son amendement ?
M. Saincteletteµ. - Non, monsieur le président.
M. Dupont, rapporteurµ. - Messieurs, la Chambre a désiré que l'article 44, qui l’a déjà occupée à différentes reprises, fût de nouveau soumis à l'examen de la commission. ElIe s'est réunie tout l'heure et je viens, en son nom et pour éviter une perte de temps, vous présenter un rapport verbal sur la mission que vous nous avez confiée. La commission a eu à se préoccuper de ce renvoi à un double point de vue.
Elle a eu à rechercher tout d'abord s'il y avait lieu de se rallier à l'avis émis par son ancien rapporteur et qui est de supprimer complètement l’article 44 du projet. A ce point de vue, la commission a maintenu et maintenu complètement sa première manière de voir.
Comme j'ai eu l'honneur de le dire dans le rapport que j'ai fait à la Chambre, la commission, à l'unanimité, avait été d'avis qu'il était impossible de rayer complètement l'article 44 du projet. Vous cn connaissez les raisons. Les administrateurs des sociétés anonymes sont souvent dans une situation tout à fait particulière. On ne peut admettre, alors qu'ils sont en définitive des mandataires des actionnaires, qu'ils puissent avoir en outre la position d'intéressés, sans aucune espèce de contrôle, sans aucune espèce de contrôle, sans qu'aucune tutelle soit exercée sur eux par leurs mandataires.
La commission a donc maintenu sa manière de voir sur ce point, et elle n'a pas été ébranlée par les observations de M. le ministre de l'intérieur. M. le ministre de l'intérieur a dit que le droit commun suffisait pour cette éventualité. Mais nous pensons qu'il a oublié que d'après le droit commun on n'est responsable que de ses fautes ; que le droit commun, en matière de société, se trouve dans l'article 1850 du code civil ; que, d'après cet article, les administrateurs sont responsables, nième d'une faute légère, il est vrai, mais que dans la position spéciale de l'article 44, lorsqu'il n'y a pas eu faute, il n'y aurait pas de responsabilité, bien que l'opération eût été désastreuse ; tandis que pour empêcher les actes de ce genre, pour attirer une lumière complète sur les actes que les administrateurs intéressés viendraient à poser, nous voulons que la responsabilité existe dit moment qu'ils sont intervenus sans l'accomplissement des formalités légales. Il y aura faute dès que l'on n'aura pas rempli les formalités de l'article 44.
Ce point vidé, et la commission ayant maintenu son opinion sur l'article 44, nous nous sommes demandé s'il y avait lieu de se rallier au nouveau mode présenté par M. le ministre de la justice. La commission et M. le ministre de la justice sont d'accord sur ce point qu'il y a lieu de maintenir la prohibition de l'article 44, que la supprimer complètement serait se mettre en opposition avec les principes de droit qui ne permettent pas qu'un mandataire profite de son mandat pour traiter des affaires où il est personnellement intéressé. M. le ministre de la justice vous a proposé l'article 44 que vous avez lu et qui est, en définitive, la reproduction de la loi française, avec cette modification cependant qu'au lieu de l'autorisation de l'assemblée générale que l'on exigeait d'abord, il suffira de l'autorisation du conseil d'administration et de l'autorisation des commissaires.
Il y a, entre cette loi française modifiée, qui est le texte actuel du gouvernement, et le texte proposé d'abord par la commission, des différences assez essentielles. Ces différences portent tout d'abord sur la nature des actes pour lesquels certaines formalités sont requises.
D’après le gouvernement, ces formalités sont requises pour les marchés et entreprises en général. D'après le texte de la commission, on faisait une distinction suivant l'importance des actes dont il s’agissait. S'agissait-il d'actes d'une certaine importance, d'actes qui, d'après les statuts, doivent être soumis au conseil d'administration, il y avait lieu d'appliquer l'article. S'agissait-il, au contraire, d'actes qui rentrent dans la gestion journalière, qui sont généralement dans les attributions du directeur-gérant, d’actes, en un mot, qui ne sont pas soumis à l'approbation et au contrôle direct, absolu du conseil d'administration, alors la prohibition de l'article 44 ne trouvait pas sa place. Nous avions ainsi fait droit à des observations présentées dans la discussion par l'honorable M. Tesch et par l'honorable M. Sainctelette.
Voilà le donc le premier point par lequel la rédaction du gouvernement différenciait de la rédaction de la commission. Il y avait une seconde différence : c'est que, frappée des observations qui avaient été présentées dans la discussion, des inconvénients qui avaient été signalés, la commission ne voutait qu'une chose : c'est que le fait de l'existence de semblables conventions fût porté à la connaissance de l'assemblée générale. Mais on ne devait pas entrer dans des explications en ce qui concernait ce fait porté simplement à sa connaissance. Il n'y avait pas à rendre compte, comme cela est dit dans la rédaction proposée par le gouvernement.
Voilà la seconde différence entre les deux rédactions.
Enfin, il y en a une troisième, et elle est essentielle : c'est que la commission proposait qu'on accorder aux administrateurs une autorisation générale pour toute une série d'actes déterminés ; elle proposait aussi que l'autorisation pût être donnée pour l'année tout entière.
Voilà, messieurs, l'tlat de la discussion au moment où le renvoi à la commission a été ordonné.
La commission, voulant comme elle l'a toujours fait, tenir compte de toutes les opinions éclairées et consciencieuses, a combiné ses propositions avec celles du gouvernement, et voici la rédaction qu'elle propose :
« L'administrateur qui a un intérêt opposé à celui de la société, dans une opération soumise à l'approbation du conseil d'administration, est tenu d'en prévenir le conseil et de faire mentionner cette déclaration au procès-verbal de la séance.
« Le conseil ne peut approuver l'opération sans l'autorisation des commissaires.
« Il est spécialement rendu compte à la première assemblée générale, avant tout vote sur d'autres résolutions, des opérations autorisées aux termes des paragraphes précédents.
« Si l'administrateur n'a pas fait connaître au conseil d'administration qu'il a un intérêt dans l'opération, il sera responsable des pertes qu'elle aura causées. Il en sera de même pour les administrateurs qui ont agi sans l'autorisation des commissaires.
« Ces règles ne sont pas applicables si l'opération a été conclue avec publicité et concurrence ou si l'assemblée générale, informée de la position de l'administrateur, a d'avance autorisé la convention.
« Cette autorisation peut être donnée même pour une année entière et pour une catégorie d'opérations déterminées, sauf compte à rendre à l'assemblée générale à l'expiration du terme stipulé. »
Messieurs, d'après une conversation que j'ai eue tout à l'heure avec l'honorable ministre de la justice, il serait disposé à se rallier à la proposition de la commission, l'exception toutefois du dernier paragraphe. La Chambre me permettra de donner sur chaque paragraphe quelques explications.
La paragraphe premier est, sauf un point sur lequel je vais m'expliquer à l'instant, la reproduction du de la proposition primitive de la commission. La commission a pensé qu'il y avait lieu de maintenir les mots : « Intérêt opposé à celui de la société. »
En effet, il peut arriver qu'un administrateur ait un intérêt dans l'opération, mais que cct intérêt ne soit pas le moins du monde opposé à celui de la société.
Si, par exemple, l'administrateur est engagé dans une autre société et que l'opération se fasse pour compte à demi par les deux sociétés, dans cc cas les intérêts de cet administrateur dans les deux affaires sont entièrement les mêmes. Il n'y a lieu de se préoccuper que d'un intérêt opposé à celui de la société ; c'est ce qu'avait déjà signalé M. Tesch dans son amendement.
On lit aussi dans notre texte que les formalités seront exigées seulement quand l'opération doit être soumise à l'approbation du conseil. S’il s'agit donc d'un acte de gestion journalière ordinaire, il ne pourra pas en être question.
C'est une distinction très importante que la loi française n'a pas faite et qui fait disparaître beaucoup de critiques qui ont surgi contre le projet.
A propos de ce paragraphe premier, il s'est élevé dans la séance d'hier une discussion relativement aux affaires d'escompte. La commission, dans son premier rapport, ne s'en était pas préoccupée.
Aujourd'hui, elle propose de remplacer les mots « marchés et entreprises » (page 730) par le mot, plus général, d' « opérations », de sorte que, dans la pensée de la commission, l'article 44 s'appliquerait non seulement aux marchés de charbon, de minerais, etc., et aux entreprises de tout genre, mais aussi aux opérations de banque.
En France, vous le savez, messieurs, on avait expressément déclaré dans la discussion, au corps législatif, en 1867, quc les affaires de banque, que les opérations d'escompte ne tombaient pas sous l'application de la disposition de la loi française, mais nous pouvons en agir autrement sous l'empire de l'article que nous proposons à la Chambre et cela pour deux motifs.
Le premier, c'est que nous faisons une distinction, que ne faisait pas la loi française, entre les actes de gestion journalière et les actes qui doivent être soumis à l'approbation du conseil d'administration.
Or, messieurs, lorsque cette discussion eut lieu devant le corps législatif, on a fait observer que les opérations d'escompte se reproduisent très fréquemment et qu'il faudrait, à propos de chacune d'elles, demander une autorisation spéciale.
Cette objection ne peut être reproduire ici.
En second lieu, et, comme je le disais tout à l'heure, nous sommes en désaccord avec M. Ic ministre de la justice sur ce point, c'est que l'autorisation peut être, d'après nous, accordée d'une façon générale et pour toute une catégorie d'opérations déterminées, de sorte que l'inconvénient qui existe ce France, où cette disposition n'est pas dans la loi, ne se produira pas en Belgique, si la Chambre se range 'a notre avis.
Voilà, messieurs, les raisons qui nous ont déterminés à trancher la question en ce sens.
Quant au fond de la question, on doit reconnaître que ces opérations peuvent présenter autant d'inconvénients que celles qui sont indiquées par mots : « marchés et entreprises ».
Le paragraphe 2 est ainsi conçu :
« Le conseil ne peut approuver ce marché ou cette entreprise, sans avoir demandé et obtenu au préalable l'autorisation des commissaires. »
Ce paragraphe est la reproduction de l'ancien paragraphe du projet de la commission ; seulement la commission a pensé qu'il était plus correct de dire : « sans l'autorisation des commissaires » au lieu de dire : « sans avoir obtenu, etc. »
C'est donc un simple changement de rédaction qui n'a aucune espèce d'influence sur le fond.
Nous disions au paragraphe 3 dans notre première rédaction :
« Le fait de la conclusion d'un semblable marché doit être porté par les commissaires à la connaissance de la plus prochaine assemblée générale et avant le vote sur les résolutions qu'elle est appelée à prendre. »
Nous nous sommes écartés complètement de la rédaction que nous avions proposée d'abord et, à partir de ce paragraphe, nous reprenons la rédaction du gouvernement.
Le gouvernement, suivant les errements de la loi française, propose de dire :
« Il est rendu un compte spécial, etc. »
Nous proposons de dire :
« Il est spécialement rendu compte, à la première assemblée générale, avant tout vote sur d'autres résolutions, dos opérations autorisées aux termes des paragraphes précédents. »
Vous voyez tout d'abord, messieurs, que nous disons : « Il est spécialement rendu compte », au lieu de : « Il est rendu un compte spécial. »
Evidemment lorsqu'on parle de rendre un compte, la pensée qui se présente à l'esprit est celle de détails circonstanciés sur les opérations de calculs, de chiffres. La commission, bien qu'elle soit revenue en partie de son opinion première, n’a pas pensé qu'il fallait aller aussi loin. Vous savez que, dans son premier projet, elle proposait de dire que le simple fait de l'existence d'une convention devait être porté à la connaissance de l'assemblée générale.
Elle pensait que la sanction naturelle de la disposition se trouvait dans le droit accordé aux actionnaires de refuser leur approbation au bilan ou le renouvellement de leur mandat aux administrateurs.
Nous avons discuté de nouveau, en présence de la proposition du gouvernement, cette partie de l'article et nous nous sommes ralliés à l’opinion intermédiaire qui consiste à dire : « qu'il sera spécialement rendu compte » et non « qu'il sera rendu un compte ».
La Chambre saisit immédiatement la nuance qui distingue ces deux rédactions et nous ajoutons les mots : « avant tout vote sur d'autre résolutions », pour maintenir la garantie et la sanction que nous voulions accorder aux actionnaires.
Le paragraphe 4 porte :
« Si l'administrateur n'a pas fait connaître au conseil d'administration qu'il a un intérêt dans l'opération, il sera responsable des pertes qu'elles aura causés. »
Nous reproduisons ici purement et simplement le texte du gouvernement. Vous savez que dans le projet de la commission une responsabilité était imposée aux commissaires. Cette responsabilité a paru rigoureuse et nous la faisons disparaître. La responsabilité ne pèsera que sur des administrateurs dans les deux hypothèses prévues par le paragraphe dont il s’agit.
Le paragraphe 5 n'avait donné lien à aucune espèce de discussion ; il était accueilli unanimement ; il consiste dans le passage suivant :
« Ccs règles sont pas applicables si l'opération, etc. »
Le gouvernement et la commission étaient d'accord et, je le répète, on n'avait pas fait d'observations en ce qui concerne ce paragraphe.
Reste le paragraphe dernier, le seul sur lequel la commission et le gouvernement ne se soient pas mis d'accord, car l'honorable ministre de la justice, tout en maintenant sa première opinion, est disposé, si elle n'est pas accueillie par la majorité, à se rallier au paragraphe précédent. Ce paragraphe est ainsi conçu :
« Cette autorisation peut donnée même pour une année entière et pour une catégorie d'opérations déterminées sous compte à rendre à l'assembléc générale à l'expiration du terme stipulé. »
Vous savez les raisons qui ont été données pour la suppression de ce paragraphe ; d'après l'honorable ministre de la justice, la loi deviendrait ainsi complètement insuffisante, elle deviendrait inutile, illusoire, elle ne donnerait plus de garanties aux actionnaires.
Eh bien, il a paru que cette disposition n'enlève pas son efficacité à la loi.
En effet, quel but avons-nous voulu atteindre ? Nous avons voulu que les administrateurs fussent soumis à un contrôle, à une tutelle pour certains actes de la part des actionnaires. Eh bien, ce contrôle existera alors même que les actionnaires seront appelés à donner leur autorisation pour une année entière et pour une catégorie d'opérations. Si les actionnaires ont une confiance entière dans les membres du conseil d'administration, ils pourront faire usage de la faculté que leur laisse la loi.
Remarquez que, dans la pensée de la commission, il y a lieu, dans ce cas, à rendre compte conformément au paragraphe 3. Ainsi lorsque les actionnaires auront autorisé les administrateurs à conclure, avec une maison de banque dans laquelle un des administrateurs serait intéressé, une convention, à certaines conditions, pour toute une série d'opérations d'escompte ou de crédit, lorsqu'ils auront donné cette autorisation, une année tout entière, il sera rendu compte à l'assemblée générale à l'expiration du terme stipulé.
Voilà les observations que la commission m'a chargé de vous présenter. Nous sommes en réalité d'accord avec le gouvernement sur toute la première partie de l'article 44 ; il n'y a de dissentiment que sur la partie finale ; la commission a pensé que, dans l'état actuel des choses en Belgique, en présence de cet enchevêtrement des diverses sociétés anonymes actuelles ; avec le système de patronage qui s'est étabii chez nous, il était indispensable de faire cette concession à ceux qui craignent les effets de l’article 44.
Cette concession n'a pas été obtenue en France ; mais cn France, les mêmes raisons ne militaient pas en faveur de cette disposition : la situation industrielle n'était pas la même et en outre, il faut le proclamer bien haut, nous n'avons pas à regretter, en Belgique, des scandales financiers aussi fréquents et aussi désastreux. Nous pouvons donc faire la liberté de plus larges concessions.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - L'honorable membre a constamment dit, dans son rapport, que nous étions d'accord sur les quatre premiers paragraphes.
Je dois rectifier ce point : je ne suis pas du tout d'accord avec la commission sur l'article proposé par elle.
Je maintiens qu'il ne peut pas y avoir en droit d’autre principe que celui-ci : c'est que le gérant ne peut pas s'intéresser à une affaire en opposition avec les intérêts inhérents à sa gérante.
Par conséquent, je ne puis pas admettre qu'on déroge ici à ce principe sans l'autorisation de l'assemblée générale.
J'admets parfaitement la loi française. J'aurais voulu que les opérations de banque pussent être autorisées d'une manière générale par l »assemblée des actionnaires ; mais comme je l'ai dit à la dernière séance, je crois que ce système n'aurait pas de chance d'être admis. Je ne l'abandonne pas ; mais je dois combattre énergiquement le cinquième paragraphe de l'amendement de la commission, qui consiste à admettre la concurrence avec t'autorisation des commissaires d'une autorisation générale de l’assemblée, c'est-à-dire à donner une sorte de blanc seing aux administrateurs.
Je ne comprends pas cette dualité, et je demande dans quelles circonstances on usera d'un système plutôt de l’autre. On verra, dans certains (page 731) cas, les administrateurs demander l'autorisation des commissaires, et dans d'autres cas demander une autorisation générale à la première assemblée générale qui sera tenue dans l'année. Eh bien, on verra dans l'adoption de l'un ou de l'autre système des raisons personnelles pour éviter tel ou tel contrôle ; il y aura des froissements, et ce sera le moyen d'éluder un contrôle sérieux.
Moi je pense, que si l'on veut faire une concession au système présenté par le gouvernement, on peut se contenter de l'autorisation des commissaires ; mais je ne puis pas admettre la concurrence de l'autorisation de l'assemblée générale.
Si vous admettez l'article proposé par la commission, je dirai avec l'honorable M. Pirmez qu'il vaudrait presque autant ne pas avoir de garantie et dire aux administrateurs qu'ils pourront faire ce qu'ils voudront. Et alors nous verrons, ce qui a eu lieu déjà, tel gérant signer à lui seul une traite de quatre signatures et engager quatre sociétés pour une somme de plus d'un million.
Eh bien, messieurs, c'est pour prévenir un tel abus que nous devons exiger au moins l'intervention des commissaires.
Maintenant, messieurs, la Chambre est parfaitement éclairée sur la question ; elle est en mesure de se prononcer en parfaite connaissance de cause. Pour ma part, je ne saurais pas appuyer le système de la commission.
M. le président. - La Chambre entend-elle entamer immédiatement la discussion ?
- Plusieurs voix. - Non ! non !
M. Moncheurµ. - Je demande l'impression de l'amendement et l'ajournement de la discussion.
M. Dupont, rapporteurµ - Je demande cependant à faire, dès à présent, une simple observation. Je tiens à faire remarquer que le dissentiment entre M. le ministre de la justice et la commission ne porte que sur le dernier paragraphe.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - L'honorable M. Dupont a raison, du moment que l'on n'admet pas le système du gouvernement. Mais j'ai présenté un amendement en ordre subsidiaire, parce que le système du gouvernement ne me paraissait pas avoir de chance de succès. C'est alors que la commission a proposé son dernier amendement. J'ai déclaré me rallier aux quatre premiers paragraphes ; mais je maintiens ce que j'ai dit antérieurement sur la valeur de la disposition.
- L'article 44 est réservé.
« Art. 12 (13 du projet amendé). Toute continuation de société après son terme, toute dissolution volontaire avant le terme convenu, tout changement ou retraite d'associés, toute modification aux dispositions dont la loi prescrit la publicité et, enfin, la détermination du mode de liquidation, doivent être constatés par des actes de même nature que les actes requis pour la constitution de la société.
« Ces actes doivent recevoir la publicité indiquée par les articles précédents, à peine de ne pouvoir être opposés aux tiers, qui néanmoins pourront s'en prévaloir. »
M. le président. - Cet article a reçu dans la séance d'hier une légère modification ; on a remplacé les mots « doivent être » par le mot « sont ».
- L'article ainsi modifié est définitivement adopté.
M. Saincteletteµ. - Je demande à présenter une observation sur l'article 13.
M. le président. - La Chambre consent-elle à ce que M. Sainctelette revienne sur l'article 13 ?
- Plusieurs voix. - Oui, oui !
M Saincteletteµ. - Messieurs, l'article 13 est ainsi conçu :
« Les associations commerciales momentanées et les associations commerciales en participation ne sont pas sujettes aux formalités prescrites pour les autres sociétés. »
Or, les mots « sociétés » et « associations » représentent deux idées différentes et cette signification différente était reconnue sous le code de 1808 et dès la rédaction des premiers articles nous avons consacré de nouveau cette con fusion.
Je demande donc la suppression du mot « autres », afin qu'on ne confonde pas les associations avec les sociétés.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je ne m'y oppose pas.
M. le président. - La rédaction de l'article serait donc la suivante :
« Les associations commerciales momentanées et les associations en participation ne sont pas sujettes aux formalités prescrites pour les sociétés. »
Le mot « autres » est ainsi supprimé.
M. Reynaertµ. - Je voudrais également faire une observation propos de cet article. J'ai vainement cherché à comprendre quelle en peul être l’utilité, surtout si on le met en rapport avec l'article 6, qui porte :
« Les associations momentanées et les associations en participation peuvent être constatées par la représentation des livres, de la correspondance, ou par la preuve testimoniale, si le tribunal juge qu'elle peut être admise. »
Il me semble, messieurs, qu'il est superflu de dire que ces associations ne sont pas soumises aux formalités des autres sociétés, dès qu'il est établi, par l'article 6, que. la représentation des livres, de la correspondance, la preuve testimoniale sont admises pour prouver leur existence.
M. le président. - Vous proposez donc la suppression de l'article-13 ?
M. Reynaertµ. - Oui, c'est sur cet article que porte mon observation.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je ne puis admettre cela, car l'article est présenté dans le projet comme étant indispensable.
Je ne puis, du reste, admettre à l'improviste des observations du genre de celle de M. Reynaert ; je comprends les observations de style comme celle que vient de présenter l'honorable M. Sainctelette, mais je ne puis admettre des observations tendantes à supprimer ainsi un article entier. S'il est inutile cet article, il faut le vérifier et je ne puis examiner cela à l'instant.
Ce système est dangereux et je demanderai à M. le président de tenir la main, autant que possible, afin d'empêcher les amendements de nature à supprimer des articles, ce qui peut avoir les conséquences les plus graves.
M. le président. - Je vous ferai remarquer, M. le ministre, qu'il a été entendu que pour la révision des articles, il a été convenu que nous marcherions dans ces conditions.
Je comprends, du reste, combien il est important de ne pas trop s'écarter du projet de loi.
M. le président. - Voici, messieurs, quelle est la rédaction primitive de l'article 16 :
« Les associés en nom collectif sont solidaires pour tous les engagements de la société, encore qu'un seul des associés ait signé, pourvu que ce soit sous la raison sociale. »
Vient ensuite l'amendement de Guillery à cet article.
M. Guillery. - Je me rallie à l'amendement de M. le ministre de justice qui exprime la même pensée.
M. le président. - L'amendement de M. Guillery venant à disparaître, il reste l'amendement de M. le ministre de la justice, qui consiste à ajouter un paragraphe ainsi conçu :
« Néanmoins, les jugements rendus contre les associés ne pourront être exécutés que par les créanciers qui auront obtenu une condamnation contre la société. »
M. Lelièvreµ. - Je comprends l'article de la manière suivante :
Les créanciers ne pourront exécuter, contre l'être moral appelé société, un jugement rendu contre les associés, sans avoir obtenu un jugement contre la société elle-même.
Cela se conçoit puisque la personne fictive ne peut être atteinte que par une condamnation qui la frappe directement.
Mais je suppose un jugement rendu contre la société ; en ce cas, je demande s’il sera exécutoire de plein droit contre les associés tenus solidairement des dettes, ou bien un jugement particulier contre les associés est-il indispensable ?
Je désire avoir une explication sur ce point pour qu'il ne puisse s'élever aucun doute à cet égard.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - L'amendement, tel qu'il a été présenté, ne change rien aux principes du droit. Si l'on obtient un jugement contre les associés, on pourra l'exécuter, mais il faudra aussi avoir obtenu un jugement contre la société. Si le jugement obtenu contre la société emporte condamnation contre les associés, ce jugement pourra être exécuté.
M. le président. - Je vais mettre aux voix le paragraphe de l'article 16 ; il est ainsi conçu :
« Les associés en nom collectif sont solidaires pour tous les engagements de la société, encore qu'un seul des associés ait signé, pourvu que ce soit sous la raison sociale. »
- Adopté.
(page 732) M. le président. - A cet article, M. le ministre propose un paragraphe additionnel, ainsi conçu :
« Néanmoins les jugements rendus contre les associés ne pourront être exécutés que par les créanciers qui auront obtenu une condamnation contre la société. »
- Adopté.
M. le président. - Nous sommes arrivés à l'article 17 ; on propose de placer cet article à la section III : si la Chambre ne s'y oppose pas, il en sera ainsi.
M. Guillery avait présenté à cet article un amendement ainsi conçu :
« La société en commandite est celle que contractent un ou plusieurs associés indéfiniment responsables, que l'on nomme commandités, et un ou plusieurs associés simples bailleurs de fonds, que l'on nomme commanditaires. »
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je ne m'oppose pas à l'amendement de M. Guillery ; seulement, je préfère qu'on maintienne les mots « responsables » et « solidaires », parce qu'ils sont admis dans le langage juridique et qu'ils expriment bien l'idée qu'on veut rendre. Il faudrait également supprimer le mot « indéfiniment ».
M. le président. - L'amendement serait donc ainsi conçu :
« La société en commandite est celle que contractent un ou plusieurs associés responsables et solidaires, que l'on nomme commandités et un ou plusieurs associés simples bailleurs de fonds, que l’on nomme commanditaires. »
- Adopté.
« Art. 18. La raison sociale comprend nécessairement le nom d'un ou de plusieurs associés indéfiniment responsables.
« Le nom d'un associé commanditaire ne peut faire partie de la raison sociale. »
M. le président. - M. Guillery propose de modifier le premier paragraphe de cet article de la manière suivante :
« La raison sociale comprend nécessairement le nom d'un ou de plusieurs associés commandités » et il demande la suppression du deuxième paragraphe.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - M. Guillery propose la suppression du deuxième paragraphe. Je crois, messieurs, que ce paragraphe doit être maintenu, car il ne suffit pas seulement de donner la sanction, il faut aussi indiquer la défense.
M. Guillery. - Je retire mon amendement.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Il faut supprimer également dans l'article 18 le mot "indéfiniment » et dire « un ou plusieurs associés commandités ».
M. le président. - Je mets donc aux voix l'article ainsi conçu :
« La raison sociale comprend nécessairement le nom d’un ou de plusieurs associés commandités responsables.
« Le nom d'un associé commanditaire ne peut faire partie de la raison sociale. »
- L'article ainsi rédigé est adopté.
« Art. 20 (21 du projet amendé). L'associé commanditaire n'est passible des dettes et pertes de la société que jusqu'à concurrence des fonds qu'il a promis d’y apporter.
« Il peut contraint par les tiers à rapporter les intérêts et les dividendes qu'il a reçus, s'ils n'ont pas été prélevés sur les bénéfices réels de la société, et, dans ce cas, il peut poursuivre contre les gérants et les membres du conseil de surveillance, tenus à cet effet solidairement, le payement de ce qu'il aura dû restituer. »
M. le ministre de la justice propose d'amender cette rédaction dans les termes suivants :
« ... et dans ce cas, s'il y a fraude, mauvaise foi ou négligence grave de la part du gérant ou des membres du conseil de surveillance, le commanditaire pourra les poursuivre en payement de ce qu'il aura dû restituer. »
M. Eliasµ. Messieurs, je crois qu'il y a lieu de supprimer le paragraphe 2 de cet article. Il a été considérablement amélioré par M. le ministre. La dernière rédaction est meilleure ; elle a fait disparaîtra la solidarité des membres du conseil d'administration et des gérants, et ne les soumet à la restitution des dividendes fictifs que dans le cas de mauvaise foi ou de négligence grave.
Cependant le principal motif qui avait fait admettre cet article était su tout puisé dans cette considération que « l'introduction (je lis le rapport de M. Pirmez) des actions au porteur permet d'appliquer à ces distributions la mesure la plus complètement réparatrice sans crainte de voir son efficacité détruite par l'impossibilité de connaître les personnes qui les ont reçues. »
Par l’introduction dans la loi de l’article 23 qui permet la division du capital des sociétés en commandite en actions au porteur, la principale différence entre la société en commandite et la société anonyme a disparu.
Si donc on maintenait cet article pour les sociétés en commandite, je propose qu'il soit appliqué également à la société anonyme et alors il y aurait lieu d'introduire à l'article 77 un amendement dont je donnerai le texte, si la Chambre croit devoir maintenir l'article 20. Il y aurait, dans ce cas, lieu également d'apporter une modification à l'article qui établit la prescription.
M. le président. - Faites-vous une proposition ?
M. Eliasµ. - Je désire faire une première proposition, qui est celle de supprimer complètement l'article 20, paragraphe 2. Ensuite, je ferai une proposition subsidiaire, si la Chambre maintient le principe de ce paragraphe : c'est de l’appliquer complètement et de l'étendre aux sociétés anonymes.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je ne me rallie pas à la proposition de l'honorable M. Elias. Si le droit commun suffit, ce que je ne crois pas, il n'y a pas de mal à le répéter. ce qui abonde ne nuit pas. Si l'honorable membre vent présenter un amendement à l'article 77, je suis prêt à l'admettre, bien qu'il sera beaucoup plus difficile de l'exécuter.
M. Eliasµ. - La même difficulté existe aujourd'hui pour les sociétés en commandite. Depuis que vous avez permis la division du capital social en actions au porteur, il est évident que les sociétés en commandite peuvent présenter ici les mêmes inconvénients que les sociétés anonymes.
Il y a plus ; c'est que par votre système vous allez faire disparaître de la société anonyme et de la commandite l'action nominative. L'action nominative étant soumise à cette pénalité tout à fait spéciale, sera remplacée par l'action au porteur. Vous allez donc faire disparaître l'actionnaire le plus sérieux, celui dont le nom est connu.
Je crois que vous commettez ici un excès de prudence, et que cet excès, au lieu d'avoir de bons résultats, produira, au contraire, des effets nuisibles.
Tout le monde sait que l'actionnaire en nom suit les opérations de la société avec un soin beaucoup plus grand que celui qui n’a que des actions au porteur, et dont l’intérêt est le plus souvent tout à fait passager.
C'est pour ces motifs que j'aurais voulu voir supprimer le paragraphe tout entier.
Mais si vous ne le faites pas, je demande que vous soyez logiques et que vous appliquiez le même système aux sociétés anonymes.
M. Broustinµ. - Le paragraphe 2 de l'article 20 ou 21 du projet amendé dispose que l'associé commanditaire peut être contraint par les tiers à rapporter les intérêts et les dividendes qu'il a reçus, s'ils n'ont pas été prélevés sur les bénéfices réels de la société.
L'honorable M. Lelièvre disait, avec raison, selon moi, que la rédaction de l'article 21 et notamment celle du paragraphe 2 de cet article changent la position du commanditaire, en ce que cet article le rend débiteur direct et personnel des créanciers de la société, tandis qu'il ne l'est que de la société elle-même.
M. le ministre de la justice et 'l'honorable M. Lebeau ne partagent pas cette manière de voir. Il faut, disent-ils, laisser aux créanciers les moyens de rentrer dans les fonds qu'ils ont déboursés, ou dans les obligations que la société peut avoir contractées vis-à-vis d'eux. De quoi peuvent se plaindre les commanditaires ? S'ils ont rempli leurs engagements, qu'est-ce que cela leur fait que les créanciers les actionnent ?
M. Lebeau ajoute : Un actionnaire, qui a touché sous le titre de dividende des sommes qui ne constituent pas un bénéfice réel, doit les rapporter si, à la dissolution de la société et à l'époque de sa liquidation, l'actif ne balance pas le passif.
Je suis parfaitement d'accord avec les honorables préopinants sur l'obligation de tout associé commanditaire de fournir sa mise à la masse sociale.
Je comprends le droit de tout créancier de forcer tout commanditaire à remplir ses obligations. Mais ce que je désire éviter aux associés commanditaires, ce sont des procès que les créanciers de la société peuvent leur intenter à l’infini, en agissant successivement et isolément. C'est ce qui arriverait si l'on maintenait la rédaction de l'article 21 du projet de loi ; surtout avec le nouvel amendement proposé par M. le ministre de la justice.
Et en effet, en stipulant le recours des commanditaires contre les gérants et les commissaires pour être remboursés de ce qu’ils auront dû restituer, n'est-ce pas confirmer l'action directe des créanciers de la société contre les commanditaires ? N'est-ce pas attiser le feu de la (page 733) chicane ? Au lieu d'exposer les associés commanditaires aux poursuites des créanciers de la société, pour les obliger à rapporter à la masse des sommes que ceux-ci considéraient comme leur étant légitimement acquises, sauf à eux de se les faire rembourser par les gérants et les commissaires ; n'est-il pas plus simple et plus sage d'imposer directement aux gérants et aux commissaires l'obligation de supporter personnellement et de rembourser les intérêts et les dividendes qui auraient été indûment distribués ?
Je voudrais donc voir remplacer l'amendement de M. le ministre par celui-ci :
« Dans le cas où les intérêts et dividendes reçus par les actionnaires n'auront pas été prélevés sur les bénéfices réels de la société, les gérants seront personnellement tenus de supporter et de rapporter à la masse sociale, aux lieu et place des commanditaires, les intérêts et dividendes indûment distribués. »
M. Mullerµ. - Je voudrais bien que M. le ministre de la justice s'expliquât d'une manière positive sur la différence qui est faite par cet article entre les porteurs d'actions qui ne sont pas nominatives des sociétés en commandite et les porteurs d'actions de la même catégorie des sociétés anonymes.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Il n'y a pas de différence. (Interruption.) L'article ne s'applique qu'aux sociétés en commandite
L'honorable M. Elias a fait un reproche de ce qu'il ne s'appliquait pas aux sociétés anonymes. J'ai dit : Présentez un amendement, et l'honorable membre présentera un amendement,
M. Mullerµ. - J’avais très bien compris M. le ministre de la justice, mais il dit : L'honorable M. Elias pourra présenter un article quant aux sociétés anonymes quoiqu'il doive être d'une exécution difficile. Eh bien, s'il est d'une exécution difficile pour les sociétés anonymes, il sera d'une exécution tout aussi difficile pour les sociétés en commandite.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - L'honorable M. Elias a dit : Ce sera la même chose. J'ai répondu qu'il se trompait, car il peut exister des sociétés en commandite à actions nominatives. Quant aux sociétés en commandite par actions au porteur, ce sont de véritables sociétés anonymes.
Maintenant, il y aura des difficultés pour les actions au porteur, je le reconnais ; mais voulez-vous étendre le principe aux sociétés anonymes ?
Je suis assez disposé à me rallier à l'amendement de l'honorable M. Elias, mais ce n'est pas à cet article-ci qu'il doit être présenté.
M. Mullerµ. - Je suis de cet avis, mais je dis que pour que la loi soit conséquente, on doit adopter le second amendement de M. Elias.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Messieurs, l'honorable M. Broustin présente un amendement ainsi conçu : « Dans le cas où les intérêts et dividendes reçus par les actionnaires n'auront pas été prélevés sur les bénéfices réels de la société, les gérants seront personnellement tenus de supporter et de rapporter la masse sociale, aux lieu et place des commanditaires, les intérêts et dividendes indûment distribués. »
Je ne puis accepter cet amendement, et vous allez comprendre que si vous l'admettiez vous réduiriez à rien le recours des créanciers contre les commanditaires.
L'honorable membre donne un recours contre les gérants, mais si les gérants sont insolvables, que fera l'honorable membre ?
Les créanciers n'auront plus d'action contre les commanditaires.
Nous voulons cette action directe pour que les commanditaires soient obligés de restituer les dividendes indûment payés. Les commanditaires auront leur recours contre les gérants.
De plus, l'honorable membre supprime le recours des commanditaires contre les commissaires. Je ne vois pas pourquoi les commissaires ne seraient pas poursuivis lorsqu'ils sont en défaut.
M. Broustinµ. - Le but que je veux atteindre est celui-ci : c'est que les créanciers actionnent collectivement les gérants de la société et non individuellement les simples commanditaires.
Comment ! pour un dividende de 100 francs, vous donnez à un créancier le droit d'attaquer individuellement les membres commanditaires de l'association. Je trouve cela exorbitant.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Ils n'ont qu'à payer. On leur écrira, soyez-en sûr, avant de les assigner.
M. Broustinµ. - Comment les commanditaires pourront-ils savoir si les intérêts distribués l’ont été indûment ? Il faudra qu'ils fassent pour cela une étude complète de toutes les affaires.
Je ne conçois pas que l'on attende jusqu'à la fin de l'association pour que ce droit s'ouvre en faveur des créanciers.
En effet, il y aura une série d'années où il y aura eu des dividendes ; il y aura ensuite une série d'années où il n'y aura pas de dividendes. Il y aura donc une rétroactivité qui pourra remonter à cinq ans et pendant ce temps les actionnaires commanditaires seront dans l'incertitude de leur avoir.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - L'incertitude de leur avoir ne subsiste pas moins dans le système de l'honorable M. Broustin, mais il dit en paroles autre chose que son amendement.
Dans son amendement il accorde le recours contre les gérants et il ne l'accorde pas contre les commanditaires.
Et si les gérants sont insolvables, je demande à quoi équivaut l'obligation pour les commanditaires de restituer les dividendes indus ?
La crainte de l'honorable membre, c'est que les commanditaires ne soient actionnés avant la société.
Les commanditaires mettront le gérant en cause, s'ils le jugent nécessaire. Ils en ont le droit.
L’honorable membre dit : Il y aura autant de procès qu'il y aura de créances de 100 francs. Mais les créanciers commenceront par prévenir les associés et même par attaquer les gérants solvables.
Il n'y aura donc pas une multitude de procès si l'on peut, par un seul procès contre les gérants, obtenir gain de cause. .
M. le président. - Il y a trois propositions.
La première est celle de l'honorable M. Elias, qui consiste dans la suppression de l'article.
La seconde est celle de l'honorable M. Broustin, dont vous avez entendu tout à l'heure la lecture.
La troisième est celle de l'honorable ministre de la justice, qui complète la disposition admise au premier vote.
- La proposition de M. Elias est mise au vote par assis et levé. Elle n'est pas adoptée.
La rédaction de M. Broustin est mise aux voix et n'est pas adoptée.
M. le président. - Reste la disposition admise au premier vote.
« Il peut être contraint par les tiers à rapporter les intérêts et les dividendes qu'il a reçus s'ils n'ont pas été prélevés sur les bénéfices réels de la société et, dans ce cas, il peut poursuivre contre les gérants et les membres du conseil de surveillance, tenus à cet effet solidairement, le payement de ce qu'il aura dû restituer. »
M. Dumortier. - Il y a une rédaction nouvelle présentée par M le ministre de la justice.
M. le président. - Oui, M. le ministre de la justice propose de dire : « ... et dans ce cas, s'il y a fraude, mauvaise foi ou négligence grave de la part du gérant ou des membres du conseil de surveillance, le commanditaire pourra les poursuivre en payement de ce qu'il aura dû restituer. »
- Le paragraphe, tel qu'il es' amendé par M. le ministre de la justice, est mis aux voix et adopté.
« Art. 21 (22 du projet amendé). L'associé commanditaire ne peut faire aucun acte de gestion, même en vertu de procuration.
« Cette disposition ne l'empêche pas de donner son opinion sur les affaires, de surveiller les opérations de la société et d'autoriser les actes qui sortent des pouvoirs des gérants, pour autant que ces actes ne modifient pas les statuts. »
M. Saincteletteµ. - Il y a un peut de candeur. ce me semble, à dire : qu’une disposition « n'empêche pas le commanditaire de donner son opinion sur les affaires, de surveiller les opérations et d'autoriser les actes qui sortent des pouvoirs des gérants pour autant que ces actes ne modifient pas les statuts. »
Je ne comprends pas que des actes sortant des pouvoirs du gérant puissent modifier les statuts. Pour modifier les statuts, il faut le consentement des commandités comme des commanditaires, la réunion et l'accord de tous les actionnaires. Evidemment, la rédaction est incorrecte.
MiPµ. - Le paragraphe adopté au premier vote a été déterminé par les motifs suivants :
D'abord. il est important que le commanditaire exercer une surveillance active sur les affaires de la société sans pouvoir être inquiété (page 734) de ce chef. Il n’y a, je pense, aucun inconvénient à consacrer ce principe.
Il faut remarquer, messieurs, que quand on a fait ce code de commerce, en 1808, on a eu principalement pour but de repousser l'intervention des commanditaires.
On craint que cette immixtion des commanditaires n'eût pour effet de les transformer en véritables gérants. Aujourd'hui le danger n'est pas là, mais plutôt dans l'absence complète d'intervention des commanditaires ; car, si des abus ont été commis, ce sont surtout les commanditaires qui ont eu à en souffrir. Il y a donc utilité à ce qu'il soit clair que cette exclusion exagérée des commanditaires n'existe pas, et à leur faciliter, au contraire, la surveillance des opérations de la société.
Or, que fait la disposition ? Elle consacre deux choses : elle dit que les commanditaires peuvent émettre leur avis ; c'est-à-dire que, s'il y a un conseil de surveillance, les gérants peuvent leur soumettre les affaires graves, et que, sans pouvoir décider, ils peuvent donner leur avis.
Quant au troisième point, il est spécialement nécessaire de le maintenir.
Il arrive, dans les sociétés en commandite, qu'il y a certains actes qui peuvent être, à tort ou à raison, considérés comme sortant des pouvoirs des gérants, par exemple : consentir hypothèque, donner mainlevée, aliéner une partie de terre, acheter certains immeubles, etc. Comment, dans ce cas, faut-il faire ?
Si vous n'adoptez pas la disposition proposée, les commanditaires ne pourront pas intervenir pour donner leur adhésion au contrat sans devenir par cela même solidaires de toutes les affaires de la société, ce qui serait un grave inconvénient. Vous ne pouvez pas laisser la société dans cette position ou de ne pas faire des actes nécessaires à sa prospérité ou bien d'obliger les commanditaires à renoncer à leur qualité de commanditaires. Il faut donc une disposition autorisant les commanditaires à faire les actes qui sortent des pouvoirs des gérants.
Au premier vote on a fait des objections ; on a dit : Allez-vous autoriser les commanditaires, d'accord avec les gérants. à modifier les statuts ? Evidemment, messieurs, telle n'est point la portée de l'article. Si l'on est d'accord que la disposition ne doit pas avoir pour effet de permettre, en dehors des termes du droit commun, des modifications aux statuts, je ne vois aucune difficulté à retrancher la fin de l'article ajoutée par la Chambre et à laquelle je crois même que mon honorable collègue de la justice ne s'est pas rallié.
M. Lelièvreµ. - Je pense qu'il est impossible de supprimer le paragraphe da notre article. Ce paragraphe a été écrit précisément pour faire cesser les difficultés qui se sont élevées sous l'empire de la législation actuelle.
On s'est souvent demandé si la disposition qui interdisait à l'associé commanditaire de faire des actes de gestion s'étendait aux actes de la nature de ceux dont nous nous occupons. Sont-ce des faits de gestion prohibés que l'émission d'une opinion sur les affaires sociales, la surveillance des opérations de la société, etc. ? Or, il me paraît utile de prévenir par une disposition expresse toutes difficultés de ce genre. II importe que ia loi elle-même s'explique sur ce point afin de ne voir plus se produire des contestations que dans mon avis nous sommes appelés à résoudre.
M. Eliasµ. - Je désirerais obtenir une explication de M. le rapporteur.
L'article 21 de la loi ancienne contenait une disposition qui interdisait aux commanditaires d'être employés dans les affaires de la société. Cette disposition a été supprimée et, d'après le rapport, cotte suppression a été faite parce qu'on avait donné à cette disposition une interprétation trop large ; on avait compris que les commanditaires ne pouvaient être employés ni comme banquiers, ni comme avocats, etc.
Je demande maintenant si la suppression de cette disposition doit entraîner la défense pour les commanditaires d'être employés, c'est-à-dire commis de la société, et, en cette qualité, de faire pour la société tous les actes qui sont posés ordinairement par eux et qui ne demandent pas qu'il soit fait usage de la raison sociale pour en assurer la validité.
MiPµ. - Il me paraît incontestable avec l'honorable membre que l'article n'empêche pas le commanditaire d'être placé dans une position de commis ; ce que la loi ne permet pas, c'est l'acte de gestion, c'est-à-dire l'acte par lequel on représente la société vis-à-vis des tiers.
Mais lorsqu'il s'agit d'un travail matériel comme celui de tenir les écritures ou surveiller une fabrication, la restriction n'existe pas, car dans ces actes on ne représente pas la société vis-à-vis des tiers.
M. le président. - M. Sainctelette insiste-t-il ?
M. Saincteletteµ. - Oui, en tant qu’il s'applique aux derniers mots : « pour autant que les actes ne modifient pas les statuts ».
Il résulte des explications données par l'honorable ministre de l’intérieur qu'ils sont parfaitement inutiles. Je me demande maintenant s'il n'y aurait pas lieu d'adopter pour l'ensemble du paragraphe une rédaction plus correcte et de dire, par exemple :
« Les actes de contrôle, de surveillance, et les autorisations données aux gérants pour les actes sortant de leur pouvoir n'emportent pas immixtion. »
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je présenterai une nouvelle rédaction demain.
M. le président. - Dans ce cas, il vaut mieux réserve cet article.
- L’article est réservé.
M. le président. - A l'article 22, un amendement a été présenté par M. Guillery, le voici :
« Paragraphe premier. Comme au projet.
« Paragraphe 2. Il est tenu solidairement à l'égard des tiers, même des engagements auxquels il n'aurait pas participé, s'il a habituellement géré les affaires de la société, ou si son nom fait partie de la raison sociale. »
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je me rallie à cet amendement.
- L'article, ainsi modifiée, est adopté.
M. le président. - L'article 23 a été adopté dans les termes suivants au premier vote :
« Le capital des sociétés en commandite peut être divisé en actions nominatives ; le transfert s'en effectue conformément à l'article 35.
« Il peut être aussi divisé en actions au porteur ; les règles prescrites pour les sociétés anonymes, quant la constitution de la société, aux actions, au conseil de surveillance, aux inventaires et aux bilans, aux assemblées générales tenues pour l'approbation des bilans et aux publications qui les suivent, sont applicables aux commandites par actions au porteur. »
M. Guillery propose la rédaction suivante :
« Lorsque le capital est divisé en actions nominatives, la propriété de l'action s'établit et la cession s'opère conformément à l'article 35.
« Lorsque le capital est divisé en actions au porteur, la société est soumise aux règles prescrites pour les sociétés anonymes, quant à la constitution de la société, aux actions, au conseil de surveillance, aux inventaires et aux bilans, aux assemblées générales tenues pour l'approbation des bilans et aux publications qui les suivent. »
M. le ministre de la justice se rallie-t-il à cette rédaction ?
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Oui, M. le président.
M. Reynaertµ. - C'est à cet article que viens l'amendement que j'ai eu l'honneur de déposer hier et je dois dire que c'est par erreur que je l'ai rattaché au paragraphe 2.
Il doit suivre la dernière partie du paragraphe premier, lequel dans son ensemble serait conçu comme suit :
« Les transferts seront effectués conformément à l'article 35 et les souscripteurs en seront responsables conformément à l'article 40. »
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Messieurs, il est évident pour nous qu'on devra appliquer ici le principe de l'article 40. Seulement l'honorable membre demande, afin d'attirer l'attention des commanditaires. de l'insérer dans l'article. J'y consentirais volontiers, mais déjà ce principe est contenu dans l'article. En effet, il y est dit :
« Il peut être aussi divisé en actions au porteur ; les règles prescrites pour les sociétés anonymes, quant à la constitution de la société, aux actions, au conseil de surveillance, aux inventaires et aux bilans, aux assemblées générales tenues pour l'approbation des bilans et aux publications qui les suivent, sont applicables aux commandites par actions au porteur. »
Or, les souscripteurs sont responsables, sauf stipulation contraire, du montant total des actions par eux souscrites. Il est évident qu'il en de même pour les souscripteurs des actions nominatives. On a inscrit ce principe dans l'article 40, parce que là il pouvait y avoir doute ; seulement dans le cas dont nous nous occupons, ce doute ne peut exister. L'amendement de M. Reynaert est donc inutile.
M. Reynaertµ. - En présence des explications de le ministre, je retire mon amendement.
M. le président. - Il reste donc la rédaction modifiée par M. Guillery, à laquelle le gouvernement se rallie et qui est ainsi conçue :
« Lorsque le capital est divisé en actions nominatives, la propriété de l'action s'établit et la cession s'opère conformément à l'article 35.
(page 755) « Lorsque le capital est divisé en actions au porteur, la société est soumise aux règles prescrites pour les sociétés anonymes, quant à la constitution de la société, aux actions, au conseil de surveillance, aux inventaires et aux bilans, aux assemblées générales tenues pour l'approbation des bilans et aux publications qui les suivent. »
- L'article ainsi modifié est adopté.
« Art. 26. La société anonyme est qualifiée par une dénomination particulière ou par la désignation de l'objet de son entreprise.
« Cette dénomination ou désignation doit être différente de celle de toute autre société.
« Si elle est identique, ou si sa ressemblance peut induire en erreur, tout intéressé peut la faire modifier et réclamer des dommages et intérêts, s’il y a lieu. »
- Adopté.
« Art. 27. Une société anonyme n'est définitivement constituée que si le capital social est intégralement souscrit, et si le vingtième au moins du capital consistant en numéraire est fourni. »
M. Saincteletteµ. - Messieurs, le texte primitif de l'article 27 disait : « Et s'il est constaté que le vingtième au moins du capital consistant en numéraire est versé. »
L'honorable ministre de la justice a proposé de dire : « Et si le vingtième au moins du capital consistant en numéraire est fourni. » C'est cette dernière rédaction qui a passé dans le texte soumis aujourd'hui à nos délibérations.
Or, si je prends ces deux mots « versé » et « fourni » dans leur acception juridique, il est évident que, d'un côté, on a voulu dire que le vingtième au moins du capital consistant en numéraire devrait être compté en espèces, tandis qu'au contraire l'adoption du mot « fourni » implique la possibilité pour le souscripteur de se libérer par tous les autres modes d'extinction des obligations, par billets, par actions, par mémoires de fournitures ou de tra vaux, etc.
Je désirerais savoir quel est le système adopté par le gouvernement, car si le mot « fourni » est resté dans la rédaction définitive de l’article 27, je dois faire remarquer que partout ailleurs dans la loi on emploie le mot « versement ».
M. le ministre pourra s'en assurer tout de suite en jetant les yeux sur l'article 19, dernier paragraphe.
Les deux systèmes ont leur bon et leur mauvais côté. Il est plus rigoureux d'exiger le versement, c'est-à-dire le payement du capital en espèces, et je ne vois pas quel avantage il peut y avoir à apporter une nouvelle entrave à la liberté des stipulations entre associés.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Il n'est pas douteux que c'est le capital en numéraire qui doit être versé. La preuve, c'est que j'ai mis : « le vingtième au moins du capital consistant en numéraire ».
Le mot « fourni » a été mis sans intention.
Si l'honorable membre croit qu'il y a le moindre doute, on peut dire « versé » au lieu de « fourni ».
M. Guillery. - Le vote doit-il porter sur le paragraphe premier ?
M. le président. - Sans contredit.
M. Guillery. - C'est donc l'amendement de M. le ministre de la justice qui propose de dire que la société anonyme n'est définitivement constituée que si le nombre des associés est de sept au moins, qui va être mis aux voix ?
M. le président. - C'est ce que j'ai annoncé tout l'heure.
M. Guillery. - La Chambre a supprimé, au premier vote, sur la proposition de l'honorable M. Jacobs, le nombre de sept au moins. Je viens la prier de persister dans sa décision. Il faut maintenir autant que possible le droit commun. Il est possible que, par suite des prescriptions des articles qui viennent après celui-ci, on soit obligé d'avoir un certain nombre de membres dans une société anonyme pour avoir le nombre d'administrateurs prescrit. Mais pourquoi exiger sept membres pour faire une société anonyme ? En thèse générale, d'après le droit commun, il suffit de deux personnes pour faire une société. Eh bien, si la société anonyme a d'autres exigences que la société commerciale ordinaire, cela ne doit pas aller jusqu'à fixer le nombre de sept.
Si je disais toute ma pensée, si je demandais l'application du principe entier, je demanderais aussi que l'on supprimât l'obligation d'avoir un certain nombre d'administrateurs déterminés. Je ne vois pas pourquoi, pour la société anonyme plus que pour toute autre, il faut trois administrateurs. Mais je ne propose pas d'amendements aux autres articles. Je laisse voté qui a été voté. Je demande seulement que la Chambre maintienne sa première rédaction.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - La société anonyme est une société de capitaux, et non de personnes, et il ne faut pas que, sous le titre de société anonyme, on vienne se soustraire à la responsabilité, à la solidarité.
Dans l'esprit de la loi, la société anonyme doit composée d'un grand nombre de personnes. L'amendement adopté au premier vote permettrait de constituer une société anonyme à deux personnes.
En voulait, d'ailleurs, qu’il y ait trois administrateurs, la Chambre est en quelque sorte revenue sur son premier vote.
M. Guillery. - On n'a pas discuté la question.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je ne veux pas tirer avantage de ce vote, les opinions resteront libres. On n'a pas discuté la question, c'est vrai. Mais après avoir décidé qu'il y aura trois administrateurs et un commissaire, ne pas admettre sept membres, c’est, il faut l'avouer, à peu près contradictoire, car il faut, au moins, qu'il y ait un actionnaire, cela fait cinq ; il me s'agit que d'en ajouter deux.
Messieurs, il y a une idée capitale : c'est qu'il ne faut pas qu'on puisse constituer une société anonyme à un trop petit nombre de personnes. C'est une société de capitaux, et il ne faut pas qu'on puisse constituer une société anonyme à deux ou trois personnes, uniquement pour se soustraire la responsabilité de ses opérations.
M. Jacobsµ. - Messieurs, il est évident qu'aucune société anonyme ne se constituera définitivement au nombre de moins de 7. 20, 50 ou 100 personnes, mais ce que nous avons fait remarquer au premier vote, l'honorable M. Dewandre et moi ainsi que l'honorable M. Sainctelette, si je ne me trompe, c'est qu'au moment de la fondation de la société, il pourra n'y avoir que deux contractants, et nous citions de la création de la Banque. Nationale par deux personnes civiles, la Société Générale et la Banque de Belgique.
Nous citions encore le cas de deux charbonnages qui se fusionnent ; au moment de la constitution, il n'y a que deux personnes, mais dès que quelques instants se sont écoulés et que les actions ont été distribuées entre les membres des sociétés fusionnées, il y a un grand nombre d'actionnaires.
Les opérations relatives à la constitution d'une société anonyme sont tellement compliquées, tellement minutieuses qu'elles ne conviendront jamais à deux ou trois personnes ; mais pour que les grandes affaires puissent se constituer, il peut être utile que le nombre des associés primitifs soit inférieur à sept.
Sous ce rapport donc, il est inutile d'introduire dans la loi une disposition prescrivant qu'au moment même de la création de la société, il y ait au moins sept personnes.
Il est certain que plus tard ce nombre sera considérablement dépassé, et il sera facile alors de trouver trois administrateurs et un commissaire.
Aucun des membres qui ont adopté mon amendement ne s'est élevé contre la disposition qui exige trois administrateurs et un commissaire, parce que l'on comprenait qu'elle est parfaitement conciliable avec ma proposition.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - L'honorable membre dit qu'il ne faut pas rétablir le membre de phrase supprimé au premier vote, afin de permettre, par exemple, à deux sociétés anonymes, telles que deux sociétés de charbonnages, de se fusionner ; mais, messieurs, notre amendement ne fait pas obstacle à cette fusion ; il suffit que les deux compagnies fassent intervenir chacune un certain nombre de personnes qui prendront des actions.
Ce que nous voulons éviter, c'est que deux ou trois personnes constituent entre elles une société anonyme pour éviter la responsabilité.
M. le président. - Je mets aux voix l'amendement que vous avez adopté au premier : la suppression des mots : « si le nombre des associés est de sept au moins. »
- La suppression n'est pas adoptée.
Le texte primitif est définitivement adopté.
« Art. 29 (30 du projet amendé). La société peut aussi ure constituée au moyen de souscriptions.
« Les souscriptions doivent être faites en double et indiquer :
« La date de l'acte authentique de société et de sa publication ;
« L'objet de la société, le capital social et nombre d'actions ;
« Les apports et les conditions auxquelles ils sont faits.
« Les avantages particuliers attribués aux fondateurs.
« Le versement d'un vingtième au moins de la souscription.
« Elles contiennent convocation des souscripteurs à une assemblée qui (page 736) sera tenue dans les trois mois pour la constitution définitive de la société.
M. le président. - Au premier vote, on a supprimé à la fin du quatrième paragraphe les mots : « ou de parts ».
On a rédigé le paragraphe 5 de la manière suivante :
« Les apports et les conditions auxquelles ils sont faits. »
M. le ministre propose une modification consistant à ajouter au 7ème paragraphe les mots : « sur chaque action » après les mots : « le versement ».
C'est ici, je pense, que l'honorable M. Sainctelette a proposé un amendement.
M. Saincteletteµ. - Je propose de dire après le premier paragraphe :
« L'acte de société sera, au préalable, publié à titre de projet. »
M. Guillery. - Je ne veux pas proposer d'amendement. Mais je pense qu'il serait plus simple de dire, et je crois que l'honorable ministre de l'intérieur en a fait l'observation, la date de l'acte de société et de sa publication et de supprimer le mot « authentique ».
MiPµ. - Je crois qu'il faut permettre à ceux qui veulent fonder une société anonyme de conserver le projet de l'acte constitutif pendant un temps plus ou moins long.
L'acte sera publié au moment qui sera jugé le plus opportun. Dès que la publication est antérieure à la souscription, l'exigence de la loi est remplie.
Une observation maintenant sur l'amendement de l'honorable M. Sainctelette quant à ses résultats pratiques.
Voici comment les choses se passeront : on publiera les statuts, comme le dit l'honorable membre, à titre de projet. Les souscriptions se feront. Après cela, viendra l'assemblée générale, qui constituera définitivement la société. Un nouvel acte authentique sera dressé. Cet acte sera publié et se référera aux statuts, préalablement publiés.
On n'aura pas besoin de le publier une seconde fois, il suffira de la publication du second acte qui constituera définitivement la société. Les tiers auront ainsi connaissance des actes qui constituent la société.
- La proposition de M. Sainctelette, qui se rapporte au paragraphe premier, est mise aux voix et adoptée.
M. le président. - Au paragraphe 5, il y a un amendement qui consiste à dire : « Les apports et les conditions auxquelles ils sont faits.3
- Cet amendement est maintenu.
M. le président. - Au paragraphe 7, il y a un amendement de M. le ministre de la justice, qui consiste à dire : « Le versement, sur chaque action, d'un vingtième au moins de la souscription. »
- Cet amendement est adopté.
M. le président. - Enfin, au paragraphe 8, l'amendement consiste dans les mots : « trois mois ».
- Cet amendement est maintenu.
M. le président. - A l'article 33, ainsi conçu :
« Le capital des sociétés anonymes peut se diviser en actions d'une égale valeur ou d'une égale quotité de l'avoir social.
« Une action peut être divisée en plusieurs coupures.
« Les actions et les coupures d'actions portent un numéro d'ordre.
M. le ministre de la justice propose un amendement consistant à dire :
« Le capital des sociétés anonymes se divise en actions, etc. »
M. Saincteletteµ. - Je désire savoir si, comme je le pense, il est bien dans les intentions du gouvernement de n'apporter aucune entrave à l'emploi de deux catégories d'actions qui ne sont point des divisions du capital social. Je veux parler des actions privilégiées et des actions de jouissance.
C'est là un point important sur lequel on ne s'est expliqué, ni dans l'exposé des motifs, ni dans le rapport de la section centrale, et comme les dispositions qui ont été votées lors de la première discussion. sur la tenue, la composition et le mode de votation des assemblées générales ne parlent ni des actions privilégiées, ni des actions rie jouissance, et ne définissent pas quelle sera la portion de pouvoir dévolue aux détenteurs de ces actions, je craindrais qu'on ne fût autorisé, en l'absence d'explications de la part du gouvernement, à considérer les actions privilégiées et les actions de jouissance comme virtuellement supprimées. Or, je verrais à cela de graves inconvénients.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Nous n'avons pas proscrit ces actions (interruption) ; ce sont des points qui doivent être réglés par les statuts.
- La rédaction da le ministre de la justice est adoptée.
« Art. 35. La propriété de l’action nominative s'établit par une inscription sur le registre prescrit par l'article précédent.
« La cession s'opère par une déclaration de transfert inscrite sur le même registre, datée et signée par le cédant et le cessionnaire ; les certificats constatant ces inscriptions seront délivrés aux actionnaires.
« La mutation, en cas de décès, est valablement faite à l'égard de la société s'il n'y a opposition, sur la production de l'acte de décès, du certificat d'inscription, et d'un acte de notoriété reçu par le juge de pair ou par un notaire.
« S'il y a plusieurs propriétaires de l'action, la société a le droit de suspendre l’exercice des droits y afférents, jusqu’à ce qu’une seule personne soit désignée comme étant, à son égard, propriétaire de l’action. »
M. Lelièvreµ. - Je pense qu'il est entendu que le registre mentionné en notre disposition pourra être tenu sur papier libre.
- L'article est adopté.
« Art. 36. L’action au porteur est signée par deux administrateurs au moins.
« Elle indique :
« La date de l'acte constitutif de la société ;
« Le montant du capital social et le nombre des actions ;
« Les apports et les conditions auxquelles ils sont faits ;
« Les avantages particuliers attribués aux fondateurs ;
« Les versements auxquels l'action peut être soumise ;
« La durée de la société ;
« Le jour et l'heure de l'assemblée générale annuelle. »
M. le président. - L'amendement consiste dans l'addition des mots : « et les conditions auxquelles ils sont faits. »
M, Saincteletteµ. - L'article 36 définit ce que doit indiquer le titre de l'action au porteur. Il signale, entre autres les « versements » auxquels l'action peut être soumise.
Mais comme, dans la discussion de l'article 38, on a décidé que les actions seront nominatives jusqu'à entière libération, il est évident que ce paragraphe « les versements auxquels l'action peut être soumise » doit disparaître. L'action au porteur n'est plus susceptible d'appel de fonds puisqu'il ne peut y avoir d'action au porteur que quand le souscripteur s'est entièrement libéré.
La même observation est applicable à l'article 39, dont le dernier paragraphe doit être modifié d'une façon analogue. Il y est dit : « Le montant des versements éventuels à obtenir des actions converties ou convertibles en titres au porteur, etc. » Il est évident que cela doit disparaître aussi. Quand l'action est convertie en titre au porteur, il n'est plus possible de lui demander des versements.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Il est évident que ces dispositions doivent disparaître. Elles se trouvaient dans le projet, parce que dans le système du projet on avait admis une circulation au porteur après la libération de la moitié de l'action. On a supprimé ce paragraphe, mais on a oublié de supprimer, par voie de conséquence, les deux paragraphes dont vient de parler l'honorable M. Sainctelette. Il y a donc lieu de supprimer de l'article 36, les mots : « les versements auxquels l'action peut être soumise. »
- L'assemblée adopte successivement l'adjonction des mots « et les conditions auxquelles ils sont faits », et la suppression des mots « les versements auxquels l'action peut être soumise. »
- L'article ainsi amendé est définitivement adopté.
« Art. 38. Les cessions d'actions ne sont valables qu'après la constitution définitive de la société ; elles ne peuvent être inscrites sur le registre d'actionnaires qu'après versement du cinquième de leur import. Les actions sont nominatives jusqu'à leur entière libération. »
M. le président. - L'amendement consiste dans la suppression d'un troisième paragraphe qui était ainsi conçu :
« Les statuts peuvent cependant établir qu'elles pourront être converties en titres au porteur après libération de moitié : mais dans ce cas les versements ultérieurs, jusqu'à ce qu'ils aient été effectués, ne seront pas compris dans le chiffre du capital, qui doit être indiqué dans toutes les pièces émanant de la société, et ils ne seront exigibles, même des actionnaires en nom, qu'à peine de déchéance des versements déjà faits. »
M. Reynaertµ. - Je dois dire qu’il m’est impossible de comprendre cet article ; il y a là une contradiction si choquante, que je m'explique difficilement comment il a pu subir l'épreuve du premier vote.
Que dit la première partie de l’article ? Que les cessions d'actions ne sont valables qu'après la constitution définitive de la société.
(page 737) Or, quand la constitution de la société est-elle définitive ? C’est ce que nous apprend l'article 27. « Elle n'est définitivement constituée que lors que le vingtième au moins du capital est fourni. »
Donc, on croirait qu'après le vingtième, moyennant l'existence des autres conditions, la cession peut être valablement opérée.
Il n'en est rien cependant.
Que dit, en effet, la dernière partie de l'article 38 ? Que les cessions d'actions ne peuvent être inscrites sur le registre des actionnaires qu'après le versement du cinquième,
M. le ministre de la justice (M. Bara). - La cession d'actions ?
M. Reynaertµ. - Précisément. Or, messieurs, il est à remarquer que la cession ne sera valable que si elle est inscrite ou plutôt transcrite sur le registre des actionnaires, car voici ce que dit l’article 35 :
« La cession s'opère par une déclaration de transfert inscrite sur le même registre, datée et signée par le cédant et le cessionnaire ; les certificats constatant ces inscriptions seront délivrés aux actionnaires. »
L'article est donc, au fond, contradictoire ; la dernière partie détruit la première en ce sens qu'elle exige, pour la validité des cessions d'actions, le versement du cinquième, alors que, pour constituer définitivement une société anonyme, il suffit de verser le vingtième de l'import des actions. En d'autres termes. il est inutile dire que les cessions seront valables après le versement du vingtième alors qu'en réalité on fait défendre cette validité du versement du cinquième.
J'ai une autre observation plus générale à présenter sur ce même article ; cet article, à mon sens, est devenu inutile.
Quel était d'abord l'effet de la cession opérée dans la société anonyme ? Contrairement au système adopté dans la commandite, la cession avait pour effet de libérer le cédant de la partie de sa mise non encore payée.
Alors, on pouvait comprendre qu'il était nécessaire de restreindre la disponibilité des actions en exigeant, avant toute cession, le payement d'une quotité quelconque.
Mais c'est le système contraire qui a prévalu ; on a décidé que le souscripteur reste tenu du montant total de son obligation. malgré toute cession, et dès lors je ne comprends plus l'entrave mise à la négociation des actions,
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Certainement.
M. Reynaertµ. - Pardon, et c'est ce que la Chambre a décidé une première fois pour les sociétés en commandite, puisque il n'existe aucune espèce de restriction de ce genre. Aucun versement n'est exigé avant la négociation des actions nominatives. Il faudrait donc être' logique introduire dans les deux formes de société un système général.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Nous appliquons le même principe à la commandite lorsqu'il y a des actions au porteur. Nous ne voulons pas que, sans avoir versé, on puisse prendre des paquets d'actions pour venir les revendre en Bourse ; nous exigeons que l'on ait versé au moins un cinquième.
M. Reynaertµ. - Il faudrait également le dire dans la société en commandite.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - L'article 23 dit : « Le capital des sociétés en commandite peut être divisé en actions nominatives ; le transfert s'en effectue conformément à l'article 35.
« Il peut être aussi divisé en actions au porteur ; les règles prescrites pour les sociétés anonymes quant à la constitution de la société, aux actions, au conseil de surveillance, aux inventaires et aux bilans, aux assemblées générales tenues pour l'approbation des bilans sans publication qui la suivent, sont applicables aux commandites par actions au porteur. »
L'honorable membre voudrait-il appliquer ce principe à l'action en commandite nominative ? Cela n'est pas nécessaire : les mêmes dangers n'existent pas.
M. Reynaertµ. - C'est singulier que je ne puisse être compris.
Ici, il s'agit des actions nominatives et non des actions au porteur ; si vous ne tranchez ce point, il existera toujours un doute à cet égard.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Pour les actions au porteur dans la commandite vous ne pouvez pas en avoir avant la libération des actions, mais vous pouvez avoir des actions en commandite sur lesquelles vous aurez versé un cinquième. A partir de ce moment, et pas avant, elles sont cessibles.
Notre système est donc très clair et très fondé. Nous ne voulons pas admettre de cession d'actions nominatives dans les sociétés en commandite ou anonymes avant le versement d'un cinquième.
M. le président. - M. Reynaert maintient-il son amendement ?
M. Reynaertµ. Je n'en ai pas présenté, M. le président.
MiPµ. - Messieurs, il y a une amphibologie dans le texte.
Il y est dit : « Elles ne peuvent être inscrites sur le registre d'actionnaires qu'après versement du cinquième de leur import » et l'on parle de cession d'actions.
M. le président. - Cela a été changé ; la fin du premier paragraphe est ainsi rédigée : « du cinquième de l'import des actions. »
M. de Rossiusµ. - Je ne sais si l'honorable ministre de la justice et l'honorable M. Reynaert se sont bien compris. L'honorable M. Reynaert a fait remarquer qu'il y a une différence, quant à la cession des actions, entre les commandites par actions nominatives et les sociétés anonymes par actions nominatives. Voilà si j’ai bien compris le sens de l'observation de M. Reynaert.
Pour la société anonyme, vous prohibez la cession lorsque le versement du cinquième de l'import de l'action nominative n'a pas été opéré ; vous n'édictez pas la même prohibition pour les commandites par actions nominatives.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Nous n'en avons pas besoin ; ces sociétés ne présentent pas d'abus.
M. de Rossiusµ. - Soit ! donnez cette raison, mais reconnaissez que la prohibition formulée pour les sociétés anonymes n'existe pas pour les sociétés en commandite.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - La prohibition existe pour les commandites, pour les actions nominatives convertibles en actions au porteur.
Les sociétés en commandite se créent avec des actions qui sont nominatives jusqu'à complète libération et qui deviennent alors actions au porteur.
Eh bien, nous disons que ces actions nominatives ne peuvent être cédées que si le cinquième au moins- e leur import a été fourni.
M. de Rossiusµ. - Dans tous les cas, je ne sais pas si la disposition est bien nécessaire en présence du paragraphe premier de l'article premier qui rend les souscripteurs, nonobstant toutes stipulations contraires, responsable du montant total des actions par eux souscrites.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Ce que nous voulons, c'est que les propriétaires de pareilles actions ne trouvent pas d'acheteurs, et la proposition de M. Reynaert a pour effet inévitable de permettre la négociation en bourse de ces actions, alors qu'on n'a versé qu'un vingtième.
- L'article, ainsi rédigé, est définitivement adopté.
M. le président. - Je vais mettre aux voix la suppression définitive d'un troisième paragraphe qui a été supprimé lors du premier vote et qui était ainsi conçu :
« Les statuts peuvent cependant établir qu'elles pourront être converties en titres au porteur après libération de moitié ; mais, dans ce cas, les versements ultérieurs, jusqu'à ce qu'ils aient été effectués, ne seront pas compris dans le chiffre da capital, qui doit être indiqué dans toutes les pièces émanant de la société, et ils ne seront exigibles, même des actionnaires en nom, qu'à peine de déchéance des versements déjà faits. »
- La suppression est définitivement prononcée.
« Art. 39. La situation du capital social sera publiée au moins une fois par année, à la suite du bilan.
« Elle comprendra : « L'indication des versements effectués ;
« La liste des propriétaires d'actions non encore converties en titres au porteur et l'indication des sommes à fournir par chacun d'eux.
« Le montant des versements éventuels obtenir des actions converties ou convertibles en titres au porteur, sans que, dans ce cas, le nom des actionnaires débiteurs puisse être mentionné. »
M. le président. - A cet article M. le ministre propose d'ajouter un quatrième paragraphe ainsi conçu :
« La liste des actionnaires qui n'ont pas encore entièrement libéré leurs actions, avec l'indication des sommes dont ils sont redevables. »
Il propose de supprimer le dernier paragraphe ainsi conçu :
« Le montant des versements à obtenir des actions converties ou (page 738) convertibles (page 738) en titres au porteur, sans que, dans ce cas, le nom des actionnaires débiteurs puisse être mentionné. »
- Cette suppression est adoptée.
L'article, ainsi modifié, est définitivement adopté.
« Art. 40. Les souscripteurs sont, nonobstant toute stipulation contraire, responsables du montant total des actions par eux souscrites.
« L'ancien propriétaire, qui a payé la dette d'autrui, aura un recours solidaire contre celui auquel il a cédé son titre et contre les cessionnaires ultérieurs. »
M. Reynaertµ. - Quelques mots du second paragraphe de cet article doivent être supprimés. Ce sont les mots : « qui a payé la dette d'autrui. »
Ces mots se rapportaient à l'ancien système, consistant dans la responsabilité limitée des cédants d'actions. Je demande la suppression de ces mots.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - C'est encore la dette d'autrui.
Après le versement d'un cinquième, vous avez le droit de négocier vos actions. Par conséquent, si l'ancien propriétaire paye, il paye pour le cessionnaire ; il paye par conséquent pour autrui.
M. Reynaertµ. - Je demande comment il est possible de soutenir une pareille thèse.
Dans le premier paragraphe, vous dites que les souscripteurs sont, nonobstant toute stipulation contraire, responsables du montant total des actions par eux souscrites ; et dans le second paragraphe vous dites qu'après la cession de leurs actions, s'ils sont appelés à verser le surplus, ils payent la dette d'autrui ! Il y a là une contradiction manifeste.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je comprends que l'ancien propriétaire soit responsable vis-à-vis de la société. Mais vous n'en avez pas moins fait une vente entre vous, et si vous payez pour votre cessionnaire qui s'est mis en votre lieu et place, vous payez sa dette et devez avoir un recours contre lui.
Du reste, si cela peut faire plaisir à l'honorable membre, je consens à ce qu'on supprime les mots : « qui a payé la dette d'autrui. » On dira : « L'ancien propriétaire aura un recours, etc. » Ces mots sont, à la rigueur, inutiles.
M. Lelièvreµ. - Il est bien entendu que ce paragraphe ne sera supprimé que comme inutile, toutes les conséquences signalées par M. le ministre de la justice et résultant de la cession étant maintenues.
En conséquence, il n'est nullement question de modifier les obligations du cessionnaire.
M. Dupont, rapporteurµ. - Dans la première discussion, ce paragraphe a été maintenu, parce qu'il accorde un secours solidaire, qui n'est pas dès lors de droit commun. C'est dans ce but qu'on a conservé le paragraphe. Je crois qu'on doit supprimer les mots : « qui a payé la dette d'autrui », mais qu'il faut maintenir le paragraphe, à l'exception de ces mots.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - C'est ainsi que nous l'entendons. Il ne faut supprimer que les mots : « qui a payé la dette d’autrui. »
M. le président. - Ainsi l'on est d'accord pour la suppression des mots : « qui a payé la dette d'autrui. »
- L'article, ainsi modifié, est définitivement adopté.
« Art. 43. Les administrateurs doivent être au nombre de trois au moins.
« Ils sont nommés par l'assemblée générale des actionnaires ; ils peuvent cependant. pour la première fois, nommés par l'acte de constitution de la société.
« Le terme de leur mandat ne peut excéder six ans ; ils sont toujours révocables par l'assemblée générale.
« L'acte de société peut stipuler qu'en cas de vacance d’une place d'administrateur, les administrateurs restants et les commissaires réunis auront le droit d'y pourvoir provisoirement. Dans ce cas l'assemblée générale, lors de la première réunion, procède à l'élection définitive. »
M. le ministre de la justice a proposé de modifier la rédaction du dernier paragraphe de la manière suivante :
« En cas de vacance d'une place d'administrateur et sauf disposition contraire dans les statuts, les administrateurs restants, etc. »
M. Lelièvreµ. - En ce qui me concerne.je pense que la rédaction nouvelle proposée par le gouvernement est préférable à celle que la Chambre avait primitivement adoptée.
En effet, il ne s'agit que de pourvoir provisoirement à la place vacante d'administrateur, jusqu'à la réunion prochaine de l’assemblée générale. Or, en l’absence d'une disposition contraire dans les statuts, on peut sans inconvénient laisser ce soin aux administrateurs restants et aux commissaires réunis.
Cette disposition a encore un autre avantage, celui de faire remplacer, sans aucun retard. l'administrateur dont la place vient vaquer ; tandis que, d’après la rédaction primitive, en cas de silence des statuts, il y avait une intermittence regrettable.
- L'article est définitivement adopté avec la modification proposée par M. le ministre de la justice.
« Art. 45. Chaque administrateur nommé par les statuts doit être propriétaire d'un nombre d'actions représentant la cinquantième partie du capital social, sans que cette part doive s'élever au delà de cinquante mille francs.
« Si ces actions sont au porteur, l'administrateur devra les déposer dans les caisses de la société ou d'un tiers désigné par les statuts ou par l'assemblée générale.
« Ces actions seront affectées par privilège à la garantie de la gestion de l'administrateur ; mention de cette garantie sera faite par le propriétaire sur le registre d'actionnaires pour les actions nominatives et, sur le titre, pour les actions au porteur. »
M. le président. - M. le ministre de la justice a proposé une rédaction nouvelle ainsi conçue :
« Chaque administrateur affecte, par privilège, un certain nombre d'actions à la garantie de sa gestion. Mention de cette affectation est faite par la propriétaire des actions sur le registre d'actionnaires pour les actions nominatives. Les actions au porteur sont déposées dans la caisse de la société ou d'un tiers désigné par les statuts ou par l'assemblée générale. »
M. Saincteletteµ. - Je demande la suppression des mots : « par privilège ». Je crois que le droit de la société (et cela a été jugé par un arrêt de la cour d'appel de Gand) s'exerce en vertu de l'action pro socio et non point par privilège. Si l'on substitue à l'exercice de l'action pro socio, la garantie d'un privilège, il faudrait en déterminer le rang. (Interruption.)
Je vous demande pardon. Cela a été jugé, et voici, si mes souvenirs sont exacts, dans quelles circonstances.
Un administrateur avait donné lieu à l'exercice d'un recours de la société sur les actions par lui déposées avec mention d'inaliénabilité. Il a été décidé que les tiers créanciers étrangers à la société ne peuvent avoir d'autre droit contre elle que celui de leur débiteur et que celui-ci ne peut prétendre contre la société à autre chose qu'à sa part sociale, déduction faite des charges qui, du chef de la société, grèvent cette part.
La question a été plaidée par un des plus savants jurisconsultes du pays, membre de cette Chambre. Plusieurs de nos collègues doivent se rappeler parfaitement la question.
MiPµ. - Messieurs, la question que l'honorable membre est très délicate, et je ne veux pas la traiter en ce moment. Je crois cependant devoir donner quelques explications.
L'honorable M. Sainctelette suppose que l'administrateur ayant certaines obligations à remplir envers la société et ayant aussi certains droits envers la société, ne peut exercer ces droits qu'après qu'il aura rempli ses obligations ; que, par conséquent, s'il a manqué à ses devoirs d'administrateur, la créance que l'on aurait contre lui pourrait, par une espèce de droit de rétention, être compensé avec les actions qu'il a déposées.
Je doute que cela soit exact en droit ; les obligations de l'administrateur en cette qualité ne sont pas des obligations sociales. L'administrateur pourrait ne pas être sociétaire.
M. Saincteletteµ. - L'article dit qu'il doit être propriétaire.
MiPµ. - C'est une erreur. L'article dit qu'un certain nombre d'actions seront affectées par privilège à la gestion de l'administrateur. Il est donc clair que l'administrateur peut ne pas être propriétaire d'actions.
Je demande, cela étant, si l'administrateur est tenu envers la société par l'action pro socio ; je ne le crois pas, parce que l'action pro socio ne compète qu'à l'associé contre l'associé. L'action de la société est une action mandati.
La société n'aurait donc aucun droit de retenir la part de l'administrateur pour se faire payer du dommage résultant des fautes que l'administrateur aurait commises dans sa gestion. Il y a en effet deux contrats distincts et l'exception non adimpleti contractus ne peut être opposée de l'un à l'autre.
(page 793) Si donc l'on veut sauvegarder les droits de la société, il faut lui donner un privilège.
L'honorable membre demande quelles seront la nature et l'étendue de ce privilège.
Il est évident qu'ici il constitue un droit de nantissement, un gage pour la société.
Il n'y a donc pas de doute possible sur le rang des droits de la société. Cela suffit, je pense, pour donner à l'honorable membre toute tranquillité, et l'on peut maintenir la disposition sans difficulté.
M. Saincteletteµ. - Je demande le renvoi de la question à la commission ou, tout au moins. la continuation de la discussion à demain. C'est un point des plus intéressants.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - L'honorable membre a parlé d'un arrêt.
Or, nous disons d'une manière claire : Vous, gérant, vous apportez des actions. Ces actions sont la garantie de votre administration.
Il n'y a plus de controverse possible.
Nous disons : Actionnaire ou non, vous avez un certain nombre d'actions qui doivent garantir votre gestion. Si vous commettez des fautes, ces actions seront le gage de la société.
M. Saincteletteµ. - Si la sûreté donnée à la société est supposée l'être en vertu d'un nantissement, ce sera évidemment en vertu d'un nantissement commercial. Allons-nous préjuger ici la solution qui interviendra sur le mode de constitution du gage commercial ?
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je crois que M. Sainctelette est satisfait par l'article, car nous établissons ici une garantie spéciale qui doit être donnée aux actionnaires. Nous disons au gérant : Vous donnerez les actions et vous serez obligé de mentionner au livre que les actions que vous déposez sont affectées à la garantie. Si c'est un tiers qui dépose les actions, le nom du tiers doit être donné.
Nous avons donc un gage spécial, avec des formes spéciales pour que ces actions soient affectées à la société. (Interruption.)
Comment un tiers pourrait-il avoir privilégié sur les actions ? La société devrait pour cela s'en dessaisir ; or, si elle s'en dessaisissait, elle perdrait toute garantie.
Il n'y donc pas lieu de régler le rang des privilégiés. (Interruption.) La société doit être dépositaire des actions.
M. le président. - M. Sainctelette insiste-t-il ?
M. Saincteletteµ. - Non, M. le président.
- L'article est adopté.
M. le président. - L'article 46 adopté au premier vote est ainsi conçu :
« Les statuts fixent l'intérêt que chaque administrateur, nommé par l'assemblée générale, doit posséder dans la société. »
M. le ministre de la justice propose la rédaction suivante :
« Chaque administrateur nommé par les statuts doit déposer un nombre d'actions représentant la cinquantième partie du capital social, sans que cette part doive s'élever au delà de cinquante mille francs, valeur nominale des actions.
« Les statuts fixent le nombre d'actions à déposer par les administrateurs nommés par l'assemblée générale.
« Si les actions n'appartiennent pas l'administrateur dont elles garantissent la gestion, le nom du propriétaire doit être indiqué lors du dépôt ; il en est donné connaissance à la première assemblée générale. »
- La rédaction de N. le ministre de la justice est adoptée.
M. le président. - M. le ministre propose la rédaction suivante pour l'article 47 :
« A défaut de s'être conformé aux conditions prescrites par les deux articles précédents, dans le mois de la constitution définitive de la société. s'il s’agit d'un administrateur nommé par les statuts, ou dans le mois de sa nomination ou de la notification qui devra lui en être faite, si elle a eu lieu en son absence et qu'il s'agisse d'un administrateur nommé par l'assemblée générale, tout administrateur sera réputé démissionnaire, et il sera pourvu à son remplacement par l'assemblée générale. »
- Cette rédaction est adoptée.
M. le président. - L'article 48 est réservé pour demain.
MfFOµ. - M. Frère-Orban, ministre des financesµ. - D'après les ordres du Roi, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau un projet de loi qui autorise le gouvernement à faire l'acquisition du Jardin botanique, à Bruxelles.
- Il est donné acte à M. le ministre des finances du dépôt de ce projet de loi qui sera imprimé, distribué et renvoyé à l'examen des sections.
M. le président. - Messieurs, vous avez chargé votre bureau de constituer les quatre commissions pour examiner les projets de loi relatifs à diverses communes et déposés dans la séance d'hier.
Ces commissions sont composées comme suit :
Commune de Flénu (Hainaut) : MM. de Brouckere, Sainctelette, Magherman, Tack et Dewandre.
Commune de Ruyckhoven (Limbourg) : MM. de Borchgrave, Elias, Vander Maesen, Funck et Lefebvre.
Commune de Sart-Bernard (Namur) : MM. Hagemans, Lambert, Lippens, Castilhon et Wasseige.
Rectification de la limite séparative entre la ville d'Antoing et la commune de Calonne et de Bruyelle (Hainaut) : MM. Allard, Crombez, de Maere, Broustin et Jouret.
- La séance est levée à 5 heures et un quart.