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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 25 mars 1870

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1869-1870)

(Présidence de M. Dolezµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 637) M. de Vrintsµ procède l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Dethuinµ donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Vrintsµ présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Le conseil communal de Bois-de-Lessinnes prie la Chambre d'accueillir la demande en concession d'un chemin de fer de Houdeng à Soignies et à Jurbise, formée par la compagnie des Bassins houillers du Hainaut, et d'écarter, si elle lui était proposée, la demande concurrente d'un chemin de fer d’un point rapproché de La Louvière à Neufvilles, faite par la société de Tournai à Jurbise. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« L'administration communale d'Enines prie la Chambre d'accorder à la compagnie Rosart la concession d'un chemin de fer de Hal à Maestricht, par Jodoigne et Wavre. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal de Poucques prie la Chambre d'accorder au sieur Willeynet la concession d'un chemin de fer de Thielt à Langerbrugge. »

- Même renvoi.


« Des sauniers à Bruges, Assebrouck et Steenbrugge présentent des observations sur le projet de loi portant abolition du droit sur le sel. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.


« Des brasseurs de Louvain demandent l'abolition du droit d'entrée sur les orges. »

M. Delcourµ. - La pétition adressée par les brasseurs de Louvain a une grande connexité avec le projet dont la Chambre est saisie, en tant qu'il s'agit de l'augmentation du droit d'accise sur les boissons alcooliques. Je prie la Chambre de vouloir bien ordonner le renvoi de cette pétition, ainsi que de toutes les autres qui auront le même objet, à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.

- Adopté.


« Le sieur Laurent demande que la commission permanente de l'industrie soit dessaisie de sa pétition ayant pour objet l'abolition du droit d'entrée sur les orges et que cette pétition soit renvoyée à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi portant augmentation des droits sur les eaux-de-vie. »

- Renvoi la section centrale chargée de l'examen du projet de loi.


« Par message du 24 mars, le Sénat informe la Chambre qu'il a donné son adhésion aux projets de lois suivants :

« 1° Modifiant la loi du 25 janvier 1817 relativement au dépôt d'ouvrages littéraires et de productions des arts ;

« 2° Qui Ouvre au département des affaires étrangères un crédit spécial de 1,230,000 francs pour la construction de deux steamers ;

« 3° Contenant le budget du ministère de la guerre pour l'exercice 1871 ;

« 4° Qui détermine la délimitation de deux cantons de justice de paix d'Anvers ;

« 5° Qui réunit la commune de Bolland au canton judiciaire de Herve ;

« 6° Modifiant les dispositions légales en vigueur sur les servitudes militaires ;

« 7° Allouant des crédits extraordinaires et des transferts aux budgets du ministère de l'intérieur des exercices 1869 et 1870. »

- Pris pour notification.


« M. Van Merris, retenu par un deuil de famille et M. Jouret, retenu par une indisposition, demandent un congé de quelques jours. »

- Accordé.


M. le président. - Le premier objet à l'ordre du jour est la discussion d'un prompt rapport. M. le rapporteur demande que le rapport soit entendu demain. (Adhésion.)

(page 635) M. De Lexhy (pour une motion d’ordre). - J'ai vu, dans les Annales parlementaires, que mon nom figurait parmi ceux des membres qui ont voté l'amendement de M. Jacobs. Ayant voté contre cet amendement, je désirerais qu'une rectification soit faite aux Annales.

M. le président. - Cette rectification sera faite et elle ne sera pas la seule, car d'autres erreurs ont été commises. C'est ainsi que j'ai été comme ayant voté l'amendement alors que j'ai voté contre.

Projet de loi ouvrant un crédit au budget du ministère des travaux publics

Rapport de la section centrale

M. Van Iseghem. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi qui ouvre au département des travaux publics un crédit supplémentaire de 222,507 fr. 19 c.

- Impression, distribution et mise à la suite de l'ordre du Jour.

Projet de loi modifiant la loi provinciale

Second vote des articles

M. le président. - Le premier amendement porte sur l'article 119 ; il est ainsi conçu :

« Le greffier provincial assiste aux séances du conseil et de la députation ; il est spécialement chargé de la rédaction des procès-verbaux et de la transcription des délibérations ; il tient, à cet effet, des registres distincts pour le conseil et pour la députation, sans blanc ni interligne ; ces registres sont cotés et parafés par le président. »

- Cette rédaction est définitivement adoptée.


M. le président. - Le second amendement est ainsi conçu :

« Les règlements d'ordre et de service intérieur déterminent quelles sont les délibérations qui doivent être transcrites. »

- Cette rédaction est définitivement adoptée.


M. le président. - Le dernier amendement est celui de M. Jacobs ; il est ainsi conçu :

« Le paragraphe 2 de l'article 132 est remplacé comme suit :

« Ses attributions s'étendent aux communes dont la population est inférieure à 5,000 âmes, à moins qu'elles ne soient chefs-lieux d'arrondissement. »

MiPµ. - L’amendement présenté par l'honorable M. Jacobs soulève une question importante qui, déjà antérieurement, a fait l'objet des délibérations de la Chambre et du Sénat.

La Chambre a, dans la séance d'avant-hier, adopté cet amendement à peu près sans discussion. Je me suis borné à faire connaître à la Chambre que déjà la législature avait rejeté une proposition identique et qu'il me paraissait, pour ce motif, qu'on ne pouvait pas l'insérer dans le projet de loi actuel.

Je viens, messieurs, insister sur cette considération en vous demandant d'ajourner, tout au moins, cotte disposition et de la renvoyer à la section centrale qui l'examinera et qui, si elle juge qu'il y ait chose à faire, en fera l'objet d’un projet de loi.

Voici, messieurs, les motifs qui m'engagent à faire cette proposition à la Chambre.

Il y a quelques années, la Chambre fut saisie d'une proposition exactement semblable à celle qu'a présentée l'honorable M. Jacobs ; cette proposition fut adoptée par la Chambre. Arrivée au Sénat, elle y donna lieu à une longue discussion et suscita une vive opposition. Cette proposition fut rejetée à une grande majorité, par 26 voix contre 8, si j'ai bonne mémoire.

L'honorable M. Van Schoor, pour obtenir l'adoption d'une partie au moins de la proposition qui avait été soumise au Sénat, demanda que les communes de 10,000 âmes et plus seulement fussent soustraites à l'intermédiaire des commissaires d'arrondissement.

Cette proportion, qui est celle de l'honorable M. Jacobs, réduite dans des proportions extrêmement considérables, fut encore rejetée par le Sénat. Ainsi, le Sénat non seulement n'adopta pas la proportion que fait aujourd'hui l'honorable M. Jacobs, mais il n'adopta pas même une proposition analogue qui était renfermée dans des limites beaucoup plus étroites.

En présence de ce vote, il me paraît impossible, même pour les partisans de la mesure, d'insérer dans le projet de loi actuel une proposition qui pourrait être rejetée par le Sénat.

Je concevrais que la Chambre soumît au Sénat une proposition allant moins loin que celle qu'il a rejetée, mais lorsque le Sénat a rejeté une proposition soustrayant aux commissaires d'arrondissement les communes de plus de 10,000 habitants, il ne serait guère convenable, à mon avis d'adopter et de lui soumettre une proposition étendant cette mesure aux communes de plus de 5,000 âmes.

Quelle que soit, en effet, la valeur du fond de cette proposition, il ne faut pas oublier, messieurs, que le projet de loi en discussion n'a donné lieu à aucune objection et si j'en juge par la discussion, on peut prévoir qu'il sera adopté à peu près à l'unanimité.

Ce projet est incontestablement utile ; il réalise des simplifications administratives désirables. Il ne faut pas empêcher l'adoption de ce projet par l'introduction de propositions qui peuvent donner lieu à de graves discussions et faire échouer des réformes sur l'utilité desquelles tout le monde cst d'accord.

Il y a donc utilité à séparer du projet de loi une proposition déjà rejetée par le Sénat.

Je ne demande pas à la Chambre de rejeter la proposition ; Je demande, au contraire, que cette proposition soit renvoyée à la section centrale, qui examinera si elle peut être admise en entier, si elle doit être amendée ou si elle doit être transformée en une proposition d'un autre genre et qui aurait des effets analogues.

Je dois, à cet égard, faire connaître à la Chambre une circonstance fort importante.

Je dois dire que le fait qui frappe le plus, le fait qui explique la proposition de l'honorable M. Jacobs est la situation qui est faite aujourd'hui à certaines communes suburbaines des grandes villes et notamment aux faubourgs de la capitale.

On dit, avec assez de raison, ce me semble, qu'il est bien étrange que les communes de Schaerbeek, de Saint-Josse-ten-Noode, d'Ixelles, de Molenbeek, qui sont de véritables villes, ne sont pas traitées comme les villes et sont assimilées aux communes rurales.

On préconise l'avantage qu'il y aurait soumettre à un régime identique la capitale et ses faubourgs, les faubourgs éprouvant les mêmes besoins et ayant beaucoup de questions communes avec la capitale elle-même. Il y a là, en effet, une situation qui mérite un très sérieux examen.

Mais, remarquez-le : la force de l'argument vient surtout de ce qu'il serait convenable d'assimiler des communes qui sont dans la même situation, en les soumettant au même régime. Or, je crains qu'une proposition du genre de celle de l'honorable M. Jacobs ne puisse donner lieu, dans d'autres centres, à des objections précisément identiques.

C'est une question qui préoccupe le gouvernement depuis un certain temps. Il existe plusieurs centres très peuplés, notamment à Liége, dans le Borinage et dans le pays de Charleroi, qui forment de véritables agglomérations, qui constituent en quelque sorte une seule et même grande ville.

La police, dans ces centres industriels, demande à être exercée d'une manière toute particulière.

Nous avons déjà pensé qu'il y aurait peut-être avantage à donner une certaine unité de direction et d'action à la police de ces communes voisines.

Or, si l'on admettait l'amendement de l'honorable M. Jacobs, on pourrait arriver à cette conséquence, qu'on réaliserait, dans les centres de population dont je viens de parler, exactement la situation dont on se plaint dans les faubourgs de la capitale ; on soumettrait à des régimes différents des communes de la même agglomération.

Il est extrêmement important de ne pas préjuger une question si grave. Je crois qu'en adoptant ma proposition, on ne compromet rien. La section centrale pourra examiner les différents systèmes qui ont été adoptés.

J'insiste donc pour que l'amendement soit renvoyé à la section centrale ; cet amendement fera, le cas échéant, l'objet d'un projet de loi distinct. Cette marche a été suivie lors de la première discussion, et la Chambre n'a eu qu'à s'en féliciter ; car, si la proposition était demeurée insérée dans le projet de loi général, la loi tout entière aurait été probablement rejetée par le Sénat ; en agissant comme on l'a fait, on a réalisé une réforme qui eût été rendue impossible, si l'on n'en avait pas disjoint une autre réforme qui ne rencontrait pas l'assentiment des deux Chambres. En agissant de même aujourd'hui, nous réaliserons immédiatement une' réforme utile, en ajournant une autre réforme qui pourra être réalisée ultérieurement.

M. De Fréµ. - Messieurs, j'avais demandé la parole pour combattre l'amendement de l'honorable M. Jacobs ; mais, en présence de la proposition que vient de faire M. le ministre de l'intérieur, je crois qu'il n'y a pas lieu de discuter, pour le moment, l'amendement. Il s'agit de voter d'abord sur l'ajournement. Si l'ajournement est rejeté, je demanderai la parole sur le fond.

(page 639) M. Jacobsµ. - M. le ministre de l'intérieur ne nous a pas donné un compte tout à fait fidèle de ce qui s'est passé en 1865. On n'a pas prononcé alors le renvoi à la section centrale ; on a exclusivement demandé la disjonction de l'amendement d'avec le projet de loi. Dans la même séance, le projet de loi, dont on avait disjoint l'amendement, a été adopté, et l'on a adopté ensuite séparément l'amendement qui avait été disjoint.

Ainsi, la marche proposée n'est pas celle suivie il y a cinq ans.

D'ailleurs, le renvoi de l'amendement à la section centrale serait complètement frustratoire.

Aujourd'hui, bien plus encore qu'il y a cinq ans, cette question est mûre ; cette question est prête à recevoir une solution ; les opinions sont faites ; elles étaient faites il y a cinq ans ; elles le sont à plus forte raison aujourd'hui.

Un nouvel examen ne nous éclairerait pas davantage. Beaucoup de membres sont prêts à aborder la discussion, si la Chambre le juge utile.

L'honorable M. De Fré déclare être prêt ; plusieurs d'entre nous le sont également ; un renvoi à la section centrale serait sans objet.

De plus, messieurs, dans la situation qui nous est faite, le règlement interdit le renvoi à la section centrale. D'après l'article 45 du règlement, quand un amendement a été adopté, il y a lieu à une seconde discussion et à un second vote sur cet amendement, mais il n'y a pas lieu à autre chose, il n'y a lieu à aucune espèce de renvoi. On fixe une séance pour que la Chambre se prononce par un second vote, mais ce serait lui faire une véritable injure que de renvoyer à la section centrale un amendement déjà adopté par l'assemblée. Ce serait nous taxer nous-mêmes de légèreté.

Cette marche ne peut être suivie.

J'arrive à la seconde proposition de l'honorable ministre de l'intérieur, qui consiste à faire aujourd'hui ce qui a été fait il y a cinq ans : disjoindre ma proposition, un vote sur deux lois séparées, le projet du gouvernement et le mien.

Il semble réellement, messieurs, qu'on ne veuille pas que le projet du gouvernement soit infecté par le moindre amendement émanant de l'initiative parlementaire.

La Chambre, messieurs, il y a cinq ans, n'a pris cette résolution de disjonction qu'à deux voix de majorité et elle l'a prise dans des circonstances absolument différentes de celles dans lesquelles nous nous trouvons aujourd'hui.

L'amendement avait été introduit dans un projet de révision de la loi communale.

On disait à cette époque : Il n'est pas permis de mêler deux matières absolument différentes ; il faut séparer la loi communale de la loi provinciale. L'honorable ministre de l'intérieur d'alors, M. Alphonse. Vandenpeereboom, s'exprimait ainsi :

« Il est hors de doute que l'article 6 du projet de loi n'a rien de commun avec la loi communale ; que ce n'est pas une modification à la loi que nous avons présentée et qui a pour but exclusif d'apporter des modifications à 1'organisation communale ; l'amendement est une modification à la loi provinciale.

« Je crois qu'il faut en faire une loi spéciale qu'on pourrait introduire à l'article 132 de la loi provinciale. »

M. de Brouckere. - Je demande la parole.

M. Jacobsµ. - Cet argument, messieurs, n'avait pas convaincu les partisans de l'amendement, et l'honorable M. de Naeyer, l'un de ses promoteurs, s'exprimait ainsi au sujet de la disposition :

« La Chambre ne peut pas laisser enchaîner ses prérogatives et accepter cette position humiliante et en quelque sorte servile qui ne lui permettrait de toucher absolument qu'à une seule loi quand elle fait une loi nouvelle. »

Cependant, messieurs, cette circonstance, que l'amendement ne se rattachait pas à la loi communale, avait frappé beaucoup de membres, et entre autres celui qui vient de demander la parole, l'honorable M. de Brouckere ; il s'exprimait ainsi : « Que demande M. le ministre de l'intérieur ? Il demande que l'amendement soit distrait de la loi que nous discutons et qui a pour objet des modifications réelles à la loi communale. »

Voilà donc, messieurs, les raisons qu'on opposait. On nous disait alors : Il s'agit de la loi communale, ne venez pas y mêler la loi provinciale.

Aujourd'hui de quoi s'agit-il ? Le projet de loi a exclusivement pour but d'apporter des modifications à la loi provinciale, L'amendement se rattache donc évidemment au projet ; il y est, comme tous les articles du projet, une modification à la loi provinciale. Demander la disjonction en pareille circonstance, demander que quelques amendements à la loi provinciale forment un projet de loi et que mon amendement en forme un second, c'est une proposition à l'appui de laquelle il n'y a pas une bonne raison à donner.

Pour ma part, je m'oppose complètement à la proposition de M. le ministre de l’intérieur ; elle n'a qu'un seul but : faciliter le rejet de ma proposition par le Sénat.

Il certain que le Sénat, par cinq années d'expérience, pourrait adopter une solution conforme à celle qu'adoptera la Chambre. L'année dernière, on n'avait pas eu pour le Sénat tant d'égards ; une proposition relative la contrainte par corps, rejetée par le Sénat, leur fut renvoyée tambour battant par la Chambre, non pas après cinq ans, mais après cinq jours.

Quant à moi, je crois que le Sénat, éclairé par l'expérience, votera ma proposition. je suis persuadé que ces cinq années auront suffi pour le convaincre de cette vérité, que la tutelle des commissaires d'arrondissement n'est pas plus indispensable aux communes rurales de 5,000 âmes qu'aux villes de même population.

J'espère que la discussion qui aura lieu dans cette enceinte sur cette question aura pour effet de dissiper tous les doutes qui pourraient exister encore.

Je demande donc que la Chambre rejette la proposition de M. le ministre de l'intérieur et aborde la discussion de ma proposition, qui est un amendement au projet du gouvernement et non une loi séparée.

M. de Brouckere. - Je reconnais très volontiers que ce n'est pas mal à propos que l'honorable membre a présenté son amendement. Il se rattache à la loi provinciale et, par conséquent, il pouvait parfaitement prendre place dans le projet de loi que nous discutions avant-hier. Mais cet amendement, il faut bien le dire, n'en a pas moins été une surprise pour la Chambre, qui ne s'y attendait en aucune manière ; et cela est si vrai qu'il n'a été précédé d'aucune discussion. L'honorable M. Jacobs a dit quelques mots à l'appui de cet amendement ; quelques mots ont été dits par M. le ministre de l'intérieur et l'on a passé au vote.

Or, la' disposition est assez sérieuse, assez importante pour mériter les honneurs d'une discussion, honneurs qu'elle a déjà cas diverses reprises.

Mais où je ne suis pas du tout de l'avis de l'honorable membre, c'est lorsqu'il prétend que le règlement s'opposerait à ce que la motion de M. le ministre de l'intérieur fût adoptée. Il n'en est absolument rien.

Le règlement veut qu'un amendement admis dans une première discussion soit soumis à un second vote. Mais il n'exige rien de plus. Il ne dit pas que ce second vote doit avoir lieu le surlendemain sous peine de nullité. La Chambre fixe le second vote quand elle le veut.

Or, que demande le ministre de l'intérieur ? Il demande l'ajournement du seconde vote. Il demande que la proposition adoptée à une première discussion soit renvoyée à l'examen de la section centrale et que le second vote de cette proposition soit ainsi ajourné.

Le règlement ne s'oppose en aucune manière à ce qu'une pareille marche soit suivie et j'espère que la Chambre la suivra.

Je dirai même qu'il est dans l'intérêt des partisans de l'amendement que cette marche soit suivie.

En effet, si nous adoptons au second vote l'amendement qui a si facilement passé au premier, que faisons-nous ? Mais nous allons au-devant d'un rejet presque certain de la disposition par le Sénat. Pourquoi le Sénat se déjugerait-il ? Est-il survenu quelque circonstance nouvelle qui doive le faire changer d'avis ? Mais si, passé deux ans, il trouvait que les communes de 5,000 habitants et même les communes de 10, 000 habitants devaient rester dans le ressort des commissaires d'arrondissement, pourquoi déciderait-elle, la semaine prochaine, que les communes, non pas seulement de 10,000 âmes, mais de 5,000 âmes, doivent être soustraites au contrôle des commissaires d'arrondissement ?

Personne ici ne peut s'aveugler sur les conséquences plus ou moins probables de l'adoption de la proposition de l'honorable M. Jacobs. C'est la suppression des commissaires d'arrondissement, et je pense qu'une pareille question mérite au moins un mûr examen.

Si, après un examen approfondi de la section centrale, après que M. le ministre de l'intérieur aura été entendu, on nous fait une proposition ayant pour objet de modifier les attributions des commissaires d'arrondissement, nous l'examinerons en séance publique et, peut-être, à une modification qui satisfera la Chambre et qui pourra être adoptée au Sénat.

Mais ne vaut-il pas mieux qu'une question si grave soit examinée avec maturité, soit résolue par une majorité plus considérable que celle d'avant-hier ?

(page 640) Ne vaut-il pas mieux surtout de faire en sorte qu'elle ait chance d’être adoptée au Sénat que d'aller ainsi légèrement adopter une proposition très importante que nous savons ne pas entrer dans les vues du Sénat et qui n'a, pour ainsi dire, pas de chance de devenir une loi.

Par ce motif, j'insiste fortement pour que la Chambre adopte la proposition de M. le ministre de l'intérieur.

Si la section centrale, après s'être entendue avec le gouvernement, vient nous présenter une solution véritablement pratique qui modifie les attributions des commissaires d'arrondissement, je ne serai pas le dernier à adopter cette proposition, mais décidément je n'irai pas voter aujourd’hui une proposition qui, je le répète, peut avoir des conséquences aussi graves sans un examen bien approfondi.

M. Coomans. - Messieurs, il importe à ta dignité d'une assemblée législative de ne se rétracter que lorsque la nécessité de cette humiliation lui est bien démontrée. Mais, se rétracter uniquement parce que le ministère l'exige, je trouve la thèse insoutenable, fâcheuse et, pour ma part, je la repousse de toutes mes forces.

Il n'y a, en réalité, qu'une question en jeu : c'est l'amour-propre du ministre. La Chambre a pris la liberté grande, une fois depuis longtemps, d'émettre un vote contraire à une déclaration ministérielle, et voilà qu'aussitôt on est à la recherche d'expédients pour dorer un peu la pilule, mais enfin pour nous la faire avaler. (Interruption.)

Eh bien, moi, je ferme la bouche ou plutôt je l'ouvre pour vous condamner.

L'honorable préopinant dit que le vote d'avant-hier a été une surprise.

Qu'il me permette de lui faire remarquer que cette explication est peu flatteuse pour la Chambre tout entière, tant pour ceux qui ont voté l'amendement que pour qui l'ont repoussé.

Quoi ! les uns et les autres n'ont pas su ce qu'ils faisaient !

Encore une fois, il y va de la dignité de la Chambre de repousser pareille explication.

Je suis très convaincu que des deux côtés, surtout du coté de la majorité accidentelle d'avant-hier, on a été très convaincu que l'on faisait une chose raisonnable. Si l'honorable M. de Brouckere croit que, dans la minorité, il y a des membres qui n'ont pas voté en parfaite connaissance de cause, c'est son affaire. je n'insisterai pas là-dessus, mais je suis persuadé que la majorité a parfaitement su cette fois ce qu'elle faisait.

Et puis, comment. pourrait-il y avoir surprise sur une question agitée depuis longues années ? On l'a discutée souvent dans la presse et ici même une dizaine de fois. Pour ma part, j'ai pris souvent la parole sur ce problème et, chaque fois, dans le sens qui l'a emporté avant-hier.

Si la Chambre n'est pas éclairée après de longues années de discussion, elle le sera encore moins par un simple rapport de la section centrale.

Du reste, ce rapport me paraît inadmissible. Comme mon honorable ami Jacobs vous l'a dit, nous ne pouvons pas, nous Chambre, demander à la section centrale de décider si nous avons eu le sens commun avant-hier. Et cependant c'est la question que nous poserions à la section centrale, émanation de cette Chambre. Il y a un vote, un vote sérieux, selon moi, et nous ne pouvons pas le soumettre à l'appréciation d'un tribunal inférieur au nôtre.

Je suis très convaincu, du reste, que le règlement interdit cette façon de faire. Si on l'admettait, il résulterait de graves inconvénients. Une majorité pourrait scinder tous les projets de lois après l'épreuve du premier vote, écarter les articles qui lui déplaisent et ne voter que ceux qui lui conviennent.

Il y a dans tous les projets de lois un ensemble de mesures qu'il importe à la majorité de faire passer. (Interruption.)

On me demande de prouver plus au long que le règlement s'oppose à l'adoption de la marche proposée par le gouvernement ; pour moi, je le juge inutile.

Il me paraît clair que nous n'avons pas le droit de renvoyer à la section centrale une quasi-loi, un article voté par une majorité, c'est-à-dire par la Chambre même ; il me paraît tout aussi évident qu'une pareille façon d'agir serait une nouvelle atteinte portée à la dignité de la Chambre.

Et puis, messieurs, je suis quelque peu surpris, je l'avoue, du respect si vif et si nouveau que le ministère témoigne pour le Sénat.

A en croire le ministre, qui a bien souvent fait passer le Sénat sous les fourches Caudines, nous ne devons pas insister sur un amendement qu'il est vraisemblable que le Sénat n'adoptera pas volontiers. Il est inconvenant, selon lui, de violenter en quelque sorte la conscience du Sénat ! Et c'est le ministère qui fait cette observation ; c'est lui qui nous rappelle à la décence politique, à la délicatesse constitutionnelle, lui qui, dans maintes circonstances, a exigé des rétractations solennelles et déplorables du Sénat, lui qui a posé la question de cabinet devant le Sénat sur des problèmes qu’il savait pertinemment inconciliables avec la conscience du Sénat.

Sur une question d'impôts, par exemple, le Sénat diffère d'avis avec le ministère ; le ministère dissout le Sénat ; dans d'autres circonstances que je pourrais rappeler, on insiste, presque séance tenante, sur une rétractation ; le Sénat repousse un budget, on lui fait voter immédiatement le même budget qu'il avait rejeté quelques heures auparavant.

M. Bouvierµ. - Il y avait eu surprise.

M. Coomans. Que d'exemples je pourrais citer encore si je ne respectais pas plus le Sénat que ne le fait le ministère ! Encore une fois, je prie le ministère de ne pas nous donner de ces conseils de modération, de sagesse et de délicatesse avant de les pratiquer lui-même.

Quand le ministère juge convenable de faire passer au Sénat des choses qui ne conviennent pas au Sénat, il en trouve toujours le moyen. Eh bien, s'il juge avec nous que la réforme proposée par plusieurs d'entre nous est bonne et doit être votée par la majorité, s'il juge que cette réforme est utile, soyez bien persuadés, messieurs, qu'il saura la faire passer au Sénat. Pour moi, c'est là le cadet de mes soucis.

Ainsi, messieurs, sans entrer dans le fond de la question, quoique je n'admette pas du tout avec l'honorable M. De Fré qu'il n'y a pas lieu de discuter un amendement dès que le ministère en propose l'ajournement ; ainsi, dis-je, sans entrer dans le fond de la question, je vous conjure d'écarter la proposition antiréglementaire du gouvernement, proposition qui a beaucoup d'autres inconvénients encore à mes yeux, et de consacrer par un second vole notre vote d'avant-hier.

En agissant ainsi, nous ferons acte de bonne administration, nous ferons preuve de logique nous démontrerons que notre dignité nous est chère.

M. Rogierµ. - L'amendement sur lequel la Chambre est appelée à voter a été, quoi qu'on en ait dit, une véritable surprise pour beaucoup de membres. pour moi, en l'absence de toute discussion, j'ai été déterminé dans mon vote par celui de M. le ministre de l'intérieur. (Interruption.)

Cet amendement, qui n'a pas été discuté, a cependant une grande importance, et je m'étonne qu'il n'ait pas été renvoyé la section centrale quand il a été présenté. Il était assez sérieux pour passer, comme beaucoup d'autres moins importants, par cet examen préalable.

Je crois que M. le ministre l'intérieur aurait bien fait, au lieu de garder le silence à la fin de la séance d'avant-hier, de demander le renvoi de l'amendement à la section centrale.

J'ai voté contre l'amendement, mais je dois dire en conscience, que la question vaut la peine d'être examinée. Un assez grand nombre de communes du royaume ont pris des proportions considérables depuis un certain nombre d'années : nous en voyons, notamment dans le Brabant, dans la province de Liége, dans le Hainaut qui, depuis les lois communale et provinciale, se sont merveilleusement développées ; elles ont atteint la population cumulée de plusieurs villes d'un rang inférieur et cependant tandis que celles-ci sont soustraites aux commissaires d'arrondissement, ces communes, beaucoup plus importantes, y sont encore soumises. C'est là une anomalie qui ne peut pas être maintenue.

Je pense donc, messieurs, qu'on a bien fait et qu'on fera bien de renvoyer l'amendement à la section centrale. On dit qu'il y a un vote acquis. Mais, messieurs, pourquoi les amendements sont-ils soumis à un second vote ? C'est évidemment pour que la Chambre puisse en délibérer de nouveau ; c'est pour qu'elle puisse se recueillir avant de confirmer son premier vote.

Eh bien, messieurs, c'est précisément ici le cas : l'amendement de l'honorable M. Jacobs n'a pas été examiné et il importe qu'il le soit. Où est le danger pour l'amendement, s'il est bon en lui-même, de le renvoyer à la section centrale ? La section centrale qui a examiné le projet de loi ne s'est point montrée, loin de là, l'adversaire de ce qu'on appelle la décentralisation ; elle a accepté le projet de loi.

Partisan d'une sage décentralisation, je ne suis pas un décentralisateur forcené ; et je crois que la Chambre y regarderait à deux fois avant de supprimer tout intermédiaire utile entre les communes, les particuliers et le gouvernement.

Heureusement nous n'en sommes pas là. Le fait est qu'il y a un assez grand nombre de communes qui, depuis la loi provinciale, se sont développées et élevées bien plus haut qu'au certain nombre de villes non soumises au commissaire d'arrondissement.

Si l'amendement est renvoyé à la section centrale, et si, d'accord avec le gouvernement, elle vient nous soumettre une sage réforme, je serais disposé à m'y rallier.

(page 641) Il est à observer que la loi provinciale, ainsi que d'autres lois organiques, établit entre les villes et les communes une distinction que la Constitution ne reconnaît pas. Le titre de villes, certaines communes l'ont obtenu ou gardé soit parce qu'elles étaient entourées de fortifications, soit parce qu'elles étaient fermées d'un mur d'enceinte pour l'octroi. Or, nous sommes en train de démolir les fortifications d'un certain nombre de villes, et les octrois ont disparu, et cependant le nom de villes et le nom de citadins sont conservés ; et les citadins ne sont pas sans un certain dédain pour les villageois qui, de leur côté, se portent volontiers vers les villes.

Devant la Constitution, il n'y a en Belgique que des Belges, il n'y a pas des campagnards et des citadins ; au point de vue du droit, il ne peut être question de villes et de villages. Leur population, leur état de prospérité peut différer, mais il n'y a que des communes dans le pays.

Si l'amendement est renvoyé la section centrale, je pense qu'on ferait bien de supprimer le mot « villes » de l'article 132 de la loi provinciale.

Aux termes de cet article, les villes qui sont chefs-lieux d'arrondissement, alors même qu'elles n'ont pas 5,000 âmes, sont soustraites à la juridiction du commissaire d'arrondissement. Pourquoi celles-là et pourquoi pas d'autres ?

J'engage l'auteur de la proposition à vouloir bien se rallier à la proposition de M. ministre de l'intérieur. S'il persiste à demander un vote immédiat sur son amendement, il est très possible que l'amendement soit rejeté.

La proposition de M. le ministre de l'intérieur peut fournir à quelques membres qui ont voté contre l'amendement l'occasion de revenir sur leur premier vote en reconnaissant qu'il y a quelque chose à faire. Pour moi, je ne serais pas éloigné de me rallier une proposition libérale que la section centrale nous ferait de concert avec le gouvernement.

M. Jacobsµ. - Messieurs, l'honorable M. Rogier vient de se faire l'apologiste, involontaire peut-être, de ma proposition.

Son seul but est de supprimer toute distinction entre les communes rurales et les villes, et l'honorable M. Rogier, lui aussi, pense que cette distinction n'a plus aucune raison d'être.

Mais, messieurs, s'il en est ainsi, il ne reste plus qu'à voter l'amendement, puisqu'il ne contient pas autre chose.

Les villes de 5,000 âmes seront soustraites aux commissaires d'arrondissement ; les communes rurales le seront également.

Nous sommes d'accord ; il ne reste plus qu'à voter.

L'honorable M. Rogier disait à bon droit tout à l'heure à l'honorable ministre de l'intérieur : C'était avant-hier, avant le premier vote, qu'il fallait proposer le renvoi à la section centrale. Tout se serait passé régulièrement et je n'aurais pas songé à m'opposer à ce renvoi.

Que demande-t-on aujourd'hui ? Ce n'est pas seulement un ajournement du second vote, satisfaction que je suis prêt à accorder à l'honorable M. de Brouckere, c'est un renvoi à la section centrale en même temps que la disjonction.

Si l'on n'est pas prêt, le vote peut être ajourné, il ne doit pas absolument avoir lieu dans les vingt-quatre heures, on peut attendre davantage.

Fixons le jour qui vous conviendra ; vous prendrez le temps voulu pour étudier la question ; mais quant à renvoyer l'amendement à la section centrale, nous ne pouvons le faire.

Vous mûrirez vos idées, vous réunirez vos arguments, soit, mais il est impossible d'admettre qu'après que la Chambre a prononcé sur un amendement, il puisse encore être renvoyé à la section centrale. Ce serait nous amoindrir.

L'honorable M. Rogier disait tout à l'heure qu'il avait voté contre l'amendement parce que le ministre de l'intérieur en appuyait le rejet ; j’aime à croire que l'honorable M. Rogier a voté encore parce qu'il n'avait pas ses apaisements au sujet de la proposition.

Chacun des votants a apprécié la proposition et M. le ministre de l'intérieur lui-même l'a fait depuis si longtemps que, il y a cinq ans déjà, il lui a accordé son vote.

Je pense donc, messieurs, que nous sommes à même d'émettre dès aujourd'hui un vote mûri, approfondi, réfléchi sur la proposition qui nous occupe. Si cela n'est pas, il n'y a, selon moi, qu'une chose à faire : Ne prononcer ni la disjonction ni le renvoi à la section centrale, mais ajourner le second vote.

C'est la seule marche réglementaire. Elle donnera satisfaction à tout le monde.

Pour ma part, si cette proposition est faite, je m'y rallierai, mais je voterai contre toute autre proposition ayant pour but ou pour résultat d’empêcher indirectement ma proposition d'arriver au Sénat avec quelques chances de succès.

M. de Brouckere. - M. Jacobs se trompe quand il pense que l'honorable M. Rogier a fait l'apologie de sa proposition. Il n'en est rien. Il a voté contre sa proposition avant-hier et l'a encore combattue aujourd'hui dans sa teneur actuelle.

Ce que l'honorable M. Rogier a reconnu, c’est que la disposition da la loi provinciale qui divise nos communes en deux catégories, les unes soumises au contrôle du commissaire d'arrondissement, les autres en dehors dc ce contrôle, pourrait bien réclamer quelques modifications. je suis convaincu pour ma part, messieurs, que l'examen auquel nous convions la Chambre de soumettre la proposition de l'honorable M. Jacobs aura des résultats. Mais ce que je trouverais certainement imprudent, c'est que la Chambre ratifiât aujourd'hui un amendement dont elle ne connaît même pas la portée. (Interruption.)

Aucun de nous ne connaît la portée de cet amendement. (Interruption.)

Je m'aperçois qu'à droite on a beaucoup mieux compris la portée de l'amendement qu'à gauche.

Mais je vais vous faire une simple petite question. Combien y a-t-il de communes de 5,000 âmes dans le pays ?

M. Jacobsµ. - Il y en avait 73 il y a cinq ans. N

M. de Brouckere. - Combien y en a-t-il aujourd'hui ?

M. Jacobsµ. - Au plus 100.

MfFOµ. - Non.

M. Jacobsµ. - Combien ?

MfFOµ. - Vous n'en savez rien.

M. Thonissenµ. - Il y en a 82.

M. de Brouckere. - Je répète que personne dans cette Chambre ne peut connaître la portée de la proposition et il faut qu'elle soit soumise à un examen pour qu'on apprécie la portée de cette proposition.

M. Jacobsµ. - On la connaît.

M. de Brouckere. - Je veux bien faire une exception en faveur de l'honorable M. Jacobs. Il la connaît probablement, lui ; mais nous ne la connaissons pas.

Maintenant, messieurs, j'en reviens la question réglementaire.

Je dois dire que je m'étonne un peu qu'un homme de l'intelligence de l'honorable M. Jacobs insiste sur une pareille question. Le règlement dit uniquement qu'il y aura un second vote. Dit-il que ce vote doit être un oui un non ? Le règlement dit-il qu'à cette seconde épreuve, il faut que l'amendement admis la première soit décidément l'objet d'un oui ou d'un non, et qu'il ne peut pas être pris une autre décision ? Mais qu'on me montre donc la disposition du règlement qui décide une telle chose ? On ne la trouvera pas.

Mais voyez jusqu'où l'on va pour soutenir une thèse insoutenable. L'honorable M. Coomans nous dit que la dignité de la Chambre serait compromise si nous amendions aujourd'hui une décision prise avant-hier, parce que nous prouverions par là que nous avons agi avec légèreté.

Et à quoi bon le second vote, s'il vous plaît, si nous ne pouvons modifier une première décision ? Pourquoi le règlement a-t-il décidé très sagement qu'un amendement adopté dans une première discussion, subira un second vote, si ce n'est parce que le règlement a pensé que la Chambre, après réflexion, pourrait reconnaître qu'elle avait pris une décision avec un empressement irréfléchi ?

Le second vote n'a pas pour but de nous forcer d'une manière absolue, sous peine de compromettre la dignité de la Chambre, à dire une seconde fois oui.

Le but du second vote est de mettre la Chambre à même de prendre une décision en connaissance de cause ? Eh bien, la décision à laquelle nous vous convions aujourd'hui est d'ordonner un examen attentif, un examen réfléchi d'une proposition que nous avons adoptée sans discussion.

La Chambre, en adoptant la proposition de M. le ministre de l'intérieur, agira, selon moi, très sagement.

M. de Theuxµ. - D'après la pratique de la Chambre, lorsque des amendements ont compliqué un projet de loi de manière qu'il reste certains doutes à la Chambre, l'assemblée suspend ses délibérations, si elle le trouve à propos ; mais elle ne disjoint pas les amendements du projet primitif. Jamais la Chambre n'a disjoint des amendements du projet primitif.

Ceci, messieurs, a une grande importance. Vous vous rappelez très bien que sous le royaume des Pays-Bas, on se plaignait, et avec grande raison, de ce que la Chambre n'avait pas le droit d'amender les projets de loi. Notre Constitution, au contraire, a consacré ce droit de la manière la plus positive, et c'est un droit capital dans la vie constitutionnelle.

(page 642) Les Chambres peuvent amender les projets du gouvernement et elles peuvent l'amender de manière à forcer à certain degré la main au gouvernement. On lui dit : Vous demandez telle disposition ; nous l’accordons, mais à condition que vous nous accordiez telle autre. Voilà ce qui constitue les bons effets du droit d'amendement. C'est un droit des plus essentiels, et je prie la Chambre d'y faire bien attention, la marche que l'on propose de suivre aurait en réalité pour résultat l'amoindrissement du droit d'amendement, cela est incontestable. La Chambre exerce ses droits constitutionnels suivant son règlement. Or, que porte le règlement ? Il porte que les amendements sont soumis à un second vote, mais l'amendement adopté au premier vote est un droit acquis pour la Chambre, un droit acquis pour l'auteur de l'amendement.

Quant à moi, je n'hésite pas à dire que la marche proposée est contraire au règlement et qu'elle constituerait un très fâcheux précédent, car, de cette manière, on diminue considérablement dans ses effets, dans sa pratique, le droit d'amendement.

J'engage la Chambre à discuter l'amendement ; elle verra ensuite si elle veut le maintenir, c'est la marche indiquée par le règlement : on discute l'ajournement, on discute l'amendement, ensuite on vote sur l'ajournement, sur l'amendement et sur la proposition principale. Le règlement est parfaitement coordonné. Je suis profondément convaincu que la marche proposée détruit en partie, dans la pratique, le droit d’amendement que la Constitution a consacré après l'expérience de ce qui s'était passé sous le royaume des Pays-Bas.

M. Watteeuµ. - J'ai demandé la parole uniquement pour répondre à une considération présentée par l'honorable M. Jacobs et à laquelle il n'avait pas été répondu. L'honorable de Brouckere vient cependant d'y faire allusion. L'honorable M. Jacobs a dit que les règlements des assemblées délibérantes constituent la sauvegarde des minorités et je n'hésite pas à déclarer que si je pouvais croire un seul instant que le renvoi à la section centrale fût une violation du règlement, je combattrais ce renvoi de toutes mes forces. Mais l'article 45 ne contient, dans son texte, absolument rien qui puisse prêter force à l'argumentation de l'honorable M. Jacobs et si l'on consulte l'esprit de l'article, on voit clairement qu'il va à l'encontre de cette argumentation.

Par une sage prévoyance, l'article 45 a voulu empêcher des votes précipités. Il a voulu que lorsqu'un amendement se produisait en quelque sorte à l'improviste, on le votât pas instantanément d'une manière définitive.

La seule prescription de l'article 45, c'est de ne pas voter immédiatement et de donner à chacun le temps de réfléchir, et à cet effet il a voulu qu'il y eût, entre le premier et le second vote, un intervalle d'au moins vingt-quatre heures.

Maintenant, en quoi la dignité de la Chambre sera-t-elle atteinte parce qu'une grande partie de ses membres désirent s'éclairer ? Mais c'est confondre la dignité avec l'amour-propre. La dignité consiste à ne voter une loi qu'après s'être bien rendu compte des conséquences qu'elle doit avoir.

L'article 45 n'est donc nullement obstatif au renvoi à la section centrale.

L'honorable M. de Theux, invoquant les traditions de la Chambre, nous disait qu'il n'y a peut-être pas d'exemple qu'on ait renvoyé un amendement à la section centrale au second vote ; je veux bien admettre qu'il en soit ainsi pour les amendements qui n'ont d'autre conséquence que de modifier des dispositions qui se trouvent dans un projet de loi ; mais il y a une grande différence entre les amendements : celui de M. Jacobs ne tend pas à modifier le projet du gouvernement, il introduit une disposition toute nouvelle. C'est une véritable addition. A ce point de vue donc, il n'y a aucun empêchement à ce que la Chambre ordonne la disjonction et renvoie l'amendement à la section centrale.

L'honorable M. Jacobs paraît parfaitement connaître les conséquences de sa proposition, mais tout le monde n'est pas dans le même cas, et l'honorable M. Jacobs ne peut pas exiger qu'une partie de ses collègues viennent voté pour ou contre une loi dont ils n'ont pas pu apprécier la portée.

Je voterai donc pour le renvoi de la proposition à l'examen de la section centrale.

M. Dumortier. - Je demande, messieurs, si la Chambre a un règlement, oui ou non ? Si elle a un règlement, il faut l'exécuter. Le règlement est la loi de la Chambre, et nous ne sommes pas occupés à le faire ; il existe.

Or, que porte le règlement ? Les amendements adoptés au premier vote sont soumis à un second vote ; voilà ce que porte le règlement. Vous n'avez donc pas autre chose à faire que de procéder au second vote sur l'amendement.

Mais, dit l'honorable membre, l'amendement constitue une proposition nouvelle. Vous pouvez dire cela de tous les amendements, et, avec cela, vous tuez le droit d'initiative.

La Chambre peut-elle abdiquer ce droit ? Voilà une seconde question que je pose.

Le droit d'initiative ne se compose pas seulement de l'ensemble d'un projet de loi, il compose bien plus utilement du droit d'amendement.

MfFOµ. - Ce sont deux choses distinctes.

MiPµ. - Le droit d'initiative, c’est le droit de commencement.

M. Dumortier. - C’est tellement le droit d'initiative qu'avant qu'il existât on n'avait pas le droit de présenter des amendements aux états généraux et c'est pour cela que le droit d'amendement a été introduit au Congrès. (Interruption.)

Je vois, par l'opposition que je rencontre, que j'ai mis le doigt sar la plaie.

Si l'amendement ne vous plaît pas, vous pouvez le rejeter ; mais vous ne pouvez anéantir le droit d'initiative en disant que vous renverrez à un autre projet de loi l'amendement dont vous ne voulez pas.

Je lis dans l'article 45 ;

« Dans la seconde séance, seront soumis à une discussion et un vote définitif, les amendements adoptés et les articles rejetés. »

Voilà le règlement.

Soumettez-donc à un vote définitif l'amendement, discutez-le, rejetez-le, mais, vouloir l'écarter et le renvoyer à un autre projet de loi, c'est faire du règlement un mauvais chiffon de papier.

MiPµ. - Messieurs, l'honorable M. Dumortier éprouve le besoin de nous signaler une violation de la Constitution, selon son habitude.

Il élève la petite question que nous discutons maintenant à la hauteur d'une question constitutionnelle, il a dû faire d'étranges efforts pour en arriver là.

Il vient nous dire que si nous renvoyons la proposition la section centrale, nous détruisons le droit d'initiative parlementaire.

Si je comprends bien en quoi consiste le droit d'initiative parlementaire, c'est le droit de provoquer la discussion d'une loi.

M. Dumortier. - Ou d'un amendement.

MiPµ. - Le mot « initiative » vient d' « initium » qui signifie « commencement ». Par conséquent, le droit d'initiative est le droit de provoquer un projet de loi et non d'amender un projet soumis aux délibérations de la Chambre.

Au surplus, quel que soit le sens que l'on donne à ce mot, nous proposons que l'amendement de l'honorable M. Jacobs soit examine et discuté, mais nous n'en proposons pas la suppression.

Je demande aux honorables membres qui combattent ma proposition de sc rendre à un argument de simple bon sens.

Ils reconnaissent qu'au second vote nous pouvons rejeter complètement l'amendement. Et nous n'aurions pas le droit de l'examiner, de l'ajourner !

Voix à droite. - Mais si !

M. Jacobsµ. - Vous n'avez plus le droit de le renvoyer à une commission, d'abdiquer.

MiPµ. - Nous ne pourrions pas l'écarter pour le moment et dans certaines conditions ? Mais qui peut le plus, peut le moins. Le simple bon sens l'indique. Nous eussions pu, dans la séance d'avant-hier, opposer une fin de non-recevoir à l'amendement, par le motif qu’il n'est pas un amendement au projet de loi.

Il est évident que parce qu'un projet de loi modifie une disposition d'une loi, on ne peut venir, par amendement, modifier toutes les autres dispositions de cette loi.

Je vais citer un exemple qui a déjà été invoqué par mon honorable prédécesseur.

Je suppose que l'on propose la Chambre de modifier l'article 25 de la de 1842.

Viendra-t-on prétendre que parce que l'on change cette disposition financière on peut modifie la loi tout entière par voie d'amendement à ce projet ?

Les honorables membres confondent deux choses.

L'article que nous avons proposé est un changement à la loi provinciale, mais nous ne refaisons pas toute cette loi ; il ne suffit pas qu'une (page 643) proposition tende à modifier la loi provinciale pour qu'elle soit un amendement au projet actuel.

Il n'y a d'amendement à ce projet que ce qui tend à changer les modifications.

Nous n’avons pas voulu opposer une fin de non-recevoir.

M. Jacobsµ. Vous l'avez réservée pour aujourd'hui.

MiPµ. - Nous admettons l'amendement. Mais l'honorable membre, qui ne connaît pas les conséquences de sa proposition, ne veut pas qu'on l'examine. Il ne sait pas combien elle atteint de communes.

M. Jacobsµ. - Il y en a 82.

MfFOµ. - Tantôt c'était 100.

MiPµ. - Vous croyez que c'était 100. L'honorable M. Thonissen pense que c'est 82. Vous ne savez pas encore le véritable chiffre. Voulez-vous le connaître ? Eh bien, c'est 76.

- Une voix. - Vous voulez discuter le fond.

MiP. - Non, nous ne voulons pas discuter le fond, mais je veux démontrer que M. Jacobs ne se rend pas bien compte lui-même de la portée de son amendement. M. Jacobs, répondant à M. Rogier, nous a dit que toute distinction entre les villes et les communes rurales serait supprimée si l'on acceptait sa proposition.

M. Jacobsµ - Je n'ai pas dit cela.

MiPµ. - Il n'en est pas ainsi ; j'engage l'honorable membre à étudier la question ; il verra qu'il y a des villes qui n'ont pas 5,000 habitants et qui ne sont pas placées dans la situation des communes rurales : qu'il relise les lois sur la voirie, sur l'expropriation par zone, la loi sur l'art de guérir, et il verra qu'elles renferment des dispositions différentes pour les communes rurales et pour les villes.

M. Orts. - Il y a aussi la loi de 1844.

MiPµ. - Oui ; vous voyez donc qu'il y a là des questions dont l'honorable membre ne se rend pas compte. M. de Theux a invoqué des précédents, il vous a dit qu'on ne pouvait pas disjoindre ; je vais citer à l'honorable membre des exemples remarquables de disjonctions opérées après les votes de loi au Sénat et les honorables membres pourront se convaincre qu'on a fait chose utile en disjoignant. La disposition du code pénal relative à la rédaction des peines subies en cellule avait été votée par la Chambre ; au Sénat, une divergence s'élève entre le gouvernement et la commission.

On a distrait l'article du projet et le code pénal est revenu à la Chambre, qui l'a voté ; le Sénat a discuté et voté l'article érigé en projet spécial ; il est revenu à la Chambre, qui a encore persisté dans son premier vote ; il n'y a que quinze jours que nous sommes parvenus à établir l'entente entre les deux branches du pouvoir législatif.

Eh bien, messieurs, ce que je demande, c'est de ne pas compromettre un projet sur lequel nous sommes tous d'accord, en y introduisant une question qui peut donner lieu à une controverse peut-être de plusieurs années !

J'ai dit, dés le commencement, qu'il y avait dans la proposition de M. Jacobs quelque chose de fondé ; j'ai moi-même voté cet amendement il y a cinq ans, mais j'ai signalé tantôt un nouveau point de la question de la plus haute importance et qui a surgi depuis le vote de 1865 ; je yeux parler de la question de savoir s'il n'y a pas lieu de réunir un certain nombre de communes. Il est incontestable que l'amendement de M. Jacobs engage la question sar ce point.

Je demande qu'on ne compromette pas des réformes immédiatement réalisables en insistant pour le vote d'une disposition dont on n'a pas bien pesé toutes les conséquences.

M. Guillery. - Ayant voté le projet, qui émanait même de mon initiative et de cette de M.. de Naeyer, je crois lui devoir quelques paroles d'encouragement.

J'étais d'abord disposé à adhérer à la proposition de M. le ministre de l'intérieur, parce que j'avais cru qu'il s'agissait uniquement d'ajourner la discussion du projet de loi entier, pour étudier la question d'une manière plus complète. Cela ne me paraissait pas devoir être refusé ; mais disjoindre l'article que nous avons voté il y a cinq ans, que nous avons voté encore il y a deux jours, le disjoindre maintenant de cette proposition, c'est lui enlever à peu près toutes les chances qu'il a de réussir.

Lorsque, il y a cinq ans, on a fait la même proposition, j'ai fait la même objection et j'ai prédit ce qui est arrivé : j'ai prédit que notre pauvre petite proposition, toute seule, isolée, sans protection, sans appui, devait nécessairement succomber dans la lutte ; tandis que si elle s'était trouvée en bonne compagnie, accompagnée d'articles de loi forts et vigoureux, certaine d'être défendue dans les deux assemblées et par le gouvernement et par les grandes influences de ces assemblées, elle aurait certainement été adoptée. On a laissé cette proposition isolée ; on l'a privée de ses protecteurs et il est arrivé ce que j’avais prédit.

Je demande qu'on ne fasse pas la même chose cette fois. Je demande que puisque la Chambre a été d'avis, il y a cinq ans, que les communes rurales de 5,000 âmes au moins devaient être assimilées aux villes (je ne dis pas en toutes choses, et ici j'accepte le rendez-vous que nous a donné le ministre de l'intérieur à propos de la loi de 1842), elle ne maintienne pas cette étrange anomalie qui fait que les villes de 5,000 âmes et plus sont soustraites aux commissaires d'arrondissement tandis que des communes rurales bien plus importantes restant soumises à leur juridiction.

En d'autres termes, la question qu'on prétend n'être pas encore étudiée est celle de savoir si l'on maintiendra ce nom de ville donné à certaines localités, nom qui n'a aucune raison d'être, ni en fait ni en droit, ni historiquement ni d'aucune autre manière. Si l'on avait fait cette objection avant le vote, je l'aurais comprise ; mais c'est après le vote qu'on soulève cette objection, après que, il y a cinq ans déjà, la question a fait l'objet d'un débat long et approfondi, après qu'elle a été traitée sous toutes ses faces, après qu'elle a fait connaître l'opinion d'administrateurs, d'hommes d'Etat expérimentés. Voilà ce qu'on appelle une question qui n'est pas étudiée !

Néanmoins, comme les souvenirs de quelques-uns de nos collègues peuvent n'être pas très précis, je ne m'oppose pas à ce qu'on ajourne à la semaine prochaine le vote définitif de l'amendement ; d'ici là, chacun pourra étudier de nouveau la question et se préparer à la discussion.

Mais je saurais souscrire à la disjonction de la proposition, c'est-à-dire à une véritable condamnation à mort.

Je suis ici, comme en toute autre matière, adversaire résolu de la peine de mort.

M. Wasseige. - M. le ministre de l'intérieur nous a fait connaître le fond de sa pensée par un mot qui lui a échappé dans son dernier discours.

Pourquoi, nous a-t-il dit, pourquoi ajournerions-nous le vote d'une loi qu'on reconnaît utile, pour un amendement dont l'examen et le vote peuvent durer plusieurs années ?

Vous le voyez donc bien, si la disjonction est prononcée, ce n'est pas la mort, comme le disait l'honorable M. Guillery, c'est bien pis, c'est l'enterrement de l'amendement tout vivant ; et c'est précisément ce que veut le gouvernement.

Le gouvernement, messieurs, paraît avoir actuellement plusieurs moyens d'enrayer l'initiative parlementaire et l'exercice du droit d'amendement. An moment où M. le ministre de l'intérieur allait développer sa théorie sur l'amendement-projet de loi et, comme tel, renvoyé aux calendes grecques, je disais précisément à un de mes voisins : Il est bien dommage que le gouvernement n'ait pas pensé à ce moyen avant le vote de l'amendement, comme cela lui est arrivé si souvent ; il est assez probable qu'il serait parvenu à faire prévaloir son opinion, sans être obligé de recourir à une nouvelle invention. Et pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas employé ce moyen dont M. ministre des finances s'est servi si souvent et avec tant de succès à propos, notamment, d'amendements que j'avais moi-même présentés.

Que de fois en effet l'honorable ministre ne m'a-t-il pas dit : Votre amendement ne se rattache pas directement à la loi ; c'est un projet spécial, le règlement exige qu'il soit renvoyé aux sections, etc., etc., etc., et j'étais enfoncé ! Pourquoi donc le gouvernement n'a-t-il pas employé ce moyen si simple ? Je vais vous le dire.

Je suis bien convaincu que si le gouvernement avait le moins du monde soupçonné le succès de l'amendement de l'honorable M. Jacobs, s'il n'avait pas été complétement rassuré sur le sort de cet amendement, précisément parce qu'il émanait de l'honorable M. Jacobs, s'il n'avait pas eu la certitude qu'un amendement présenté par un membre de la droite ne pouvait jamais passer (et cette idée était bien naturelle, puisque nous l'avions nous-mêmes), le gouvernement aurait eu recours à la fin de non-recevoir, que M. le ministre de l'intérieur vient d'indiquer. Mais aujourd'hui, il est trop tard.

Le sort des amendements est tracé par le règlement.

Mais il y a un article qu'on n'a pas cité et qui me paraît plus positif encore, c’est l'article 43 qui déclare qu'on ne peut plus les renvoyer à l'examen, soit des sections, soit d'une commissi0n, lors du second vote.

L'article 43 est ainsi conçu :

« La Chambre ne délibère sur aucun amendement si, après avoir été (page 644) développé, il n'est appuyé au moins par cinq membres. Si la Chambre décide qu’il y a lieu de renvoyer l'amendement dans les sections ou à une commission, elle peut suspendre la délibération. »

Voilà le seul cas où le règlement permette de suspendre la délibération ; c'est quand l'amendement voit le jour ; alors la Chambre, si elle n'est pas suffisamment éclairée, peut, en vertu de l'article 43, suspendre la délibération et renvoyer l'amendement aux sections ou à une commission. Mais quand la Chambre n'a pas usé de cette faculté, elle déclare par cela même qu'elle se trouve suffisamment éclairée et qu'elle renonce à son droit.

Telle est la portée de l'article 45, avec l'explication que je viens de donner, et sa combinaison avec l'article 43 ne laisse plus le moindre doute.

« Art. 45. Lorsque des amendements auront été adoptés, ou des articles d'une proposition rejetés, le vote sur l'ensemble aura lieu dans une autre séance que celle où les derniers articles de la proposition auront été votés.

« Il s'écoulera au moins un jour entre ces deux séances.

« Dans la seconde, seront soumis à une discussion et à un vote définitif, les amendements adoptés et les articles rejetés. »

Voilà ce que vous avez fait : vous avez pris le délai d'un jour, votre droit est épuisé et il n'y a plus de renvoi possible ; à cet égard, vous avez renoncé à user de la faculté inscrite dans l'article 45.

Maintenant, quant à la disjonction, elle n'est pas possible ; on l'a déjà répété plusieurs fois ; mais s’il est vrai que vous ne soyez pas suffisamment éclairés, si vous ne connaissez pas suffisamment la matière, nous ne nous opposons pas à ce que le vote ait lieu dans le courant de la semaine prochaine ; d'ici là vous aurez tout le temps d'examiner.

Mais ce n'est pas M. le ministre de l'intérieur qui peut prétendre avoir besoin d'un nouveau délai pour l'examiner ; il doit, au contraire, avoir étudié la question à fond, longuement et sérieusement pour avoir, en quelques années, complètement changé de manière de voir dans une matière qu'il déclare lui-même si importante. Il n'est pas possible de croire qu'un homme aussi capable, aussi intelligent, ayant autant de fixité dans ses principes que M. le ministre de l’intérieur, ait ainsi varié sans une étude sérieuse et approfondie qui le dispense de tout nouvel examen. Ce serait lui faire une injure que je ne me permettrai jamais et c'est dans son intérêt surtout que je m'oppose à toute disjonction.

M. le président. - Personne ne demande plus la parole?... La discussion est close.

M. Allardù. - Messieurs, je crois qu'il y a erreur dans le premier vote de l'amendement de M. Jacobs. On vient de me communiquer le compte rendu de la séance d'avant-hier ; j'y vois que moi, par exemple, qui ai voté contre l'amendement, je suis mentionné comme ayant voté pour ; M. le président et MM. Anspach et De Lexhy sont dans le même cas. Je pense qu'il y a une vérification à faire.

M. le président. - Effectivement les Annales ont mentionné parmi les partisans de l'amendement MM. Allard, Anspach, De Lexhy et moi-même, bien que nous eussions voté coutre l'amendement.

Quelqu'un demande-t-il encore la parole ? Personne ne demandant plus la parole, la discussion ost close.

M Dumortierµ. - M. le président, je demande la parole.

M. le président. - La discussion a été déclarée close après que j’avais interpellé trois fois la Chambre.

M. Dumortier. - J'ai demandé la parole avant que la discussion fût déclarée close.

M. le président. - La Chambre désire-t-elle entendre M. Dumortier ?

- A gauche. - Non ! non !

- A droite. - Oui ! oui !

M. le président. - Il y a dissentiment, je dois maintenir la clôture.

M. Dumortier. - J'ai demandé la parole pour répondre au discours prononcé par M. Allard.

L'honorable membre a semblé vouloir diminuer la portée du vote qui a eu lieu avant-hier sur la proposition de M. Jacobs, en disant, que des erreurs se sont glissées dans l'appel nominal inséré aux Annales parlementaires.

Mais, messieurs, ce n'est point au Moniteur qu'il faut s'en rapporter pour savoir exactement ce qui s'est passé à notre séance de l'autre jour : c'est au procès-verbal et je demande qu'il en soit donné lecture pour que nous sachions si réellement une majorité a été acquise la proposition de M. Jacobs.

M. le président. - J'ai déjà rait remarquer à l'honorable M. Dumortier qu'il n'y avait pas l'ombre d'un doute sur la majorité acquise à la proposition de M. Jacobs.

M. Dumortier. - Du moment que la majorité reste acquise, c’est l'essentiel.

M. le président. - Je vais mettre aux voix la proposition de M. le ministre de l'intérieur, qui consiste à renvoyer à la section centrale la proposition de M. Jacobs avec disjonction.

- Voix nombreuses. - L'appel nominal.

Il est procédé à l'appel nominal sur cette proposition.

107 membres y prennent part.

59 répondent oui.

49 répondent non.

En conséquence, la Chambre adopte.

Ont répondu oui :

MM. Lesoinne, Lippens, Mascart, Moreau, Mouton, Muller, Nélis, Orban, Orts, Pirmez, Preud'homme, Rogier, Sabatier, Sainctelette, Schmitz, Tesch, T'Serstevens, Ernest Vandenpeereboom, Vander Maesen, Vanderstichelen, Van Iseghem, Warocqué, Watteeu, Allard, Ansiau, Anspach, Bara, Beke, Bieswal, Bouvier-Evenepoel, Braconier, Bricoult, Broustin, Castilhon, Crombez, de Baillet-Latour, de Brouckere, De Fré, de Kerchove de Denterghem, De Lexhy, d'Elhoungne, de Macar, de Maere, de Rongé, de Rossius, Descamps, de Terbecq, de Vrière, Dewandre, Hymans, Jacquemyns, Jamar, Jonet, Dupont, Elias, Frère-Orban, Lambert, Lebeau et Dolez.

Ont répondu non :

MM. Le Hardy de Beaulieu, Liénart, Magherman, Moncheur, Mulle de Terschueren, Nothomb, Reynaert, Tack, Thibaut, Thienpont, Thonissen, Van Cromphaut, Vander Donckt, Van Humbeeck, Van Overloop, Van Wambeke, Vermeire, Verwilghen, Visart, Wasseige, Wouters, Beeckman, Carlier, Coomans, Coremans, David, de Clercq, de Haerne, Eugène de Kerckhove, Delaet, Delcour, de Montblanc, de Muelenaere, de Naeyer, de Theux, Dethuin, de Vrints, de Zerezo de Tejada, Dumortier, Funck, Gerrits, Guillery, Hayez, Jacobs, Janssens, Julliot, Landeloos et Lefebvre.

Vote sur l’ensemble

M. le président. - Nous avons maintenant à voter sur l'ensemble du projet de loi.

M. Mullerµ. - Je fais seulement remarquer que le n°8 du projet doit être changé en n°7 par suite de la décision qui vient d'être prise.

M. le président. - Cette modification aura lieu.

- Il est procédé au vote, par appel nominal, sur l'ensemble du projet

106 membres répondent à l'appel nominal.

3 s'abstiennent.

En conséquence, le projet de loi est adopté ; il sera transmis au Sénat.

Ont voté l'adoption :

MM. Le Hardy de Beaulieu, Lesoinne, Liénart, Lippens, Magherman, Mascart, Moncheur, Moreau. Mouton, Muller, Mulle de Terschueren, Nélis, Nothomb, Orban, Orts, Pirmez, Preud'homme, Reynaert, Rogier, Sabatier, Sainctelette, Schmitz, Tack, Tesch, Thibaut, Thienpont, Thonissen, T’Serstevens, Van Cromphaut, Ernest Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vander Maesen, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Overloop, Van Wambeke, Vermeire, Verwilghen, Visart, Watteeu, Wouters, Allard, Ansiau, Anspach, Bara, Beeckman, Beke, Bieswal, Bouvier-Evenepoel, Braconier, Bricoult, Broustin, Carlier, Castilhon, Coremans, Crombez, David, de Baillet-Latour, de Brouckere, de Clercq, De Fré, dc Kerchove de Denterghem, Eugène de Kerckhove, Delaet, Delcour, De Lexhy, d'Elhoungne, de Macar, de Maere, de Montblanc, de Muelenaere, de Naeyer, de Rongé, de Rossius, Descamps, de Terbecq, Dethuin, de Vrière, de Vrints, Dewandre, de Zerezo de Tejada, Dumortier, Dupont, Elias, Frère-Orban, Funck, Gerrits, Guillery, Hayez, Hymans, Jacobs, Janssens, Jacquemyns, Jamar, Jonet, Julliot, Lambert, Landeloos, Lebeau, Lefebvre et Dolez.

Se sont abstenus :

MM. Wasseige, Coomans et de Theux.

M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont invités à faire connaître les motifs de leur abstention.

M. Wasseige. - Messieurs, je n'ai pas voté contre le projet de loi, parce qu'il renferme certaines dispositions que j'approuve. Je n'ai pas voté pour, à cause de la faculté laissée aux députations permanentes de se compléter par elles-mêmes, alors même qu'elles sont réduites à deux membres. Je trouve à une pareille faculté de graves inconvénients que j'ai signalés dans le cours de la discussion.

M. Coomans. - Je me suis abstenu pour deux motifs : parce que le projet de loi n'a pas mon approbation sans réserve, et parce qu'il me paraît avoir donné lieu à une violation du règlement.

M. de Theuxµ. - Je me suis abstenu parce que, d'une part, le projet (page 645) de loi contient quelques dispositions utiles, mais que, d'autre part, dans mon opinion, il renferme une disposition extrêmement dangereuse. Il y est dit :

« Si, dans une matière quelconque, la députation n'est pas en nombre suffisant pour délibérer, il peut assumé un ou deux conseillers provinciaux pour compléter ce nombre. »

Je suppose qu'il n'y ait que deux membres de la députation présents, et que ces deux membres appartiennent à la minorité de la députation. Ils pourront assumer deux conseillers qui constituent une majorité et pourront décider sur des intérêts extrêmement graves. Je n'ai pu approuver par mon vote une disposition aussi exorbitante.

Motion d’ordre

MiPµ. - Vous savez, messieurs, que le gouvernement avait annoncé le dépôt d'amendements au projet de loi sur la rémunération des miliciens ; ces amendements ont été renvoyés à la section centrale. Ils devaient être accompagnés d'une note explicative, qui a été également remise à la section centrale. Nous avons pensé, d'accord avec le président et le rapporteur de la section centrale, qu'il serait utile de faire imprimer les amendements et la note explicative ; les épreuves sont prêtes et la distribution pourra se faire d'ici à une couple de jours. Je demande que la Chambre en autorise la distribution.

Projet de loi allouant des crédits aux budget de la dette publique et du ministère des finances

M. Davidµ dépose le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi allouant des crédits supplémentaires au budget de la dette publique et au budget des finances pour les exercices 1869 et 1870.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de rapport et le met à la suite de l'ordre du jour.

Rapports de pétitions

M. Bricoult, rapporteurµ. - Par pétition datée de Francorchamps, le 5 avril 1869, le sieur Marquet, milicien de la levée de 1869, réclame contre son incorporation pour le service actif.

Conclusions : ordre du jour.

- Adopté.


M. Bricoult, rapporteurµ. - Par pétition datée de Deux-Acren, le 15 avril 1869, le sieur Marquebreucq réclame l’intervention de la Chambre pour que justice soit rendue à son père dans une affaire soumise aux tribunaux.

Conclusions : ordre du jour.

- Adopté.


M. Bricoult, rapporteurµ. - Par pétition datée de Saint-Nicolas, le 20 avril 1869, le sieur Honoré demande que les militaires mariés qui appartiennent à la réserve ne soient plus sujets à des rappels, hormis le cas de guerre.

Conclusions : Renvoi à M. le ministre de la guerre.

- Adopté.


M. Bricoult, rapporteurµ. - Par pétition datée de Gand, le 28 avril 1869, le sieur Brutyn réclame l’intervention de la Chambre pour faire rentrer dans ses foyers son fils Emile-Julien, milicien de 1867, incorporé au 2ème de ligne.

Conclusions : Ordre du jour.

- Adopté.


M. Bricoult, rapporteurµ. - Par pétition sans date, la dame Vanden Eede réclame contre la désignation de son fils pour le service militaire.

Conclusions : ordre du jour.

- Adopté.


M. Bricoult, rapporteurµ. - Par pétition sans date, le sieur Laurenty demande que son fils Joseph, incorporé au 4ème régiment d'artillerie, soit renvoyé en congé.

Conclusions : ordre du jour.

- Adopté.

- Plusieurs membres. - A mardi !

D’autres membres. - A demain !

- La Chambre décide que la séance est renvoyée à mardi.

La séance est levée à 4 heures et demie.