(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1869-1870)
(Présidence de M. Dolezµ.)
(page 557)
M. Reynaert fait l'appel nominal à 2 heures et un quart et lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.
M. de Vrintsµ présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.
« Le Nicolas Kempeneers, demeurant à Louvain, prie la Chambra de donner suite à sa demande de naturalisation. »
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
« Des habitants de Wavre prient la Chambre d'accorder à la compagnie Rosart la concession d'un chemin de fer de Hal à Maestricht par Waterloo, Rixensart, Wavre, Jodoigne, Tongres et Landen.
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du rapport sur une pétition relative au même objet.
« Des habitants d'Assesse et de Courrière demandent l'abattage des peupliers bordant la route de Namur à Arlon sur le territoire de ces deux communes. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du rapport sur une pétition relative au même objet.
Le conseil communal de Dour et l'administration communale d'Elouges prient la Chambre d'adopter le projet de loi relatif à la concession d'un chemin de fer de Dour à Quiévrain. »
- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet.
« Le sieur Lodewyckx, secrétaire communal de Hougaerde et de l'Ecluse, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir du ministère de l'intérieur la somme qui lui est encore due à titre de rémunération des travaux du recensement général de 1866. »
- Renvoi la commission des pétitions.
« Le sieur Minimi demande une pension pour les anciens militaires qui ont été blessés. »
- Même renvoi.
« Des officiers pensionnés prient la Chambre d'inviter M. le ministre des finances à déposer son rapport sur la question des pensionnés militaires. »
M. Kervyn de Lettenhove. - J'ai l'honneur de demander un prompt rapport sur cette pétition. En exprimant ce vœu, je désire surtout hâter le moment où le gouvernement nous fera connaître ses intentions à cet égard.
- La pétition est renvoyée à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.
M. Van Iseghem. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale sur Ileprojet de loi accordant un crédit de francs au département des affaires étrangères pour la construction de deux steamers. »
- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et met l'objet qu'il concerne à la suite de l'ordre du jour.
M. le président. - La discussion continue sur l'article 18 et l'amendement de M. Thonissen.
M. Kervyn de Lettenhove - Messieurs, à la fin de la séance d'hier, M. le ministre de la justice a exprimé l'opinion que cette question si grave et si difficile de la différence établir quant aux devoirs du militaire vis-à-vis de l'ennemi ou vis-à-vis de ce qu'on a appelé les rebelles armés, n'appelait pas une décision immédiate et qu'on pouvait en quelque sorte s'en remettre sur ce point à la jurisprudence.
Je ne saurais, messieurs, être de cet avis. Je crois qu'il appartient à la législature, toutes les fois qu'un doute de ce genre s'élève, de ne pas suspendre la solution. Il serait déplorable que dans une matière aussi grave, alors qu'il s'agit de condamnations entrainant la peine capitale, la jurisprudence des tribunaux pût être variable et que la législature n'eût pas pris le soin de donner à la loi un caractère précis et définitif.
Comme l'honorable M. Thonissen, je suis convaincu que la cause de la liberté est intimement liée à celle de l'ordre public.
Mais je ne saurais aller aussi loin que lui lorsqu'il place au même rang les ennemis du dehors et les hommes qui, à l'intérieur, sous l'empire d'un égarement funeste, mais à quelque degré excusable dans certaines circonstances, se livrent à des excès qui appellent une répression.
Assurément, messieurs, il ne peut être dans la pensée de personne d'assimiler celui qui, placé à nos frontières, abandonnerait le poste qui lui serait confié, et l'abandonnerait à l'étranger, et celui qui, au milieu de séditions populaires, par une faiblesse que je suis le premier à condamner, oublierait les devoirs que la société lui impose.
Il faut bien le reconnaître, frapper de la peine capitale celui qui aurait reculé devant la pensée de verser le sang de ses frères et de ses compatriotes, ce serait, messieurs, une sévérité exagérée, et j'appelle l'attention dc la commission sur l'introduction d'une disposition nouvelle, dont j'indique seulement le but, disposition qui porterait que, dans tous les cas il s'agirait d'une mission confiée à la force armée dans l'intérêt du maintien de l'ordre public gravement compromis, il y aurait lieu à prononcer le maximum des peines applicables dans les situations normales.
Je persiste croire qu'entre le cas exceptionnel où l'on se trouve en présence de l'ennemi et les cas ordinaires où la paix n'est nullement troublée, il y a un terme moyen à adopter et je désirerais que la commission voulût bien s'occuper d'une rédaction qui, sans aller aussi loin que l'amendement de l'honorable M. Thonissen, aurait néanmoins pour résultat de combler la lacune qui, selon moi, existe dans le projet de loi.
MgRµ. - Messieurs, je crois que la Chambre peut parfaitement voter l'article tel qu'il est proposé. Nous possédons des moyens de répression suffisants à l'égard des officiers qui feraient preuve de mollesse ou en présence de ce qu'on appelle des rebelles armés. Pourquoi cette expression se trouve-t-elle dans le code pénal français nouveau ? Evidemment, c'est parce que le cas de villes ou de départements insurgés s'est présenté en France.
La qualification de rebelles n'est pas applicable aux émeutiers dont a parlé l'honorable M. Thonissen. Les rebelles armés sont ceux qui veulent renverser violemment la forme d’un gouvernement établi. Cette qualification a été appliquée aux troupes de don Carlos combattant les troupes d'Isabelle II, aux troupes de la sécession combattant contre l’Amérique du Nord.
Dans ces deux cas, il y avait de véritables armées en présence, qui se considéraient comme ennemies et combattaient suivant les lois et les principes de la guerre.
L'officier, appartenant à l'une ou l'autre de ces armées, qui aurait abandonné son poste, contrairement aux ordres reçus, aurait été puni comme s'il s'était trouvé en présence de troupes étrangères.
Je le répète, pour prévoir le cas de rebelles armés, il faut prévoir plus qu'une échauffourée, une émeute, il faut admettre la possibilité d'une insurrection formidable, d'une guerre civile.
Rien ne nous autorise à penser que notre heureux pays soit exposé à une telle calamité. Avons-nous des dynasties qui se combattent ? (page 558) Pouvons-nous craindre de voir jamais aux prises deux armées indigènes ? Certes nous pouvons avoir des émeutes, mais quelle différence ! S'il s'agit d'un ennemi extérieur, on marche avec enthousiasme, on sait qu'on défendre ses foyers, ses institutions, sa nationalité.
Mais quand il s'agit de pauvres compatriotes aigris par le malheur ou surexcités par de mauvaises passions, c’est le cœur chagrin qu'on marche contre eux, et loin de les combattre avec ardeur, il n'est pas d'effort qu'on ne fasse pour les apaiser, les ramener à la tranquillité.
Ce n'est pas par lâcheté qu'un officier abandonnera son poste devant des émeutiers ; ce sera souvent par la crainte de verser le sang de ses compatriotes, par la crainte de donner lieu à de grands malheurs, de faire naître de terribles complications.
Ces défaillances sont criminelles ; mais elles n'ont pas de caractère déshonorant, et vous ne pouvez, messieurs, les punir par la mort, comme on punit la lâcheté devant l'ennemi.
Les fautes, d'ailleurs, n'ont pas la même gravité, les mêmes conséquences. L'abandon d'un poste devant l'étranger peut entraîner la perte de l'armée, le désastre du pays.
La mollesse devant l'émeute, la compassion mal entendue ne peuvent avoir des résultats aussi funestes.
Pour les punir, nous avons des châtiments gradués, depuis les punitions spécifiées par le règlement de discipline jusqu'à la mise en non-activité, la réforme et la destitution.
Je supplie la Chambre de ne pas introduire dans le projet ces mots : « rebelles armés », ce serait faire supposer qu'une révolte peut se produire en Belgique, ce qui est de toute invraisemblance.
Ce serait faire supposer encore que, dans semblable occurrence, un officier pourrait ne pas faire son devoir, ce que je ne puis pas supposer. Si jamais un officier se rendait coupable de lâcheté ou de félonie, il serait chassé des rangs par ses camarades avant d'en être chassé par les lois ou le gouvernement.
M. Thonissenµ. - Je ne puis laisser passer sans réponse la dernière observation de l'honorable ministre de la guerre. Il regarde mon amendement comme une espèce d'outrage envers l'armée. Il dit qu'on ne peut pas supposer qu'un officier ne ferait pas son devoir lorsqu'il aurait à combattre l'émeute.
Avec des idées pareilles, on pourrait, messieurs, considérer le code pénal tout entier comme un outrage à la nation.
Ce code parlant de parricide, d'incendie et d'une foule d'autres crimes énormes ou révoltants, on pourrait s'écrier que ses rédacteurs ont outragé les Belges en les croyant capables de devenir assassins, voleurs ou incendiaires. Mais le code pénal militaire prévoit le vol commis par un officier ; il parle de la dégradation militaire infligée à un officier ; il prévoit une foule d'actes flétrissants. Si vous voulez faire disparaître du code tous les actes honteux, il faudra que vous ce supprimiez les trois quarts.
Mettons donc cette observation de coté ; elle n'a rien à voir dans ce débat.
Assurément, j'espère, aussi bien que l'honorable ministre, que l'on ne verra pas en Belgique d'officiers capables de déserter leur poste au moment du danger ; mais le fait est possible ; il l'est si bien, qu'on ne trouve pas dans l'Europe entière un seul code pénal où le cas ne soit prévu.
J'ajouterai qu'en France, où l'armée est universellement respectée, le code pénal prévoit le fait d'un officier quittant son poste au moment du danger. Dira-t-on que l'honorable maréchal qui a présenté ce code pénal au corps législatif, en 1857, a manqué de respect envers l'armée ?
Je reviens au sujet qui est réellement en discussion.
Malgré tous les efforts que j'ai faits hier, on a donné à l'article 18 une portée qu'il n'a jamais eue.
Nous n'avons pas besoin de parler ici de la guerre qui a existé entre le Nord et le Sud des Etats-Unis, ni des armées de don Carlos luttant contre celles de reine Isabelle. je n'ai eu en vue que le seul cas que je vais indiquer.
Supposons que, dans la dernière émeute qui a eu lieu à Seraing, on eût dit à un colonel : Vous occuperez, cette nuit-ci, la maison communale de Seraing et vous ne l'abandonnerez qu’autant que vous y forcé par des forces supérieures. Voilà le cas prévu par l'article 18.
Supposons que le colonel dont je parle ne veuille pas obéir. Il lui plaît de quitter son poste, et il l’abandonne. Je vous demande s’il ne sera pas plus coupable que celui qui, en temps de calme, aurait quitté son poste, par exemple â l'hôtel de ville ou au Parc de Bruxelles ?
L'honorable ministre a parlé, lui aussi, de la peine de mort.
J'ai dit hier à satiété que je ne voterais pas le code pénal militaire, parce qu'il contient la peine de mort sans distinction entre le temps de paix et le temps de guerre.
Je ne réclame aucunement la mort de l'officier désobéissant. L'article 18 commine, il est vrai, la peine de mort, mais l'honorable ministre ne doit pas oublier que, suivant l'article 53, les juges militaires ont la faculté de remplacer la peine de mort par la détention à temps. Qu'on applique cette peine ; je ne demande rien de plus.
L’officier quittant son poste en temps de paix sera révoqué ; celui qui aura abandonné son poste devant l'émeute armée sera destitué et condamné, en outre, à la détention à temps comminée par l'article 53.
On dit, messieurs, qu'il ne faut pas prévoir le cas d'émeute armée ce Belgique. Mais il n'y a pas longtemps, nous avons eu la douleur de voir des attroupements armés dans un district industriel ; des coups de feu ont été tirés et des ouvriers ont été atteints. On ne peut évidemment supposer que la troupe ait tiré sur des ouvriers inoffensifs et désarmés. L'honorable ministre de l'intérieur est venu déclarer ici que l'on avait eu à se défendre contre des bandes armées dans l'arrondissement de Charleroi.
Quant au système proposé par l'honorable M. Kervyn, je pourrais au besoin m'y rallier ; mais ne faire aucune distinction entre les hypothèses essentiellement différentes que j'ai indiquées, cela me semble tout à fait impossible.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je persiste, ainsi que mon collègue de la guerre, à demander le vote de l'article tel qu'il est rédigé.
En matière pénale, nous ne devons pas innover, à moins d'absolue nécessité. Depuis le décret de la Convention nationale du 12 mai 1793, toutes les dispositions ont supprimé les mots « rebelles armés ». La nécessité du rétablissement de ces mots s'est-elle révélée chez nous ? Je ne le pense pas, et dès lors je me demande pourquoi nous devrions innover.
J'ajoute que l'introduction des mots « rebelles armés » amènerait forcément de nouveaux amendements et nous obligerait à une étude nouvelle de la question, car j'ai eu beau chercher dans la loi française la raison des mots « rebelles armés », je ne l'ai pas trouvée. Il n'y a aucune observation à cet égard ni dans l'exposé des motifs, ni dans le rapport, ni dans la discussion. Il n'y a nulle part une définition de ces mots.
M. Thonissenµ. - Elle est très claire.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je ne puis pas admettre, quant à moi, que l'on considère comme rebelles armés des paysans qui, armés de gourdins, par exemple, se révolteraient contre un garde champêtre. L'ennemi, on sait ce que c'est ; les auteurs du droit des gens disent : Il y a un ennemi lorsqu'il y a une déclaration de guerre ou une proclamation dans le pays que la guerre sera faite à telle ou telle nation. Mais avant toute déclaration de guerre ou tout acte d'hostilité, il n'y a pas d'ennemi.
Je suppose le cas où, sans qu'il y ait émeute, l'opinion publique est fort exaltée. Un militaire est chargé, de garder un poste ; voyant venir quelques individus à lui, il se retire ; direz-vous qu'il s'est retiré devant des rebelles armés ? Mais vous introduiriez des questions très difficiles dans la législation par l'addition des mots « rebelles armés ».
Quand le législateur français a introduit ces mots dans la loi, les circonstances n'étaient pas ce qu'elles sont aujourd'hui ; c'était l'époque de la guerre de la Vendée, c'est-à-dire de la guerre civile. Quand, plus tard, on les a rétablis, c'était en raison des insurrections qui avaient eu lieu à Paris et à Lyon. Voilà la vérité. Je suis convaincu que le législateur français n'a pas mesuré toute la portée de ces mots et que si les tribunaux avaient à se prononcer au sujet de ces mots, ils auraient la plus grande difficulté à en déterminer le sens.
Je suis loin de dire qu'il n'y ait pas quelque fondement dans les observations de l'honorable M. Thonissen. Mais ce n'est pas en vue d'éventualités qui peuvent se produire, mais qui, probablement, ne se produiront jamais, que nous devons créer un délit nouveau d'une gravité très grande, car s'il n'entraîne pas la peine de mort, il devra, dans tous les cas, emporter une peine très forte. Dans le système de M. Kervyn, on comminerait, tout au moins, la réclusion pour 5 à 10 ans.
Je crois, messieurs, que nous devons pas, sans nécessité, aggraver la rigueur du code pénal militaire en y introduisant un délit qui n'a pas existé jusqu'à présent.
M. Thonissenµ. - Messieurs, un dernier mot. On a parlé hier et aujourd'hui du sens du mot « rébellion » et du mot « rebelle ». On me semble oublier que le code pénal ordinaire en donne une définition très claire dans ses articles 269 et suivants. A l'article 273 on prévoit même le cas d'une rébellion avec bande et attroupement. Du reste, quand même les mots « rebelle » et « rébellion » ne seraient pas définis, leur sens ne saurait être susceptible d'une controverse sérieuse. Il y a une bande armée : cette bande lutte contre la force publique ; elle est évidemment en rébellion. Rien n'est moins douteux, rien n’est plus facile à déterminer.
(page 559) Qu'y a-t-il au monde de plus clair ?
Aux termes de l'article 269 du code pénal, il y a rébellion du moment qu'on résiste aux agents de la force publique. Or, des soldats commandés pour un service sont évidemment des agents de la force publique.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Soyez bien persuadé que le législateur français ne l'a pas compris ainsi.
M. Thonissenµ. - Voici la vérité pour la France. En France, la proposition que je soumets à la Chambre a été trouvée tellement simple, tellement naturelle, qu'elle n'a pas soulevé la moindre observation ni au conseil d'Etat, ni dans les commissions de la chambre des députés, ni en séance publique.
Au surplus, comme je l'ai dit hier, ce n'est pas tant l'article 18 qui me préoccupe que d'autres dispositions qui se trouvent plus loin. Ainsi, l'article 21 prévoit le cas où un soldat s'enivre à son poste en présence de l'ennemi, et il le frappe alors d'une peine de deux ans à cinq ans d'incorporation dans une compagnie de punition.
Ici encore deux hypothèses doivent être prévues.
Un soldat est placé en faction en pleine paix ; il s'enivre à son poste ; évidemment il est coupable. Mais supposons que, placé en faction devant une bande armée, il s'enivre encore, ne sera-t-il pas infiniment plus coupable que dans le premier cas ?
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Il y a la dégradation pour l’officier.
M. Thonissenµ. - Fort bien ; mais pour le soldat ?
M. le ministre de la justice (M. Bara). - L'article 21 punit tout militaire qui, étant en faction, aura été trouvé ivre ou endormi.
M. Thonissenµ. - Sans doute, mais votre code. pour aggraver la peine, suppose toujours le cas de guerre, et c'est là précisément ce qui justifie ma proposition. Je demande que l'on prévoie également les cas d'ivresse, de désertion, etc., devant des bandes armées.
Peut-on sérieusement prétendre qu'une peine disciplinaire suffise pour punir un fait aussi grave ?
Votre observation réfute votre système et confirme le mien. Je comprends une simple peine disciplinaire pour le soldat qui s'enivre à son poste en temps de paix et de calme ; mais je répète qu'une telle peine est dérisoire à l'égard du militaire qui s'enivre son poste en présence de bandes armées.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je vais démontrer à l'honorable membre qu'il peut se présenter des cas beaucoup plus graves que celui qu'il a indiqué.
Ainsi, on craint. je suppose, un mouvement révolutionnaire ; un poste militaire est chargé de la garde d'un arsenal ou d'un magasin à poudre. De quelle peine punirez-vous le factionnaire qui aura abandonné son poste ou qui se sera enivré et qui aura ainsi permis des bandes armées de s'emparer des armes ou des munitions ?
M. Thonissenµ. - Prévoyez le cas.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Mais pourquoi comminer des peines pour des cas qui ne sont pas à prévoir ? Ah ! si l'honorable membre pouvait nous dire : Voilà un cas tellement grave et tellement fréquent qu’il faut le punir, je serais de son avis ; mais il y a une foule de faits qui ne sont pas punis et contre lesquels nous pourrions comminer des peines.
Ce qui existe actuellement nous suffit. Pourquoi aller plus loin ?
Les hommes spéciaux ne réclament pas ; mais l'honorable M. Thonissen, par amour de l'art, prétend que le code pénal militaire doit prévoir tous les cas ; l'honorable membre veut prévoir des cas qui, j'espère, ne se présenteront jamais. (Interruption.)
Mon honorable collègue, M. le ministre de la guerre, me fait observer qu'un militaire qui, étant en faction ou en vedette, a abandonné son poste, est puni, par le code de discipline, de l'incorporation dans une compagnie de discipline pendant un an ou deux ans. N'est-ce pas là une peine suffisante ?
Je crois que l'honorable M. Thonissen, qui certainement brille par ses sentiments d’humanité, ne persistera pas dans la réforme qu'il veut introduire.
Nous ne devons pas nous ingénier trouver des délits ; il y en a déjà assez. Les dispositions existantes ne prévoient pas le cas de rebelles armés ; pourquoi aller plus loin que le code pénal militaire actuel ?
- La discussion est close sur l'article 18 et sur l'amendement y relatif.
L'amendement de M. Thonissen est mis aux voix et n'est pas adopté.
L'article 18 est ensuite mis aux voix et adopté.
M. Liénartµ (pour une motion d’ordre). - Je demande à la Chambre l'autorisation de revenir sur un article qui a été voté hier ; je ne pense pas que la Chambre me refuse cette faculté, parce qu'il s'agit d’articles qui ont été présentés, à l'instant même du vote, par M. le ministre de la justice.
M. le président. - Il y aura un second vote.
M. Liénartµ. - J'allais ajouter que je demande à présenter mon observation dès à présent, pour que, d'ici au second vole, M. le ministre de la justice puisse examiner s’il y a lieu d'y faire droit.
- La Chambre, consultée, autorise M. Liénart à revenir sur l'article auquel il fait allusion.
M. Liénartµ. - Messieurs, en matière de concours de délits, la règle tracée par le code pénal ordinaire, article 60, est celle-ci : « Cumul des peines, avec cette restriction que la peine appliquée ne peut dépasser le double du maximum de la peine la plus forte. »
Je ne vois pas pourquoi il y aurait lieu de faire une exception à cette règle dans la matière qui nous occupe ; il faudrait pour cela une raison particulière, une circonstance spéciale que, pour ma part, je n'entrevois pas.
En l'absence de raison spéciale, il convient d'en revenir au principe qui est formulé dans le projet que nous discutons, principe excellent en toute matière et qui consiste à rentrer sous le droit commun.
L'article 10bis, tel qu'il avait été primitivement amendé par le ministre de la justice et l'article 10quater dans sa rédaction actuelle, dérogent au droit commun en modifiant ce maximum qu’ils réduisent à sept années.
Pourquoi ce chiffre de sept années ? comment l'a-t-on trouvé ? comment s'y est-on arrêté ? J'ai vainement cherché, je n'ai trouvé d'explication nulle part, et je pense que mes collègues seraient aussi embarrassés que moi d'expliquer ce chiffre.
A ce propos, je ne puis m'empêcher de faire remarquer tout ce qu'il y a d'inconvénients à présenter des amendements tout nouveaux, alors que le travail de la commission ou section centrale est terminé ; il faudrait tout au moins alors renvoyer les amendements à la commission ou à la section centrale, qui aurait à faire un nouveau rapport.
C’est là, messieurs, pour la Chambre, le seul moyen d'être éclairée ; sans cela la Chambre vote en aveugle ; c'est, en définitive, un vote de confiance qu'on lui demande et quel que soit le talent des honorables rédacteurs des amendements, l'examen par la Chambre se trouve virtuellement supprimé.
Revenons maintenant à la critique que j'ai faite des articles 10bis et 10quater.
J'ajoute que M. le ministre de la justice partage ma manière de voir, car il a présenté hier, séance tenante, un amendement qui a précisément pour but de faire disparaître de l'article 10bis la dérogation que je viens de signaler.
Mais il lui est échappé que cette dérogation qu'il a fait disparaître avec raison de l'article 10bis, se répète à l'article 10quater. Il est juste, cependant, que cette dérogation disparaisse également de ce dernier article, et, par conséquent, je demanderai que l'on supprime l'article 10quater pour s'en référer purement et simplement au droit commun, ou bien qu’on remplace le chiffre de sept années par celui de dix années.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Messieurs, je ne puis admettre les critiques qu'on dirige contre le gouvernement.
Le gouvernement a été surchargé de besogne et je crois que l'honorable membre, s'il est juste, devra reconnaître que le gouvernement a fait tous ses efforts pour que la Chambre ne manque pas de travaux. Le rapport de la section centrale a été distribué il y a huit Ou dix jours. On a dû examiner et étudier d'une manière approfondie ce rapport qui est très long et très important. Il fallait rédiger des amendements et je demande, la Chambre n'étant pas réunie, comment le gouvernement aurait pu communiquer ces amendements la commission ?
Ainsi donc, si nous voulions que la Chambre eût des discussions, il fallait faire distribuer, même sans autorisation de la Chambre, ce que le bureau a bien voulu faire, les amendements que nous avions préparés.
Maintenant, messieurs, l'honorable M. Liénart nous demande pourquoi, dans l'article 10quater, nous avons admis le terme de sept années d'incorporation.
Mais, messieurs, nous avons été déterminés à le faire par une raison bien simple : c'est que le département de la guerre ne croit pas possible de maintenir plus de sept années dans une compagnie de correction le milicien qui se serait rendu coupable des faits prévus dans le militaire.
Voilà, messieurs, les motifs qui nous ont guidés.
M. Liénartµ. - Je suis très heureux d’avoir provoqué l’explication par laquelle M. le ministre de la justice a terminé la réponse qu'il m'a faite.
(page 560) Si en effet le département de la guerre est de cet avis-là, je l'accepte volontiers sur la foi de ce département et je renonce à l'amendement que j'allais présenter ; mais je ne pouvais pas accepter un chiffre de sept années qui jusqu’à présent, ne se trouvait pas expliqué devant la Chambre.
« Art. 19. Dans les cas prévus par les trois articles qui précèdent, le coupable sera condamné, en outre. à la dégradation militaire. »
- Adopté.
M. le président. - Nous arrivons maintenant à l'article 20 ; il y a d'abord la rédaction primitive du gouvernement, qui est ainsi conçue :
« Le militaire qui, étant en faction ou en vedette, aura abandonné lâchement son poste, sans avoir rempli sa consigne, sera puni ;
« D'un emprisonnement de deux ans à cinq ans et de l'incorporation dans une compagnie de correction pour le même terme, s'il était en présence de l’ennemi ;
« De deux ans à cinq ans d'incorporation dans une compagnie de correction, si, éloigné de l'ennemi, il a commis le fait en temps de guerre l'armée active ;
« De l'incorporation dans une compagnie de correction d'un an à deux ans dans tous les autres cas. »
Le gouvernement amende sa rédaction de la manière suivante :
« Le militaire qui, étant en faction ou en vedette, aura abandonné lâchement son poste sans avoir rempli sa consigne, sera condamné à l'incorporation dans une compagnie de correction pendant deux ans à cinq ans.
« En temps de guerre et à l'armée active, il sera condamné à un emprisonnement de deux ans à cinq ans, et l'incorporation dans une compagnie de correction pour le même terme.
« Le coupable sera puni de mort s'il était en présence de l'ennemi. »
La commission propose de rédiger l'article de la manière suivante :
« Le militaire qui, étant en faction ou en vedette, aura abandonné lâchement son poste, sans avoir rempli sa consigne, sera puni :
« De la peine de mort, s'il était en présence de l'ennemi ;
« De deux ans à cinq ans d'emprisonnement et de l'incorporation dans une compagnie de correction pour le même terme, si, éloigné de l'ennemi, il a commis le fait en temps de guerre et à l'armée active ;
« D'un an à deux ans d'incorporation dans une compagnie de correction dans tous les autres cas. »
La commission insiste-t-elle pour que sa rédaction soit mise en discussion ?
M. Guillery, rapporteur. - Je crois que nous sommes d'accord pour remplacer dans le paragraphe premier les mots : « pendant deux ans à cinq ans » par ceux-ci : « pendant deux ans au plus ».
M. le ministre de la justice (M. Bara). - En effet, je demande qu'on dise au paragraphe premier : « ... Sera condamné à l'incorporation dans une compagnie de correction pendant deux ans au plus. »
M. Guillery, rapporteur. - De cette façon, il y a accord entre le gouvernement et la commission.
- L'article, rédigé comme le propose le ministre de la justice, est adopté.
« Art. 21. Tout militaire qui, étant en faction ou en vedette, aura été trouvé endormi sera puni :
« De deux ans cinq ans d'incorporation dans une compagnie de correction, s'il se trouvait en présence de l'ennemi ;
« De l'incorporation dans une compagnie de correction pour le terme d'un an à deux ans, si, hors le cas prévu par le paragraphe précédent, le fait a eu lieu en temps de guerre et à l'armée active ;
« D'une peine disciplinaire dans tous les autres cas.
M. le président. - La commission propose de rédiger ainsi le paragraphe premier :
« Tout militaire qui, étant en faction ou en vedette, aura été trouvé ivre ou endormi, sera puni... »
M. Guillery, rapporteur. - Je ne sais pas si M. le ministre de la justice se rallie à l'amendement de la commission. La commission a devoir ajouter le mot « ivre » au mot « endormi », de manière que le paragraphe premier est ainsi rédigé :
« Tout militaire qui, étant en faction ou en vedette, aura été trouvé ivre ou endormi, sera puni... «
Le code pénal actuellement en vigueur punit l'ivresse, et c'est en effet un cas qu'il est impossible de ne pas prévoir dans un code pénal militaire. L'ivresse est une plaie dans l'armée, elle y est souvent la cause de très grands désordres. Si le factionnaire qui est trouvé endormi est quelquefois excusable par suite de longues marches, de longues privations, celui qui s'enivre au moment il doit remplir un devoir aussi important que celui de vedette est sans excuse. Il me paraît qu'on ne peut exempter de toute peine celui qui coupable de s'être enivré dans ce cas.
L'exposé des motifs donne de la suppression dont je parle, une raison que je ne puis admettre ; l'exposé des motifs nous dit : « De deux choses l’une, ou le factionnaire était ivre avant d'être en faction et alors c'est le sous-officier qui est coupable de négligence, ou bien il a quitté son poste pour aller s'enivrer et alors il est coupable d'un autre délit puni par le code. Mais, messieurs, il y a une autre hypothèse, c'est celle où un militaire s'enivre à son poste même, parce qu'une tierce personne lui apporte ce qu'il faut pour s'enivrer. C'est ce troisième cas que nous avons voulu prévoir.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Nous nous rallions à l’amendement.
- L'article est mis aux voix et adopté avec l'amendement de la commission.
« Art. 22. Les peines de l'article précédent seront infligées à tout militaire qui, sans être en faction, aura abandonné son poste dans l'une ou l'autre des circonstances prévues par ledit article et suivant les distinctions qui y sont indiquées.
« Si le coupable est chef de poste, le maximum de la peine lui est toujours appliqué.
« S’il est officier, il sera condamné à la destitution en temps de guerre et puni disciplinairement en temps de paix. »
- Adopté.
« Art. 23. Tout militaire qui, en temps de guerre, ne se sera pas rendu à son poste en cas d'alerte ou lorsque la générale aura été battue, sera puni d'un an à trois ans d'incorporation dans une compagnie de correction.
« S'il est officier, il sera condamné à la destitution. »
- Adopté.
« Art. 24. Sera puni de destitution, indépendamment des peines établies ou portées par des lois particulières, tout officier qui, par un des moyens prévus par ces lois, se sera rendu coupable d'offense envers la personne du Roi ou envers les membres de la famille royale ou aura méchamment et publiquement attaqué soit l'autorité constitutionnelle du Roi, l'inviolabilité de sa personne ou les droits constitutionnels de sa dynastie, soit les droits ou l'autorité des Chambres, soit la force obligatoire des lois ou provoqué directement à y désobéir. »
- Adopté.
« Art. 25. Le militaire qui refusera d'obéir aux ordres de son supérieur ou s'abstiendra à dessein de les exécuter, lorsqu'il est commandé pour un service, sera puni de la destitution. s'il est officier ; de l'incorporation dans une compagnie de correction pour le terme d'un an à cinq ans, s'il est sous-officier, caporal, brigadier ou soldat.
« En temps de guerre et l'armée active, l'officier sera puni de la détention de cinq ans à dix ans ; le sous-officier, caporal, brigadier ou soldat, de l'emprisonnement de deux ans à cinq ans et de l'incorporation dans une compagnie de correction pour le même terme.
« Si le fait a eu lieu présence de l'ennemi, le coupable, quel qu'il soit, sera puni de mort. »
- Adopté.
« Art. 26. Est qualifiée révolte toute résistance simultanée aux ordres de leurs chefs, par plus de trois militaires réunis, lorsque l'ordre est donné pour un service. »
- Adopté.
« Art. 27. Si la révolte a eu lieu par suite d'un concert, elle sera punie, en temps de guerre et à l'armée active, de la réclusion ; en d'autres circonstances, de l'emprisonnement de deux ans à cinq ans.
« Si la révolte n'a pas été le résultat d'un concert, les coupables seront condamnés, en temps de guerre et à l'armée active, à l'emprisonnement de deux ans à cinq ans ; en d'autres circonstances, l'incorporation dans une compagnie de correction pour deux ans au moins et cinq ans au plus.
« Dans tous les autres cas, le maximum de la peine sera appliqué aux instigateurs ou chefs de la révolte et aux sous-officiers, caporaux ou brigadiers qui y auront participé. »
- Adopté.
« Art. 28. L'officier qui aura pris part une révolte sera puni de la détention de cinq ans à dix ans.
« Il sera puni de mort, s'il a pris part une révolte en temps de guerre et l'armée active. »
- Adopté.
« Art. 29. L'article 134 du code pénal ordinaire n'est pas applicable aux militaires ayant le grade d'officier ou sous-officier. »
- Adopté.
« Art. 30. Tout militaire coupable de violences envers une sentinelle sera puni la destitution, s'il est officier ; de l'incorporation dans une compagnie de correction pendant un an à cinq ans, s'il est sous-officier, caporal, brigadier ou soldat.
M. le président. - M. le ministre de la justice propose un amendement ainsi conçu :
« Tout militaire... (Comme au projet.)
« Dans le cas prévu par l'article 399 du code pénal ordinaire, le coupable sera puni, en outre, d'un emprisonnement de six mois à trois ans.
« Il sera condamné à la réclusion dans le cas prévu par l'article 400, et aux travaux forcés de dix ans à quinze ans, dans le cas prévu par l'article 401 dudit code. »
- Adopté.
« Art. 31. Les violences commises par un militaire envers son supérieur seront punies de la destitution, si le coupable est officier.
« Lorsque le coupable sera d'un grade inférieur, il sera condamné à l'incorporation dans une compagnie de correction pour le terme de deux à cinq ans, si les violences ont été commises pendant le service ou à l'occasion du service ; pour un terme qui n'excédera pas trois années, si elles ont été commises en toute autre circonstance. »
M. le président. - La commission propose de rédiger l'article comme suit :
« Les violences commises par un militaire envers son supérieur, seront punies de la destitution, si le coupable est officier.
« Lorsque le coupable est d'un grade inférieur à celui d'officier, il sera condamné... (Le reste comme ci-dessus.) »
M. Rogierµ. - Messieurs, je ne puis m'empêcher de revenir sur les courtes observations que j'ai présentées hier en ce qui concerne les violences prévues au chapitre V du projet.
Je me demande, messieurs, si ces dispositions qui ne s'occupent que des infractions commises par les inférieurs vis-à-vis du supérieur, sont équitables, sont justes et sont même bonnes au point de vue de la discipline.
Dans l'armée, l'inférieur est, vis-à-vis du caporal, le soldat ; vis-à-vis du sergent, le caporal et le soldat ; vis-à-vis de l'officier, le sous-officier, le caporal et le soldat et ainsi de grade en grade jusqu'au sommet de la hiérarchie.
Le soldat qui aura usé de violence envers le caporal sera puni d'une peine spéciale prévue par le code pénal militaire. Mais le caporal qui aura usé de violence à l'égard du soldat comment sera-t-il puni ?
Se bornera-t-on à lui appliquer le règlement disciplinaire ou le poursuivra-t-on d'après le code pénal ordinaire, beaucoup moins sévère que le code pénal militaire ?
Cette observation s'applique à tous les grades.
S’il faut que la discipline et l'obéissance règnent dans l'armée, il y a aussi le sentiment de la justice, le respect de la dignité personnelle qui doit exister pour le simple soldat comme pour l'officier.
Eh bien, quelque chose me gêne, je dois le dire, dans cette loi qui ne sévit que contre l'inférieur, en ce qui concerne les offenses et qui met, à l'égard de l'inférieur, les supérieurs hors du code pénal que nous discutons, depuis le caporal jusqu'au général.
Ceux-ci, s'ils commettent des infractions, on les renvoie au code pénal ordinaire ou au règlement de discipline (je sais, par parenthèse, s'il a force de loi).
Un capitaine est certainement un personnage respectable ; le grade de capitaine suppose chez celui qui l'a obtenu une conduite régulière, de bons sentiments, de l'instruction. Mais sous ce rapport, entre le capitaine et le premier lieutenant, je ne vois pas une distance si grande, qu'il faille traiter les offenses de l'un par d'autres règles que celles de l'autre. Je ne fais pas de proposition, mais je constate qu'il y a dans le projet une lacune qui apparaît à la simple lumière du bon sens.
On a dit hier que les officiers étaient atteints par la loi de 1836 qui permettait de les mettre au traitement de réforme s'ils exercent des sévices graves vis-à-vis de leurs inférieurs. Mais, à mon avis, cela ne suffit pas ; il faudrait comprendre ces sévices dans la loi actuelle et les soumettre à la même juridiction.
Je reconnais que le projet introduit, dans le code pénal militaire, de grandes améliorations ; mais il y reste encore des peines considérables, et lorsque vous frappez de ces peines l'inférieur qui se rend coupable d'un délit vis-à-vis de son supérieur et que vous ne frappez, dans des cas identiques, ce supérieur que d’une demi-destitution, je trouve que vous froissez l’égalité.
Je ne veux pas m'étendre sur ce point ni soulever ici une grande discussion, mais je persiste à croire qu'il y a une lacune à combler, et je m'associerais à une proposition qui serait faite dans ce but.
M. Guillery, rapporteur. - Les idées que vient d'émettre M. Rogier m'avaient frappé hier ; j'y ai réfléchi depuis et je trouve qu'elles méritent d'être prises en considération.
Le code pénal militaire a pour but de réprimer des délits militaires da deux catégories différentes.
La première catégorie se compose de délits commis par un inférieur contre un supérieur, délits pouvant compromettre la discipline. Ces délits doivent être réprimés très sévèrement.
Vient une autre catégorie de délits tout à fait différents : ce sont les délits commis par un supérieur sur son inférieur. D'après le projet actuel, on devrait appliquer dans ce cas le droit commun, c’est-à-dire qu'un sous-officier ayant commis un acte de violence à l'égard d'un soldat, l'officier ayant commis une violence à l'égard d'un soldat ou d'un sous)officier, sera puni uniquement d'après les articles 398 et suivants du code pénal ordinaire.
L'honorable M. Rogier fait observer qu'il y a, dans le fait d'un supérieur se livrant des violences contre son inférieur, autre chose qu'un délit de droit commun.
Et, en effet, au point vue de la criminalité, il y a la lâcheté en plus. Celui qui frappe un enfant est plus coupable que celui qui frappe un homme ; celui qui frappe un inférieur ne peut pas être, sous le rapport de la criminalité. dans la même position que celui qui frappe son égal. Il y a un abus d'autorité en plus : la criminalité est plus grande. Le droit commun n'est donc pas parfaitement applicable.
De plus, le trouble, le dommage, le désordre, le préjudice causé à la discipline est aussi plus grand. Le fait d'un supérieur qui abuse de son autorité à l'égard d'un inférieur est évidemment très condamnable. Un homme ayant un caractère méchant, emporté, qui frappe un malheureux milicien coupable d'un fait innocent en lui-même, provenant autant d'un défaut d'intelligence, d'un défaut d'éducation que d'une intention méchante, cet homme soulèvera l'indignation générale et pourra provoquer peut-être des actes d'insubordination. Donc, de quelque manière qu'on envisage le fait, il a évidemment un caractère très grave.
Je n'ai point préparé d'amendement parce que, comme rapporteur de la commission, je crois avoir largement usé du droit d'amendement. Mais si l'idée de l'honorable M. Rogier rencontrait les sympathies de la Chambre et du gouvernement, il y aurait lieu d'examiner s'il ne serait pas utile de prévenir le cas et, pour le punir, de doubler le minimum de la peine comminée par les articles 398 et suivants du code pénal lorsqu'il s'agira d'un supérieur commettant un délit à l'égard d'un inférieur. C'est un point qu'on pourrait examiner d'ici au second vote ; peut-être, d'ici là, pourrons-nous nous mettre d'accord avec l'honorable M. Rogier et trouver une solution.
MgRµ. - Nous sommes parfaitement armés contre les chefs qui s'oublieraient assez pour maltraiter leurs inférieurs.
Nous avons des peines qui sont graduées depuis quelques jours d'arrêt jusqu'à la destitution même. Dans notre règlement de discipline, qui est une loi de l'Etat, il y a un article ainsi conçu :
« Se rend coupable de transgression contre la discipline :
« Quiconque, placé dans un grade supérieur, se permet des voies de fait ou des expressions injurieuses envers son subordonné ou qui lui inflige ou fait infliger une correction non convenable. »
Suivant la gravité des cas, les peines qui peuvent être infligées aux officiers sont :
« Les arrêts simples ;
« Les arrêts sans accès ;
« La prison militaire ;
« La prison militaire sans accès ;
« La réprimande du ministère de la guerre ;
« La mise en non-activité ;
« La mise la réforme ;
« La perte du grade. »
Voilà certainement des peines suffisamment sévères et qui, remarquez-le, sont indépendantes des peines comminées par le code ordinaire.
M. De Fréµ. - Qui est-ce qui applique ces peines ?
MgRµ. - Ce sont les autorités militaires supérieures et le ministre de la guerre.
M. Bouvierµ. - Il est donc seul juge ?
(page 562) MgRµ. - Mais croyez-vous donc que, dans l'armée, on cherche à couvrir les fautes des supérieurs pour n'avoir pas les punir ? Non, messieurs, la faute d'un supérieur abusant de son autorité envers un inférieur est une des plus graves qui puissent être commises et personne dans l'armée ne cherchera jamais à la pallier ou à la pardonner.
M. Guillery, rapporteur. - Il y a deux ordres d'idées bien distinctes en pareille matière.
Nous avons un règlement de discipline qui, j'en suis convaincu, est parfaitement exécuté dans l'armée belge ; mais ce règlement de discipline forme un ordre de faits complètements différents de la loi pénale.
Ne fût-ce que pour la logique, très importante en pareille matière. il importe que la loi pénale soit complète par elle-même ; qu'elle forme un ensemble complet ; que le juge qui prononcera puisse toujours prononcer la peine que l'équité indique en même temps que la loi ; il faut que la loi écrite soit, en toutes choses, conforme à la loi morale.
Il importe donc que si tel fait, par sa nature, comporte une criminalité plus grande et cause un trouble plus grand dans la société, il soit puni d'une peine plus forte. Le règlement de discipline n'est pas appliqué, ce que je crois, en même temps que les poursuites devant un conseil de guerre. Lorsqu'un officier est traduit devant un conseil de guerre et condamné, il a satisfait à la loi. Il est donc à souhaiter que la peine appliquée soit en rapport avec le fait punissable, avec le délit.
Le règlement de discipline se rapporte à un autre ordre de choses. Lorsque M. le ministre de la guerre, ou tout autre officier chargé d'appliquer les peines disciplinaires, croit devoir punir un acte de brutalité commis par un supérieur envers un inférieur, il le punit en vertu du règlement de discipline.
Mais lorsqu'un fait est prévu par le code pénal militaire et qu'il donne lieu à un jugement, il faut que le juge ait toujours par devers lui le moyen d'appliquer des peines proportionnées au délit.
Quant à la loi de 1836, c'est une loi que nous ne devons plus invoquer dans cette enceinte ; c'est une loi jugée et condamnée ; elle est condamnée par l'opinion publique ; elle est condamnée par l'armée, par le gouvernement, elle est condamnée par M. le ministre de la guerre et par M. le ministre de la justice.
L'exposé des motifs du projet de loi que nous discutons en fait foi ; et le gouvernement a introduit dans le projet certaines dispositions de cette loi, afin de donner au code pénal militaire un ensemble complet, et pour préparer dès à présent la révision de la loi de 1836.
Cette loi confie le soin de la répression à l'autorité supérieure ; or, quelque respectable que soit cette autorité, quelque confiance qu'elle puisse nous inspirer, il est évident que la répression émanant d'une autorité ne peut pas inspirer la même confiance que la répression émanant d'un tribunal.
Dans les idées modernes, le pouvoir exécutif ne peut être cumulé avec le pouvoir judiciaire.
Je pense que, tout en laissant leur efficacité aux exigences disciplinaires, on pourrait introduire quelques dispositions dans le projet en discussion, pour faire droit aux justes observations qui ont été présentées.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je comprends parfaitement le sentiment qui fait agir l'honorable préopinant, mais je crois que sa thèse est contraire aux principes admis dans notre droit pénal. Voici pourquoi : L'honorable M. Rogier ne demande pas qu'on punisse d'une manière plus sévère le supérieur qui se livre des violences envers un inférieur, que l'inférieur qui se livre à des violences envers un supérieur uniquement pour plaire aux délinquants de la deuxième catégorie.
M. Rogierµ. - Pour plaire la justice.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Il faut donc examiner le délit indépendamment de ce qui sera fait pour les uns et pour les autres. Eh bien, je dirai à l'honorable membre que les cas sont tout à fait différents. L'inférieur qui se livre à des violences envers un supérieur commet un double délit : il maltraite un citoyen, et puis il manque à la subordination envers son supérieur. (Interruption.)
L'honorable M. Rogier oublie que le code pénal ordinaire, à l'article violence, n'établit aucune différence entre les citoyens, quel que soit leur degré d'instruction ; la peine appliquée est entre le maximum et le minimum. Le juge apprécie.
L'honorable M. Rogier disait tout l'heure que quand un supérieur se livrait à des actes de violence envers un inférieur, c'était une lâcheté. Il est d’autant plus coupable qu'il doit protection au faible.
Mais, messieurs, est-ce ce que nous avons introduit dans le code pénal ordinaire ? Est-ce que nous avons dit que celui qui battrait l'homme sur lequel il a autorité serait puni d'une peine plus sévère ? Nullement, nous n'avons pas suivi la voie dans laquelle on nous convie à entrer pour le code pénal militaire. Dans le fait du supérieur qui se livre à des violences vis-à-vis de son inférieur, il y a certes une voie de fait qu'il faut punir plus ou moins sévèrement, je le veux bien, dans les limites du code pénal. Si l'on venait me dire que le code pénal est insuffisant, je le modifierais.
Mais savez-vous, messieurs, quelles sont les peines comminées par le code pénal contre les violences ?
L'article 398 commine un emprisonnement de 6 mois à 1 année ; l'article 399 porte 2 mois à 2 ans et 6 mois à 3 ans.
Dans l'article 400, la peine portée est de 2 à 5 ans, et lorsqu'il y a préméditation, la réclusion de 5 à 10 ans. A l'article 401, nous avons la réclusion de 5 à 10 ans et, s'il y a préméditation, les travaux forcés de 10 à 15 ans. Je crois, messieurs, que ces pénalités sont suffisantes et vous n'aurez rien gagné, selon moi, lorsque vous aurez comminé, contre les supérieurs, la double peine, parce que les tribunaux militaires ne l'appliqueront pas, grâce aux circonstances atténuantes.
Et puis, messieurs, vous oubliez que comminer l'emprisonnement contre un officier qui se livre à des violences vis-à-vis d’un inférieur, ce sera lui infliger une flétrissure très grave ; ce sera un homme à jamais perdu et je crois, je le répète, que la peine que nous proposons pour les faits dont il s'agit est complètement suffisante.
Mais ce que je ne puis admettre, c'est que l'honorable membre s'imagine que nous avons deux poids et deux mesures pour les supérieurs et pour les inférieurs. C'est une erreur profonde. Si la loi devait avoir ce résultat, nous ne la proposerions pas à la Chambre, parce que nous voulons qu'en Belgique l'égalité existe pour tous les citoyens.
Si nous punissons plus sévèrement le fait de l'inférieur envers son supérieur, c'est que nous sommes forcés d'y trouver autre chose qu'un délit de voie de fait ; c'est qu'il y a également le délit d'insubordination. Ce dernier délit, nous ne le retrouvons pas dans le fait du supérieur qui se livre à une violence à l'égard de son inférieur ; il n'y a là qu'une brutalité que nous punissons des peines du droit commun.
M. de Brouckere. - Messieurs, la question soulevée par l'honorable M. Rogier me paraît de nature à réclamer un examen très sérieux. Je reconnais qu'il y a beaucoup de vrai dans ce que vient de dire l'honorable ministre de la justice. Cependant, je me permettrai de lui faire une objection dont je pense qu'il reconnaîtra aussi la justesse.
On punit d'une peine particulièrement sévère l'inférieur qui injurie ou qui maltraite son supérieur. Pourquoi ? Parce que, dit M. le ministre de la justice, il y a dans ce fait un double délit : d'abord le délit d'avoir injurié ou maltraité un citoyen ; et puis le délit d'avoir manqué à son supérieur ; ce qui constitue l'insubordination.
Eh bien, je dis que dans le fait du supérieur qui injurie ou qui maltraite son inférieur, il y a égaiement deux délits. Il y a d'abord le délit ordinaire et il y a, en outre, le délit d'avoir abusé de sa position de supérieur. (Interruption.) P
ardon, je vais le démontrer. C'est une circonstance énormément grave.
Ainsi, par exemple, un caporal ou un sous-officier se laisse aller un acte de violence contre un soldat et le soldat n'ose pas riposter. Si c'était son égal, il se défendrait, il rendrait coup pour coup ; c'est un supérieur, il faut qu'il se laisse maltraiter ; car, s'il ripostait et maltraitait son supérieur, il s'exposerait aux peines les plus sévères et même à la peine de mort.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - C'est une erreur.
M. de Brouckere. - Enfin, à une peine très sévère.
Eh bien, je dis qu'il y a lieu d'examiner s’il ne serait pas convenable d'insérer des dispositions spéciales dans le code pénal militaire contre le supérieur qui injurie ou maltraite son inférieur. Mais il me paraît qu'une pareille disposition ne peut pas être improvisée et l'honorable M. Guillery, rapporteur de la commission, qui a particulièrement étudié la matière, ce dont son rapport fait preuve, dit lui-même qu'il ne saurait pas présenter immédiatement une disposition.
Je demande le renvoi à la commission de la question suivante que je pose : Y a-t-il lieu d'insérer dans le code pénal militaire des dispositions spéciales contre le supérieur qui injurie et maltraite son inférieur ?
M. le ministre de la justice (M. Bara). Je ne m'oppose nullement à ce (page 563) qu'on renvoie la question posée par l'honorable M. de Brouckere à la commission. Mais je dois réfuter une erreur de l'honorable membre. Il dit que, dans le fait du supérieur qui frappe son inférieur, il y a un abus d'autorité. En aucune manière.
Qu'est-ce que l'abus d’autorité ? C'est le fait d'un individu qui, se trouvant dans une position supérieure, profite de cette position supérieure pour exercer une violence sur son inférieur. Or, lorsqu'un supérieur, dans l'armée, frappe son inférieur, il n'y a pas abus d'autorité, il y a un acte de violence ou de brutalité. C'est le fait de l'homme à l'homme ; c'est le supérieur qui, dans un moment de colère ou autre, s'en va trouver son inférieur et se livre envers lui à des voies de fait.
Je le répète, il y a abus d'autorité lorsqu'un homme se trouvant, vis-à- vis d'une autre personne, dans une position supérieure, trouve dans sa position une facilité pour commettre un délit ; ainsi le tuteur qui exerce un acte déterminé vis-à-vis du mineur, commet un abus d'autorité. Mais cc n’est pas là le cas de l'officier qui maltraite un soldat.
L'honorable membre était embarrassé de trouver un exemple, et voici celui qu'il a pris : Un soldat est frappé par son supérieur et parce que le code pénal commine des peines très sévères contre l'inférieur qui maltraite son supérieur, l'inférieur n'osera pas résister ; il n'osera pas se livrer, à son tour, à des voies de fait. Mais ce que paraît vouloir l'honorable membre, notre code pénal commun ne l'admet dans aucun cas. Si quelqu'un se livre des violences envers vous, vous n'avez pas le droit de vous livrer à des violences envers lui, si ce n'est dans le cas de légitime défense. Mais hors de ce cas, vous n'êtes pas innocenté par la loi. Si le délit a été provoqué, il pourra être puni d'une peine moindre, mais le délit n'en existe pas moins.
L'honorable M. de Brouckere ne peut pas vouloir que le militaire, maltraité par son supérieur, puisse se livrer à des violences envers celui-ci. Si cette thèse était admissible, qu'arriverait-il ? C'est que le supérieur qui serait maltraité par son inférieur pourrait aussi se livrer à des violences vis-à-vis de l'inférieur. Or, je le répète, c'est là ce que la loi pénale ordinaire n'admet pas.
Mais il est à remarquer que, dans le code pénal en discussion, nous admettons tout le livre premier du code pénal ordinaire ; c'est-à-dire que si un officier se livre à l'égard d'un militaire à des violences telles qu'elles constituent pour celui-ci le cas de légitime défense, le délit disparaît pour le soldat ; dans d'autres cas, lorsque la voie de fait aura été provoquée par la violence du supérieur, elle descendra d’un degré dans l'échelle de la pénalité.
On s'imagine que le projet ne s'applique qu'aux soldats ; que ceux-ci seuls seront frappés de peines très sévères, lorsqu'ils useront de violence envers un officier.
Mais l'article s'applique aussi aux officiers ; si un capitaine se livre à des attaques vis-à-vis de son major, il subit une augmentation de peine ; si un colonel se livre à des attaques contre son général, il subit une augmentation de peine,
La loi n'est donc pas faite contre les petits, comme on pourrait le croire ; elle est faite également contre les grands ; elle est faite pour des cas où la violence est accompagnée d'un manquement à la discipline.
Croyez-vous, messieurs, que l'officier qui se livre à des violences n'est pas puni ? Mais il est puni par le code pénal ordinaire et il y a ensuite les peines disciplinaires qui peuvent aller jusqu'à la mise en non-activité, jusqu'à la mise au traitement de réforme.
Eh bien, que l'on renvoie à la commission et je défie les honorables membres de faire autre chose que ce que fait le code de discipline. (Interruption.) Ah ! vous voulez que les peines disciplinaires soient prononcées par le tribunal ? C'est là une tout autre question. (Interruption.)
Le point de départ a été la prétendue injustice de la loi actuelle qu'on a représentée comme ne punissant que les petits ; eh bien, j'ai démontré que cette objection n'est pas fondée, que le code pénal que nous défendons n'a pas deux poids et deux mesures, qu'il punit les supérieurs à l'égal des inférieurs.
Mais maintenant les honorables membres viennent dire : Les peines disciplinaires, nous allons les faire prononcer par les tribunaux. Eh bien, je dis que c'est là une question très grave.
Quand nous avons discuté avec le département de la guerre la question de savoir si les peines disciplinaires seraient appliquées par les tribunaux, nous avons rencontré une résistance invincible. C'est précisément parce que nous voulions la mise en liberté d'un grand nombre de militaires qui sont actuellement en prison, que j'ai dû céder devant les demandes du département de la guerre et ne pas insérer dans la loi actuelle le code de discipline. (Interruption.)
Si vous touchez à une seule disposition du code de discipline, vous serez entraînés par la logique à toucher à ce code d'une manière complète. C'est le danger de la proposition qui vient d'être mise en avant.
MgRµ. - Je ne pense pas que les honorables membres veulent mettre les officiers hors du droit commun. Les outrages commis par les officiers envers leurs inférieurs sont punis comme les outrages commis par des particuliers envers d'autres particuliers ; mais l'officier puni par les tribunaux peut encore être frappé par le département de la guerre.
Ainsi, un officier qui aura commis un abus de pouvoir scandaleux et qui aura été puni par le tribunal militaire peut encore être mis en non-activité par le ministre de la guerre.
Si vous voulez que les peines du règlement de discipline soient appliquées par les tribunaux militaires...
M. de Brouckere. - Il n'est pas question de cela.
MgRµ. - Ce serait la destruction de la discipline dans l'armée.
M. Guillery, rapporteur. - Mais il ne s'agit pas de cela. Ce sont deux ordres d'idées tout différents.
MgRµ. - Que voulez-vous, alors ?
M. de Brouckere. - Je vais vous le dire.
MgRµ. - Je ne conçois pas, messieurs, que l'on veuille mettre les officiers hors du droit commun. Qu'ont-ils fait pour mériter ce traitement exceptionnel ? Quels faits ont-ils posés qui puissent leur attirer ce traitement ? Citez-en un, un seul ; mais vous ne le sauriez pas. Entend-on des soldats se plaindre d'avoir été maltraités ?
Je vous en supplie, messieurs, veuillez-y faire attention ! Quelle position donneriez-vous à l'officier à l'égard du soldat si vous alliez le traiter d'une manière exceptionnelle ?
Je dis que ce serait jeter sur le corps d'officiers une déconsidération qu'il ne mérite pas.
M. de Brouckere. - Je prie l'honorable ministre de la guerre de remarquer que, de ce côté de la Chambre, on s'est borné de simples observations.
On n'a pas soutenu d'opinion d'une manière tranchée ; on s'est borné à demander que la commission soit appelée à examiner une question reconnue sérieuse.
L'honorable ministre de la guerre semble croire que des membres de la Chambre voudraient que les tribunaux fussent chargés d'appliquer les peines disciplinaires.
Mais cela n'est entré dans l'esprit de personne et pas un mot n'a été dit de cela.
Voici l'observation que l'on soulève :
Un supérieur maltraite son inférieur et, pour ce fait, il est traduit devant la justice militaire. Y a-t-il lieu de lui appliquer une peine spéciale à raison de la position spéciale qu'il a vis-à-vis de l'inférieur, ou lui faut-il simplement lui appliquer le droit commun ?
Voilà la question dont nous demandons l'examen par la commission qui s'est occupée du code pénal militaire.
La commission ne prendra évidemment de conclusions qu'après avoir entendu M. le ministre de la guerre.
Y a-t-il lieu de faire opposition à cette proposition ? Je ne le pense pas.
M. le président. - Voici la proposition dont l'honorable M. de Brouckere demande le renvoi à la commission :
« Y a-t-il lieu d'insérer dans le code pénal des dispositions spéciales contre le supérieur qui injurie ou maltraite son inférieur ? »
M. Orts. - Messieurs, on ne peut se dissimuler qu'il y a quelque chose de sérieux dans l'opinion défendue par les honorables MM. de Brouckere et Rogier, de même qu'il y a des raisons très sérieuses dans les arguments qu'ont développés MM. les ministres de la guerre et de la justice.
Mais je crois qu'il y a moyen de donner satisfaction aux deux opinions. Ce serait, non pas en introduisant pour les tribunaux, ce que personne n'a demandé du reste, le droit d'appliquer les peines disciplinaires qui, précisément parce qu'elles sont disciplinaires, ne peuvent être appliquées par les tribunaux et doivent rester dans les mains de ceux qui ont la discipline sur certaines catégories de personnes. On ne peut se dissimuler cependant que la violence commise par un supérieur sur son inférieur constitue un fait plus grave que la violence exercée par une personne sur une autre personne d'une condition égale et par conséquent indépendante.
(page 564) Lorsqu'un inférieur exerce une violence sur son supérieur, il se rend coupable tout la fois de violence et d’insubordination. D'un autre côté, comme le disait M. Guillery, le supérieur qui exerce une violence sur son inférieur se rend coupable d'une lâcheté car, il spécule peut-être sur la subordination de celui qui est la victime de sa violence.
Eh bien, sans aller jusqu'à créer des peines spéciales, sans aller jusqu'à mettre l'officier hors du droit commun, si nous tenions compte de la différence qu'il y a entre l'homme qui exerce une violence sur son inférieur et celui qui en exerce une sur son égal, si nous faisions du fait d'exercer une violence sur son inférieur non pas un délit sui generis, mais une circonstance aggravante du délit de droit commun, n'aurions-nous pas donné toute satisfaction à ceux qui réclament ?
Je proposerai donc une disposition qui déclarerait que le supérieur qui exerce des violences sans l'excuse de la provocation ou sans circonstances atténuantes sur son inférieur sera toujours condamné au maximum de la peine de droit commun.
Il sera frappé, non pas comme celui qui a exercé des violences sur son égal, mais d'une peine plus considérable qui resterait cependant une peine de droit commun.
Ainsi serait donnée satisfaction à ceux qui veulent des peines plus sévères contre le supérieur qui exerce des violences sur son inférieur.
Dans le sein de la commission c'est là le système que je compte défendre si la question est renvoyée à son examen. Si elle ne lui est pas renvoyée, je proposerai un amendement dans ce sens.
M. Rogierµ. - Je ne sais si j'ai été mal compris ; Je crois m'être exprimé avec une grande réserve, avec une grande modération. Aussi mon étonnement est grand d'entendre M. le ministre de la guerre venir déclarer que si l'on formulait mes observations en loi, ce serait la ruine de l'armée.
MgRµ. - Je n’ai pas dit cela.
M. Rogierµ. - Vous ayez dit que ce serait la ruine de l'armée et je bien obligé de le faire remarquer, vous usez trop promptement de pareils arguments.
Lorsqu'il s'agit de questions militaires, la moindre observation irrite votre sollicitude, bien légitime d'ailleurs, pour l'armée et vous la voyez immédiatement menacée. Je crois que vous feriez bien de renoncer à ce genre d'argumentation, surtout lorsque les observations émanent de partisans très anciens et très énergiques de l'armée.
Quant à moi, je désavouerais toute parole qui pourrait porter un préjudice quelconque à l'armée. J'ai présenté quelques observations que le bon sons et je dirai même les vrais intérêts de la discipline semblaient indiquer ; ces observations ont été accueillies par quelques-uns de mes amis ; je crois que M. lg ministre de la guerre peut se rassurer tout au moins sur nos intentions ; l'armée ne sera pas menacée parc' que la proposition qui vient d'être faite sera renvoyée à la commission. J'engage M. le ministre à ne pas s'opposer ce renvoi.
MgRµ. - Je me suis levé lorsque j'ai cru comprendre que, dans l'esprit de plusieurs membres, les peines disciplinaires devraient être appliquées par les conseils de guerre et j'ai dit que si l'on enlevait aux chefs le droit de punir, on anéantirait l'armée. Il faut que les chefs aient le droit de punir immédiatement les fautes commises ; sans cela, la discipline n'est pas possible.
Voilà dans quel sens j'ai parlé.
Je n'ai nullement dit que le sort de l'armée serait compromis si les idées de l'honorable M. Rogier venaient à être admises.
M. le président. - Le gouvernement n'a pas fait d'objection au renvoi de la proposition de M. de Brouckere à la commission.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Nullement.
M. Orts. - Je crois bien faire en présentant dès à présent une formule qui résume les idées que j'ai exprimées tout à l'heure. De cette façon, MM. les ministre de la guerre et de la justice, avant de venir au sein de la commission, sauront en présence de quel système ils se trouveront, du moins en ce qui me concerne. J'ai donc l'honneur de présenter l'amendement suivant, tout en me réservant de tenir compte des observations qui pourront m'être faites :
« Les violences commises par un supérieur sur son inférieur, sans l'excuse de circonstances atténuantes, seront punies du maximum de la peine prononcée par le code pénal commun. »
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je crois utile de présenter dès à présent une observation très importante, afin que la commission puisse y réfléchir lorsqu'elle examinera l’amendement de l'honorable M. Orts.
Cet amendement, messieurs, ne concerne que l'armée ; or, ce n’est pas dans l'armée seulement qu'il existe une hiérarchie et par conséquent des supérieurs et des inférieurs ; on en trouve dans toutes les administrations civiles.
- Un membre. - On ne s'occupe pas de cela maintenant.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - C'est justement ce que je constate pour faire remarquer que lorsqu'on introduit un principe nouveau dans une législation pénale pour punir certains faits, il faut l'appliquer d'une manière générale.
Or, messieurs, l'amendement proposé ne s'appliquerait qu'à l'armée et serait sans effet à l'égard d'un receveur des contributions, par exemple, qui donnerait un soumet à un commis.
M. Orts. - Parce que le commis des accises qui donne un soufflet à un receveur n'est point passible d'une peine plus forte que le receveur donnant un soumet à un commis.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Ceci n'est point une raison juridique ; on doit examiner le délit en lui-même et ne pas aggraver la peine parce que d'autres délinquants, en d'autres circonstances, sont frappés d’une peine plus sévère. Vous pouvez invoquer de meilleures raisons et dire que le supérieur qui frappe son inférieur est plus coupable parce qu'il doit protection à ce dernier, mais je dois vous faire remarquer que la législation pénale actuelle n'est pas basée sur ces principes.
Le principe que vous voulez introduire dans la législation militaire, je vous reproche de le restreindre à une catégorie de citoyens, tandis que des principes de ce genre doivent recevoir une application générale.
Voilà, messieurs, l'observation qu'il m'a paru nécessaire de présenter dès maintenant pour que la commission puisse l'examiner en même temps que l'amendement.
- La discussion est close.
L'assemblée ordonne le renvoi des propositions de MM. de Brouckere et Orts à la commission spéciale.
- Des membres. - A demain !
- La Chambre, consultée, décide que la discussion continue.
M. le président. - La Chambre est arrivée à l'article 32.
« Art. 32. Si les violences commises par un militaire envers son supérieur ont occasionné quelque lésion corporelle, le coupable sera condamné à la réclusion. »
La commission propose la rédaction suivante :
« Lorsque les violences, commises par un militaire envers son supérieur, ont causé une maladie ou une incapacité de travail personnel, le coupable sera puni de la réclusion, si les violences ont été commises pendant le service à l'occasion du service ; et d'un emprisonnement de deux ans à cinq ans, si les violences ont été commises en toute autre circonstance.
« Dans les deux cas, la peine de la destitution sera toujours prononcée contre les offìciers, et le coupable qui n'a point ce grade pourra être puni de l'incorporation dans une compagnie de correction pour le terme d'un an. Il en sera de même lorsque les faits prévus par les articles 400 et 401 du code pénal ordinaire auront été commis par un inférieur sur son supérieur, en temps de paix et à l'occasion du service. »
Le gouvernement propose la rédaction nouvelle suivante :
« Les violences commises par un militaire envers son supérieur seront punies :
« D’un emprisonnement de deux ans à quatre ans et de l’incorporation dans compagnie de correction, pendant un an à trois ans, dans le cas prévu par l'article 399 ;
« De la réclusion, dans le cas de l'article 400 ;
« Des travaux forcés de dix ans à quinze ans, dans le cas de l'article 401 du code pénal ordinaire. »
La commission se rallie-t-elle à la nouvelle rédaction de l'article 32, proposée par M. le ministre de la justice ?
M. Guillery, rapporteur. - Il s'agit bien, je pense, de supprimer, dans le second paragraphe de l'article 32, les mots : « et de l'incorporation dans une compagnie de correction pendant un an à trois ans » ; le paragraphe se réduirait à ceci : « D’un emprisonnement de deux ans à quatre ans, dans le cas prévu par l'article 399. »
Je crois que nous sommes d'accord.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Oui.
(page 565) M. le président. - M. le ministre propose de rédiger l'article 32 nouveau de la manière suivante : « Les violences commises par un militaire envers son supérieur seront punies d'un emprisonnement de deux ans à quatre ans dans le cas prévu par l'article 399. »
- L'article 32 nouveau, ainsi modifié, est adopté.
« Art. 32bis. Si les violences mentionnées à l'article précédent ont été commises pendant le service ou à l’occasion du service, les peines portées par cet article seront remplacées :
« L'emprisonnement, par la réclusion ;
« La réclusion, par les travaux forcés de dix ans à quinze ans ;
« Les travaux forcés de dix ans quinze ans, par les travaux forcés de quinze ans à vingt ans. »
- Adopté.
« Art. 32ter. Le coupable condamné à l'emprisonnement, en vertu de l'article 32, sera puni, en outre, de la destitution, s'il est officier ; et, s'il n'a pas ce grade, il pourra être incorporé dans une compagnie de correction pendant trois ans au plus. »
- Adopté.
M. le président. - Il est bien entendu, je pense, que l'article 32bis de la commission disparait.
M. Guillery, rapporteur. - L'article 32bis de la commission sera remplacé par l'article 35bis du gouvernement.
M. le président. - Donc il disparait comme article 32bis de la commission.
M. Guillery, rapporteur. - Provisoirement.
« Art. 33. En temps de guerre et à l'armée active, tout militaire coupable d’avoir commis des violences envers son supérieur sera puni des travaux forcés de dix ans à quinze ans.
« Si les violences ont été. commises pendant le service ou à l'occasion du service, la peine sera les travaux forcés de quinze ans à vingt ans.
« Si le coupable est officier, les travaux forcés de dix ans à quinze ans seront remplacés par la détention pour le même terme ; les travaux forcés de quinze ans à vingt ans seront remplacés par la détention extraordinaire. »
M. le président. - La commission propose la rédaction suivante pour les deux premiers paragraphes :
« En temps de guerre et à l'armée active, tout militaire coupable d'avoir commis des violences envers son supérieur sera puni de la détention de dix ans à quinze ans.
« Si les violences ont commises pendant le service ou à l'occasion du service, la peine sera la détention extraordinaire. »
Et supprime le paragraphe 3.
Le gouvernement, de son côté, propose une rédaction nouvelle ainsi conçue :
« En temps de guerre et à l'armée active, tout militaire coupable d'avoir commis des violences envers son supérieur sera puni de la détention de cinq ans à dix ans. Si les violences ont commises pendant le service ou à l'occasion du service, la peine sera la détention de dix ans à quinze ans. »
- La rédaction proposée par M. le ministre de la justice est adoptée.
« Art. 34. Lorsque les violences commises en temps de guerre et à l'armée active par un militaire envers son supérieur auront occasionné quelque lésion corporelle, le coupable sera condamné aux travaux forcés à perpétuité.
« Dans le cas prévu par l'article 401 du code pénal ordinaire, la peine sera la mort avec dégradation militaire. »
La commission propose la rédaction suivante :
« Lorsque les violences commises en temps de guerre et à l'armée active par un militaire envers son supérieur auront causé une maladie ou une incapacité de travail personnel, le coupable sera condamné aux travaux forcés de quinze ans à vingt ans.
« Dans le cas prévu par le paragraphe premier de l'article 401 du code pénal ordinaire, la peine sera les travaux forcés à perpétuité et. dans le cas prévu par paragraphe 2, la mort avec dégradation militaire. »
Le gouvernement propose la nouvelle rédaction suivante :
« Lorsque les violences commises en temps de guerre et à l'armée active, par un militaire envers son supérieur, auront causé quelque lésion corporelle, le coupable sera condamné aux travaux forcés de quinze ans à vingt ans.
« Il sera condamné aux travaux forcés à perpétuité, dans le cas prévu par l'article 401, paragraphe premier, du code pénal ordinaire.
« La peine sera la mort, avec la dégradation militaire, dans le cas de l’article 401, paragraphe 2, dudit code. »
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Au paragraphe premier, il faut substituer aux mots : « aura causé quelque lésion corporelle » ceux-ci : « aura causé une maladie ou une incapacité de travail personnel. »
M. le président. - La commission est-elle d'accord avec le gouvernement ?
M. Guillery, rapporteur. - Oui. L'expression que propose le ministre de la justice est celle du code pénal ordinaire.
- La rédaction proposée par M. le ministre de la justice est adoptée.
« Art. 35. Le meurtre commis par un inférieur sur son supérieur pendant le service ou à l'occasion du service, sera puni de mort avec dégradation militaire ».
- Adopté.
« Art. 35bis (nouveau proposé par le gouvernement). Lorsqu'un militaire aura commis des violences dans la maison où il était logé sur la réquisition de l'autorité publique et contre un habitant de cette maison, le minimum des peines portées par les articles 398, 399, et 401 du code pénal ordinaire sera doublé s'il s'agit de l'emprisonnement, et élevé de deux ans, s'il s'agit de la réclusion ou des travaux forcés, Adopté.
« Art. 36. Tout officier qui aura outragé son supérieur par paroles, gestes ou menaces, sera puni de la destitution.
« Tout autre militaire qui se sera rendu coupable du même fait sera puni de l'incorporation dans une compagnie de correction pour un terme d'un an à cinq ans, si l'outrage a eu lieu pendant le service ou à l'occasion du service, et pour un terme qui n'excédera pas deux années, s'il a eu lieu dans d'autres circonstances. »
M. le président. - La commission propose la rédaction suivante :
« Tout militaire qui aura outragé son supérieur par paroles, gestes ou menaces, pendant le service ou à l'occasion da service, sera puni d'un emprisonnement de deux mois à deux ans, ou même de la destitution s'il est officier.
« La peine sera l'incorporation dans une compagnie de correction, pour un terme d'un an à cinq ans, s'il n'est pas officier.
« Si l'outrage a eu lieu dans d'autres circonstances, la peine sera de quinze jours à six mois d'emprisonnement pour l'officier, et un an d'incorporation dans une compagnie de correction pour les autres militaires. »
Le gouvernement propose la nouvelle rédaction suivante :
« Tout militaire qui aura outragé son supérieur sera puni d'un emprisonnement d'un mois à six mois, s'il est officier, et de l'incorporation dans une compagnie de correction pendant un terme qui n'excédera pas deux ans, s'il n'est pas officier.
« Lorsque l'outrage a eu lieu pendant le service ou à l'occasion du service, le coupable sera condamné, s'il est officier, à un emprisonnement de deux mois à deux ans ou à la destitution ; et s'il n'a pas ce grade, à l'incorporation dans une compagnie de correction pendant un an à trois ans,. »
M. Guillery, rapporteur. - Je n'ai pas d'objection à faire contre la rédaction du gouvernement ; je crois seulement devoir signaler un point. Il y avait dans le projet primitif : « outragé son supérieur par paroles, gestes ou menaces » et la commission a maintenu cette rédaction ; mais dans la nouvelle proposition du gouvernement, nous trouvons plus les mots : « par paroles, gestes ou menaces ». C'est sans doute une erreur d'impression.
Ensuite l'expression : « S'il est officier, etc. » » me semble laisser à désirer. Je crois qu'il vaudrait mieux dire : « ou même la destitution. »
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Les mots : « par paroles, gestes ou menaces » ont été supprimés, parce que, d'après l'article 275 et suivants du code pénal, « outrage » signifie « l'injure par paroles, gestes ou menaces », personne en sa présence.
Quant à la deuxième observation de l'honorable rapporteur, elle me paraît fondée ; on pourrait donc dire : « ou même à la destitution. »
M. Guillery. Rapporteurµ. - L'article 275 du code pénal est ainsi conçu :
« Sera puni d'un emprisonnement de quinze jours à six mois et à une amende de cinquante francs à trois cents francs celui qui aura outragé par paroles, gestes ou menaces, etc.
Je ne trouve pas là la définition dont parle M. le ministre ; ce n'est qu'une énumération.
(page 566) Du reste, je n'insiste pas sur cette observation.
- L'article 36, rédigé comme le propose M. le ministre de la justice, est mis aux voix et adopté.
M. le président. - M. de Fré a fait parvenir au bureau l'article additionnel suivant :
« Toute détention subie avant que la condamnation soit devenue irrévocable, par suite de l'infraction qui donne lieu à cette condamnation, sera imputée sur la durée des peines emportant privation de la liberté. »
- Cette proposition sera imprimée et distribuée.
La séance est levée à quatre heures et demie.