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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 23 février 1870

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1869-1870)

(Présidence de M. Dolezµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 527) M. de Vrintsµ procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

Il donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Rossiusµ présente l'analyse suivante des pièces adressées la Chambre.

« Les membres du conseil communal de Maffle appuient la demande faite la commune de Fronville d'être reliée la station de Melrcux par un raccordement de route de l'Etat prenant à Monteuville. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le conseil communal de Florenville prie la Chambre d'inviter M. le ministre des travaux publics à accorder au sieur Brassine la concession d'un chemin de fer d'Athus à la frontière française dans la direction de Givet. »

- Même renvoi.


« Les secrétaires communaux des Ecaussinnes et d'Henripont demandent que l'avenir des secrétaires communaux soit assuré et que leur traitement soit mis en rapport avec l'importance de leur travail et les services qu'ils rendent aux administrations communales, provinciales et générale. »

- Dépôt sar le bureau pendant la discussion du rapport sur des pétitions identiques.


« L'administration communale de Hersselt propose des modifications à la loi sur le domicile de secours. »

« Même pétition de l'administration communale de Duffel. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi sur la matière.


« Par message dit 22 février 1870, le Sénat informe la Chambre qu'il a adopté le projet de loi portant des modifications à la législation du temporel des cultes. »

- Pris pour notification.


« MM. Vleminckx, Couvreur et De Lexhy, retenus par une indisposition, demandent un congé de quelques jours. »

- Accordé.


« M. Sabatier, obligé de s'absenter pour affaires urgentes, demande un congé d'un jour. »

- Accordé.

Motion d’ordre

M. Wasseige. - Messieurs, avant que la discussion de la loi sur la milice fût abordée au Sénat, un honorable membre de cette assemblée, le baron de Woelmont réclama instamment du gouvernement communication de ses intentions définitives relativement à la rémunération des miliciens.

Vous le savez, messieurs, le principe de la rémunération avait été catégoriquement maintenu par la Chambre, lorsqu'elle consentit à la disjonction du titre destiné à régler cet important objet dans la loi sur la milice.

L'honorable ministre de l'intérieur dut même s'engager, pour satisfaire aux justes susceptibilités de la Chambre, à déposer, dans la huitaine après le vote de la loi, soit un projet nouveau, soit des amendements au projet primitif.

Tous ces faits furent clairement établis par l'honorable sénateur de Namur, qui fit ressortir de la manière la plus évidente et la justice de la rémunération en elle-même et sa connexité étroite avec la loi dont la discussion allait commencer au Sénat.

L'honorable ministre des finances répondit à cette interpellation que le gouvernement, après avoir remanié son premier projet, avait formulé de nouveaux amendements, lesquels étaient transmis à la section centrale de (page 528) la Chambre des représentants chargée de l'examen du titre de loi dont la disjonction avait été autorisée.

Je ne révoque nullement en doute les paroles de l'honorable ministre des finances, les amendements qu'il a fait connaître ont été transmis à la section centrale, j’en suis certain ; mais qu'en est-il advenu ? C'est pour le savoir que je m'adresse et à la section centrale et au gouvernement.

Ces amendements sont-ils complets, sont-ils arrivés à la section centrale sous une forme qui en permette l'examen et la discussion immédiate.

Dans l'affirmative, la section s’occupe-t-elle de cet examen et avons-nous l'espoir de voir cet important projet aboutir à un résultat satisfaisant ?

Dans le cas contraire, la faute en est-elle due au gouvernement, et quand ce dernier compte-t-il combler toutes les lacunes et rendre son projet utilement discutable ?

La nouvelle loi sur la milice et surtout l'augmentation du contingent créent des charges nouvelles, très onéreuses pour nos populations, sur lesquelles pèse déjà si lourdement l'obligation du service militaire.

La rémunération promise n'est que la juste compensation de ces charges et considérée comme un droit acquis par suite des promesses du gouvernement, elle a pu être pour beaucoup d'entre vous le principal mobile du vote émis en faveur de la loi sur la milice.

Il ne faut pas que ce projet reste enfermé dans les cartons d'une section centrale.

Le mal existe, le remède ne doit pas se faire attendre.

La session sera nécessairement courte à cause des élections du mois de juin.

A mon avis, elle ne doit pas se terminer sans que satisfaction soit donnée à l'opinion publique et aux miliciens qui attendent impatiemment un soulagement promis.

Or, pour cela faire, il n'y a pas de temps à perdre.

MiPµ. - Je dois d'abord constater ce que l'interpellation de M. Wasseige a de flatteur pour le gouvernement. En effet, il s'agit d'un projet dont l'initiative est due au gouvernement, d'un projet que le gouvernement a déposé sans y être provoqué par aucune espèce de demande.

M. Wasseige. - Je suis enchanté de pouvoir rendre justice au gouvernement ; une rois n'est pas coutume.

MiPµ. - Je reconnais que cela ne vous arrive pas souvent ; c'est pour cela que je tiens à le constater.

C'est donc bien un projet dû au gouvernement qui provoque toutes les sympathies ; et, au moment où ce projet obtient ce succès, il est naturel que le gouvernement conserve sa position et qu’il le revendique comme sien. Le gouvernement attache autant de prix que qui que ce soit à ce que ce projet soit bientôt discuté.

Ainsi que M. le ministre des finances l'a fait connaître au Sénat, la section centrale a été saisie de propositions. Le gouvernement prépare un exposé des motifs complet qui sera soumis à la Chambre immédiatement après ses prochaines vacances du carnaval.

Quoi qu'il en soit, le projet est, en ce moment, soumis à la section centrale et celle-ci pourrait déjà, sur les explications verbales et sur les renseignements qui pourraient lui être fournis, commencer l'examen du projet.

J’ai maintenant une autre observation à faire à l'honorable M. Wasseige. Il nous a dit que la rémunération serait la compensation légitime des charges nouvelles que la loi sur la milice va imposer aux populations.

Je ne saurais admettre une telle appréciation. La loi sur la milice qui vient d’être votée n'a nullement augmenté les charges qu'elle impose aux populations ; on peut affirmer, au contraire, que les charges existantes seront diminuées, que la position des miliciens va être sensiblement améliorée.

En résumé donc, les deux projets auront l'avantage : celui de la milice de diminuer les charges que la conscription impose aux populations ; celui qui est relatif à la rémunération d'ajouter à ces améliorations ; la rémunération sera une compensation sans doute, mais non une compensation justifiée par des charges nouvelles.

M. Mullerµ. - J'ai demandé la parole quand j'ai entendu M. le ministre de l'intérieur dire que la section centrale pourrait, dès à présent, examiner le projet de rémunération.

Dans mon opinion, cela est de toute impossibilité, car le projet se compose d'articles qui doivent être expliqués, développés et appuyés d'un document qui permette d'apprécier, en connaissance de cause, la combinaison financière sur laquelle reposera la rémunération. M. le ministre des finances a annoncé, d'ailleurs, à la section centrale, l'envoi d’un mémoire ou exposé de motifs. La section centrale ne pourra donc s'occuper utilement du projet de rémunération que lorsqu’elle sera en possession de tous les renseignements indispensables qui lui ont été promis.

Je tenais à présenter cette observation pour qu'on ne mît pas la section centrale en demeure de se livrer actuellement à un travail pour lequel elle manque jusqu'ici d'éléments suffisants d'appréciation.

M. Kervyn de Lettenhove. - Je rends volontiers justice au gouvernement et je crois que, de son côté, il ne se refusera pas à user de réciprocité à l'égard des membres de la Chambre.

Je tiens à rappeler, pour ma part, que, depuis le jour où j'ai pris place dans cette enceinte, j'ai insisté sur la légitimité de la rémunération. En soutenant qu'il fallait autant que possible diminuer les charges des populations et en même temps constituer une armée solide, j'ai vu dans la rémunération un encouragement au service militaire sérieux, contracté et accompli avec le sentiment d'un devoir à remplir et en dehors de cet abus si fréquent et si regrettable du remplaçant.

J'espère que M. le ministre de l'intérieur voudra bien reconnaître que l'initiative parlementaire n'est pas étrangère au résultat que nous désirons tous atteindre.

M. Wasseige. - Je remercie l'honorable ministre de l'intérieur des assurances qu'il vient de donner à la Chambre ; j’espère que ces assurances seront bientôt suivies par les faits, c'est-à-dire que l'exposé des motifs et tous les éléments indispensables à la section centrale lui seront bientôt remis. Dans ces conditions, je n'ai pas le moindre doute qu'une section qui a la chance de posséder un rapporteur aussi capable et aussi diligent que l'honorable M. Muller, ne soit promptement à même de nous présenter son rapport.

Quant à l'effet que doit produire sur nos populations nécessiteuses la nouvelle loi de milice, c'est une question d'appréciation, et l'honorable ministre me permettra de ne pas penser comme lui, mais je lui ferai observer que j'ai surtout parlé de la loi qui augmente le contingent de deux mille hommes et il devra bien convenir, comme moi, que c'est bien là une charge nouvelle et très onéreuse.

Projet de loi portant le budget de la dette publique de l’exercice 1871

Rapport de la section centrale

M. de Macarµ dépose le rapport de la section centrale qui a examiné le budget de la dette publique pour l’exercice 1871.

- Ce rapport sera imprimé et distribué, et le projet de budget sera mis à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi révisant le code pénal militaire

Rapport de la commission

M. Guillery dépose le rapport de la commission spéciale qui a été chargée d'examiner le projet de code pénal militaire.

- Ce rapport sera imprimé et distribué.

L'assemblée décide que le projet de loi sera porté à l'ordre du jour après les vacances de carnaval.

Ordre des travaux de la chambre

M. Kervyn de Lettenhove (pour une motion d’ordre). - A la fin de la séance d'hier, M. le ministre de la justice a demandé à la Chambre de ne s'occuper du projet de loi dû à l'initiative de mon honorable ami M. Delcour que lorsque le Sénat aurait terminé l'examen d'un projet analogue dont il est actuellement saisi.

En ce moment j'ai compris, et plusieurs membres sans doute ont compris comme moi, que le Sénat devait s'occuper immédiatement du projet du gouvernement portant des modifications aux lois électorales.

Or, dans sa séance d'hier, le Sénat s'est ajourné au 14 mars, et il en résulterait que la Chambre ne s'occuperait de la proposition de l'honorable M. Delcour que dans un laps de temps assez éloigné probablement sans que, dans le cours de cette session, cette question puisse être sérieusement examinée ou tout au moins conduite à un résultat pratique.

Je tiens, messieurs, à faire remarquer qu’en ce moment notre ordre du jour est peu chargé et que la Chambre pourrait examiner sérieusement cette question si digne de sa sollicitude. Je ne crois pas d'ailleurs que la discussion qui aura lieu au Sénat le 14 mars doive le moins du monde engager la Chambre à suspendre ses délibérations.

En effet, dans la séance du février dernier, M. le ministre des finances n'a pas hésité à reconnaître, au sein du Sénat, que ces deux projets étaient indépendants l'un de l'autre et que la discussion pouvait avoir lieu soit au Sénat soit à la Chambre des représentants d’une manière complétement distincte.

J'ajouterai que, dans cette même séance, M. le baron d'Anethan exprimait le désir que la Chambre abordât le plus tôt possible cette question, et depuis hier, plusieurs sénateurs m'ont manifesté le même vœu.

(page 529) Je n'insisterai pas sur tout l’intérêt que présente la proposition de loi due à l'initialise de l’honorable député de Louvain. Il ne s'agit pas seulement de mettre un terme à une influence démoralisatrice. aux fraudes électorales qui, à l'ombre de cette influence, se sont multipliées.

Il y a une autre question qui est également digne de toute la sympathie de la Chambre. Au moment où différentes parties du pays se préoccupent de réforme électorale, il serait prudent, il serait sage d'asseoir les premières essais, les premières tentatives de ce genre dans le cercle resserré de l'élection communale qui est l'école où l'on se forme à la discussion des grands intérêts publics.

Le rapport de l'honorable M. Sabatier, si les conclusions en sont approuvées par la Chambre, introduira dans le corps communal quarante mille nouveaux électeurs. Et si l'on veut bien remarquer qu'en s'attachant même au principe du cens, ces électeurs, par les centimes additionnels qui constituent également un payement sérieux, supportent des charges assez considérables pour qu'on puisse les considérer comme de véritables censitaires, il doit être dans le vœu de tous de les faire entrer dans le corps électoral communal.

J'insiste donc pour que la Chambre veuille bien maintenir à son ordre du jour et fixer à sa rentrée, après la prochaine vacance de carnaval, la discussion de la proposition de loi de M. Delcour.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Si l'honorable membre avait calculé le temps qui nous reste, il se serait abstenu de faire sa réclamation.

Quand j'ai dit que la Chambre ne discuterait la proposition de loi de l'honorable M. Delcour qu'après le vote du Sénat, c'est que, matériellement, il était impossible qu'il en fût autrement.

Nous avons vu que le Sénat avait fixé au 14 mars la discussion du projet de loi sur la réforme électorale.

Apparemment le M. ministre des finances et M. le ministre de l'intérieur seront retenus au Sénat, pour la discussion de ce projet. Ils ne pourront donc être ici pour discuter la proposition de loi de l'honorable M. Delcour.

Eh bien, pour huit jours qui sépareront cette époque de l'époque de la rentrée de nos vacances, nous avons la loi des sociétés que nous devons évidemment revoir. Nous n'allons pas laisser des projets qui ne doivent plus subir qu'un second pour entamer une discussion sur la réforme électorale.

Il faut que nous en finissions de cette loi des sociétés.

Or, d'ici peu de jours, la commission qui l'a examinée aura fait son rapport sur les articles réservés et j’aurai présenté à la Chambre les amendements pour pouvoir arriver au second vote. Cela nous prendra nécessairement encore quelques jours.

Nous avons de plus les articles relatifs aux sociétés coopératives qui ont aussi leur importance et leur valeur, et sur lesquels la commission pourra faire son rapport.

Il faut, je le répète, que nous terminions ce projet, à peine de travailler inutilement et de ne pas aboutir.

Dès lors, je crois avoir dit la vérité en disant qu'il serait impossible la Chambre de s'occuper du projet de loi avant que le Sénat ait terminé l'examen la loi sur la réforme électorale.

M. Kervyn de Lettenhove. - Messieurs, dans la séance d’hier, l'honorable ministre de la justice faisait remarquer lui-même que le rapport, en ce qui touche le titre des sociétés, n'était pas prêt. Il est probable que pendant les quelques jours qui s'écouleront d'ici aux vacances, la section centrale ne pourra pas consacrer beaucoup de séances à l'examen de cet objet et M. le président de son côté a fait remarquer dans la séance d'hier qu'en ce moment l'ordre du jour de la Chambre était fort peu chargé. C'est en me plaçant à ce point de vue que j'insistais tout à l'heure pour que pendant les huit ou dix jours qui précéderont le 14 mars la Chambre voulût bien aborder cette question qui présente un intérêt très sérieux, puisqu'elle doit avoir pour résultat d'élargir le cadre de notre corps électoral communal.

J'ajouterais volontiers que, le Sénat aussi, il y aurait quelque chose d'important et de réellement utile à ce que la proposition de M. Delcour eût été préalablement examinée à la Chambre ; car dans ce cas il pourrait se faire que le Sénat réunît l'un et l'autre projet et produisît ainsi une œuvre législative meilleure.

M. Van Humbeeck. - Messieurs, la commission chargée d'examiner les articles du titre « des Sociétés » se réunira demain. Tous les auteurs d'amendements seront invités à assister à cette réunion. Je compte (page 529) que cette partie du travail de la commission pourra être terminée en une seule séance. On serait donc en mesure de présenter, à très bref délai, un rapport sur les articles renvoyés. Après cela, il faudra peut-être un certain temps pour préparer et présenter le rapport sur les sociétés coopératives ; mais j'ai l'espoir que, sur cette matière aussi, la commission ne tardera pas à pouvoir présenter un travail à la Chambre.

On ne doit donc pas, messieurs, s'exagérer le retard qui devra être apporté à l'adoption définitive du projet de loi dont le premier vote a eu lieu.

M. de Theuxµ. - Le projet loi sur les sociétés a subi de nombreux amendements.

Ce projet présente des questions extrêmement sérieuses et importantes, et je doute que le travail de révision pour le second vote puisse être fait pour la rentrée de la Chambre.

Cela me paraît de toute impossibilité et je crois, comme l'honorable M. Kervyn, qu'on ferait mieux d'aborder, avant ce travail, la proposition de M. Delcour, relative à la composition du cens provincial et du cens communal.

Le travail de révision sur le titre « des Sociétés » ne pourrait qu'y gagner ; on aurait le temps de réfléchir et les personnes compétentes en cette matière pourraient encore faire parvenir en temps utile des observations à la Chambre avant que nous passions au second vote.

Il est extrêmement important que la loi sur les sociétés soit la plus parfaite possible.

J'appuie donc la proposition de M. Kervyn de Lettenhove de mettre à l'ordre du jour le projet de l'honorable M. Delcour avec le rapport de l'honorable M. Sabatier.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - L'honorable M. de Theux se trompe s'il s'imagine que le travail de révision pour le second vote du titre « des Sociétés » n'a commencé qu'hier. Il a commencé dès le premier jour de la discussion.

Le département de la justice a fait tous ses efforts pour pouvoir faire les modifications aussitôt après l'adoption des amendements proposés, et j'espère soumettre d'ici à peu de temps aux délibérations de la Chambre les modifications résultant des amendements apportés.

Au surplus, en supposant que le second vote sur le titre « des Sociétés » ne puisse avoir lieu immédiatement, ce que je crois pas, rien ne nous empêche d'aborder la discussion d'un projet des plus importants qui vient d'être déposé : le projet de loi sur le code pénal militaire.

En effet, on ne contestera pas qu'il est aussi utile de faire sortir de prison quatre ou cinq cents déserteurs qui se trouvent dans nos prisons cellulaires que de discuter très longuement ka question de savoir si les cabaretiers électeurs seront remplacés par d'autres cabaretiers.

M. Kervyn de Lettenhove. - Ce n'est pas là le but de la proposition.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Soit ! Ne discutons pas ce point pour le moment.

M. Kervyn de Lettenhove. - Il y a une différence.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Il y a une différence, soit ; mais nous aurons probablement une assez longue discussion sur ce point. Or, le code pénal militaire est un projet urgent. Il s'agit de la liberté d'un grand nombre de nos concitoyens, de la suppression d'une détention que la loi ne juge plus nécessaire, que le gouvernement, par son projet de loi, déclare ne plus être utile et que la section centrale propose de faire disparaître.

Je crois que cet objet prime la discussion sur la question des cabaretiers, qui a déjà occupé énormément la Chambre.

J’ajoute qu'il est certain que ce n'est pas en quatre jours que nous nous entendrons sur la question des cabaretiers, et après ces quatre jours M. le ministre des finances et le ministre de l'intérieur devront aller au Sénat. Ce serait donc faire un travail pour le recommencer plus tard.

Je ne m'oppose pas à ce qu'on maintienne à l'ordre jour la proposition de loi de l'honorable M. Delcour. Mais je crois qu'on doit mettre en tête de l'ordre du jour, après la rentrée, le projet de loi sur lequel il vient d'être fait rapport, sauf à terminer d'abord, si c'est possible, la discussion de la loi sur les sociétés.

M. Kervyn de Lettenhove. - M. le ministre de la justice ne parle plus uniquement du projet de loi sur les sociétés. Il est un autre projet qu'il recommande à la sollicitude de la Chambre et qui, à coup sûr, en est bien digne ; celui qui tend à modifier le Code pénal militaire. Mais quelque important que soit ce projet, il me paraît que M. le ministre de la justice a qualifié d'une manière bien sévère la proposition de mon honorable ami M. Delcour et le rapport de l'honorable M. Sabatier.

(page 530) Il ne s'agit pas le moins du monde de remplacer des cabaretiers par des cabaretiers ; il s'agit de faire disparaitre des électeurs qui n'existent qu’en vertu de la démoralisation publique, pour mettre en leur lieu et place des électeurs qui y sont légitimement appelés par le cens qu’ils complètent à l’aide de centimes additionnels.

Et ce qui m'étonne, je ne puis m'empêcher de le dire, c'est que lorsqu'il s'agit de l'extension du droit électoral communal, lorsqu'il s'agit d'y faire entrer, comme l’a démontré l'honorable M. Sabatier, 37,000 nouveaux électeurs offrant des garanties sérieuses de dévouement à la chose publique, M. le ministre vienne opposer à cette réforme éminemment utile, vivement par l'opinion publique dans ce qu'elle a de plus sage. et de plus éclairé, une véritable fin de non-recevoir.

M. de Theuxµ. - Des observations de M. le ministre de la justice, je crois que nous devons conclure que la réforme présentée par l'honorable M. Delcour n'aura pas l'honneur d'être discutée dans cette session.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Messieurs, je ne comprends pas l'observation de l’honorable M. de Theux. Il semblerait que c’est nous qui craignons de discuter la proposition de l'honorable M. Delcour. En aucune manière. La Chambre sera libre de fixer son ordre du jour. Il y a des travaux qui se présentent. On demande la priorité. Vous voulez, vous, discuter un projet alors que vous savez parfaitement, parles explications que je viens de donner, que cette discussion ne peut aboutir. M. le ministre des finances et M. le ministre de l'intérieur doivent aller le 14 au Sénat. Vous le savez parfaitement.

Eh bien, nous rentrerons le 8. Nous avons des projets pressants à l'ordre du jour, et vous voulez qu'en quatre jours on termine l'examen de ce projet ? Cela est radicalement impossible.

Il ne faut pas faire croire au pays que nous voulons éviter le débat sur cette proposition.

Nous ne voulons pas l’éviter ; mais nous voulons discuter sérieusement et nous désirons que, préalablement à cette discussion, on en finisse de la loi des sociétés, on examine les articles sur les sociétés coopératives qui intéressent les ouvriers, et l'on s'occupe du code pénal militaire dont on réclame depuis longtemps la discussion. Il y a des gens en prison qui attendent le vote de cette loi. Le rapport est fait, je suis à la disposition de la Chambre, je ne dois pas êtrc au Sénat ; nous sommes certain d'aboutir, et vous ne voulez pas que nous nous occupions d'on travail qui doit avoir ce résultat ; vous préférez que nous nous occupions d'un travail que vous savez ne pouvoir aboutir de suite.

M. Kervyn de Lettenhove. - Pourra-t-on aboutir en quatre jours pour le code pénal militaire ?

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Nous ne devons pas aboutir en quatre jours pour ce projet. Je répète que je ne dois pas aller au Sénat. Nous pourrons discuter ce code ; pendant ce temps le Sénat aura examiné la loi sur la réforme électorale, et M. le ministre des finances et M. le ministre de l'intérieur pourront revenir ici. Vous pourrez alors demander utilement la discussion de la proposition de l'honorable M. Delcour. Nous ne nous y opposons pas. nous ne fuyons pas le débat, je tiens à le constater. Je ne demande qu'une chose : c'est que la Chambre adopte un ordre du jour qui facilite ses travaux et qui évite des pertes de temps.

- La proposition de M. Kervyn est mise aux voix ; elle n'est pas adoptée.

La proposition de M. le ministre de la justice est mise aux voix et adoptée.

M. Teschµ. - Je ferai aussi une motion d'ordre. Demain plusieurs commissions doivent se réunir, je demanderai que la Chambre fixe l'heure de la séance publique de demain 3 heures.

- Cette proposition est adoptée.

M. le président. - Je prierai les membres qui font partie des sections centrales et commissions de vouloir bien s'occuper, pendant les vacances, des projets de lois dont ces sections et commissions sont saisies.

La section centrale, chargée de l'examen du budget des affaires étrangères terminera son travail vendredi. Celle du budget de la guerre devait se réunir demain. Elle en est empêchée par une indisposition de son rapporteur, l'honorable M. Vleminckx.

M. Jacobsµ. - Messieurs, au commencement et à la fin de l'ordre du jour figurent deux projets de lois évidemment connexes, deux projets concernant les servitudes militaires ; ils émanent l’un du gouvernement, l'autre de l'initiative parlementaire. Le projet du gouvernement ne contient plus aucune disposition qui ne se trouvé déjà dans l'autre projet qui, lui, en comptent plusieurs autres, Les deux projets ont été présentés le même jour et les sections centrales, comprenant leur connexité, ont déposé les rapports presque en temps.

Je demande à la Chambre, pour éviter qu'il y ait deux discussions et deux lois sur les servitudes militaires, de décider que ces deux projets seront discutés simultanément.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Messieurs, je crois que cela est tout à fait impossible. L'honorable membre a déposé son rapport il y a quelques jours et c'est avant-hier seulement que le rapport a été distribué. Quant moi, il m'a été matériellement impossible même d’en prendre connaissance.

Mais, messieurs, il y aurait de grands inconvénients à adopter la marche indiquée par l'honorable membre et ne pas suivre celle que le gouvernement propose. Voici pourquoi.

Le projet de l'honorable membre contient évidemment des dispositions communes an projet du gouvernement ; eh bien, ces dispositions constituent un grand avantage pour toutes les localités qui ont des terrains grevés de servitudes militaires ; le projet de loi de l'honorable membre contient d'autres dispositions, auxquelles il n'est pas porté atteinte par le projet de loi du gouvernement.

Je crois donc que si nous voulons être utiles aux intérêts publics, nous devons voter les dispositions sur lesquelles tout le monde est d’accord. Nous aurons fait ainsi une chose immédiatement profitable et nous discuterons ultérieurement la proposition très sérieuse qu'a déposée l'honorable membre.

Ainsi, il discute le principe de l'indemnité en matière servitude militaire. Ce principe peut donner lieu à de longs débats.

Il y a dans la droite plusieurs orateurs qui se prononceront contre ce principe. Déjà ils ont manifesté leur opinion à cet égard.

Dans le projet du gouvernement, il n'y a rien de semblable. Il nous offre les moyens de décharger immédiatement certains terrains des servitudes militaires, il produira donc des effets utiles sans porter atteinte au droit d'initiative parlementaire.

M. Jacobsµ. - Messieurs, il ne faut pas qu'il soit dit qu'une fois pour toutes l'on donne le pas aux projets du gouvernement sur les projets quels qu'ils soient qui proviennent de l'initiative parlementaire.

C'est cependant dans cette voie que l'on nous engage. Il est certain qu'il est inutile d'avoir deux discussions, deux lois sur les servitudes militaires, deux lois qui seront les mêmes dans quelques-unes de leurs dispositions et qui ne différeront qu'en ce que l'une sera complète et l'autre incomplète.

Dans cette situation, les sections centrales ont compris qu'il y avait utilité réelle à discuter ces deux projets de lois en même temps. Bien leur en a pris, car c'est grâce au retard qui a été apporté au rapport sur le projet du gouvernement que celui-ci a pu y apporter des modifications qui le transforment radicalement.

Je demande donc que la Chambre décide qu'il n'y aura qu’une seule discussion sur les deux projets et qu'elle aura lieu dans la session actuelle.

Je suis prêt dès aujourd'hui à discuter ces deux projets, je comprends que le gouvernement ne le soit pas en présence d'un rapport déposé récemment, mais dès qu'il le sera, nous pourrons discuter.

En faisant droit à ma proposition, on rendra justice à tous les intéressés dans le courant de la session actuelle et l'on élaborera une bonne loi.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Le droit d'initiative parlementaire a évidemment une grande importance et jamais le gouvernement n'a entendu y porter atteinte. Mais ce droit ne doit pas avoir pour conséquence de paralyser le gouvernement et d'empêcher le vote de dispositions utiles.

La question est celle-ci :

Le projet de loi de l'honorable membre est arrivé après celui du gouvernement. La discussion ne peut en avoir lieu en ce moment. Est-ce une raison pour priver les populations du bienfait que le projet du gouvernement doit leur procurer ?

La proposition de l'honorable membre aboutit à l'impossibilité de discuter ce projet dans cette session, car, il ne faut pas se le dissimuler, nous n'avons plus devant nous que six semaines de session.

Nous n'avons pas encore voté un seul budget.

Quand nous serons rentrés des vacances que vous allez prendre, nous aurons à peine le temps de voter les budgets, le projet sur les sociétés et quelques autres projets d'importance secondaire.

L'honorable membre va donc à rencontre des intérêts qu'il veut défendre, et si les servitudes sont maintenues encore pendant une ou deux années, ce sera sa faute.

(page 531) Nous ne pouvons discuter votre projet, cela est impossible. nous n'avons pas même eu le temps de lire votre rapport. Pourquoi dès lors vouloir empêcher de discuter un projet dont l’examen est fait ? Je crois que, dans l'intérêt même des personnes que l'honorable veut servir, des Anversois, il faut discuter maintenant notre projet, sans quoi nous ne pourrions aboutir sur ce projet cette année.

M. Jacobsµ. - S'il est une objection qui m'étonne, c'est la raison que M. le ministre de la justice vient de donner pour engager la Chambre ne pas aborder la discussion du projet de loi émané des députés d'Anvers.

Le rapport arrive trop tard ! Je vais dire pourquoi il n'arrive pas plus tôt.

La section centrale, à qui l'examen en était confié, a adressé une série de questions au gouvernement au mois de mai 1865 ; c'est au mois de décembre 1869 que les réponses lui sont parvenues.

Si notre projet vient tard, c'est votre faute et vous êtes le seul qui ne puissiez pas vous prévaloir de cette tardivité.

Je désire autant que qui que ce soit que ce projet soit discuté immédiatement, au moins le plus tôt possible ; après tout, c'est un objet assez intéressant, et, pour ma part, je préférerais ne pas aller en vacances que de renoncer à le discuter dans le courant de la session. (Interruption.) Je comprends qu'on aille en vacances lorsque l'ordre du jour est au courant ; je ne comprends pas qu'on écarte un objet intéressant faute de temps pour le discuter et qu'aussitôt après on entre en vacances, Proposer une pareille fin de non-recevoir, c'est dire qu'on ne veut pas discuter.

J'insiste donc pour que la Chambre décide que les discussions des deux projets seront jointes.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - L'honorable M. Jacobs se plaint de ce que les renseignements réclamés par la section centrale ne lui ont été adressés que tardivement, mais il ne dit pas si la faute en est au gouvernement. Si l'honorable membre présente un projet dont il n'a pas les éléments et que des renseignements sont, à cause de cela, demandés au gouvernement, il faut bien laisser celui-ci le temps de les donner.

M. Jacobs vous dit : Nous pourrions arriver à voter le projet en n'allant pas en vacances. Je comprends fort bien que l'honorable membre parle ainsi, lui qui a pu ne prendre qu'une part restreinte aux discussions qui viennent d'occuper la Chambre, mais nous ne pouvons pas discuter un projet que nous n'avons pas eu le temps d'examiner.

L'honorable membre vient de présenter un rapport volumineux sur les servitudes militaires et il voudrait que le gouvernement qui vient de discuter le projet de loi sur les sociétés, sur la milice, sur le temporel des cultes, fût immédiatement prêt, hic et nunc, à discuter tous les principes contenus dans ce rapport. Je dis que cela est impossible et si l'honorable membre avait quelque bienveillance, il le reconnaîtrait, Au surplus la discussion, dans les conditions où se trouverait gouvernement, ne pourrait donner des résultats utiles ; elle manquerait de maturité et les fonctionnaires n'ayant pas le temps d'examiner les propositions, devrait arriver à improviser une solution,

Je crois donc que si l'honorable membre veut réellement servir les intérêts du pays, il doit accepter la discussion du projet déposé par le gouvernement, d'autant plus que ce projet laisse intacts les principes déposés dans le rapport ; la question de savoir si l'on doit donner des indemnités pour les servitudes militaires restera entière. (Interruption.) Je ne comprends vraiment pas que l'honorable membre s'oppose à la discussion du projet du gouvernement, puisqu'il adopte lui-même une grande partie des articles de ce projet.

Réalisons au moins les améliorations sur lesquelles sommes d'accord ; si, plus tard, vous voulez davantage, nous discuterons votre projet.

M. Jacobsµ. - Il me semble qu'il y aurait un moyen de nous entendre. Que la Chambre décide provisoirement la jonction des deux projets ; si, vers la fin de la session, il apparaît qu'il est impossible de discuter le second projet, on pourra toujours discuter d'urgence le premier.

On ne saurait être plus accommodant, et si cette proposition n'était pas acceptée, on donnerait lieu de croire qu'il y a parti pris.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je ne puis pas accepter cette proposition, qui est inspirée par un sentiment de défiance à l'égard du gouvernement. L'honorable membre semble dire que nous ne faisons ici que jouer une comédie ; que nous ne voulons pas discuter son projet. C'est une profonde erreur. J'ai démontré à l'honorable membre, et l'avenir prouvera que j’ai raison, qu'Il est matériellement impossible de discuter son projet. Et que fait l'honorable membre ? Il nous dit que si, vers la fin de la session, on reconnaît l'impossibilité de discuter les deux projets, on pourrait alors voter d'urgence le projet du gouvernement.

C'est donc qu'il le considère comme bon ; et s'il en est ainsi, pourquoi ne conclut-il à ce vote immédiatement ; pourquoi ne pas sanctionner immédiatement des dispositions qu’il approuve ?

Je le répète, messieurs, la proposition de l'honorable membre part d'un sentiment de défiance à l'égard du gouvernement, sentiment injuste, car si nous demandons la priorité pour le projet du gouvernement, pas non pas pour esquiver la discussion de l'autre projet, mais afin d'aboutir le plus tôt possible un résultat que l'honorable membre devrait désirer autant que nous.

- La proposition de M. Jacobs est mise aux voix ; elle n'est pas adoptée ; en conséquence, la décision prise hier par la Chambre est maintenue.

Proposition de loi relative au dépôt en matière de propriété littéraire

Discussion générale

M. Hymans. - Je demande à la Chambre la permission de lui présenter quelques courtes explications à l'appui d'un amendement que je désire introduire au projet, tel qu'il a été adopté par la commission.

En prenant, d'accord avec M. Thonissen, l'initiative de la proposition qui nous revient aujourd'hui avec quelques légères modifications, j'ai eu en vue un triple objet.

J'ai voulu, d'abord, réduire le chiffre du dépôt des ouvrages de littérature et d'art, prescrit par la loi pour garantir à l'auteur son droit de propriété.

En second lieu, accorder à l'auteur le droit de faire le dépôt qui, d’après la loi de 1817, appartient exclusivement à l’éditeur.

Enfin, en troisième lieu. j'ai eu en vue de prolonger le délai dans lequel, d'après la loi de 1817, le dépôt peut être fait utilement ; en d'autres termes, de retarder la date à laquelle la loi de 1817 prononce la déchéance du droit propriété d'accomplissement de la formalité du dépôt.

Il me suffira de quelques mots pour justifier cette triple proposition.

Dans l'état actuel des idées sur la propriété littéraire, le dépôt n'est qu'une simple formalité, un simple enregistrement. Il n'en était pas ainsi à l'époque où la loi de 1817 a été faite. Cette loi a été votée par les états généraux des Pays-Bas, sans discussion aucune, sans avoir même été précédée d’un exposé des motifs, sans avoir été l'objet d'un rapport sérieux au nom des sections, car le rapport consiste en quelques phrases dans lesquelles on propose l'adoption. Mais on trouve les véritables raisons qui ont dicté les dispositions assez rigoureuses de la loi de 1817 dans les termes de l'arrêté-loi de 1814.

Il résulte à l'évidence des termes de cet arrêté que les exigences de la loi en ce qui concerne le dépôt étaient principalement des mesures de police. C'étaient des mesures préventives que l'on prenait à l'égard des écrivains dans une loi dont d'autres articles exigeaient l'autorisation préalable pour la publication d'un journal ou d'une revue.

L’auteur de tout ouvrage était tenu d'en remettre trois exemplaires au ministère de l'intérieur qui avait, à cette époque, dans ses attributions, la haute police, afin qu'on pût exercer un contrôle et même en interdire, au besoin, la publication.

Voilà quelle fut la raison primitive du dépôt de trois exemplaires. La mesure a été conservée dans la loi de 1817 ; elle est encore en vigueur aujourd'hui.

La loi de 1817 est une loi excellente dans sa généralité. Je suis d'avis qu'elle accorde aux auteurs d'œuvres de littérature et d'art la plupart des garanties qu'ils peuvent désirer, et si chacun la connaissait je crois que l'on s'abstiendrait de demander des dispositions nouvelles pour garantir les droits d'auteur en Belgique.

Mais l'article 6, qui nous occupe, doit être modifié à cause du progrès des idées sur la matière, et en vue de simplifier les formalités exigées jusqu’à ce jour.

La loi de 1817 prescrit le dépôt de trois exemplaires de chaque édition d'un ouvrage de littérature ou d'art publié en Belgique.

Le gouvernement a compris lui-même que cette prescription était exagérée ; car dans un traité conclu l'année dernière avec la France, publié au Moniteur du 16 mars 1869, il a été stipulé qu'à l'avenir les auteurs français n'auraient plus à faire en Belgique le dépôt de leurs ouvrages pour y avoir le droit de propriété.

Il leur suffit de produire un certificat constatant que le dépôt a été effectué dans leur pays.

Les auteurs belges se trouvent donc, dans leur propre pays, dans une position moins favorable que les étrangers. Ils sont tenus de déposer leurs ouvrages, tandis que les étrangers sont affranchis de cette formalité.

Le dépôt est cependant utile. Je ne discute pas, la question de savoir s'il constitue la condition sine qua non du droit de propriété. Mais il est nécessaire tout au moins pour en fournir la preuve. Seulement, pour (page 532) fournir cette preuve, il suffit de faire le dépôt d’un seul exemplaire. C’est ce que je propose à la Chambre de décider.

Le second objet que j’au eu en vue a été de donner à l’auteur le droit d’accomplir le dépôt, droit qui n'est accordé, par la loi de 1817, qu'à l'éditeur seul.

Sous le régime de cette loi, l'auteur peut se trouver à la discrétion de son éditeur, et subir un grave préjudice par la faute d'un libraire qui aurait négligé d'effectuer le dépôt.

D'autre part, des arrêts de nos cours ont décidé que le dépôt fait par l'auteur dans la commune où il est domicilié n'est pas valable si l'éditeur habite une autre commune.

Des auteurs qui croyaient avoir fait un dépôt dans toutes les règles ont été privés de leurs droits.

La proposition de loi a pour but de parer à cet inconvénient ; elle permet 1'auteur de faire le dépôt que l'éditeur seul pouvait faire jusqu'à ce jour, ce qui prive pas l'éditeur du droit de le faire de son côté, s'il le juge convenable.

Un troisième point, c'est la nécessité de prolonger le délai dans lequel le dépôt peut être utilement fait.

Aux termes de la loi de 1817, le dépôt doit être fait à l'époque même de la publication, époque assez difficile à déterminer, et l'auteur se trouve déchu de tous droits si le dépôt n'a pas été fait au moment même de la publication.

Dans ma proposition primitive, j’avais demandé que le dépôt pût être fait dans le délai de quinze jours à partir de la publication. La commission, en s'occupant d'une façon très bienveillante de la proposition que nous avons eu l’honneur de soumettre à la Chambre, est allée beaucoup plus loin et, je dois dire, d'accord avec les auteurs du projet, elle a été d'avis qu'il y avait lieu de permettre le dépôt en tout temps et c'est dans ces termes que la proposition est soumise à la Chambre.

Cependant après avoir réfléchi, après avoir pesé des observations qui m'ont été faites. je crois qu'en exagérant ainsi le droit de l'auteur. on exagère d'autre part le préjudice qu’on peut causer aux tiers. Ainsi, d'après la proposition formulée dans le rapport de l'honorable M. Kervyn, l'auteur peut à toute époque faire le dépôt.

Il sera resté dix années sans le faire et au bout de ce terme un imprimeur bonne foi qui aura cru pouvoir mettre à profit l'inaction de l'auteur sera privé du bénéfice de son travail. Je crois qu'il y a là une injustice évidente.

Je proposerai donc un moyen terme entre ma proposition primitive et l'amendement de la commission auquel je m'étais rallié d'abord et je demanderai à la Chambre de décider que le dépôt devra être effectué dans l’année de la publication.

Je crois que, de cette façon, les intérêts de tous seront sauvegardés. On aura obtenu un peu plus que n'accordait ma proposition primitive, un peu moins il est vrai que ne le propose la commission ; mais, messieurs, la commission, en proposant de permettre l'accomplissement du dépôt en tout temps, tranche d'une façon sommaire une question extrêmement grave, qui n'a pas été examinée à fond et qui exigerait un laborieux examen.

Il me reste, messieurs, deux mots à ajouter : j'avais rédigé ma proposition de loi de manière à résumer les dispositions de l'article 6, sans renouveler d'une manière expresse toutes les dispositions réglementaires contenues dans la loi de 1817.

Celle-ci exige que l'éditeur qui fait le dépôt soit domicilié en Belgique ; elle exige que la date de la publication soit inscrite par l'auteur, l'éditeur ou l'imprimeur sur le titre de l'ouvrage.

Je n'avais pas reproduit ces détails, croyant que ces mesures réglementaires ne devaient pas être inscrites dans une loi et pouvaient être prises par disposition ministérielle ou par arrêté royal.

Mais toutes ces dispositions se trouvant dans la loi actuelle, on peut aussi prétendre qu'on doit les y laisser, et pour écarter toute objection, j'aime autant les y maintenir.

En d'autres termes, il s'agit de ne modifier, dans l'article 6 de la loi de 1817 sur lequel porte ma proposition, que ce qui doit être essentiellement modifié pour faire droit à la série d'observations que je vous ai présentées et qui portent sur trois points distincts et parfaitement saisissables.

Je proposerai donc à la Chambre une rédaction nouvelle ainsi conçue et qui, je crois, pourra être admise sans difficulté :

Les litteras. b et c de l'article 6 de la loi du 25 janvier 1817 sont remplacés par la disposition suivante :

« b. Que l’auteur ou l'éditeur soit domicilié en Belgique et que son nom soit imprimé sur la page du titre ou, à défait de titre, à l’endroit de l’ouvrage le plus convenable, avec indication du lieu de son domicile, ainsi que de l’époque de la publication de l’ouvrage.

« c. A chaque édition qui sera faite d'un ouvrage, l’auteur ou l'éditeur remettra au bureau à désigner par le ministre de l’intérieur, au plus tard dans l'année où se fera la publication, un exemplaire portant sur le titre, et, à défaut de titre, à la première page, la signature de l'auteur ou de l'éditeur, la date de la remise et une déclaration écrite, datée et signée par un imprimeur domicilié en Belgique, certifiant, avec désignation du lieu, que l'ouvrage est sorti de ses presses ; Il en sera donné récépissé.

M. le président. - La proposition de M. Hymans étant appuyée fait partie de la discussion.

Quelqu’un demande-t-il la parole

M. Kervyn de Lettenhove. - Messieurs, l'honorable Hymans a rendu justice à la loi du 25 janvier 1817. A cette époque, le législateur était préoccupé du devoir d'assurer les droits de l’intelligence humaine dans ses diverses créations et, le 25 janvier 1817, les états généraux votèrent également une loi assurant la protection de la propriété littéraire et une antre loi organisant la protection de la propriété industrielle représentée par les brevets d'invention.

Que depuis 1817 jusqu'à ce moment on ait reconnu la nécessité d'apporter à ces lois certaines modifications, cela n'est pas contestable et si proposition de nos honorables collègues MM. Hymans et Thonissen se bornait à ces deux modifications indiquées tout l’heure de réduire le nombre d'exemplaires à déposer et de permettre à l'auteur aussi bien qu'à l'éditeur de faire ce dépôt, certes, messieurs, il n'y aurait aucune difficulté et je me serais dispensé de prendre la parole.

Mais, à côté de ces deux questions si simples, il en est une autre plus difficile et plus grave sur laquelle je me crois tenu d'insister. L'honorable M. Hymans a rappelé que, dans la commission dont j'ai l'honneur d'être rapporteur, tout le monde fut d'accord, et les honorables auteurs des propositions eux-mêmes, pour reconnaître pour que la revendication des droits de la propriété littéraire ne pouvait s'exercer qu'à la suite du dépôt, mais qu'il fallait laisser à l'auteur toute latitude pour choisir le moment où il lui convient de faire le dépôt. C'est sur cette disposition que l'honorable M. Hymans revient aujourd'hui en proposant de limiter à une année le temps pendant lequel le dépôt peut être utilement fait.

Je crois, messieurs, que cette proposition contient des inconvénients sérieux.

L'honorable M. Hymans a reconnu tout à l’heure lui-même que la date la publication est souvent incertaine et il est dès lors impossible de déterminer, d'une manière exacte, l'époque où commence le délai dans lequel le dépôt doit être fait. Mais je tiens à faire remarquer que cette disposition nouvelle serait, en quelque sorte, aussi nuisible aux intérêts de l'auteur qu'à ceux du public.

Ainsi je suppose que l'auteur, au moment de la publication, se trouve dans une position de fortune très favorable et qu'il abandonne son œuvre au domaine public ; je suppose qu'ensuite au bout d'une année, des circonstances tout à fait exceptionnelles lui fassent reconnaître la nécessité de recueillir les fruits légitimes de son travail.

Cela ne sera plus possible. il se peut aussi qu'au moment où le travail se produit, l'auteur n'en apprécie pas le mérite et que plus tard, voyant son livre obtenir un légitime succès, il désire s'en assurer la propriété. Il sera trop tard.

Messieurs, je rappelais tout à l'heure qu'en 1817 le législateur avait consacré le même jour les droits de la propriété littéraire et les droits de la propriété industrielle. N'y a-t-il pas entre ces deux propriétés quelques rapports ? Je ne chercherai pas définir la propriété littéraire, mais, cependant, il importe de faire remarquer que c'est une propriété d'un genre tout spécial.

Elle n’existe pas de plein droit ; elle ne commence que lorsque l'intéressé vient placer son œuvre sous la protection de la loi dans les conditions et dans les limites qu'elle détermine.

Eh bien, messieurs, en matière industrielle, en matière de brevets d'invention. quand commence la propriété de celui qui a apporté au domaine industriel une conquête nouvelle ? La loi de 1854 porte expressément que c'est partir du jour où un procès-verbal constate la demande du brevet d'invention. Dans le domaine de la propriété littéraire, il me semble aussi que la propriété ne peut commencer que du jour où l'auteur place son livre sous la protection de la loi.

Deux systèmes différents sont en présence.

Sous la législation des Pays-Bas, il fallait que le dépôt légal eût lieu le jour même de la publication. En France, au contraire, alors même que le dépôt n'avait pas eu lieu à l'époque de la publication et qu’il n’était (page 533) effectué que quinze ou vingt ans après, il suffisait qu'il eût eu lieu pour que l'auteur pût réclamer des dommages-intérêts, même pour les contrefaçons antérieures au dépôt. Ce principe se trouve énoncé par M. Dalloz qui cite plusieurs arrêts rendus dans ce sens, et basés sur ce principe que la propriété littéraire existe même en dehors du dépôt.

Messieurs, entre ces deux systèmes extrêmes tous les deux, l’un nuisible à l'auteur parce qu'il ne lui permet plus, après un certain laps de temps, de réclamer la garantie de sa propriété, l’autre, non moins injustifiable parce qu'il fait poser sur le contrefacteur de bonne foi une charge accablante, entre ces deux systèmes, la commission a pris un terme moyen, c'est que quand l'auteur ne fait pas le dépôt, il est présumé abandonner son livre au domaine public, mais que du jour où il a fait le dépôt, la propriété se trouve placée sous l'égide de la loi. C'est à partir de ce moment que commence le laps de temps étendu par la loi aux années qui suivent le décès de l'auteur, pendant lequel la propriété est garantie.

Dans ma pensée, les contrefaçons antérieures ne peuvent être atteintes par une disposition sans rétroactivité. Il suffira de prouver que l'ouvrage a été contrefait, alors que le dépôt n'avait pas eu lieu, et les volumes imprimés avant ce moment pourraient se vendre même après le dépôt légal. C'est l'époque de l'impression et non pas celle de la mise en vente qui doit, ce me semble, être considérée par les tribunaux.

Je ne puis donc, messieurs, me rallier à la proposition de l'honorable M. Hymans.

Cette proposition présenterait une foule d'inconvénients, car, non seulement, comme je l'ai dit, il peut y avoir incertitude sur l'appréciation de ce délai légal réduit à une année, mais il suffirait, dans beaucoup de cas, que l'auteur absent s'en rapporté à son éditeur pour que, ce laps d'une année étant passé, il fût perpétuellement déchu de son droit.

C'est là une conséquence extrême que la Chambre sans doute ne voudra pas admettre. Quant aux dispositions que l'honorable membre a ajoutées à la rédaction de son projet, je ne puis, à une audition rapide, me rendre suffisamment compte de leur portée.

Je tiens seulement à faire remarquer que la condition que le nom de l'auteur doit être inscrit dans la partie la plus convenable du titre me semble trop restrictive. Il suffit, selon moi, que le nom soit inscrit sur le titre, n'importe où, pour qu'il soit incontestable que ce livre est son œuvre.

M. Hymans. - Un mot de réponse à l'honorable M. Keryyn à propos de la dernière observation qu'il vient de présenter.

Les termes : « à l'endroit le plus convenable du titre » sont empruntés la loi de 1817, et j'ai déclaré que je voulais en modifier le texte aussi peu que possible.

Quant au système de la commission, l’honorable membre vient d'en démontrer lui-même les inconvénients.

L'honorable membre demande que l'auteur pourra en tout temps faire le dépôt de son ouvrage que par conséquent il puisse rétroactivement diriger des poursuites contre des contrefacteurs.

M. Kervyn de Lettenhove. - J'ai dit le contraire.

M. Hymans. - Si telle n'est pas l'opinion personnelle de l'honorable rapporteur, telle est assurément la conséquence de son système. Conséquence fâcheuse que j'ai reconnue et que l'honorable membre ne reconnaît pas.

Je vais démontrer par un exemple les dangers du système que présente l’honorable membre.

Je suppose qu'un auteur se trouvant dans une position de fortune aisée, comme on l'a dit, ne juge pas nécessaire d'effectuer le dépôt de son œuvre et l'abandonne au domaine public.

L'auteur meurt et ses enfants, guidés par des motifs que je n'ai point à apprécier, effectuent le dépôt afin jouir du revenu du travail de leur père. Tout ce que les éditeurs auront publié de bonne foi d’un livre qui aura été formellement et expressément abandonné au domaine public, sera considéré comme contrefaçon. .

M. Kervyn de Lettenhove. - J’ai dit le contraire.

M. Hymans. - Soit, mais vous ne sauriez échapper aux conséquences de votre principe.

MiPµ. - Messieurs, le projet de loi qui est actuellement soumis la Chambre a eu des commencements extrêmement modestes. Il ne s’agissait que de dispenser les auteurs de déposer deux ou trois exemplaires dont le dépôt est exigé d’eux aujourd’hui.

Mais la section centrale a été beaucoup plus loin. Elle a fait à la disposition primitive des changements volontaires, elle y a fait aussi des changements involontaires.

Parmi les premiers, il en est un fort important, c’est celui qui consiste à permettre le dépôt à une époque postérieure, et même de beaucoup postérieure à la publication.

En qui les changements involontaires, je ferai observer que le texte du projet de la section centrale, modifiant en cela la loi actuelle, permet le dépôt d'ouvrages imprimés à l'étranger même par un étranger, et n'exige plus, sur l'exemplaire déposé, la signature de l'auteur ni la date de la remise.

Ces modifications peuvent avoir des conséquences assez importantes.

L'amendement de l'honorable M. Hymans n'a pas ces inconvénients ; il maintient le texte actuel, excepté sur trois points principaux où il veut opérer un changement.

Voici en quoi consistent les modifications qu'apporte à la législation aujourd'hui en vigueur l'amendement de M. Hymans : d'abord, comme je l'ai dit déjà, il dispense du dépôt deux des trois exemplaires exigés par la loi de 1817 ; en second lieu, il permet à l'autour de faire le dépôt au lien de l'éditeur, ce qui ne peut occasionner aucune espèce de difficulté ; enfin, il autorise le dépôt non seulement au moment de la publication de l'ouvrage, mais pendant tout le cours de l'année suivante.

Cette dernière disposition est la plus importante.

Voici quelle est la situation. D'après la loi actuelle, si le dépôt n'est pas fait au moment même de la publication, il y a déchéance.

Je reconnais que ce système est extrêmement rigoureux.

Pour y parer, l'honorable M. Kervyn et la section centrale proposent d'autoriser le dépôt même plusieurs années après la publication. Seulement, ils ne donnent pas aux dépôts les effets que certaine jurisprudence lui attribue dans certains cas ; ils n'admettent point d'effet rétroactif.

Je crois que la proposition de la section centrale, même restreinte dans ces limites, n'est pas admissible. D'abord, je dois signaler l'erreur dans laquelle est tombé M. Kervyn, lorsqu'il vous a dit qu'il appliquait ici le système de la propriété industrielle, des brevets d'invention. L'honorable membre qui est littérateur. n'a probablement pas eu occasion d'examiner la loi des brevets d'invention, car en la lisant il aurait vu que cette loi consacre des principes tout à fait différents.

Le brevet d'invention a une durée fixe qui est de vingt ans à partir du dépôt ; mais il n'en est pas de même en matière de propriété intellectuelle ; cette propriété dure pendant toute la vie de l'auteur et pendant vingt ans après sa mort, de manière que la date du dépôt n'a pas d'importance ; première différence.

Seconde différence : En matière de brevet d'invention si, avant le dépôt du brevet, un tiers a employé l'invention il y a déchéance complète pour l'inventeur lequel ne peut plus, par la demande de brevet, recouvrer la propriété qu'il a perdue. Or, vous voulez appliquer un principe contraire. Vous voulez que, malgré une publication antérieure, l’auteur puisse encore reprendre la propriété intellectuelle qu'il a abandonnée au domaine public. Eh bien, je ne puis admettre qu'un auteur après avoir abandonné son œuvre puisse la reprendre bien des années après. Cela n'est pas admissible et j'ajouterai que cela n'aurait pas de raison d’être et qu'une disposition à cet égard n'est pas utile. L'honorable M. Kervyn est encore d'un avis contraire, et pour démontrer l'utilité de la disposition, il est obligé de supposer un auteur idéal, c'est-à-dire un auteur qui croit avoir fait une œuvre médiocre et qui apprend plus tard, par des tiers, qu'il a fait une œuvre de mérite. Jamais, l'honorable membre ne rencontrera cet auteur, tandis qu'il en rencontrera beaucoup qui croient avoir fait un chef-d'œuvre et qui apprennent par des tiers qu'ils n'ont fait qu'une œuvre misérable.

Nous ne devons pas faire une loi pour une hypothèse aussi contraire à la nature des auteurs.

Je ne puis donc admettre le système de M. Kervyn. Mais, comme je reconnais qu'il y certaines rigueurs dans la loi actuelle, je crois que l'amendement de M. Hymans peut être adopté.

Cet amendement est un tempérament acceptable.

M. Hymans permet de donner un délai à l'auteur pour opérer le dépôt ; il dit : L'auteur pourra déposer pendant toute l'année qui suivra la publication ; si l'on trouve que le délai est un peu long, on pourra le raccourcir ; mais on accordera au moins l'auteur un autre délai pour faire le dépôt.

Quelle sera la conséquence de système ? C'est que pendant le délai accordé, personne ne pourra contrefaire.

L'auteur aura donc un délai pour se mettre en règle et après ce délai la production tombera dans le domaine public si les formalités prescrites n'ont pas été remplies.

(page 534) Je ne vois à ce système aucun inconvénient ; je ne vois pas d'inconvénient à ce que tout le monde soit prévenu que, pendant un temps, on ne puisse pas contrefaire les œuvres d'autrui, même en l'absence de dépôt.

M. Mullerµ. - Comment saura-t-on la date de la publication ?

M. Rogierµ. - Où doit se faire le dépôt ?

MiPµ. - D’après la législation actuelle, souvent. le dépôt doit se faire à l'administration communale, laquelle transmet l'ouvrage au déportement de l'intérieur et celui-ci la bibliothèque royale.

Tout cela est inutile et l'amendement de l'honorable M. Hymans simplifie ces formalités: l’envoi se ferait directement bureau désigné par le ministère de l'intérieur. Avec les facilités actuelles des communications, il est tout à fait inutile de faire déposer les ouvrages aux administrations communales ; on peut parfaitement les transmettre directement à l'administration centrale ; on parera ainsi à la difficulté sur laquelle l'honorable M. Rogier a demandé une explication.

L'honorable M. Muller demande maintenant comment on saura la date de la publication. Je pense qu'il doit être interdit de contrefaire un ouvrage que l'on saura n'avoir pas au moins une année de date ; or, l'ouvrage lui-même indique l'année de sa publication et, d'après l'amendement de l'honorable M. Hymans, l'interdiction de la contrefaçon aurait une durée d'une année au moins. Ainsi, un ouvrage publié le 1er décembre 1869 ne pourrait être contrefait pendant toute l'année 1870. Si l'on trouve ce délai trop long, on peut le réduire à l'année même de la publication ; je constate que, dans ce système, on aura par l'ouvrage même une preuve suffisante de la date de sa publication.

Dans tous les cas, à défaut de cette preuve, l'auteur aurait toujours la ressource de la preuve testimoniale pour établir la date de la publication de son œuvre.

Voilà, messieurs, les motifs pour lesquels je ne crois pas pouvoir me rallier à la proposition de la section centrale et pour lesquels, au contraire, je me rallie à celle de l'honorable M. Hymans, qui me paraît parfaitement justifiée.

M. Kervyn de Lettenhove. - Je dois d'abord un mot de réponse à l’honorable M. Hymans, qui m'attribue la pensée d'étendre aux fils et petits-fils de l'auteur, pendant je ne sais combien de générations, la faculté de faire le dépôt et d'empêcher ainsi, pendant un nombre infini d'années, la libre concurrence de s'empare d'un livre et de le répandre à son gré.

M. Hymans. - Mais c'est dans la loi.

M. Kervyn de Lettenhove. - Pas le moins du monde. Il est dit dans la proposition de l'honorable M. Hymans que le dépôt doit être fait par l'auteur ou par l'éditeur et non par les fils ou les petits-fils de l'auteur ; il est donc bien évident...

M. Hymans. - Et s'il s'agit d'un ouvrage posthume, quel en sera l'auteur dans votre système ?

M. Kervyn de Lettenhove. - Je n'ai jamais vu de ces œuvres-là.

M. Hymans. - Comment ! on n'a jamais publié d'ouvrages après la mort de leurs auteurs ?

M. Kervyn de Lettenhove. - Dans ce cas-là, ce n’est pas l'auteur qui publie, mais il y a un éditeur.

M. Hymans. - Mais si les enfants se font eux-mêmes, personne ne pourra donc plus déposer ?

M. Kervyn de Lettenhove. - Il faudrait l’auteur ou l’éditeur primitif.

M. Hymans. - Mais s'ils sont morts ?

M. Jacobsµ. - Ce seront leurs héritiers qui agiront pour eux.

M. Hymans. - Evidemment, mais M. Kervyn conteste cela.

M. Kervyn de Lettenhove. - A défaut de l'auteur, il faut toujours supposer un éditeur, et ce ne sera que pendant la vie de l'auteur ou de l'éditeur que ce dépôt pourra être fait.

Quant à l'objection que M. le ministre de l'intérieur m'opposait tout à l'heure en disant que j'avais mal compris la loi sur les brevets d'invention, je répondrai que je n'ai pas voulu établir une similitude complète. Je me suis borné à faire remarquer que d'après la loi du 18 mai 1834, la propriété industrielle ne prend cours que du jour où un procès-verbal constate la demande du brevet d'invention. Il en est de même pour la propriété littéraire qui doit être considérée comme ne prenant cours qu'à partir du moment où l'auteur vient réclamer la protection de la loi en se conformant aux prescriptions qu'elle impose.

Limiter le temps de ce dépôt soit à un an, soit deux ans, cela me paraît quelque chose d'excessivement grave. Vous prononcez la déchéance à un certain jour, alors que ce sera peut-être par la faute de l'éditeur alors que ce sera par suite de je ne sais quelles circonstances que les formalités n’auront pas été remplies. La déchéance perpétuelle, dans ce cas, me paraît une chose excessive que je ne puis admettre.

Tout à l'heure M. le ministre de l'intérieur disait que je créais un auteur idéal, que le plus souvent il arrive qu'un se méprend sur la valeur de son œuvre, non point par modestie. mais, au contraire, en lui attribuant une valeur qu'elle n'a pas réellement. Je sais que c’est ce qui arrive le plus souvent. Mais. à côté de cela, il y a des exceptions, et ce sont surtout ces exceptions qui me paraissent mériter nos sympathies. Cet être idéal, je le rencontre à chaque pas dans l'histoire des lettres. Il y eut un jour un homme malheureux, privé de la vue, qui avait consacré ses veilles à dicter une œuvre immortelle. une des plus belles créations de l'esprit humain, le ministère de l'intérieur. Il se présenta chez un libraire ; il lui demanda 20 ou 25 livres sterling ; il ne les obtint pas. Au bout de quelques années, alors que cet homme isolé et méconnu languissait dans la misère, les libraires s'enrichissaient à Londres par les éditions multipliées de. ses vers.

Je veux parler de Milton et du Paradis perdu.

Eh bien, si un auteur, ayant produit une grande œuvre, s'abandonne dans de semblables circonstances à un sentiment de découragement. parce qu'il voit que personne ne l'accueille et ne veut le comprendre ; s'il renonce à effectuer le dépôt légal ; si ensuite, au bout de quelques années son œuvre grandit et est saluée par la faveur. par l'admiration du public, je ne sais véritablement, messieurs, à quel titre vous le repousserez, lorsqu’il viendra, en déposant son livre, réclamer moins de la reconnaissance que de la justice de son siècle la légitime récompense de son génie ou de ses labeurs.

M. Hymans. - Je ne comprends réellement pas l'indignation de l'honorable M. Kervyn. Comment ! s'écrie-t-il, celui qui, dans le délai fatal d'un an au de deux ans, n'aura pas accompli le dépôt, sera déchu à tout jamais de son droit de propriété ! Et l'honorable membre cite, a propos de cela, l'exemple de Milton qui n'a absolument rien de commun avec l'objet que nous discutons, qui peut avoir une certaine importance dans la question de la perpétuité de la propriété littéraire ; mais il n'a aucun rapport avec la question de dépôt.

Mais, comment se fait-il que l'honorable M. Kervyn, si indigné à l'idée de cette déchéance qui scea prononcée après deux ans ou après un an, ne se soit jamais indigné propos de l'article de la loi de 1817 que je propose de modifier et qui prononce la déchéance si le dépôt n'est pas fait le jour même de la publication ? C'est là une contradiction tout à fait inexplicable.

Non moins inexplicable est l'objection que l’honorable membre formulait tout à l'heure en disant que j'inventais des générations de petits-fils et d’arrière-petits-fils de fantaisie venant revendiquer les droits de leur père, alors précisément que l'honorable membre vient d'invoquer un instant auparavant l'exemple de la petite-fille de Milton, gisant sur la paille, alors que les héritiers de l'éditeur vivent dans l'opulence.

Mais je ne m'arrête pas à cette contradiction. Je me borne à faire observer que l'argument relatif au droit des héritiers est puisé dans le texte même de la loi de 1817. M. Kervyn dit qu'il n'est pas question des héritiers dans ma proposition ; mais celle-ci ne modifie point l'ensemble de la loi de 1817. Elle n'introduit d'amendement que dans deux paragraphes de l'article 6 et toutes les autres dispositions de la loi restent intactes.

Or, aux termes de l'article 3 de cette loi, le droit de propriété dure vingt ans après le décès de l'auteur dans la personne de ses héritiers. Il est donc évident que ces héritiers peuvent venir, avant l'expiration de ce terme de ce terme de vingt ans, effectuer le dépôt que leur auteur a jugé inutile, et causer un sérieux préjudice aux réimprimeurs de bonne foi.

L'intervention des héritiers peut se produire dans une foule de circonstances.

En voici une :

L'auteur d'un livre meurt le lendemain du jour où son ouvrage est publié, sans avoir eu le temps d'en faire le dépôt.

Qui fera le dépôt ? L'éditeur, dit M. Kervyn.

Mais je suppose que l'auteur se soit fait son propre éditeur, ce qui n'est suis pas interdit par la loi.

Personne ne pourra donc plus faire le dépôt que les héritiers.

Or, leur laisser le droit pendant tout le temps que dure leur propriété, c'est exorbitant, et l'on expose ainsi les tiers à des inconvénients bien plus sérieux que ceux qui, d'après l'honorable Kervyn, résultent de ma proposition.

M. Mullerµ. Je demande si, dans l'opinion de M. Hymans, la faculté de faire le dépôt peut s'étendre pendant deux ans.

M. Hymans. - Je propose de dire dans l'année de la publication.

(page 535) M. Mullerµ. - Si c'est dans l'année qui suit la publication. je proposerai par amendement de supprimer les mots : « dans l'année qui suit » et de dire : « dans l’année de la publication. »

M. Hymans. - Dans ma pensée, l'année doit se composer de douze mois.

MiPµ. - Je crois, messieurs, qu'il importe de bien s'entendre et qu'il ne faut pas, en parlant de l'année, la considérer comme prenant son cours de 12 mois à dater de la publication. L'année ne commence pas à courir au moment de la publication pour se terminer 12 mois après. Le dépôt doit se faire dans le cours de la même année que la publication, avant le 31 décembre qui la suit. Je crois que c'est très important. Lz livre ne porte pas de date ; il ne porte que le millésime.

On peut parfaitement se borner à dire que l'ouvrage doit être déposé dans l'année de la publication, Si elle se fait au 1er janvier, on aura toute l'année ; si elle se fait à la fin du mois de décembre, l'éditeur, s'il ne veut faire comme aujourd’hui le dépôt de suite, peut parfaitement attendre, pour déposer l'ouvrage, qu'une nouvelle année soit commencée et y mettre le millésime de cette année. De cette façon, il aura encore le temps de raire le dépôt. Je crois que de cette manière on atteindra le but qu'on se propose.

- La discussion est close.

M. le président donne Iule nouvelle lecture de l'amendement de M. Hymans.

M. Dumortier. - Je demande à faire une seule observation.

M. le président. - La discussion a été close. Si cependant la Chambre ne s’y oppose pas, vous avez. la parole.

M. Dumortier. - Il ne me paraît pas possible que le dépôt doive être fait obligatoirement dans l'année de la publication.

Qu'est-ce qui constate l'époque de la publication ? Il y a, dit-on, sur le titre de l'ouvrage, une date et c'est cette date qu'il faut s'en rapporter. A merveille. Mais combien y a-t-il d'ouvrages qui se publient à la fin de l'année ? La question de. la date sur le titre de l'ouvrage est bien peu de chose à côté de l'immense inconvénient que vous allez créer.

En matière de publications littéraires, il faut tenir grand compte des droits des auteurs.

M. Hymans. - On met sur le titre le millésime de l'année suivante.

M. Dumortier. - Cela se fait quand la publication a lieu dans les derniers jours de l'année, mais non quand elle se fait dans les derniers mois de l'année. Toutes les publications qui se font en novembre et même au commencement de décembre portent la date de l'année dans laquelle elles ont paru. J'ai acheté et j'ai lu assez de volumes pour vous le garantir.

L'intention de M. le ministre est excellente ; mais je ne vois pas pourquoi on userait d'une sévérité pareille envers les auteurs. Je crois qu'il faut leur laisser un peu plus de latitude, et qu'on leur accordant les douze mois pour faire le dépôt on se montrera encore très peu généreux.

Je voudrais qu'on fût très généreux envers les auteurs. Dans notre pays, les personnes qui s'adonnent à la littérature sont très peu nombreuses. Les publications sont, malheureusement, en très petit nombre dans notre pays. Il s’y publie beaucoup de journaux, mais peu d'ouvrages.

Les auteurs sont dans des conditions très pénibles pour la publication de leurs œuvres ; quiconque a eu occasion de publier le sait. Sans l'intervention des académies qui publient beaucoup de travaux. et d'autres sociétés qui en publient aussi, principalement en matière historique, nous n'aurions presque plus de publications. Il faut donc encourager celles-ci.

Nous avons en Belgique une gloire artistique très grande, mais nous sommes très en arrière au point de vue littéraire, et ce n’est pas en vinculant, en entravant les auteurs que nous parviendrons à donner à la Belgique. la gloire littéraire dont elle a besoin.

MiPµ. - Je ne comprends pas les terreurs de l'honorable M. Dumortier.

M. Dumortier. - Je n'ai pas de terreurs.

MiPµ. - Vos craintes...

M. Dumortier. - Du tout.

MiPµ. - Alors, je ne sais pourquoi l'honorable M. Dumortier a parlé. S'il craint rien de la proposition, il peut la voter.

Mais je ne comprends pas, je ne sais plus de quel mot me servir, les appréhensions, si l'on veut, de l'honorable M. Dumortier.

On croirait que nous faisons une loi pour restreindre la faculté du dépôt, que ce sont de nouvelles exigences que nous introduisons dans la loi, et que ces exigences auront pour résultat de détruire la propriété littéraire en Belgique.

Or, l’honorable M. Dumortier doit se rappeler que la loi de 1817 veut que le dépôt se fasse non seulement dans l'année, mais le jour même de publication, et que nous vivons depuis cinquante ans sous ce régime, sans que la propriété littéraire ait été détruite, sans que l'on ait même signalé de graves inconvénients résultant de ce qui existe aujourd'hui, en sorte que le législateur ne serait pas même saisi d'une proposition à cet égard si l’honorable M. Hymans n'avait fait une proposition sur le nombre d'exemplaires à déposer.

Je constate donc, messieurs, que la proposition que je fais change complètement, à l'avantage des auteurs, le système de là législation actuelle.

M. Dumortier. - Je n'éprouve pas du tout la terreur que m'attribue l'honorable M. Pirmez, mais je tiens à faire remarquer qu'il semble retirer d'une main ce qu'il donne de l'autre.

Nous savons parfaitement que la législation actuelle est très mauvaise, et je sais gré à l'honorable M. Hymans et à l'honorable M. Thonissen d'avoir proposé d'améliorer cette législation. Mais veuillez remarquer, messieurs, que le dépôt n'a rien de commun avec la date qui est imprimée sur le livre et il est bien certain que beaucoup d'ouvrages ne sont déposés que longtemps après l'impression.

Eh bien ce que nous faisons par la proposition de M. Pirmez, c'est à peu près maintenir ce qui existe ; si un ouvrage se public le 15 décembre. vous donnez à l'auteur quinze jours pour faire le dépôt.

MiPµ. - Il a 24 heures aujourd’hui.

M. Dumortier. - Si vous voulez travailler en faveur de la propriété littéraire, soyez plus large ; M. Pirmez a trop de mérite pour soutenir des mesures si étroites.

M. Hymans. - Je suis vraiment très surpris de ce qui se passe. L'honorable M. Dumortier, qui s’intéresse tant aux lettres, connaît la loi de 1817 depuis longtemps ; il la trouve détestable, mais il n'a jamais proposé de la modifier. Il entre dans cette Chambre au moment où la discussion vient d'être close et il nous traite comme des Vandales.

M. Dumortier. - Je soutiens la proposition.

M. Hymans. - Un peu comme la corde soutient le pendu. Peut-être sans avoir lu la proposition, à coup sûr sans l'avoir sous les yeux, vous dites que nous sommes en train de restreindre les droits de la propriété littéraire, alors précisément que nous étendons ces droits. Vous trouvez insuffisant le délai proposé par M. le ministre de l'intérieur, et vous trouviez très suffisant le délai prescrit par la loi de 1817, qui exige que le dépôt soit fait au moment même de ta publication, sous peine de déchéance. Il est injuste de nous accuser de vouloir restreindre les droits des auteurs lorsque nous travaillons, au contraire, à les étendre.

M. Dumortier. - Messieurs, il faut que l'honorable membre ait eu véritablement une démangeaison très grande de me mettre en cause, je soutiens son amendement et il m'attaque. Cc peu de mots suffiront, je pense, messieurs, pour réduire à leur juste valeur les critiques que vient de me lancer l'honorable membre.

M. Kervyn de Lettenhove. - Je tiens seulement à faire remarquer à M. le ministre de l'intérieur et à la Chambre qu'il sera toujours très difficile de déterminer à partir de quel jour courra ce délai d'une année. Rien ne constate la date exacte de la publication.

Il y a une date qui constate le dépôt. mais il n'y en a pas pour la publication.

Pour un volume publié en 1869, on ne sait s'il appartient au mois de janvier ou au mois de décembre. Mais il y a plus. Il y a un grand nombre de petits ouvrages, de brochures, qui ne portent pas de date. Or, pour ceux-là, il est évidemment impossible de fixer l'époque de la publication, et vous vous trouverez devant des difficultés soutient inextricables.

Je prie la Chambre de considérer combien il est regrettable, alors qu'elle apprécie l’insuffisance et la rigueur de la loi de 1817, de ne pas introduire sans hésitation dans notre législation une disposition véritablement large. une disposition qui admette l'auteur à revendiquer dans toutes les circonstances son droit à la propriété intellectuelle, qui est la plus sacrée et souvent la plus intéressante de toutes.

Vote des articles

M. le président. - M. Hymans accepte-t-il le sous-amendement de M. le ministre e l'intérieur ?

M. Hymans. - Oui, M. le président.

M. le président. - Il va donc être procédé au vote par appel nominal.

- Une voix. - Pourquoi l'appel nominal ?

M. le président. - Il y a deux projets de loi en présence : le projet de la commission et celui qui forme amendement.

Ce n'est que par appel nominal que Je puis mettre aux voix un (page 536) amendement qui a pour objet le rejet de tout un projet de loi et l’adoption d’un autre projet.

M. de Naeyerµ. - On pourrait demander la division.

M. le président. - Oui, mais on ne la demande pas.

M. Dumortier. - Je préfère le système de la section centrale ; s’il n’y a qu’un vote, comment répondrais-je ?

M. le président. - Je dois mettre d'abord aux voix l'amendement ; si vous préférez le système de la section centrale, vous répondrez non.

M. Schollaert. - La Chambre tout entière est d'accord sur deux points la proposition de M. Hymans, mais il y des points sur lesquels on n'est pas d'accord.

S'il ne devait y avoir qu'un seul vote sur l'ensemble des propositions de M. Hymans, nous devrions, pour deux points, voter contre notre sentiment.

Je crois donc devoir demander la division.

M. le président. - La division est de droit du moment qu'elle est demandée.

Je mets donc aux voix, d'abord, la première partie de la proposition ; elle est ainsi conçue :

« Les litteras b et c de l'article 6 de la loi du 25 janvier 1817 sont remplacés par les dispositions suivantes :

« b. Que l'auteur ou l'éditeur soit domicilié en Belgique et que son nom soit imprimé sur la page du titre ou, à défaut de titre, à l'endroit de l'ouvrage le plus convenable, avec indication du lieu de son domicile, ainsi que de l'époque de la publication de l'ouvrage. »

- Adopté.


M. le président. - Je mets aux voix maintenant la seconde partie ; elle est ainsi conçue :

« c. A chaque édition qui sera faite d'un ouvrage, l’auteur ou l'éditeur en remettra au bureau à désigner par M. le ministre l'intérieur, au plus tard dans l'année où se fera la publication, un exemplaire portant sur le titre et, à défaut de titre, la première page, la signature de l’auteur ou de l'éditeur, la date de la remise et déclaration écrite, datée et signée par un imprimeur, domicilié en Belgique, certifiant, avec désignation du lieu, que l'ouvrage est sorti de ses presses ; il en sera donné récépissé. »

- Adopté.

Vote sur l’ensemble

Il est procédé au vote par appel nominal.

75 membres y prennent part.

73 membres répondent oui.

1 membre répond non.

1 membre s'abstient.

En conséquence projet de loi est adopté ; il sera transmis au Sénat.

Ont répondu oui :

MM. Ernest Vandenpeereboom, Vander Donckt. Vander Maesen•, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Overloop, Verwilghen, Visart, Wasseige, Allard, Bara, Beke, Bouvier-Evenepoel, Braconier, Bricoult, Broustin, Carlier. Castilhon, Coremans, Crombez, David, de Baillet-Latour, de Breyne-Dubois, De Fré, de Kerchove de Denterghem, Eugène de Kerckhove, Delaet, de Macar, de Muelenaere, de Naeyer, de Rongé, de Rossius, Descamps, de Terbecq, de Theux, Dethuin, de Vrière, de Vrints, Dewandre, de Zerezo de Tejada, Dupont, Elias, Gerrits, Hagemans, Hayez, Hymans, Jacobs, Jacquemyns, Jamar, Jonet, Kervyn de Lettenhove, Landeloos, Lefebvre, Lesoinne, Lippens, Preud'homme, Rogier, Sainctelette, Schollaert, Tack, Thienpont, T'Serstevens et Dolez.

A répondu non :

M. de Borchgrave.

S'est abstenu :

M. Dumortier.

M. le président. - M. Dumortier est prié de faire connaître les motifs de son abstention.

M. Dumortier. - J'ai en l'honneur de dire tout à l'heure que le projet de loi consacrait des améliorations, mais qu'elles n'étaient pas suffisantes. J'avais d’ailleurs un autre motif pour ne pas voter en faveur de la loi ; c'est l'incroyable rédaction de l'article qui la compose. Il est dit que l’auteur devra mettre son adresse sur le titre de l'ouvrage. Or, je n'ai jamais pareille chose dans aucun pays du monde. (Interruption.) Pardon, cela est dit tout au long, et je signale cette anomalie pour que, la loi ayant été amendée, elle puisse être corrigée au second vote.

M. le président. - Il n'y à pas lieu à un second vote, puisque c’est l'amendement même qui constitue la loi.

M. Dumortier. - Cela prouve l'inconvénient d'improviser des amendements.

MiPµ. - Je ne puis me dispenser de répondre un mot à l'honorable M. Dumortier. J'engage l'honorable membre à lire la loi de 1817 ; il constatera que l'amendement de M. Hymans est la reproduction exacte des termes des dispositions de la loi de 1817, qu'il a maintenues. Voilà pour la loi actuelle.

M. Dumortier. - M. le ministre confond deux choses : l'acte du dépôt dans lequel l'auteur donne son domicile et l'ouvrage même sur lequel l'auteur se borne à mettre son nom. Or, ici vous exigez que le nom et le domicile de l'auteur soient indiqués sur le titre même de l'ouvrage c'est là ce que je me permets de trouver tout au moins fort bizarre.

Projet de loi fixant la limite de la citadelle nord à Anvers et modifiant les dispositions légales sur les servitudes militaires autour des forteresses

Discussion des articles

Articles 1 à 3

M. le président. - Le gouvernement se rallie-t-il au projet de la section centrale ?

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Oui, M. le président.

M. le président. - La discussion générale est ouverte ; personne ne demandant la parole, l'assemblée passe à la discussion des articles.

« Art. 1er. Les propriétés immobilières situées dans l'enceinte d'une ville fortifiée, et avant d'une citadelle, d'un fort, ou réduit faisant système avec cette enceinte ne sont pas assujetties aux servitudes imposées par l'arrêté-loi du 4 février 1815. »

- Adopté.


« Art. 2. Lorsqu’il existe dans la zone réservée d’un lieu fortifié quelconque des agglomérations d'habitations, il appartient au Roi de dégrever des servitudes tout ou partie de ces agglomérations, s'il est reconnu qu'il n'en résulterait aucun préjudice pour la défense de la position.

« Les limites des étendues dégrevées seront tracées sur des plans déposés au secrétariat des communes intéressées et, au besoin, indiquées sur le terrain par des bornes ou des poteaux plantés aux frais de l'Etat. »

- Adopté.


« Art. 3. Les bâtiments et constructions de toute espèce qui sont situés dans la zone des servitudes militaires des forteresses du pays et qui existaient avant l'établissement de ces forteresses peuvent être entretenus, réparés, restaurés et reconstruits dans leur état actuel sans autorisation préalable du département de la guerre. »

- Adopté.

Vote sur l’ensemble

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet que est adopté à l'unanimité des 66 membres présents.

Ce sont : MM. Ernest Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vander Maesen, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Overloop, Verwilghen, Wasseige, Allard, Bara, Beke, Bouvier-Evenepoel, Braconier, Bricoult, Broustin, Castilhon, Coremans, Crombez, David, de Breyne-Dubois, De Fré, de Kerchove de Denterghem, Eugène de Kerckhove, Delaet, de Muelenaere, de Naeyer, de Rossius, Descamps, de Terbecq, de Theux, Dethuin, de Vrière, de Vrints, Dewandre, de Zerezo de Tejada, Dumortier, Elias, Gerrits, Hagemans, Hayez, Jacobs. Jacquemyns, Jamar, Jonet, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Landeloos, Lefebvre, Lesoinne, Lippens, Magherman, Mascart, Moncheur, Moreau, Mouton, Muller, Nélis Pirmez, Preud’homme, Rogier, Sainctelette, Schollaert, Tack, Thienpont, T' Serstevens et Dolez.

- La séance est levée à 4 heures trois quarts.