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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 19 février 1870

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1869-1870)

(Présidence de M. Moreau, premier vice-présidentµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 511) M. de Vrintsµ procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Dethuinµ donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Vrintsµ présente l’analyse des pièces qui ont été adressées à la Chambre.

« La chambre de commerce d'Arlon prie la Chambre d'inviter le ministre des travaux publics à accorder au sieur Brassine la concession d'un chemin de fer d'Athus à la frontière française dans la direction de Givet. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les membres de l'administration communale et des habitants de Waterloo prient la Chambre d'accorder à la compagnie Rosart la concession d'un chemin de fer de Hal à Maestricht par Waterloo. »

- Même renvoi.


« Les sieurs Debbaut, Cnockaert et autres membres de la société colombophile dite : « Les Amis réunis » demandent que le projet de loi modifiant la loi sur la chasse contienne des mesures protectrices en faveur des pigeons voyageurs. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.


« M. le ministre de la justice transmet à la Chambra, avec pièces de l'instruction, la demande de naturalisation du sieur Mathieu, J.•G. »

- Renvoi à la commission des naturalisations.


« M. le gouverneur de la Société Générale adresse à la Chambre 125 exemplaires du compte rendu des opérations de cet établissement pendant l'exercice 1869. »

- Distribution aux membres de la Chambre et dépôt à la bibliothèque.


« M. Van Merris, appelé chez lui pour affaires urgentes, demande un congé de quelques jours. »

- Ce congé est accordé.


« M. d'Hane-Steenhuyse, retenu pour affaires, demande un congé. »

- Ce congé est accordé.

Projet de loi révisant le code de commerce (titre III, livre premier : Des sociétés)

Discussion des articles

Section IV. Des sociétés anonymes

Paragraphe 6. Des inventaires et des bilans
Article 56

La Chambre est arrivée l'article 56, qui est ainsi conçu :

« Art. 56. L'assemblée générale entend les rapports des administrateurs et des commissaires et discute le bilan.

« Le conseil d'administration a le droit de proroger, séance tenante, l'assemblée à trois semaines. Cette prorogation annule tonte décision prise. La seconde assemblée a le droit d'arrêter définitivement le bilan.

« L'adoption du bilan vaut décharge pour les administrateurs et les commissaires de la part de la société et des actionnaires qui ne s'y sont pas opposés, mais seulement en tant qu'il n'y ait pas réserve au contraire, et que le bilan ne contienne ni omission ni indication fausse, dissimulant la situation réelle de la société. »

M. de Macarµ. - Je désire avoir une explication de M. le ministre de la de la justice sur la portée du mot « réserve » qui se trouve dans le dernier paragraphe de l'article 56. S'agit-il d’une réserve faite par la majorité de l'assemblée, tout en adoptant le bilan, ou d’une réserve facultative à chacun des actionnaires ?

Comprise dans le premier sens, je puis l'admettre.

La société, tout en votant le bilan pour ne pas enrayer la marche de la société, pouvait ne pas vouloir approuver sur tels points déterminés la conduite de ses mandataires et se réserver le droit de les poursuivre.

Comprise dans le second sens, elle est, je pense, inadmissible.

Si l'actionnaire veut conserver son action individuelle, qu'il rejette le bilan, mais ne lui laissez pas la faculté d'un mode d’opposition dont on pourra user légèrement puisque, en réalité, il n'y aura rien à perdre à le faire, alors cependant qu'il constitue pour les administrateurs une mesure des plus graves. Le rapport où le reconnaît. Il parle de la position compromettante pour leur honneur et leur fortune la réserve les placerait.

Il est important qu'il n'y ait aucun doute sur la signification de l'article.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - C'est une réserve de l'assemblée.

M. Teschµ. - Messieurs, voici quel a été jusqu'à présent le système généralement suivi.

D'après le plus grand nombre des statuts, le bilan était approuvé par les commissaires ; d'après d'autres statuts, il était approuvé par les actionnaires. Je crois que l'approbation par les commissaires est une plus forte garantie que l'approbation par les actionnaires ; je ne soulève cependant aucune objection à cet égard ; on peut admettre l'un ou l’autre système.

Dans ma manière de voir, le bilan, approuvé d'après l'article 56, devrait constituer une décharge pour toute l'administration ; je me suis fait la même question que l’honorable M. de Macar, et je me suis demandé quelle était la portée du dernier paragraphe de l'article 56, s'il suffisait qu'un actionnaire fît une réserve pour lui conserver. une action à regard de l'administration.

Il est évident que si tel était le système de la loi, il serait inadmissible ; d'abord il supprimerait le vote de la majorité. Ce ne serait plus la majorité qui lierait la minorité. Malgré le vote de la majorité, un simple actionnaire conserverait, au moyen d'une réserve, le droit de faire un procès à l'administration. Ce système aurait de grands inconvénients.

Si l'on croit qu'une simple majorité n'est pas suffisante pour donner décharge au conseil d’administration, qu'on fixe une autre majorité des membres présents.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Voici comment j'avais compris l'article. Il s'agit de l'adoption du bilan par l'assemblée générale. Il ne s'agit donc pas de l'action des actionnaires individuellement vis-à-vis des administrateurs. Eh bien, à l'article 53, on dit que les décisions sont prises à la majorité par les actionnaires présents. Il est évident qu'il n'est pas dérogé à cette règle pour l'adoption du bilan. En conséquence, l'adoption du bilan par la majorité vaut décharge. Seulement, voici ce qui peut arriver.

L'assemblée peut très bien adopter un bilan dans presque tout son entier. Mais elle peut ne pas donner son approbation à un point ; elle trouve que de ce chef les administrateurs doivent rester responsables, qu'il y avoir lieu de les poursuivre. Elle adopte le bilan, mais elle dit : De ce chef, nous faisons une réserve ; nous conservons notre action, et alors la prescription court à partir de cette réserve.

Voilà comment j'entends la disposition, c'est-à-dire que je ne veux pas qu'une assemblée générale soit dans l'obligation de ne pas approuver un bilan, parce qu'il y aurait un point sur lequel on est en désaccord avec l'administration.

Il suffira qu'elle dise : Sur ce point je fais une réserve, vous ne pouvez vous prévaloir du bilan.

Si cette interprétation n'était pas admise, qu'arriverait-il ? On serait obligé de désapprouver tout le bilan, tandis que, dans mon système, le bilan pourra être approuvé et les administrateurs ne resteront plus responsables vis-à-vis de la société entière que quant au point réservé.

M. Teschµ. - Je ne pense pas que la pensée de M. le ministre ait été celle des rédacteurs de la commission. Je crois, ait contraire, que la pensée du rédacteur était de laisser à chaque actionnaire le droit de faire une (page 512) réserve et de poursuivre individuellement devant les tribunaux l’administration à laquelle ils n’ont pas donné décharge. De cette manière l’article 56 serait une exception à l’article 53.

Quant à moi. je veux bien du système de M. le ministre de la justice, quoique je regarde comme très probable qu'on refusera le bilan, lorsque certains postes ne paraîtront pas admissibles.

M. Moncheurµ. - Je ne comprends pas très bien le dernier paragraphe tel qu'il est rédigé, en présence de que vient de donner l’honorable ministre de la justice. Si j’ai bien compris M. le ministre, il a dit que, dans le cas de l'article 56 comme dans tous les autres cas, il s'agissait d'une décision à prendre par la majorité des actionnaires. Il a ajouté. que la majorité faisait la loi et que lorsque la majorité avait approuvé le bilan, il n'y avait plus à y revenir. Mais je trouve que cela est peu conciliable avec les termes du dernier paragraphe de l'article 56, qui est ainsi conçu :

« L'adoption du bilan vaut décharge pour les administrateurs et les commissaires de la part de la société et des actionnaires qui ne s'y sont pas opposés. » Remarquez ces mots, messieurs : « qui ne s'y sont pas opposés. »

De sorte que, de la part des actionnaires qui sont opposés, il n'y a pas décharge pour les administrateurs et les commissaires.

Ainsi, une assemblée générale a lieu ; les trois quarts des actionnaires approuvent le bilan sans faire de réserve, et ainsi aux yeux de la société, il y a décharge des administrateurs et des commissaires ; mais le quart ou les neuf dixièmes des actionnaires font opposition ; quelle est conséquence de cette opposition ?

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Les actionnaires qui ont fait cette opposition conservent leur action individuelle.

M. Moncheurµ. - Ainsi, pendant cinq ans et alors même que le bilan aurait été adopté par les neuf dixièmes des voix de l'assemblée générale, quelques actionnaires pourront revenir sur cette adoption !

M. le ministre de la justice (M. Bara). - S'ils s'y sont opposés. (Interruption.)

M. Moncheurµ. - J’expose de nouveau la position : Dans une assemblée générale, les neuf dixièmes des membres adoptent le bilan ; les actionnaires formant le dernier dixième ou quelques actionnaires seulement s'opposent à cette adoption.

Eh bien, cette seule opposition a pour effet de laisser incertaine la décharge des administrateurs et des commissaires.

Cela est très grave. M. Reschµ. - Ce n'est pas cela que disait tout à l’heure M. le ministre.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Il y a deux sortes d'actions. Il y a l'action de la société en général contre les administrateurs et contre les liquidateurs, et. il y a également l’action individuelle des actionnaires pour leur propre compte, qui est réglée par l'article 80.

Dans la question qui a été faite, il ne s'agissait que de l’action de la société.

J'ai répondu que c'était à moins d'une réserve de l'assemblée générale.

Quant à l'action des actionnaires, elle est maintenue par l'article, qui dit :

« L'action des actionnaires d'une société anonyme agissant individuellement contre les administrateurs ou les liquidateurs, dans le cas où l'assemblée générale a approuvé leur gestion, ne pourra être intentée que dans les trois mois partir du jour où l'action est non recevable. »

Il n'y a donc qu'un délai de trois mois pour l’action à intenter individuellement par les actionnaires, car il y a une grande différence entre la responsabilité pour toute la société et la responsabilité vis-à-vis d'un seul actionnaire. Cette responsabilité est considérablement restreinte.

- L'article 56 est adopté.

Article 57

« Art. 57. Le bilan et le compte des profits et pertes doivent, dans la quinzaine après leur approbation, être publiés aux frais de la société et par les soins des administrateurs, conformément au mode déterminé par l'article 11. »

- Adopté.

Paragraphe 7. De certaines indications à faire dans les actes. »
Article 58

« Art. 58. Dans tous les actes, factures, annonces, publications et autres pièces émanées des sociétés anonymes, on doit trouver la dénomination sociale précédée ou suivie immédiatement de ces mots, écrits lisiblement et en toutes lettres : Société anonyme, et de l'énonciation du capital social.

« Le chiffre dit capital social peut, après publication d’une situation du capital, être augmenté par suite, soit de versements éventuels effectués, soit de souscriptions d'actions nouvellement obtenues.

« Il doit être diminué, après l'approbation du bilan, du montant des pertes qui seraient constatées.

« Dans les anonymes dont les actions ne portent pas d'indication de valeur, l'énonciation du capital sera remplacée par ces mots : capital indéterminé. »

M. le président. - M. Sainctelette propose la suppression du paragraphe 3.

M Saincteletteµ. - Messieurs, le principe de l'article 58 a été emprunté aux lois anglaises et aux lois françaises de 1863 et de 1867.

Ces deux législations imposent aux sociétés à responsabilité limitée l'obligation d'inscrire, en marge de toutes les pièces émanées d'elles, la dénomination prise par elles, la qualification de société anonyme ou de société à responsabilité limitée et l'indication du capital social.

Si l'on consulte les travaux préparatoires de la législation française, on constate que cette obligation a été imposée aux sociétés dans le but d'éviter toute confusion entre les sociétés en nom collectif et les sociétés à responsabilité limitée.

Ainsi, l'exposé des motifs de la loi de 1863 dit, en toutes lettres, ce que voici :

« Il importe, avant tout, que personne ne puisse être trompé sur la valeur et l'étendue des garanties qu'offriront les sociétés à responsabilité limitée. Le meilleur moyen pour prévenir les erreurs, c'est d'obliger les associations de ce genre à proclamer elles-mêmes, dans les actes par lesquels elles manifestent leur existence, leur nature spéciale.

Les deux lois françaises punissent toutes les infractions à cette obligation d'une amende de 50 à 1,000 francs.

Le projet du gouvernement se bornait à reproduire la disposition des législations anglaise et française. Le rapport de la commission va plus loin.

Il impose aux sociétés à responsabilité limitée l'obligation de diminuer le capital social énoncé sur toutes les pièces de la société du montant des pertes constatées après l'approbation du bilan.

J'ai des doutes assez sérieux sur le mérite de cette innovation et je demande à la Chambre la permission de les lui exposer.

Il suffira évidemment, si l'on adopte le projet de la commission, de comparer les énonciations inscrites en tête d'une pièce antérieure à l’approbation du bilan avec les énonciations qui suivront cette approbation pour constater les pertes subies par cette société. Ainsi une société anonyme sera désormais obligée de faire connaître à toutes les personnes avec lesquelles elle voudra traiter les pertes subies par elle.

Dans la pratique, cela équivaudra très souvent à dire aux acheteurs qu'ils doivent demander un escompte exceptionnel, parce que la société n'a plus de fonds de roulement et qu’elle a besoin d'argent ; à dire aux vendeurs, aux fournisseurs de matières premières qu'ils doivent demander un prix exceptionnel, parce qu'ils ont moins de chances d'être payés immédiatement.

Je me demande si c'est bien une idée commerciale que d'imposer à un commerçant quelconque l'obligation d'aller ainsi publier à son de trompe et de caisse le montant de pertes éprouvées par suite d'événements qui peuvent n'impliquer aucune espèce de fraude.

La pensée qui a inspiré le rédacteur du projet de la commission est évidemment le désir d'obliger la société anonyme à donner toujours aux personnes avec lesquelles elle traite la nature exacte de ses ressources.

C'est là, messieurs, à mon avis, confondre le capital social et l'avoir social. Or, l'avoir social et le capital social ne sont une seule et même chose que pour autant que le capital social reste à l'état mobilier, à l'état liquide, mais croire que, quand l’avoir a été immobilisé, on fait connaître la mesure exacte des ressources de la société en indiquant le capital social auquel elle a été constituée, c'est une erreur véritable.

Une société de chemin de fer, par exemple, a été fondée au capital de cinq millions ; croire que par cela seul elle représente, après l'exécution de ses lignes, une ressource, une valeur de cinq millions, c'est une erreur complète. Il arrive souvent que l'avoir social vaut moins que le capital social.

On n'atteindra donc pas le but que l'on s'est proposé.

Et maintenant, cette mesure est-elle juste ?

Je ne le pense pas. Quel but devons-nous nous proposer en cette matière ? De faire donner par les sociétés anonymes aux tiers avec lesquels elles traitent la même mesure de sécurité que les particuliers. Rien de moins. mais aussi rien de plus. Que fait le particulier qui se livre au (page 513) commerce ? Il ne se fait connaître à ses correspondants que par la surface. Quand il entre dans la vie commerciale, les tiers s'informent de sa apparence, de ses propriétés, des clauses de contrat de mariage. Mais, jamais on n'a exigé qu'un commerçant fasse spontanément connaître à ses correspondants les pertes qu'il a pu subir.

Il y a, à sens, dans cette des sociétés, une distinction que l'auteur du rapport de la commission jamais eu assez présente à 1'esprit. Il faut certainement, comme le disait l'honorable ministre de la justice dans deux de nos séances, prendre toutes les précautions possibles pour empêcher les personnes civiles constituées sous l'empire de la loi que nous discutons de faire autre chose que le commerce. Il ne faut pas que, sous l'apparence d’une opération commerciale, puissent se masquer des combinaisons d'un autre genre, mais du moment que toutes les précautions nécessaires sont prises à cette fin, du moment que ce but est atteint, il faut permettre aux personnes morales constituées sous la forme commerciale de faire le commerce dans les conditions où le particulier peut le faire.

Autrement, on rendra moins utile la fonction des sociétés commerciales.

Or, il est évident que personne dans cette Chambre n'oserait proposer d'imposer aux commerçants particuliers l'obligation de dire à tout venant, de publier de toute façon le chiffre des pertes qu'ils peuvent subir.

Il n'y a pas dans le pays un grand établissement qui pourrait résister à une pareille obligation. Et remarquez-le bien, par cette disposition vous atteindrez surtout les petites sociétés anonymes, celles qui se constituent avec un capital social réduit et qui n'ont pas de patronage.

Or, ce sont les plus intéressantes.

Je demande donc à la Chambre de vouloir bien examiner s'il n'y aurait pas lieu de revenir au projet du gouvernement et de conformer les dispositions de la législation belge à celles de la législation française et de la législation anglaise.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Messieurs, il me paraît régner dans le discours de l'honorable membre une confusion. Il nous dit : « Vous n'exigez pas des commettants les précautions que vous exigez des sociétés anonymes. »

Mais, messieurs, la raison en est bien simple ; les commerçants sont individuellement responsables. Dans une société anonyme. avec qui ai-je à faire ? Avec un capital, et rien qu’avec un capital. En dehors du capital, je n'ai absolument rien.

Je comprends parfaitement bien, comme le disait l'honorable membre, que le commerçant offre par sa solvabilité, par son honorabilité une grande confiance ; mais dans une société anonyme je n'ai autre chose, pour garantie de mes droits, qu'un capital.

Il est bien évident que si je ne connais pas le capital réel, il peut arriver un moment où je traiterai avec une société qui n'a plus rien. Je ne puis espérer de trouver quelque chose que si la société se relève par des gains inespérés.

Qu’a-t-on voulu dans les sociétés anonymes ? C'est de faire connaîtra aux tiers le capital, parce que c'est là que se trouve la seule garantie. C'est avec le capital seulement que les particuliers auront à faire et vous devez l'indiquer.

Vous avez constaté des pertes dans votre bilan ; comment pouvez-vous mettre sur votre facture que vous avez 10 millions de capital, alors que vous avez constaté par le bilan que vous n'avez plus que 5 millions, par exemple ? Vous serez absolument dans la même situation qu'une société qui se créerait en ce moment et qui n'aurait que 5 millions.

Maintenant de quelles pertes s'agit-il ? Il s'agit de pertes constatées au bilan. L'honorable membre a dit : Il y a le mobilier. Comment en apprécier la valeur ?

Il ne s'agit pas de cela. Il s'agit de perte avouée par le bilan. La société est en perte de cinq millions ; il est convenable, il est loyal de le faire connaître, pour ne pas tromper le public.

Je suppose que la perte ne soit pas de cinq millions sur dix millions, mais que la société ait perdu 9,900,000 francs ; il ne resterait que cent mille francs ; s'il plaît aux actionnaires de continuer la société, vous aurez une société avec un capital de cent mille francs, alors que la société aura été créée au capital de dix millions. Et vous la donnerez aux tiers comme ayant un capital de dix millions !

Ce que l'on exige est-il si exorbitant ? L'article 57 prescrit la publication du bilan au Moniteur ; donc on a voulu que le public fût au courant de toutes les diminutions du capital ; maintenant les tiers qui voudront connaître la situation, devront-ils chaque fois recourir au Moniteur ? Cela n'est pas pratique. Un moyen plus pratique, c’est d'inscrire en tête de vos factures le capital social réduit.

Je crois donc que, dans l'intérêt des tiers, dans l'intérêt de la sincérité des opérations des sociétés anonymes, il faut maintenir l'article tel qu'il a été proposé par le gouvernement.

M. Teschµ. - Messieurs, je partage la manière de voir de M. le ministre de justice, en ce qui concerne la distinction à faire entre les sociétés anonymes et les particuliers ; il est évident qu'il y a une très grande différence entre les particuliers et les sociétés anonymes, entre les personnes naturelles et les personnes morales.

Comme l’a dit M. le ministre de la justice, l'homme est responsable jusqu'à concurrence de tout ce qu'il possède, sur ses biens et sur sa personne, tandis que la société anonyme n'est responsable que jusqu'à concurrence de son capital.

Il y a une autre raison qui est peut-être la principale, pour l'adoption de l'article 56 : c'est que les particuliers n'ont pas leur avoir divisé en actions, tandis que les sociétés ont leur capital en actions ou en parts et que le public est intéressé à savoir ce que vaut une action, ce que vaut une part, pour ne pas être trompé par l'agiotage. C'est là une raison principale pour laquelle il faut maintenir cette disposition. Mais elle doit être autrement rédigée.

Dans toutes les sociétés bien organisées, à côté du capital il y a une réserve et les perles se prennent d'abord sur la réserve. Ainsi, vous avez des sociétés qui ont des réserves égales et même supérieures au capital primitif. Or, si l'on fait une perte, elle est prise sur la réserve, et si cette perte n'entame pas le capital, il n'y a lieu à rien publier. Ou bien, on publiera, en même temps que le chiffre du capital, celui de réserve en indiquant la perte qui a entamé la réserve.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - La réserve fait partie du capital.

M. Teschµ. - Pardon, la réserve n'est pas le capital. Je ne puis jamais entamer le capital, et la réserve sert souvent à donner, pendant certaines années, un supplément d'intérêt. Ainsi, je suppose que pendant une année les opérations ne donnent pas de bénéfices. Si la réserve est suffisante, d'après les statuts et, je crois, d'après la loi, on peut prendra sur cette réserve de quoi donner des intérêts pendant cette année.

Je suppose une société qui a un capital de cinq millions. Elle a cinq millions ou deux millions et demi de réserve. Elle fait une perte d'un million. Elle ne doit pas faire connaître cette comme entamant son capital, puisqu'elle n'entame que la réserve.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - C'est ainsi que l'article doit être interprété.

M. Teschµ. - Je fais seulement mes observations pour que nous sachions bien quelle est la portée de la loi. Dès l'instant où l'on entend ainsi l'article, nous tâcherons de mettre, d'ici au second vote, le texte en rapport avec ce que nous voulons dire.

Je fais seulement remarquer que dans une société il faut tenir compte de tout, même de l'amortissement. Ainsi, vous avez des sociétés dont le capital est complètement amorti. Je citerai la Vieille-Montagne ; ses établissements ne sont plus représentés, dit-on, que par un franc de capital. Il faut donc, je le répète, tenir compte de tout l'avoir social et non pas seulement du capital primitif.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Ce n'est pas ainsi que j'ai compris l'article et je crois qu'il n'est pas possible de le comprendre dans le sens qu'indique l'honorable M. Tesch.

Le capital social est celui qui existe à la fondation de la société. Maintenant quand vous avez une réserve, cette réserve joue un rôle dans l'action de la société. Soit. On peut prendre des intérêts sur cette réserve, mais celle-ci est toujours la garantie des tiers.

Il est évident que du moment où cette réserve jointe au capital forme le capital de fondation, vous n'êtes pas obligé de diminuer votre capital social sur les factures. C'est ainsi qu'il faut l'entendre. Ce qu'on a voulu, c'est qu'il y eût toujours une même somme à la disposition du public. Ainsi il y a un capital déterminé et une réserve d'un million. On fait une perte d'un million. La situation sociale n'a pas changé. On ne vous oblige pas, parce que vous avez une réserve d'un million, de mettre en tête de vos factures : Capital, six millions. Vous ne devez pas indiquer les augmentations du capital provenant des bénéfices que vous avez faits ; mais, d'un autre côté il est certain que tant que vous restez avec cinq millions, vous êtes en possession de votre capital social.

M. de Macarµ. - Je demanderai à M. le ministre de la justice s'il croit indispensable que l'obligation d'indiquer le capital social soit absolue même dans le cas de pertes minimes. Si, par exemple, une société perd moins du cinquième de son capital, faut-il qu'elle fasse connaître cette perte ? Ce qu'on demande, c'est qu'il y ait une publicité suffisante pour que les tiers puissent traiter avec sécurité. Ce but atteint, Il faut éviter des (page 514) mesures vexatoires. Sera-t-il utile d'énoncer les pertes, quelque minimes qu'elles soient ? Si une société au capital de 5 millions perd 300,000 francs ou même 500,000 francs, cela intéresse-t-il bien sérieusement les tiers, au point de vue de la solvabilité de la société ?

Je crois que l'on pourrait se borner à dire : « lorsque la perte s'élèvera au cinquième du capital social. »

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je ne crois pas, messieurs, que cela soit nécessaire. Si la perte est minime, elle ne portera aucun préjudice au crédit de la société, mais il importe que le public sache si vous gagnez ou perdez.

Au surplus, la proposition de l'honorable membre peut être, dans certains cas, très grave. Ainsi une société capital de 10 millions qui aurait perdu 2 millions en seule année, ne devrait pas l'indiquer. C'est une perte énorme. Nous ne pouvons pas admettre l'amendement de l'honorable membre.

M. de Macarµ. - Je n'insiste pas.

- Les différents paragraphes de l'article 58 sont successivement mis voix et adoptés.

L'article est adopté dans son ensemble.

Article 59

« Art. 59. Toute personne qui interviendra pour une société anonyme dans un acte où la prescription de l'article précédent ne sera pas remplie, pourra, suivant les circonstances, être déclarée personnellement responsable des engagements qui y sont pris par la société ; elle sera, en cas d'exagération du chiffre du capital, à l'égard des tiers avec qui il a été traité, de compenser la différence entre le capital énoncé et le capital réel. »

- Adopté.

Paragraphe 8. De l’émission des obligations
Article 60

« Art. 6O. Les sociétés anonymes ne peuvent émettre d'obligations au porteur remboursables par voie de tirage au sort qu'à la condition que toutes les obligations soient remboursables par la même somme, et que la somme consacrée annuellement à l'amortissement et au service des intérêts soit la même pendant toute la durée de l'emprunt.

« Il ne peut être émis d'obligations de cette nature qu'après la constitution de la société et pour une somme égale au capital social versé. »

M. de Macarµ. - Je demande à l'honorable ministre de la justice, comment il faut entendre ces mots : « et que la somme consacrée annuellement à 1'amortissement et au service des intérêts, soit la même pendant toute la durée de l'emprunt. »

D'après ces termes, si on les prend à la lettre, une société qui aura fait un emprunt et émis des obligations devra rembourser les intérêts et l'amortissement par la même somme, chaque année.

Je vois à cela un inconvénient des plus sérieux.

Lorsqu'on établit un charbonnage, par exemple, ce n'est qu'au bout de trois ou quatre ans qu'il peut être en activité, par conséquent, qu'il rapporte des bénéfices.

On consacrera donc peu point de fonds pendant ces premières années à l'amortissement.

Pourquoi vouloir obliger la société à rembourser immédiatement ? Est-ce dans l'intérêt des prêteurs ? Les prêteurs savent à quelles conditions ils ont fait leur opération et la société peut certainement avoir un véritable intérêt à décider que les amortissements se feront qu'au fur et à mesure des rentrées probables de fonds.

Je ne vois pas en quoi l'intérêt public exige qui les sociétés ne puissent faire leurs emprunts comme elles l'entendent.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - L'article n'a pas pour but d'obliger les sociétés à rembourser chaque année la somme. (Interruption.)

Que dit l'article ?

« ... et que la somme consacrée annuellement à l'amortissement et au service des intérêts soit la même pendant toute la durée de l'emprunt. »

Cela signifie-t-il que l'on doive rembourser chaque année la même somme, et que les obligations devront être remboursées de telle façon qu'il n'y en aura pas plus la deuxième année que la première, la troisième que la deuxième... ?

M. Teschµ. - Les deux hypothèses sont prévues.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Il me semble que c'est là la question de l'honorable membre.

Je ne crois pas qu'on ait voulu obliger à rembourser chaque année la même somme.

M. de Macarµ. - S'il en est ainsi, nous sommes d'accord.

M. Teschµ. - En général, aujourd'hui les obligations sont remboursées de la manière suivante : on affecte au remboursement des obligations une certaine somme, mais qui est augmentée toutes les années de l'intérêt des sommes déjà amorties. Je pense que cette pratique peut continuer à subsister.

Je suppose que la première année on rembourse mille francs, eh bien, la seconde année on affectera au remboursement 1,050 francs ; les 50 francs représentant les intérêts des mille francs amortis l'année précédente.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - D'accord, mais il y a une autre question.

M. Teschµ. - Le texte dit : « ... et que la somme consacrée annuellement à l'amortissement et au service des intérêts soit la même pendant toute la durée de l'emprunt. »

Eh bien, je demande s'il ne sera pas permis d'augmenter tous les ans la somme affectée à l'amortissement des intérêts des sommes amorties les années précédentes.

Voilà ma question ; elle est très claire, je pense. (Interruption.) Je le répète, aujourd'hui on augmente la somme affectée à l'amortissement des intérêts des sommes amorties. C’est une pratique à peu prés générale ; elle ne me paraît pas condamnée par l'article en discussion et je demande qu’on puisse la continuer.

M. Mullerµ. - Si le texte devait être révisé, je crois qu'on devrait modifier également le troisième paragraphe qui me semble aller au delà de la pensée de ses auteurs.

Ce paragraphe porte : « Il ne peut être émis d'obligations de cette nature qu'après la constitution de la société et pour une somme égale au capital social versé. »

Il est bien entendu que cela signifie pour une somme qui n’est pas supérieure au capital versé.

M. Watteeuµ. - Je ne pense pas, messieurs, que le texte de l'article qui est en discussion puisse être entendu comme vient de le dire M. Tesch. Je crois que le mécanisme du remboursement, tel qu'il a été conçu par l'auteur du projet, affecte annuellement la même somme pendant toute la durée de l’emprunt.

Or, voici comment ce mode d'amortissement fonctionne : Toutes les années, un nombre plus grand d'obligations pourra être remboursé ; ce nombre sera croissant en raison des intérêts qui diminueront chaque année.

Ainsi, quand on aura remboursé cent obligations, il est évident que le fonds d'amortissement s'augmentera d’une somme égale au chiffre des intérêts y afférents ; et, comme cette somme doit rester la même et la destination qui ne peut pas être changée, il en résultera que, les années suivantes, l’amortissement fonctionnera dans une plus large proportion, c'est-à-dire que les intérêts qu'on ne payera plus viendront s'ajouter au capital affecté au remboursement des obligations.

Le nombre des obligations remboursées augmentera ainsi d'année en année. C'est, du reste, ce qu’on pratique généralement pour les emprunts des villes. Les emprunts des villes sont conçus de telle façon qu'on affecte aux intérêts et à l'amortissement une somme qui ne varie pas. Il en résulte que dans les dernières années le remboursement opère dans une proportion beaucoup plus large que dans les premières années.

Si je ne me trompe, M. le ministre de l'intérieur m'a fait tout à l'heure un signe affirmatif, qui démontrerait que c'est bien ainsi que l'article a été conçu.

M. Tack. - Il est évident, comme viennent de le dire MM. Tesch et Watteeu, qu'il faut permettre d'ajouter annuellement au fonds d'amortissement le montant des intérêts des sommes amorties.

Il y a, du reste, des circonstances qui peuvent faire que l'amortissement ne doive pas être le même chaque année pour toute la durée de la société ; il peut être utile de l’augmenter graduellement d'année en année. Faut-il, d'autre part, exiger que l'amortissement commence dès la première année ? Ainsi, par exemple, quand il s'agit d'une société pour la construction d'un chemin de fer, il arrivera très souvent que l'amortissement ne peut rationnellement commencer qu'après cinq et même après dix années d'exploitation.

C'est souvent une nécessité ; l'amortissement ici ne doit commencer que lorsque la ligne produit tout ce qu'elle doit produire.

Je crois qu'il faudrait prévoir ce cas dans le texte ; car, d'après l'article tel qu'il est conçu, ce serait défendu ; il ne me semble pas que l'intention des auteurs de l'article soit allée jusque-là. Peut-être pourrait-on ajouter au texte que l’amortissement ne sera pas obligatoire avant cinq années à dater de la constitution de la société.

(page 515) MiPµ. - Messieurs, je n'ai pas assisté au commencement de la discussion, mais comme je suis l'auteur de l'article, je crois qu'il est utile que je dise ce que j'ai entendu par cet article.

Il y a une pratique constante dans les émissions. C'est le payement d'une annuité. L'annuité se compose de deux éléments : l'amortissement et les intérêts. Il y a pour l'amortissement une fraction excessivement faible ; ainsi la plupart des obligations de chemins de fer émises en Belgique sont des obligations à 3 p. c., valeur nominale 500 francs, intérêts 135francs.

Pour l'amortissement, on ajoute d'ordinaire aux 15 francs d'intérêts un franc treize centimes par an pour l'amortissement, ce qui procure l'extinction de l'emprunt en 90 ans environ.

Ce mode de procéder, messieurs, permet de rembourser un peu plus d'obligations la seconde année que la première, et toujours on va en augmentant et en faisant bénéficier l'amortissement des intérêts des obligations éteintes.

La raison d'être de cet article est dans la loi sur les loteries.

Les bénéfices par voie d'attribution par le sort sont généralement prescrits ; on permet cependant des remboursements d'obligations avec prime sur le taux d'émission dans les sociétés anonymes lorsque le gouvernement l'autorise.

Or, par le projet actuel, on a voulu éviter, autant que possible, de faire intervenir le gouvernement ; dès lors, il a paru nécessaire de déterminer dans la loi quels emprunts pouvaient être autorisés malgré une part d'élément aléatoire.

L'article en discussion, pour prévenir la fraude, impose deux conditions.

La première est que, pendant toute la durée de l'emprunt, toutes les obligations soient remboursées par une somme égale.

La seconde est que l'annuité soit constante.

Ces conditions ne gêneront pas la pratique ; à ma connaissance, toutes les obligations émises en Belgique par les sociétés anonymes sont dans les conditions énoncées par le projet.

M. de Rossiusµ. - Messieurs, si j'ai bien compris les observations de M. le ministre de l'intérieur, il n'a pas répondu à la question que lui a faite l'honorable M. de Macar.

Le gouvernement verrait-il quelque inconvénient à l'introduction dans l’article d'une clause autorisant un remboursement inégal, non pas quant au taux de ce remboursement, mais quant au nombre des obligations à rembourser ?

Ainsi un charbonnage fait un emprunt d'un million, par exemple, pour créer un nouveau siège d'exploitation. Il émet des obligations. Pendant les premières années, il ne pourra en rembourser qu'an petit nombre, car les travaux ne seront pas immédiatement productifs. Dans cinq ans, dans dix ans peut-être, ils donneront tous les résultats, les fruits qu'on en attend, et permettront d'éteindre un plus grand nombre d'obligations que dans le temps voisin de l'emprunt, les bénéfices étaient faibles. Y a-t-il quelque danger graduer le remboursement ? A première vue, je n'en aperçois pas.

Toutefois, je ne pourrais pas trancher immédiatement la question. Je prie M. le ministre de la justice et M. le ministre de l'intérieur d'y réfléchir d'ici au second vote, de rechercher si le texte ne pourrait pas accorder à la société commerciale la faculté réclamée par l'honorable M. de Macar.

La prime, bien entendu, resterait la même ; la loi ne doit pas favoriser l'agiotage sur les obligations émises par les sociétés industrielles ; il faut empêcher que la prime ne varie d'année en année, que très forte d'abord et allant s'affaiblissant à mesure que les années s'écoulent, elle ne soit, pour les derniers porteurs, une cause de déception.

Le remboursement de chacun des titres doit se faire avec la même somme. Mais j'hésite à croire qu'il faille imposer à une société industrielle la prescription de rembourser chaque année le même nombre d'obligations, ou de ne majorer ce nombre qu'en raison des ressources que donnent les intérêts des sommes précédemment amorties. Ainsi le voudrait, je pense, l'honorable M. Pirmez. J'estime qu'il y a quelque chose à faire dans le sens des observations de l'honorable M. de Macar.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - D'ici au second vote, nous examinerons s’il y a quelque chose à faire dans le sens des objections présentées par MM. de Macar et de Rossius.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Sous cette réserve, je mets aux voix l'article 60.

- L'article 60 est adopté.

Articles 61 et 62

« Art. 61. En cas de liquidation, celles de ces obligations qui seront remboursables par une somme supérieure au prix d'émission, ne seront admises au passif que pour une somme totale égale au capital qu'on obtiendra en ramenant à leur valeur actuelle, au taux de 5 p. c.., les annuités d’intérêts et d'amortissement qui restent à échoir. Chaque obligation sera admise pour une somme égale att quotient de ce capital, divisé par le nombre des obligations non encore éteintes. »

- Adopté.


« Art. 62. Les porteurs d'obligations ont le droit de prendre connaissanec des pièces déposées en conformité de l'article 55. Ils peuvent assister aux assemblées générales, mis avec voix consultative seulement. »

- Adopté.

Paragraphe 9. De la durée et de la dissolution de la société
Articles 63 à 68

« Art. 63. Les sociétés anonymes qui ont pour objet l'exploitation d'une concession accordée par le gouvernement, peuvent être formées pour la durée de la concession.

« La durée des autres sociétés ne peut excéder trente ans. S'il est stipulé une durée plus longue, elle est réduite à ce terme.

« La société peut être successivement prorogée dans les formes prescrites pour les modifications aux statuts, pour un nouveau terme expirant dans les trente ans de la prorogation. »

- Adopté.


« Art. 64. En cas de perte de la moitié capital social, les administrateurs doivent soumettre à l'assemblée générale la question de dissolution de la société. Si la perte atteint les trois quarts du capital, la dissolution pourra être prononcée par les actionnaires possédant un quart des actions représentées à l'assemblée. »

- Adopté.

« Art. 65. La dissolution doit être prononcée, sur la demande de tout intéressé, lorsque six mois se sont écoulés depuis l'époque où le nombre des associés a été réduit à moins de sept. »

M. le président. - D'après la décision que la Chambre a prise dans une séance précédente, cet article doit être supprimé, puisqu'on n'exige plus le nombre de sept pour composer la société.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - L'article doit momentanément disparaître, la Chambre doit le rejeter. Lorsque nous arriverons au second vote, nous nous demanderons de revenir sur ce qui a été voté.

L'article 65 est mis aux voix et rejeté.


« Art. 66. L'association momentanée est l'association qui a pour objet de traiter, sans raison sociale, une ou plusieurs opérations de commerce déterminées.

« Les associés sont tenus solidairement envers les tiers avec qui ils ont traité. »

- Adopté.


« Art. 67. L'association en participation est l'association par laquelle une ou plusieurs personnes s'intéressent dans des opérations qu'une ou plusieurs autres gèrent en leur propre nom.

« Le participant qui s'est tenu dans les termes de cette participation n'a, ni activement, ni passivement, d'action directe avec les tiers. »

- Adopté.


« Art. 68. Les associations momentanées et les associations en participation ont lieu entre les associés, pour les objets, dans les formes, avec les proportions d'intérêt et aux conditions convenues entre eux. «

- Adopté.

Section VI. De la liquidation des sociétés

Article 69

« Les sociétés commerciales sont, après leur dissolution, réputées exister pour leur liquidation.

« Toutes les pièces émanées d'une société dissoute mentionnent qu'elle est en liquidation. »

M. Lelièvreµ. - Je pense qu'il est bien entendu que cette disposition s'applique non seulement aux associés mais également aux tiers. En conséquence ceux-ci pourront exercer toutes actions contre la société formant un corps moral, et ce jusqu'à sa liquidation. Cette observation est nécessaire afin qu'il soit bien certain que, jusqu'à la liquidation, c'est la société elle-même qui pourra être assignée comme corps moral devant les tribunaux comme avant sa dissolution.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - C'est évident. L'article existe non seulement pour les associés, mais pour les tiers. C'est même surtout pour les tiers qu'il existe, afin qu'ils puissent assigner la société.

- L'article est adopté.

Articles 70 et 71

« Art. 70. S'il n'y est autrement pourvu par les contrats, le mode de liquidation est déterminé et les liquidateurs sont nommés par l'assemblée générale des associés. Dans les sociétés en nom collectif et dans les sociétés en commandite, les décisions ne sont valablement prises que par l’assentiment de la moitié des associés possédant les trois quarts de l’avoir social ; à défaut de majorité, il est statué par les tribunaux. »

- Adopté.


« Art. 71. A défaut de nomination de liquidateurs, les associés gérants dans les sociétés en nom collectif et dans les sociétés en commandite, et les administrateurs dans les sociétés anonymes seront, à l'égard des tiers, considérés comme liquidateurs. »

- Adopté.

Article 72

« Art. 72. A défaut de disposition contraire dans les statuts ou dans l’acte de nomination. les liquidateurs peuvent intenter et soutenir toutes actions pour la société, recevoir tous payements, donner mainlevée avec ou sans quittance, réaliser toutes les valeurs mobilières de la société, endosser tous effets de commerce dont elle est porteur ou qui lui sont remis en payement, transiger ou compromettre sur toutes contestations. Ils peuvent aliéner les immeubles de la société par adjudication publique s'ils jugent la vente nécessaire pour payer les dettes sociales, ou si le nombre des associés est de sept ou plus.

M. le président. - M. le ministre de la justice, vous demandez, sans doute, la suppression des derniers mots : « ou si le nombre des associés est de sept ou plus » ?

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Au second vote, le gouvernement demandera le maintien des sept membres, mais en ce moment la Chambre, pour être conséquente avec ses votes antérieurs, doit supprimer les mots indiqués par M. le président.

M. Lelièvreµ. - Ne conviendrait-il pas d'ordonner que la vente des immeubles aura lieu, conformément à la loi du 12 juin 1816, en présence du juge de paix et de son greffier ? Parmi les intéressés peuvent se trouver des mineurs. C'est pour ce motif que la loi sur la saisie immobilière (août 1854) a énoncé la formalité que je réclame. Les mêmes motifs sont applicables au cas qui nous occupe ; du reste, c'est là une garantie en faveur des intéressés et sauvegardant tous les droits.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Cela n’est pas possible ; il y a assez d’intéressés majeurs, qui surveilleront l'adjudication publique. Il est donc inutile de passer par les formalités coûteuses de la loi de 1816.

M. Lelièvreµ. - Il me paraît bien entendu que, dans le sens de notre article, ce sont les liquidateurs qui, étant autorisés à aliéner, seront appelés à régler les conditions sous lesquelles aura lieu l'aliénation. Notre article est général sous ce rapport et ne contient aucune restriction. Le règlement des conditions de la vente appartient à ceux qui ont le droit de vendre.

- La suppression des derniers mots de l’article 72 est mise aux voix et adoptée.

L'article, ainsi modifié, est mis aux voix et adopté.

Articles 72bis à 78

« Art. 72bis. Ils peuvent, mais seulement avec l'autorisation de l’assemblée générale des associés, donnée conformément à l'article 70, continuer, jusqu'à réalisation, l'industrie ou le commerce de la société, emprunter pour payer les dettes sociales, créer des effets de commerce, hypothéquer les biens de la société, les donner en gage, aliéner ses immeubles même de gré à gré et dans tous les cas, et faire apport de l’avoir social dans d'autres sociétés. »

- Adopté.


« Art. 73. Les liquidateurs peuvent exiger des associés le payement des sommes qu'ils sont engagés à verser dans la société et qui paraissent nécessaires au payement des dettes et des frais de liquidation, en tenant compte, s'il y a lieu, des éventualités de non-paiement. »

- Adopté.


« Art. 74. Les liquidateurs, sans préjudice aux droits des créanciers privilégiés, payeront toutes les dettes de société, proportionnellement et sans distinction entre les dettes exigibles et les dettes non exigibles, sous déduction de l'escompte, pour celles-ci.

« Ils pourront cependant, sous leur garantie personnelle, payer d'abord les créances exigibles, si l'actif dépasse notablement le passif, ou si les créances à terme ont une garantie suffisante, et sauf le droit des créanciers de recourir aux tribunaux. »

- Adopté.


« Art. 75. Après le payement ou la consignation des sommes nécessaires au payement des dettes, les liquidateurs distribueront aux sociétaires les sommes ou valeurs qui peuvent former des répartitions égales ; ils leur remettront les biens qui auraient dû être conservés pour être partagés.

« Ils peuvent, moyennant l'autorisation indiquée en l'article 72, racheter les actions de la société soit à la bourse, soit par souscription ou soumission auxquelles tous les sociétaires seraient admis à participer. »

- Adopté.


« Art. 76. Les liquidateurs sont responsables, tant envers les tiers qu’envers les associés, de l'exécution de leur mandat et des fautes commises par eux dans leur gestion. »

- Adopté.


« Art. 77. Chaque année, les résultats de la liquidation sont soumis à l'assemblée générale de la société, avec l'indication des causes qui ont empêché la liquidation d'être terminée. Dans les sociétés anonymes, le bilan est en outre publié. »

- Adopté.


« Art. 78. Lorsque la liquidation sera terminée, les liquidateurs feront un rapport à l'assemblée générale sur la manière dont il a disposé des valeurs sociales, et soumettront les comptes et pièces à l'appui. L'assemblée nommera des commissaires pour examiner ces documents et fixera une nouvelle réunion dans laquelle il sera statué, après le rapport commissaires, sur la gestion des liquidateurs.

« La clôture de la liquidation sera publiée conformément à l'article 11. »

- Adopté.

La séance est levée à 4 heures.