Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Documentation Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 7 décembre 1869

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1869-1870)

(Présidence de M. Van Humbeeck, vice-présidentµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 169) M. de Vrintsµ procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart ; il donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Reynaertµ présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« La veuve Andries réclame l'intervention de la Chambre pour que le département de la guerre accorde à son fils Alfred une prolongation de délai afin de se faire remplacer. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les secrétaires communaux de l'arrondissement de Philippeville demandent que l'avenir des secrétaires communaux soit assuré et que leur traitement soit mis en rapport avec l'importance de leur travail et des services qu'ils rendent aux administrations communales, provinciales et générale. »

- Même renvoi.


« Le bourgmestre de Framont demande qu'on n'accorde plus aux receveurs communaux l'autorisation de cumuler leurs fonctions avec celles de conseiller communal. »

- Même renvoi.


« Le sieur Ramoux demande que la loi impose aux administrations communales l'obligation de mettre à la disposition du conseil de milice un local convenable. »

- Dépôt sur le bureau pendant le vote définitif du projet de loi sur la milice.


« M. le ministre de la justice transmet, avec les pièces de l'instruction, une demande de naturalisation ordinaire. »

- Renvoi à la commission des naturalisations.


« M. Bieswal, retenu pour affaires urgentes, demande un congé de huit jours.

« M. Couvreur, empêché par un deuil de famille, demande un congé de quelques jours.

« M. Watteeu, obligé de s'absenter, demande un congé de deux jours. »

- Ces congés sont accordés.


MPVanHumbeeckµ. - Messieurs, la lettre suivante a été adressée à MM. les président et membres de la Chambre des représentants.

« Bruxelles, le 6 décembre 1869.

« Messieurs,

« J'ai la douleur de vous faire part, au nom de la famille, de la mort de notre père, M. Alexandre Gendebien, ancien membre du gouvernement provisoire, du Congrès national et de la Chambre des représentants.

« Il est décédé ce matin.

« Je vous prie, messieurs, d'agréer l'assurance de ma haute considération.

« (Signé) Félix Gendebien. »

Projet de loi modifiant le titre VIII, livre I, du code de commerce : De la Lettre de change

Discussion des articles

Articles 115 et 116

« Art. 115. Une lettre de change peut être tirée :

« A vue, à un ou plusieurs jours de vue, à un ou plusieurs mois de vue, à une ou plusieurs usances de vue ;

« A un ou plusieurs jours de date, à un ou plusieurs mois de date, à une ou plusieurs usances de date, à jour fixe ou à jour déterminé, en foire. »

- Adopté.


« Art. 116. La lettre de change à vue est payable a sa présentation. »

- Adopté.

Article 117

« Art. 117. L'échéance d'une lettre de change à un ou plusieurs jours de vue, à un ou plusieurs mois de vue, à une ou plusieurs usances de vue, est fixée par la date de l'acceptation ou par celle du protêt faute d'acceptation. »

MpVanHumbeeckµ. - La commission propose la rédaction suivante :

« Art. 117. Si la lettre est à un ou plusieurs jours de vue, à un ou plusieurs mois de vue, à une ou plusieurs usances de vue, la date de l'échéance est fixée soit par la date de l'acceptation, soit par celle du protêt faite d'acceptation, soit enfin par celle du visa apposé sur la lettre par le tiré.

« Si le tiré refuse soit de dater son acceptation, soit, à défaut d'acceptation, d'apposer sur la lettre son visa daté, le porteur peut constater la présentation et le refus par un exploit d'huissier, dont la date fera courir le délai de l'échéance.

« Les frais de cet acte seront à la charge du tiré, qui y a donné lieu par son refus.

« A défaut de cet acte, le jour de l'échéance est calculé, lorsque le tiré a omis de dater son acceptation ou son visa, en partant du dernier jour du délai accordé pour présenter la lettre de change. »

M. le ministre de la justice a proposé, en dernier lieu, de rédiger l'article comme suit :

« Art. 117. Si la lettre est à un ou plusieurs jours de vue, à un ou plusieurs mois de vue, à une ou plusieurs usances de vue, la date de l'échéance est fixée, soit par la date de l'acceptation, soit par celle du protêt faute d'acceptation, soit enfin par celle du visa apposé sur la lettre par le tiré.

« Si le tiré refuse de dater son acceptation, ou, à défaut d'acceptation, d'apposer sur la lettre un visa daté, le porteur pourra faire constater la présentation et le refus par un exploit d'huissier, dont la date fera courir le délai de l'échéance.

« Les frais de cet acte seront à la charge du tiré, s'ils ont été occasionnés par son refus.

« A défaut d'un tel acte et lorsque le tiré aura omis de dater son acceptation ou son visa, le jour de l'échéance sera calculé en partant du dernier jour du délai accordé pour présenter la lettre. »

MpVanHumbeeckµ. - M. le rapporteur maintient-il la première rédaction de la commission ?

M. Dupont, rapporteurµ. - Non, M. le président ; je me rallie au projet du gouvernement. Il n'y a, du reste, que des changements de rédaction.

M. Lelièvreµ. - Je désirerais obtenir quelques explications pour l'intelligence de l'article. Je présume que le refus du tiré d'apposer sur la lettre son visa daté pourrait résulter d'une lettre écrite au tiré et à laquelle ce dernier n'aurait pas répondu. En ce cas, il me paraît qu'il devrait payer les frais de la sommation qu'il aurait rendue nécessaire. En effet, en (page 170) matière commerciale une lettre suffit pour obliger le tiré à s'expliquer. Si donc, par son refus de répondre, il nécessite un acte de sommation, il doit en payer les frais. Sans cela, il serait facile d'éluder la disposition de la loi et d'occasionner au porteur des frais qu'on aurait pu lui épargner.

- L'article est adopté.

Article 118

« Art. 118. L'usance est de trente jours, qui courent du lendemain de la date de la lettre de change.

« Les mois sont tels qu'ils sont fixés par le calendrier grégorien. »

MpVanHumbeeckµ. - La commission propose, de remplacer le paragraphe 2 par le paragraphe suivant :

« La lettre de change tirée à un ou plusieurs mois de date est payable à la date qui, dans le mois de son échéance, correspond à celle du jour où elle a été tirée.

« Si cette date n'existe pas, la lettre est payable le dernier jour du mois de l'échéance. »

- L'article, rédigé comme le propose, la commission est adopté.

Article 119 à 122

« Art. 119. Une lettre de change, payable en foire est échue la veille du jour fixé pour la clôture de la foire, ou le jour de la foire, si elle ne dure qu'un jour. »

- Adopté.


« Art. 120. Si l'échéance d'une lettre de change est un jour férié légal, elle est payable la veille. »

- Adopté.


« Art. 121. Tous délais de grâce, de faveur, d'usage ou d'habitude locale, pour le payement des lettres de change, sont abrogés. »

- Adopté.

Article 122

« Art. 122. La propriété d'une lettre de change se transmet par voie d'endossement, même après l'échéance avec les garanties hypothécaires qui y sont attachées. Toutefois, si l'endossement est postérieur à l'échéance, le tiré pourra opposer au cessionnaire les exceptions qui lui compétaient contre le propriétaire de la lettre au moment où elle est échue.

« Si l'hypothèque a été consentie, pour sûreté d'un crédit ouvert, les porteurs des effets créés en vertu de cette ouverture de crédit ne pourront en profiter que jusqu'à concurrence du solde final du compte. »

La commission proposait de rédiger cet article comme suit :

« La propriété d'une lettre de change se transmet par la voie de l'endossement, même après l'échéance, avec les garanties hypothécaires qui y sont attachées.

« Si l'hypothèque a été consentie pour sûreté d'un crédit ouvert, les porteurs des effets créés en vertu de cette ouverture de crédit ne peuvent en profiter que jusqu'à concurrence du résultat final du crédit. »

MpVanHumbeeckµ. - M. Jacobs a proposé un amendement qui est ainsi conçu :

« Supprimer tout ce qui suit les mots : même après l'échéance. »

M. Jacobsµ. - Messieurs, le vote de la Chambre sur l'article 100 entraîne une modification nécessaire de mon amendement. Du moment que le porteur a droit à la provision, le principal, il a droit aux garanties hypothécaires, l'accessoire. Je renonce donc à la suppression des mots : « avec les garanties hypothécaires qui y sont attachées. »

Je maintiens néanmoins la suppression du paragraphe 2.

En effet, messieurs, dans le cas où le tiré a ouvert un crédit, ce tiré est débiteur du montant du crédit qu'il s'est engage à ouvrir ; dès lors la lettre de change a une provision : c'est le montant du crédit ; dès lors encore, en vertu de l'article 102, le tiré muni de provision est tenu d'accepter à concurrence de cette provision. Il s'ensuit que l'application des principes généraux fait profiter le porteur de l'hypothèque puisque, tant qu'il y a une certaine somme disponible sur le crédit qu'elle garantit, le tiré est obligé d'accepter et de payer. Il est donc inutile d'édicter, à cet égard, une disposition spéciale.

Le premier paragraphe de l'article porte qu'on peut transmettre la propriété d'une lettre de change, par l'endossement, même après l'échéance. Le gouvernement a pensé qu'il fallait à cette disposition un correctif qui obligeât le porteur définitif à subir toutes les exceptions qu'on eût pu opposer au porteur à l'époque de l'échéance.

Il est un second correctif qu'il y a lieu, sinon d'insérer, au moins d'admettre comme conséquence naturelle, c'est que l'article 1699 du Code, civil relatif au transport de créances litigieuses, s'applique à la lettre de change endossée après l'échéance. Il faut que le débiteur de la lettre puisse se libérer en restituant au porteur qui l'a acquise à prix réduit après l'échéance ce prix réduit qu'il a payé.

Si cela est entendu, il est inutile d'apporter une modification à l'article.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Nous sommes d'accord avec l'honorable membre quant au paragraphe premier. Il demande ensuite la suppression du paragraphe 2, car, dit-il, dans ce cas il est inutile d'accorder l'hypothèque, puisque le tiré a ouvert un crédit. Il s'agit des dispositions du prêteur sur l'emprunteur, car évidemment les dispositions de l'emprunteur sur le prêteur ne peuvent pas avoir d'hypothèque ; il n'y a que le crédit qui soit garanti par l'hypothèque. Les dispositions de l'emprunteur ne sont pas garanties par l'hypothèque. (Interruption.)

Ce sont des dispositions du banquier pour se couvrir du crédit qu'il a ouvert et qui a été consommé par le débiteur.

On a inséré ce paragraphe uniquement pour décider que cette hypothèque ne pourra valoir que pour le résultat du compte final.

Ainsi, si, par exemple, le prêteur dispose pour 2,000 francs, si, au règlement de compte, il ne lui revient que 1,000 francs, il n'y aura hypothèque que pour 1,000 francs.

L'honorable membre a terminé par une consultation sur la question de savoir si l'article 1716 du code civil doit être appliqué dans l'espèce. Je ne puis répondre qu'une chose, c'est que les principes du droit recevront leur application. Quant à donner une solution à la question de l'honorable membre, je ne puis le faire.

M. Lelièvreµ. - J'estime que les mots « garanties hypothécaires » ne sont pas limitatifs. Il en serait de même de tous privilèges attachés à la créance, par exemple, le droit de gage. En un mot, la créance se transmet par endossement avec tous les droits, privilèges et hypothèques qui résultent soit de la convention, soit de la loi.

M. Jacobsµ. - Si j'ai bien compris l'honorable ministre de la justice, le second paragraphe a pour but de prévoir le cas où le banquier qui a fait une ouverture de crédit se rembourse sur celui auquel il a fait cette ouverture.

Mais dans ce cas il est certain, sans qu'on le mette dans la loi, qu'il ne pourra avoir hypothèque que sur les traites qui ont rapport avec ce crédit et que s'il lui plaît de disposer pour une somme beaucoup plus considérable, comme il s'agit d'une autre affaire, il ne pourra pas bénéficier des hypothèques.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Il peut y avoir diverses opérations.

M. Jacobsµ. - Il me semble que dans quelque position qu'on se place, soit pour les traites tirées sur un banquier, soit pour les traites de retour tirées par le banquier, le second paragraphe n'a aucune espèce d'utilité.

Je ne parviens pas à prévoir un cas qui ne serait régi par le droit commun.

M. Dupont, rapporteurµ. - J'ai eu l'honneur d'expliquer, dans mon rapport, les motifs pour lesquels le paragraphe 2 a été introduit dans l'article que nous discutons en ce moment.

Le principe général se trouve dans le paragraphe de l'article et je constate que tout le monde est d'avis qu'il y a lieu d'adopter l'opinion que j'ai soutenue dans le rapport. Je crois, en effet, que malgré quelques difficultés qui, l'exemple de la France le prouve, sont loin d'être insurmontables, le résultat obtenu sera des plus avantageux au point de vue des intérêts généraux du commerce.

Le paragraphe 2 prévoit un cas spécial, c'est le cas d'ouverture d'un crédit qui est garantie par une hypothèque. M. Jacobs sait que beaucoup d'opérations de prêt se font aujourd'hui sous cette forme.

Un banquier, comme garantie d'un crédit qu'il aura ouvert à un négociant, se sera fait stipuler une hypothèque ; il arrivera, par exemple, que pendant que le crédit restera ouvert, le négociant souscrira des billets à ordre au profit de ce banquier que celui-ci endossera ; il s'agit de savoir dans quelle limite les porteurs pourront profiter de l'hypothèque attachée à ces billets. On pourrait croire, d'après le paragraphe premier, que cette hypothèque est transmise en général au porteur des effets.

Il n'en est pas tout à fait ainsi. Le paragraphe 2, conforme à la jurisprudence française, déclare que les différents porteurs ne profiteront de cette hypothèque que jusqu'à concurrence du solde final du crédit.

Cela signifie que si ce crédit se solde au profit du banquier, les porteurs des divers effets auront recours contre le négociant, mais seulement jusqu'à concurrence de ce qui restera dû par le négociant au banquier créditeur. Tous les porteurs réunis verront réduire leurs droits au solde final du compte.

Au surplus, il est intervenu en France, sur ce point, de nombreux arrêts qui ont tous appliqué cette restriction et c'est cette jurisprudence que nous entendons consacrer.

M. Jacobsµ. - Je demanderai à l'honorable rapporteur à quelle époque il faut se placer pour déterminer le solde final du crédit.

Lorsqu'un crédit est ouvert, il y a des opérations qui se poursuivent pendant un grand nombre d'années et qu'il faut garantir constamment par cette hypothèque qui correspond à la circulation normale entre le négociant et le banquier.

(page 171) Il me semble que c'est au moins à l'époque de l'échéance qu'il faut se placer ; que c'est à cette époque qu'il faut voir si, à ce moment-là, il existe un solde, une autre garantie que l’hypothèque. En d'autres termes, il ne faut pas attendre le règlement final du compte, attendu que ce règlement pourrait être différé indéfiniment.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Il est évident que c'est au moment de l'échéance que le compte doit être réglé. Voici ce que l'article veut : je suppose un crédit de mille francs et une lettre de change de 2,000 francs ; il est évident qu'il n'y a hypothèque qu'à concurrence de 1,000 francs.

M. Jacobsµ. - C'est ainsi que j'avais compris l'article ; mais alors la disposition est tout à fait inutile, attendu que l'accessoire suit le principal.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - L'honorable membre est dans l'erreur : le porteur d'un pareil effet pourrait être trompé sur l'importance de sa garantie. Il est essentiel de rendre les porteurs d'effets attentifs sur la valeur réelle de l'hypothèque. La garantie hypothécaire est essentiellement précaire : elle dépend du règlement de compte entre l'emprunteur et le prêteur.

- La discussion est close.

L'amendement de M. Jacobs est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

Les deux paragraphes de l'article 122 (amendements du gouvernement) sont mis successivement aux voix et adoptés dans les termes suivants :

« La propriété d'une lettre de change se transmet par voie d'endossement, même après l'échéance, avec les garanties hypothécaires qui y sont attachées. Toutefois, si l'endossement est postérieur à l'échéance, le tiré pourra opposer au cessionnaire les exceptions qui lui compétaient contre le propriétaire de la lettre au moment où elle est échue.

« Si l'hypothèque a été consentie, pour sûreté d'un crédit ouvert, les porteurs des effets créés en vertu de cette ouverture de crédit ne pourront en profiter que jusqu'à concurrence du solde final du compte. »

Articles 123 et 123bis

« Art. 123. L'endossement est daté.

« Il énonce le nom de celui à l'ordre de qui il est passé. »

MpVanHumbeeckµ. - La commission propose la rédaction suivante :

« L'endossement doit être écrit sur la lettre de change, sur une copie de la lettre ou sur une allonge.

« Il est valable, lors même qu'il ne consiste que dans la signature de l'endosseur sur le dos de la lettre.

« Tout possesseur d'une lettre de change peut, hors le cas de fraude, remplir l'endossement en blanc qui s'y trouve. Il peut aussi, sans le remplir, endosser à son tour la lettre. »

M. Jacobs, de son côté, propose de supprimer tout ce qui suit les mots : « même après l'échéance. »

M. Dupont, rapporteurµ. - Je me rallie à la rédaction du gouvernement.

M. Jacobsµ. - Messieurs, la proposition de gouvernement fait disparaître l'un de mes amendements en y faisant droit. Il n'y est plus question de la copie de la lettre de change.

La finale de l'article, modifiée quelque peu, il est vrai, est maintenue. Mon second amendement en réclame la suppression.

Le gouvernement divise l'article en deux. Il en fait l'article 123 et l'article 123 bis.

Une première observation qu'il me suggère est la suivante :

L'article 123 veut que l'endossement énonce le nom de celui à l'ordre de qui la traite est faite.

L'article 123bis ajoute que l'endossement peut être en blanc si, à l'époque où il a été consenti, l'endosseur était encore capable d'aliéner.

Or, messieurs, cette réserve ne s'applique pas seulement à l'endossement en blanc ; elle est commune à toute espèce d'endossement.

Tous les endossements sont, à cet égard, sur la même ligne ; ils ne peuvent être consentis que lorsque l'endosseur est encore capable de contracter.

Il me paraît difficile de voter d'une part un article établissant une règle et de l'autre un second article consacrant une exception, la règle et l'exception ne différant de la règle que par une condition qui leur est commune.

Il y a lieu de remanier l'article 123 et l'article 123bis, de les fondre en un article, dans les sens des observations que je viens de présenter ; je me réserve d'arrêter ma rédaction après avoir entendu le gouvernement et le rapporteur de la commission.

Ensuite, messieurs, je voudrais savoir, à propos de cet article, quel est celui qui doit dater un endossement en blanc, l'endosseur quand il endosse en blanc ou le porteur quand il remplit un blanc.

Je pense qu'en règle générale ce sera l'endosseur qui remplira la date, bien qu'il ne comble pas le blanc destiné à contenir le nom de celui à qui il endosse.

Cette date servira, dans l'un et l'autre cas, à déterminer, sauf preuve contraire, si, au moment où la signature a été apposée, l'endosseur était capable d'aliéner.

Quant au paragraphe final, qui donne le droit à l'endosseur de faire suivre un endossement en blanc d'un second endossement en blanc, je me demande quelle en est l’utilité.

Dès qu'il y a un endossement en blanc, l'effet est transmissible de la main à la main par simple tradition. Un seul endos en blanc suffît pour dix transferts. A quoi bon un second ?

Je retire donc mon premier amendement sur la copie puisqu'il y est fait droit.

Je maintiens le second, portant sur le paragraphe final, et je me réserve de condenser les deux articles en un seul après avoir obtenu les explications que j'ai provoquées.

MpVanHumbeeckµ. - M. Jacobs, votre amendement se rapporte à l'article 123bis. Je n'ai mis en discussion que l'article 123.

M. Jacobsµ. - Oui, M. le président, mais les deux articles sont intimement liés :

MpVanHumbeeckµ. - La discussion peut en effet parfaitement porter sur les deux articles.

M. Lelièvreµ. - Je pense qu'il serait préférable d'énoncer : « Si à l'époque ou il a été consenti, l'endosseur était encore capable de contracter ».

Ainsi un mineur émancipé ne peut pas aliéner, mais il peut contracter, il peut endosser des billets.

J'estime donc que l’énonciation : « capable de contracter », serait plus exacte comme étant applicable à tous les cas.

M. Dupont, rapporteurµ. - Messieurs, je reconnais, pour ma part, que les observations de M. Jacobs sont fondées en ce qui concerne le paragraphe premier de l'article 123bis.

L'honorable membre nous fait remarquer que la restriction qui suit la particule « si » semble ne s'appliquer qu'à l'endossement en blanc, tandis qu'elle est vraie également pour l'endossement ordinaire et régulier : c'est un principe général qui s'applique à tous les cas. C'est bien là le sens de 1'observalion de M. Jacobs. Il considère la rédaction comme vicieuse par ce motif.

M. Jacobsµ. - Oui.

M. Dupont, rapporteurµ. - La remarque me semble juste, et si le gouvernement n'y voit pas d'inconvénient, on pourrait supprimer cette finale du paragraphe premier de l'article 123bis.

Je crois, d'autre part, qu'il y a lieu de maintenir le paragraphe final de l'article 123. M. Jacobs nous dit : cette partie finale est inutile et peut être dangereuse : en tout cas, il faudrait insérer dans la loi une disposition semblable à celle de la loi allemande qui présume le second endosseur en blanc cessionnaire de l'endosseur en blanc qui le précède.

Messieurs, les usages du commerce et les lois de divers peuples, notamment la loi générale allemande, admettent une série d'endossements en blanc se succédant sur une même lettre de change. Pourquoi vouloir obliger le Belge à refuser une lettre de change tirée de l'étranger sur la Belgique parce que cette lettre aurait été plusieurs fois endossée en blanc ? Pourquoi obliger même un commerçant, en endossant en blanc une lettre à l'aide de sa simple signature, à remplir l'endos qui précède ? Je n'en vois pas la nécessité, et s'il peut y avoir des abus, on doit s'y résigner dans l'intérêt du commerce qui exige l'endos en blanc. C'était déjà l'avis de d'Aguesseau : les mœurs sont ici plus fortes que les lois.

M. Jacobs, dans son premier discours, semblait du reste disposé à admettre les endossements en blanc successifs si l'on introduisait dans la loi une disposition analogue à celle de la loi allemande sur les rapports juridiques entre les endosseurs en blanc. Mais l'honorable membre perd, à mon avis, de vue l'article du projet qui attribue à une simple signature tous les effets de l'endossement ; il en résulte comme conséquence directe que si un endossement en blanc succède à un autre, celui-ci a pour effet le transfert de la propriété de l'effet à l'endosseur dont la signature suit et constate ce transfert.

Il n'y a, sous ce rapport, aucune différence entre le projet et la loi allemande, et l'honorable membre peut dès lors, me paraît-il, se rallier à la rédaction proposée et retirer son amendement.

M. Mullerµ. - Le mot « néanmoins » est-il nécessaire ?

M. Dupont, rapporteurµ. - On pourrait également supprimer le mot « néanmoins » en fondant les deux articles.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - L'honorable M. Jacobs a fait des observations au sujet du premier paragraphe de l'article 123bis.

Il est évident que cet article résulte des principes généraux.

Un individu qui ne peut contracter ne peut évidemment endosser une lettre de change, mais il est à remarquer que l'article 123bis est une (page 172) exception faite à l'article 123. C'est une exception que le projet de loi tend à rendre aussi rare que possible.

Il est bon de rappeler à ceux qui acceptent de pareils effets que c'est au moment de l'endossement que la capacité de l'endosseur doit exister.

Quant au second paragraphe, il est nécessaire, car il se fait en Belgique un commerce de traites étrangères avec plusieurs endos en blanc.

M. Jacobsµ. - Messieurs, pour aboutir, autant que possible, à une entente, je me borne à demander la suppression de la fin du premier paragraphe de l'article 123bis.

Il a le tort d'énoncer une vérité par trop élémentaire et d'indiquer comme différence entre le cas où l'endossement est en nom et le cas où il est en blanc, une condition commune à ces deux genres d'endossements.

Le texte de l'article semble dire, en effet, que ce n'est que conditionnellement et dans une mesure restreinte que l'endossement en blanc est permis, tandis que, d'après notre intention, l'endossement en blanc sera permis autant que l'endossement en nom : l'un sera aussi licite, aussi régulier que l'autre.

Je parle en droit ; car en fait, l'endossement en nom sera beaucoup plus fréquent que l'endossement en blanc.

Il est une question qu'il y aurait peut-être lieu de trancher par la loi, à propos de laquelle j'ai fait une question soumise au gouvernement, question qu'il n'aura probablement pas saisie, car elle vaut une réponse. Il s'agit de savoir qui pourra dater l'effet endossé en blanc ; sera-ce le tireur lors de l'endos, ou le porteur à l'époque qui lui conviendra ?

M. Dupont, rapporteurµ. - Dans l’état actuel de la jurisprudence, on distingue les endos en blanc et les endos irréguliers.

Quant aux endos en blanc, la jurisprudence est arrivée à consacrer ce que nous faisons par la loi ; on admet que l'endossement en blanc confère la propriété.

Il n'en est pas de même de l'endossement irrégulier, c'est-à-dire de l'endossement dont la date, la valeur fournie ou le nom manque, au mépris des dispositions du code.

Noire but est de déférer aux vœux du commerce, c'est-à-dire de consacrer la parfaite validité de l'endossement en blanc et de l'endossement irrégulier et de donner au porteur le droit de remplir l'endos quand il le juge, utile. Il me paraît que puisque c'est là notre intention et que les habitudes du commerce, l'exigent, il faut accorder au porteur le droit de remplir la date vraie de l'endossement. Mais il faut naturellement qu'en la remplissant, il évite toute fraude. Car s'il commet une fraude quelconque, par exemple s'il appose une date fausse pour violer la loi sur les faillites on se soustraire à une incapacité quelconque, il encourt les peines indiquées par le code pénal, il commet un faux. En résumé, je ne vois pas d'inconvénient à ce que le porteur remplisse sans fraude l'endos en blanc et notamment à ce qu'il appose la date qui manque, si cette date est celle de la négociation de l'effet.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Les observations que vient de présenter l'honorable M. Dupont me prouvent que la fin du premier paragraphe de l'article 123bis n’est pas inutile. Car l’époque de l’endossement doit servir pour apprécier la capacité de la personne qui a endossé.

Le porteur de l'effet aura le droit de mettre. la date. Mais s'il ne met pas la date réelle de l'endossement, on aura le droit de prouver que ce n'est pas la date réelle et qu'à cette époque l'individu qui a endossé n'était pas en droit d'aliéner la lettre de change.

Je crois donc qu'il est utile de maintenir la fin du premier paragraphe et le second paragraphe en remplaçant le mot « aliéner » par le mot « contracter », comme le propose l'honorable M. Lelièvre.

M. Teschµ. - Il me semble qu'il vaudrait mieux réunir les articles 123 et I23bis en un seul article qui serait ainsi rédigé :

« L'endossement est daté.

« Il énonce le nom de celui à l'ordre de qui il est passé.

« Toutefois l'endossement fait au moyen d'une simple signature apposée sur le dos du titre est valable.

« Tout possesseur d'une lettre de change peut, le cas de fraude excepté, remplir l'endossement en blanc qui s'y trouve. Il a également le droit d'endosser lui-même sans avoir, au préalable, rempli le blanc. »

Sinon, vous avez deux règles générales, sans que cela soit indiqué.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - L'honorable M. Tesch semble demander une explication sur les mots ; « si, à l'époque où il a consenti, l'endosseur était encore capable de contracter ».

Nous ne faisons ici qu'appliquer un principe général. L'endossement doit être daté.

Le défaut de date peut donner lieu à une foule de fraudes ; on peut reporter l’endossement à une époque qui n'est pas celle où la lettre de change a été émise ; nous faisons connaître que l'endossement doit, pour être valable, avoir été fait à une époque où l’endosseur était capable de contrarier, c'est-à-dire qu'on aura beau antidater l'endossement, il n'en devra pas moins être considéré comme ayant été fait à la date véritable de la cession de lettre de change. Nous insérons cette disposition pour qu'il n'y ait pas le moindre doute à cet égard.

M. Teschµ. - Il me semble que l'explication de M. le ministre, constatée aux Annales parlementaires, suffirait.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je dois faire observer qu'il y a divergence d'opinion et que M. Jacobs lui-même a demandé s'il serait permis d'antidater. C'est pour faire cesser toute équivoque que j'ai proposé l'amendement.

M. Jacobsµ. - Les observations que j'ai présentées n'ont pas tout à fait la portée qu'y assigne M. le ministre de la justice. Je suis d'accord avec lui, et il n'est pas possible qu'on soit en désaccord sur ce point, que l'endossement doit être reporté à la date où il a été signé pour en déterminer la validité.

Je me suis borné à demander si le porteur pourrait y insérer une autre date quand l'endosseur a laissé en blanc la date de l'endos. Mais il va sans dire que cette date, apposée par la main du porteur, pourrait être contredite.

On pourrait prétendre et prouver que ce n'est pas la date à laquelle l'endos a été consenti ; ce qui est indiscutable, aussi bien pour l'endossement en blanc que pour l'endossement écrit, c'est que c'est à l'époque ou l'endossement a été signé par l'endosseur qu'il faut se reporter pour déterminer s'il était capable d'user de ses droits et d'aliéner la traite.

Dès lors, la finale ajoutée à l'article n'a aucune utilité.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - La chose, n'est pas si évidente que veut bien le dire l'honorable membre.

Ainsi, il peut y avoir des interruptions de capacité.

Voici un individu interdit. Il endosse, pendant son interdiction, une lettre de change. Plus tard, l'interdiction est levée. Le porteur peut fort bien mettre une date postérieure à la levée de l'interdiction, et l'on pourrait parfaitement soutenir qu'un pareil endossement est valable.

La lettre de change n'a pas été retirée après l'interdiction. Tant pis pour l’interdit.

Je crois donc qu'il ne faut pas se montrer trop pointilleux.

Evidemment, au point de vue des principes généraux, la disposition paraît inutile ; mais elle est de nature à rendre les choses claires pour tout le monde, et dès lors, je ne vois pas l’utilité de la suppression.

MpVanHumbeeckµ. - Je mets d'abord aux voix la proposition de réunir les deux dispositions en un article.

- Cette proposition est adoptée.

MpVanHumbeeckµ. - Les deux premiers paragraphes de l'article ne donnent lieu à aucun amendement. Ils sont ainsi conçus :

« L'endossement est daté.

« Il énonce le nom de celui à l'ordre de qui il est passé. »

- Ces deux paragraphes sont adoptés.

MpVanHumbeeckµ. - Quant au paragraphe 3, voici la dernière rédaction proposée par M. le ministre de la justice :

« Toutefois l'endossement fait au moyen d'une simple signature sur le dos du titre est valable si, à l'époque où il a été consenti, l'endosseur était encore capable d'aliéner. »

M. Tesch, de son côté, propose la rédaction suivante :

« Toutefois l'endossement fait au moyen d'une simple signature apposée sur le dos du titre est valable. »

Cet amendement doit être mis aux voix d'abord.

- L'amendement de M. Tesch est adopté.

MpVanHumbeeckµ. - Vient le paragraphe 4 ainsi conçu :

« Tout possesseur d'une lettre de change peut, le cas de fraude excepté, remplir l'endossement en blanc, qui s'y trouve. Il a également le droit d'endosser lui-même, sans avoir, au préalable, rempli le blanc. »

M. Jacobs propose, par amendement, la suppression de la deuxième phrase.

M. Jacobsµ. - Je renonce à mon amendement.

- Le paragraphe est adopté.

Article 124 (nouveau)

MpVanHumbeeckµ. - La commission propose un article 124 nouveau ainsi conçu :

« Si la lettre a été endossée au profit du tireur, d'un endosseur antérieur ou même de l'accepteur, et si elle a été de nouveau endossée par eux avant l'échéance, tous les endosseurs restent néanmoins tenus vis-à-vis du porteur. »

(page 173) Le gouvernement s'y rallie-t-il ?

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Oui.

- L'article est adopté.

Article 124

MpVanHumbeeckµ. - Nous passons à l'article 124 du projet primitif :

« Si l'endossement n'est pas conforme aux dispositions de l'article précèdent, il n'opère pas le transport ; il n'est qu'une procuration. »

La commission en propose la suppression.

Le gouvernement se rallie-t-il à cette proposition ?

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Oui, M. le président.

Article 125

« Art. 125. L'endossement fait foi de sa date jusqu'à preuve contraire.

« Il est défendu d'antidater les ordres, à peine de faux.

« Si l'endossement n'est pas daté, c'est au porteur, en cas de contestation, à établir que l'endossement a été fait à une époque où l'endosseur était encore capable d'aliéner. »

La commission propose la rédaction suivante :

« L'endossement fait foi de sa date jusqu'à preuve contraire.

« Il est défendu d'antidater frauduleusement les ordres, sous peine de faux.

« Si l'endossement n'est pas daté, c'est au porteur, en cas de contestation, à établir quelle est cette date. »

M. Dupont, rapporteurµ. - La commission se rallie au projet du gouvernement, M. le président, sauf le mot « alièner » qu'elle propose de remplacer par le mot « contracter ».

MpVanHumbeeckµ. - Il ne reste donc plus que le projet du gouvernement dans lequel on propose de remplacer le mot « aliéner » par le mot « contracter ».

M. Lelièvreµ. - Le paragraphe final est ainsi conçu, d'après la proposition du gouvernement :

« Si l'endossement n'est pas daté, c'est au porteur, en cas de contestation, à établir que l'endossement a été fait à une époque où l'endosseur était encore capable d'aliéner. »

La proposition de la commission portait : C'est au porteur, en cas de contestation, à établir quelle est cette date.

Je préférerais cette dernière rédaction, parce qu'en cas d'endossement sans date, il peut s'élever des contestations autres que celle de savoir si l'endossement a été fait à une époque où l'endosseur était encore capable de contracter. La question de date peut encore être agitée dans d'autres hypothèses, de sorte qu'il me paraît préférable d'énoncer un principe général tel qu'il a été formulé par la commission. En tout cas, il est nécessaire de substituer le mot « contracter » à l'expression « aliéner, » comme du reste vient de le proposer l'honorable M. Dupont, d'après les observations que j’avais émises à l'occasion de l'article 123bis.

M. Dupont, rapporteurµ. - Je crois qu'il n'y a pas une différence bien grande entre le projet du gouvernement et celui de la commission.

L'honorable ministre de la justice m'a soumis des observations qui lui ont été présentées par M. Namur.

M. Namur propose, dans son travail, de remplacer le dernier paragraphe du projet de la commission par le paragraphe 3 qui fait l'objet de l'amendement de M. le ministre de la justice.

La commission mettait d'une manière générale à charge du porteur la preuve de la date en cas de contestation.

Le gouvernement est d'avis qu'il suffît de prouver que l'endossement a été fait à une époque où l'endosseur était capable d'aliéner.

Il est, dit-on, inutile d'imposer au porteur l'obligation de prouver à quelle époque fixe, précise l'endossement a eu lieu. Il suffit qu'on rapporte la preuve que l'endossement a eu lieu à une époque où celui qui l'a fait était capable de contracter. Ainsi, quelqu'un était capable en 1869, il suffit qu'on rapporte la preuve que l'effet a été négocié en 1869 et non pas que le transport a eu lieu tel jour de cette même année. Voilà toute la portée de la modification dans la pensée de son auteur et du gouvernement.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Du moment que l'on n'a pas admis le paragraphe 2 de l'article 123, il est inutile d'admettre la rédaction proposée par le gouvernement pour l'article 139. Celle rédaction avait été arrêtée en vue de l'article 123 et elle n'a plus de raison d'être.

Il vaut mieux maintenant adopter l'article proposé par la commission. Je retire donc mon amendement.

- L'amendement de la commission est mis aux voix et adopté.

Articles 126 à 128

« Art. 126. Tous ceux qui ont signé, accepté ou endossé une lettre de change sont tenus à la garantie solidaire envers le porteur. »

- Adopté.


« Paragraphe VIII. De l’aval.

« Art. 127. Le payement d'une lettre de change, indépendamment de l'acceptation et de l'endossement, peut être garanti par un aval. »

- Adopté.


« Art. 128. Cette garantie est fournie, par un tiers, sur la lettre même ou par acte séparé.

« Le donneur d'aval est tenu solidairement et par les mêmes voies que les tireurs et endosseurs, sauf les conventions différentes des parties. »

- Adopté.

Article 129

« Paragraphe IX. Du payement.

« Art 129 (projet du gouvernement). Une lettre de change doit êtré payée dans la monnaie qu'elle indique. »

MpVanHumbeeckµ. - La commission propose l'amendement suivant :

« Une lettre de change doit être payée dans la monnaie qu'elle indique.

« S'il s'agit d'une monnaie étrangère, le payement peut se faire en monnaie nationale au cours du change au jour de l'échéance, ou au cours fixé par l'effet, à moins cependant que le tireur n'ait prescrit formellement le payement en monnaie étrangère. »

M. Van Iseghem. - Je crois qu'au second paragraphe de l'article 129 il faut dire : « le payement doit se faire » au lieu de « peut se faire ». D'après l'article, tel qu'il est rédigé, il y aurait seulement faculté pour le tiré de faire en monnaie nationale le payement d'une traite tirée de l'étranger en monnaie étrangère. Je crois qu'il y aurait de sérieux inconvénients à maintenir cette faculté et il faut obliger le porteur de l'effet à recevoir le montant en monnaie belge au cours du jour. Je présente donc un amendement dans ce sens.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je ne m'oppose pas à cette modification.

M. le président. - M. le ministre se rallie donc à la rédaction de la commission, sauf la modification proposée par M. Van Iseghem, à laquelle il se rallie également.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je ne m'y oppose pas, M. le président.

M. Teschµ. - Il me semble qu'il faut maintenir la rédaction proposée par la commission. Le paragraphe premier pose la règle :

« Une lettre de change doit être payée dans la monnaie qu'elle indique. »

Voilà la règle. Cependant, elle peut être payée aussi d'une autre manière, c'est-à-dire en monnaie nationale, dans telles et telles conditions.

Cette rédaction est donc parfaitement rationnelle et me semble devoir être maintenue.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Voici l'inconvénient auquel l'honorable M. Van Iseghem veut obvier.

Evidemment, la commission avait admis une rédaction très rationnelle. Je crois cependant, après y avoir réfléchi, que, dans la pratique, la proposition de M. Van Iseghem présente certains avantages. Les Allemands, par exemple, disposeront sur des Belges en monnaie allemande et ils endosseront leurs effets successivement à plusieurs commerçants établis en Belgique. Il se peut qu'on paye l'effet en monnaie allemande ; mais il se peut aussi que le tiré ait intérêt à payer en monnaie étrangère et que le porteur de l'effet soit payé en thalers au lieu de recevoir de la monnaie belge, sur laquelle il comptait.

M. Teschµ. - Alors le premier paragraphe ne signifie plus rien.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Le premier paragraphe porte : « Une lettre de change doit être payée dans la monnaie qu'elle indique. »

Si un tireur prussien tire en thalers et que l'effet soit endossé à un Belge ayant de la monnaie prussienne et voulant payer en thalers prussiens, ils en ont le droit aux termes de l'article 122, paragraphe 2, si la lettre indique formellement le payement en thalers.

Le paragraphe premier est utile parce qu'il pose le principe général de la monnaie. Il sera encore applicable dans des cas importants : c'est lorsque le genre de monnaie sera indiqué, par exemple de l'or ou de l'argent.

M. Teschµ. - Messieurs, l'article 129, tel qu'il a été proposé par la commission, me paraît parfaitement logique et raisonnable. Le paragraphe premier dit : « Une lettre de change doit être payée dans la monnaie qu'elle indique », et je suppose, par exemple, qu'un individu d'Aix-la-Chapelle ou de Cologne tire sur Bruxelles pour cent thalers ; eh bien, à Bruxelles on pourra donner les cent thalers ; mais si le Belge ne possède pas cent thalers en monnaie prussienne, le deuxième paragraphe lui donne la faculté de payer en monnaie nationale, mais les thalers seront calculés au cours du jour.

Voilà comment je comprends l'article, et je propose de maintenir la rédaction de la commission.

M. Van Iseghem. - Je crois qu'il faut dire dans le texte de l'article (page 174) que le porteur est tenu d'accepter et que le tiré est tenu de payer au cours du jour.

Je suppose qu'on tire de l'Angleterre ou de la Prusse en livres sterling ou en thalers et que le porteur n'ait pas le droit d'exiger le payement en monnaie nationale ; on pourrait dans ce cas payer la traite en monnaie anglaise ou en thalers de Prusse. Si alors le porteur a besoin de cet argent pour faire, de son côté, un payement, il pourrait se trouver dans le plus grand des embarras ; dans les villes secondaires, on ne trouve pas toujours des changeurs ; il pourrait alors se trouver dans cette malheureuse position de devoir refuser le payement d'une traite due, qui dans ce cas serait protestée, ou bien de devoir supporter une perte sur le change.

Je soutiens donc que le porteur doit recevoir et le tiré doit payer les traites tirées en monnaies étrangères en argent belge au cours du jour, pour autant toutefois qu'il n'y ait pas convention contraire, comme l'article en discussion le dit.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Messieurs, il me paraît que M. Van Iseghem a raison. Le tireur étranger dispose dans la monnaie de son pays sans tenir à ce que la traite soit payée en cette monnaie et il arrive que le porteur, qui est Belge, n'a pas besoin de livres sterling ou de thalers, selon qu'il s'agit de l'Angleterre ou de la Prusse. M. Van Iseghem demande qu'a moins d'une stipulation contraire dans la lettre de change le payement se fasse en monnaie belge.

Si le tireur dit dans la lettre de change qu'il tire pour dix livres sterling, mais à la condition que le payement se fasse en livres sterling, le paiement doit évidemment se faire en cette monnaie. Mais si cette condition n'est pas stipulée, le porteur doit avoir le droit d'exiger le payement en monnaie belge. Voila ce que veut M. Van Iseghem, et cela est juste ; il faut favoriser le porteur et ne pas favoriser le tiré, qui agira selon le cours des monnaies étrangères.

L'honorable M. Tesch n'a pas compris l'article comme nous le comprenons.

L'article est très clair ; il s'agit, pour les lettres de change étrangères, de permettre que le payement se fasse en monnaie nationale.

M. Teschµ. - Laissez cela à celui qui paye.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - C'est ce que nous ne voulons pas.

M. Teschµ. - Commencez par abandonner le premier paragraphe.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Pas le moins du monde. Je veux que l'on me paye deux cents francs en or ou en argent ; la lettre de change sera payée de cette façon.

Dans le deuxième cas, de quoi s'agit-il ? Il s'agit de monnaie étrangère ; c'est un cas tout différent. Dans le premier cas, il s'agit de payement en monnaie belge ou de payement formellement stipulé en monnaie étrangère. Or il y a toutes sortes de monnaies belges ; vous avez la monnaie de cuivre, la monnaie de nickel, la monnaie d'argent, la monnaie d'or. Vous devez payer dans la monnaie qui est indiquée. Mais s'il s'agit d'une monnaie étrangère, la lettre de change doit être payée dans la monnaie nationale si le porteur l'exige, à moins qu'il n'y ait une stipulation formelle qui dise le contraire. Voilà l'amendement de M. Van Iseghem.

M. Teschµ. - Je ne puis comprendre l'article comme M. le ministre de la justice, et je pense que la commission ne l'a pas rédigé dans le sens qu'il indique.

Le paragraphe premier pose une règle générale : « La lettre de change doit être payée dans la monnaie qu'elle indique », c'est-à-dire en thalers, si l'on indique des thalers ; en livres sterling, si la lettre de change indique des livres sterling ; en roubles, si elle indique des roubles. Voilà, à mon avis, le sens du paragraphe premier.

Maintenant par le second paragraphe, vous faites une exception, et cette exception prouve que le paragraphe premier comprend les monnaies étrangères. Vous faites une exception et vous ajoutez : « S'il s'agit d'une monnaie étrangère, le payement peut se faire en monnaie nationale au cours du change ou au cours fixé par l'effet, à moins cependant que le tireur n'ait prescrit formellement le payement en monnaie étrangère. » C'est-à-dire qu'en Belgique le tiré pourra vous payer en monnaie nationale. C'est une faculté que vous lui donnez et c'est conforme aux principes. En Belgique, le Belge a le droit de payer en monnaie nationale et je crois que cela doit être maintenu.

Si maintenant vous voulez que le porteur ait toujours le droit d'exiger de la monnaie nationale, même quand le tiré peut payer dans la monnaie dans laquelle l'effet est créé, il faut changer la rédaction de l'article. Vous vous occupez du porteur ; mais c'est à lui à savoir s'il acceptera ou s'il n'acceptera pas la lettre de change telle qu'elle est conçue. Si la lettre de change est en roubles ou en livres sterling, et, si cela ne lui convient pas, il n'acceptera pas. Mais s'il accepte, il doit recevoir la monnaie indiquée sur la lettre de change, si elle lui est offerte.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Il n'y a pas l'ombre d'un doute dans ce cas.

Mais voici le cas que prévoit l'article : Un Anglais fait une lettre de change en livres sterling, mais il ne mentionne pas spécialement qu'elle doit être payée en livres sterling. Le porteur a payé cet effet. Mais le porteur est Belge ; on demande qu'il puisse dire au tiré : Il n'est pas mentionné formellement sur l'effet que l'on doit payer en livres sterling, je veux être payé en monnaie nationale.

M. Teschµ. - Si M. le ministre veut faire prévaloir ce système, c'est-à-dire, s'il veut que le porteur puisse exiger d'être payé en monnaie nationale, il faut modifier la rédaction. Vous ne pouvez dire qu'une lettre de change doit être payée dans la monnaie qu'elle indique et dire immédiatement après : « S'il s'agit d'une monnaie étrangère, le payement peut se faire en monnaie nationale. » Cela ne me semble pas possible puisque le paragraphe premier serait infirmé par cette disposition.

L'article renferme trois dispositions. La première porte que la lettre de change doit être payée dans la monnaie qu'elle indique, mais on fait une exception pour celui qui doit payer et qui aura toujours le droit de se libérer en monnaie nationale à moins qu'il n'y ait convention contraire.

Je le répète, cet article me paraît très logique et il me semble qu'il doit être maintenu.

M. Dupont, rapporteurµ. - Dans la pensée de la commission, il fallait insérer le mot « peut » ; c'était un droit donné à celui qui doit payer, et non pas au porteur de l'effet. Mais l'honorable M. Van Iseghem a fait une observation que M. le ministre de la justice et moi nous avons crue fondée, c'est qu'il fallait mettre sur la même ligne celui qui doit payer et celui qui doit recevoir le payement ; sans cela, en effet, on payerait en la monnaie qui présenterait le plus d'avantages au point de vue du change ; de sorte que toutes les bonnes chances seraient pour le tiré et toutes les mauvaises chances pour le porteur : celui-ci, en outre, pourrait être très souvent embarrassé quand on lui remettrait de la monnaie étrangère. Sans doute quand il y a convention à cet égard, elle doit être suivie et l'article le dit formellement.

Mais en l'absence de toute convention, de tout ordre formel de payer en monnaie étrangère, ne doit-on pas supposer que cette énonciation, dans la pensée du tireur, n'a été nullement exclusive de la monnaie nationale ?

L'honorable M. Tesch a dit que si l'on veut mettre le porteur et le tiré sur la même ligne, il faut supprimer le premier paragraphe, qui devient inutile. Sans doute, dans la pensée de la commission, le premier paragraphe avait une portée plus grande, mais il conservera son application dans tous les cas où le tireur aura indiqué la monnaie belge dans laquelle il veut être payé : ainsi, par exemple, si la traite est payable en pièces de 5 francs, payable en pièces de 20 francs, etc., alors le payement devra se faire conformément à cette convention ; de même encore, quand il s'agira d'une monnaie étrangère, et que la volonté d'exiger le payement en cette monnaie sera formellement indiquée.

- L'amendement qui consiste à remplacer le mot « peut » par le mot « doit » est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

La rédaction primitive de la commission est mise aux voix et adoptée.

Articles 130 à 132

« Art. 130. Celui qui paye une lettre de change avant son échéance est responsable de la validité du payement. »

- Adopté.


« Art. 131. Celui qui paye une lettre de change à son échéance et sans opposition est présumé valablement libéré. »

- Adopté.


« Art. 132. Le porteur d'une lettre de change ne peut être contraint d'en recevoir le payement avant l'échéance. »

- Adopté.

Article 133

« Art. 133. Le payement d'une lettre de change fait sur une seconde, troisième, quatrième, etc., est valable, lorsque la seconde, la troisième, quatrième, tlc, porte que ce payement annule l'effet des autres. »

MpVanHumbeeckµ. - La commission propose de supprimer la finale : « Lorsque la seconde, troisième, quatrième, etc., porte que ce payement annule l'effet des autres. »

Dans son amendement distribué en dernier lieu, M. le ministre de la justice propose la suppression complète de l'article.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je me suis rallié à la proposition de la commission.

MpVanHumbeeckµ. - Nous avons donc à voter sur l'amendement de la commission.

- La rédaction de la commission est adoptée.

Article 134

« Art. 134. Celui qui paye une lettre de change sur une seconde, troisième, quatrième, etc., sans retirer celle sur laquelle se trouve son (page 175) acceptation, n'opère point sa libération à l'égard du tiers porteur de son acceptation. »

- Adopté.

Article 135

« Art. 135. Il n'est admis d'opposition au payement qu'en cas de perte de la lettre de change ou de la faillite du porteur. »

Il y a un amendement de M. le ministre de la justice ainsi conçu :

« Il n'est admis d'opposition au payement qu'en cas de perte de la lettre de change, de la faillite du porteur, ou de son incapacité de recevoir. »

M. le rapporteur s'y rallie-t-il ?

M. Dupont, rapporteurµ. - Oui, M. le président.

- L'amendement proposé par M. le ministre de la justice est adopté.

Article 136

« Art. 136. En cas de perte d'une lettre de change non acceptée, celui à qui elle appartient peut en poursuivre le payement sur une seconde, troisième, quatrième, etc. »

- Adopté.

Article 137

« Art. 137. Si la lettre de change perdue est revêtue de l'acceptation, le payement ne peut en être exigé sur une seconde, troisième, quatrième, etc., que par ordonnance du président du tribunal et en donnant caution. »

MpVanHumbeeckµ. - La commission avait proposé de remplacer les mots : « par ordonnance du juge » par : « ordonnance du président du tribunal ».

M. le ministre de la justice propose une nouvelle rédaction ainsi conçue :

« Si la lettre de change perdue est revêtue de l'acceptation, le payement ne peut en être exigé sur une seconde, troisième, quatrième, etc., que par ordonnance du président du tribunal et en donnant caution.

« Dans le cas où le payement aurait été fait à un autre qu'au véritable propriétaire, de la lettre et où le tiré, en vertu de la règle établie par l'article 1240 du code civil, ne pourrait être contraint a payer une seconde fois, la caution profitera au propriétaire. »

M. Dupont, rapporteurµ. - Messieurs, nous sommes d'accord avec M. le ministre de la justice pour ne maintenir que le premier paragraphe de l'article 137 et pour supprimer le paragraphe 2 additionnel proposé par le gouvernement comme amendement au projet de la commission.

En effet, d'après le second paragraphe, le porteur d'une lettre de change acceptée ne devait pas être payé par l'accepteur dans le cas où ce dernier aurait déjà payé l'import de la lettre à un autre que le propriétaire, à la suite d'une dation de caution et d'une ordonnance de justice.

Il faut supposer le cas où un tiers serait parvenu à surprendre la bonne foi du président et à se faire payer par l'accepteur, après avoir donné caution.

Ce paragraphe établissait une dérogation au droit commun en matière de lettre de change et nous avons cru qu'il était bon de la faire disparaître en se bornant au texte de la commission. On ne peut admettre en effet, en aucun cas, que le porteur véritable d'une lettre de change acceptée puisse être forcé de s'adresser à la caution alors qu'il n'a pas été partie dans l'instance entre le tiré et le faux porteur.

M. Lelièvreµ. - Il est bien entendu qu'il s'agit de l'ordonnance du président du tribunal de commerce, puisqu'il s'agit d'une matière commerciale.

M. Dupont, rapporteurµ. - On pourrait également dire dans cet article : « du président du tribunal de commerce. »

- L'article ainsi amendé est mis aux voix et adopté.

Article 138

« Art. 138. Si celui qui a perdu la lettre de change, qu'elle soit acceptée ou non, ne peut représenter la seconde, la troisième, quatrième, etc., il peut demander le payement de la lettre de change perdue et l'obtenir en vertu de l'ordonnance du président du tribunal en justifiant de sa propriété et en donnant caution. ».

M. Lelièvreµ. - Il faut énoncer « ordonnance du président du tribunal de commerce » conformément à la décision de la Chambre sur l'article précédent.

M. Dupont, rapporteurµ. - La commission se rallie à cette nouvelle rédaction du gouvernement.

- Cet article est mis aux voix et adopté.

Article 139

« Art. 139. En cas de refus de payement, sur la demande formée en vertu des deux articles précédents, le propriétaire de la lettre de change perdue conserve tous ses droits par un acte de protestation.

« Cet acte doit être fait le lendemain de l'échéance de la lettre de change perdue.

« Il doit être notifié aux tireurs et endosseurs, dans les formes et délais prescrits ci-après pour la notification du protêt.

« L'acte de protestation sera valable, encore qu'il n'ait pas été précédé d'une ordonnance du président du tribunal autorisant la demande en payement, si le défaut d'une telle autorisation n'est pas imputable au porteur. »

MpVan Humbeeckµ. - La commission propose l'amendement suivant :

« En cas de refus de payement, le propriétaire de la lettre de change perdue conserve tous ses droits par un acte de protestation.

« Cet acte doit être fait le lendemain de l'échéance de la lettre de change perdue.

« Il doit être notifié aux tireurs et endosseurs, dans les formes et délais prescrits ci-après pour la notification du protêt.

« Pour être valable, il ne doit pas être nécessairement précédé d'une décision judiciaire ou d'une dation de caution. »

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je me rallie à la rédaction de la commission, monsieur le président.

- L'amendement de la commission est mis aux voix et adopté.

Article 140

« Art. 140. Le propriétaire de la lettre de change égarée doit, pour s'en procurer la seconde, s'adresser à son endosseur immédiat qui est tenu de lui prêter son nom et ses soins pour agir envers son propre endosseur ; et ainsi, en remontant d'endosseur en endosseur, jusqu'au tireur de la lettre.

« Après que le tireur aura délivré la seconde, chaque endosseur sera tenu d'y établir son endossement.

« Le propriétaire de la lettre de change égarée supportera les frais. »

MpVanHumbeeckµ. - La commission propose la rédaction suivante :

« Le propriétaire de la lettre de change égarée doit, pour s'en procurer la seconde, s'adresser à son endosseur immédiat, qui est tenu de lui prêter son nom et ses soins pour agir envers son propre endosseur ; et ainsi, en remontant d'endosseur en endosseur, jusqu'au tireur de la lettre.

« Le propriétaire de la lettre de change égarée supportera les frais. »

M. Dupont, rapporteurµ. - Je me rallie à la rédaction du gouvernement, M. le président.

- L'article présenté par le gouvernement est mis aux voix et adopté.

Article 141

« Art. 141. L'engagement de la caution, mentionnée dans les articles 151 et 152, est éteint après trois ans, si, pendant ce temps, il n'y a eu ni demandes ni poursuites juridiques. »

M. Lelièvreµ. - Il faut remplacer les articles 151 et 152 énoncés dans notre disposition par les articles 137 et 138.

M. le président. - Il y a déjà eu des observations de cette nature et la Chambre a décidé que ces rectifications se feraient entre le premier et le second vote.

- L'article est mis aux voix et adopté.

Article 141bis

« Art. 141bis (du gouvernement). Les payements faits acompte sur le montant d'une lettre de change, sont à la décharge des tireurs et endosseurs.

« Le porteur est tenu de faire protester la lettre de change pour le surplus, sans pouvoir refuser le payement partiel qui lui est offert. »

M. Dupont, rapporteurµ. - Nous sommes d'accord.

MpVanHumbeeckµ. - M. Jacobs a proposé la rédaction suivante :

« Les payements faits à compte sur le montant d'une lettre de change, sont à la décharge des tireurs et endosseurs.

« Le porteur est tenu de les accepter ; il est tenu de faire protester pour le surplus. »

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Cet amendement n'a plus de raison d'être.

- La rédaction du gouvernement est mise aux voix et adoptée.

Article 142

« Art. 142. Le tiré qui a payé une lettre de change fausse ne peut en réclamer le remboursement au porteur de bonne foi.

« S'il a accepté la lettre, il est tenu de payer au porteur de bonne foi qui a reçu le litre après l'acceptation, sauf son recours contre qui de droit.

« Il peut exiger du porteur et de chaque endosseur l'indication de son cédant et la preuve de la vérité de sa signature. a

MpVanHumbeeckµ. - La commission a proposé la rédaction suivante :

« Le tiré qui a payé une lettre de change fausse ne peut en réclamer le remboursement au porteur de bonne foi.

« Il doit la payer au porteur de bonne foi s'il l'a acceptée.

« Il a le droit d'exiger du porteur et de chaque endosseur l'indication de son cédant et la preuve que ce cédant est sérieux et sincère. »

MpVanHumbeeckµ. - M. Jacobs propose d'ajouter un paragraphe 4 ainsi conçu :

« Le porteur qui découvre la fausseté de la lettre a le même droit. »

M. Dupont, rapporteurµ. - Je déclare que je me rallie à la rédaction du gouvernement et que j'accepte l'amendement de M. Jacobs.

M. Jacobsµ. - Il y a à la fin du second paragraphe de cet article quelques mots que je ne m'explique pas bien : ils indiquent que l’accepteur (page 176) est tenu de payer au porteur de bonne foi qui a reçu le titre après l'acceptation.

Ainsi, voilà un porteur de bonne foi qui a présenté une lettre de change à l'acceptation, la lettre de change a été acceptée et l'accepteur ne sera pas forcé de payer. Vous ne forcez l'accepteur de payer la lettre de change, même lorsque le porteur est de bonne foi, que pour autant que l'effet ait été remis postérieurement à l'acceptation. Or, il me paraît que le porteur de bonne foi, quelle que soit l'époque depuis laquelle il a la lettre de change, doit profiter de l'acceptation dont elle a été revêtue.

En effet, le porteur étant de bonne foi au même titre que l'accepteur mérite autant d'égard que lui. La lettre de change fausse a passé entre ses mains sans qu'il se soit aperçu de sa fausseté, et en réalité c'est sur l'accepteur que doit retomber la responsabilité de l'erreur. Je. demanderai donc la suppression de cette réserve qui a reçu le titre après l'acceptation. Je demanderai que, dans tous les cas, l'accepteur soit tenu de subir les conséquences de la fausseté de la lettre de change, en présence d'un porteur de bonne foi.

M. Dupont, rapporteurµ. - M. Jacobs propose de maintenir le deuxième paragraphe de l'article ici qu'il est amendé par la commission.

J'ai cru cependant devoir me rallier à l'amendement du gouvernement qui avait été soumis à M. le ministre de la justice par M. Namur.

Voici les motifs de la modification proposée :

Si le porteur a acquis la traite alors qu'elle était déjà acceptée, nécessairement il a le droit de se faire payer par l'accepteur : cette signature a pu être le motif déterminant de la négociation ; mais s'il n'a pas pu compter sur cette acceptation qui n'existait pas encore, il me semble qu'il n'y a pas lieu de se montrer aussi rigoureux vis-à-vis de l'accepteur.

C'est un motif d'équité qui a engagé le gouvernement à se rallier à la proposition de M. Namur et c'est aussi ce qui m'a déterminé à adopter l'amendement.

Ce n'est pas une question de droit qui est en jeu, c'est plutôt une question d'équité. Nous avons à régler d'une façon aussi juste que possible la position de l'accepteur et du porteur lorsque la traite est fausse.

M. Jacobsµ. - En pareille matière, les règles de l'équité sont très difficiles à définir.

S'il s'agit d'une lettre de change qui n'a pas été acceptée, personne ne compte sur l'accepteur lorsqu'il s'est laissé endosser la lettre. Comment dégage-t-on sa responsabilité ? C'est parce qu'il y a quelqu'un qui vient derrière soi qui a acheté la lettre et qui couvre la responsabilité de ceux qui ont signé avant lui.

En cas d'acceptation, il arrive assez souvent que celui qui occupe la dernière place est l'accepteur, et il est naturel que ce soit lui qui paye, puisque, en réalité, il est possesseur de l'effet.

Je reconnais que les règles de l'équité sont difficiles à définir ici ; mais il me paraît naturel que la responsabilité doit retomber sur celui qui le dernier a eu confiance dans la lettre de change. Or, c'est l'accepteur. Sinon, vous vous exposez à un grand nombre de fraudes.

Je suppose que le prêteur a des soupçons, il cherchera à se débarrasser le plus vite possible d'une lettre suspecte.

Je le répète, ce système donnera lieu à un certain nombre de fraudes et vous ne serez pas plus sage en faisant supporter le payement par le porteur qu'en le faisant supporter par l'accepteur.

M. Dupont, rapporteurµ. - Je n'insiste pas.

- La discussion est close.

Lé premier paragraphe est adopté.

L'amendement de M. Jacobs se rapportant au paragraphe 2 est mis aux voix et rejeté.

Le deuxième paragraphe de l'amendement présenté par le gouvernement est mis aux voix et adopté.

Le troisième paragraphe est ensuite mis aux voix et adopté.

Vient le quatrième paragraphe proposé par M. Jacobs, il est ainsi conçu :

« Le porteur qui découvre la fausseté de la lettre a le même droit. »

- Ce paragraphe est adopté.

Articles 143 et 144

« Paragraphe X. Du payement par intervention.

« Art. 143. Une lettre de change protestée peut être payée par tout intervenant pour le tireur ou par l'un des endosseurs.

« L'intervention et le payement seront constatés dans l'acte de protêt ou à la suite de l'acte. »

- Adopté.


« Art. 144. Celui qui paye une lettre de change par intervention est subrogé aux droits du porteur, et tenu des mêmes devoirs pour les formalités à remplir.

« Si le payement par intervention est fait pour le compte du tireur, tous les endosseurs sont libérés.

« S'il est fait pour un endosseur, les endosseurs subséquents sont libérés.

« S'il y a concurrence pour le payement d'une lettre de change par intervention, celui qui opère le plus de libérations est préféré.

« Si celui sur qui la lettre était originairement tirée et sur qui a été fait le protêt, faute d'acceptation, se présente pour le payer, il sera préféré à tous autres. »

La commission propose de remplacer le dernier paragraphe par la disposition suivante :

« Si le tiré n'a pas accepté et se présente pour payer la lettre, il sera préféré à tous ceux qui interviennent pour la même personne. »

- L'article, rédigé comme le propose la commission, est adopté.

Article 145

« Art. 145. Le porteur d'une lettre de change tirée du continent et des îles de l'Europe et payable dans les possessions européennes de la Belgique, soit à vue, soit à un ou plusieurs jours ou mois ou usances de vue, doit en exiger le payement ou l'acceptation dans les six mois de sa date, sous peine de perdre son recours sur les endosseurs et même sur le tireur, si celui-ci a fait provision.

« Le délai est de huit mois pour la lettre de change tirée des échelles du Levant et des côtes septentrionales de l'Afrique, sur les possessions européennes de la Belgique, et réciproquement du continent et des îles de l'Europe sur les établissements belges aux échelles du Levant et aux côtes septentrionales de l'Afrique.

« Le délai est d'un an pour les lettres de change tirées des côtes occidentales de l'Afrique jusques et compris le cap de Bonne-Espérance.

« Il est aussi d'un an pour les lettres de change tirées du continent et des îles des Indes occidentales sur les possessions européennes de la Belgique ; et réciproquement du continent et des îles de l'Europe sur les possessions belges ou établissements belges, aux côtes occidentales de l'Afrique, au continent et aux îles des Indes occidentales.

« Le délai est de deux ans pour les lettres de change tirées du continent et des îles des Indes orientales sur les possessions européennes de la Belgique ; et réciproquement du continent et des îles de l'Europe sur les possessions belges ou établissements belges au continent et aux Indes orientales.

« Les délais ci-dessus de huit mois, d'un an et de deux ans sont doublés en temps de guerre maritime. »

La commission propose la rédaction suivante :

« Le porteur d'une lettre de change tirée du continent et des îles de l'Europe et payable en Belgique soit à vue, soit à un ou plusieurs jours ou mois ou usances de vue, doit en exiger le payement, l'acceptation ou le visa dans les trois mois de sa date, sous peine de perdre son recours sur les endosseurs et même sur le tireur si celui-ci a fait provision.

« Le délai est de quatre mois pour la lettre de change tirée sur la Belgique des Etats du littoral de la Méditerranée et du littoral de la mer Noire.

« Le délai est de six mois pour les lettres de change tirées sur la Belgique des Etats d'Afrique en deçà du cap de Bonne-Espérance, et des Etats d'Amérique en deçà du cap Horn.

« Le délai est d'un an pour les lettres de change tirées sur la Belgique de toute autre partie du monde.

« La même déchéance aura lieu contre le porteur d'une lettre de change à vue à un ou plusieurs jours, mois ou usances de vue, tirée de la Belgique et payable dans les pays étrangers, qui n'en exigera pas le payement, l'acceptation ou le visa dans les délais ci-dessus prescrits pour ; chacune des distances respectives.

« Les délais ci-dessus seront doublés en cas de guerre maritime pour les pays d'outre-mer.

« Ces dispositions ne préjudicieront néanmoins pas aux stipulations contraires qui pourraient intervenir entre le preneur, le tireur et même les endosseurs. »

M. le ministre de la justice propose de dire au cinquième paragraphe :

« La même déchéance aura lieu en ce concerne les recours à exercer en Belgique, contre le porteur, etc. »

M. Van Iseghem. - Messieurs. on parle dans cet article, des traites tirées de l'étranger payables en Belgique.

Je pense que cette disposition est applicable aussi aux traites tirées de l'étranger sur un autre étranger mais payable en Belgique ; dans ce cas, le négociant étranger doit accepter la traite, et indiquer le domicile en Belgique où la traite doit être payée.

(page 177) Mais je demanderai à l'honorable rapporteur quelle est la règle qui sera suivie pour les traites tirées sur des Belges, mais payables à l'étranger ? Il y a des effets tirés de l'étranger sur des maisons belges, par exemple, payables a Londres ou à Amsterdam. Le paragraphe premier de l'article a rapport seulement aux lettres de change tirées de l'étranger payables en Belgique. Cependant le cas que je cite est celui d'un effet tiré sur un négociant habitant le pays, mais payable à l'étranger ; le tiré doit l'accepter et le domicilier à Londres ou à Amsterdam. Pour l'acceptation les dispositions de l'article sont applicables, mais une fois l'effet accepté et domicilié, il devient payable à l'étranger. Supposez que l'effet ne soit pas payé a sa présentation et que le correspondant du dernier endosseur belge lui retourne la lettre de change, tombe-t-elle alors sous l'application de l'article 145, bien que l'effet ne fût pas payable en Belgique ?

M. Dupont, rapporteurµ. - A première vue, messieurs, c'est d'après le lieu où l'effet est payable qu'on doit se régler, mais je demande à pouvoir réfléchir et me concerter avec M. le ministre de la justice jusqu'au second vote.

M. Jacobsµ. - Messieurs, j'ai a proposer quelques modifications à cet article.

Au paragraphe premier on dit : « ... perdre son recours sur les endosseurs... » Il serait plus grammatical de dire : « contre les endosseurs. »

M. Dupont, rapporteurµ. - C'est la rédaction du code de commerce.

M. Jacobsµ. - Si la rédaction du code de commerce présente des défectuosités, pourquoi nous serait-il interdit de l'améliorer ?

Le paragraphe 2 parle des « Etats du littoral de la Méditerranée et du littoral de la mer Noire. » Comme le paragraphe premier règle ce qui est relatif à l'Europe entière, il me semble qu'il vaudrait mieux dire : « Du littoral africain ou asiatique de la Méditerranée ou de la mer Noire. »

« § 3. Le délai est de six mois pour les lettres de change tirées sur la Belgique des Etats d'Afrique en deçà du cap de Bonne-Espérance et des Etats d'Amérique en deçà du cap Horn. »

Ce sont là d'anciennes expressions qui ne correspondent plus à la situation actuelle ; il vaudrait beaucoup mieux dire : « de la côte occidentale d'Afrique jusqu'au cap de Bonne-Espérance et de la côte orientale d'Amérique jusqu'au cap Horn. »

« § 5. La même déchéance aura lieu contre le porteur d'une lettre de change à vue, à un ou plusieurs jours, mois ou usances de vue, tirée de la Belgique et payable dans les pays étrangers, qui n'en exigera pas le payement, l'acceptation ou le visa dans les délais ci-dessus prescrits pour chacune des distances respectives. »

Remarquez, messieurs, que ce qu'on a établi ne sont pas des distances ; ce sont des zones ou des rayons. Je proposerai de mettre « des zones respectives ».

Ce n'est pas une distance mais un ensemble de contrées pour lequel on établit une règle différente.

Mon amendement a donc pour objet de remplacer clans le premier paragraphe le mot « sur » par le mot « contre », de dire dans le deuxième paragraphe « du littoral africain ou asiatique de la Méditerranée ou de la mer Noire ; et puis, au troisième paragraphe, « de la côte occidentale d'Afrique jusqu'au cap de Bonne-Espérance et de la côte orientale d'Amérique jusqu'au cap Horn » ; et enfin de remplacer, dans le cinquième paragraphe, le mot « distances » par le mot « zones ».

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Quant à la première observation de d'honorable membre, elle porte sur une forme qui est de style. Je ne sais s'il faut abandonner les termes du code de commerce pour les remplacer par ceux que propose, l'honorable membre.

C'est, du reste, une simple question de rédaction.

Quant aux autres questions, messieurs, il me serait impossible de me prononcer.

Ce que dit l'honorable membre peut être fondé, mais il faut que le gouvernement ait le temps de faire cette vérification.

M. Jacobsµ. - Je propose de réserver l'article.

M. Lelièvreµ. - Je propose également de réserver l'article pour rédaction.

- La proposition de MM. Jacobs et Lelièvre est adoptée. L'article est réservé.

Article 146

« Art. 146. Le porteur d'une lettre de change doit en exiger le payement le jour de son échéance. »

- Adopté.

Article 147

« Art. 147. Le refus de payement doit être constaté le lendemain du jour de l'échéance par un acte que l'on nomme protêt faute de payement.

« Si ce jour est un jour férié légal, le protêt est fait le jour suivant. »

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Messieurs, cet article doit être modifié par suite de la loi sur les protêts, qui porte que le protêt peut être fait deux jours après l'échéance.

Je propose donc de dire :

« Le refus de payement doit être constaté au plus tard le second jour après celui de l'échéance, par un acte, etc. »

- L'article ainsi amendé est adopté.

Article 148

« Ait. 148. Le porteur n'est dispensé du protêt faute de payement, ni par le protêt faute d'acceptation, ni par la mort ou faillite de celui sur qui la lettre de change est tirée.

« Dans le cas de faillite de l'accepteur avant l'échéance, le porteur peut faire protester et exercer son recours. »

M. Lelièvreµ. - Je pense qu'il y aurait lieu d'énoncer :

« ... Ni par la mort, la faillite on l'incapacité de celui sur lequel la lettre de change est tirée », conformément à la rédaction adoptée à l'article 135. Le changement indiqué me semble avoir certaine utilité.

M. Teschµ. - Je ne pense pas que l'on puisse admettre l'amendement de l'honorable M. Lelièvre.

L'incapacité d'un individu ne détermine pas d'échéance.

Le tuteur payera à l'échéance, mais il est impossible de dire que cette incapacité fasse échoir le billet.

MpVanHumbeeckµ. - M. Lelièvre ne formule aucune proposition. Il s'est borné à une observation.

- L'article est adopté.

Article 149 (nouveau)

MpVanHumbeeckµ. - Ici la commission propose un article 149 nouveau, ainsi conçu :

« Le porteur d'une lettre de change protestée faute de payement est obligé, dans les trois jours qui suivent le lendemain de l'échéance, d'informer par lettre son prédécesseur immédiat du refus de payement. Chaque garant, doit aviser de la même manière son cédant dans les trois jours de la réception de l'avis : le tout à peine de dommages-intérêts vis-à-vis des garants non avertis. »

Je crois devoir faire remarquer à M. le rapporteur que les mots : « le lendemain de l'échéance » doivent être remplacés par ceux-ci : « le surlendemain de l'échéance ».

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Cette disposition crée des formalités nouvelles pour le commerce, elle obligera à recourir à de nombreuses lettres dont l'usage n'a pas encore été introduit en Belgique.

Je crois qu'il vaudrait mieux la supprimer. J'en fais la proposition.

M. Dupont, rapporteurµ. - Cet article a été emprunté à la loi allemande ; depuis qu'il a été proposé, j'ai eu l'occasion de constater que l'on est fort divisé sur le point de savoir si cette innovation produirait des avantages sérieux.

Comme dans le doute il vaut mieux s'abstenir, je me rallie à la proposition de M. le ministre de la justice de le supprimer.

- L'article est supprimé.

Motion d’ordre

M. Jouretµ. - Au début de là séance ; notre honorable président a donné lecture à la Chambre d'une lettre qui lui annonçait la mort de M. Gendebien, ancien membre du gouvernement provisoire, du congrès national et de cette Chambre.

Je viens vous proposer d'autoriser le bureau à adresser à la famille de l'honorable défunt une lettre de condoléance.

De toutes parts : Appuyé !

- La proposition est adoptée.

Projet de loi modifiant le titre VIII, livre I, du code de commerce : De la Lettre de change

Discussion des articles

Article 150

« Art. 150. Le porteur d'une lettre de change protestée faute de payement peut exercer son action en garantie :

« Ou individuellement contre le tireur et chacun des endosseurs,

« Ou collectivement contre les endosseurs et le tireur.

« La même faculté existe pour chacun des endosseurs à l'égard du tireur et des endosseurs qui le précèdent. »

- Adopté.


« Art. 151. Si le porteur exerce le recours individuellement contre son cédant, il doit lui faire notifier le protêt, et, à défaut de remboursement, le faire citer en jugement dans les quinze jours qui suivent la date du protêt, si celui-ci réside dans la distance de cinq myriamètres.

« Ce délai, a l'égard du cédant domicilié a plus de cinq myriamètres de l'endroit où la lettre de change était payable, sera augmenté d'un jour par deux myriamètres et demi, excédant les cinq myriamètres. »

La commission propose l'amendement suivant :

« Si le porteur exerce le recours individuellement contre son cédant, il doit le faire citer en jugement dans les quinze jours qui suivent la date du protêt, si celui-ci réside dans la distance de cinq myriamètres. L'assignation contiendra notification du protêt.

« Ce délai, à l'égard du cédant domicilié à plus de cinq myriamètres de l'endroit où la lettre de change était payable, sera augmenté d'un jour par cinq myriamètres. Les fractions de moins de quatre myriamètres ne seront pas comptées ; les fractions de quatre myriamètres et au-dessus augmenteront le délai d'un jour. »

M. Lelièvreµ. - Je comprends l'article en discussion en ce sens que le délai d'augmentation pour les distances sera observé, même vis-à-vis des individus domiciliés en pays étranger. Ainsi, à l'égard de ces personnes, l'augmentation des délais sera réglée d'après les dispositions du paragraphe final. Telle est, à mon avis, la portée de notre article.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - L'honorable membre fait un commentaire de la loi, je ne puis lui répondre. L'article est clair, si l'honorable membre propose une autre rédaction, qu'il le dise. Quant à moi, il ne m'est pas possible de me rallier à un commentaire qui peut être exact et qui peut ne pas être exact.

M. le président. - M. le rapporteur maintient la rédaction proposée par la commission.

Je mets donc aux voix d'abord l'amendement de la commission.

- Cet amendement est adopté.

Article 152

« Art. 152 (du gouvernement). Les lettres de change tirées de Belgique et payables hors du territoire continental de la Belgique en Europe étant protestées, les tireurs et endosseurs résidant en Belgique seront poursuivis dans les délais ci-après :

« De deux mois pour celles qui étaient payables en Corse, dans l'île d'Elbe ou de Capraja, en Angleterre et dans les Etats limitrophes de la Belgique.

« De quatre mois pour celles qui étaient payables dans les autres Etats de l'Europe ;

« De six mois pour celles qui étaient payables aux échelles du Levant et sur les côtes septentrionales de l'Afrique ;

« D'un an pour celles qui étaient payables aux côtes occidentales de l'Afrique, jusques et compris le cap de Bonne-Espérance, et dans les Indes occidentales ;

« De deux ans pour celles qui étaient payables dans les Indes orientales.

« Ces délais seront observés dans les mêmes proportions pour le recours à exercer contre les tireurs et endosseurs résidant dans les possessions belges situées hors d'Europe.

« Les délais ci-dessus de six mois, d'un an et de deux ans seront doublés en temps de guerre maritime. »

La commission propose l'amendement suivant :

« Les lettres de change, tirées de Belgique et payables hors du territoire continental de la Belgique en Europe étant protestées, les tireurs et endosseurs résidant en Belgique seront poursuivis dans les délais ci-après :

« D'un mois pour celles qui étaient payables en Angleterre et dans les Etats limitrophes de la Belgique ; de deux mois pour celles qui étaient payables dans les autres Etats, soit de l'Europe, soit du littoral de la Méditerranée et de celui de la mer Noire ; de cinq mois pour celles qui étaient payables hors d'Europe, en deçà des détroits de Malacca et de la Sonde, et en deçà du cap Horn ; de huit mois pour celles qui étaient payables au delà de ces détroits et au delà du cap Horn. Les délais ci-dessus seront doublés pour les pays d'outre-mer en cas de guerre maritime. »

M. Jacobsµ. - Je demanderai que cet article soit réservé comme l'a été l'article 145 ; il y aura lieu, en effet, de les coordonner après nouvel examen.

Il est très essentiel que ces deux dispositions soient combinées. L'ancien code présente des disparates assez grandes qui vont encore augmenter. Il importe donc d'introduire le plus d'uniformité possible entre les diverses dispositions que nous adopterons.

M. Dupont, rapporteurµ. - Cet article, de même que l'article 145, a été emprunté à la législation française. En 1862, le gouvernement français a révisé les articles correspondants du code de commerce ; il a consulté le département des affaires étrangères ainsi que les différents services administratifs ; et c'est après une enquête très mûrement réfléchie qu'on a adopté les dispositions que la commission propose d'insérer dans le nouveau code. L'honorable M. Jacobs pourra consulter, dans l'ouvrage de Dalloz, cette loi de 1862 ; il y verra les différents travaux auxquels elle a donné lieu.

- L'article est réservé.

Article 153

« Art. 153. Si le porteur exerce son recours collectivement contre les endosseurs et le tireur, il jouit, à l'égard de chacun d'eux, du délai déterminé par les articles précédents.

« Chacun des endosseurs a le droit d'exercer le même recours, ou individuellement ou collectivement, dans le même délai.

« A leur égard, le délai court du lendemain de la date de la citation en justice. »

MpVanHumbeeckµ. - La commission propose l'amendement suivant :

« Si le porteur exerce son recours collectivement contre les endosseurs et le tireur, il jouit, à l'égard de chacun d'eux, du délai déterminé par les articles précédents.

« Chacun des endosseurs a le droit d'exercer le même recours, ou individuellement ou collectivement, dans le même délai.

« A leur égard, le délai court du lendemain de la date de la citation en justice ou du lendemain du jour du remboursement. »

M. Lelièvreµ. - Je pense que le lendemain du jour du remboursement est compris dans le délai (computatur in termino) et qu'en conséquence, ce jour entier est un jour utile pour la prescription ou la déchéance.

M. Dupont, rapporteurµ. - L'amendement de la commission est expliqué dans le rapport.

Il est dit (page 55) : « Il peut arriver que l'endosseur paye volontairement le porteur. Quel sera le point de départ du délai ? On est aujourd'hui d'accord que l'article est incomplet et que, dans ce cas, le délai prend cours le lendemain du jour du remboursement. L'article doit donc être rectifié dans ce sens. »

Il faut admettre la jurisprudence existante. Je ne crois pas qu'il puisse y avoir de difficulté. Les principes généraux sur le point de départ des délais sont ici applicables.

- La rédaction amendée par la commission est adoptée.

Article 154

« Art. 154. Après l'expiration des délais ci-dessus,

« Pour la présentation de la lettre de change à vue ou à un ou plusieurs jours ou mois ou usances de vue,

« Pour le protêt faute de payement,

« Pour l'exercice de l'action en garantie,

« Le porteur de la lettre de change est déchu de tous droits contre les endosseurs. »

MpVanHumbeeckµ. - La commission propose l'amendement suivant :

« Après l'expiration des délais ci-dessus,

« Pour la présentation de la lettre de change à vue ou à un ou plusieurs jours ou mois ou usances de vue,

« Pour le protêt faute de payement,

« Pour l'exercice de l'action en garantie,

« Le porteur de la lettre de change est déchu de tous droits contre les endosseurs.

« Les conventions particulières recevront néanmoins leur exécution. La clause du retour sans frais, insérée dans l'effet par le tireur, dispense le porteur de l'obligation de faire protester la lettre et d'intenter, dans la quinzaine, l'action récursoire avec notification du protêt.

« Si elle émane d'un endosseur, elle produit ses effets vis-à-vis de cet endosseur et de ceux qui le suivent. »

MpVanHumbeeckµ. - M. le ministre de la justice adhère au projet de la commission en rédigeant les deux derniers paragraphes de la manière suivante :

« Les conventions particulières recevront néanmoins leur exécution. La clause du retour sans frais, insérée dans l'effet par le tireur, dispense le porteur de l'obligation de faire protester la lettre et d'intenter dans la quinzaine l'action récursoire avec notification du protêt. Toutefois, le porteur est tenu d'informer du non-paiement de la lettre, dans la quinzaine qui suit l'échéance, ceux contre qui il veut conserver son recours, et ceux-ci ont la même obligation à remplir vis-à-vis de leurs garants, dans la quinzaine de la réception de l'avis.

« La clause du retour sans frais émanée d'un endosseur produit ses effets vis-à-vis de cet endosseur et de ceux qui le suivent. »

MpVanHumbeeckµ. - M. le rapporteur se rallie-t-il à cette modification ?

M. Dupont, rapporteurµ. - Oui, M. le président. La modification proposée par le gouvernement au texte de la commission est nécessitée par la suppression de l'article 149.

(page 179) M. Jacobsµ. - La nouvelle rédaction du gouvernement oblige le porteur à informer du non-paiement de la lettre de change dans la quinzaine qui suit l'échéance ceux contre qui il veut conserver son recours.

Il est bien entendu qu'une simple lettre d'information suffira ?

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Cela est dit dans le rapport.

- L'article 154, amendé par M. le ministre de la justice, est adopté.

Articles 155 à 157

« Art. 155. Les endosseurs sont également déchus de toute action en garantie contre leurs cédants, après les délais ci-dessus prescrits, chacun en ce qui le concerne. »

- Adopté.


« Art. 156. La même déchéance a lieu contre le porteur et les endosseurs, à l'égard du tireur lui-même, si ce dernier justifie qu'il y avait provision à l'échéance de la lettre de change.

« Le porteur, en ce cas, ne conserve d'action que contre celui sur qui la lettre était tirée. »

- Adopté.


« Art. 157. Les effets de la déchéance prononcée par les trois articles précédents cessent en faveur du porteur contre le tireur, ou contre celui des endosseurs qui, après l'expiration des délais fixés pour le protêt, la notification du protêt ou la citation en jugement, a reçu par compte, compensation ou autrement, les fonds destinés au payement de la lettre de change. »

- Adopté.

Article 158

« Art. 158. Indépendamment des formalités prescrites pour l'exercice de l'action en garantie, le porteur d'une lettre de change protestée faute de payement peut, en obtenant la permission du juge, saisir conservatoirement les effets mobiliers des tireurs, accepteurs et endosseurs. »

MpVanHumbeeckµ. - M. le ministre de la justice propose de remplacer le mot « juge » par les mots « président du tribunal de commerce ».

M. Dupont, rapporteurµ. - Nous sommes d'accord.

- L'article, ainsi modifié, est adopté.

M. Lelièvreµ. - Je présume qu'il est entendu que c'est au tribunal de commerce qu'il appartiendra de statuer sur la validité de la saisie conservatoire pratiquée en vertu de l'autorisation de son président. Je désire avoir des explications précises sur cette question qui concerne l'exécution de la loi. Puisque c'est le président du tribunal de commerce qui autorise la saisie, il est rationnel que ce soit le tribunal lui-même qui connaisse de la saisie. Il importe que le gouvernement fasse connaître comment il interprète le projet qu'il nous soumet.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - La jurisprudence doit être réglée actuellement. Nous ne la modifions pas.

L'honorable membre vient poser une question qui est tout à fait en dehors du projet que nous discutons. Il est évident que nous ne pouvons nous expliquer. Si nous disions oui, et que ce fût non ?

M. Thonissenµ. - C'est une question controversée aujourd'hui.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Si la question est controversée, ce n'est pas la réponse que je ferai qui la tranchera.

Si l'honorable membre présentait un amendement, nous pourrions le discuter. Mais comme il n'y a pas d'amendement, nous devons nous en référer à la jurisprudence.

- L'article est adopté.

Articles 159 à 161

« Paragraphe XII. — Des protêts.

« Art. 159. Les protêts faute d'acceptation ou de payement sont fails par deux notaires, ou par un notaire et deux témoins, ou par un huissier et deux témoins.

« Le protêt doit être fait :

« Au domicile de celui sur qui la lettre de change était payable, ou à son dernier domicile connu,

« Au domicile des personnes indiquées par la lettre de change pour la payer au besoin,

« Au domicile du tiers qui a accepté par intervention ;

« Le tout par un seul et même acte.

« En cas de fausse indication de domicile, le protêt est précédé d'un acte de perquisition. »

MpVanHumbeeckµ. - La commission propose la rédaction suivante :

« Les protêts faute d'acceptation ou de payement sont faits par un notaire ou par un huissier sans assistance de témoins.

« Le protêt doit être fait :

« Au domicile de celui sur qui la lettre de change était payable, ou à son dernier domicile connu ;

« Au domicile des personnes indiquées sur la lettre de change, soit par le tireur, soit par les endosseurs, pour la payer au besoin ;

« Au domicile du tiers qui a accepté par intervention ;

« Le tout par un seul et même acte.

« En cas de fausse indication de domicile, le protêt est précédé d'un acte de perquisition. »

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Nous sommes d'accord.

- L'article, rédigé comme le propose la commission, est adopté.


« Art. 100. L'acte de protêt contient :

« La transcription littérale de la lettre de change, de l'acceptation, des endossements et des recommandations qui y sont indiqués.

« La sommation de payer le montant de la lettre de change.

« Il énonce :

« La présence ou l'absence de celui qui doit payer.

« Les motifs du refus de payer, l'impuissance ou le refus de signer. »

- Adopté.


« Art. 161. Nul acte de la part du porteur de la lettre de change ne peut suppléer l'acte de protêt, hors le cas prévu par les articles 150 et suivants, touchant la perte de la lettre de change. »

MpVanHumbeeckµ. - La commission propose la rédaction suivante :

« Les protêts faute d'acceptation ou de payement peuvent être remplacés par une déclaration écrite, et datée de celui contre qui ils doivent être faits.

« Elle contient une indication suffisante de la lettre de change, si elle n'est pas écrite sur la lettre même ;

« Elle énonce le refus d'acceptation ou de payement, avec ou sans motifs ;

« Elle est signée par le déclarant ou par ses représentants ;

« Elle produit le même effet que le protêt ;

« Elle peut mentionner, comme le protêt, l'acceptation ou le payement par intervention.

« La déclaration de refus de payement doit être enregistrée au plus tard le lendemain de l'échéance.

« S'il est établi qu'une déclaration régulière a été remise ou présentée en double original au porteur, le lendemain de la présentation ou le jour de l'échéance, les frais du protêt peuvent être mis à sa charge. »

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Cet article doit disparaître parce qu'il a été remplacé par la loi sur les protêts que nous avons votée.

Il y a lieu d'insérer ici les articles 1 à 5 de la loi sur les protêts et je demande que la Chambre veuille bien autoriser cette insertion..

- Cette proposition est adoptée.

Article 162

« Art. 162. Les notaires et les huissiers sont tenus, à peine de destitution, dépens, dommages-intérêts envers les parties, de laisser copie exacte des protêts, et de les inscrire en entier, jour par jour et par ordre de dates, dans un registre particulier, coté, parafé et tenu dans les formes prescrites pour les répertoires. »

MpVanHumbeeckµ. - M. Jacobs a proposé l'amendement suivant :

« Le notaire ou l'huissier chargé de protester laissera, sous peine de destitution, un avis sur papier libre contenant la substance du protêt, et inscrira copie de cet avis jour par jour dans un registre particulier, coté, paraphé et tenu dans les formes prescrites pour les répertoires. »

MfFOµ. - Messieurs, l'honorable M. Jacobs présente une disposition qui exempte du timbre la copie du protêt qui doit être remise, aux termes de l'article qui nous occupe. Il propose aussi une modification de l'article 173 relatif à l'assimilation du billet à ordre à la lettre de change, quant au droit d'enregistrement. Cet article porte : « Ils (les billets à ordre) seront enregistrés aux mêmes droits que les lettres de change. »

Je prie la Chambre de vouloir bien ne pas insérer, dans la loi sur la lettre de change, des dispositions qui modifient la législation en matière de timbre ou d'enregistrement. Il y a de sérieux inconvénients à procéder de cette manière. Il importe que l'objet des lois soit bien défini, et qu'il n'y ait pas de confusion entre les matières qu'elles ont pour but de régler. Nous faisons une loi sur la lettre de change : bornons-nous à y régler tout ce qui est relatif à la lettre de change. Si, par la suite, il est reconnu que certaines dispositions des lois d'enregistrement et de timbre doivent être modifiées, on le fera en révisant les lois spéciales relatives à ces matières.

A la vérité, on s'est écarté de cette règle en ce qui concerne les protêts ; mais là, on avait eu en vue la réduction des frais de toute nature auxquels ces actes donnaient lieu. On a réduit les droits de timbre comme on a diminué les autres frais. Mais, comme vous venez de le décider, on a reporté dans la loi commerciale les dispositions qui concernent les protêts en proposant de faire une loi particulière des articles relatifs aux droits à percevoir pour ces actes.

Au fond, d'ailleurs, la question n'a pas une grande importance.

(page 180) Le montant annuel des droits de timbre sur les copies n'est guère évaluée qu'a 16,000 ou 17,000 francs.

Quant à l'autre disposition, proposée par l'honorable M. Jacobs, elle repose sur une erreur. L'honorable membre suppose que les lettres de change sont soumises à un droit d'enregistrement et il demande que les billets à ordre soient assimilés sous ce rapport aux lettres de change. Mais c'est la situation inverse qui est exacte ; c'est-à-dire que les billets à ordre sont soumis ù un droit d'enregistrement lorsqu'il en est fait usage par acte public, ainsi dans un acte de protêt, mais que les lettres de change n'en sont point passibles : de sorte que l'amendement devient sans objet.

On est, d'ailleurs, entraîné facilement à commettre des erreurs dans ces matières spéciales. Il est prudent de se bien renseigner avant de se former une opinion.

Si l'on perçoit le droit sur les billets à ordre et point sur les lettres de change, c'est par une raison de principe. En principe, un droit n'est perçu que sur les actes formant titre. Or, si le billet à ordre constate une obligation, une dette, la lettre de change, au contraire, même acceptée, n'a point ce caractère : elle, n'est point la reconnaissance d'une dette. C'est une simple disposition d'un particulier sur un tiers. Si elle n'est pas acceptée, pas de doute possible ; et si même elle est acceptée, elle ne prouve pas encore une obligation donnant lieu à la perception d'un droit.

En effet prenons pour exemple un banquier qui a ouvert un crédit à un particulier. On dispose sur ce crédit. Le banquier, qui est tiré, accepte, parce qu'il a ouvert le crédit ; mais loin d'être le débiteur du tireur, il est, au contraire, son créancier.

Au fond, tout cela aura peu d'importance dans la pratique, si l'on maintient les innovations que l'on a introduites dans la loi actuelle.

Voici ce qui se passe aujourd'hui. La jurisprudence ayant maintenu chez nous que, pour qu'il y eût lettre de change, il fallait qu'il y eût remise de place en place, et que la disposition d'un lieu sur un même lieu ne constituait pas la lettre de change, qu'arrivait-il ? C'est que les industriels, les commerçants, qui avaient livré des marchandises à des négociants de la même ville, se faisaient remettre des billets à ordre pour le montant de leurs factures.

Mais d'après les dispositions nouvelles, qui n'exigent plus la remise de place en place et permettent de disposer d'un lieu sur un même lieu, on usera moins souvent de billets à ordre, et l'usage de la lettre change, ou pour mieux dire du mandat à ordre, s'étendra de plus en plus.

La perception du droit d'enregistrement deviendra plus rare. Elle deviendra moins fréquente encore si l'innovation des déclarations substituées aux protêts prend quelque extension.

L'administration aura même à examiner, après le vote de la loi sur les protêts qui a été proposée par le gouvernement et accueillie par la Chambre, en vue de réduire notablement les frais, si les dispositions qui ont été insérées dans cette loi n'ont pas pour effet d'exempter également du droit d'enregistrement les billets à ordre mentionnés dans des protêts.

C'est donc un point qui doit être examiné. Toutes les questions qui ont été soulevées recevront leur solution sans qu'il soit besoin d'introduire des amendements dans la loi dont nous nous occupons, et peut-être même sans qu'il soit nécessaire d'amender la loi d'enregistrement.

Maintenant l'honorable M. de Rongé a signalé a l'attention de la Chambre un fait dont il m'avait déjà entretenu dans le temps ; le voici : une lettre de change avait été tirée sur un particulier ; elle était, je suppose, de 3,500 francs ; le tiré à qui la lettre est présentée répond qu'il ne doit pas 3,500 francs, mais seulement 3,400 francs, et il signe cette réponse dans l'acte de protêt.

Dans ce cas, il a été impossible de ne pas appliquer les principes généraux de la législation en matière d'enregistrement, et le droit a été perçu parce qu'il y avait obligation évidente, le tiré ayant reconnu l'existence d'une dette au profit du tireur. C'était, il faut le dire, par la faute de l'intéressé ; car s'il n'avait pas signé sa réponse, il n'y aurait pas eu de droits perçu.

Cependant il est possible encore que, par suite des dispositions que nous avons admises quant aux protêts, et conformément à l'intention qui a dirigé la Chambre et le gouvernement, il y ait lieu d'obvier même à cette hypothèse de l'application de la loi.

Par toutes ces raisons, je crois donc qu'il n'y a pas lieu d'insérer des dispositions relatives au droit fiscal dans la loi sur la lettre de change.

M. Dupont, rapporteurµ. - M. le ministre des finances vient de nous déclarer qu'il ne croyait pas qu'il y eût lieu de modifier la loi de frimaire an VII sur l'enregistrement.

Je crois cependant qu'il y a un cas pour lequel une modification sera indispensable.

L'honorable ministre nous a dit que dans le système de la loi nouvelle, la lettre de change tirée d'un lieu sur le même lieu devrait être assimilée à la lettre de change tirée d'une place sur une autre, au point de vue fiscal.

Je crois que, pour obtenir ce résultat, il faudrait présenter un projet dérogatoire à la loi de frimaire an VII et notamment à son article 70 qui n'affranchit de l'enregistrement que les lettres de change tirées d'un lieu sur un autre. Je crois qu'en présence d'un texte semblable et malgré la réforme que nous apportons à l'article 110 du code de commerce, les. tribunaux appelés à juger les prétentions de la régie continueraient à soumettre à l'enregistrement les lettres dans lesquelles manquerait la condition d'une remise de place en place.

Ordre des travaux de la chambre

MiPµ. - Le projet de loi sur la lettre de change sera probablement terminé demain. Je pense qu'on pourrait fixer à jeudi le second vote du projet de loi sur la milice.

- De toutes parts. - Oui, oui.

- Cette proposition est mise aux voix et adoptée.

MpVanHumbeeckµ. - Dans le cas où la discussion du projet relatif à la lettre de change ne tiendrait pas toute la séance de demain, la Chambre pourrait s'occuper de prompts rapports de pétitions et, de rapports ordinaires.

- De toutes parts. - Oui ! oui !

MpVanHumbeeckµ. - Il en sera ainsi.

- La séance est levée à 5 heures.