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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 1 décembre 1869

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1869-1870)

(Présidence de M. Dolezµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 125) M. de Vrintsµ procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart ; il donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Rossiusµ présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Le sieur Cantillon soumet un appareil de sauvetage pour les navigateurs et propose des mesures pour lui venir en aide dans la propagation de son œuvre philanthropique. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les officiers du 32e bataillon de la garde civique, domiciliés à Mechelen-sur-Meuse demandent que le gouvernement ordonne l'armement et la mise en activité de la garde civique de cette commune. »

- Même renvoi.


« Le sieur Leclercq se plaint de ne pas recevoir les Annales parlementaires auxquelles il s'est abonné, depuis le 1er novembre, au bureau des postes de Cerfontaine. » »

- Même renvoi.


« Des industriels, négociants et bateliers demandent l'abaissement des péages sur les canaux embranchements du canal de Charleroi. »

- Renvoi à la commission permanente de l'industrie.


« Des industriels à Liège demandent que le gouvernement autorise, sous caution pour les droits, l'importation temporaire des fontes étrangères destinées à être réexportées après avoir été transformées en fil de fer. »

M. Mouton. - Je prie la Chambre d'ordonner le renvoi de cette pétition à la commission permanente de l'industrie, en l'invitant à faire un prompt rapport.

- Adopté.


« Les secrétaires communaux de Tronchiennes et de Saint-Denis-Westrem demandent que l'avenir des secrétaires communaux soit assuré et que leur traitement soit mis en rapport avec l'importance de leur travail et des services qu'ils rendent aux administrations communales, provinciales et générale. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« La cour des comptes transmet a la Chambre son cahier d'observations relatif au compte définitif de l'exercice 1866 et à la situation provisoire de l'exercice 1867. »

- Ce document sera distribué.


« M. Verwilghen demande un congé de quelques jours. »

- Accordé.

Projet de loi interprétatif de l’article 2 de la loi du 29 floréal an X

Rapport de la section centrale

M. de Naeyerµ. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la section centrale sur le projet de loi interprétatif de l'article 3 de la loi du 29 floréal an x.

- Impression, distribution et mise à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi portant le budget du ministère de la guerre de l’exercice 1870

Discussion générale

M. le président. - La section centrale a conclu à l'adoption du budget présenté par le gouvernement, moyennant trois modifications auxquelles M. le ministre de la guerre a donné son assentiment.

La discussion s'ouvre donc sur le projet tel qu'il a été amendé par la section centrale.

La discussion est ouverte.

MgRµ. - J'ai l'honneur de présenter à la Chambre un amendement portant, au projet de loi, l'addition d'un article 4, ainsi conçu :

« Le ministre de la guerre est autorisé à disposer, jusqu'à concurrence d'une somme de 300,000 francs, des excédants que laissera éventuellement le budget de l'exercice 1870 de son département, pour l'affecter à l'amélioration du casernement des troupes. »

Je désire développer cet amendement.

M. le président. - Ne croyez-vous pas que vos observations viendraient mieux à leur place lorsque nous discuterons les articles ?

MgRµ. - Je puis les réserver pour ce moment, M. le président.

M. Jonetµ. - Messieurs, je tiens à motiver brièvement le vote approbatif que je donnerai, cette année encore, au budget de la guerre.

Les raisons qui, les années précédentes, m'ont engagé à ne pas refuser au gouvernement les crédits qu'il sollicitait, existent toujours.

En principe, je suis l'ennemi des dépenses militaires exagérées ; mais lorsqu'il s'agit de la sécurité, de l'indépendance même du pays, je suis prêt à tous les sacrifices.

L'état actuel de l'Europe ne nous permet pas, à mon avis, de nous départir de la prudence dont nous avons fait preuve ces dernières années ; mais je dois déclarer que si les circonstances venaient, heureusement, à changer, je. serais le premier à demander au gouvernement de consacrer à un objet plus utile une grande partie des sommes qu'il dépense aujourd'hui pour l'entretien de l'armée. Ce moment viendra bientôt, je l'espère ; c'est à nous de le hâter dans la mesure de nos forces.

Les gouvernements ne réduisent qu'à contre-cœur leur effectif militaire ; il semble que la moindre concession faite de ce côté aux exigences des populations soit un danger pour la patrie, et aucun d'eux ne songe à prendre l'initiative d'un désarmement qui est pourtant dans tous les vœux.

Il appartient aux puissances qui n'ont pas pris une part active dans les événements dont nous avons été les témoins depuis trois ans, d'insister auprès de celles qui s'y sont trouvées plus directement mêlées pour qu'elles prennent enfin une mesure radicale et ne conservent de leur état militaire que ce qui est indispensable pour le maintien de l'ordre public.

Ces gouvernements, en plus d'une occasion, ont témoigné d'une manière, trop peu énergique, trop vrai, leur désir de voir jeter les bases d'une paix durable ; sans nul doute, l'Autriche et l'Italie uniraient leurs efforts à ceux de ces puissances pour amener la France et la Prusse à renoncer définitivement à toute idée de conquête.

Je verrais avec plaisir que le ministère fît dans ce sens de pressantes démarches auprès des gouvernements étrangers.

M. Delcourµ. - Je ne viens soulever aucune question importante ; je me borne à adresser à M. le ministre de la guerre deux questions spéciales.

Elles sont assez graves, me paraît-il, pour mériter toute sa sollicitude.

La première de ces questions est toute locale : elle concerne l'hôpital militaire de Louvain.

Il y a deux ans déjà que j'ai interpellé l'honorable ministre de la guerre et que je lui ai demandé quelles sont les intentions du gouvernement en ce qui concerne la reconstruction de cet hôpital qui, comme vous le savez, a été incendié il y a près de cinq ans.

Depuis lors, quelques travaux ont été faits aux salles destinées aux malades, et je dois dire que ces salles, à l'heure où je parle, sont dans un (page 126) état assez satisfaisant, eu égard, bien entendu, à l'état dans lequel se trouve l'hôpital.

Cependant, messieurs, il y a une question de sécurité qui s'attache aujourd'hui à notre hôpital de Louvain.

Depuis cinq ans, comme je viens d'avoir l'honneur de le dire, l'hôpital se trouve dans un état de délabrement vraiment déplorable.

Oui, messieurs, la sécurité des personnes est vraiment compromise. Voici un fait qui s'est passé, au commencement de cette année, à l'occasion de l'enterrement d'un militaire appartenant au corps de musique du régiment des chasseurs ; l'escouade était à peine sortie de la cour de l'hôpital qu'un pan de mur s'est affaissé. Cet affaissement aurait produit les plus graves accidents si les troupes s'étaient encore trouvées sur les lieux.

Vous voyez, messieurs, qu'il se présente une question de sécurité, et je ne saurais trop insister pour que le gouvernement prenne une résolution immédiate.

Un bruit circule a Louvain ; je ne sais s'il est fondé. On prétend que le gouvernement aurait l'intention de supprimer l’hôpital et de le remplacer par un petit hôpital sans importance qui pourrait à peine suffire pour la garnison que nous possédons aujourd'hui à Louvain.

il est évident, messieurs, qu'une telle situation serait en opposition directe avec tous les précédents ; elle serait même contraire, selon moi, aux intérêts bien compris du service sanitaire. S'il y a une ville qui est particulièrement propre pour un hôpital central, c'est Louvain ; cela est si vrai que toujours la ville de Louvain a eu un hôpital central ; il a existé sous le gouvernement français, plus tard sous le gouvernement hollandais il y a été maintenu depuis 1830, par notre gouvernement national.

Je prie donc M. le ministre de prendre ces observations en sérieuse considération et j'espère que le gouvernement ne voudra pas modifier une situation acquise.

Ayant la parole, j'en profiterai pour dire un mot d'un autre point qui touche à l'organisation de notre armée.

Parmi les officiers des services spéciaux, il y en a quelques-uns qui ne me paraissent pas traités avec équité : je veux parler des gardes du génie. Depuis longtemps la position peu favorable de ces agents a été signalée à l'attention de M. le ministre de la guerre ; tout récemment encore, si mes renseignements sont exacts, le général commandant aurait insisté de nouveau auprès de M. le ministre de la guerre dans l'intérêt des gardes du génie.

Messieurs, les gardes du génie peuvent être comparés à deux catégories de fonctionnaires. Leurs fonctions ont une grande analogie avec celles des conducteurs des ponts et chaussées. Eh bien, il y a une différence grave entre ces deux espèces d'agents. Les conducteurs des ponts et chaussées sont mieux traités que les gardes du génie. Je ne veux pas reproduire ici des chiffres ; les chiffres sont connus ; ils sont écrits dans les arrêtés royaux ; j'affirme que je ne serai contredit par personne sur ce point.

Comparons maintenant les gardes du génie avec les gardes d'artillerie ; ici l'analogie est plus grande encore. C'est si vrai que, dans l'organisation de l'armée française, les uns et les autres sont placés sur la même ligne ; leurs traitements sont les mêmes.

Pourquoi en est-il autrement en Belgique ?

Les gardes d'artillerie sont dans une position beaucoup plus avantageuse, et jouissent d'un traitement beaucoup plus considérable que les gardes du génie. Il y a là, je pense, quelque chose à faire ; depuis longtemps la question a été signalée à l'attention de M. le ministre de la guerre. Je la renouvelle, espérant qu'il voudra bien réparer ce que j'appelle une injustice.

M. Van Overloopµ. - Parmi les griefs que l'on fait valoir, dans nos campagnes surtout, contre le service militaire, on prétend que les dimanches et jours de fête les soldats n'ont pas le loisir de remplir leurs devoirs religieux. Ce fait, s'il existe, est manifestement contraire aux règlements en vigueur sur le service intérieur des garnisons. L'article de ce règlement relatif au service religieux doit être exécuté comme tous les autres ; mais comme on suppose, dans nos campagnes, qu'il ne l'est pas, je prierai M. le ministre de la guerre de vouloir nous donner quelques explications à cet égard. Le règlement existe, je le reconnais ; je l'ai vu et plus d'une fois lu ; mais on prétend qu'il n'est pas exécuté. Comme je crois que cela n'est pas, je désire que M. le ministre veuille bien nous dire publiquement ce qui en est.

M. Hayezµ. - Messieurs, les succès négatifs qu'ont obtenus, jusqu'à ce jour, les observations que j'ai soumises a la Chambre sur les budgets de la guerre, m'avaient engagé à me borner, cette année, à n'émettre qu'un vote sur le budget soumis à vos discussions.

Cependant je viens de recevoir une note que je crois devoir faire connaître à la Chambre, parce qu'elle a rapport à un sujet que j'ai effleuré l'année dernière.

Cette note la voici :

« Deux fruits secs de l'école d'application, c'est-à-dire deux sous-lieutenants, envoyés dans l'infanterie, il y a quelques années, passèrent dans 1'artillerie pour y prendre rang avec les officiers de leur grade à la date du 20 juillet 1868 ; environ neuf mois après seulement, ils furent promus lieutenants. Comment pourrait-on faire croire sérieusement que deux sujets de cette condition eussent pu devancer les autres, sans exiger, au préalable, leurs deux années de grade dans l'artillerie ? On pourrait l'admettre jusqu'à un certain point, si l'on eût agi de la même manière à l'égard des sous-lieutenants rentrés à l'application pour satisfaire aux examens de sortie.

« Pour ne pas avoir deux poids et deux mesures, les dix sous-lieutenants sortis de l'application en février 1869, en leur tenant aussi compte de leur ancienneté d'infanterie, eussent dû être nommés, lors de la promotion du mois de juillet dernier, lieutenants d'artillerie. Mais on s'y prit de manière à rendre l'irrégularité plus grande encore.

« Cinq sous-lieutenants d'artillerie, n'ayant pas passé par l'école militaire et ayant leurs deux années de grade le 3 juillet dernier, furent nommés lieutenants le 12 dudit mois ; aujourd'hui, les dix sous-lieutenants susmentionnés ayant légalement leurs deux années de grade depuis le 1er octobre dernier, tout en perdant leur ancienneté d'infanterie, plus quatre mois de préparation en application, sont toujours en attendant leur nomination de lieutenant.

« Il en résultera qu'ils seront devancés encore, probablement, par les sous-lieutenants faisant partie de la première division actuelle en application qui ne sortiront qu'en février 1870 ; ceux-ci étaient encore élèves de seconde année, que les dix sous-lieutenants ci-dessus se trouvaient déjà en application. »

Voilà, messieurs, le contenu de la note que j'ai cru devoir communiquer à la Chambre ; M. le ministre de la guerre jugera peut-être convenable de donner, à son sujet, quelques explications.

M. Bouvierµ. - Je viens demander à M. le ministre de la guerre si, comme je l'y convie, il a l'intention de rapporter l'arrêté royal du 18 avril 1855, qui fixe la limite d'âge à laquelle les officiers ont droit à leur pension. D'après cet arrêté, ce droit s'ouvre :

Pour les lieutenants généraux, à 65 ans ;

Pour les généraux-majors, à 62 ans ;

Pour les colonels, à 60 ans ;

Pour les lieutenants-colonels et les majors, à 56 ans ;

Pour les capitaines, les lieutenants et les sous-lieutenants, à 55 ans.

Il est vrai que l'arrêté royal du 18 avril 1855 contient une disposition exceptionnelle, aux termes dans laquelle certains officiers peuvent être maintenus dans les cadres d'activité au delà des limites d'âge que je viens d'énumérer. Mais ce n'est qu'une simple faculté dont le ministre peut user ou ne pas user en observant quelques formalités.

Cet arrêté est en quelque sorte le calque des dispositions militaires adoptées en France en ce qui concerne la mise à la retraite.

Mais, messieurs, les conditions de l'armée belge ne sont pas identiques à celles de l'armée française.

Notre pays, messieurs, est un pays dont la neutralité a été imposée et garantie par les puissances étrangères. Notre armée n'est pas destinée à prendre l'offensive, mais à se tenir sur la défensive, à garder nos frontières, livrer une bataille en cas d'attaque et, si cette bataille nous était funeste, se replier et se concentrer sur Anvers.

Or, messieurs, je pense que mettre à la pension des officiers âgés seulement de 55 ans, qui sont dans toute leur vigueur, c'est porter une atteinte désastreuse à nos ressources financières sans ajouter aucune force, ni morale, ni matérielle, à notre armée.

Je crois donc, messieurs, qu'il serait bon, utile et convenable de reculer la mise à la retraite de nos officiers.

Déjà on l'a fait pour les médecins et les intendants. Pourquoi ne pas appliquer la même mesure à nos officiers, alors surtout que nous possédons dans le pays de grandes facilités de communication pour transporter et concentrer notre armée sur notre frontière attaquée. Nous avons eu l'exemple sous les yeux de cette facile concentration de nos forces lors de l'anniversaire des journées de septembre, concentration si complètement réussie, qui s'est faite aux applaudissements du pays tout entier.

Messieurs, si l'on reculait de deux ans la limite d'âge à laquelle les officiers doivent être mis à la pension, cette circonstance offrirait une (page 127) grande ressource au trésor et permettrait de faire droit aux réclamations si fondées, il faut bien le dire, des officiers pensionnés, qui, on doit le reconnaître, se trouvent dans une position excessivement précaire par suite de l'augmentation des loyers, du prix des denrées et de toutes les nécessités de la vie.

Je soumets, messieurs, ces observations à l'honorable ministre de la guerre afin qu'il les médite quelque peu.

J'espère qu'à la suite de ses méditations, la situation des officiers recevra une prompte et notable amélioration.

C'est le vœu sincère que je forme pour eux. Puisse-t-il être exaucé !

Je n'en dirai pas davantage pour le moment, me réservant de répliquer à l'honorable ministre si je le trouvais nécessaire.

M. Coomans. - Messieurs, je n'ai plus à expliquer les motifs qui me feront repousser le budget de la guerre.

Depuis de longues années, je ne l'ai pas voté et je suis moins disposé que jamais à le voter.

Je me borne à une protestation que je suis prêt à formuler de la manière la plus complète et la plus vive.

Pour le moment, voici quelques remarques encore. L'honorable M. Jonet vient d'exprimer une opinion qui est partagée, je le sais, par plusieurs membres de cette assemblée, mais qui, à mon sens, n'en est pas plus fondée pour cela.

Il nous faut, dit-il, une grande armée afin de maintenir l'ordre public. Messieurs, c'est là un de vos arguments et je crois que c'est, celui qui vous impressionne le plus.

M. Jonetµ. - Je n'ai pas dit cela.

M. Coomans. - Alors j'ai mal entendu et j'adresserai ma réponse à ceux qui produisent cette argumentation ici et au dehors.

M. Jonetµ. - J'ai dit que le pays devait supporter la dépense nécessaire pour se défendre.

Je demande la parole.

M. Coomans. - J'avais cru comprendre que vous teniez aussi au maintien de l'ordre public et que c'était pour cela que vous votiez le budget de la guerre.

Messieurs, je n'ignore pas que cette idée est celle de beaucoup de monde.

Ce n'est pas en vue d'une guerre contre l'étranger que les personnes dont je parle se montrent partisans du budget de la guerre ; c'est pour maintenir l'ordre public.

Or, messieurs, je trouve que c'est méconnaître le caractère belge, j'allais presque dire calomnier la Belgique. Nous n'avons pas besoin d'un budget de la guerre de 10 millions de francs pour maintenir l'ordre public en Belgique.

M. Thonissenµ. - Et la défense éventuelle du territoire national ?

M. Bouvierµ. - C'est l'accessoire pour M. Coomans.

M. Coomans. - Autre question que nous pourrions discuter quelque jour.

J'ai, sur beaucoup de choses et notamment sur le patriotisme, des idées autres que celles de l'honorable M. Bouvier et je m'en fais honneur.

Messieurs, il n'est pas vrai que la véritable raison du maintien de notre énorme budget de la guerre soit la défense nationale. Cela n'est pas vrai, non pas que quelqu'un manque de patriotisme ici ou ailleurs, mais parce que nous avons tous (je dis tous sans excepter personne, je suis généreux), assez de bon sens pour savoir que ce n'est pas notre armée, quelque brave, quelque excellente qu'elle soit, qui réglera les destinées de l'Europe. Si nous sommes un jour sérieusement menacés, ce qu'à Dieu ne plaise et ce que je ne crains plus, ce n'est certes pas une armée de 50,000 à 100,000 hommes de plus ou de moins parmi les 6 millions d'hommes qui sont sur pied en Europe qui décidera du sort de la Belgique.

Messieurs, je tiens à dire la vérité pure. Il y a deux raisons pour lesquelles on vote un gros budget de la guerre. La première, c'est qu'on s'effraye énormément des troubles publics et la seconde, c'est que l'on veut avoir quatre à cinq mille places d'officiers à distribuer. (Interruption.)

Voilà les deux véritables raisons ; je n'en connais pas d'autres.

Le budget de la guerre me paraît encore inadmissible, parce qu'il implique l'existence de l'odieuse loi de milice que vous voterez bientôt.

Messieurs, je relève en passant une grave erreur commise par l'honorable ministre de la guerre et j'aime à relever les erreurs commises par des adversaires instruits, parce qu'elles me prouvent qu'ils n'ont pas de bonnes raisons à alléguer à l'appui de leur cause.

Quand les hommes intelligents et instruits commettent de graves erreurs et présentent de mauvais arguments, c'est la preuve que la vérité est contre eux et qu'ils n'ont pas de bons arguments à faire valoir, car ces hommes-là emploient les bons arguments de préférence aux mauvais. Eh bien, l'honorable ministre de la guerre nous a soutenu que le budget de la guerre du royaume des Pays-Bas était de 30 millions de francs.

Or, messieurs, c'est une erreur énorme ; le budget de la guerre hollandais, je l'ai sous les yeux, celui de 1870 n'atteint pas la somme de 27 millions ; mais M. le ministre de la guerre y a ajouté les pensions militaires ; or, avec les pensions militaires, nous dépensons une. somme de plus de 40 millions. Et la Hollande est une nation qui peut faire la guerre, tandis que nous avons le malheur, je veux dire le bonheur d'être condamnés à une neutralité perpétuelle.

Eli bien, messieurs, si une comparaison pouvait s'établir entre la Hollande et la Belgique, il fallait la baser sur des données vraies et il fallait nous avertir que l'on ajoutait environ 5 millions au budget de la guerre hollandais, 4,890,000 francs ; or, nos pensions militaires s'élèvent à 5 millions de francs environ ; ajoutez-les aux 36 millions, cela fait bien 40 millions. Voici la demi-équation : 31 millions contre 41 ; différence 10 millions entre la Hollande et nous. (Interruption.)

Je suis persuadé qu'en examinant de près le budget, comme on me l'insinue, on trouvera d'autres différences encore, tout à fait en faveur de la thèse que je soutiens ; cette différence-ci, notamment, que les dépenses des fortifications sont comprises dans le budget hollandais, tandis qu'elles ne figurent pas dans le nôtre.

Dans la dernière session, plusieurs de mes honorables amis étaient décidés à voter contre le budget de la guerre à cause de certaines dispositions iniques de la loi de milice. J'espère qu'ils persisteront dans cette intention.

Je me réserve de prendre la parole, en guise de réplique, lorsque l'on m'aura fait l'honneur de me répondre et je termine par cette interpellation.

Je prie le gouvernement de nous indiquer, au juste, le chiffre des dépenses militaires extraordinaires du mois de septembre, des dépenses de la revue et du fameux bivac que nous connaissons.

Il importe qu'on s'explique à ce sujet, car le bruit court que ces dépenses ont été assez considérables.

A mon sens, on a eu tort de les faire sans autorisation préalable de la législature. (Interruption.)

M. le président. - Ne riez pas, messieurs, je vous prie.

M. Coomans. - Est-ce que l'on rit, M. le président ? Les rieurs pensent sans doute au bivac.

M. le président. - J'adresse la remarque à la Chambre et aux tribunes particulières. J'avertis ces dernières que toute intervention dans nos débats sera suivie immédiatement d'une mesure de sévérité de ma part. Je les engage à écouter avec calme et respect.

Continuez, M. Coomans.

M Coomansµ. - A mon sens, le gouvernement a eu tort de se livrer à des dépenses militaires extraordinaires sans l'autorisation de la législature, dépenses préméditées ; d'après l'assurance que l'on m'en a donnée, le gouvernement avait l'intention de dépenser certaines sommes pour le mois de septembre et il ne nous a pas avertis à temps.

- Un membre. - C'est une surprise.

M. Coomans. - Ceux qui ont été surpris, ce sont les malheureux miliciens que l'on a forcés à venir parader à Bruxelles le plus inutilement du monde.

Messieurs, je m'attends à une réponse qui ne me satisfera pas.

On nous dira peut-être que les frais pourront être couverts au moyen d'un léger supplément au budget.

Mais je désire qu'on nous dise quel est le chiffre des indemnités que l'on donnera ou qu'on a données aux compagnies de chemins de fer qui ont livré au gouvernement leurs voies, leur personnel et leur matériel.

Ce chapitre-là est toujours obscur. Comme il y a un compte permanent entre le gouvernement et les compagnies, je prévois qu'on noiera dans ce compte-là toutes les dépenses militaires. Mais, d'autre part, des hommes plus compétents que moi m'ont assuré que cette dépense doit être, au minimum, de 5 à 6 francs par homme.

Or, quand nous sommes appelés à voter sur des niaiseries financières, sur de petites sommes de rien du tout, je trouve étrange qu'on ne daigne pas nous consulter, ne fût-ce que pour la forme, hélas ! sur des dépenses de quelques centaines de mille francs.

J'attendrai les explications du gouvernement avant de continuer mes observations.

M. Jonetµ. - J'ai interrompu M. Coomans et j'ai demandé la parole pour déclarer à l'honorable membre qu'il ne m'a pas bien compris. J'ai dit que je voterais encore cette année le budget, mais que, si les circonstances (page 128) le permettaient, je demanderais que l'armée fût réduite au strict nécessaire pour maintenir l'ordre dans le pays. Je ne suis donc partisan d'une armée forte que dans les moments difficiles et je fais des vœux pour que bientôt nous puissions diminuer notre budget de la guerre.

M. Coomans. - J'ai rectifié immédiatement mon allégation, M. Jonet.

MgRµ. - Messieurs, je répondrai aux différentes observations qui viennent d'être présentées.

L'honorable M. Delcour nous a entretenus de l'hôpital militaire de Louvain. Depuis l'incendie, ce bâtiment est, à la vérité, dans une assez mauvaise situation. Nous avons réparé, autant que nos ressources nous le permettaient, les salles destinées aux malades et c'est avec plaisir que j'ai entendu l'honorable membre déclarer qu'elles répondent à leur destination. Pour mettre le restant de l'édifice dans un état convenable, il aurait fallu demander à la Chambre des crédits extraordinaires, car j'ai été obligé, l'année dernière et cette année encore, d'employer tous les fonds du génie à des travaux extrêmement urgents.

Aussitôt qu'il sera possible de réparer d'une manière complète l'hôpital militaire de Louvain, je ne manquerai pas de le faire.

J'ajouterai qu'il n'est pas question de remplacer cet hôpital par un autre, à peine suffisant pour recevoir les malades de la garnison.,

L'honorable membre sollicite une augmentation de traitement pour les gardes du génie.

Différentes propositions m'ont été faites pour majorer la solde de ces fonctionnaires, mais les augmentations de traitement entraînent nécessairement des augmentations de budget et ce n'est, je l'avoue, que sous l'empire d'une impérieuse nécessité qu. je me déterminerai à en proposer à la Chambre.

Je ferai remarquer du reste à l'honorable M. Delcour que la position des gardes du génie et des gardes d'artillerie, est essentiellement différente. Les premiers sont des employés civils, gardiens du domaine militaire et conducteurs de travaux, tandis que les seconds sont de véritables officiers ayant une grande responsabilité et soumis à l'obligation de verser un cautionnement.

Les traitements des gardes du génie ont été augmentés à différentes époques ; aujourd'hui les gardes principaux touchent jusqu'à 2,600 francs ; les conducteurs de travaux ne sont généralement pas mieux rétribués.

Sous la république, française, les gardes du génie avaient rang de sous-officiers et leur traitement était fort minime.

J'ajouterai qu'ils restent au service jusqu'à 65 ans au minimum, et que leurs traitements de retraite, calculés comme pour des employés civils, sont plus élevés que ceux des officiers qui jouissent du même traitement. Il y a donc une large, compensation.

Vous voyez donc, messieurs, que la position des gardes du génie s'est notablement améliorée, et que celle des officiers de l'armée n'a pas suivi la même proportion.

L'honorable M. Van Overloop nous a parlé de la crainte répandue dans les campagnes que les miliciens n'aient pas le temps d'accomplir leurs devoirs religieux le dimanche. M. Van Overloop a reconnu qu'il y a des prescriptions formelles à cet égard ; j'ajouterai que ces prescriptions sont rigoureusement observées.

II est défendu d'imposer des corvées aux soldats dans la matinée du dimanche. Les hommes ont donc toute liberté d'assister aux offices.

A moins de circonstances exceptionnelles, je ne pense donc pas que des chefs de corps aient jamais mis obstacle à l'accomplissement des devoirs religieux de leurs subordonnés.

Si des cas contraires se sont présentés, je prie l'honorable M. Van Overloop de vouloir bien me les signaler.

L'honorable M. Hayez a lu à la Chambre une plainte formulée par des lieutenants et des sous-lieutenants d'artillerie au sujet de l'avancement donné à quelques-uns de leurs camarades. Si l'honorable membre avait eu la bonté de me communiquer cette note, j'aurais pu prendre des renseignements et lui répondre en parfaite connaissance de cause. Je puis cependant déclarer à la Chambre que l'avancement dans le corps de l'artillerie se fait sur la proposition de l'inspecteur général de l'arme, appuyée des avis des autres généraux d'artillerie.

Quoiqu'il en soit, j'examinerai la plainte dont l'honorable membre s'est fait l'organe et je rechercherai si une injustice involontaire a été commise.

L'honorable M. Bouvier demande l'abrogation de l'arrêté royal de 1855, qui fixe l'âge de retraite des officiers. Il pense qu'il n'y a pas de raison peur pensionner les officiers à un âge plus avancé que les médecins et les intendants.

Messieurs, la différence entre les divers services est énorme. Les officiers de l'armée active sont astreints à des fatigues très grandes ; les intendants et les médecins, au contraire, ont des fonctions presque sédentaires.

La question des limites d'âge est très grave, messieurs, et il serait de toute impossibilité de la trancher à la légère. Ces limites ont été fixées pour ne conserver dans l'armée que des hommes valides, capables de bien remplir leur mission ; pour assurer à l'armée un avancement régulier, et enfin pour empêcher en quelque sorte le favoritisme.

L'application rigoureuse de la règle admise s'oppose à ce qu'on mette à la pension, à un âge peu avancé, des officiers valides dont on voudrait arrêter la carrière ; elle s'oppose également à ce qu'on conserve d'autres officiers indéfiniment. Par ces mesures, les droits de tous sont toujours parfaitement sauvegardés.

Sans doute, il est des officiers qui, arrivés au terme de leur carrière, sont encore très valides ; mais ce sont des exceptions, et c'est sur la masse qu'il faut baser son argumentation. L'âge de 55 ans est certainement assez avancé, par exemple, pour les capitaines qui doivent marcher à la tête de leurs compagnies ou conduire leurs escadrons. On a cité la France. Or, messieurs, en France, les capitaines sont mis à la retraite à 52 ans.

Si, lorsqu'on a déterminé les limites d'âge, on les avait augmentées de deux années, on se serait sans doute fait à cette situation ; mais il serait extrêmement grave de la changer aujourd'hui de manière à suspendre tout avancement pendant deux ans. Je ne me refuserai cependant pas à examiner cette question.

Je ne répondrai pas à la première partie des observations de l'honorable M. Coomans, attendu qu'elle n'est que la répétition de ses discours contre l'armée, contre la mission qu'elle peut avoir à remplir en temps de guerre, discours nombreux que j'ai déjà réfutés.

Je ne rencontrerai que les deux observations spéciales qu'il a présentées et qui ont trait, l'une au budget de la guerre de la Hollande, l'autre au bivac et à la revue qui ont eu lieu en septembre dernier.

En concédant même à l'honorable membre que les dépenses militaires ne s'élèvent chez nos voisins qu'à 27 millions, ce chiffre donnerait pour notre budget une somme de 40 millions, attendu que 27 millions répartis sur une population de trois millions et demi d'habitants équivalent à 10 millions pour une population de cinq millions d'habitants.

C'est donc une erreur de prétendre que le budget de la guerre de la Belgique est plus élevé que celui de la Hollande.

Reste la revue du mois de septembre. Cette revue, dit-on, a coûté une somme énorme ; on aurait dû consulter la Chambre, car on viendra bientôt lui demander des crédits extraordinaires. Eli bien, j'annonce à l'honorable membre que je n'aurai aucun appel de fonds à faire pour solder ces dépenses. Les ressources de mon budget ont parfaitement suffi et la Chambre le comprendra facilement : nous n'avons pas rappelé un seul homme pour participer à la revue.

A l'époque où cette solennité a eu lieu, les régiments campés ou en garnison étaient portés à l'effectif maximum d'été ; nous avons avancé de quelques jours la levée du camp et prescrit d'effectuer simultanément les changements ordinaires de garnison. De cette manière, les hommes ont été nourris à Bruxelles ou dans les cantonnements comme ils l'auraient été au camp ou dans leurs garnisons, et quant aux corps en route, ils n'ont eu d'autre détour à faire que de passer par la capitale, en s'y arrêtant quelques heures.

Les frais de transport ont été payés comme ils le sont d'ordinaire. La revue du mois de septembre n'a coûté, en définitive, qu'une somme relativement minime que le budget de la guerre a supportée parfaitement.

Du reste, l'honorable membre qui à toute occasion soutient qu'il faut tâcher de faire produire au chemin de fer le plus de recettes possible, devrait féliciter le ministre de la guerre, puisque, pour quelques milliers de francs qu'a coûtés la revue, la recette du chemin de fer a dépassé de 200,000 francs le chiffre ordinaire.

Ainsi donc, le bénéfice du trésor a été de 185,000 francs.

Tel est le résultat de la revue de septembre. (Interruption.) C'est bien ainsi.

M. Coomans. - Faites alors voyager les soldats tous les jours.

MgRµ. - Quant aux voitures empruntées aux chemins de fer concédés, l'honorable membre ne sait-il pas que les troupes qui se rendent dans toutes les parties du pays, voyagent aussi bien par ces voies que par celles de l'Etat.

Quelques-uns des chemins de fer concédés appartiennent à la Compagnie du Nord ou à l'Est français ; et, dans ce cas, ce sont les waggons de ces sociétés qui transportent nos soldats.

Ce qui a été fait lors de la revue de septembre se fait chaque fois qu'il y a de grands mouvements de. troupes. Je ne sais pas jusqu'à quel point (page 129) le ministre de la guerre est tenu de solliciter de la Chambre l'autorisation d'organiser une revue ou d'effectuer un mouvement de troupes dans le pays.

Il est probable que si je venais lui demander pareille autorisation, elle me répondrait, avec justesse, que ce sujet n'est pas de sa compétence.

M. Vleminckxµ. - Messieurs, j'avais demandé la parole pour appuyer les observations que vous a présentées l'honorable M. Bouvier, relativement à la limite d'âge de retraite fixée par l'arrêté du 18 avril 1855. Je me rallie à ces observations.

M. le ministre de la guerre vient de nous dire qu'il examinerait la question avec toute l'attention qu'elle mérite. Je suis d'avis que, sans aucun inconvénient pour l'armée et pour le pays, la limite d'âge pourrait être reculée pour tous les officiers sans exception.

Un des motifs pour lesquels cette limite a été établie, c'est qu'il faut bien donner de l'avancement et qu'il ne faut pas décourager ceux qui attendent. Je le sais bien. Mais en retenant les officiers plus longtemps en activité, vous ne feriez tort à personne ; l'avancement aurait toujours lieu, mais il aurait lieu un peu plus lentement ; d'autre part aussi, on servirait plus longtemps. Il y aurait donc évidemment compensation, cela n'est pas niable.

L'honorable M. Bouvier vous disait tout à l'heure que l'économie à résulter de cette mesure devait être affectée à l'amélioration de la position des officiers pensionnés ; c'est aussi mon vœu ; mais si vous reculiez la limite de deux ans seulement pour tous, vous feriez des économies qui dépasseraient de beaucoup la dépense que vous pourriez faire pour les pensionnés.

D'après les calculs auxquels je me suis livré, je prétends qu'au bout de huit ou de dix ans, le trésor réaliserait une économie de plusieurs millions. J'engage M. le ministre de la guerre à ne pas perdre de vue les conséquences de la réforme que nous sollicitons, et j'y appelle, d'autre part, l'attention toute spéciale de son honorable collègue, M. le ministre des finances.

M. Hayezµ. - M. le ministre de la guerre s'est plaint de ce que je ne lui avais pas donné, avant la séance, connaissance de la note dont j'ai donné lecture à la Chambre ; mais cette note venait de m'être envoyée, et je dois le déclarer à la Chambre, j'ignore complètement son auteur ou ses auteurs, et, suivant mon habitude, je ne l'aurais pas lue à la Chambre, sans en connaître les auteurs, si l'année dernière je n'avais déjà touché le sujet qu'elle traite.

Il n'y a donc rien qui prouve que celle note émane des sous-lieutenants qui se croient lésés. C'est une supposition que M. le ministre de la guerre peut faire, qui est certainement possible, mais je dois répéter que je n'en sais absolument rien moi-même.

Quant à l'arrêté royal dont M. Bouvier réclame la suppression ou la modification et qui est relatif à l'âge de la mise a la retraite des officiers, je pense que ce nouvel arrêté est complètement inutile. L'arrêté de 1855, qui fixe la limite d'âge, ne fixe absolument rien, attendu que son article premier est annulé par l'article 2. Cet arrêté laisse tout entière la loi de 1838 qui donne au gouvernement la faculté de pensionner les officiers quand ils ont atteint 55 ans, n'importe leur grade, mais ne fixe pas de limite.

M. Bouvierµ. - Je n'ai pas fait, comme M. le ministre de la guerre vient de le dire, une comparaison entre les médecins, les intendants et les autres officiers de l'armée. J'ai seulement dit ceci : que le département de la guerre, sans avoir fait intervenir un nouvel arrêté royal, avait cependant dérogé, en fait, à l'arrêté royal de 1855, en prolongeant la durée du service de certains fonctionnaires de deux années.

L'honorable ministre de la guerre fait une comparaison entre la limite d'âge des officiers de l'armée française et la limite d'âge des officiers de l'armée belge, et il ajoute que les capitaines, en France, sont mis à la retraite à 52 ans.

L'honorable ministre fait un signe affirmatif qui établit que j'avais parfaitement compris. Mais, messieurs, cette comparaison me semble vicieuse.

L'armée française n'est pas seulement une armée instituée pour la défense du sol et de l'indépendance nationale, mais elle est destinée aussi à se porter au loin, à faire des guerres agressives ; nous la voyons en Chine, en Cochinchine, en Afrique ; elle porte la guerre en Crimée, en Italie, au Mexique, etc. Eh bien, messieurs, il est incontestable que, pour soutenir de pareilles guerres, il faut des officiers bien constitués, alertes, vifs et il importe beaucoup qu'ils ne dépassent pas une certaine limite d'âge. Mais en Belgique, messieurs, notre armée, comme je le disais tout à l'heure, est une armée purement défensive, pour maintenir notre neutralité et ce n'est que dans un cas excessivement grave, dans un cas tout à fait exceptionnel que notre armée sera appelée à une prompte mobilisation pour défendre notre frontière attaquée, notre territoire envahi.

Or, messieurs, mettre à la pension des capitaines et des lieutenants à l'âge de 55 ans, je dis que cela me paraît exorbitant.

A l'âge de 55 ans, l'homme est dans toute la force de l'âge et il a de l'expérience.

Les militaires ont, à cet âge, plus de sang-froid et de pratique stratégique que les jeunes officiers.

Eh bien, je dis qu'au point de vue de la défense nationale et du trésor publie, il y a lieu de revenir sur l'arrêté dont je combats les dispositions, et en le faisant vous trouverez des moyens de venir en aide, sans grever le trésor public, aux pensionnés, aux malheureux pensionnés.

Comme M. Vleminckx vient de vous le démontrer, vous avez le pouvoir de poser un grand acte de justice, tout en donnant à notre armée un nouveau brevet de longévité militaire, dont les jeunes officiers ne s'offenseront pas et dont les anciens s'applaudiront.

M. Coomans. - J'ai déjà fait droit à la juste réclamation de l'honorable M. Jonet. Ce n'est pas lui qui a soutenu que le maintien de l'ordre public exigeait un gros budget de la guerre.

C'est donc à d'autres que j'ai répondu en disant que bien malheureux sont les pays qui ont besoin d'une grande armée guerroyante pour faire respecter la loi. La Belgique, heureusement, n'en est pas là, et je suis fier pour mon pays de pouvoir dire qu'on le calomnie quand on ose affirmer que le maintien de l'ordre public, la première des nécessités sociales, exige chez nous un budget de plus de quarante millions de francs par an,

Messieurs, l'honorable ministre de la guerre veut bien reconnaître qu'il se trompait en nous disant l'autre jour itérativement que le budget de la guerre hollandais était de trente millions de francs. Je m'étais borné à dire qu'il n'atteignait pas le chiffre de vingt-sept millions. N'en déplaise à l'honorable ministre, un nouveau calcul que nous venons de faire sur ces bancs m'oblige à retrancher encore de ce chiffre 2,571,000 fr. 19 c, attendu que cette somme figure au budget de la guerre hollandais de 1870 pour des fortifications nouvelles. Le budget très détaillé est ici et je suis prêt à le mettre sous les yeux de l'honorable ministre.

Donc, en définitive, le budget de la guerre du royaume des Pays-Bas est de 24,355,000 fr. 36 c. ; vingt-quatre millions et quelque chose, et non les 30 millions annoncés l'autre jour pour faire impression sur les hommes, malheureusement trop nombreux, qui ne sont pas au courant des budgets hollandais.

Messieurs, d'après l'honorable ministre, 27 millions, 24 millions même équivaudraient à notre budget de 36 millions, eu égard au chiffre de la population. Si l'on n'a égard qu'à la population, la chose serait à peu près vraie. Je dis : à peu près, à quelques millions près ; mais nous ne comptons plus.

Mais il y a d'autres considérations à faire valoir. Le. franc belge ne vaut pas un franc en Hollande. Les 24 millions de francs, en Hollande, valent bien 30 millions, peut-être 33 millions en Belgique. Tout est plus cher en Hollande. Par conséquent on doit y payer plus cher toutes les dépenses de guerre et tout le personnel de l'armée, les soldats y compris.

Le nombre des volontaires est beaucoup plus grand en Hollande que chez nous. Il faut les payer aussi. (Interruption.) Il y a de l'exagération quand on dit que le florin vaut 5 ou 4 francs en Belgique ; mais chacun sait que toutes choses sont plus chères en Hollande que chez nous, et le même nombre d'hommes doit y coûter davantage.

Donc la comparaison faite par l'honorable ministre de la guerre est inexacte ; inexacte quant au chiffre, je l'ai montré ; inexacte aussi quant aux conséquences qu'il en tire.

Deux mots encore.

L'honorable ministre se vante d'avoir fait gagner au trésor belge 185,000 francs environ par suite de la revue de septembre et du bivac, à cause du mouvement extraordinaire de curieux, parmi lesquels pas mal de badauds qui sont accourus à Bruxelles.

M. Bruneau. - Ils payent comme les autres.

M. Coomans. - Oh ! oui, ils payent comme d'autres. Ce sont surtout les badauds qui payent dans toutes les circonstances.

Messieurs, je crois que l'on pourrait atteindre le même but à moins de frais ; on aurait pu, comme il y a quelques années, faire des exhibitions noms dispendieuses, qui auraient produit la même attraction pour la partie du public dont je parle ; mais, au point de vue du bien-être social, que fait le déplacement de quelques milliers d'hommes ? Je doute fort que l'honorable ministre m'ait compris ou qu'il veuille me comprendre : j'ai demandé quel serait le décompte intervenu entre le chemin de fer de l'Etat et les (page 130) compagnies pour les dépenses faites par ces compagnies ; à moins que vous ne prétendiez qu'elles ont fourni gratis tout le matériel et le personnel, il me semble qu'il y aura un compte final assez considérable à enregistrer et à payer, car, en définitive, si les compagnies portent ces frais en compte dans leur règlement avec le chemin de fer de l'Etat, c'est évidemment comme si le gouvernement les payait.

Vous avez des décomptes avec les compagnies, eh bien, je demande quel est le chiffre négatif qui sera mis au compte du gouvernement. Il est probable que M. le ministre de la guerre ne le sait pas, ce n'est pas son affaire ; mais si M. le ministre des travaux publics voulait parler, j'apprendrais bien quelque chose.

M. le ministre de la guerre, entre autres affirmations singulières, nous présente celle-ci : c'est qu'il n'aura rien à nous demander pour dépenses de la revue de septembre, attendu que son budget lui fournit les moyens de les supporter.

Eh bien, messieurs, la conclusion naturelle, que je tire de ce fait, dont je ne doute pas, c'est qu'il y a un superflu. Je demande, qu'on me fasse connaître le chiffre de ce superflu, afin que je puisse formuler un amendement qui le supprime pour 1870.

Je n'aime pas que le ministère de la guerre fasse des économies : je m'étonne qu'il en fasse, contre ses habitudes ; quand ce louable résultat se produit, j'ai hâte d'en profiter pour le rendre impossible ensuite.

MgRµ. - Je veux bien encore supposer avec l'honorable M. Coomans, que le budget de la guerre de la Hollande n'est que de 25 millions. Eh bien, 25 millions, pour une population de 3 millions et demi d'habitants, équivalent à 36 millions pour une population de 5 millions. Mais ce que l'honorable membre se garde bien de dire, c'est que nous payons 36 millions pour avoir, dans un moment donné, 100,000 hommes sous les armes, tandis que la Hollande paye 25 millions pour n'avoir, elle, que 30,000 hommes.

Mais il y a autre chose : Est-ce que l'armée hollandaise doit être constituée aussi fortement que la nôtre ? Est-ce que le territoire hollandais, couvert par des eaux étendues, qui sont des lignes de défense naturelles, peut être comparé à notre pays de plaines ?

En ce qui concerne la revue, l'honorable membre a dit que s'il s'agissait de faire faire des bénéfices au chemin de fer de l'Etat, nous aurions pu attirer la foule par d'autres exhibitions. Je ne sais à quel genre d'exhibitions l'honorable membre veut faire allusion. Est-ce à des saltimbanques, à des spectacles en plein vent ? Mais en est-il de comparables au spectacle grandiose que nous avons donné à la population ?

L'honorable membre en veut beaucoup à la revue. Je le conçois sans peine : c'est parce qu'il en veut à l'armée. Il combat l'armée dans cette enceinte par tous les moyens ; il la représente comme impopulaire.

C'est donc avec dépit qu'il a dû voir et entendre les 200,000 ou 300,000 citoyens qui se trouvaient à Bruxelles, acclamer nos troupes, montrer qu'ils étaient fiers de la tenue de nos braves soldats, combien était excellent l'instrument dont le pays disposerait si son indépendance et ses libertés étaient menacées.

Voilà, sans doute, ce qui chagrine le plus l'honorable membre.

Quant à la dépense, je répète que nous n'avons pas rappelé un milicien de plus.

Nous avons renvoyé les hommes à l'époque où ils retournent dans leurs foyers chaque année. Nous avons fait partir les troupes du camp quatre jours plus tôt et c'est pendant ces quatre jours qu'elles ont passé par la capitale.

Il n'y a pas de décompte avec les compagnies de chemins de fer. Lorsque les soldats voyagent par les voies ferrées, les corps soldent le prix du transport. Ce payement a eu lieu comme d'ordinaire.

Il n'y a donc aucun décompte à faire sous ce rapport, et je répète que cette revue, contre laquelle on s'élève, n'a coûté à l'Etat qu'une somme relativement très minime.

Voilà la vérité.

L'honorable membre parle du superflu du budget de la guerre, que la Chambre devrait s'empresser d'enlever. Il en est de mon budget comme de ceux des autres départements. Il est évident que sur les crédits qui sont mis à ma disposition, il reste toujours quelque chose à la fin de l'année, par suite de congés ou de décès, et cet excédant tous les ans est versé au trésor.

M. de Brouckere. - Messieurs, je ne prolongerai pas la discussion. Je n'ai demandé la parole que pour dire quelques mots.

Je commence par féliciter M. le ministre de la guerre de la résistance qu'il a opposée à une demande d'augmentation de traitement qui lui avait été faite dans l'intérêt d'une certaine catégorie de ses subordonnés.

J'invite l'honorable ministre de la guerre à résister à toutes les demande de la même nature.

Il faut, messieurs, dans l'intérêt de l'armée, que le chiffre du budget reste invariable ou au moins il faut que ce chiffre ne soit modifié que quand il y aura nécessité démontrée, nécessité absolue.

J'ai examiné avec attention les réclamations qui ont été faites, soit devant la Chambre, soit devant le gouvernement, par les officiers pensionnés.

Je pense que ces réclamations méritent, jusqu'à un certain point, d'être prises en considération.

Il y a véritablement un certain nombre d'officiers pensionnés dont la position n'est pas tolérable et je pense que ce ne sera qu'un acte de convenance et de justice de faire quelque chose pour ces officiers.

Mais il y a moyen et ici je suis d'accord avec les honorables MM. Vleminckx et Bouvier, il y a moyen d'augmenter, jusqu'à un certain point, la pension des officiers dont la position est la plus malheureuse, sans accroître nos dépenses. Ce serait en reculant, ne fût-ce que d'une année, l'âge où les officiers sont mis à la pension.

Je suis convaincu que l'on peut prendre cette mesure sans aucun inconvénient.

J'engage le gouvernement à examiner simultanément les deux questions : celle relative à l'augmentation des pensions de certaines catégories d'officiers et celle qui aurait pour objet de reculer l'âge où l'on met les officiers à la pension.

Remarquez-le bien : il y aura dans l'armée quelques réclamations de la part d'officiers qui aspirent à avoir un prompt avancement ; mais, comme l'a dit l'honorable M. Vleminckx, le dédommagement sera double, parce qu'ils auront la perspective de rester une année de plus en fonctions et une autre perspective encore, c'est que leur pension sera augmentée.

Je crois que ces deux questions méritent la plus sérieuse attention de la part du gouvernement.

Je ne sais maintenant s'il est nécessaire d'ajouter quelque chose à la réponse que M. le ministre de la guerre a faite relativement à la revue du mois de septembre. Cette revue n'a entraîné qu'une minime dépense, que le budget de la guerre supportera sans qu'il soit nécessaire de recourir à des demandes de crédits extraordinaires.

Je suis bien convaincu que le pays approuve cette dépense et que la mesure prise par le gouvernement d'organiser cette revue a reçu l'approbation générale.

M. Vermeireµ. - Je désire motiver en peu de mots le volt que je compte émettre sur le budget de la guerre. Ce vote sera négatif.

Je ne veux pas entrer dans le fond du débat, mais en faisant une revue rétrospective je me demande pourquoi, alors qu'en 1848, époque à laquelle nous nous trouvions vis-à-vis de l'étranger dans une position plus critique qu'aujourd'hui, on pouvait se contenter d'un budget de 28 millions, que d'honorables membres de la gauche voulaient encore réduire à 26 millions, pourquoi il est nécessaire d'avoir un budget de la guerre qui monte jusqu'à 40 millions.

Je pense que cette nécessité n'est pas démontrée.

Depuis bien des années nous avons vu dans le pays une opposition, non pas précisément systématique, mais une opposition assez naturelle contre les aggravations des charges militaires. Ces aggravations de charges ne sont que trop réelles : on se contentait autrefois de la présence au corps des miliciens pendant quinze ou dix-huit mois ; aujourd'hui on leur demande, un service de vingt-huit à trente mois ; autrefois les pères de famille, en faisant quelques sacrifices, pouvaient remplacer leurs fils dont ils ont un besoin absolu pour la prospérité de leurs affaires ; aujourd'hui, d'après la nouvelle loi, ils se trouveront dans l'impossibilité de les remplacer.

L'aggravation de charges sera d'autant plus grave que, lorsque la nouvelle loi sur la milice sera en vigueur, le père, pour remplacer son fils, devra s'engager avant le tirage au sort et que le gouvernement pourra ne pas se contenter du remplacement qu'on lui présentera.

En présence de cette situation, je dois déclarer qu'il m'est impossible de voter le budget de la guerre. Je voterai donc contre ce budget, non pas précisément parce que je suis opposé à l'armée, mais précisément parce que l'opinion se propage dans le pays que les dépenses de l'armée sont exagérées.

Si l'on restait dans des limites raisonnables ; si, comme en 1848, on revenait à un budget de 26 à 28 millions, je ne dis pas que je ne voterais pas pour le budget de la guerre.

Mais en présence de cette aggravation considérable des dépenses (page 131) militaires, aggravation telle, que le budget de la guerre absorbe à lui seul à peu près le tiers de nos ressources, déduction faite des revenus de l'Etat proprement dits, eh bien, je dis que cette proposition n'est nullement justifiée.

On a fait souvent des comparaisons avec les pays étrangers, comparaisons que je n'admets pas. Quoi qu'il en soit, je dirai que le budget militaire de la France, comme je l'ai déjà démontré dans une autre discussion, est moins élevé que le nôtre, défalcation faite des dépenses extraordinaires que l'empire doit faire pour ses possessions étrangères.

Du reste, messieurs, la comparaison basée sur le chiffre de la population n'est nullement admissible. Et, en effet, ce n'est pas en raison de la population qu'on doit se défendre : on doit se défendre en raison de la position topographique que l'on occupe en Europe ; on doit, régler ses moyens de défense d'après les traités internationaux qui lient une nation aux autres.

Eh bien, notre position topographique, nos traites internationaux qui nous ont rendus neutres, nous défendent expressément de nous comparer avec des pays qui, chaque jour, peuvent être appelés à marcher en guerre.

J'ai donc la conviction que, dans l'intérêt même de l'armée, l'exagération des dépenses militaires doit avoir, pour le pays, de mauvais résultats. C'est pourquoi je voterai contre le budget de la guerre.

- La discussion générale est close.

Discussion du tableau des crédits

L'assemblée passe à la discussion des articles.

Chapitre premier. Administration centrale

Articles 1 à 5

« Art. 1er. Traitement du ministre : fr. 21,000. »

- Adopté.


« Art. 2. Traitements des employés civils : fr. 155,910 »

« Charge extraordinaire : fr. 900. »

- Adopté.


« Art. 3. Supplément aux officiers et aux sous-officiers employés au département de la guerre : fr. 16,000. »

- Adopté.


« Art. 4. Matériel : fr. 40,000. »

- Adopté.


« Art. 5. Dépôt de la guerre : fr. 19,000.

« Charge extraordinaire : fr. 175,000. »

- Adopté.

Chapitre II. Etats-majors

Articles 6 à 8

« Art. 6. Traitement de l'état-major général : fr. 849,288 25. »

- Adopté.


« Art. 7. Traitement de l'état-major des provinces et des places : fr. 324,472 20. »

- Adopté.


« Art. 8. Traitement du service de l'intendance : fr. 171,500 50. »

- Adopté.

Chapitre III. Service de santé des hôpitaux

Articles 9 à 11

« Art. 9. Traitements des officiers de santé : fr. 244,910. »

- Adopté.


« Art. 10. Nourriture et habillement des malades ; entretien des hôpitaux : fr. 544,500. »

- Adopté.


« Art. 11. Service pharmaceutique : fr. 132,000. »

- Adopté.

Chapitre IV. Solde des troupes

Articles 12 à 16

« Art. 12. Traitement et solde de l'infanterie : fr. 12,025,525. »

- Adopté.


« Art. 13. Traitement et solde de la cavalerie : fr. 3,484,446. »

- Adopté.


« Art. 14. Traitement et solde de l'artillerie : fr. 4,061,000. »

- Adopté.


« Art. 15. Traitement et solde du génie : fr. 919,000. »

- Adopté.


« Art. 16. Traitement et solde du bataillon d'administration : fr. 428,000.

« (Les hommes momentanément en subsistance près d'un régiment d'une autre arme compteront, pour toutes leurs allocations, au corps où ils se trouvent en subsistance.)

- Adopté.

Chapitre V. Ecole militaire

Articles 17 et 18

« Art. 17. Etat-major, corps enseignant et solde des élèves : fr. 192,400. »

- Adopté.


« Art. 18. Dépenses d'administration : fr. 26,000. »

- Adopté.

Chapitre VI. Etablissements et matériel de l'artillerie

Articles 19 et 20

« Art. 19. Traitement du personnel des établissements : fr. 50,000. »

- Adopté.


« Art. 20. Matériel de l'artillerie : fr. 800,000. »

- Adopté.

Chapitre VII. Matériel du génie

Article 21

« Art. 21. Matériel du génie : fr. 700,000. »

- Adopté.

Chapitre VIII. Pain, viande, fourrages et autres allocations

Articles 22 à 29

« Art. 22. Pain et viande : fr. 4,457,529 »

- Adopté.


« Art. 23. Fourrages en nature : fr. 2,962,000. »

- Adopté.


« Art. 24. Casernement des hommes : fr. 641,000. »

- Adopté.


« Art. 25. Renouvellement de la buffleterie et du harnachement : fr. 100,000. »

- Adopté.


« Art. 26. Frais de route et de séjour des officiers : fr. 100,000. »

- Adopté.


« Art. 27. Transports généraux : fr. 75,000. »

- Adopté.


« Art. 28. Chauffage et éclairage des corps de garde, etc. : fr. 58,000. »

- Adopté.


« Art. 29. Remonte : fr. 721,650. »

- Adopté.

Chapitre IX. Traitements divers et honoraires

Articles 30 et 31

« Art. 30. Traitements divers et honoraires : fr. 108,120 20.

« Charge extraordinaire : fr. 773 80. »

- Adopté.


« Art. 31. Frais de représentation : fr. 30,000. »

- Adopte.

Chapitre X. Pensions et secours.

Article 32

« Art. 32. Pensions et secours : fr. 93,026 14.

« Charge extraordinaire : fr. 2, 973 86. »

- Adopté.

Chapitre XI. Dépenses imprévues

Article 33

« Art. 33. Dépenses imprévues non libellées au budget : fr. 16,569 05. »

M. de Theuxµ. - Messieurs, plusieurs amis politiques qui, comme, moi, votent ordinairement le budget de la guerre, m'ont prié de faire connaître à la Chambre leur résolution de s'abstenir aujourd'hui.

La Chambre a admis, dans le projet de loi sur la milice, deux dispositions restrictives de l'exemption provisoire accordée jusqu'à présent aux étudiants en théologie sans distinction.

Ce vote n'a aucune utilité appréciable pour l'armée. Nous avons donc le droit de le considérer comme une réaction contre le système libéral qui nous a régis en cette matière et d'affirmer notre opposition en nous abstenant de voter le budget de la guerre.

MfFOµ. - Messieurs, la résolution que vient d'annoncer l'honorable M. de Theux est assurément regrettable, et elle produira une impression fâcheuse dans le pays.

Je n'ai certes pas le droit de donner des conseils à l'opposition, et j'ajoute qu'elle ne les écouterait pas ; mais je crois devoir faire remarquer que la détermination si grave, non pas au point de vue matériel, quant au vote en lui-même, mais au point de vue moral et politique, que cette détermination si grave annoncée par l'honorable M. de Theux repose sur un grief qui est vraiment futile.

A entendre l'honorable membre, les dispositions qui ont été adoptées dans le projet de loi sur la milice, en ce qui concerne les exemptions des ministres des cultes ou des aspirants au sacerdoce, doivent être considérées comme une réaction contre le principe de liberté qui a régi jusqu'ici la matière.

La première de ces dispositions, c'est celle par laquelle la Chambre a décidé que le milicien, étudiant en théologie, dont la famille serait dans l'aisance, devrait se procurer un remplaçant. Comment pense-t-on que le pays accueillera l'opposition violente fondée sur un pareil motif ? Quoi ! L'intérêt public serait méconnu, la défense nationale sera sacrifiée parce que des personnes dans l'aisance seront tenues de mettre un remplaçant, si ces personnes tiennent de près ou de loin au clergé ! Il faudrait donc, pour satisfaire aux exigences que l'on montre à ce sujet, que même des personnes riches, dès qu'elles se vouent au ministère ecclésiastique, fussent dispensées de se faire remplacer, quand nos malheureux artisans, des ouvriers vivant d'un modique salaire, s'imposent les plus durs sacrifices pour arriver à obtenir un remplaçant !

Le second motif, c'est qu'on a décidé qu'on devrait étudier dans les séminaires pour pouvoir jouir de l'exemption provisoire. Or, en réalité, en fait, c'est ce qui se pratiquait au moins dans deux de nos provinces ; c'est ce qui s'est pratiqué invariablement depuis 1830. Une interprétation différente a prévalu dans d'autres provinces.

On a donc tranché la question, qui était controversée, je l'admets, qui divisait les députations permanentes, et on l'a tranchée dans le sens du principe qui a paru le plus conforme à la législation ancienne, législation qui nous régit encore, celle de 1817.

Sont-ce la, j'en fais juge la Chambre et le pays, sont-ce la des motifs suffisants, des motifs acceptables pour justifier une opposition aussi grave que celle qui vient d'être annoncée par l'honorable M. de Theux ?

M. de Theuxµ. - Messieurs» il y a ici plutôt une question de principe que des questions de fait.

Le principe de la liberté de l’enseignement se trouve engagé par ce vote, car pour l'obtention d'un diplôme autorisant l'exercice d'une profession publique, nécessaire pour remplir certains emplois, la loi ne fait aucune espèce de distinction sur le lieu où les études ont été faites.

En second lieu, la condition insérée dans la loi qu'il faut l'absence d'aisance pour obtenir l'exemption du service militaire, peut devenir un précédent extrêmement dangereux ; car l'on passe d'un premier pas à un second pas quand on est en marche. En outre, cela est de nature à jeter l'inquiétude dans les familles qui n'ont pas les moyens de faire faire de longues études théologiques et préparatoires, sur le point de savoir si elles ne sont pas exposées à certaines décisions arbitraires qui leur feraient perdre le fruit de ces longues dépenses et des études de leurs enfants, si l'on décidait qu'elles sont dans l'aisance.

Voilà deux motifs.

Le troisième motif, messieurs, il faut bien que je le dise puisque M. le ministre des finances a critiqué avec une certaine vivacité les deux premiers motifs, c'est que presque chaque fois qu'on touche à la rédaction ou à la révision d'une de nos lois, on s'abstient rarement d'y introduire quelque mesure de réaction contre une de nos libertés que nous considérons comme des plus précieuses.

Vous ne devez donc pas être étonnés de la détermination que nous avons prise après mûre réflexion.

MfFOµ. - Messieurs, je m'étonne que l'honorable M. de Theux dise que chaque fois que l'on touche à l'une ou l'autre de nos lois, c'est pour y introduire quelque mesure de réaction contre les libertés dont nous jouissons. L'honorable membre serait, sans doute, fort en peine de citer un exemple de réaction contre les principes de liberté, que nous nous appliquons, au contraire, à défendre et à développer.

Je ne m'explique cette étrange appréciation de l'honorable membre que par la confusion d'idées dans laquelle il tombe en assimilant des situations qui n'ont rien de comparable. Voyez, dit-il : des diplômes sont exigés pour l'exercice de certaines professions ; mais ils peuvent être obtenus, sous certaines garanties, après des épreuves subies devant un jury organisé à cette fin, et cela aussi bien par ceux qui ont étudié dans des établissements privés que par ceux qui ont suivi les cours d'établissements officiels. L'honorable membre demande pourquoi l'on n'applique pas le même principe dans la loi de milice, en ce qui concerne les exemptions en faveur des membres du clergé. Mais il oublie qu'il s'agit ici d'une faveur à accorder, non pas en vue de la personne qui l'obtient, mais en vue d'un intérêt public, et que la loi, pour marquer que cet intérêt public est seul en cause, a imposé, comme condition du privilège de l'exemption, l'obligation d'étudier dans les établissements spécialement érigés pur recruter le personnel du clergé séculier.

Il n'y a donc pas la moindre analogie à établir entre l'une et l'autre situation.

Messieurs, le principe qu'on applique aux séminaires, on l'applique aux établissements de l'Etat, aux écoles normales. On n'accorde pas d'exemption pour le service de l'instruction primaire, quel que soit le lieu où l'on fait ses études, quel que soit l'établissement dans lequel les études se font : on n'accorde l'exemption qu'aux élèves des écoles normales et de la même manière.

M. Wasseige. - On a tort dans les deux cas.

MfFOµ. - Evidemment ! Il faudrait déclarer que, quel que soit le lieu où l'on fait ses éludes, on obtiendra l'exemption.

M. Wasseige. - Ce serait plus libéral.

MfFOµ. - Ce serait encore plus libéral d'accorder l'exemption à ions ceux qui la demanderaient. Ce serait aussi plus complet.

C'est en vertu de la loi de 1842 que les écoles normales ont été établies, et c'est en vue des études faites dans ces établissements que la loi accorde des exemptions ; de même, et ceci condamne la thèse soutenue par l'honorable comte de Theux, l'exemption pour les ministres du culte est accordée à ceux qui ont fait leurs études dans les séminaires également établis par la loi.

L'analogie est donc complète, et je ne puis trouver dans le motif allégué par l'honorable membre la justification de la mesure grave, de la mesure violente que veut prendre la droite dans cette circonstance.

M. de Theuxµ. - Je ne veux pas rentrer dans la discussion. Elle a eu lieu d'une manière assez approfondie lors de l'examen des dispositions dont il s'agit. Ceux qui voudront connaître ce qui s'est passé pourront revoir cette discussion.

M. de Brouckere. - Messieurs, je suis un de ceux qui ont appuyé de leur parole les exemptions consacrées par la nouvelle loi sur la milice en faveur des ministres des cultes et des jeunes gens qui se destinent à le devenir. Je ne le regrette pas. Mais veuillez, je vous prie, vous reporter à la discussion qui a précédé le vote de ces exemptions par la Chambre.

Il y avait en présence deux opinions absolues : l'une voulait que l'on n'accordât aucun privilège au clergé, que le clergé, quant à la milice, fût laissé dans la loi commune, subît le sort de toutes les autres classes de citoyens.

Une autre opinion non moins absolue, mais en sens contraire, demandait que l'on exemptât de la milice non pas seulement les ministres des cultes, non pas seulement les élèves étudiant dans les séminaires et dont la famille n'était pas en état de fournir un remplaçant, mais tous les élèves des séminaires et tous les jeunes gens étudiant la théologie dans d'autres maisons que les séminaires. Quel a été notre vote, en définitive ? Une transaction.

- Un membre. - Pas du tout.

M. de Brouckere. - Pas du tout ! Prenez-y garde ! Vous prenez une altitude qui pourra vous coûter cher. (Interruption.) Je vais vous l'expliquer. Je dis, moi, que le vote émis sur les remplacements en ce qui concerne les ministres des cultes était une transaction. (Interruption.) Il y a eu concession de la part de beaucoup de membres de la gauche et ces membres devaient penser que la concession qu'ils faisaient en amènerait une de la part de la droite. Eh bien, que résulte-t-il de la déclaration qui vient d'être faite par l'honorable M. de Theux ? C'est que la droite, en cette matière, ne veut aucune transaction ; qu'elle veut absolument imposer sa manière de voir ; il faut que l'on accepte de la façon la plus absolue sa volonté, sa volonté tout entière, sans restriction aucune.

Et remarquez, messieurs, que celui qui vous parle n'a pas dit un mot contre les prétentions des honorables membres de la droite. Je suis, moi, en toutes matières partisan des transactions, ce n'est que par des transactions que les partis opposés peuvent se rapprocher. Mais si la droite prend pour règle que si l'on ne fait pas tout ce qu'elle veut, si elle prend pour règle que toute transaction doit être repoussée et qu'il faut que la majorité se soumette à la minorité, qu'elle y prenne garde, on arrivera bientôt, dans la Chambre et dans le pays, à se dire : Il est inutile de faire des concessions à la minorité ; la minorité dédaigne les concessions, elle repousse les transactions ; la minorité qui devrait toujours se tenir pour satisfaite quand on lui accorde une partie de ce qu'elle demande... (Interruption.) Je vous le répète, vous prenez une attitude dangereuse et cette attitude me peine tout particulièrement ; je viens de vous le dire, et je vous l'ai prouvé dans toute ma carrière, je n'aime pas les luttes acharnées. Je suis donc peiné de l'altitude que prend aujourd'hui la droite.

On dira (et ce ne sera pas moi), on dira : Il est inutile de faire des concessions à la droite ; elle repousse les transactions ; la droite, qui n'est que minorité, a la prétention de. faire la loi à la majorité et la majorité ne se laissera pas faire la loi. Voilà le langage auquel vous poussez non pas (page 133) seulement la majorité de la Chambre, mais la majorité du pays. (Interruption.) Oui ! oui ! murmurez tant que vous voulez, la majorité du pays est libérale, elle vous le prouve tous les ans, elle vous le prouve à chaque élection Eh bien, je le répète, votre attitude est dangereuse, votre altitude va affaiblir et peut-être anéantir l'influence que cherchent à exercer dans la gauche les hommes les plus modérés, les hommes qui aiment les transactions.

J'ai dit ce que j'avais à dire. Maintenez votre malencontreuse résolution, si vous le voulez, ce n'est pas la majorité qui en souffrira.

M. Vermeireµ. - Messieurs, je dois protester contre une parole que vient de prononcer l'honorable M. de Brouckere...

M. de Brouckere. -Oh ! protestez tant que vous voulez.

M. Vermeireµ. - ... en ce qui concerne l'attitude que nous prenons dans cette Chambre.

Cette attitude nous est commandée par notre conviction intime et par notre conscience. Dès lors, nous pouvons dire : Advienne que pourra !

L'honorable M. de Brouckere nous dit : Prenez garde !

Ce « prenez garde ! » je ne l'admets pas.

Je suis responsable, en ce qui me concerne, de l'attitude que je prends dans le parlement. Et si le « prenez garde ! » est une menace contre notre opinion, je le dis ici, en Belge franc, sincère et libéral, je repousse votre menace.

Que faisons-nous, messieurs ? Nous nous abstenons sur le budget de la guerre, précisément par les motifs qu'a si bien énoncés l'honorable comte de Theux.

Nous disons que ceux qui servent l'autel, que ceux qui se destinent à l'état ecclésiastique rendent à la société beaucoup plus de services que les armées les mieux organisées, et ce ne sont pas seulement les élèves des séminaires, mais aussi ceux qui appartiennent à une autre catégorie d'ecclésiastiques et qui rendent des services non moins grands à la société.

Si ces hommes qui, depuis leur tendre jeunesse, se vouent à une carrière de dévouement, doivent être détournés de leurs devoirs par les mesures arbitraires que vous avez introduites par votre loi sur la milice, le prenez garde ! de l'honorable M. de Brouckere doit être tourné plutôt contre lui que. contre nous.

Moi aussi, je dis : Prenez garde de froisser l'opinion catholique et l'attachement sincère que nous avons à nos principes religieux. Nous verrons ce que la société en dira plus tard.

M. Wasseige. - Messieurs, vous savez comme moi que l'honorable M. de Brouckere a toujours paru pratiquer avec amour le proverbe : in medio virtus, pour lequel il affecte une préférence exclusive.

Cependant je dois dire que le ton de son discours d'aujourd'hui a fait un peu disparate avec son proverbe de prédilection.

M. de Brouckere. - C'est vrai, j'en conviens.

M. Wasseige. - Il est allé jusqu'à la menace. Il a répété avec insistance : Prenez garde ! ce qui veut dire, si vous n'acceptez pas les miettes que nous voulons bien vous accorder, prenez garde que nous ne vous reprenions le tout.

En résumé, voilà la seule signification du « prenez garde ! » de l'honorable membre.

Il a parlé de transactions. Mais les transactions sont vraiment singulières dans la situation actuelle.

Que demandions-nous, nous, opinion catholique, dans la loi de milice ? Demandions-nous des exemptions nouvelles pour les ministres du culte ? Nullement. Nous demandions purement et simplement le maintien de l'ancien état de choses, de celui qui avait existé depuis 1817 et qui avait toujours été appliqué de la même manière, sauf, comme l'a dit M. le ministre des finances, par deux députations appartenant aux provinces les plus libérales du royaume et. où l'on pouvait craindre peut-être que l'esprit de parti n'obscurcît quelque peu l'esprit de justice. (Interruption.)

Nous demandions donc le maintien de l'ancien état de choses. Est-ce le lieu de dire, comme l'honorable M. de Brouckere : « Il y avait deux opinions extrêmes en présence ; l'une qui voulait tout retirer, l'autre qui ne voulait rien accorder. » Mais mille fois non, vous nous reprenez une partie de nos droits et parce que vous ne nous les reprenez pas tous, vous appelez cela une transaction ! Dites une dérision.

Mais on dirait précisément qu'il y a eu connivence entre le ministère et la majorité, pour laisser au premier un semblant de rôle modérateur.

Quelques membres de la gauche ont demandé ce qu'ils savaient qu'ils n'obtiendraient pas, ce qu'ils n'auraient osé faire passer devant les répugnances certaines du pays, et alors le gouvernement est arrivé avec un soi-disant amendement modéré. On nous a pris beaucoup, mais on pouvait nous prendre plus ; de quoi pouvons-nous avoir à nous plaindre ?

Est-ce là ce que vous appelez une transaction ? Je dis, moi, que ce n'est qu'une mystification.

Chaque fois que nous avons demandé une transaction réelle, on nous l'a refusée. Vous l'avez vu lorsque le terrain était libre, lorsque nous discutions des lois nouvelles, dans les matières électorales, par exemple, chaque fois que nous avons fait une proposition, quelque bénigne qu'elle fût, elle nous nous a été refusée complètement, non seulement par ceux des membres de la gauche qui se disent les avancés, mais également par ceux qui se prétendent les modérés. Vous avez toujours, en toutes circonstances, fait cause commune contre la droite. Voilà la vérité.

Quant à vos menaces, nous les repoussons énergiquement, et, je le répète avec mon honorable ami M. Vermeire, c'est à nous à vous dire : Vous êtes sur une pente glissante. Nous sommes aussi bons patriotes que vous ; nous sommes encore aussi dévoués que vous (interruption), plus que vous peut-être, à nos institutions et à notre dynastie ; ne nous poussez pas à bout et prenez garde !

MiPµ. - Je constate avec peine le changement d'attitude qui s'est opéré parmi les membres de l'opposition depuis l'époque à laquelle nous discutions la loi de milice. A cette époque M. Thonissen, qui avait pris une grande part à la discussion, rendait hommage aux intentions loyales et conciliantes du gouvernement. (Interruption.)

- Une voix à droite. - Non.

MiPµ. - Qui est-ce qui dit non ? Personne ne répond ; on retire donc l'interruption.

A cette époque donc, M. Thonissen rendait hommage aux intentions loyales et conciliantes du gouvernement. Or, nous entendons aujourd'hui l'honorable M. Wasseige accuser la gauche d'avoir joué la comédie.

M. de Brouckere. - Nous sommes habitués à cela.

MiPµ. - L'honorable membre prétend que les propositions qui ont été faites par MM. De Fré et Orts étaient des propositions destinées par leurs auteurs mêmes à échouer et à en faire passer une autre ; il avance qu'il y avait entente entre eux et moi pour faire, au moyen de leurs amendements, triompher le mien.

Les honorables membres peuvent, s'ils le jugent convenable, se défendre contre cette accusation ; j'estime, pour ma part, que nous n'avons pas besoin de défense. Je suis sûr que M. Wasseige ne croit pas à son accusation.

M. Orts. - Si les ministres avaient voté pour mon amendement, il passait.

MiPµ. - L'opposition se rend-elle bien compte de la position qu'elle prend ?

Il s'agit d'un des plus grands intérêts du pays, il s'agit de maintenir la force qui doit protéger à l'extérieur l'indépendance nationale et assurer à l'intérieur l'ordre public.

La droite irait considérer ces points vitaux comme de petits intérêts lorsqu'on les met en rapport avec la grande question de savoir s'il y aura quelques citoyens de plus qui n'auront pas d'exemption !

Mais, messieurs, vous avez voté le budget de la guerre pendant bien des années ; vous avez voté en même temps la loi du contingent. Vous consentiez ainsi à faire partir 10,000 miliciens tous les ans. Voilà le sacrifice auquel vous consentiez dans l'intérêt du pays, de son indépendance, de ses libertés !

Et quel est le changement qu'on apporte aujourd'hui ? Il s'agit, je l'ai démontré, de ne pas accorder l'exemption à trois de ces miliciens, et, parce que trois de ces miliciens sont de futurs religieux, vous ne voteriez plus ce que vous avez toujours voté !

Jadis, vous consentiez à faire partir 10,000 miliciens tous les ans ; désormais, parce que trois de ces miliciens ne seront plus exemptés, vous sacrifieriez la défense nationale et l'ordre public ! (Interruption.)

M. Coomans. - Un seul suffirait. (Interruption.)

MiPµ. - Ah ! un seul suffirait !

M. Coomans. - Je demande la parole. (Interruption.)

M. le président. - Veuillez garder le silence, messieurs.

MiPµ. - Ah ! un seul suffirait ! mais vous oubliez donc, M. Coomans, que c'est vous-même qui vouliez naguère, comme vous le disiez dans votre éloquent langage, mettre les capucins dans le tambour de la milice. (Interruption.)

J'avoue, messieurs, que je suis ému de voir un grand parti fouler aux pieds un de nos plus grands intérêts pour une si misérable question. (Interruption.)

(page 134) Qu'on proclame donc que c'est pour ce puéril motif qu'on ne veut plus d'armée, qu'on refuse de nous donner les moyens de la maintenir.

M. Wasseige. - Il n’est pas question de ne plus vouloir d'armée ; mais nous ne voulons plus du ministère.

M. le président. - M. Wasseige, vous avez eu la parole : je vous invite au silence, on vous a écoulé tout à l'heure ; souffrez qu'on vous réponde.

MiPµ. - L'opposition ne veut plus du ministère ! C'est la, je l'avoue, une chose que l'on sait parfaitement ; et l'honorable M. Wasseige me permettra de croire que l'opposition combat le ministère depuis une époque beaucoup antérieure à celle où nous avons présenté la loi sur la milice. On veut donc renverser le ministère ; mais s'il n'y a que cette raison, vous voteriez donc si vous ou vos amis vous étiez au pouvoir, vous voteriez ce que vous refusez de voter aujourd'hui ? (Interruption.)

M. Bouvierµ. - Si les évêques le disent... (Interruption.)

MiPµ. - Messieurs, je ne crois pas qu'il faille prolonger cette discussion. Les articles de la loi de la milice dont il s'agit seront prochainement soumis à la Chambre ; on pourra alors les discuter à fond. Mais je me permets de faire remarquer, en terminant, que ce que ce projet fait c'est ce que la loi de milice de 1817 faisait, telle que le roi Guillaume l'interprétait, et que la jurisprudence que le projet modifie n'est autre que celle que l'honorable comte de Theux a introduite dans le pays.

M. Mullerµ. - C'est la vérité.

MiPµ. - Voilà la situation.

Ainsi, on vote contre l'armée, non pas parce qu'on change la loi, mais parce qu'on n'adopte pas l'interprétation que l'honorable M. de Theux a introduite, contrairement à la volonté textuellement et manifestement exprimée par le législateur. Je constate encore que nous proposons le système consacré par le Congrès dans son décret de 1831. Voilà l'énormité que contient le projet de loi de milice admis au premier vote et voilà pourquoi on refuse de conserver les moyens de défendre le pays et l'ordre public.

M. Coomans. - Je m'étonne du courage qu'a M. le ministre de l'intérieur de répéter pour la troisième ou la quatrième fois une triste plaisanterie qu'il s'est permise il y a quelques mois, lorsqu'il m'accusait d'être le véritable auteur des amendements introduits au projet de loi quant au point qui nous occupe.

C'est moi qui ai fait cela ! sans moi la gauche n'aurait pas émis ce vote-là ! C'est bien humble pour la gauche, c'est bien humble pour les ministres d'avouer que c'est moi qui suis l'instigateur de tout cela, leur inspirateur triomphant !

Mais, messieurs, je croirais me déshonorer en avouant publiquement que j'émets des votes contraires à ma conscience afin de vexer un adversaire politique ! Cela ne m'est jamais arrivé, cela ne m'arrivera jamais ; et je défie M. le ministre de l'intérieur de prouver que j'ai dit ce qu'il me fait dire.

Tout ce que j'ai dit ici et ailleurs, je le maintiens ; oui, j'ai dit que les charges militaires qui, à mes yeux, se résument en dépenses, ne devaient pas plus peser sur les pauvres que sur les riches, pas plus sur les laïques que sur les autres citoyens.

J'ai dix fois caractérisé ma pensée ; j'ai dit que vous pouviez demander au clergé une charge financière ; j'ai dit qu'il fallait que tous les citoyens, sans distinction aucune, fussent admis à se libérer du service militaire, selon leurs facultés financières.

Et qu'ai-je proposé ? Ai-je proposé de faire une distinction entre le clergé et les laïques ? Non, j'ai demandé plusieurs fois que tous les Belges sans distinction payassent au trésor public la cinquième partie de leur revenu ou du revenu de leurs parents.

Ainsi je laissais chacun libre de se soustraire à la charge personnelle du recrutement.

Je trouve naturel que le clergé participe à la charge du recrutement, comme il participe aux charges de votre artillerie, de vos fortifications et de vos épaulettes. Aujourd'hui le clergé paye une grosse part au budget de la guerre ; dans mon système de l'enrôlement volontaire, cette part serait un peu plus forte, mais insensible et juste, car chacun peut payer la cinquième partie de son revenu... (interruption), même le capucin.

Quelque pauvre qu'il soit, le capucin s'acquitterait de la sorte. La proportionnalité de l'impôt s'appliquerait au clergé comme à la société civile. Du reste, cela existe aujourd'hui pour les autres impôts. Voilà ce que j'ai dit et je le maintiens.

J'ai dit tout à l'heure qu'il suffirait d'un seul citoyen lésé par la loi, pour m’empêcher de la voter. C'est en vain que M. le ministre de l'intérieur nous déclare qu'il n'y aura que deux ou trois ministres du culte qui seraient atteints par la loi ; mais c'est deux ou trois de trop. Vous n'avez pas le droit d'agir contre le droit. Il est odieux et absurde de forcer au service militaire des hommes dont le devoir est d'y rester étranger. Quant à moi, je voterai contre toute loi qui commettra une injustice individuelle ; mais j'en dis autant du citoyen laïque.

Messieurs, on n'a pas le courage d'avouer quels sont les vrais auteurs de la disposition dont on se plaint sur nos bancs. Les ministres se servent d'un plastron, et ce plastron, ce serait moi. Je ne suis pas du bois dont on fait les plastrons ; des plastrons, vous en trouverez bien plutôt près de vous que près de moi.

Je demande donc que la charge soit égale pour tout le monde ; je demande la suppression de ce qu'on appelle les immunités ecclésiastiques, mais au point de vue financier, avec la facilité accordée aux séminaristes de se libérer du service militaire. Quand les évêques belges réclament contre les deux dispositions que la droite repousse, ils ont parfaitement raison au point de vue religieux, cela est clair, et même au point de vue libéral, social. J’en suis parfaitement convaincu. (Interruption.)

Vous n'avez pas le droit de violenter un citoyen laïque, et en vertu de la Constitution qui proclame la liberté religieuse, la liberté d'association, vous avez moins encore le droit de contraindre au service un ecclésiastique, même un séminariste. Il y a là une violence inconstitutionnelle, et nos évêques unanimes ont parfaitement raison, je le répète, de la signaler à notre attention.

M. Bouvierµ. - Vous leur obéissez.

M. Coomans. - M. Bouvier dit que j'obéis aux évêques. Il m'honore avec excès. Veut-il bien alors expliquer ma proposition d'il y a quelques mois concernant le cinquième du revenu ? Cette proposition m'a-t-elle été dictée par les évêques ? Je ne sais pas si les évêques en ont été satisfaits ou non ; il paraît que M. Bouvier en sait davantage.

M. Bouvierµ. - Vous êtes soumis aux évêques.

M. Coomans. - Vous avez vos évêques aussi, M. Bouvier ; j'obéis à ma conscience et je souhaite que vous en fassiez autant.

Il suffit donc d'un seul cas d'iniquité pour que la loi soit mauvaise et il n'y aurait dans l'armée qu'un seul milicien forcé, portant la soutane, au lieu des trois que M. le ministre de l'intérieur veut y mettre, que cela suffirait à justifier un vote négatif à cause du principe qui n'est pas à dédaigner. (Interruption.) Oui, le principe de l'affranchissement du prêtre de la corvée militaire suffit pour nous faire repousser et la loi de la milice et le budget de la guerre qui en est la conséquence.

M. de Brouckere. - Messieurs, je reconnais que, comme l'a dit l'honorable M. Wasseige, j'ai parlé d'une manière plus animée que de coutume, mais je dois dire que j'étais sous une impression très pénible et que cette impression a encore été augmentée par les interruptions de quelques-uns de mes honorables collègues.

On prétend, messieurs, que j'ai eu recours à la menace ; cela est complètement inexact. Il y a une différence immense entre une menace et un avertissement. Or, dans tout ce que j'ai dit, il n'y a eu rien autre chose qu'un avertissement et je dois même le dire, un avertissement très prudent. Vous le dédaignerez... (Interruption.)

Oh ! je ne me fais pas illusion. Vous le trouverez sans valeur et peu digne d'attention. Eh bien, vous ne m'empêcherez pas de regretter profondément et de blâmer vertement la tactique à laquelle vous avez aujourd'hui recours.

J'ai dit que le vote des articles de la loi de la milice, concernant les exemptions à accorder en faveur des ministres du culte et des séminaristes, était une transaction. On l'a nié. Eh bien, j'ajoute maintenant que la transaction se rapproche infiniment plus de l'opinion absolue de certains membres de la droite que de l'opinion absolue de certains membres de la gauche. C'est une transaction et une transaction favorable à la minorité.

Maintenant qu'elle n'accepte pas la transaction, je n'y trouve rien à dire.

Ainsi que les membres de la droite votent, lorsque le moment sera venu, contre l'ensemble de la loi sur la milice, parce que cette loi renferme une disposition qui ne leur convient pas, je l'admets parfaitement.

Mais, messieurs, si je dois en croire la déclaration de l'honorable M. de Theux, tous les membres de la droite, s'entendent pour rejeter le budget de la guerre, pour rendre la conservation de l'armée impossible, pour désorganiser...

M. de Theuxµ. - Je demande la parole.

M. de Brouckere. - ... pour désorganiser une armée qui a été fondée avec le concours de beaucoup de membres de la droite.

(page 135) Et pourquoi cela, messieurs ?

Parce que la droite a été contrariée en ce qui concerne l'exemption de quatre ou cinq séminaristes par an.

MfFOµ. - Trois seulement.

M. de Brouckere. - Je transige encore avec la droite ; j'en mets deux de plus.

Voilà, messieurs, ce qui m'a causé cette impression si pénible, et voilà ce qui a déterminé mon langage plus animé que de coutume.

Quant à des menaces, non seulement je n'en ai fait aucune, mais je n'en ai pas même eu l'idée. J'ai éveillé l'attention des membres de la droite, je leur ai donné un avertissement, je ne pense pas qu'on me conteste le droit de le faire ; et permettez-moi de vous le dire, je puis d'autant plus tenir le langage que j'ai tenu, et qui semble vous déplaire, que ce qui se passe en ce moment me contrarie personnellement à un très haut degré.

Eli bien, je le répète, l'attitude qu'a prise la droite à l'occasion du vote du budget de la guerre, est une attitude éminemment regrettable, particulièrement au point de vue de la droite elle-même.

M. de Theuxµ. - J'aurais le droit de repousser l'assertion de l'honorable membre par ceci ; je regrette excessivement que pour une chose qui n'a aucun intérêt pour l'armée, on ait cru devoir porter atteinte aux vrais principes de liberté qui ont été constamment pratiqués en Belgique.

On a dit que c'était moi qui avais adressé une circulaire, pour l'exemption des étudiants en théologie dans les corporations religieuses. C'est vrai, et j'ajouterai que je suis heureux que, si deux députations ont quelquefois décidé dans un sens opposé, sept autres ont adopté mon interprétation comme étant conforme aux vrais principes de notre Constitution. J'ajouterai que mon interprétation a été confirmée par les divers cabinets. Car elle n'a jamais été retirée, même par les cabinets de la gauche. C'est la première fois que l'on a mis cette question sur le tapis et véritablement pour une misère.

Si je voulais récriminer avec autant d'amertume que quelques-uns de mes contradicteurs l'ont fait, je dirais que c'est la preuve évidente d'un esprit d'hostilité envers la droite et envers les principes qu'elle défend.

Voilà la vérité.

Messieurs, l'honorable M. Coomans a expliqué dans quel sens il avait voulu que les étudiants en théologie, que même les ministres des cultes ne jouissent plus de l'exemption. Il nous a dit qu'il voulait une loi de milice inacceptable, c'est-à-dire qu'il ne voulait d'obligation du service pour personne. Alors cela s'explique. Quel était son système ? Son système était celui d'une armée composée de volontaires, et, pour la composer de volontaires, il voulait que tout le monde contribuât.

MiPµ. - Il y avait encore un tirage, au sort.

M. de Theuxµ. - Messieurs, soyons sérieux. L'honorable M. Coomans voulait rétablir en Belgique le système qui a régi l'Europe entière pendant des siècles, c'est-à-dire celui des enrôlements volontaires qui se faisaient au moyen d'argent fourni par les gouvernements

Voilà quel était le système de l'honorable M. Coomans et le prétexte que l'on a pris de son discours n'était qu'un vain prétexte qui ne repose sur aucune raison sérieuse.

Messieurs, les observations qui ont été faites sur ma déclaration et sur les motifs par lesquels je l'ai justifiée, n'ont rencontré ni le fond de ma déclaration ni aucun des motifs que j'ai alléguées. On a mis beaucoup de vivacité dans la discussion à propos de cette déclaration. Mais les motifs que j'ai allégués subsistent et l'on n'y a répondu en aucune manière.

Je termine en déclarant de nouveau que je regrette que l'on saisisse toutes les occasions que peut présenter la discussion des lois pour porter atteinte aux vrais principes du Congrès national et à ses pratiques qui étaient une liberté vraiment large, égale pour tous. Je regrette que tous les jours on s'éloigne davantage de ces principes.

Quand on discutait des lois électorales, nous avons eu beau demander des garanties pour la sincérité du dépouillement du scrutin et d'autres garanties, jamais nous n'avons rien pu obtenir ; on a repoussé toutes nos réclamations.

Vous dites : Nous avons la majorité dans la Chambre ; mais il n'y a rien de plus facile : donnez-nous le pouvoir pendant quelque temps et si nous voulions faire des lois comme vous en faites, je me fais fort aussi d'obtenir la majorité. Rien n'est plus facile.

A l’aide des lois électorales composer une majorité, c'est très bien, à moins que l'on n'arrive cependant au point où l'on est arrivé sous le gouvernement des Pays-Bas, quand, à force d'abuser du pouvoir et de froisser la minorité, on a provoqué une réaction qui a renversé la majorité si bien organisée par ce gouvernement.

MfFOµ. - Je suis vraiment surpris d'entendre l'honorable membre. Il ne demande qu'à avoir le pouvoir pendant quelque temps, afin de faire certaines petites lois ; moyennant quoi, il est certain de se maintenir au gouvernement. Mais l'honorable M. de Theux a oublié une chose : c'est qu'il a été au pouvoir ; ses amis ont été au pouvoir ; et ils ont essayé de ces petits moyens ; ils ont fait et refait les lois. (Interruption) Lorsque toutes les villes se sont prononcées contre vous, qu'est-ce que vous avez fait ? Vous avez inventé votre loi du fractionnement.

M. de Theuxµ. - C'est usité en Angleterre, le pays le plus libéral du monde.

MfFOµ. - C'était un petit artifice, à l’aide duquel on croyait changer la majorité des conseils communaux ; et qu'a fait le pays ? On a été jusqu'à prendre dans certains quartiers des candidats pour les élire dans des quartiers auxquels ils n'appartenaient point... (Interruption.)

Il ne s'agit pas de savoir si la mesure est bonne ou mauvaise ; il s'agit de savoir si vous avez été au pouvoir, et si vous avez essayé de certaines manœuvres qui ne vous ont pas réussi. Il y en a eu d'autres encore. Elles ne vous ont pas réussi davantage ; en 1843, en 1845 et en 1847 les électeurs vous ont condamnés.

Maintenant, quelles sont les mesures auxquelles l'opinion libérale a eu recours ? Elle s'est surtout efforcée d'entourer les élections de nouvelles garanties de sincérité et de loyauté. Mais vous attaquez les mesures décrétées dans ce but. Lorsqu'on demande qu'il n'y ait pas de fraudes dans le scrutin, lorsqu'on ne veut pas qu'il y ait des billets marqués, vous vous récriez au nom de la liberté ! (Interruption.)

Il n'y a pas autre chose dans la loi. Iriez-vous jusqu'à prétendre que lorsqu'on cherche à empêcher ces manœuvres, que lorsqu'on s'efforce d'affranchir les électeurs et d'assurer la sincérité du scrutin électoral, on violente vos droits, on porte atteinte à votre liberté ?

Nous avons appelé successivement le pays à se prononcer, et en laissant à tout le monde une pleine et entière liberté. Jamais, à aucune époque l'administration n'est moins intervenue dans les élections que pendant que l'opinion libérale était au pouvoir.

Comme je le rappelais tout à l'heure, vous avez eu le pouvoir. Vous l'avez exercé à plusieurs reprises. Qu'avez-vous fait ? Vous avez voulu vous assurer la faculté de nommer des bourgmestres en dehors du conseil, moyen politique qui n'avait d'autre but que de vous assurer une plus grande influence dans les élections.

Est-ce une loi qui est restée stérile dans vos mains ? On a compté, par centaines les bourgmestres que vous avez essayé d'éliminer ou d'imposer aux communes.

Mais tous vos efforts ont été vains.

M. Wasseige. - Vous n'en nommez pas du tout quand cela ne vous convient pas.

MfFOµ. - Pendant toute notre longue administration, il n'y a eu que deux ou trois bourgmestres, en tout cas un nombre très restreint, nommés en dehors du conseil, et cela uniquement dans un intérêt administratif et de l'avis conforme des autorités consultées.

Nous nommons certainement les bourgmestres, mais nous osons dire que nous les nommons avec une telle impartialité, que vous ne parvenez même pas à faire de ces nominations un prétexte à vos griefs.

Si, depuis douze ans, vous aviez eu, de ce chef, des griefs à faire valoir, vous les auriez apportés à la tribune, comme l'ont fait nos honorables amis lorsqu'ils formaient l'opposition.

Ils sont venus vous dire alors : Voici une série de nominations que vous avez faites ; voici les bourgmestres que vous avez nommés en dehors du conseil. Eh bien, nous blâmons ces nominations dictées par un intérêt de parti, et non par l'intérêt des communes. Voilà ce qu'ils ont dit, voilà ce qu'ils ont démontré. Cela est consigné dans les Annales et il serait facile de retrouver les discours où ces faits sont rapportés.

Et que faites-vous aujourd'hui ? Vous parlez vaguement de prétendues violences du cabinet, mais vous ne pouvez rien préciser ; vous n'apportez aucun fait ; lorsque vous en citerez, nous les discuterons.

Je tenais, messieurs, à protester contre les paroles de l'honorable M. de Theux, et je prie la Chambre de m'excuser de l'avoir retenue au delà de l'heure à laquelle elle a l'habitude de se séparer.

M. Jacobsµ. - Messieurs, est-il besoin de venger l'honorable comte de Theux des imputations que vient de lancer contre lui M. le ministre des finances ?

Il s'agissait de modifications apportées au corps électoral par un ministère dans le but de se perpétuer au pouvoir.

(page 136) Et, ç ce propos, qu'a pu citer l'honorable ministre des finances ? Le fractionnement des communes et la nomination des bourgmestres en dehors du conseil, deux mesures qui ne pouvaient exercer aucune influence sur la composition du corps électoral. (Interruption)

En a-t-on cité une qui pût être de nature à falsifier le corps électoral ?

Existe-t-il une loi électorale faite par l'honorable M. de Theux et suspecte à toute une opinion ?

Est-ce l'honorable M. de Theux qui a introduit dans le corps électoral ce mauvais élément, l'élément cabaretier qui vous est si utile ? Est-ce lui ?

Ne soulevez pas ces questions à la face du pays, messieurs ; leur décision ne vous serait pas favorable.

Pour moi, je me demande ce que nous faisons depuis une heure !

Je ne veux pas entrer dans le fond de la question et je conçois à peine qu'on y soit entré. Qu'a fait l'honorable M. de Theux ? Il vous a donné d'avance les motifs de l'abstention d'un grand nombre des membres de la droite.

On discute ces motifs et, à ce propos, on nous adresse des conseils, des avertissements, on nous inflige des blâmes, on nous fait presque des menaces.

Prend-on l'honorable M. de Theux et ses amis pour des enfants ? Croit-on qu'ils annoncent une décision sans y avoir mûrement réfléchi ?

Je ne pense pas d'ailleurs qu'on ait, à gauche plus qu'à droite, l'habitude d'aller chercher des conseils chez ses adversaires.

Pour moi, je trouve la décision annoncée par l'honorable M. de Theux d'une modération très grande. Que fait-il en effet ?

Se trouvant froissé par une disposition qui a un rapport intime avec le budget de la guerre, il déclare qu'il se contentera de s'abstenir au vote.

Il ne votera pas contre le budget de la guerre ; il se contentera de ne pas voter pour.

Est-il possible, messieurs, de se montrer de meilleure composition ?

Je suis tenté de croire, messieurs, que par vos avertissements et vos menaces, vous allez faire nos affaires à nous, les adversaires du budget de la guerre.

J'espère que, dans l'avenir, si vous repoussez toute transaction, si vous tenez la dragée haute, vous allez forcer la droite entière à voter contre le budget.

Vous jouez notre jeu ; j'espère que vous continuerez à le jouer. (Aux voix ! aux voix !)

- L'article est adopté.

Chapitre XII. Gendarmerie

Article 34

« Art. 34. Traitement et solde de la gendarmerie : fr. 2,150,000. »

- Adopté.

Vote des dispositions légales et vote sur l’ensemble

« Art. 1er. Le budget du ministère de la guerre est fixé, pour l'exercice 1870, à la somme de trente-six millions huit cent soixante-treize, mille cinq cents francs (36,873,500 francs), conformément au tableau ci-annexé. »

- Adopté.


« Art. 2. Le gouvernement est autorisé à prélever sur les crédits ouverts aux articles 10, 12, 13, 14, 15, 16, 24, 28 et 30 du budget, les sommes nécessaires pour pourvoir à l'insuffisance de crédit qui pourrait résulter du renchérissement du froment, de la viande et des denrées fourragères, sur les articles 6, 7, 8, 22, 23 et 34. »

- Adopté.


« Art. 3. Lorsque le gouvernement jugera nécessaire, dans l'intérêt du trésor, d'assurer dans quelques localités, le service de la viande par la voie de la régie directe, les déchets, issues, peaux, suifs, etc., provenant des bêtes bovines abattues, seront vendus par les soins de l'administration de la guerre, et le produit sera porté en déduction du montant des achats de bétail. »

- Adopté.


M. le président. - Ici se présente l'article 4 nouveau déposé par M. le ministre de la guerre.

Il est ainsi conçu :

« Le ministre de la guerre est autorisé à disposer, jusqu'à concurrence d'une somme de 300,000 francs, des excédants que laissera éventuellement le budget de l'exercice 1870 de son département pour l’affecter à l'amélioration du casernement des troupes. »

- Cet article est adopté.


Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble.

90 membres y prennent part.

55 répondent oui.

23 répondent non.

12 s'abstiennent.

Ont répondu oui : MM. Sabatier, Schmitz, Tack, T'Serstevens, Van Cromphaut, Alphonse Vandenpeereboom, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Merris, Van Overloop, Vleminckx, Warocqué, Watteeu, Allard, Ansiau, Anspach, Bara, Beke, Bieswal, Bouvier, Braconier, Broustin, Bruneau, Catilhon, de Baillet-Latour, de Brouckere, De Fré, de Kerchove de Denterghem, De Lexhy, de Macar, de Rongé, de Rossius, Descamps, Dethuin, de Vrints, Dewandre, Dupont, Elias, Frère-Orban, Funck, Hymans, Jacquemyns, Jamar, Jonet, Lesoinne, Lippens, Mouton, Muller, Nélis, Orban, Orts, Pirmez, Preud'homme et Dolez.

Ont répondu non :

MM. Reynaert, Thibaut, Thienpont, Ernest Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vermeire, Vilain XIIII, Beeckman, Coomans, Coremans, de Clercq, Eugène de Kerckhove, Delaet, de Montblanc, de Muelenaere, Gerrits, Hayez, Jacobs, Janssens, Lefebvre, Magherman, Mulle de Terschueren et Notelteirs.

Se sont abstenus :

MM. Schollaert, Thonissen, Wasseige, Wouters, Couvreur, Delcour, de Naeyer, de Theux, Landeloos, Le Hardy de Beaulieu, Moncheur et Nothomb.

M. le président. - J'invite MM. les membres qui se. sont abstenus à faire connaître à la Chambre les motifs de leur abstention.

M. Schollaert. - Je me suis abstenu par les motifs que M. le comte de Theux a fait valoir dans sa déclaration.

M. Thonissenµ. - Messieurs, dans le cours des débats sur la loi de milice, j'ai vivement critiqué deux amendements présentés l'un par l'honorable M. De Fré, l'autre par l'honorable M. Orts ; j'ai même déclaré alors que, si ces amendements étaient admis, aucun catholique ne pourrait désormais voter ni le budget de la guerre ni le contingent de l'armée.

Ces deux amendements ont été écartés ; mais j'ai appris que des membres de la gauche avaient l'intention de reproduire l'esprit de ces amendements au moment du vote définitif de la loi de milice, sous forme d'un sous-amendement à celui qui a été présenté par M. le ministre de l'intérieur.

Dans ces conditions j'ai cru devoir, malgré mon dévouement à l'armée, suspendre momentanément mon appréciation et ne pas me séparer de mes amis politiques, tout en réservant pleinement la liberté de mon vote pour l'avenir.

Tels ont été les motifs de mon abstention.

M. Wasseige. - Je me suis abstenu pour les motifs invoqués par M. de Theux.

M. Woutersµ. - Je me suis abstenu pour les mêmes motifs.

M. Couvreurµ. - Si jamais un vote m'a été pénible, c'est celui que je viens d'émettre. Je ne m'y serais certainement pas résigné si l'attitude de la droite avait été déterminée par des motifs puisés dans l'organisation même de l'armée ou dans le budget, qui en est l'expression financière. Mais il m'a paru que dans la situation, telle qu'elle se présente aujourd'hui, après les déclarations que nous venons d'entendre, j'aurais, en émettant un vote hostile au budget de la guerre, aidé au maintien d'un privilège inique auquel je ne suis pas moins opposé qu’aux dépenses militaires, le privilège de la dispense du service accordé à l'état ecclésiastique.

Dans ces conditions, je ne pouvais que m'abstenir.

Je me réserve, lorsque la situation sera déblayée, de reprendre, contre le budget de la guerre et contre l'organisation militaire, l'attitude d'opposition que j'ai prise jusqu'à présent et à laquelle j'entends rester fidèle.

J'ai émis mon vote aussi avec l'espoir que la discussion à laquelle nous venons d'assister et la leçon qu'elle implique contribueront à accentuer la marche et les actes du parti libéral, à le décourager de transactions et d'atermoiements qui n'ont plus de raison d'être, de transactions condamnées par les progrès de l'opinion publique.

M. Delcourµ. - Je me suis abstenu pour les mêmes motifs que l'honorable M. de Theux.

M. de Naeyerµ. - Je me suis abstenu à cause de l'incertitude dans laquelle je me trouve quant à la position qui sera définitivement faite, dans la loi de la milice, aux ministres des cultes et à ceux qui se livrent aux études préparatoires au ministère ecclésiastique.

M. de Theuxµ. - J'ai fait connaître les motifs de mon abstention.

M. Nothomb, M. Landeloosµ et M. Moncheurµ déclarent s'être abstenus pour les mêmes motifs que M. de Theux.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Mon opposition aux dépenses militaires n'est pas nouvelle. Si je me suis abstenu cette fois, c'est à cause de la tournure politique qu'a prise aujourd'hui la discussion. J'ai craint, en votant contre le budget de la guerre, d'émettre un vote que l'on eût pu considérer comme contraire à l'opinion libérale que j'ai toujours professée et que j'entends bien professer toujours.


- Il est procédé au tirage des sections pour le mois de décembre.

La séance est levée à 5 heures et demie.