(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1868-1869)
(Présidence de M. Dolezµ.)
(page 1117) M. Van Humbeeck procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
Il fait lecture du procès-verbal de la dernière séance.
M. Coomans. - M. le président, j'ai une rectification à faire aux Annales parlementaires. C'est, je pense, à propos du procès-verbal que ce genre d'observations doivent se produire.
Il y a, dans le compte rendu de la séance du 12 de ce mois, une omission que je liens à relever, non seulement en ma faveur, mais en faveur de ceux de nos collègues qui pourront, une autre fois, se trouver dans le même cas.
J'ai eu l'honneur de soumettre à la Chambre un amendement qui avait pour objet d'exempter définitivement le fils aîné de la famille.
Cet amendement a été mis aux voix. La première épreuve ayant été douteuse, le bureau en a ordonné une seconde et c'est à la suite de cette seconde épreuve que l'amendement a été rejeté.
Les Annales ne relatent pas ce fait. Or, je tiens à le constater et je désire que désormais quand il y aura plus d'une épreuve les Annales en fassent mention.
Toutes les paroles qui se prononcent ici, et surtout celles de notre honorable président, doivent être actées aux Annales.
M. le président. - L'explication que vient de donner l'honorable M. Coomans tiendra lieu de rectification.
Il est en effet de règle qu'il soit tenu note exacte de tontes les épreuves. Ce ne peut donc être que par distraction que l'omission qui vient d'être signalée a eu lieu.
- Le procès-verbal est approuvé.
M. Dethuinµ présente l'analyse suivante, des pièces adressées à la Chambre.
« Des habitants de Bois-de-Villers demandent la construction d'une grande route destinée à relier les communes de Saint-Gérard, Lesves et Bois-de-Villers à la ville de Namur par Wépion et le faubourg de la Plante. »
« Le conseil communal de Bois-de-Villers déclare appuyer cette demande. »
M. Lelièvreµ. - Cette pétition a un caractère d'urgence. Je demande qu'elle soit renvoyée à la commission des pétitions, avec prière de faire u» prompt rapport.
- Adopté.
« La dame Ysewyn se plaint que son mari, soldat substituant de 1862, qui a déserté pour servir dans la légion étrangère de l'armée française, puis au Mexique, a été, malgré l'amnistie, traduit devant le conseil de guerre de la province d'Anvers qui l'a condamné à la détention et à l'incorporation parmi les volontaires. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le conseil communal de Lommel demande que le concessionnaire d'un chemin de fer d'Anvers à Gladbach soit obligé de faire passer cette ligne près du centre de la commune de Lommel. »
- Renvoi à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport.
« Les membres du conseil communal d'Heppen prient la Chambre d'autoriser la construction d'un chemin de fer d'Anvers à Düsseldorf par Gladbach, sous la condition du maintien du tracé adopté en 1845, sauf, si une modification était jugée nécessaire, à la faire porter sur la partie du tracé parlant de Breo vers Maeseyck au lieu de Neeritter. »
« Même demande, des membres du conseil communal de Quaemachelen, Ellicom, Wyshagen, Gruitrode. »
- Renvoi à la commission des pétitions, avec demandé d'un prompt rapport.
(page 1118) « L'administration communale de Furnes demande la prompte exécution des travaux d'amélioration du régime de l'Yser. »
M. Bieswalµ. - L'objet de cette pétition est très important. Je demande qu'elle soit renvoyée à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.
- Adopté.
« Le sieur Neut prie la Chambre de prendre des mesures pour sauvegarder les droits de la presse, compromis par un arrêt de la cour d'assises de Gans, dans son interprétation de l'article 451 du code pénal. »
- Renvoi à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport.
« Des habitants de Bruxelles prient la Chambre de voter la loi sur la milice pendant la présente session. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur la milice.
« Le sieur Frédéric Yates, négociant à Bruxelles, né dans cette ville, demande la naturalisation ordinaire.
- Renvoi au ministre de la justice.
M. Hagemans, obligé de s'absenter, demande un congé.
- Accordé.
« Par message du 14 juin, le Sénat renvoie, tel qu'il a été amendé par lui, le projet de loi portant abolition de la contrainte par corps. »
M. de Brouckere (pour une motion d’ordre). - Messieurs, je crois qu'il est impossible que la Chambre songea renvoyer ce projet à la commission qui a déjà pris deux fois les mêmes conclusions sans que l'on ait pu aboutir à un résultat.
Je demande donc que le projet soit renvoyé en sections, afin que les sections examinent a fond deux choses : d'abord, s'il y a un moyen de. conciliation à présenter et, si l'on n'en trouve pas de suffisant, s'il n'y a pas lieu de scinder le projet.
Je n’en dirai pas davantage. Je me borne à demander le renvoi du projet de loi aux sections.
- Cette proposition est adoptée. Le renvoi aux sections est ordonné.
M. Vleminckxµ. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la commission spéciale qui a examiné la demande de crédits supplémentaires et extraordinaires au budget de l'intérieur de 1888.
- Impression, distribution et mise à la suite de l'ordre du jour.
M. Kervyn de Lettenhove. - Messieurs, lorsque l'application d'un système en matière de bienfaisance publique a donné lieu, depuis un grand nombre d'années, à des plaintes sans cesse répétées, la législature est tenue de rechercher comment elle peut le modifier et l'améliorer : c'est ce devoir que je viens remplir aujourd'hui.
Toutes les questions qui touchent à la bienfaisance publique offrent un incontestable intérêt. Certes, dans aucune société, l'homme dont les souffrances réclament un secours immédiat, ne sera délaissé ; mais il importe aussi de remarquer que si ce secours est donné hors le cas de nécessité et surtout s'il revêt un caractère permanent, on arrive à ce double résultat également déplorable : d'absorber en vaines prodigalités une part des ressources publiques qui sont, avant tout, destinées à féconder la vie sociale, et d'anéantir chez l'individu ce sentiment, intimement lié à la dignité personnelle, qui lui enseigne que c'est par le travail associé à l'ordre et à la prévoyance qu'il doit s'assurer ce qui est indispensable à ses besoins.
Aussi a-t-on constaté dans tous les pays, et notamment en Angleterre, où l'intervention de la bienfaisance publique a été poussée aux plus extrêmes exagérations, que plus la charge est accablante pour la production et le travail, plus elle reste stérile pour ceux qui en profitent ; car l'indigent, loin de se relever par le secours public dans l'ordre matériel ou dans l'ordre moral, loin d'atteindre une situation meilleure à mesure que ce secours s'accroît et se perpétue, se sent entraîné davantage par l'oisiveté dans la misère et dans la dégradation. Un longue expérience atteste également en Belgique que les charges des communes ont subi une progression effrayante, et que les sacrifices exigés des éléments les plus honnêtes de la population ont été trop souvent absorbés sans fruit par des individualités honteuses et méprisables.
Nous croyons donc, messieurs, qu'il faut assigner des limites sévères à l'action de la bienfaisance publique.
Si la vieillesse glace les membres de l'indigent, si, même avant l'âge, les infirmités exercent chez lui les mêmes ravages, sans que nous rencontrions toutefois l'hypothèse de la nécessité du secours immédiat, le soin (nous ne disons pas l'obligation) de lui venir en aide appartient aux hospices et aux autres institutions analogues créées dans ce but ; il forme aussi, dans la plus large mesure, la noble attribution de la charité privée, qui apportera toujours aux souffrances individuelles un remède plus puissant et plus efficace, parce qu'elle les sonde plus profondément et parce qu'elle ajoute à l'aumône cette vive et chaleureuse sympathie qui descend du cœur de chacun de nous vers le pauvre qu'il faut consoler.
Lors même que la charité privée se trompe, ses erreurs si aisées à excuser ne touchent qu'à des cas spéciaux et isolés. Si, au contraire, la bienfaisance publique s'égare et marche dans une voie mauvaise, elle ne tarde pas à substituer aux phénomènes variés de la misère l'uniformité désespérante de l'organisation légale du paupérisme.
Telles sont les considérations qui ont présidé à la rédaction de la proposition de loi que nous avons eu l'honneur de déposer. La loi du 18 février 1845 n'avait employé les mots « en cas de nécessité » qu'en parlant du secours provisoire donné par la commune où se trouve l'indigent secouru.
Il nous a paru qu'il fallait reproduire cette expression dans l'intitulé et dans les articles de notre proposition de loi, afin qu'il fût bien entendu qu'elle n'embrasse que les cas où le droit au secours repose sur une nécessité urgente et incontestée. Montesquieu a fort bien dit, en parlant des secours donnés par l'Etat au pauvre : « Le mal est momentané ; il faut des secours de même nature et qui soient applicables à l'accident particulier. » C'est le principe qui dominait dans l'ancienne législation française avant la loi du 24 vendémiaire an II, et on lisait notamment dans l'ordonnance du 18 juillet 1724, que les secours publics, loin de servir à encourager l'oisiveté criminelle de la fainéantise, doivent être réservés à celui que les maladies où les infirmités viennent atteindre en le mettant hors d'état de gagner sa vie.
La loi du 24 vendémiaire an II, subissant l'empire des circonstances au milieu desquelles elle fut faite, proscrivait, il est vrai, la mendicité en la frappant des peines les plus sévères, mais elle admettait le droit au travail que récemment encore, dans des moments de crises révolutionnaires, nous avons vu réclamer par des réformateurs ardents et impétueux, mais énergiquement repoussé par les hommes les plus éminents et les plus éclairés. Un seul titre de cette loi resta en vigueur : ce fut le titre V qui traite du domicile de secours. Nous en présenterons une rapide analyse.
Le domicile de secours est le lieu où l'homme nécessiteux a droit aux secours publics. Le lieu de la naissance est le lieu naturel du domicile de secours.
Pour acquérir un autre domicile de secours, un séjour d'un an suffit à partir du jour où l'indigent fait porter son nom sur le registre de la municipalité ; mais cette inscription peut lui être refusée s'il est sans aveu.
Le domicile de secours résulte d'une résidence de six mois dans le lieu où l'on se marie. Le soldat choisit le sien. Sont reçus dans l'hospice le plus voisin, sans avoir à justifier du domicile de secours, le vieillard septuagénaire ou infirme, l'indigent dont les infirmités résultent du travail, et enfin, le malade qui se trouve sans ressources.
La loi du 28 novembre 1818 introduisit, dans le royaume des Pays-Bas, le domicile de secours fondé par une résidence continue de quatre années. Elle fut abrogée le 18 février 1845 et remplacée par une loi nouvelle, qui doubla la durée de la résidence qui sert de base au domicile de secours. C'est contre cette loi que se sont élevées ces plaintes si multipliées qui vous ont révélé, messieurs, le triste tableau de communes à peu près ruinées par une distribution de secours dont la charge leur était imposée en dehors de toute justice.
En recherchant quels sont les principes qui doivent régir le domicile de secours, on arrive aussitôt à reconnaître que c'est là où l'homme a établi le siège de son activité et de son travail qu'il doit être secouru quand son activité cesse et quand son travail s'interrompt devant une nécessité qu'il n'a pu conjurer.
Il importe de rapprocher le plus possible, en ce qui touche le domicile de secours, la législation de la bienfaisance publique de la législation politique ou civile.
Là où l'on remplit les devoirs de la vie civile, là où l'on pourrait exercer les droits de la vie politique, existe incontestablement un lien qui justifie l'obligation du secours. Nous avons vu dans une résidence continue d'un an ce qui d'après le code civil représente à la fois le fait de l'habitation réelle et l'intention de fixer le principal établissement. (Cm neque animus (page 1119) fine facto, neque factum sine animo al id sufficiant.) Quanti cette résidence continue a existé pendant un an, faire remonter plus haut la charge, c'est non seulement s'exposer à des difficultés nombreuses et à de pénibles contestations ; c'est aussi sortir de l'équité qui doit placer pour la commune l'obligation du secours dans le cas exceptionnel de la nécessité, en regard des avantages que lui apporte dans les circonstances ordinaires le travail régulièrement poursuivi.
Cette disposition est conforme à la loi du 24 vendémiaire an II ; c'est la reproduction de ce qui est en usage en France, où pour les maladies curables ou incurables, le domicile de secours s'établit par une résidence continue d'une année.
La législation française va plus loin, s'il s'agit de blessures ou de maladies curables, la charge du secours incombe, quel que soit le domicile de secours, à la commune de la résidence si elle possède un hôpital.
Je fais usage, en tout ce qui touche la législation française, de renseignements qui m'ont été transmis, avec la plus gracieuse obligeance, par M. Husson, membre de l'institut et directeur de l'Administration générale de l'assistance publique en France.
Une seule objection se présente, c'est que la réduction de la durée du domicile de secours à une seule année permettra le retour des fraudes qui ont été signalées avant la loi de 1818. Nous ne croyons pas cette objection fondée.
S'il n'existe plus pour la commune qu'une charge transitoire, passagère, limitée à un cas exceptionnel, on comprend bien moins qu'elle puisse la prévoir et que, sous l'empire de cette préoccupation, elle recoure à des mesures combinées longtemps d'avance, sans reculer même devant la fraude. Du reste, l'application rigoureuse du dernier paragraphe de l'article 3 de la loi du 18 février 1845 offre le moyen de la prévenir. Si une commune, pour se soustraire à l'entretien de ses indigents, les engage, par quelque moyen que ce soit, à se fixer ailleurs, le séjour antérieur sera censé continuer malgré le changement d'habitation. Si, au contraire, une commune, pour empêcher un indigent d'obtenir ce domicile, lui donne des secours dont la loi ne lui fait pas une obligation, toute commune intéressée sera admise à faire la preuve qu'il n'y avait pas nécessité de secours, et dès lors la libéralité ne formera pas obstacle à l'acquisition du nouveau domicile.
A la règle générale de l'article 3 déroge l'article 4 de la proposition de loi. L'accident étranger aux maladies et aux infirmités, dont cet article s'occupe, sera presque toujours la conséquence du travail, et c'est à la commune dans l'intérêt de laquelle ce travail s'accomplissait, à supporter seule la charge qui en résulte.
Nous avons cru devoir laisser aussi à la commune où un enfant est abandonné la charge de subvenir à ses besoins. L'abandon de l'enfant est presque toujours le signe de la démoralisation publique.
C'est aux communes qu'il appartient de la combattre dans son développement et dans ses conséquences ; c'est à elles seules à en supporter les charges. Nous modifions à cet égard les dispositions de l'article 69, paragraphe 19 de la loi provinciale, et celles de la loi du 30 juillet 1834.
D'autre part, il est deux cas où nous avons cru devoir affranchir la commune de toute obligation.
Quand l'indigent est frappé d'aliénation mentale, la charge de pourvoir à son entretien dure le plus souvent autant que sa vie. Elle donne lieu pour les petites communes à des dépenses hors de proportion avec leurs ressources, et il arrive fréquemment que les aliénés ne sont point dirigés vers les établissements où ils recevraient dos soins convenables. Nous avons donc jugé utile de nous écarter en ce point des dispositions de l'article 131, paragraphe 16 de la loi communale et de l'article 28 de la loi du 18 juin 1850. En France, les départements interviennent pour une forte part dans l'entretien des aliénés.
La même règle, croyons-nous, pourrait s'appliquer aux aveugles et aux sourds-muets.
Enfin, lorsqu'il s'agit d'un indigent étranger, résidant en Belgique sans être autorisé à y fixer son domicile, l'Etat, qui eût dû veiller a la stricte exécution de l'article 3 de la loi du 3 avril 1848, reste seul chargé des dépenses qu'entraînent les secours qu'il reçoit.
Telles sont les principales dispositions du projet que nous avons l'honneur de soumettre a la Chambre. Sans doute, l'examen auquel elle voudra bien se livrer les améliorera sur plusieurs points et permettra surtout de les compléter par quelques mesures d'exécution reconnues non moins indispensables. Nous nous bornons en ce moment à appeler sa plus sérieuse attention sur une question qui, objet de réclamations à peu près unanimes, intéresse à la fois la sage administration des deniers publics et la moralisation des classes laborieuses.
- Personne ne demandant la parole, la Chambre prend la proposition en considération et la renvoie à l'examen des sections.
« Art. 29. Il y a, par arrondissement administratif, un conseil de milice. Néanmoins, deux arrondissements réunis sous un même commissariat sont considérés comme n'en faisant qu'un seul.
« Le conseil est nommé par le Roi pour chaque levée et composé d'un membre du conseil provincial n'appartenant pas à la députation permanente, comme président, d'un membre de l'un des collèges échevinaux du ressort et d'un officier supérieur de l'armée.
« Il est adjoint de la même manière, à chaque membre, un ou deux suppléants exerçant les mêmes fonctions que les titulaires.
« Le commissaire d'arrondissement siège au conseil à titre de rapporteur, avec voix consultative.
« Les fonctions de secrétaire sont remplies par la personne dont il est fait mention au dernier paragraphe de l'article 15.
« Pour l'examen des infirmités, le conseil est assisté, à titre consultatif, de deux docteurs en médecine ou en chirurgie, désignés la veille ou le jour de chaque séance par le président et remplacés chaque jour, si c'est possible. A défaut de docteur en médecine ou en chirurgie, il y sera suppléé par un médecin ou un chirurgien.
« Avant de commencer leurs opérations, les hommes de l'art prêtent devant le conseil le serment suivant :
« Je jure de déclarer, sans haine ni faveur, si les hommes que je suis chargé d'examiner sont atteints de maladies ou d'infirmités qui les rendent impropres au service. »
« La prestation de ce serment est mentionnée dans un registre destiné à constater les avis des hommes de l'art et signé par eux.
« Immédiatement après, le président leur imposera le devoir de se récuser dans l'examen de tout homme qui les aurait récemment consultés sous le rapport de la milice.
« En cas de récusation déclarée, l'examen est ajourné à une séance ultérieure. »
M. Lelièvreµ. - C'est ici le moment de, faire une observation qui a déjà été présentée par d'honorables membres. Il s'agit de savoir si on laissera au commissaire d'arrondissement la nomination du secrétaire du conseil de milice. Dans ce collège, le commissaire d'arrondissement ne siège au conseil qu'à titre de rapporteur avec voix consultative. Or, il me paraît extraordinaire que ce soit ce fonctionnaire qui nomme le secrétaire du collège. Je pense qu'il est préférable de maintenir la disposition primitivement proposée par le gouvernement. J'estime donc qu'il y a lieu d'adopter un amendement ainsi conçu : « Un employé, soit du gouvernement provincial, soit du commissariat d'arrondissement, nommé annuellement par le gouverneur, remplit les fonctions de secrétaire. » C'est la disposition originaire du projet. Toutefois, je désire connaître l'opinion du gouvernement sur ce point, l'amendement n'ayant pas de chance de réussite sans son assentiment.
M. le président. - Voici la teneur de la proposition de l'honorable membre :
« Au lieu du paragraphe : « Les fonctions de secrétaire sont remplies par la personne, etc., », je propose d'énoncer ce qui suit :
« Un employé, soit du gouvernement provincial, soit du commissariat d'arrondissement, nommé annuellement par le gouverneur, remplit les fonctions de secrétaire. »
- L'amendement est appuyé, il fait partie de la discussion.
MiPµ. - Je crois qu'il est préférable de maintenir la proposition de la section centrale.
Les opérations de la milice sont dirigées, dans l'arrondissement, par le commissaire d'arrondissement ; c'est lui qui a toute la charge de ces opérations. Je ne vois pas pourquoi on ne lui permettrait pas de choisir le secrétaire qui doit l'assister.
Si ce choix était donné au gouverneur, le secrétaire du conseil de milice serait pris la plupart du temps parmi les employés de l'administration provinciale, plus ou moins désireux de toucher la rémunération justifiée par les frais de déplacement. Le commissaire d'arrondissement choisira parmi les fonctionnaires de ses bureaux, lesquels sont en général peu rétribués et cela me paraît juste ; je ne vois pas pourquoi on priverait d'un bénéfice les employés des commissariats d'arrondissement en faisant venir un étranger dans leur localité.
(page 1120) Messieurs, je proposerai ici quelques légers changements de rédaction qui ne modifient absolument en rien le sens de l'article.
M. le président. - M. le ministre propose de rédiger l'article dans les termes suivants :
« Il y a, par arrondissement administratif, un conseil de milice ; deux arrondissements réunis sous un même commissariat, sont considérés comme n'en faisant qu'un seul.
« Le conseil est nommé par le Roi pour chaque levée. Il est composé d'un conseiller provincial, d'un membre de l'un des collèges échevinaux du ressort et d'un officier supérieur de l'armée. Le conseiller provincial ne peut être membre de la députation permanente ; il remplit les fonctions de président.
« Il est nommé à chaque membre, un ou deux suppléants exerçant les mêmes fonctions que les titulaires.
« Le commissaire d'arrondissement siège au conseil à titre de rapporteur, avec voix consultative. Le secrétaire est désigné par le commissaire d'arrondissement.
« Pour l'examen des infirmités, le conseil est assisté, à titre consultatif, de deux médecins ou chirurgiens désignés la veille ou le jour de chaque séance par le président, et remplacés chaque jour si c'es.t possible,
« Avant de commencer, etc. (le surplus comme au projet). »
Quelqu'un demande-t-il la parole sur ce changement de rédaction ?
M. Coomans. - Messieurs, il me semble qu'il y a une anomalie dans l'article 29.
On demande le serment aux médecins et on ne le demande pas aux membres du tribunal de milice.
Je ne suis pas grand partisan du serment, pas plus en matière politique qu'en matière administrative ; mais je voudrais qu'en toute matière on se conformât à l'égalité des Beiges devant la loi.
J'avoue que je ne comprends pas qu'on exige le serment des médecins lorsqu'on ne le demande pas aux membres qui statuent presque en dernier ressort.
C'est une remarque que je soumets au gouvernement, à la Chambre entière, en acquit de ma conscience. Il me semble qu'il y a la quelque chose d'injurieux pour le médecin que de déclarer dans la loi qu'on a moins de confiance en lui que dans les autres personnes appelées à se prononcer sur les graves intérêts dont il s'agit.
MiPµ. - Messieurs, pour répondre à l'observation de l'honorable M. Coomans, il suffit de faire remarquer que le conseil de milice est composé de fonctionnaires qui ont prêté serment ; c'est un membre du conseil provincial, c'est un membre d'un collège échevinal, c'est enfin un officier supérieur de l'armée. (Interruption.) Pardon ; ce n'est pas un serment spécial.
Le médecin n'a pas prêté serment.
M. Lelièvreµ. - Je n'insiste pas sur ma proposition.
M. Coomans. - Je désire répondre un mot à M. le ministre de l'intérieur. Sa réplique ne me semble pas satisfaisante. Il est vrai que les fonctionnaires dont il parle ont prêté serment ; mais il est vrai aussi que les médecins ont prêté serment lorsqu'ils ont reçu leur diplôme...
- Un membre. - Cela ne se fait plus.
M. Coomans. - Si. Eh bien, si le médecin n'est pas obligé de prêter un serment global, au point de vue de tous les malades qu'il aura à traiter pendant toute sa carrière, je ne sais pourquoi on devrait lui faire prêter serment dans le cas spécial dont il s'agit.
Il faut être logique. Si le serment est inutile pour empêcher un médecin de faire sciemment du tort à un patient, le serment est inutile ou illogique dans le cas spécial dont nous occupons.
M. Vleminckxµ. - Messieurs, je ne sais véritablement pas si M. le ministre de l'intérieur doit tenir au maintien du serment ; ou le médecin est malhonnête homme, et alors le serment ne sera pas gardé, ou il est honnête homme, et alors à quoi bon lui faire prêter serment ? D'après moi, c'est une formalité complètement inutile, on pourrait le supprimer.
MiPµ. - Messieurs, je n'attache pas une importance spéciale au serment dont il s'agit ; mais je ferai observer a l'honorable préopinant que cette formalité est requise dans toute notre législation.
Ainsi le serment est toujours imposé aux témoins qui déposent et aux experts qui fonctionnent devant les tribunaux. L'argumentation de l'honorable préopinant s'applique à tous les cas de déposition en justice. Son observation dépasse donc les limites de la disposition que la Chambre discute. Je pense que nous pouvons maintenir ici le serment, ne fût-ce que pour conserver l'harmonie dans notre législation.
M. le président. - M. Coomans, insistez-vous pour que le serment soit supprimé dans l'article 29 ?
M. Coomans. - Non, M. le président, mais je maintiens mes remarques.
- L'article 29 est mis aux voix et adopté.
« Art. 30. Lorsqu'un membre du conseil est le parent ou l'allié jusqu'au quatrième degré inclusivement de l'une des parties personnellement en cause, il devra se récuser. »
- Adopté.
« Art. 31. Le conseil de milice siège dans la commune chef-lieu de l'arrondissement. Néanmoins, le Roi peut décider que le même conseil siégera alternativement dans plusieurs communes.
« Le local, le chauffage, l'éclairage, le mobilier, le, matériel de bureau et le salaire, d'un huissier-messager sont à la charge de la commune. »
- Adopté.
« Art. 32. Sont appelés devant le conseil de milice :
« 1° Les inscrits de l'année et les ajournés portés en tête des listes de tirage, aux termes de l'article 17 ;
« 2° Ceux qui ont obtenu une dispense provisoire de service en vertu de l'article 23bis ;
« 3° Ceux qui ont été détachés sur les contrôles de l'armée en vertu de l'article 24 ;
« 4° Ceux qui ont obtenu une dispense provisoire de service en vertu de l'article 27.
« Le, commissaire d'arrondissement tiendra, par ordre de levées, des registres spéciaux pour chacune de ces trois dernières catégories.
« Le collège des bourgmestre et échevins de chaque commune convoque les intéressés à domicile, six jours au moins avant celui de la comparution devant le conseil. La convocation est, en outre, publiée selon les formes usitées et à l'heure ordinaire des publications ; les avertissements écrits indiquent le jour, l'heure, la commune et le local on siégera le conseil ; il en sera demandé récépissé dans un registre spécial et, au besoin, le porteur de la convocation en attestera la remise par sa signature.
« Les inscrits et les ajournés sont présentés au conseil par un membre de l'administration communale, accompagné du secrétaire, porteur de la liste alphabétique et des récépissés. Les frais de route et de séjour de ces fonctionnaires sont à la charge de la commune. »
- Adopté.
« Art. 33. Le conseil décide si les hommes sont admissibles et propres au service ; il statue sur les réclamations contre l'inscription ; il accorde les exemptions et dispenses et procède à l'examen des remplaçants présentés par les miliciens de l'arrondissement.
« Il ne décide qu'en premier ressort. »
- Adopté.
« Art. 34. Ceux qui ne comparaissent pas devant le conseil, ou dont les certificats et pièces exigés par la loi n'ont pas été produits, sont censés n'avoir aucun motif d'exemption et sont désignés pour le service, à moins qu'une cause d'empêchement invoquée par eux ou en leur nom ne soit reconnue légitime. Dans ce cas, le conseil ajourne sa décision à une séance ultérieure. »
MiPµ. - Messieurs, l'article a pour objet d'établir que le milicien qui ne comparaît pas devant le conseil de milice peut être traité comme défaillant, c'est-à-dire que le conseil de milice est autorisé a statuer à son égard, comme s'il ne pouvait produire aucune cause d'exemption.
Je pense cependant que les termes de cet article dépassent un peu sa portée.
C'est pour corriger le caractère trop absolu de la rédaction que je propose de remplacer les mots : « sont censés n'avoir aucun motif d'exemption et sont désignés pour le service », par ceux-ci : « Sont censés n'avoir aucun motif d'exemption et peuvent être désignés pour le service. »
M. Coomans. - Je trouve l'observation de M. le ministre très juste. Mais je voudrais remanier aussi la suite de l'article. L' « à moins » qui se trouve vers le milieu de l'article ne me semble guère conciliable avec le sens consacré par le mot « peuvent ». C'est une remarque que je fais à M. le ministre.
MiPµ. - Je crois qu'il n'y a pas d'incorrection proprement dite. Cependant l'observation de l'honorable M. Coomans est juste. La phrase ne paraît pas correcte à la première vue. Je propose de rédiger ainsi l'article :«... peuvent être désignés pour le service, si une cause d'empêchement invoquée par eux ou en leur nom, n'est reconnue légitime. Dans ce cas, etc. »
- L'article, ainsi modifié, est adopté.
(page 1121) « Art. 35. En cas de réclamation pour cause physique, si l'inscrit est hors d'état de se présenter au conseil, il est visité, sans subir de déplacement, par deux hommes de l'art, choisis conformément ù l'article 29.
« Leur rapport motivé est affirmé sous serment qu'il a été fait sans haine ni faveur, soit devant le juge de paix du canton, soit devant le bourgmestre de la commune, soit devant le conseil lui-même, dans les vingt-quatre heures de la visite. Le fonctionnaire qui reçoit l'affirmation en dresse, sans frais, l'acte au bas du rapport, lequel est immédiatement transmis au conseil.
« Ces rapports ne peuvent donner lieu, la première année, qu'a une exemption temporaire. »
M. Coomans. — Dans les 24 heures de la visite. Je comprends bien le but de cette restriction, mais sera-t-elle toujours réalisable ? Pourra-t-on toujours faire un rapport dans les 24 heures ? Si le malade doit être visité à l'extrémité du pays, au fond du Luxembourg, et si le conseil siège dans l'arrondissement de Turnhout, par exemple, sera-t-il bien facile de présenter le rapport endéans les 24 heures ? J'en doute.
Autre difficulté que je soumets à l'honorable ministre, ce n'est pas a moi de la résoudre : Si le milicien est à l'étranger ? Il peut y être le plus légitimement du monde, il peut se trouver à l'extrémité de l'Europe ; que faites-vous dans ce cas ? A qui déférez-vous le droit que le gouvernement a et que cet individu a de vérifier son état physique ?
MiPµ. - Quant à la première question posée par l'honorable M. Coomans, je crois que sa réponse se trouve dans l'article même ; l'affirmation ne doit pas nécessairement être faite devant le conseil ; elle peut être faite devant le juge de paix du canton ou devant le bourgmestre de la commune. La disposition de l'article est celle qui existe pour tous les procès-verbaux.
Quant à la deuxième question, je ne pense pas qu'un milicien puisse être légitimement à l'étranger lorsqu'il a un devoir à remplir dans son pays.
M. Coomans. - Il n'est pas encore milicien.
MiPµ. - S'il est désigné par le sort, il a l'obligation de comparaître devant le conseil de milice. Il est évident que le conseil de milice pourrait apprécier les causes de l'absence, mais il n'est pas tenu a faire visiter en Chine, par exemple, le milicien qui s'y trouverait.
M. Lelièvreµ. - Je demande devant quels fonctionnaires les hommes de l'art devront prêter serment ? Je désire savoir devant quel bourgmestre l'affirmation devra avoir lieu.
MiPµ. - Dans ce cas les hommes de l'art font leurs opérations avant d'avoir prêté serment et ensuite affirment leur procès-verbal par serment soit devant le juge de paix du canton, soit devant le bourgmestre de la commune.
M. Coomans. - Quelle commune ?
MiPµ. - La commune où est le milicien. Cela est incontestable.
M. Coomans. - Encore une observation. Elle est moins grave que celle que j'ai présentée tout à l'heure et que je maintiens, mais il me semble qu'on ne peut décemment dire : « Leur rapport motivé est affirmé sous serment qu'il a été fait sans haine, etc. »
Je ne sais à quelle langue cela appartient.
M. le président. - Vous ne faites pas de proposition, M. Coomans ?
M. Coomans. - Je m'en garderai bien.
MiPµ. - Si cela peut faire plaisir à l'honorable M. Coomans, on pourrait dire :
« Leur rapport motivé est affirmé avec le serment qu'il a été fait sans haine, etc. » »
M. Coomans. - Non, cela ne vaut pas mieux.
MiPµ. - Si vous ne trouvez rien de mieux, maintenons donc la disposition du projet.
M. le président. - Puisqu'il n'y a pas de proposition, je mets l'article aux voix.
- L'article est adopté.
« Art. 36. Les opérations du conseil se font en trois sessions. Les gouverneurs en fixent les époques de telle manière que la remise du contingent ait lieu au plus tard le 1er... »
M. le président. - M. le ministre, quel est le mois qui doit être indiqué ici ?
MiPµ. - Juillet, M. le président.
M. le président. - C’est donc le 1er juillet.
L'article continue ainsi :
« Le conseil peut exceptionnellement avoir une session supplémentaire, dont il fixe les jours, pour terminer les affaires sur lesquelles il lui aurait été impossible de prendre une décision au fond. »
- L'article est adopté.
« Art. 37. Les décisions des conseils sont proclamées en séance publique, consignées dans le registre du tirage et parafées par le président. »
- Adopté.
« Art. 38. Les décisions portant désignation pour le service sont exécutoires nonobstant appel. »
- Adopté.
« Art. 39. Après chaque séance, le commissaire d'arrondissement envoie sans retard aux administrations communales un état des hommes du canton que le conseil a exemptés ou exclus, et qui doivent être suppléés dans le contingent par d'autres miliciens.
« Cet état contiendra un numéro d'ordre général, le numéro du tirage, les noms et prénoms des inscrits sur le sort desquels il a été statué, la commune de la résidence et la cause de leur ajournement ou de leur libération définitive du service.
« Cet état est publié et affiché dans chaque commune du canton, les deux dimanches qui suivent sa réception.
« Les actes de publication sont inscrits dans un registre à ce destiné. »
- Adopté.
« Art. 39bis. Lorsque le conseil de milice n'est pas assemblé, ses attributions sont exercées par une commission siégeant au chef-lieu de la province, composée du gouverneur, ou de son suppléant, président, d'un membre de la députation permanente, et d'un officier supérieur désigné par le commandant provincial.
« Il sera procédé à l'examen des infirmités, conformément a l'article 29. »
- Adopté.
« Art. 40. Toutes les décisions des conseils de milice sont susceptibles d'appel de la part du commissaire d'arrondissement et de la part des intéressés.
« Les remplaçants ne sont pas considérés comme intéressés.
« Un seul et même acte d'appel ne peut être dirigé contre plus de dix inscrits.
« L'appel est formé par écrit. Il doit indiquer d'une manière suffisante celui qui l'interjette, et, s'il y a lieu, celui contre lequel il est dirigé, ainsi que la décision attaquée.
« La signature de l'appelant intéressé, ou la marque qui en tient lieu, doit être légalisée par un membre du collège échevinal de sa commune, qui ne peut se refuser à l'accomplissement de cette formalité. En cas d'infraction, l'intéressé pourra, en la dénonçant, former son appel en personne au greffe de la province, au plus tard dans les trois jours qui suivent les délais respectifs qui vont être déterminés.
« L'appel doit être adressé a la députation permanente et remis au gouvernement provincial :
« 1° Dans les huit jours à partir de la décision, s'il est interjeté par le commissaire d'arrondissement.
« 2° Dans le même délai, s'il est interjeté par le milicien, ou par ses parents ou tuteur, contre une décision qui l'a désigné pour le service, ou qui n'a pas admis le remplaçant qu'il avait présenté.
« 3° Avant ou dans les quinze jours à partir de la première publication prescrite à l'article précédent, par tous autres intéressés.
« Les prescriptions ci-dessus énoncées seront suivies à peine de nullité.
« La députation statue au fond dan» les trente jours de la remise de l'acte d'appel, s'il y a lieu à décision préparatoire.
« La députation apprécie les faits tels qu'il existent au moment de son examen, lors même qu'ils n'ont pas été ou qu'ils n'auraient pu être soit déférés au conseil de milice, soit indiqués dans l'acte d'appel.
« En cas de plusieurs appels dirigés contre une décision, il pourra être statué par un seul arrêté, à moins qu'il n'y ait à apprécier et des causes physiques et des causes morales d'exemption, auquel cas deux décisions distinctes sont nécessaires. »
MiPµ. - J'ai deux modifications à proposer à cet article.
D'abord, à la dernière ligne du cinquième paragraphe, il convient de supprimer le mot « respectif » qui est tout à fait inutile.
(page 1122) Je demanderai ensuite que l'on rédige comme suit le neuvième paragraphe :
« 3° Dans les quinze jours à partir de la première publication prescrite à l'article 38 s'il est interjeté par tout autre intéressé. »
- L'article ainsi modifié est mis aux voix et adopté.
« Art. 41. Lorsque la réclamation est fondée sur des maladies ou défauts corporels, la députation est assistée d'un officier supérieur de l'armée, qui a voix délibérative.
« Sont, en outre, appelés au même titre et dans les mêmes conditions que devant le conseil de milice :
« 1° Un docteur en médecine ou en chirurgie, appartenant à la pratique civile, désigné la veille ou le jour de la séance par le président, et remplacé, chaque fois, si c'est possible ;
« 2° Un médecin militaire, nommé de la même manière par le commandant provincial.
« S'il est douteux que les infirmités invoquées par les miliciens existent réellement, ou s'il y a présomption grave que des moyens ont été employés pour les provoquer ou les aggraver, la députation peut, soit sur l'appel, soit sur la proposition du conseil de milice, ordonner la mise en observation et le traitement de ces miliciens dans un hôpital militaire pendant un laps de temps qui ne dépassera pas quinze jours. Elle statue ultérieurement au fond, sans qu'il puisse y avoir, en aucun cas, renvoi au conseil. »
MiPµ. - Je demanderai à la Chambre de supprimer, au dernier alinéa, les mots : « soit sur l'appel, soit sur la proposition du conseil de milice ».
Ces mots sont complètement inutiles.
- L'article, avec la suppression de ces mots, est mis aux voix et adopté.
« Art. 42. Les articles 34 et 35 sont applicables à l'appel devant la députation. » .
- Adopté.
« Art. 43. Si des circonstances exceptionnelles l'y déterminent, la députation peut, en cas de refus par l'autorité de délivrer une pièce nécessaire à l'obtention d'une exemption, ordonner une enquête administrative, et ensuite prononcer l'exemption. »
M. Coomans. - L'honorable ministre de l'intérieur présente beaucoup d'amendements, je suis loin de lui en faire un reproche, au contraire ; pour lui venir en aide, j'en propose un encore.
L'article porte :
« Si des circonstances exceptionnelles l'y déterminent, la députation peut, en cas de refus par l'autorité de délivrer une pièce nécessaire à l'obtention d'une exemption, etc. »
'Pourquoi ne pas dire tout simplement : « nécessaire à l'exemption » ? ' Dans tous les cas, simplifions noire style législatif.
Je propose donc la suppression des mots « à l'obtention. »
MiPµ. - Je me ralliéeà l'amendement de M. Coomans, et je propose de supprimer au commencement de l'article les mots suivants : « Si des circonstances exceptionnelles l'y déterminent... »
La députation est juge des dispositions qu'elle doit prendre.
- L'article, tel qu'il est amendé par M. Coomans et M. le ministre de l'intérieur, est mis aux voix et adopté.
« Art. 44. Lorsque la députation reconnaît qu'un appel dirigé contre une ou plusieurs exemptions est manifestement mal fondé et inexcusable, elle le déclare frustratoire, et fait remettre, sans frais, une expédition de sa décision aux exemptés.
« Ceux-ci peuvent réclamer devant les tribunaux une indemnité pour les frais et dommages que l'appel leur a causés. »
M. Coomans. - Je demande la suppression du paragraphe final, non pour cause grammaticale, mais pour raison de justice.
Je trouve qu'il serait bien dur d'exposer de pauvres gens qui ont pu de bonne foi, malgré les apparences contraires, réclamer contre une exemption, qu'il serait bien dur, dis-je, de les exposer à des dommages-intérêts.
Remarquons que les plus mal lotis de tous les réclamants seront toujours les pauvres. Et alors même qu'il ne s'agirait pas des pauvres, alors même qu'il s'agirait de personnes vivant dans une modeste aisance, encore me paraîtrait-il cruel, pour ne pas dire inique, de les frapper éventuellement d'une peine financière qui pourrait être assez forte.
Je propose la suppression du paragraphe final, à moins qu'on ne me prouve que mes observations ne sont pas fondées.
M. Lelièvreµ. - En ce qui me concerne, je pense qu'il serait préférable de supprimer l'article entier et de laisser l’état de choses en question sous l'empire du droit commun, Je concevais l'article primitif, parce que, d'après le projet originaire, la députation, en déclarant l'appel frustratoire, prononçait une amende. Mais la section centrale n'admettant pas la pénalité, il ne me paraît pas qu'il faille provoquer une décision de la députation sur le point dont il s'agit. Il vaut mieux abandonner aux tribunaux le soin d'apprécier s'il y a eu mauvaise foi ou vexation de. la part de celui qui a formé la réclamation. Je ne pense pas que les tribunaux, devant lesquels des dommages-intérêts seront réclamés, puissent être liés par la décision de la députation. Dès lors, inutile d'autoriser celle-ci à statuer, comme il est énoncé au projet. Les tribunaux examineront l'affaire sous toutes ses faces et statueront en justice.
MiPµ. - Messieurs, je ne puis me rallier aux observations qui viennent d'être présentées.
Toutes les personnes qui se sont occupées de milice savent que l'on abuse beaucoup de la faculté d'appel, en obligeant des jeunes gens exemptés du service pour des causes contre lesquelles il n'y a pas la moindre objection sérieuse, à se présenter devant la députation permanente.
Cet abus a de fâcheuses conséquences non seulement pour les miliciens exemptés qui sont astreints à des déplacements, mais encore pour les députations permanentes que le trop grand nombre des appels empêche d'examiner avec tout le soin nécessaire celles des affaires portées devant elles qui méritent un examen sérieux.
Très souvent, aujourd'hui, quand un individu réclame contre une exemption, il réclame en même temps contre tous les exemptés qui le précèdent dans l'ordre d'inscription et cela sans discernement, sans avoir étudié s'il y avait lieu de réclamer.
C'est ainsi que l'on a vu citer devant des députations permanentes des jeunes gens ayant une jambe de bois et qui avaient été exemptés de ce chef par les conseils lie milice.
M. Muller, qui a une très grande pratique de la chose, considérait la mesure que l'on critique comme une des plus importantes du projet.
D'ailleurs, messieurs, l'abus que je viens d'indiquer est signalé par tous les hommes compétents comme un mal très sérieux.
Remarquez que le projet du gouvernement allait beaucoup plus loin que celui du la section centrale. Il frappait d'une amende les miliciens qui interjettent appel sans fondement.
Nous avons pensé qu'il y avait quelque chose d'anti-juridique à prononcer une amende pour les appels frustratoires et à attribuer cette amende à la partie lésée.
C'eût été là une disposition bâtarde. On a donc remplacé la disposition par celle qui vous est actuellement proposée.
Les députations, ayant à examiner les appels, décident s'ils sont frustratoires, mais ces collèges ne pouvant pas prononcer de réparation pécuniaire, ce sont les tribunaux qui sont appelés à fixer la réparation en faveur de la partie lésée. Ainsi donc, division de l'attribution entre les députations permanentes qui jugent le fond et les tribunaux qui jugent les questions de réparations.
L'honorable M. Lelièvre est dans une erreur complète lorsqu'il dit : Supprimez l'article et nous resterons alors dans le droit commun.
Le droit commun en matière de contestations soumises aux tribunaux est que ceux-ci ont le pouvoir de condamner à des dommages-intérêts la partie qui aurait soulevé une mauvaise contestation ; mais nous ne pouvons pas appliquer entièrement cette doctrine dans le cas qui nous occupe, parce qu'ici le tribunal n'est point saisi de la contestation, la députation seule ayant à apprécier la valeur de l'appel.
Je crois donc, messieurs, que la disposition que nous discutons en ce moment est d'une utilité pratique incontestable, tout en respectant la pratique juridique, en permettant la réparation par la voie ordinaire.
M. Coomans. - Je suis frappé de la peur qu'on fera à une foule de pauvres gens qu'on menacera d'un procès éventuel, d'un péril inévitable, si ces gens ont affaire à des personnes plus riches et plus influentes qu'eux.
Je voudrais que le droit d'appel fût entièrement libre. (Interruption.) Il est évident, lorsqu'il y aura eu mauvaise foi préjudiciable, qu'on pourra requérir des dommages-intérêts contre ceux qui s'en seront rendus coupables. C'est là le droit commun, vous n'avez pas besoin de le rappeler à l'article 44 : mais vous ne devez pas aller plus loin.
Voyons les faits. Combien de décisions ne sont pas accusées d'injustice, comme entachées de favoritisme ! Ne faut-il pas laisser à des jeunes gens qui se croient lésés le droit d'alléguer librement leurs raisons, sauf à les présenter d'une façon qui ne. soit pas injurieuse ?
Et si je suis convaincu que tel n'a été exempté que parce qu'il est favorisé par un membre, par exemple, du conseil, pourquoi ne pourrais-je pas le dire, quand il s'agit d'une matière si grave, quand il s'agit du plus (page 1123) lourd et du plus inique des impôts ? Eh bien non, on intentera une action en calomnie à ce jeune homme ; il est débouté, et les dommages-Intérêts s'ensuivront ; d'où la conséquence, dans le système ministériel, qu'on ne pourra peut-être plus jamais alléguer les véritables raisons ; on ne l'osera plus ; et il faudra s'en tenir à une plainte banale.
Je suppose une exemption indue et reconnue indue par le public. Ce cas s'est présenté des milliers de fois ; nous avons vu des fonctionnaires, malgré le serment qu'ils avaient prêté et dont M. le ministre de l'intérieur fait tant de cas ; nous avons vu des fonctionnaires donner ou refuser injustement un certificat pour favoriser tel ou tel de leurs concitoyens.
Je prétends que cet article tout entier et, à coup sûr, la partie finale est dirigée contre les pauvres gens qui ne sont déjà que trop victimes de votre loi.
MiPµ. - Je ne comprends réellement pas pourquoi l'honorable M. Coomans, avec les principes qu'il vient de développer, s'oppose à l'adoption de l'article en discussion. D'après lui, on doit pouvoir interjeter librement appel ; mais il reconnaît en même temps que lorsque l'appel est injustifiable, on pourra demander des dommages-intérêts contre celui qui l'aura interjeté. Nous sommes donc d'accord au fond ; je crois, comme lui, qu'on peut toujours interjeter appel et en même temps qu'on peut réclamer des dommages-intérêts contre l'appelant, lorsqu'il aura intenté une action téméraire, et injustifiable.
Mais quelle est l'autorité qui doit prononcer la condamnation pécuniaire ? C'est évidemment la députation permanente ; c'est elle qui décidera si l'appel est injustifiable ; cette déclaration faite, armé de la décision de la députation permanente, celui qui aura eu à souffrir d'un semblable appel se présentera devant le juge de paix et demandera la réparation qui lui est due.
Ce système me paraît juste et logique. Au fond, je le répète, je suis d'accord avec l'honorable préopinant.
- La proposition de M. Lelièvre, tendante à la suppression de l'article, est mise aux voix ; elle n'est pas adoptée.
L'amendement de M. Coomans, tendant à la suppression du dernier paragraphe, est mis aux voix et n'est pas adopté.
L'article est adopté.
« Art. 45. Les décisions de la députation sont prises à la majorité absolue des membres présents. Le nombre des délibérants ne peut être inférieur à cinq, si ce n'est après une seconde convocation, qui sera mentionnée dans la décision.
« En cas de partage, la voix du président est prépondérante.
« Les décisions contiennent les noms, prénoms, lieu d'inscription des personnes qui, soit directement, soit par leurs parents ou tuteurs, ont été nominativement en cause.
« Elles doivent être motivées à peine de nullité, et sont proclamées en séance publique. »
M. Lelièvreµ. - En ce qui concerne le dernier paragraphe de notre article, je pense qu'il serait préférable de mettre la rédaction en harmonie avec l'article 17 de la loi du 5 mai 186, concernant la révision des listes électorales.
Je propose donc de rédiger le paragraphe en ces termes :
« L'exposé de l'affaire par un membre de la députation et le prononcé des décisions ont lieu en séance publique. Le vote est secret.
« Les décisions doivent être motivées, le tout à peine de nullité. »
Nous consacrons ainsi un système de publicité qui ne peut que produire de bons fruits et qui a reçu l'assentiment des Chambres législatives relativement aux listes électorales.
Je considère donc la rédaction que je propose comme réalisant un progrès incontestable.
M. Coomans. - Je demande la suppression de ces mots du paragraphe premier : « Si ce n'est après une seconde convocation, qui sera mentionnée dans la décision. »
Le paragraphe premier suppose que le nombre des délibérants de la députation ne pourra être inférieur à cinq. Je trouve que c'est là déjà une concession bien forte. Un tribunal qui a à prononcer sur les intérêts les plus graves devrait être complet. Mais enfin j'admets qu'on ne soit que cinq.
Le gouvernement, d'accord, je pense, avec la section centrale, admet que l'on ne suit que trois et même qu'un. Ce chiffre est insuffisant. Je considère le chiffre 3 comme un minimum nécessaire, et je propose la suppression des mots : « Si ce n'est après une seconde convocation qui sera mentionnée dans la décision. »
MiPµ. - Je ne m'oppose pas à l'adoption des deux amendements qui viennent d'être présentés. Toutefois, je me réserve de les examiner de plus près d'ici au second vote, et il doit être entendu que si je trouve quelques objections à faire, je serai admis à les présenter au second vote, sans qu'il y ait préjugé contre moi.
- Les amendements de MM. Lelièvre. et Coomans sont adoptés.
L'article, ainsi modifié, est adopté.
« Art. 46. Les décisions de la députation qui prononcent des exemptions ou des exclusions, et dans lesquelles des tiers peuvent être intéressés, sont portées sans retard à la connaissance des habitants du canton, de la manière prescrite par l'article 39.
« L'acte de publication est inscrit dans le registre dont il est fait mention audit article. »
- Adopté.
« Art. 47. Sous la réserve de la limite mentionnée à l'article 69, les décisions de la députation peuvent être attaquées par la voie du recours en cassation.
« Le pourvoi doit être, à peine de déchéance, motivé et formé dans les délais suivants :
« 1° Par le gouverneur, dans les quinze jours à partir de la décision ;
« 2° Dans le même délai, par l'intéressé se pourvoyant contre une décision qui a prononcé sa désignation pour le service, ou refusé le remplaçant qu'il avait présenté ;
« 3° Dans les quinze jours à partir de la première publication prescrite, par tous les autres intéressés. »
- Adopté.
« Art. 48. La déclaration du recours est faite au greffe du conseil provincial, par le demandeur en personne ou par un fondé de pouvoir spécial, et, dans ce dernier cas, le pouvoir demeure annexé à la déclaration. Celle-ci est inscrite dans un registre à ce destiné. »
- Adopté.
« Art. 49. Les parties intéressées mentionnées au 3° de l'article 47 joindront à leur pourvoi, s'il n'a pas été fait dans les quinze jours de la décision, un extrait du registre dont la tenue est ordonnée par l'article 46. Cet extrait sera annexé à la déclaration de pourvoi, qui en mentionnera la remise. »
- Adopté.
« Art. 50. L'acte de pourvoi est signifié textuellement et par huissier à toute personne nominativement en cause, dans les dix jours de la déclaration, à peine de déchéance.
« La cour de cassation statue toutes affaires cessantes. »
- Adopté.
« Art. 51. Tous les actes de cette procédure sont exempts des frais de timbre, d'enregistrement et d'amendes.
« Sauf la condamnation aux frais et aux dépens, aucune indemnité du chef de rejet du pourvoi ne peut être imposée au demandeur, au profit du défendeur. »
-Adopté.
« Art. 52. Si la cassation est prononcée, la cause est renvoyée à la députation permanente d'un autre conseil provincial.
« Si la seconde décision est annulée par les mêmes motifs que ceux de la première cassation, la députation à qui l'affaire est renvoyée se conforme à la décision de la cour de cassation sur le point de droit jugé par cette cour. »
M. le président. - Ici se présentent les propositions de M. Kervyn et de M. Thibaut.
La parole est à M. Kervyn pour développer sa proposition.
M. Kervyn de Lettenhove. - Messieurs, la Chambre me saura gré, je l'espère, de ne pas reproduire, avec de nouveaux développements, l'opinion que j'ai déjà eu l'honneur de lui soumettre sur la nécessité de substituer au système du gouvernement quelque chose qui réponde mieux d'une part à, l'intérêt de la population, et d'autre part à l'intérêt de l'armée.
La Chambre me permettra seulement de lui rappeler que je me suis placé à ce double point de vue qu'il fallait une armée sérieusement constituée, et d'autre part, qu'il était à désirer qu'elle pesât le moins possible sur la population.
J'ai contesté à l'armée ce caractère de constitution sérieuse, aussi longtemps qu'on y verrait figurer en grand nombre les remplaçants, c'est-à-dire des hommes qui, au lieu d'être mus par l'honneur des armes et le désir de défendre le pays, contractent un engagement mercenaire, sont attirés par (page 1124) l'appât du lucre et entrent ainsi dans l'armée pour être placés à côté de nos fils, qui sont honteux de servir mêlés aux remplaçants.
Je ne reviens pas, messieurs, sur ces considérations. Je désire seulement expliquer en deux mots et justifier le plus brièvement possible les bases sur lesquelles je me suis appuyé.
Nous sommes tous d'accord qu'il faut rémunérer le service militaire.
Faut-il le rémunérer lorsque le service est accompli ? Ou faut-il assurer la rémunération avant l'accomplissement de ce service ? Voilà, messieurs, le point de départ.
Eh bien, selon moi, il est incontestable que si vous promettez la rémunération avant que le service soit accompli, si par ce moyen vous pouvez amener sous les drapeaux des jeunes gens qui ont l'intention de contracter un engagement sérieux, d'entrer dans une carrière sérieuse, par cela même vous arrivez à fortifier l'armée. Si en même temps vous laissez à l'activité du travail le même nombre d'hommes, vous atteignez ce but si désirable d'alléger les charges de la population.
Il est à remarquer, messieurs, que le système dont j'ai été jusqu'à ce moment l'unique défenseur a été adopté naguère par les membres les plus éminents de cette assemblée.
Les choses ont été même poussées à ce point qu'un ministre de la guerre, M. le général Greindl, a formulé un projet qui devait être soumis à la législature.
Je ne comprendrais pas que les motifs qui paraissaient si puissants il y a quelques années aient complètement disparu et que l'exonération ne trouve plus de défenseurs dans cette enceinte.
Certes, messieurs, dans le projet que j'ai eu l'honneur de soumettre à la Chambre, il y a des questions complètement accessoires, des détails d'application que je n'entends pas défendre et que j'ai simplement indiqués afin de m'efforcer de faire comprendre, que ce système avait un côté pratique. Si MM. les ministres veulent porter la discussion sur tous ces détails, je. prends d'avance l'engagement de ne pas les y suivre.
Si la question a un côté sérieux, c'est comme principe. Si le principe est bon, notre devoir à tous est de chercher les meilleurs moyens de l'appliquer.
Mais combattre, les détails sans s'attacher au principe, laisser de côté cette grande question de décider s'il n'est pas utile que ceux qui ont le goût de la carrière militaire soient encouragés et d'un autre côté, s'il ne faut pas autant que possible décharger de cette obligation ceux qui désirent se consacrer à un travail fécond et pacifique ; laisser de. côté, je le répète, cette grande question pour s'appesantir sur les détails, ce serait, messieurs, avoir trop aisément raison de mon projet.
Mais si, au contraire, vous vous préoccupez vivement et profondément de l'intérêt de la population et de l'intérêt de l'armée, pour laquelle nous nous imposons tant de sacrifices, si vous voulez que le pays s'impose moins de charges, si vous voulez que l'armée soit formée d'éléments complètement honorables, en mettant un terme au remplacement dont un officier supérieur, dans un travail récent, a de nouveau exposé tous les vices, alors, messieurs, vous serez nécessairement amenés à voter l'exonération.
Je n'entends faire qu'une seule objection et c'est une de ces objections étroites qu'on oppose aux meilleurs principes : c'est la question financière.
J'ai déjà eu l'honneur de présenter à la Chambre des chiffres qui établissent que la charge de l'exonération ne sera point pesante parce qu'elle sera répartie entre un grand nombre de familles et dans la proportion de leur fortune.
J'ai déjà fait remarquer que cette charge, qui pèse aujourd'hui sur les familles des remplacés serait considérablement allégée si elle était répartie entre un plus grand nombre de familles.
Mais, M. le ministre des finances lui-même a reconnu que la rémunération du service militaire était une chose fort légitime. Il a présenté, il y a quelques années, un système en vertu duquel le soldat arrivé à l'âge de 55 ans aurait droit à la rémunération, et ce système donnait lieu à une dépense qui devait nécessairement s'élever annuellement à 12 ou 15 millions, et cependant ce n'était que la rémunération après le service.
Messieurs, je persiste à croire que si, avec une somme de moitié moins considérable, vous pouviez offrir une carrière sérieuse à ceux qui veulent embrasser le service militaire, el, en même temps, écarter les remplaçants qui aujourd'hui déshonorent l'armée, vous auriez fait chose utile.
Tel est le principe.
Je me réserve de m'expliquer sur quelques points principaux, lorsque MM. les ministres m'auront fait l'honneur de faire connaître leur opinion sur mon projet.
M. Thibautµ. - Messieurs, la Chambre a rejeté tous les systèmes de recrutement qui n'étaient pas basés sur le tirage au sort.
Cependant, le trage au sort, quelques efforts que l'on ait faits pour la justifier, n'est accepté que comme une triste nécessité.
On ne cessera de reprocher à ce mode de recrutement la violence qu'il exerce sur les uns, tandis qu'il laisse les autres en liberté ; et l'inégalité profonde qu'il crée entre des jeunes gens qui jouissent des mêmes droits jusqu'au moment où ils sont forcés par la loi de plonger la main dans l'urne.
Le tirage au sort n'est pas passé dans nos mœurs et il soulèvera toujours les plus vives réclamations dans le pays.
El en effet, combien est différente la destinée de ceux que le sort appelle à l'armée et de ceux qu'il exempte du service !
Les premiers, quels que soient leurs goûts, leurs dispositions, leur caractère, leurs désirs, sont soumis pendant de longues années à la vie en commun avec des hommes qu'ils ne connaissent pas, et qui peuvent être grossiers et corrompus, qui parlent peut-être une attire langue. Ils sont astreints à des exercices pénibles et dangereux, à une obéissance passive, à des règlements sévères, à des lois exceptionnelles, à un célibat funeste pour les mœurs. Si l'émeute éclate, ils sont chargés de la réprimer ; si des grèves se produisent, ils doivent protéger les établissements industriels, ils sont exposés à donner la mort ou à la recevoir ; et lorsque leur temps de service est écoulé ils emportent pour récompense et pour pécule le reste de leurs effets militaires.
Les seconds vivent au milieu de leurs proches, de leurs amis ; ils jouissent de leur liberté, du prix de leur travail ; ils peuvent suivre leurs goûts, développer leurs talents, secourir leurs parents pauvres, fonder une famille.
Non, le tirage au sort, tel qu'il existe, ne sera jamais populaire.
Vous avez cru cependant, messieurs, que vous ne pouviez le supprimer.
Cherchons donc un moyen de lui enlever son caractère le plus odieux, la violence ; et de racheter l'injustice dont il est l’instrument.
Ce moyen existe ; j'ai du moins la conviction qu'il existe et qu'il se trouve dans l'action combinée de l'exonération avant le tirage, de l'impôt de classe, ou taxe sur les inscrits exemples du service par le sort, et de la rémunération en faveur des volontaires et des miliciens formant le contingent annuel.
II résulte des articles déjà votés que chaque classe de milice, doit fournir un contingent ; voici le langage que je voudrais mettre dans la bouche du législateur s'adressant aux inscrits : « Vous êtes 40,000, je n'ai besoin que de 10,000 hommes : je vous présente deux registres ; sur le premier s'inscriront ceux qui désirent servir le pays, sur l'autre ceux qui veulent s'exonérer de tout service. Les premiers obtiendront une rémunération qui ne sera pas moindre de 20 francs par mois de présence au corps et pourra s'élever plus haut. Les autres verseront au trésor une somme proportionnée à leur fortune ; elle ne dépassera pas 5,000 francs et pourra descendre jusqu'à 300 francs.
« Tous les autres inscrits montreront suffisamment par leur abstention, qu'ils n'ont de préférence, ni pour le service militaire, malgré les avantages que j'y attache, ni pour la vie civile, qui ne leur coûterait qu'un léger sacrifice d'argent ;
« On s'occupera d'eux aussitôt que les deux registres auront été soigneusement dépouillés. »
« Si le contingent est complet par les engagements volontaires, les inscrits tenus en réserve verseront au trésor un impôt de 200 francs.
« Si le continrent n'est pas complet, il y sera pourvu par les inscrits tenus en réserve.
« Dans le cas où ils seraient trop nombreux, un tirage au sort réglera l'ordre d'appel. Dans le cas contraire, le gouvernement suppléera en acceptant des rengagements d'anciens soldats et des engagements volontaires d'hommes appartenant à des classes antérieures.
« Tout inscrit exempté du service sera débiteur de l'impôt de classe.
« Le montant de l'exonération et de l'impôt de classe de chaque année sera appliqué intégralement au profil du contingent. »
Croyez-vous, messieurs, que ce petit discours serait mal accueilli ?
Pour moi, je pense qu'il fait à chacun une part équitable de charges et d'avantages.
Mais il faut passer de la théorie à la pratique. On me demandera comment la combinaison que j'indique pourra être exécutée.
Certes je ne prétends pas avoir prévu toutes les difficultés qui pourront se présenter.
(page 1125) Mais j'ai la confiance qu'il n'en est aucune qui ne puisse être résolue avec votre concours et celui du gouvernement.
Je vais, du reste, examiner rapidement les principales objections.
On dira d'abord : Votre système peut être bon pour le temps de calme et de paix, mais au moindre bruit de guerre les inscrits s'empresseront de s'exonérer, les volontaires deviendront rares et le recrutement ne pourra s'opérer, précisément au moment où l'on aura le besoin le plus urgent de le compléter.
Je réponds : La loi ne doit prévoir qu'une guerre défensive, elle a pour but de réunir le nombre d'hommes nécessaire pour une guerre de ce genre, si elle éclate jamais.
Dès lors, l'objection qui aurait une importance considérable dans un grand pays comme la France ou la Prusse en a très peu en Belgique, pays perpétuellement neutre.
On peut affirmer d'ailleurs, en se fondant sur les événements des dernières années, que les guerres européennes seront à l'avenir de courte durée.
Si donc on éprouvait un certain déficit parce que notre armée, pendant une guerre entre les peuples qui nous avoisinent, aurait peut-être à repousser un corps détaché sur la frontière, ce déficit serait pour ainsi dire insensible puisqu'il ne porterait que sur de jeunes recrues.
Ma foi patriotique me porte à croire que cela n'arrivera pas. Mais supposons les choses au pis : les inscrits s'exonèrent presque tous et le trésor est à bout de réserves pour encourager les engagements volontaires.
Que faut-il faire ? Alors, comme moyen suprême de faire face a la situation, il resterait à modifier ou à changer la loi. Comment ceux qui admettent le système du gouvernement en temps de paix pourraient-ils me reprocher d'y avoir recours et de m'y résigner, si la nécessité l'exigeait ?
Deuxième objection. Je la trouve dans le rapport de la commission instituée pour élaborer le projet de loi.
« Si l'exonération précède le tirage, dit la commission, il faut qu'il soit statué, préalablement à ce tirage, sur les réclamations de tous les miliciens, d'abord par les conseils de milice, ensuite par les députations permanentes et par la cour de cassation... Les opérations de la milice ne demanderaient pas moins de six à sept mois chaque année. »
Cette objection n'est nullement fondée. Je soutiens au contraire que dans le système de l'exonération proportionnelle, on ne doit examiner les réclamations des miliciens qu'après le tirage, lorsqu'il faut y avoir recours.
En effet l'exonération étant mise à la portée de toutes les fortunes, on n'accordera plus d'exemption que dans les cas où le droit est incontestable, où le doute ne serait permis pour personne. A quoi bon les examiner d'avance ? Ainsi, dans les cas douteux, l'inscrit qui voudra éviter de servir, s'exonérera ; car il saura que s'il court les chances du tirage au sort, et s'il a la main malheureuse, il sera obligé de se rendre à l'armée.
L'exemption pour défaut corporel, par exemple, quand elle ne sera pas évidente, ne sera plus réclamée par le milicien. Elle pourra seulement être accordée ou prononcée d'office en vue de la bonne composition de l'armée. En général, le milicien, dans la condition que j'indique, préférera l'exonération.
L'exemption pour cause de pourvoyance deviendra excessivement rare. Dans le doute, l'inscrit aura intérêt à s'exonérer, et s'il est honnête homme, quoique pauvre, le moyen de le faire ne lui manquera pas.
La commune où il a son domicile de secours aura également intérêt à l'aider pour payer le prix d'exonération qui pour lui descendra jusqu'au minimum.
Sous le rapport des exemptions, dont le nombre devra être certainement fort réduit, l'exonération proportionnelle, loin de multiplier les difficultés, les restreint considérablement ; elle simplifie le travail des conseils de milice et des députations permanentes, au lieu de l'augmenter.
Troisième objection. Comment, en restant dans les termes de votre programme, organiserez-vous l'exonération ? Je réponds : Il n'y a pas de système parfait, et je ne prétends pas que le mien soit parfait non plus.
La règle, en matière d'impôts, est celle-ci : Chacun doit payer en proportion de ses ressources ; mais cette règle n'est observée qu'approximativement. On ne peut donc exiger mieux pour l'exonération.
A mon sens, la loi doit d'abord fixer un maximum et un minimum dans le prix d'exonération. Je propose un maximum de 5,000 francs ; un minimum de 300 francs. Aller au delà, ou rester en deçà me paraît insignifiant au fond et irréalisable en fait.
L'important, c'est d'établir le principe, et la proportionnalité, quelle qu'elle soit, correspond infiniment mieux à la règle de justice dont je viens de parler que le taux uniforme et inflexible qui avait été adopté en France et dans d'autres pays.
Du reste le prix d'exonération comme l'impôt de classe doivent être calculés de manière à permettre d'offrir une rémunération suffisante aux engagés volontaires et aux miliciens appelés par le sort. Il n'y a aucune raison d'exiger davantage.
Entre le maximum de 5,000 fr. et le minimum de 300 fr., je propose d'établir une échelle de 10 degrés dans le taux de l'exonération, correspondant à une échelle du même nombre de degrés pour l'évaluation de la fortune des inscrits.
Par fortune, j'entends le capital. Je prends le capital pour base du prix de l'exonération. Il me paraît qu'il y a pour cela trois raisons.
La première résulte de la distinction naturelle qu'il faut faire entre l'impôt permanent et annuel et l'impôt accidentel qui ne se perçoit qu'une fois sur le même individu. L'impôt annuel frappe sur le revenu, tandis que l'impôt accidentel, celui qui ne se perçoit qu'une fois, frappe sur le capital. Cette distinction existe dans notre législation financière. La contribution personnelle, l'impôt foncier pèsent sur le revenu ; mais l'impôt des successions est assis sur le capital.
L'exonération est de la même nature que l'impôt des successions, et comme, lui il doit porter sur le capital.
La seconde raison, c'est que le capital est certain, on peut le déterminer. Le revenu varie constamment, il est presque insaisissable.
Enfin, troisième raison, le revenu ne repose pas toujours sur un capital. Le revenu est quelquefois le produit de l'intelligence, de la science, du talent, toutes choses qui sont personnelles, toutes choses qui ne sont pas transmissibles et qui, par conséquent, doivent échapper à l'impôt que j'ai appelé accidentel.
Le premier degré de fortune, dans le tableau imprimé à la suite de mon amendement, ou le plus bas, comprend les inscrits qui ont moins de 15,000 fr. de capital.
Le dixième ou le plus élevé, comprend les inscrits qui ont 245,000 fr. et plus de capital. Il me paraît inutile d'aller au delà et j'en ai donné les motifs.
Je voudrais que le demandeur en exonération fût appelé à se taxer lui-même ou plutôt à faire la déclaration de sa fortune ou de son capital. L'autorité n'interviendrait que pour vérification et contrôle.
Les moyens de contrôle existent pour les diverses branches de la fortune des particuliers.
La déclaration ayant été examinée et contrôlée, quant à ces branches, par l'autorité compétente, elle serait soumise au collège échevinal du lieu de résidence du déclarant.
Ce collège aurait le droit de la majorer, sans cependant qu'il dût en résulter, pour le déclarant, un déplacement de plus d'un degré. Cette restriction est indispensable pour éviter de tomber dans l'arbitraire.
La députation permanente déciderait en dernier ressort.
Les déclarations frauduleuses seraient considérées et punies comme délits.
Tout cela, messieurs, ne me paraît pas difficile à organiser, si le gouvernement veut s'y prêter de bonne grâce.
Je voudrais maintenant mettre sous vos yeux les résultats financiers probables de ce système d'exonération.
Je n'ai pas, pour me guider, des renseignements exacts et complets. Cependant j'établirai des calculs qui ne manqueront pas de vraisemblance, en m'appuyant sur les tableaux joints au projet, sous le n°3.
En 1860, sur 44,219 inscrits, on en comptait 217 qui jouissaient d'unegrande fortune ;
1,405 qui se trouvaient dans une position de grande aisance ;
7,272 dans une position d'aisance ;
14,755 dans la gêne ;
20,572 dans l'indigence.
Supposons que la même division se reproduise à peu près dans la même proportion chaque année.
La moyenne du prix d'exonération serait pour la première classe de 5,000 fr. et rapporterait 1,085,000 fr. ; pour la seconde classe, la moyenne serait de 2,360 fr. et produirait 3,315,800 fr.
Pour la troisième classe, la moyenne serait de 687 fr. et produirait 4,995,864 fr.
Enfin, pour les quatrième et cinquième classes, comprenant 35,325 inscrits, au taux de 300 fr. l'exonération donnerait 10,597,500 fr.
Si tous s'exonéraient, on obtiendrait 19,994,164 francs, soit 20 millions.
(page 1126) La moyenne générale ressort à 450 francs.
En déduisant sur le nombre des inscrits, ou 44,210 (je prends toujours le chiffre de 1860), 15 p. c. exemptés pour infirmités physiques et 4 p. c. exemptés pour d'autres causes, en tout 20 p. c, il resterait 35,377 inscrits capables de servir. En leur appliquant la moyenne du prix d'exonération, on obtient encore 15,919,650 francs ; avec cette somme on trouverait certainement un nombre de volontaires suffisant pour remplir le contingent, puisque chacun obtiendrait une prime de 1,590 ou 1,600 francs.
Vous me permettrez d'en appeler ici au témoignage de l'honorable ministre de la guerre qui, dans la commission mixte, déclarait qu'il serait facile de se procurer des volontaires en Belgique, si l'on pouvait leur assurer une prime de 1,200 à 1,500 francs.
Voici, messieurs, la déclaration textuelle de l'honorable général :
« On craint de ne pas trouver en Belgique assez de volontaires pour remplacer les exonérés. Cette crainte est chimérique si l'on en juge par ce qui s'est passé en France de 1855 à 1861...
« Nous n'en manquerons pas en Belgique si nous pouvons leur assurer 1,200 à 1,500 francs. »
Messieurs, voulez-vous savoir approximativement combien d'inscrits profiteront de l'exonération ? Je prends les chiffres de 1860.
il y a 44,219 inscrits. Je suppose 3/10 d'ayants droit à l'exemption, bien que c elle proportion soit exagérée.
Je déduis donc 13,263. Il reste 31,956.
Sur un contingent de 10,000 hommes pris au sort dans 31,936, 2,624 ont fourni un remplaçant ou un substituant, c’est-à-dire que 2,624 familles sur 10,000 ont pu s'imposer un sacrifice supérieur à 500 francs.
Combien de familles sur 31,960 pourront supporter le même sacrifice ? C'est une simple règle de proportion. L'arithmétique répond 8,386.
Si, au lieu de 3/10 d'ayants droit à l'exemption, je suppose seulement 2/10, résultat inévitable du système d'exonération que j'ai l'honneur d'indiquer, alors le nombre d'inscrits pouvant s'exonérer, toujours d'après les données statistiques de 1860, monterait à 9,282.
Mais je prends le. chiffre le plus bas, celui de 8,836.
Le produit de l'exonération, au taux moyen général, s'élèverait à la somme de 3,765,700 fr.
. Supposons qu'il ne se, présente pas de volontaires de la classe. Le tirage au sort aura lieu entre 25,570 inscrits. Le contingent étant de 10,000, il reste 15,570qui devront payer l'impôt déclasse ; a 200 francs, le produit sera de 2,714,000 francs.
L'exonération et l'impôt de classe produiront ensemble 6,477,500 francs, et cette somme, répartie, entre les 10,000 hommes du contingent, donne à chacun 647 francs, soit, pour trente mois de service, 21 à 22 francs par mois.
Examinons une autre hypothèse :
Soient inscrits propres au service 31,956 hommes. Exonérés 8,386. Je suppose qu'il se présente 5,000 volontaires. Il restera 18,570 jeunes gens pour fournir le restant du contingent ou 5,000 hommes. Dans ce cas nous trouvons les mêmes chiffres que tantôt.
L'exonération produira la somme de 3,765,700 francs et l'impôt de classe 2,714,000 francs.
Le total sera de 6,477,700 francs, à répartir également entre les 10,000 hommes du contingent, de façon que chacun obtiendrait toujours une somme de 647 francs.
Je voudrais cependant, messieurs, accorder un peu plus aux volontaires de la classe qu'aux miliciens désignés par le sort.
Je ne m'appesantis pas davantage sur ces chiffres, mais j'ajouterai encore quelques mots pour justifier l'impôt de classe.
La commission, qui a préparé le projet de loi, a proposé cet impôt en le fixant à 50 francs pour les familles aisées seulement. Je trouve qu'il n'y a pas de motifs pour faire des exceptions et que le chiffre de 50 francs est trop bas.
Aujourd’hui, il n'y a pas de famille qui ne soit exposée à fournir un ou plusieurs soldats à l'armée. On ne tient aucun compte de son état de fortune et les soldats ne reçoivent aucune indemnité.
Dans mon système, les familles pauvres seront tenues, il est vrai, de payer 200 francs pour le milicien exempté du service par le sort. Mais, d’un autre côté, si le milicien avait voulu devenir soldat, il aurait eu droit à une rémunération trois fois plus élevée. Il avait le choix. Dans tous les cas, la condition où je le place est sans contredit préférable à celle qui lui est faite et par la loi en vigueur, et par le projet que nous discutons en ce moment.
Le gouvernement a repoussé la taxe sur les inscrits exemptés du service ; c’est par le produit des impôts généraux, a-t-il dit, que la dotation devrait être obtenue. Mais le gouvernement manquerait ainsi le but qu'il s'agit d'atteindre.
La dotation existerait sans doute, mais l'égalité entre les miliciens ne serait pas rétablie.
En effet, les miliciens servant en personne contribueraient comme les autres. C'est ce que, pour mon compte, je ne puis admettre ; je ne veux pas de privilège, et c'est pour annuler celui dont jouit le milicien exempt du service, qu'il faut exiger de lui une taxe spéciale, que j'appelle impôt de classe.
En résumé, d'après le système que je présente, les jeunes gens d'une classe de milice se diviseront naturellement et librement en trois groupes : le premier comprendra ceux qui rachèteront toutes les éventualités du service, toutes les chances de faire partie du contingent, en payant l'exonération au taux moyen de 450 francs ; le second, ceux qui contracteront un engagement volontaire et qui seront comptés dans le contingent ; le troisième ceux qui accepteront éventuellement les chances du tirage au sort.
Le sort désignera, parmi ces derniers, ceux qui seront appelés au service pour compléter le contingent à défaut de volontaires ; les autres payeront l'impôt de classe. Tous ceux qui serviront recevront une rémunération de 20 francs par mois au minimum.
Il en résulte que le tirage au sort n'aura plus lieu qu'entre jeunes gens qui n'auront ni une vocation décidée pour le service, ni une antipathie prononcée contre lui ; ou plutôt qui hésiteront à choisir entre le service personnel et le sacrifice d'une somme minime, et en tous cas proportionnée à leur fortune.
Tous les numéros offriront ainsi des chances de gain et des chances de perte ; le gain et la perte se trouveront en proportion égale pour chaque numéro.
Je me borne à ces observations, messieurs ; si la Chambre ne recule pas devant une discussion approfondie des divers systèmes d'exonération, je me réserve de développer les idées que je viens d'émettre ; si l'on me prouve que je me suis fait des illusions, je n'insisterai pas ; mes efforts consciencieux n'ont qu'un but, c'est d'améliorer la législation sur la milice.
- Les propositions sont appuyées ; elles font partie de la discussion.
MgRµ. - Les systèmes d'exonération présentés par les honorables préopinants n'ont aucune analogie avec les systèmes essayés dans d'autres pays. Ces systèmes sont nouveaux : ils sont basés sur cette donnée. : que les inscrits qui voudront s'exonérer devront payer certaines sommes qui serviront à indemniser les volontaires et les miliciens qui n'auront pu se libérer.
Le système d'exonération qui vient d'être aboli en France était tout autre. Le gouvernement français fournissait des remplaçants administratifs moyennant une somme dont il fixait le taux chaque année. Ce taux doit nécessairement varier suivant les circonstances.
Ainsi, aux approches d'une guerre, il peut se présenter très peu de remplaçants administratifs et le taux d'exonération s'élèvera ; dans les temps de morte saison, de disette, il peut s'en présenter beaucoup, et le taux d'exonération s'abaissera.
Le prix de l'exonération variait en France de 2,500 à 2,800 francs. Ce qui avait surtout déterminé le gouvernement à se charger des remplacements, c'était le désir de faire tomber les sociétés de remplacement qui étaient constituées en France comme elles le sont dans notre pays,
Il y a des sociétés de remplacement très honorables, mais il y en a aussi qui sont peu scrupuleuses et. qui croient avoir fidèlement rempli leurs engagements, en fournissant comme substituants ou remplaçants des vagabonds et des misérables.
Je n'ai pas besoin d'édifier la Chambre à cet égard. La conviction est formée.
Le gouvernement français voulait donc remédier à ces abus en choisissant lui-même les remplaçants.
Ces remplaçants, il les puisait dans le sein de l'armée même. En offrant aux anciens soldats l'appât de sommes assez rondes, il espérait les conserver, dans les rangs et constituer ainsi un noyau de vieilles troupes qui auraient assuré la solidité de l'armée.
Eh bien, messieurs, ce système, que tout le monde préconisait, et qui paraît en effet séduisant, a donné de si mauvais résultats, qu'on, a dû y renoncer, bien qu'il eût fait entrer dans les caisses de l'Etat 600 ou 700 millions dont on pouvait disposer en cas d'éventualité,
Voici, messieurs, les raisons qui ont motivé l'abandon de ce système.
La première, c'est que les cadres s'encombrèrent de sujets sans avenir. En effet, sur 56,000 ou 58,000 sous-officiers, il y en eut prés de 50,000 qui se rengagèrent,
Or, la plupart de ces militaires n’étant pas capable de devenir officiers (page 1127) restaient éternellement sous-officiers et enlevaient ainsi toute espèce d'avancement aux jeunes gens d'avenir qui s'engagent dans l'espoir d'obtenir l'épaulette. Ces jeunes gens n'ayant pas même la perspective de devenir sous-officiers se détournaient de l'armée, et l'on était menacé de se trouver fort embarrassé pour le remplacement des officiers.
Il se présentait un autre inconvénient. Les sous-officiers rengagés finissaient par devenir incapables de remplir leur service.
Il est arrivé que des régiments de la garde impériale qui se sont rendus au camp de Châlons ont laissé le tiers de leurs sous-officiers en arrière.
Voilà pour les cadres. Examinons maintenant le côté financier.
Je vous ai dit, messieurs, qu'il s'était produit suivant les circonstances des fluctuations dans le taux de l'exonération. Les mêmes fluctuations se sont produites dans les prix accordés aux rengagés. Les chiffres suivants en fourniront la preuve :
En avril 1855, le militaire qui se rengageait après sept ans de service, touchait 100 francs en signant, 200 francs pendant le cours de son engagement, 700 francs à l'expiration. Sa haute paye était de 10 centimes par jour.
Un second rengagement lui valait une haute paye journalière de 20 centimes, sans prime.
A vingt-cinq ans de service, sa pension était augmentée de 165 francs.
Ce taux modeste ne fut pas appliqué. Déjà en décembre 1855, le militaire qui se rengage touche 700 francs en signant, 500 francs pendant le cours de son engagement et 1,300 francs à sa libération. Sa haute paye est de 10 centimes. C'était l'effet de la guerre de Crimée. En juillet 1856, les primes s'abaissent ; le militaire reçoit 500 francs en signant son rengagement et 1,000 francs à l'époque de sa libération, 1,500 francs au lieu de 2,000 francs.
En 1858, le militaire reçoit, indépendamment des sommes allouées en 1856, 300 francs pendant le cours de son engagement, ce qui fait remonter à 1,800 francs la totalité des primes.
En 1859, à l'époque de la guerre d'Italie, la totalité de la prime s'élève à 2,000 francs. Le militaire rengagé reçoit 1,000 francs en signant son rengagement, 1,000 francs à sa libération. Sa haute paye est de 10 centimes.
Le nombre des rengagés n'étant plus suffisant, on a recours aux engagements volontaires avec primes et aux remplacements administratifs.
Enfin en 1862, le militaire qui se rengage touche 1,000 francs en signant et 1,200 francs à sa libération. De plus il obtient un congé de 6 à 9 mois et touche dans ses foyers la prime de rengagement. Le volontaire avec prime et le remplaçant administratif recevaient depuis 1860, 1,000 francs en signant et 1,000 francs à l'expiration du terme de service.
Quant aux vieux soldats, il s'est opéré depuis quelques années un grand revirement à leur sujet. En Angleterre même, en ce moment, tous ceux qui ont fait la guerre des Indes, tous ceux qui prévoient les événements, tous ceux qui veulent donner une bonne constitution à l'armée anglaise, se prononcent contre les vieux soldats et pour les engagements à court terme. D'après une déclaration faite par le colonel Herbert à la chambre des communes, sur quatre vieux soldats, trois sont incapables de faire campagne.
De plus, lorsque les soldats ont atteint un certain âge, ils ne rentrent plus dans la vie civile, ne se trouvant pas en état d'exercer un métier, et ils restent au service pour atteindre l'âge de la pension..
Et savez-vous, messieurs, ce qu'à l'heure qu'il est, l'Angleterre paye pour la pension de ses vieux soldats ? Cela monte à 37 millions par an. Si un pareil système existait en Belgique, il pourrait en résulter pour le trésor une dépense annuelle de 4'à 5 millions.
Quant -ux résultats moraux de l'exonération, ils ont été, en France, l'objet des critiques les plus vives. Lorsqu'il s'est agi de réorganiser l'armée française, tous les généraux consultés se sont élevés contre l'exonération. Depuis longtemps déjà il était admis en France que pour les volontaires comme pour les rengagés il ne pouvait y avoir ni prime, ni rémunération.
L'esprit militaire, disait-on, est basé sur les idées de sacrifice et d'abnégation, et ces sentiments on cherchait à les inculquer aux soldats. Je le répète, les lois de 1818 et de 1832, comme aujourd'hui la loi de 1868, prescrivaient que le service militaire devait être personnel et gratuit et supprimaient d'une manière absolue toute prime et toute rémunération en argent.
Les généraux français constatèrent que la loi de dotation avait considérablement altéré l'esprit de l'armée et introduit dans ses rangs l'esprit de spéculation et des préoccupations d'argent. Au principe de patriotisme et de dévouement, elle avait substitué la vénalité.
Le vrai soldat, ajoutait-on, doit recevoir une solde qui satisfasse complètement à ses besoins, mais celui qui tient à honneur de défendre sa patrie, ne doit pas vendre ses services. Et la preuve que ce sentiment a de profondes racines dans les armées, c'est qu'en France, comme en Belgique, du reste, ce n'est que dans des cas tout à fait exceptionnels que les remplaçants et les engagés avec prime arrivent à l'épaulette.
M. Thibautµ - Moins nous imiterons la France, mieux cela vaudra.
MgRµ. - Je vous dis ce que le système d'exonération a produit en France. On a reconnu que les rengagements avec primes avaient altéré les sentiments chevaleresques qu'on remarquait autrefois dans l'armée française.
Les sous-officiers et les soldats étaient devenus de petits spéculateurs. Il en résultait une dégénérescence pour l'armée française, et c'est en présence de ce fâcheux résultat que tous les généraux se sont élevés contre le système de prime, contre l'exonération et ont proclamé qu'il valait mieux en revenir à l'ancien système du remplacement, quelque mauvais qu'il fût.
Du reste, il résulte des documents législatifs relatifs à l'exonération qu'on n'avait pas renoncé tout à fait au remplacement.
L'exposé des motifs de M. de Vuitry le constate ; il dit que, dans l'hypothèse d'une grande guerre, le seul parti à prendre peut-être serait de supprimer la faculté de l'exonération et de rétablir le remplacement militaire.
C'est ce qu'on a fait même pour la paix par la loi du 1er février 1868, mais avec l'intention de corriger par voie administrative les défauts de l'ancien mode de remplacement.
Le rapporteur M. Gressier disait à ce sujet : La loi ne pose que des principes ; quant à l'application, le gouvernement, éclairé par l'expérience, aura soin de donner des instructions telles, qu'on ne puisse recevoir dans les rangs ni vagabonds, ni misérables.
Le système d'exonération qui a été préconisé dans la grande commission, le système dont j'étais partisan, est celui qui a pour but d'obtenir des remplaçants administratifs, des remplaçants honnêtes au lieu des remplaçants que nous avons aujourd'hui ; jamais il n'est entré dans notre idée, dans l'idée de personne qu'on pût faire de l'exonération un système où tout le monde serait exempté.
Où irions-nous ?
M. Coomans. - A la justice.
MgRµ. - Vous iriez à l'impossibilité complète. C'est peut-être là, M. Coomans, ce que vous désirez.
Je déclare que nous ne pourrions trouver dans notre pays assez de remplaçants administratifs pour mettre en lieu et place des remplaçants actuels, dont le nombre s'élève à 2,000 ou 3,000 par an ; mais avec votre système, tout le monde pouvant s'exonérer, et tout le monde s'exonérant, je vous défie d'avoir une armée. Il nous faudrait 12,000 à 14,000 volontaires par an. Où les trouveriez-vous ? L'Angleterre en lève à peine autant. C'est à grande peine que nous en trouvons 2,000 à présent ; mais je suppose qu'en leur donnant 1,200, 1,600, 2,000 fr. vous arriviez à 4,000. Vous ne vous trouveriez pas moins devant une impossibilité radicale de compléter l'armée.
Tous vos systèmes peuvent être échafaudés sur les combinaisons les plus généreuses, les plus philanthropiques, je le veux bien. Mais je déclare qu'il n'y a pas moyen de recruter dans le pays 12,000 à 14,000 volontaires par an, et par conséquent votre système est impossible.
L'honorable M. Kervyn l'a parfaitement compris ; car après avoir établi tout son système d'exonération, il remédie à l'insuffisance de ce système par des dispositions transitoires qui maintiennent le remplacement en vigueur. S'il n'y a pas assez de volontaires, dit-il, on recourra au remplacement. Et comment le fait-il ? En remboursant les sommes les. plus fortes que l'on a déposées dans les caisses de l'Etat. Ainsi ceux qui ont le plus payé sont ceux auxquels on remet l'argent en leur disant : Mettez des remplaçants, si vous pouvez ou savez. De sorte qu'après avoir établi une caisse qui est la base de son système, l'honorable M. Kervyn la vide et expose l'Etat à en supporter les conséquences.
M. Kervyn de Lettenhove. - Ce n'est pas tout à fait exact ; je m'expliquerai.
MgRµ. - Voici la disposition que vous proposez :
« Si le chiffre des inscriptions mentionnées à l'article 11 est inférieur à celui des exonérations, il sera annulé un nombre d'exonérations égal à cette différence, en commençant par les exonérations les plus élevées de ceux qui ont été désignés par le tirage au sort. »
M. Kervyn de Lettenhove. - Continuez, je vous prie.
MgRµ. - En ce cas, ceux-ci se feront restitué la moitié de l'exonération payée en vertu de l'article 2, ainsi que la somme versée en vertu de l'article 8, et s'ils seront exceptionnellement admis a se faire remplacer par des hommes ayant déjà (page 1128) satisfait au service militaire et en étant sortis avec des certificats de bonne conduite.
Je demanderai à l'honorable M. Kervyn où il trouvera ces remplaçants. Lorsque l'Etat en aura pris 5,000, 6,000, 7,000, que restera-t-il pour les autres, et surtout que restera-t-il de gens ayant servi ?
Messieurs, les questions de finances ne me sont pas familières ; je les connais très peu ; aussi je ne me permettrai pas de les aborder. Cependant il y a, selon moi, dans le système de l'honorable M. Kervyn, quelque chose qui ne me paraît pas juste : c'est de baser le prix de l'exonération ou le moyen de se faire exonérer sur la contribution personnelle. D'abord la contribution personnelle ne se paye pas d'après les mêmes bases dans toutes les villes du pays et à la campagne. Ainsi, celui qui habite une ville de premier ordre serait obligé de payer beaucoup plus pour son fils, que s'il habite la campagne ou une petite ville.
D'autre part, la contribution personnelle n'est pas toujours la représentation de la fortune. On peut être très riche et habiter un appartement. Dans ce cas, on ne payera rien pour ainsi dire pour s'exonérer ; cela se réduira à 300 francs.
Ceux qui se livrent au commerce ou à l'industrie sont obligés souvent, en raison de leur commerce et de leur industrie, de payer une contribution personnelle très élevée, tandis qu'une personne riche n'est pas astreinte à cette obligation.
Un millionnaire qui habitera Paris ne payera pas ici de contribution personnelle. Il payera 300 francs pour son fils ; tandis qu'un pauvre diable qui fait un petit commerce sera obligé de payer une contribution très forte et par conséquent un prix d'exonération très élevé.
M. Coomans. - Cela se fait aujourd'hui avec le prix uniforme du remplacement.
MgRµ. - Le remplacement, tel que nous l'avons, présente au moins ceci : c'est que le gouvernement, ne s'en mêlant pas, laisse aux particuliers le soin d'arranger leurs affaires comme ils l'entendent. Grâce à cette liberté des transactions, il y a des ouvriers qui trouvent le moyen d'avoir un suppléant pour 300 à 400 francs.
Le système de M. Kervyn présente d'autres défauts.
Il divise ceux qui font partie de l'armée en engagés volontaires, en rengagés volontaires et en engagés administratifs.
D'abord, je ne vois pas en quoi consiste la différence entre les engagés volontaires et les engagés administratifs. Un engagé administratif ou un engagé volontaire qui n'a pas servi, c'est exactement la même chose.
Mais les rengagés volontaires sont ceux qui ont déjà servi. Il me semble que ceux-ci devraient être l'objet de tous les soins de l'honorable membre. Pas du tout ; les rengagés n'ont rien, les volontaires ont tout. Il veut même, leur réserver la moitié des grades de sous.-lieutenants.
M. Kervyn de Lettehoveµ. - Pour encourager l'engagement.
MgRµ. - Si ces gens ne valent rien !
M. Kervyn de Lettenhove. - Ne les acceptez pas,
MgRµ. - Les connaissons-nous ? Ainsi vous voulez que nous admettions tous gens vertueux dans l'armée et que nous en soyons responsables ?
Ainsi, messieurs, comme j'ai eu l'honneur de vous le dire, les rengagés n'ont ni haute paye, ni droit aux grades, ni droit de préférence aux emplois civils.
Ces faveurs sont réservées aux seuls volontaires. Il s'ensuit donc que celui qui entre dans l'armée sera mieux traité que celui qui a déjà servi et qui a éprouvé, pendant de longues années, les fatigues de l'état militaire.
Je me bornerai à ces observations pour montrer que le projet de l'honorable membre est susceptible de modifications profondes.
Si nous l'examinons à un point de vue général, nous constatons qu'il a pour résultat de nous ramener aux volontaires.
La Chambre a déjà jugé cette question trois ou quatre fois. Elle a reconnu qu'une armée de volontaires était impossible.
Or, le système d'exonération de l'honorable membre n'a d'autre but que de donner au gouvernement assez d'argent pour pouvoir obtenir des volontaires.
Je déclare, quant à moi, que quelle que soit la somme que vous pourriez consacrer à cette destination, vous n'obtiendriez pas une armée suffisante.
Quoi que vous fassiez, vous n'arriverez certainement pas à imposer au pays des sacrifices comparables à ceux que s'impose l'Angleterre.
Les troupes anglaises sont les mieux payées, les mieux casernées, les mieux établies du monde entier et cependant on constate, dans le dernier rapport adressé à la reine, l'impossibilité d'obtenir un nombre de volontaires suffisant.
Déjà à la chambre des communes et à la chambre des lords, on entend dire timidement (on le dira énergiquement plus tard) : Nous serons obligés d'en venir au tirage au sort.
M. Lelièvreµ. - Je crois devoir proposer quelques observations en ce qui concerne le certificat exigé du remplaçant.
Le projet défend de délivrer un nouveau certificat. Il impose au commissaire d'arrondissement l'obligation de ne viser le nouveau certificat qu'après s'être fait remettre l'ancien pour le détruire.
Eh bien, à mon avis, c'est mettre le remplaçant à la merci des agents de remplacement qui, sous prétexte d'avances faites aux remplaçants, refusent de remettre les pièces que ceux-ci leur ont confiées. Il dépendra donc de ces agents d'empêcher le remplacement.
D'un autre côté, les énonciations du certificat sub-littera d de l'article 54, doivent être mises en harmonie avec la teneur du paragraphe 2 de l'article 58, et par conséquent, porter sur les condamnations pour crime, soustraction commise comme dépositaires publics, etc.
J'appelle sur ces détails l'attention de M. le ministre de l'intérieur,
M. le président. - L'honorable M. Van Humbeeck vient de me faire parvenir un amendement ainsi conçu :
« Art. 53. Tout individu désigné pour la milice peut se faire remplacer s'il s'en est réservé la faculté par une déclaration faite au moment de son inscription.
« Cette déclaration oblige l'inscrit, quel que soit le résultat du tirage au sort, à servir personnellement en s'équipant et s'habillant à ses frais dans la partie de la garde civique particulièrement appelée à servir d'auxiliaire à l'armée dans le cas de guerre. »
- L'amendement sera imprimé et distribué.
M. Kervyn de Lettenhove. - J'ai entendu un grand nombre de membres exprimer le désir que l'on pût mener à bonne fin la discussion de la loi sur la milice et l'on a jugé que le moyen le plus simple était de multiplier les réunions et d'avoir des séances du soir.
M. Van Humbeeck. - Nous sommes trop peu nombreux pour prendre une décision à cet égard.
M. le président. - L'honorable M. Kervyn pourrait renouveler sa proposition demain. Nous pourrons alors prendre une résolution.
- La séance est levée à cinq heures.