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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 25 mai 1869

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1868-1869)

(Présidence de M. Dolezµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 954) M. Dethuin, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Van Humbeeck, secrétaireµ, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

Il présente ensuite l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Le sieur Smoos réclame contre la décision de la députation permanente du conseil provincial du Hainaut désignant pour le service son fils Julien-Joseph-Sébastien, milicien de 1867, qui a été exempté pour défaut de taille par le conseil de milice de Charleroi. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des propriétaires, cultivateurs, briquetiers et rouisseurs de lin de Cuerne, Harlebeke et Bavichove réclament l'intervention de la Chambre afin qu'il soit pris des mesures pour prévenir les inondations de la Lys, occasionnées par la retenue des eaux à l'écluse établie sur le canal de Deynze à Schipdonck. »

- Même renvoi.


« Le sieur Denis réclame l'intervention de la Chambre pour être indemnisé des dégâts occasionnés à son bâtiment par la chute d'un arbre planté sur la grand-route de Wavre à Namur, qui a été renversé par l'ouragan du 12 février dernier. »

- Même renvoi.


« L'administration communale de Bellaire prie la Chambre de ne pas concéder le chemin de fer des plateaux de Herve, sans avoir assuré l'exécution actuelle de la section d'Argenteau à Micheroux. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif à la concession du chemin de fer des plateaux de Herve.


« Les sieurs Wilford, Wauters et autres membres du comité industriel de Tamise déclarent adhérer à la pétition relative au projet de loi sur les protêts, qui a été adressée à la Chambre par la Société industrielle de Saint-Nicolas. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.


« Le sieur Wargnier demande l'établissement d'une caisse militaire dont les ressources fournies par l'Etat et par le milicien assureraient à tout milicien ou volontaire une pension de 300 francs. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur la milice.


« Des habitants d'Amay prient la Chambre de rejeter la disposition du projet de loi sur la milice qui exempte du service militaire les élèves en théologie. »

« Même demande d'habitants de l'arrondissement de Huy. »

- Même dépôt.


(erratum, page 974) « Le sieur Haeck demande qu'il soit nommé une commission chargée d'examiner son procédé pour le dépouillement des éléments nuisibles des boissons alcooliques et l'appareil par lequel il s'applique. »

M. Vleminckxµ. - Je demande que la commission des pétitions soit invitée à faire un prompt rapport sur cette pétition, qui traite d'un objet extrêmement important pour la santé publique.

- Cette proposition est adoptée.


« Le sieur Dekock demande que le département des finances mette en adjudication l'achat et la vente des fonds publics qui s'effectuent par son entremise. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi relatif à l'amortissement.


« M. Waelbroeck fait hommage à la Chambre de 125 exemplaires d'une brochure intitulée : Lettre sur la contrainte par corps, qu'il vient de publier. »

« M. Tackels Corneille-Joseph, capitaine d'infanterie, fait hommage à la Chambre de deux exemplaires d'un travail intitulé : Conférences sur le tir et projets divers relatifs au nouvel armement. »

« La chambre de commerce de Roulers adresse à la Chambre deux exemplaires de son rapport annuel concernant l'exercice 1868. »

- Dépôt à la bibliothèque et mention au procès-verbal.


« MM. Crombez et de Haerne, obligés de s'absenter pour affaires, demandent des congés. »

- Ces congés sont accordés.

Projet de loi prorogeant la loi relative aux péages sur les chemins de fer de l’Etat

Rapport de la section centrale

M. Descampsµ. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi portant prorogation de l'article premier de la loi du 12 avril 1835, concernant les péages sur les chemins de fer de l'Etat.

- Impression, distribution et mise à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi sur la milice

Discussion des articles

Chapitre II. De l’inscription

Article 6

MPDµ. - Nous sommes arrivés au chapitre II, De l'inscription, article 6, ainsi conçu :

« Art. 6. Tout Belge qui, le 31 décembre, aura accompli sa dix-neuvième année, est tenu de se faire inscrire à l'effet de concourir au tirage au sort, pour la levée du contingent de l'année suivante.

« Celui qui, sans avoir satisfait, dans un pays quelconque, aux lois de recrutement acquerrait la qualité de Belge, devra se faire inscrire dans l'année où il obtiendra cette qualité, s'il n'a pas 23 ans accomplis avant la fin de cette année. »

A cet article se rattacherait l'article premier des amendements de M. Kervyn ; mais je crois que notre honorable collègue a une déclaration à faire à cet égard.

M. Kervyn de Lettenhove. - En formulant d'une manière complète mon système d'exonération et notamment en rédigeant l'article premier, je n'ai pas eu l'intention de présenter un amendement à l'article 6 du projet. C'est seulement dans le cas où mon système d'exonération serait ultérieurement accueilli par la Chambre qu'il y aurait lieu de revenir sur cet article.

MPDµ. - Donc, provisoirement nous n'avons pas à nous occuper des amendements de M. Kervyn. Nous y reviendrions si ses propositions sur 1'exonéralion étaient accueillies.

MiPµ. - Je propose à cet article un simple changement de rédaction.

Voici comment je propose de rédiger cet article :

« Tout Belge est tenu, dans l'année où il a 19 ans accomplis, de se faire inscrire à l'effet de concourir au tirage au sort pour la levée du contingent de l'année suivante.

« Celui qui, étant tenu envers un pays quelconque à des obligations imposées par des lois de recrutement, acquerra la qualité de Belge sans les avoir remplies, devra se faire inscrire dans l'année où il obtiendra cette qualité, s'il n'a pas 23 ans accomplis avant la fin de cette année. »

La modification proposée au premier paragraphe n'est qu'un changement de rédaction. Quant au second paragraphe, voici le motif qui me porte à y proposer une modification.

La disposition conserve exactement la force qu'elle a aujourd'hui ; seulement on eût pu douter avec le texte primitif si un étranger qui, dans son pays, n'est astreint à aucune obligation de recrutement et qui vient en Belgique, est tenu de se faire inscrire en Belgique.

S'il s'agit, par exemple, d'un étranger qui n'est pas sujet à des obligations de recrutement, il ne doit pas se faire inscrire ; si au contraire il s'agit d'un étranger qui a omis de remplir ses engagements dans son pays, il n'est pas du tout juste que, par la naturalisation, il puisse échapper à toute espèce d'engagement.

(page 955) Voilà les motifs qui m'ont porté à proposer ces changements de rédaction.

- L'article 6, ainsi modifié, est mis aux voix et adopté.

Article 6bis

« Art. 6bis. Les étrangers résidant en Belgique doivent se faire inscrire dans l'année qui suit celle où la loi de recrutement de leur pays leur impose une obligation à laquelle ils n'ont pas satisfait :

« 1° S'ils sont nés en Belgique pendant que leurs parents y résidaient ;

« 2° Si leur famille réside en Belgique depuis plus de trois ans, à moins qu'ils n'appartiennent à une nation qui dispense les Belges du service militaire.

« Ils ne doivent toutefois pas se faire inscrire avant l'accomplissement de leur dix-neuvième année ; ils cesseront d'y être tenus, si l'obligation n'est née qu'après l'expiration de l'année dans laquelle ils ont eu 23 ans révolus. »

M. Muller, rapporteurµ. - Dans le quatrième paragraphe, je propose, au lieu de : « Ils cesseront d’y être tenus, si l’obligation n’est née qu’après etc. », de dire : « Ils cessent d’y être tenus, si l’obligation est née après etc. »

- L'article 6bis, ainsi modifié, est adopté.

Article 6ter

« Art. 6ter. Les deux articles qui précèdent seront appliqués sans préjudice de l'exécution des conventions internationales. »

MiPµ. - Messieurs, il n'y aurait pas d'inconvénient à maintenir l'article tel qu'il est. Toutefois l'exception qui est faite en faveur des traités internationaux ne peut s'appliquer qu'à l'article précédent, et non pas aux deux articles précédents ; en effet, il ne peut pas arriver que les traités changent les obligations des Belges. Je propose donc de dire : « L'article qui précède sera appliqué, etc. »

- L'article 6ter, ainsi modifié, est adopté.

Article 7

« Art. 7. L'inscription peut toujours être faite d'office par le bourgmestre.

« Pour ceux dont l'âge ne peut être constaté, elle a lieu à l'époque où, d'après la notoriété publique, ils sont censés avoir l'âge requis pour concourir au tirage, au sort. »

MiPµ. - Je crois qu'il est préférable de dire au second paragraphe : « Elle a lieu pour ceux dont l'âge ne peut être constaté à l'époque, etc. »

- L'article 7, ainsi modifié, est mis aux voix et adopté.

Article 7bis

« Art. 7bis. Celui qui a été compris au tirage et prétend ne pas avoir dû être inscrit, peut réclamer devant le conseil de milice, qui statue comme en matière d'exemption. Si sa réclamation est admise, il sera ou ajourné à un an, ou exempté définitivement, selon qu'il peut encore ou ne peut plus être soumis à l'inscription. »

M. Lelièvreµ. - Je crois qu'il est bien entendu que la décision du conseil de milice pourra être frappée d'appel vis-à-vis de la députation. L'appel me semble de droit en cette matière, de même qu'en ce qui concerne toutes les résolutions des conseils de milice.

MiPµ. - Il n'y a aucune difficulté puisqu'on déclare que le conseil de milice statue comme en matière d'exemption. Il statue donc en premier ressort.

Je pense cependant que dans la seconde phrase au lieu de dire : « Si sa réclamation est admise, il sera ajourné, à un an, ou exempté, définitivement. » on pourrait dire : « ou déclare définitivement exempté. »

M. le président. - Il n'y a pas d'opposition à ce changement de rédaction ?

- L'article ainsi modifié est adopté.

Article 8

« Art. 8. L'inscription se fait dans la commune de la résidence réelle du père de l'inscrit ; de la mère, si le père est décédé ou si sa résidence est inconnue ; du tuteur, en cas de décès du père et de la mère ; de l'inscrit lui-même, s'il se trouve dans l'un des cas suivants :

« 1° Si son père, sa mère ou son tuteur a sa résidence à l'étranger, ou si la résidence est inconnue ;

« 2° Si son père et sa mère sont interdits ou décédés, et s'il n'a pas de tuteur à l'époque de l'inscription ;

« 3° S'il a vingt et un ans accomplis, ou s'il est marié.

« La résidence s'établit par un an d'habitation continue dans la même commune, et ne se perd que par une habitation continue de même durée dans une autre commune.

« Lorsque la résidence ne peut être constatée, l'inscription se fait dans la commune du dernier domicile.

« L'enfant recueilli, soit directement par une commune, soit par ses hospices ou son bureau de bienfaisance, est inscrit dans cette commune. »

M. Lelièvreµ. . — L'article en discussion soulève quelques observations.

A défaut du père, c'est la mère qui requiert l'inscription ; je pense qu'il doit en être ainsi, alors même que la mère a convolé en secondes noces sans se faire maintenir dans la tutelle, pourvu qu'elle continue à exercer en fait cette tutelle.

Quant à l'interdiction, j'estime qu'il s'agit là de l'interdiction entendue de la manière la plus générale, ainsi même de l'interdiction légale et de la suspension des droits civils pendant certain temps.

Enfin, je pense qu'au lieu de dire : s'il a vingt et un ans accomplis ou s'il est marié, il faut énoncer : s'il a vingt et un ans accomplis ou s'il est émancipé. En effet, on est émancipé non seulement par le mariage, mais également par tout autre mode d'émancipation réglé par la loi. Or, tout individu émancipé a l'administration de sa personne et de ses biens. C'est donc à lui, en ce cas, à requérir l'inscription. En effet, n'étant plus sous la puissance d'autrui, il doit agir lui-même, et il est indifférent qu'il ait été émancipé par le mariage ou de toute autre manière ; sa position légale est la même dans tous les cas.

M. le président. - L'amendement de M. Lelièvre consiste à dire au 3° de l'article, au lieu de : « s'il a vingt et ans ans accomplis ou s'il est marié » : « s'il a vingt et un ans ou s'il est émancipé. »

M. Mullerµ, rapporteur. - Il y a un autre amendement.

M. le président. - Permettez, je dois m'occuper d'abord de celui-là.

L'amendement est-il appuyé ?

- L'amendement étant appuyé fait partie de la discussion.

MiPµ. - Je propose pour les premiers alinéas de cet article une nouvelle rédaction plus courte et dans laquelle on pourrait introduire l'amendement de M. Lelièvre.

Je propose donc de rédiger l'article jusqu'après le 3° de la manière suivante :

« L'inscription se fait dans la commune de la résidence même du père de l'inscrit ; de la mère à défaut du père ; du tuteur à défaut de la mère ; de l'inscrit lui-même s'il n'a ni père ni mère ni tuteur, non interdits ayant une résidence connue ; s'il a vingt et un ans accomplis ou s'il est émancipé.»

Quant à la question qu'a faite l'honorable M. Lelièvre pour le cas ou l'inscrit n'a plus son père, il ne faut pas distinguer entre les différents cas qui peuvent se présenter, c'est, dans tous les cas, la résidence de la mère qui fixe le lieu de l'inscription, qu'elle soit tutrice ou non.

Le texte de la loi est formel.

M. le président. - Vous venez d'entendre, messieurs, l'amendement présenté par l'honorable ministre de l'intérieur. Quelqu'un demande-t-il la parole ?

M. Muller, rapporteurµ. - Messieurs, l'amendement de l'honorable ministre de l'intérieur supprime les chiffres 1°, 2° et 3° ; mais il doit être bien entendu que les obligations sont rangées dans un ordre successif, et qu'on ne peut pas rendre celui qui ne serait obligé qu'en ordre subsidiaire responsable de la négligence de ceux qui le précèdent dans le devoir d'inscription.

MiPµ. - Nous sommes parfaitement d'accord avec l'honorable rapporteur. Il est évident que la loi impose des obligations qui pèsent sur la tête d'une seule personne ; ce n'est pas à défaut de remplir ses obligations par la première personne qu'une autre en est chargée ; c'est lorsque la première manque complètement, lorsqu'elle est morte ou lorsqu'elle est interdite. Il n'y a pas, en d'autres termes, de solidarité.

- L'article, rédigé comme le propose M. le ministre, est adopté.

Article 9

« Art. 9. L'inscription se fait à la réquisition du père, de la mère, du tuteur ou de l'inscrit lui-même, suivant les distinctions établies à l'article précédent.

« Aucun motif ne dispense de l'inscription.

« Est réputé réfractaire celui qui n'est pas inscrit sur la liste alphabétique avant la clôture mentionnée à l'article 13.

« Après que l'obligation de l'inscription a été constatée par la députation permanente, il est procédé, conformément à l'article 69, à l'examen physique du réfractaire. S'il est déclaré propre au service, il est incorporé, endéans les deux mois, dans la partie active du contingent, pour un terme de huit ans, sans compter pour le contingent assigné a sou canton.

(page 936) Toutefois, le Roi peut l'assimiler aux miliciens sous le rapport des congés et du remplacement.

« Les réfractaires ne peuvent être recherchés que jusqu'à l'âge de 36 ans accomplis. »

M. Muller, rapporteurµ. - Je propose de remplacer les mots : « endéans les deux mois », par les mots : « dans les deux mois ».

- L'article, ainsi rédigé, est adopté.

Article 10

« Art. 10. Il est ouvert dans chaque commune, du 1er au 31 décembre, un registre destiné à recevoir l'inscription de ceux qui, à la date du 1er janvier suivant, se trouveront dans l'un des cas prévus par les articles 6, 6bis et 7.

« Le dernier dimanche de novembre, les habitants sont avertis, par voie d'affiche, de l'ouverture de ce registre, qui sera clos le 31 décembre, à quatre heures de relevée, par le procès-verbal du bourgmestre constatant le nombre des inscrits.

« La liste sera publiée le 3 janvier et restera affichée jusqu'au 10. Il y sera mentionné que les réclamations du chef d'inscription indue ou d'omission devront être adressées au bourgmestre avant le 12.

« Le bourgmestre statue immédiatement et il opère, en même temps, d'office, la rectification de toute erreur évidente qu'il aurait reconnue., Notification de ses décisions est faite, avant le 15 janvier, aux réclamants et aux intéressés, avec avertissement qu'ils peuvent adresser leur rappel au commissaire d'arrondissement jusqu'au 22 janvier inclusivement. »

MiPµ. - Au pénultième paragraphe, il est dit : « Il y sera mentionné que les réclamations, etc. » Je pense qu'il serait préférable de dire : « L'affiche indiquera que les réclamations du chef d'inscription indue ou d'omission devront être adressées au bourgmestre avant le 12. »

Au dernier paragraphe il est dit : « Notification de ces décisions est faite, avant le 15 janvier, aux réclamants et aux intéressés, avec avertissement qu'ils peuvent adresser leur appel au commissaire d'arrondissement jusqu'au 22 janvier inclusivement. »

Que faut-il entendre par le mot : « intéressés » ? Quelques-uns ont paru croire qu'il s'agissait de tous les inscrits qui peuvent avoir un intérêt à ce que le nombre des inscrits augmente ou diminue. Il est évident que tel n'a pas pu être la pensée de la section centrale.

Je propose de remplacer les mots : « aux intéressés » par ceux-ci : « à ceux dont l’inscription serait ordonnée ».

Il est clair qu'il ne peut s'agir que de ceux qui doivent être portés sur la liste et qui n'y étaient pas précédemment.

M. Muller, rapporteurµ. - Messieurs, on m'a demandé si, en vertu de l'article 10, le bourgmestre serait obligé de donner notification aux personnes qu'il aurait inscrites d'office en vertu de l'article 7. L'affirmative ne doit pas être douteuse, tel est bien l'esprit de la disposition.

- L'article 10 est adopté avec la rédaction proposée par M. le ministre de l'intérieur.

Article 11

« Art. 11. Le bourgmestre dresse la liste alphabétique des inscrits de sa commune, telle qu'il l'a adoptée, et il la transmet, le 15 janvier au plus tard, au commissaire d'arrondissement, en y joignant le registre des inscriptions clôturé le 31 décembre, la déclaration de publication et d'affiche, les réclamations et les décisions qu'il a prises dans les cas prévus par l'article précédent, et la preuve qu'elles ont été notifiées à qui de droit.

« Le commissaire, d'arrondissement statue, sur tous les cas d'inscription qui concernent exclusivement son ressort ; il transmet, à fin de décision, les réclamations qui intéressent aussi des communes d'un autre arrondissement, au gouverneur si elles sont de la province, et au ministre de l'intérieur, si elles sont d'une autre province.

« Les décisions sont sans recours, sauf le droit ouvert par l'article 7bis. »

MiPµ. - Je proposerai un changement de rédaction au paragraphe 2.

On a demandé si le commissaire d'arrondissement doit transmettre les réclamations directement au ministre de l'intérieur, sans l'intervention du gouverneur, je crois qu'il doit suivre la voie hiérarchique ; mais je proposerai une rédaction qui fera disparaître le doute que je viens de mentionner. Je proposerai de dire :

« Il est statué sur les cas d'inscription par le commissaire d'arrondissement, par le gouverneur ou par le ministre de l'intérieur selon que ces cas concernent des communes d'un même arrondissement, des communes d'arrondissements différents de la même province ou des communes appartenant à différentes provinces. »

M. Delcourµ. - Je demanderai une explication à l'honorable ministre.

Dans le projet du gouvernement il est dit que les réclamations sont jugées par le gouverneur dans tous les cas ; je vois maintenant qu'on abandonne ce principe et que l'on substitue pour les communes le commissaire d'arrondissement. Le gouvernement s'est rallié à cette modification. Il me semble que dans l'intérêt même de la justice la position du gouverneur présente pour les intéressés plus de garanties que le commissaire d'arrondissement. Je trouve dans les amendements présentés au projet du gouvernement en cette partie une tendance à remplacer l'influence du gouverneur par celle du commissaire d'arrondissement. C'est un mal, à mon avis.

La haute position du gouverneur est évidemment une garantie ; le commissaire d'arrondissement, à cause de ses relations politiques, n'est pas dans une situation aussi indépendante.

Je prierai donc l'honorable ministre de vouloir nous indiquer les vraies raisons pour lesquelles le gouvernement abandonne sa rédaction primitive. Je n'aperçois pas quels sont ces motifs.

MiPµ. - La question dont il s'agit ne présente plus aucun intérêt. On peut aujourd'hui attribuer un milicien à un canton ou à un autre, sans préjudice pour personne.

Lorsque le tirage au sort se faisait par commune, il y avait de très nombreuses contestations pour savoir si un milicien devait être inscrit dans une commune plutôt que dans une autre, parce que l'inscription, dans une certaine commune, pouvait lui enlever toute espèce de chance.

Nous avons substitué le canton à la commune et il est certain que pour le canton qui contiendra presque toujours au moins cent inscrits, les chances seront toujours égales.

Tout intérêt de contestation a donc disparu et nous avons pensé que le meilleur système est celui qui permet d'accélérer les affaires et qu'on pouvait charger le commissaire d'arrondissement des contestations ne concernant que son ressort. Quand il s'agit de communes de différents arrondissements d'une province, le gouverneur intervient ; c'est le ministre de l'intérieur, s'il s'agit de communes de provinces différentes.

On n'a jamais songé à augmenter l'influence des commissaires d'arrondissement, nous ne cherchons qu'à éviter des transmissions de pièces et des formalités inutiles.

M. Muller, rapporteurµ. - Je dois ajouter que sous l'empire de la disposition de la loi de 1817, le gouverneur et le commissaire d'arrondissement exerçaient simultanément des attributions parallèles et qu'en définitive c'était le commissaire d'arrondissement qui avait, en quelque sorte, le pouvoir le plus étendu, attendu qu'en vertu de l'article 76 de la loi de 1817, le commissaire d'arrondissement, au moment où il allait procéder au tirage au sort, décidait souverainement de toutes les contestations.

Il y avait là une véritable confusion de compétence, une subordination implicite du pouvoir du gouverneur à celui du commissaire d'arrondissement.

Nous avons supprimé cette anomalie avec d'autant moins d'hésitation qu'ayant adopté le système de répartition par canton, la décision du commissaire d'arrondissement n'aura plus aucune grave conséquence et ne peut, en aucun cas, léser les droits d'un milicien, qu'il appartienne à telle ou telle commune.

Ces renseignements compléteront ceux qui ont été donnés par M. le ministre de l'intérieur.

- L'article, tel qu'il est modifié par la rédaction de M. le ministre de l'intérieur, est adopté.

Article 12

« Art. 12. Il sera dressé deux listes des inscrits des trois années précédentes qui ont été ajournées temporairement, et dont le numéro avait été appelé pour la formation du contingent de l'année où ils ont tiré au sort. L'une de ces listes comprend les ajournées de la partie active du contingent, l'autre, ceux de la réserve. »

MiPµ. - Il y a un pléonasme dans la rédaction de l'article. Il y est dit : « Ajournées temporairement. » Je propose de dire : « Exemptées temporairement. »

M. Muller, rapporteurµ. - Je demande la suppression du mot : « temporairement » et le maintien du mot : « ajournés, » parce que cette expression comprendra les étrangers qu'on ajourne, sans qu'ils soient réellement exemptés en vertu du chapitre IV.

MiPµ. - Je me rallie à cette rédaction.

- L'article, tel qu'il est amendé par M. Muller, est mis aux voix et adopté.

Chapitre III. Du tirage au sort

Article 13

(page 957) « Art. 13. L'ordre dans lequel les inscrits pour la levée sont appelés à faire partie du contingent annuel, est réglé par un tirage au sort.

« Avant d'y procéder, le commissaire d'arrondissement fait connaître à haute voix les décisions rendues depuis la publication prescrite à l'article 10 ; il admet, s'il y a lieu, les réclamations de ceux dont l'inscription aurait été omise ; il prononce la radiation des hommes que l'article 28 exclut du service militaire et dont l'indignité est officiellement constatée ; il avertit les inscrits que toute demande de libération provisoire ou définitive du service qui serait fondée sur l'état de fortune de la famille, doit, à peine de déchéance, être adressée, verbalement ou par écrit, dans les dix jours, à l'administration communale ; il arrête enfin, définitivement', les listes alphabétiques. »

M. Coomans. - J'ai quelques remarques à présenter sur cet article. D'abord il préjuge la grave question des libérations fondées sur l'état de fortune.

J'aime à croire que, lorsque nous serons arrivés aux articles qui règlent plus particulièrement cette matière, la Chambre pourra, si elle le juge convenable, revenir sur la question de principe, sauf à modifier ensuite l'article 13.

- Des membres. - Certainement,

M. Coomans. - Car, sinon, je serais obligé de soumettre aujourd'hui à la Chambre les considérations, selon moi, très sérieuses, qui doivent nous empêcher d'accorder des libérations fondées sur l'état de fortune, au moins au point de vue où se place le gouvernement.

Dans mon système, le prix du remplacement est proportionnel ; il serait par exemple d'un dixième du revenu de l'inscrit ou de sa famille ; mais je repousse toute espèce d'exemption et de dispense.

Il est donc bien entendu que nous aurons le champ libre aux articles suivants ?

- Des membres. - Oui, oui.

M. Coomans. - En supposant votre système voté, vous me paraissez l'appliquer avec beaucoup de vigueur.

Ainsi, le commissaire d'arrondissement avertit les inscrits que toute demande de libération provisoire ou définitive du service qui serait fondée sur la fortune de la famille, doit, à peine de déchéance, être adressée, verbalement ou par écrit, dans les dix jours, à l'administration communale.

Le rédacteur suppose que les inscrits sont toujours présents ; il n'en est pas ainsi ; beaucoup sont absents et ont le droit de l'être. Les membres de la famille désignés par le projet ne sont pas obligés d'assister au tirage au sort.

Ainsi, il pourra se faire que l'inscrit ne soit pas averti du préjudice énorme, qu'il essuiera si, endéans les dix jours, il ne fait pas valoir ses motifs de libération.

Autre difficulté.

Tous les inscrits, souvent nombreux, entendront-ils cet utile avertissement donné par le commissaire d'arrondissement et ne faudrait-il pas trouver un moyen de s'assurer que l'avertissement leur a été donné ?

Et puis, si, comme je l'ai vu maintes fois, les opérations se font, soit en langue française devant des inscrits flamands, soit en langue flamande devants quelques inscrits Wallons, voilà encore une fois des jeunes gens qui, bien malheureusement, sans leur faute, ne seront pas avertis d'une chose qui est jugée essentielle.

Il me paraît donc nécessaire que le président du bureau fasse les avertissements prescrits à l'article 15 dans les deux langues, tout au moins dans les districts où l'on peut supposer qu'il se trouve des inscrits non familiers avec la langue qui y domine.

Il me semble que nous avons pris des précautions plus minutieuses dans des circonstances moins importantes que celle-ci.

Je vous soumets ces observations, messieurs, et j'espère que vous les jugerez dignes de votre attention. Je me borne à émettre le désir que le délai de dix jours soit porté au moins à vingt jours.

M. Muller, rapporteurµ. - Je crois, messieurs, qu'il pourra être fait droit à l'observation de l'honorable M. Coomans en exigeant, à l'article 32, que les billets de convocation des miliciens mentionnent la déchéance qui serait prononcée en règle générale, en vertu de l'article 70, et ce, indépendamment de l'avertissement à donner par le commissaire d'arrondissement au moment où il va procéder au tirage. Je pense que de celle manière-là toute garantie serait offerte. Si la Chambre est de cet avis, nous préparerons pour l'article 32 une adjonction qui remplirait le but que veut atteindre l'honorable M. Coomans.

M. le président. - Cela répond-il au vœu de M. Coomans ?

M. Coomans. - Je reconnais que ce serait une amélioration, mais je voudrais qu'on poussât la concession un peu plus loin et qu'on accordât 20 jours au lieu de 10.

M. Muller, rapporteurµ. - J'accorderais volontiers, pour mon compte, le délai de 20 jours si cela ne devait pas entraver les opérations de la milice. Or, c'est précisément pour éviter des retards fâcheux que les délais ont été calculés. Mais, je le répète, si l'on mentionne sur les billets de convocation l'avertissement que les réclamations du chef d'exemption fondées sur l'état de fortune devront être adressées à l'administration communale soit verbalement, soit par écrit, dans les dix jours du tirage ; si, indépendamment de cette précaution, on répète, ce jour-là, de vive voix à tous ceux qui sont présents le même avertissement, il n'y aura plus évidemment prétexte à ignorance.

Il importe, en définitive, de faire en sorte que les opérations marchent assez rapidement pour que la remise du contingent puisse avoir lieu à l'époque fixée par la loi.

M. le président. - Insistez-vous sur vos observations, M. Coomans ?

M. Coomans. - M. le ministre paraît disposé, à prendre la parole, j'attendrai pour me prononcer.

MiPµ. - Je voulais appeler l'attention de la Chambre sur cette considération que, si la prolongation de délai est peut-être un avantage pour celui qui a des réclamations à faire, elle offre un grand inconvénient pour celui qui peut être appelé à la place du réclamant. Il faut, autant que possible, éviter de tenir les intéressés dans l'incertitude afin d'amener de promptes décisions que la loi prescrit certains délais.

Du reste, je pourrais inviter les commissaires d'arrondissement à transmettre en temps utile l'avertissement dont il s'agît.

M. Lelièvreµ. - Je dois proposer une observation pour l'intelligence de l'article. Je demande si l'indignité dont s'occupe votre disposition doit résulter de jugements prononcés en Belgique ou bien si elle peut être le résultat de jugements ou d'arrêts rendus en pays étranger. Il importe qu'il ne puisse s'élever aucun doute à cet égard.

M. Muller, rapporteurµ. - Je crois qu'il faudrait que l'indignité résultât de jugements rendus soit dans le pays, soit en pays étranger, du moment où les peines sont celles que prévoit le projet. Il en est du moins ainsi en ce qui concerne les condamnations subies par des remplaçants en pays étranger. Au surplus, s'il y a doute à cet égard, il convient qu'il soit levé à l'article 28.

MiPµ. - Messieurs, je crois que la question doit être traitée à l'article28, qui détermine les causes d'indignité ou d'exclusion.

Je. proposerai de supprimer dans l'article 13 les mots : « Il prononce la radiation des hommes que l'article 28 exclut du service militaire et dont l'indignité est officiellement constatée ».

Voici les motifs de cet amendement.

L'exclusion, comme l'exemption, doit être prononcée par le conseil de milice ; l'inscription sur les listes, au sujet desquelles statue le commissaire d'arrondissement, est une mission tout à fait provisoire ; je crois qu'il est préférable de laisser soit au commissaire d'arrondissement, soit au gouverneur, soit au ministre de l'intérieur, le soin de statuer uniquement sur ce qui concerne les inscriptions.

M. Muller, rapporteurµ. - Messieurs, je vais vous faire connaître pourquoi la section centrale avait compris dans l'article 13 le cas d'indignité des hommes que l'article 28 exclut du service militaire.

Actuellement, il en est ainsi. Un milicien dont l'indignité résulte d'une condamnation définitive est rayé du nombre des inscrits, parce qu'il ne semble pas juste de grever la commune d'un homme de plus, qui n'est qu'une non-valeur judiciairement constatée, et qui, tôt ou tard, amènera l'incorporation d'un autre inscrit, par suite du jeu des fractions favorables et défavorables qui se reportent d'année en année.

Voilà le système que la section centrale a maintenu.

M. le ministre de l'intérieur objecte que c'est une exemption de même nature que les autres, qu'elle doit être considérée comme telle.

Je pense qu'on peut différer d'avis sur ce point, et qu'on peut distinguer entre une incapacité radicale, démontrée par un document authentique, et une exemption dont la cause doit être établie.

(page 958) Il y a un autre cas analogue où vous ne trouverez pas d'exemption et où cependant le bourgmestre, le commissaire d'arrondissement, le gouverneur ou le ministre de l'intérieur, sont bien obligés de se prononcer : c'est celui de savoir si un étranger doit ou ne doit pas être inscrit.

Tels sont les motifs qui ont dicté la résolution de la section centrale ; je n'attache pas, en fait, plus d'importance qu'il ne faut pas à une solution pour ou contre ; cependant je crois que celle que je défends est plus juste.

M. Coomans. - Messieurs, les honorables préopinants ont glissé sur un point auquel j'attache une importance spéciale.

Les chefs de bureau ne sont pas seulement obligés d'avertir qu'endéans les dix jours, sous peine de déchéance, l'inscrit devra produire ses réclamations concernant son état de fortune. Ils ont, ces chefs, d'autres déclarations a faire encore.

J'ai demandé que toutes fussent faites dans les deux langues dans les cantons où il y a lieu de croire que se trouvent présents des inscrits qui ne parlent pas la langue qui est familière à la pluralité des hommes présents.

Il me paraît que cela est bien simple. Les hommes présents ont le droit de connaître les points essentiels énumérés dans l'article 13. Il peut s'agir pour eux du sort de toute leur vie. Il est donc important, selon moi, que les déclarations soient faites dans les deux langues.

L'honorable M. Muller a levé à peu près cette difficulté en faisant inscrire sur les billets de convocation l'avertissement dont j'ai parlé.

Je ne vois pas, messieurs, quel inconvénient il y aurait a prolonger les délais, à accorder 20 jours au lieu de 10. Cependant toutes réflexions faites, j'avoue que cette considération est peu importante. Car, comme le gouvernement augmente considérablement les cas d'exemptions et de dispenses, comme il va jusqu'à dire que l'on aura le droit d'être exempte lorsqu'on pourra prouver que l'achat d'un remplaçant pourrait nuire à l'état de fortune de la famille... (Interruption.)

Cela est positivement dit. Il est donc clair que toutes les familles qui auront quelque chance de se faire exempter de ce chef, feront leurs déclarations endéans les 10 ou 20 jours, et je vous préviens que vous créerez ainsi d'énormes difficultés, car huit familles sur dix sont gênées par l'achat d'un remplaçant. C'est ce qui a été démontré par les faits et notamment par les chiffres que nous a produits un jour l'honorable ministre des finances, chiffres que je crois exacts, sans les avoir étudiés, sans être à même de les étudier. Vous aurez donc des milliers de familles, chaque année, qui réclameront du chef de leur état de fortune.

Eh bien, si l'on veut être un peu juste, on aura fort à faire et je conseille aux familles de prendre leurs précautions et de réclamer à peu près toutes, le jour même ou le lendemain du tirage.

MiPµ. - Je disais dernièrement à l'honorable M. Coomans qu'il n'avait pas lu la loi, ce qui a paru fortement l'indigner, et cependant il paraît aujourd'hui vouloir confirmer à l'évidence ce que j'avançais alors. L'honorable M. Coomans vient de dire, en effet, que le projet de loi augmente considérablement les cas d'exemption et qu'on y a introduit le droit d'exemption en faveur de ceux qui ne pouvaient, sans diminution d'aisance, se procurer un remplaçant.

Si l’honorable M. Coomans avait lu la loi, il aurait constaté que l'enfant unique, toujours exempté, sans condition, par la loi actuellement en vigueur, ne jouira plus de cet avantage à l'avenir lorsque l'état de sa fortune lui permettra de se procurer un remplaçant.

Ce que l'honorable M. Coomans a pris pour une extension d'exemption est donc une diminution d'exemption.

Je le répète, l'exemption dont il s'agit existe aujourd'hui dans tous les cas sans avoir une limitation. On la limite au contraire dans le projet actuel au cas où les parents ne peuvent pas facilement payer un remplaçant.

Quant au point de savoir s'il ne faut pas réduire davantage encore ce droit d'exemption, on pourra l'examiner dans le cours de la discussion. Je ne me prononce pas dès à présent à ce sujet. Je constate seulement que l'étude que l'honorable M. Coomans a faite de la loi, l'a conduit à regarder comma une extension ce qui est une restriction. Ce que je viens de dire s'applique également aux dispenses accordées aux étudiants en théologie ainsi qu'aux élèves des écoles normales ; cette dispense existe aujourd'hui d'une manière absolue, tandis qu'à l'avenir on n'exigera pas, pour qu'ils soient admis à en profiter, que leurs parents soient dans l'impossibilité de se procurer facilement un remplaçant.

Les craintes de l'honorable membre doivent donc complètement disparaître sur ce point.

MPDµ. - Reste l'observation de l'honorable M. Coomans qui demande que l'avertissement se fasse dans les deux langues.

MiPµ. - C'est là une question d'administration. Je ne demande pas mieux que de donner pour instruction aux agents de l'administration de formuler ces avertissements dans les deux langues, mais il me paraît fort inutile que cela soit inscrit dans la loi.

M. Thonissenµ. - Cela se fait déjà maintenant.

M. le président. - Je mets aux voix l'article avec la modification, proposée par M. le ministre de l'intérieur.

M. Muller, rapporteurµ. - Je fais remarquer à la Chambre que l'amendement de M. le ministre de l'intérieur supprime le paragraphe qui prononce la radiation des hommes que l'article 28 exclut du service militaire et dont l'indignité est officiellement constatée.

- L'article, modifié comme le propose M. le ministre, est adopté.

Article 14

« Art. 14. Un arrêté royal divise chaque arrondissement administratif en cantons de milice.

« Une commune ne peut former plus d'un canton.

« Le tirage se fait au lieu désigné par le gouvernement. »

- Adopté.

Article 15

« Art. 15. Aux jours fixés par le gouverneur, le tirage se fait sous la direction du commissaire d'arrondissement, en présence des intéressés.

« Ce fonctionnaire est assisté, pour les cantons d'une seule commune, de deux membres du collège échevinal ; pour les autres cantons, d'un membre du collège échevinal de la commune la plus populeuse, et pendant chaque partie du tirage qui concerne une commune, d'un membre de son collège échevinal. En cas d'absence de ce dernier, un titulaire d'une commune limitrophe le remplace.

MiPµ. - Au paragraphe premier, je propose une interversion de phrase. Je propose de dire : « Au jour fixé par le gouverneur, le tirage se fait, en présence des intéressés, sous la direction du commissaire d'arrondissement. »

Cela rend le sens plus clair, le paragraphe suivant commençant par les mots : « Ce fonctionnaire, etc. »

Il est dit au paragraphe 2, qu'un membre du collège échevinal de la commune la plus populeuse assiste à toutes les opérations ; mais il peut se faire que la commune la plus populeuse ne soit pas celle où se fait le tirage. Il est alors préférable de réclamer l'intervention d'un échevin de la commune même où se fait le tirage et qui est ordinairement celle du chef-lieu. Je propose, en conséquence, de dire : De la commune où se fait le tirage ou de la commune la plus populeuse.

M. Muller, rapporteurµ. - Les mots « la commune la plus populeuse » ont été repris dans l'article parce qu'il pourrait se faire que, pour la facilité des inscrits des différentes communes, le tirage eût lieu dans une commune qui n'appartient pas au canton. Entendez-vous que le tirage se faisant dans une commune autre que celle de la circonscription cantonale, le membre du collège échevinal de cette commune, siège au bureau ?

D'un autre côté, messieurs, comme cet article subit un amendement, je me réserve aussi de proposer, au second vote, certaines modifications. On m'a fait observer, en effet, qu'il pourrait se faire que dans certains collèges échevinaux il n'y eût pas de membres ayant la main assez légère ou assez exercée pour inscrire couramment et en toutes lettres les noms à mesure qu'ils sortent de l'urne.

M. Lelièvreµ. - En ce qui me concerne, je ne puis me rallier à la dernière disposition de l'article qui confère aux commissaires d'arrondissement le droit de nommer le secrétaire. Je pense qu'il serait préférable de maintenir la législation en vigueur qui défère la nomination dont il s'agit au gouverneur, Celui-ci est un fonctionnaire élevé de l'ordre administratif, qui présente plus de garantie qu'un commissaire d'arrondissement. D'un autre côté, jamais en aucune matière, on n'a conféré au président d'un collège le droit de nommer le secrétaire. Celui-ci doit avoir certaine indépendance, incompatible avec la disposition proposée pour la première fois. Je ne puis donc me rallier à l'innovation admise par le gouvernement.

MiPµ. - Remarquez bien, messieurs, qu'il ne s'agit pas ici d'un corps appelé à rendre des décisions ; mais simplement d'un bureau devant lequel se fait le tirage. Le commissaire d'arrondissement qui préside à l'opération a besoin d'un agent pour tenir les notes ; or, je ne vois pas pourquoi le fonctionnaire qui a la responsabilité du tirage ne pourrait pas choisir la personne qui doit faire cette besogne (page 959) toute matérielle. Je crois qu'il faut tâcher autant que possible de faire les choses simplement.

M. le président. - M. Lelièvre, insistez-vous ?

M. Lelièvreµ. - Je ne propose pas un amendement, mais je persiste dans mes observations.

M. Moncheurµ. - Messieurs, je crois devoir faire, dès à présent, une observation et une réserve : je remarque qu'à l'article 29 du projet où il est question de la composition du conseil de milice, corps qui prend, lui, des décisions, il est dit que les fonctions de secrétaire sont remplies par la personne dont fait mention le dernier paragraphe de l'article 13, c'est-à-dire la personne que le commissaire d'arrondissement aura nommée secrétaire pour la commission du tirage au sort. Il est bien évident que le motif que vient de donner M. le ministre de l'intérieur pour justifier l'innovation que la section centrale a proposée à l'article 13, ne s'applique pas à l'article 29. Par conséquent il y aura lieu, à l'article 29, de revenir sur ce point, et il sera convenable et logique., lorsqu'il sera question de cette disposition, de maintenir la législation actuelle qui donne au gouverneur de la province la nomination du secrétaire du conseil de milice.

- L'article est adopté avec les modifications proposées par M. le ministre, de l'intérieur.

Article 17

« Art. 17. Les numéros les plus bas, en montant jusqu'à ce que le nombre requis de miliciens à incorporer soit complet, désignent les inscrits qui feront partie de l'armée active ; les numéros les plus élevés, en descendant jusqu'à ce que le nombre, également requis soit complet, désignent les inscrits qui feront partie, de la réserve.

« Les premiers et les derniers numéros sont attribués de droit, respectivement, aux deux catégories d'ajournés mentionnées à l'article 12, qui sont portés dans l'ordre d'ancienneté des levées et des numéros qui leur étaient échus.

« Le commissaire d'arrondissement, après avoir fait connaître le chiffre des ajournés de chacune des deux catégories, compte à haute voix autant de numéros, portant son parafe, qu'il y a d'inscrits pour la levée, et il dépose ensuite ces numéros dans une urne. »

M. Coomans. - Messieurs, l'honorable ministre semble aimer les plaisanteries creuses. Il vient d'en renouveler une qui ne m'a pas indigné, mais que j'ai trouvée indigne d'être produite dans cette assemblée.

Je n'ai pas lu le projet de loi ! Et la raison que donne M. le ministre à l'appui de cette assertion est singulière. Vous allez voir comment elle est sérieuse.

J'ai dit que le projet de loi augmente les exemptions, les dispenses relatives à l'état de fortune.

Mais, dit l'honorable ministre, M. Coomans n'a pas lu le projet de loi, il n'a pas vu que l'enfant unique était toujours exempté par l'ancienne loi, que les étudiants en théologie et d'autres jeunes gens étaient toujours exemptés aussi, tandis que nous n'exemptons plus que ceux qui ne sont pas assez riches pour payer un remplaçant.

Donc, M. le ministre avoue qu'il augmente le nombre d'exemptions pour l'état de fortune et il m'accuse d'avoir dit une chose inexacte.

Ce n'est pas à cause de l'état de fortune que l'enfant unique et le théologien étaient exemptés ; ils sont tous exemptés aujourd'hui, et la fortune n'a rien à y voir.

Vous avez créé des dispenses pour cause d'état de fortune ; c'est vous qui le dites et vous trouvez étrange que je le constate !

M. le président. - M. Coomans, nous sommes à l'article 17 et vous revenez sur une chose décidée.

M. Coomans. - M. le président, j'avais une réponse à faire et j'ai saisi cette occasion-ci de la présenter.

Je crois du reste que ma démonstration est à peu près complète ; ces exemptions pour cause d'état de fortune n'existaient pas, j'ai donc eu raison de dire que vous multipliez les cas d'exemptions et de dispense.

J'arrive maintenant à l'article 17 et je serai très court.

Je demanderai si c'est bien dans une urne que l'on déposera les numéros et si elle est toujours obligatoire. Si les urnes militaires doivent ressembler à celles que nous employons ici, les numéros ne seront pas mobiles.

Quand j'ai tiré au sort, on mettait les numéros dans un tambour, dans une roue de fortune. (Interruption.) Vous paraissez vouloir encore employer la roue. Si c'est votre intention, ne dites pas que c'est une urne, car il vous sera très difficile de prouver qu'une roue est une urne.

J'avoue que l'urne serait plutôt de circonstance que la roue de fortune, parce que l'urne rappelle quelque idée funèbre, tandis que la roue mythologique a une autre signification.

Je vous demande ce que vous voulez : un tambour, une roue, une bille ou une urne ?

J'avoue que cela m'est fort égal, mais je trouve que vous devriez vous expliquer.

MiPµ. - Il n'est pas dans notre intention de changer ce qui existe.

Quant à l'appareil matériel qui servira au tirage au sort, je crois qu'on peut l'appeler une urne comme on appelle les boîtes qui servent aux élections des urnes de scrutin.

| C'est un mot qui a perdu sa signification primitive et qui sert aujourd'hui à désigner toutes les choses qui contiennent des bulletins ou des billets pour une opération administrative. (Interruption.)

Je propose de supprimer le paragraphe du commissaire d'arrondissement ; ce paragraphe est inutile pour la sincérité de l'opération et entraîne une grande besogne.

M. Coomans. - Est-ce que l'urne est maintenue ?

MiPµ. - Certainement.

M. Muller, rapporteurµ. - La loi se sert aujourd'hui du mot « urne » et cependant (erratum, page 985) l'urne ne reste pas immobile ; elle s'agite au moyen d'une roue.

M. Coomans. - C'est une urne que je ne connais pas.

M. Muller, rapporteurµ. - Si M. Coomans connaît un terme plus générique, il n'a qu'à le proposer ; mais je crois qu'il serait difficile à trouver.

Je dois présenter maintenant une observation relative à la suppression que propose M. le ministre de l'intérieur.

D'après la loi actuelle, les bulletins, avant d'être déposés dans l'urne, sont revêtus du parafe du commissaire d'arrondissement.

M. le ministre de l'intérieur croit qu'il y a là une besogne inutile, mais je ne partage pas cet avis.

Cette ltche n'est pas lourde et n'entrave nullement les opérations, et il y aurait peut-être quelque danger à la supprimer. (Interruption.) La suppression de cette formalité, à laquelle on est habitué, pourrait créer des défiances dans les populations peu éclairées.

Quant à moi, après avoir consulté plus d'un commissaire d'arrondissement, je crois qu'il faut maintenir le parafe, parce qu'il éloigne des soupçons qui seraient très mal fondés, il est vrai, mais auxquels il ne faut pas fournir de prétexte.

MiPµ. - Je n'insiste pas.

- L'art. 17 est mis aux voix et adopté.

Article 18

« Art. 18. L'appel se fait suivant l'ordre alphabétique, des communes, et dans chaque commune suivant l'ordre alphabétique de. ses inscrits, sans qu'une déviation accidentelle de l'un ou de l'autre de ces deux ordres puisse donner lieu à l'annulation de l'opération.

« A l'appel de son nom, chaque inscrit prend dans l'urne un numéro, le remet au commissaire d'arrondissement, qui le proclame, le fait porter immédiatement sur la liste du tirage, et le rend à l'intéressé.

« En cas d'absence de l'inscrit, le père, la mère, le frère ou le tuteur, et, à leur défaut, le membre du collège échevinal de sa commune, tire pour lui. Lorsque le nombre de numéros trouvés dans l'urne est inférieur à celui des inscrits, ceux qui n'ont pas participé au tirage sont admis immédiatement à un tirage supplémentaire.

« Les cas non prévus sont réglés par des instructions administratives.

« Il est fait mention, en regard du numéro échu à chaque inscrit, des motifs d'exemption qu'il se propose de faire valoir, sans que l'omission de cette formalité puisse, en aucun cas, lui être opposée. »

MiPµ. - Il est parlé au paragraphe premier de « déviation accidentelle ». Je crois que le mot « accidentelle » doit disparaître.

Au paragraphe 3, il est nécessaire de faire un alinéa avant le mot : « Lorsque... » et de supprimer le mot « immédiatement ».

Il pourrait, en effet, se faire qu'on ne pût pas procéder immédiatement à un tirage supplémentaire.

Enfin, je propose la suppression du paragraphe 4.

Ce paragraphe porte ceci :

« Les cas non prévus sont réglés par des instructions administratives. »

Il est clair que lorsque la loi présente des lacunes et que l'administration est chargée d'appliquer la loi, elle a à décider toutes les questions qui se présentent d'après les principes admis en matière d'interprétation des lois. Le gouvernement peut statuer, soit pour les cas particuliers, soit par des instructions générales qu'il donne à ses agents.

(page 960) Un texte est donc inutile pour accorder au gouvernement le droit de décider les questions que peut soulever l'application de la loi ; mais je pense que, si le texte était maintenu, on pourrait le considérer comme ayant une portée plus grande : on pourrait croire qu'il y a là une délégation du pouvoir législatif au gouvernement ; le gouvernement pourrait prétendre qu'il est investi du droit de décider légalement par des instructions dans les cas que la loi ne prévoit pas. Or, on ne peut pas abandonner un tel pouvoir au gouvernement ; le gouvernement peut juger d'après la loi, mais non par addition à la loi.

M. Coomans. - Je n'ai pas d'objections à faire aux observations de M. le ministre ; mais je lui demanderai, ainsi qu'à M. le rapporteur, pourquoi après le mot « exemption » on n'ajoute pas « ou de dispense. »

La dispense est. une innovation introduite dans le projet de loi ; il me semble qu'il faut en tenir compte quand vous parlez de l'exemption.

MiPµ. - Les motifs d'exemption intéressent les tiers ; si l'on mentionne ces motifs d'exemption, c'est pour que les miliciens soient avertis que par suite de prétention à des exemptions ils peuvent être appelés au service. Au contraire, quand il s'agit de dispense, d'autres miliciens ne peuvent pas être appelés pour remplacer les dispensés ; c'est l'armée qui les perd. Il n'y a donc pas le même motif de faire connaître les causes des dispenses.

M. Lelièvreµ. - Je dois proposer une observation que la rédaction de l'article me semble justifier. A défaut de l'inscrit, du père, de la mère, etc., un membre du collège, échevinal de sa commune tire pour lui ; mais qu'arrivera-t-il si le membre est absent ? En ce cas il faudrait énoncer, comme il est dit en l'article 15, qu'un titulaire d'une commune limitrophe remplacera le membre absent. Il est évident que la disposition inscrite à cet égard dans l'article 15 est également nécessaire pour le cas qui nous occupe.

MiPµ. - Je crois la chose complètement inutile. Un membre du collège échevinal de chaque commune, doit assister au tirage, et tire pour les miliciens absents. En cas d'absence de ce membre du collège échevinal, il est remplacé par un collègue, d'une commune voisine. Il est évident que ce suppléant aura les mêmes droits pour opérer le tirage pour les absents que le membre du collège, échevinal qu'il remplace.

M. Lelièvreµ. - Du moment qu'il est entendu que la disposition de l'article 15 : « en cas d'absence, etc., un titulaire d'une commune limitrophe le remplace », est applicable à notre article, mon observation vient à cesser ; mais elle était indispensable parce qu'il ne pût s'élever aucun doute, à cet égard, et je pense même qu'il eût été prudent d'insérer sur ce point une disposition formelle dans la loi, parce qu'il convient que les lois soient claires et précises sans qu'on soit obligé de recourir aux débats législatifs.

M. Coomans. - Je comprends bien qu'il n'y ait pas la même nécessité d'indiquer les motifs des dispenses que les motifs d'exemptions ; mais je ne vois pas pourquoi vous excluez la mention des motifs de dispense. Cela est moins nécessaire, je le veux ; mais ce n'est pas une raison pour supprimer complètement la mention des motifs de dispense.

MiPµ. - Il s'agit de prescrire une formalité. Si l'honorable M. Coomans pense que cette formalité doit être remplie, c'est à lui d'indiquer le motif pour lequel il la croit nécessaire. S'il n'y a aucune utilité, il ne faut pas imposer la formalité. Quant à l'exemption, j'indique le motif de la publicité ; c'est de faire connaître aussitôt que possible quels sont les miliciens dont l'exemption ferait partir un autre milicien.

Voila le seul motif de cette disposition.

Ces raisons n'existant pas pour les cas de dispense, je ne vois pas la nécessité d'appliquer la disposition à ces cas-là.

M. Coomans. - Je n'ai pas voulu développer longuement mes observations. Voici ma raison principale : Vous accordez dix jours à l'inscrit pour faire valoir ses motifs de dispense ; eh bien, quand on les aura inscrits, le jour même il aura satisfait à cette obligation, et il aura une pièce authentique qui vaudra beaucoup mieux que la déclaration verbale dont vous vous contentez.

Je maintiens donc que lorsqu'on aura fait mention, en regard de son numéro, des motifs de dispense, il aura satisfait à la formalité que vois exigez de lui par le paragraphe 5.

Je propose d'ajouter dans le dernier paragraphe de l'article les mots « ou de dispense » après le mot « exemption ».

MiPµ. - Je ne vois pas d'inconvénient à insérer les mots « ou de dispense » dans les derniers paragraphes de l'article ; mais cette disposition n'entraîne aucune conséquence. Lorsqu'on parle des moyens de libération fondés sur l'état de fortune, il ne s'agit pas de la dispense ; de sorte que la disposition de l'article 15 ne s'applique pas aux cas prévus par l'honorable M. Coomans.

- La discussion de l'article 18 et des amendements qui s'y rapportent est close.

Le premier paragraphe de l'article tel qu'il a été modifié par M. le ministre de l'intérieur est mis aux voix et adopté.

Le deuxième paragraphe, qui ne subit pas de modification, est mis aux voix et adopté.

Le troisième paragraphe est ensuite mis aux voix et adopté tel que M. le ministre de l'intérieur a proposé de le modifier.

Le quatrième paragraphe est supprimé, sur la proposition qu'a faite M. le ministre de l'intérieur.

L'amendement proposé par M. Coomans au paragraphe 5 est mis aux voix et n'est pas adopté.

Le paragraphe 5 est ensuite mis aux voix et adopté.

L'ensemble de l'article 18, tel qu'il a été modifié, est mis aux voix et adopté.

Article 19

« Art. 19. Le tirage au sort est définitif ; chaque milicien garde le numéro qui a été proclamé à l'appel de son nom.

« La liste de tirage est tenue en double expédition, l'une par le secrétaire, l'autre, par le membre du collège échevinal qui assiste à toute la durée de. l'opération. Ces deux expéditions sont arrêtées et signées par le commissaire d'arrondissement et par les deux personnes chargées de tenir les listes. »

- Adopté.

Article 20

« Art. 20. Celui qui, après avoir requis son inscription en temps utile, ou avoir été inscrit, soit sur réclamation, soit d'office, ne figure pas sur la liste définitive, arrêtée conformément à l'article 13, est appelé, par décision du gouverneur, à un tirage supplémentaire, lorsque l'erreur est reconnue dans l'année pendant laquelle elle a été commise. S'il prend un numéro compris dans le contingent, il libère, dès son incorporation, le porteur du plus haut numéro obligeant au service.

« Lorsque l'erreur est reconnue après l'expiration de l'année où elle a été commise, le milicien prend part au plus prochain tirage qui suit la constatation de l'erreur. »

MiPµ. - Messieurs, je propose de rédiger l'article comme suit :

« Lorsqu'il est reconnu, dans le cours d'une année, qu'un milicien, après avoir requis son inscription en temps utile ou avoir été inscrit, ne figure pas sur la liste définitive, il est appelé, par décision du gouverneur, à un tirage supplémentaire ; s'il prend un numéro compris dans le contingent, il libère, dès son incorporation, le porteur du premier numéro excédant le contingent. »

Pragraphe 2 sans changement.

La disposition doit s'appliquer à l'armée active et à l'armée de réserve.

Par conséquent, lorsque le tirage supplémentaire indique un numéro déjà compris dans le contingent, ce ne sera pas toujours le plus haut numéro qui sera libéré ; cela n'est vrai que pour l'armée active ; pour la réserve c'est, au contraire, le numéro le plus bas.

Le reste de l'amendement ne fait que modifier le texte sans rien changer au fond.

M. Couvreurµ. - Je voudrais demander, à propos de cet article, une explication à M. le ministre ou à M. le rapporteur.

Comment, pour égaliser les chances, procède-t-on dans le cas où le milicien qui n'a pas tiré en temps utile se présente après le tirage ?

Quel est le nombre de bulletins mis dans l'urne ?

Comment procède-t-on au premier tirage, lorsque le nombre des bulletins dans l'urne ne correspond pas au nombre des inscrits, soit en plus, soit en moins.

M. Orts. - Cela est dit dans la loi.

M. Couvreurµ. - A propos de l'ensemble du chapitre, j'aurai encore à prendre la parole. J'attendrai que l'article en discussion soit voté.

MiPµ. - Lorsqu'on fait un tirage supplémentaire, on met dans l'urne un nombre de bulletins égal à celui qui s'y trouvait lors du premier tirage.

Celui qui prend part au tirage supplémentaire tire un bulletin qui le placera nécessairement ou parmi ceux qui doivent faire partie du contingent ou parmi ceux qui sont libérés. Il n'y a qu'un cas où le tirage entre un milicien du premier tirage et le milicien pour qui se fait le tirage supplémentaire devrait avoir lieu, c'est le cas où celui-ci tire un numéro qui se trouve à l'extrême limite. Les porteurs des deux numéros doivent alors tirer entre eux.

(page 961) Mais c'est le seul cas où cette mesure est nécessaire.

Ainsi donc chaque fuis qu'il y a trop peu de numéros dans l'urne, on fait un tirage supplémentaire par le procédé que j'ai indiqué, et il n'y aurait lieu à un tirage entre ceux qui ont tiré en premier lieu et ceux qui auront tiré en second lieu, que s'ils se trouvent avoir le dernier numéro appelé à servir.

Maintenant je suppose qu'il y ait trop de numéros dans l'urne, alors l'ordre des numéros s'établit sans avoir égard à ceux qui sont restés dans l'urne.

M. Coomans. - Je ne comprends pas. Vous venez de dire que des cas se présenteront où un inscrit qui a tiré un bon numéro peut être obligé de tirer une seconde fois avec un autre qui aurait tiré le même numéro dans le tirage supplémentaire.

Cela me paraît excessivement grave. Vous portez un dommage ; vous supprimez un droit acquis. Il se peut que ce soit le meilleur numéro que vous annuliez.

MiPµ. - Posons bien le cas. Cent miliciens sont appelés au tirage, 30 doivent marcher. Si donc on met 100 billets dans l'urne et que les 100 miliciens viennent tirer, les 30 individus qui auront les 30 premiers numéros partiront, les autres seront libérés.

Mais je suppose que l'on n'ait mis que 99 numéros dans l'urne. Un milicien n'en aura pas. Il est évident que l'on doit faire à ce milicien exactement la même situation qu'à ceux qui ont tiré d'abord. Pour atteindre ce but on fait un tirage supplémentaire, on met dans l'urne les 100 numéros, le milicien en tire un.

S'il prend, par exemple, le numéro 50, il est inutile d'aller plus loin ; il est exempt. S'il a le n°10, c'est tout simple, le milicien fait partie du contingent. Celui qui, dans ce cas, a le n° 30, est libéré par l'intercalation du nouveau numéro 10.

En effet, nous aurons alors les 29 miliciens ayant, pris les numéros 1 à 29, plus celui qui aura pris une seconde fois le numéro 10, ce qui fait les 30 hommes du contingent.

Mais voici la difficulté qui peut se présenter :

Que faut-il décider si le milicien qui lire en dernier lieu prend le n°30 ? Il est clair que, dans ce cas, l'un des deux miliciens qui ont pris le n°30 ne doit pas partir. Si l'erreur n'avait pas été commise, celui qui a pris d'abord le n°30 devrait partir, c'est une heureuse chance pour lui de voir arriver un tirage supplémentaire, et de voir tirer à nouveau le n°30 parce que par l'effet de ce tirage supplémentaire, au lieu d'être certain de partir, il a une chance sur deux d'être exempté. Un nouveau tirage entre les possesseurs des deux n°30 décide celui qui doit partir.

Si, au lieu d'un billet de moins, il y a un billet de plus que le compte, le billet resté dans l'urne ne compte pas. S'il y a 101 billets et que le n°10 reste dans l'urne, le n°11 est censé suivre le n° 9 et le n°31 est appelé à servir ; si c'est le n°5 qui n'a pas été tiré, les 30 premiers numéros sont appelés au service.

M. Muller, rapporteurµ. - On a demandé comment l'on procédait. A la page 35 du rapport divers cas sont prévus et l'on a expliqué le mode usité actuellement pour les tirages supplémentaires.

- L'article, rédigé comme l'a proposé M. le ministre, est adopté.

M. Couvreurµ. - La Chambre, par le rejet de la proposition de l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu, a décidé en principe le maintien du tirage au sort.

M'inclinant devant ce vote, je n'ai pas essayé, à propos du chapitre, qui vient d'être adopté, de revenir sur la question, bien que j'eusse pu me prévaloir de cette circonstance que le système que je comptais proposer, la substitution des examens au tirage au sort, ne devait entrer en vigueur, dans ma pensée, que d'ici à quelques années. Le vote eût été probablement le même que celui qui a été émis pour le maintien du tirage au sort. Or, je ne veux pas faire perdre du temps à la Chambre. Du reste, je sais parfaitement qu'un système, si juste qu'il soit, et à coup sûr le mien est plus juste que le tirage au sort, ne peut pas faire son chemin et prévaloir dans les esprits du jour au lendemain. Je m'en rapporte à l'avenir.

Je persiste à croire qu'il est beaucoup plus simple, plus logique, plus rationnel, plus économique d'instruire l'enfant qui ne gagne rien et qui ne coûte rien à l'Etat, que d'instruire à grands frais l'adulte dont le travail est indispensable à lui-même et à la société. Cette vérité fera triompher le principe que j'ai pris la liberté de développer dans la discussion générale.

Pour le moment, je me bornerai à présenter un amendement qui emprunte à mes idées ce qu'elles ont d'immédiatement réalisable. Il réduit de trois et de six mois la durée du service pour les miliciens qui connaissent les premiers éléments du service militaire. Cet amendement se placerait à l'article 73 et serait ainsi conçu :

« Les miliciens qui, en arrivant à leurs dépôts respectifs, possèdent les connaissances militaires comprises dans l'école de soldat, peuvent être renvoyés immédiatement dans leurs foyers pour un terme de trois mois.

« Le congé sera de six mois si, outre ces connaissances, le milicien possède celles de l'école de compagnie.

« Les autres miliciens ou remplaçants ne peuvent être envoyés en congé illimité qu'après avoir passé au moins vingt-quatre mois sons les drapeaux, d'après le mode déterminé par le ministre de la guerre et sous la réserve de leur rappel pendant un mois durant trois années. »

- M. Moreauµ remplace M. Dolez au fauteuil.

Chapitre IV. Des exemptions

Intitulé du chapitre

MiPµ. - Je crois, messieurs, qu'il faudrait intituler ce chapitre : « Des exemptions des dispenses d'incorporation et des exclusions ».

M. Coomans. - Me plaçant exclusivement au point de vue de la justice et du principe fondamental de la Constitution qui est l'égalité de tous les citoyens devant la loi, je ne puis admettre aucune exemption, aucune dispense.

Vous comme moi, messieurs, vous avez pu depuis longtemps, vous assurer des graves difficultés que crée le système des exemptions et des dispenses, non seulement dans la pratique mais même en théorie. Ce système me paraît injustifiable.

Cependant, ne voulant pas non plus forcer personne à servir contre son gré, n'admettant pas le service obligatoire, j'ai cru lever toute difficulté en vous proposant d'admettre, un système de remplacement facultatif, c'est-à-dire à la portée de tous les Belges.

Je voudrais donc qu'il fût permis et possible à tous mes concitoyens, grands et petits, aux petits surtout, de se remplacer quand leur vocation militaire ne serait pas prononcée.

Je vous ai donc proposé la libération de tous les miliciens tombant au sort, moyennant l'abandon d'un dixième de leur revenu ou du revenu de leur famille une fois payé.

Si vous adoptez ce système, vous obtiendrez des résultats financiers très satisfaisants et, d'autre part, vous aurez respecté la liberté de tous les Belges.

Dès ce moment, vous pouvez supprimer toutes les exemptions et toutes les dispenses.

Il va de soi qu'ennemi déterminé que je suis du service forcé, je ne puis toutefois accepter le remplacement tel que vous le laissez pratiquer aujourd'hui. Jamais je ne pourrai admettre qu'on puisse demander les mêmes sacrifices financiers aux pauvres et aux riches, en d'autres termes qu'il n'y ait qu'un seul prix de remplacement, lequel est ou sera bientôt de 1,600 fr.

Admettre le remplacement uniforme, soi-disant égalitaire, mais qui est la plus criante des inégalités, cela est moralement impossible.

Il faut le remplacement mis à la portée de tous les Belges. Ce remplacement-là, je le propose en termes formels, à titre de question de principe et, dès lors, vous pourrez supprimer toutes vos exemptions et toutes vos dispenses, car il sera toujours facile à toutes les familles, quel que soit leur état de fortune, d'abandonner, pour chacun de leurs fils, la dixième partie de leur revenu annuel une fois donnée.

Je crois que ce système est le seul qui puisse sauver votre régime favori de la conscription ; si vous maintenez l'injuste système qui existe aujourd'hui et que vous préconisez, c'est-à-dire si vous maintenez le criant privilège de la fortune, l'énorme privilège dévolu aux riches de ne pas servir la patrie, à eux qui ont le plus grand intérêt à la servir, vous rendrez de jour en jour plus impopulaire votre conscription déjà si odieuse.

Avec le remplacement facultatif mis à la portée de toutes les familles, vous sauvez votre loterie militaire et quelque chose qui vaut infiniment mieux, la justice.

MiPµ. - Je dois répondre un mot à l'honorable Coomans.

Il propose d'admettre le remplacement de droit pour tous ceux qui viendront verser au trésor le dixième de leur revenu.

L'honorable membre aurait d'abord dû calculer quelles ressources il tirerait de cet impôt nouveau et quelle somme l'Etat devrait débourser pour obtenir le remplacement dont il parle.

Je doute fort que le dixième du revenu puisse jamais atteindre une (page 962) somme assez considérable pour se procurer les hommes nécessaires à l'armée.

Mais je trouve ce système excessivement inique.

Dans une famille où il n'y a qu'un fils, on payerait une fois un dixième du revenu et dans celles où il y en a plusieurs, on payerait plusieurs fois le même impôt.

Cela me paraît injuste.

M. Coomans. - Aujourd'hui aussi.

MiPµ. - Aujourd'hui la base de l'impôt c'est la personne, c'est le nombre d'individus mâles ayant 19 ans. On perçoit l'impôt des personnes là où il y a un individu à incorporer. Mais si vous convertissez l'impôt personnel en un impôt sur les choses, vous devez imposer d'après les fortunes et ne plus prendre seulement ceux qui doivent le service militaire. Il n'y a pas d'autre système possible dans l'hypothèse où l'honorable membre se place, que le système de l'impôt général qu'a présenté M. Vermeire. (Interruption.)

Je comprends que, réduisant tout à une question d'argent, on veuille prendre l'argent partout, sur toutes les branches de richesse qu'atteint notre système d'impôts. Mais ce système a été discute et on a démontré qu'il était impraticable.

Le système de M. Coomans est plus inadmissible ; il a les mêmes inconvénients quant à la difficulté de former l'armée, et il a encore l'inconvénient de convertir l'impôt personnel en un impôt d'argent, et de ne pas prendre l'argent là où est la fortune.

Il faut remarquer que dans ce système, les classes inférieures ne fourniraient plus rien à l'armée.

M. Coomans. - Il fournirait le dixième du revenu.

MiPµ. - Beaucoup de miliciens n'ont aucune espèce de revenu ; ceux-là, M. Coomans les exempte.

M. Coomans. - Je n'exempte personne.

MiPµ. - Avec votre système vous arrivez à décharger complètement certaines catégories de citoyens.

Le système actuel ne conduit pas à de semblables résultats.

Le remplacement tant attaqué a pour effet de fournir à l'Etat ce qu'il exige, ce dont il a besoin, la prestation d'un homme.

Il y a plus. En cas de remplacement, l'Etat fait un bénéfice, parce que non seulement il a à l'armée l'homme dont il a besoin, mais il aura encore pour sa réserve celui qui a été remplacé.

M. Coomans. - J'admets aisément qu'on ne soit pas de mon avis, mais je tiens à ce qu'on ne dénature pas mes idées.

L'honorable ministre m'accuse de vouloir exempter tous les pauvres et il trouve la preuve de ce qu'il avance dans le désir que j'exprime de voir toutes les familles payer un dixième de leur revenu.

Mais, dit-il, il y a un grand nombre de familles qui n'ont pas de revenus !

Je n'en connais pas. Dans ma pensée, les familles ouvrières ont un revenu et un revenu facile à apprécier. Je suppose une famille ouvrière pauvre : elle a bien 1,200 fr. de revenu. (Interruption.) 1,200 fr. de revenu de son travail.

Eh bien, celle famille sera taxée à 120 fr. si elle veut se libérer du service militaire et ces 120 fr. elle les trouvera.

Donc, dans mon système, il n'y aura personne d'exempté.

Si l'honorable ministre me demandait comment j'évaluerais l'état des fortunes, je lui répliquerais par ces mots : Comment le faites-vous vous-même ? Ainsi, à propos des exemptions et dispenses, vous nous avez laissé entrevoir une longue échelle, sur laquelle se trouveront marquées graduellement toutes les fortunes en Belgique ; et vous avez fait remarquer que, dans bien des cas, il vous sera difficile de juger si telle famille a moins de revenu que telle autre.

Cette objection, si vous me la faites, ne me touchera donc pas, car c'est vous le premier qui l'avez fait surgir.

Vous avez établi l'échelle des fortunes ; eh bien, je m'en rapporte au système que vous pourrez formuler à cet égard.

Une autre erreur commise par l'honorable ministre est celle-ci : c'est que je veux transformer le service personnel en prestation financière. Il n'en est rien ; encore une fois, je ne modifie rien. Aujourd'hui par la faculté du remplacement que vous maintenez, vous transformez le service personnel en impôt argent.

Cela me paraît lumineusement indiscutable. Ce n'est pas l'ordre de marche que vous déterminez par votre tirage au sort. Cela pouvait être vrai du temps de Napoléon Ier, quand tout le monde marchait. Mais maintenant la question est de savoir si l'on payera oui ou non 1,500 francs, c'est-à-dire que vous demandez le même impôt au riche et au pauvre. Cela me paraît tout à fait inadmissible.

Voilà les deux objections, les seules objections que m'ait faites M. le ministre de l'intérieur ; je les trouve toutes deux non seulement inexactes, mais tout à fait contraires à ma pensée. Je déclare qu'il m'est impossible d'adopter le remplacement, si vous ne le mettez pas à la portée de tous les Belges.

- Le nouvel intitulé du chapitre IV, proposé par M. le ministre, est mis aux voix et adopté.

Article 21

« Art. 21. Les dispositions du présent chapitre s'appliquent indistinctement au service qui doit s'accomplir dans la partie active du contingent et à celui qui doit s'effectuer dans la réserve, sauf les restrictions établies par l'article 26, en ce qui concerne, les effets de ce dernier service, quant à l'exemption des frères.

« Les exemptions et dispenses ne peuvent, sous aucun prétexte, être étendues par analogies.

« Les exemptions du chef de parenté ne s'appliquent qu'à la parenté légitime ; les frères consanguins et utérins sont assimilés aux frères germains.

« Les infirmités et les maladies qui donnent droit à une exemption, soit définitive, soit temporaire, sont déterminées par un arrêté royal.

« Les exemptions autres que celles qui résultent du paragraphe précédent et du défaut de taille ne sont accordées par le conseil mentionné à l'article 29 que sur la production de certificats dont il apprécie la valeur. »

MiPµ. - Le paragraphe dernier porte : « Les exemptions autres que celles qui résultent du paragraphe précédent, etc.. » Je propose de dire : « Les exemptions autres que celles qui résultent de maladies, d'infirmités et du défaut de taille, etc. » Ces exemptions, en effet, ne sont pas prononcées par l'article précédent, mais par un article ultérieur.

M. Coomans. - Les exemptions du chef de parenté ne s'appliquent qu'à la parenté légitime.

J'ai dit l'autre jour qu'il me semblait que, le principe de l'exemption étant admis, il fallait exempter également le fils naturel qui est le soutien, l'indispensable soutien de sa mère.

M. De Fréµ. - Quand il a été reconnu.

M. Coomans. - Je parle uniquement de la mère.

Je pourrais vous citer bien des cas où, vous plaçant au point de vue de l'humanité, vous devez reconnaître qu'un fils naturel est aussi indispensable à sa mère que peut l'être un fils légitime.

Et veuillez remarquer que vous courez le risque d'accumuler injustices sur injustices. Vous ne le savez que trop, vous créez, vous, par votre loi, une foule de parentés illégitimes. Vous empêchez le milicien de se marier avant l'âge de 26 ans ; très souvent l'état d'enfant illégitime n'est imputable ni au père, ni à la mère. C'est à ces cas-là que. je fais allusion.

M. le ministre de la guerre pourra vous dire combien de demandes d'autorisation en mariage il reçoit et refuse chaque année, et combien de demandes ne parviennent pas jusqu'à lui. Soyez persuadés qu'un grand nombre d'enfants illégitimes proviennent de la milice.

Vous allez mettre ces victimes, créées par votre loi, dans un état d'infériorité marquant vis-à-vis du fils légitime.

Je suppose un milicien qui a contracté le devoir de se marier pendant les six années que vous le dépouillez injustement du plus sacré des droits naturels et civils ; il meurt avant qu'il ait obtenu l'autorisation de se marier.

Est-ce la faute de la mère si l'enfant est demeuré illégitime ? Ainsi, parce que vous avez mis le père dans l'impossibilité de se marier, vous privez son enfant du droit de secourir sa mère. Je trouve cela une iniquité abominable ?

Le but avoué et honorable de nos lois est de favoriser les unions légitimes, soit, mais ne devriez-vous pas avoir égard aux cas qui sont la conséquence même de votre loi ?

Est-ce la faute du milicien s'il ne s'est pas marié, s'il n'a pas légitimé son enfant ? Vous l'avez empêché de se marier, avant que la faute fût commise et vous l'empêchez encore de se marier après que la faute est commise. Vous dites : C'est un bâtard.

Est puis, parce que vous avez empêché le mariage, vous séparez l'enfant de sa mère à l'âge de 20 ans. C'est là, je le répète, une injustice abominable. (Interruption.)

Je suppose toujours le cas où il n'y a pas faute, ni de la part du père, ni de la part de la mère, où les vœux des deux fiancés étaient d'accord avec (page 963) les intentions des deux familles, et où ces vœux et ces intentions n'ont pu être réalisés uniquement par le fait de votre loi.

Eh bien, je trouve qu'il faudrait au moins, comme une petite atténuation, adopter ma proposition qui est d'exempter l'enfant naturel, quand il est l'indispensable soutien de sa mère.

MiPµ. - Messieurs, je ne puis, en aucune manière, me rallier à l'amendement de l'honorable M. Coomans.

L'enfant est certainement innocent de sa naissance. Il n'est pas responsable de la légitimité ou de l'illégitimité de son origine.

Cependant, pour maintenir la famille, nos lois n'accordent pas à l'enfant naturel, vis-à-vis de ses parents, les mêmes droits qu'à l'enfant légitime.

Ne fallût-il maintenir qu'une conséquence de réciprocité, on ne devrait pas accorder au père ou à la mère naturelle les mêmes droits qu'aux parents légitimes. Il y a ici une raison bien plus forte que celle qui frappe l'enfant innocent ; ses parents sont, eux, capables d'une faute.

Je ne veux pas discuter ici la question de savoir s'il faut empêcher les miliciens de se marier.

M. Coomans. - C'est la question.

MiPµ. - Ce n'est pas la question. Nous pourrons discuter ce point quand nous serons arrivés au chapitre relatif au mariage des miliciens. Mais quelle que soit la solution adoptée à cet égard, nous devons prendre en ce moment une décision sur les droits de la mère naturelle.

M. Coomans exagère l'effet que la prohibition faite aux miliciens de contracter mariage exerce sur le nombre des naissances légitimes. Il est certain que ces naissances n'ont aucune espèce de proportion avec les faits qu'il a cités.

Il n'y a pas un enfant naturel sur cent qui doive le vice de sa naissance à la prohibition que l'honorable membre invoque, de sorte que c'est un petit côté de la question que celui qu'il introduit dans le débat.

M. Coomans. - Nous en connaissons beaucoup.

MiPµ. - Il est possible que M. Coomans en connaisse beaucoup, mais je dois dire que j'ai la complète certitude que le fait qu'il indique ici n'est qu'un bien petit fait dans la question générale des naissances illégitimes.

II importe, messieurs, de ne pas venir dans la loi actuelle transformer toutes nos lois sur la famille et cela d'une manière vraiment déplorable.

Je suis certain que si l'on proposait aujourd'hui à la Chambre de donner à tous les enfants naturels les mêmes droits de succession qu'aux enfants légitimes, on serait unanime pour repousser cette proposition, qui aurait pour effet de donner à la parenté naturelle les mêmes avantages qu'à la parenté légitime et de mettre sur la même ligne le mariage et la cohabitation illégitime.

Eh bien, vous ne voudriez pas admettre cette parité pour l'enfant et vous voudriez l'établir pour la mère coupable ! Je dis que c'est impossible.

M. Coomans. - C'est la loi qui est coupable.

MiPµ. - Une loi qui aurait des conséquences pareilles ne. serait pas une bonne loi.

Vous devez maintenir la constitution de la famille et si vous la maintenez pour les successions, vous devez la maintenir également quand il s'agit d'accorder la faveur de l'exemption.

M. Lelièvreµ. - En ce qui me concerne, il m'est impossible de me rallier au système de l'honorable ministre de l'intérieur. Je pense que l'enfant naturel reconnu doit jouir de l'exemption non moins que l'enfant légitime, au moins lorsqu'il pourvoit à la subsistance du père ou de la mère qui l'a reconnu. Cette reconnaissance peut résulter soit d'un acte authentique, soit de la possession d'état.

Ne perdons pas de vue. que d'après le code civil, le père et la mère naturels jouissent des droits de l'autorité paternelle sur la personne et les biens de l'enfant qu'il ont reconnu. Or, si semblables relations existent entre les parents et l'enfant naturel, il est évident que l'exemption de l'enfant qui pourvoit à la subsistance de ses parents naturels doit être maintenue. Je pense donc que le paragraphe second de l'article 21 en discussion est trop général et doit subir une modification réclamée par la justice et l'équité. Ne perdons pas de vue que l'enfant naturel est tenu de donner des aliments à son père ou à sa mère. Or, si le service de la milice s'oppose à ce que cette obligation soit remplie, si les secours de l'enfant sont indispensables à l'existence du père ou de la mère, l'exemption est fondée sur des motifs irrécusables.

M. De Fréµ. - Avant que M. Coomans ne prît la parole, j'étais résolu à faire les observations présentées par cet honorable membre ainsi que celles présentées par l'honorable M. Lelièvre.

Il y a à distinguer entre le droit de succession et le droit aux aliments.

Il est certain que, d'après la loi, l'enfant naturel n'est pas mis sur la même ligne que l'enfant légitime lorsqu'il s'agit de succession. Mais l'enfant naturel est mis sur la même ligne que l'enfant légitime lorsqu'il s'agit d'aliments à fournir à sa mère naturelle.

Pourquoi exemptez-vous l'enfant unique, lorsqu'il est le soutien de ses parents ?

C'est pour pouvoir leur donner des aliments par son travail. Eh bien, vous devez logiquement accorder la même exemption à l'enfant naturel, lorsque sa mère a besoin de son soutien. La loi lui dit : Vous devez nourrir votre mère, et vous l'empêchez de remplir son devoir. Vous voulez qu'il méconnaisse la loi.

Messieurs, la question est toute simple, il ne s'agit pas ici de mariage ; il s'agit de besoin. Or, si le besoin est constaté pour l'enfant naturel, il doit jouir des mêmes avantages que l'enfant légitime.

Du reste, nous sommes aujourd'hui à une époque de civilisation où l'ostracisme dont autrefois étaient frappés les enfants naturels n'est plus compris, n'est plus dans nos mœurs. Nous devons être humains, et ce sont les administrations publiques qui seront les premières à demander que la mère naturelle soit nourrie par son enfant naturel, afin qu'elle ne tombe pas à la charge du bureau de bienfaisance. Le cas s'est présenté ; les administrations publiques sont les premières à reconnaître que les enfants soutiennent leurs parents afin qu'ils n'aient point recours à la charité publique.

J'appuie donc les observations de l'honorable M. Coomans ainsi que celles de l'honorable M. Lelièvre. Je crois qu'il n'y a pas de distinction à faire et que M. le ministre a tort de confondre les successions avec les aliments. Ce sont deux ordres d'idées complètement distincts.

M. Coomans. - Après les justes remarques présentées par l'honorable M. Lelièvre et par l'honorable M. De Fré, je vous soumettrai encore celles-ci :

C'est avec un vif étonnement que j'entends l'honorable ministre, me combattre au nom de la morale. Ce serait, dit-il, une chose immorale que de mettre, à ce point de vue-ci, l'enfant illégitime sur la même ligne que l'enfant légitime. Mais l'honorable ministre n'a pas répondu à mon objection capitale, qui est que c'est le gouvernement et la loi qui ont créé cet état de bâtardise. Quand on vient vous demander, au nom de la morale, de laisser des miliciens épouser les femmes qu'ils ont le devoir d'épouser, vous écartez régulièrement toutes ces demandes.

Cet état d'illégitimité n'est pas imputable à la femme, ni même au milicien. La plupart du temps, ce dernier ne désire pas mieux que de pouvoir rendre à la morale cet hommage que l'honorable ministre l'accuse de lui refuser. Si donc la morale est blessée, c'est par vous.

Mais, dit l'honorable ministre, il ne s'agit pas ici de question de mariage.

Eh, messieurs, il ne s'agit pas d'autre chose. Laissez les miliciens épouser les femmes dont il s'agit ; donnez-leur cette permission et je retire tout de suite ma proposition.

- Des membres. - Non ! non !

M. Coomans. - Je comprends l'interruption. Il est vrai que je ne serai pas tout à fait logique, si je retirais ma proposition, parce qu'il y a beaucoup d'autres cas encore, ainsi que vient de le démontrer plus particulièrement l'honorable M. De Fré, où le fils illégitime a le pouvoir et toujours le devoir de fournir des aliments à sa mère.

Donc je puis maintenir en thèse générale ma proposition, mais je suis beaucoup plus fort, lorsque je la base sur la thèse de l'honorable ministre.

M. le ministre vous parle au nom de la morale, et moi aussi. Je lui prouve que la raison pour laquelle on fait à cette mère un crime de l'illégitimité de son enfant est mauvaise, puisque l'illégitimité est le fait de la loi.

En conséquence, je maintiens purement et simplement ma proposition.

MiPµ. - J'avoue que je. ne comprends pas que l'honorable M. De Fré vienne parler des progrès de la civilisation, à propos de la question actuelle. On croirait, à l'entendre, que c'est une disposition barbare que celle qui fait une distinction, dans nos lois, entre la parenté légitime et la parenté illégitime.

Si telle est son appréciation, je dois lui déclarer que ce n'est pas du tout la mienne, et je crois, au contraire, que le maintien de la constitution de la famille indique un état de civilisation plus avancée que tout système dans lequel les lois de la famille ne sont pas respectées.

M. Coomans part évidemment d'un point de vue spécial : du désir de faire prévaloir une de ses idées favorites, la liberté du mariage des miliciens ; il voit là tout le débat et il serait prêt à renoncer à son système si M. le ministre de la guerre voulait permettre aux miliciens de se marier.

(page 944) Ne préjugeons pas cette question, mais supposons qu'elle soit résolue dans le sens de l'honorable M. Coomans ; il abandonnerait donc tous les autres enfants illégitimes.

Mais voyez jusqu'à quel point l'honorable M. Coomans pousse l'exagération : parce qu'il n'y aurait qu'un seul milicien dans le cas dont il s'occupe, il voudrait dispenser tous les autres enfants illégitimes au préjudice des miliciens qui devraient partir à leur place.

Mais, messieurs, les honorables membres ne se sont pas rendu compte de la portée de la proposition.

Ainsi il n'y a pas seulement le cas d'un enfant unique, soutien de sa mère ; il y a encore l'exemption des frères ; admettra-t-on l'enfant naturel à faire partie de la famille ? L'enfant unique naturel ; l'exemptera-t-on dans tous les cas comme l'enfant unique légitime ? L'enfant unique naturel doit-il être aussi exempté s'il est le soutien de son aïeul ? S'il doit entrer dans la famille pour le calcul des frères qui sont exemptés, on va entrer dans un système tout nouveau ; on va détruire le lien de la famille. On va placer celle-ci sur une nouvelle base qui ne serait pas une base morale : le fait naturel de la cohabitation au lieu du fait légal du mariage. Si la Chambre adoptait ces idées, elle devrait bouleverser tout le code civil.

- La séance est levée à 4 3/4 heures.