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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 17 mars 1869

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1868-1869)

(Présidence de M. Dolezµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 641) M. Van Humbeeck, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Dethuin, secrétaireµ, donne lecture du procès-verbal de la séance précédente.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Van Humbeeck présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Des habitants de Baudour présentent des observations sur les conclusions du rapport de la section centrale au sujet des pétitions relatives au chemin de fer de Saint-Ghislain à Ath. »

M. Descampsµ. - Je propose le dépôt de cette pétition sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux publics.

- Adopté.


« Le sieur Sobry demande que les listes des électeurs soient faites par ordre alphabétique pour chaque arrondissement électoral. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif à la formation des listes électorales.


« Des fabricants a Renaix présentent des observations sur le projet de loi concernant les livrets d'ouvriers. »

M. Maghermanµ. - Messieurs, je proposerai le renvoi de cette pétition à la section centrale chargée de l'examen du projet de loi relatif aux livrets d'ouvriers, et le dépôt sur le bureau pendant la discussion de ce projet.

- Adopté.


« M. le gouverneur du Hainaut adresse à la Chambre 124 exemplaires d'une annexe au rapport annuel de la députation permanente sur la situation administrative de la province de Hainaut pendant l'année 1867. »

- Distribution aux membres de la Chambre.


« M. le directeur de la Banque de Belgique envoie 128 exemplaires du compte rendu des opérations de la Banque pendant l'exercice 1868. »

- Dépôt à la bibliothèque et distribution aux membres de la Chambre.


« La société centrale d'agriculture adresse à la Chambre 125 exemplaires du mémoire de M. Sailly, instituteur public à Northeulinghem (Pas-de-Calais) relatif à l'enseignement agricole dans les écoles rurales. »

- Même décision.


« M. Moncheur, forcé de s'absenter pour affaires urgentes, demande un congé d'un jour. »

- Accordé.

Projets de loi de naturalisation

M. de Brouckere. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau 18 projets de lois ayant pour objet d'accorder la naturalisation ordinaire a 18 personnes dont les demandes ont été prises en considération par la Chambre et par le Sénat.

Je dépose encore un projet de la même nature concernant le sieur Callinus, drogman, à Constantinople. Ce projet de loi renferme quelques dispositions spéciales rendues nécessaires par la position du pétitionnaire.

Enfin je dépose sur le bureau un projet de loi de grande naturalisation.

Rapports sur des demandes en naturalisation

M. Mouton dépose des rapports sur deux demandes de naturalisation ordinaire.

M. de Rossiusµ dépose trois rapports sur autant de demandes en naturalisation.

M. Bouvierµ dépose plusieurs rapports sur des demandes en naturalisation ordinaire.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ces projets et rapports, et les met à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi relatif à la formation des listes électorales

Discussion des articles

Chapitre premier. De la révision annuelle des listes électorales

Article 9

M. le président. - La discussion continue sur l’article 9.

M. Tack. - Messieurs, l'article 9 porte que les listes seront envoyées au commissaire d'arrondissement dans les 24 heures après leur clôture définitive. Il est évident que cela est matériellement impossible ; des dispositions analogues se trouvent dans nos lois électorales actuelles et jamais il n'y est donné exécution ; on est d'accord même pour dire que ce n'est là qu'un délai d'administration, un délai d'exécution.

Il en résulte qu'il s'écoule souvent un temps assez considérable avant que les listes soient transmises aux commissaires d'arrondissement.

Aujourd'hui la difficulté sera bien plus grande, parce que les secrétaires communaux auront une besogne beaucoup plus forte.

Dans l’état actuel des choses, ils sont tenus d'envoyer au commissaire d'arrondissement seulement les listes générales, celles pour les élections a la Chambre et au Sénat.

Mais il n'en est pas de même des listes provinciales et des listes communales.

D'après la loi actuellement en vigueur, les listes générales seules sont envoyées aux commissaires d'arrondissement.

Les listes provinciales sont envoyées à la députation permanente et les listes concernant la commune restent au secrétariat de la commune.

D'après le projet de loi, tout convergera vers le commissaire d'arrondissement. D'après l'article 9, toutes les listes doivent lui être transmises dans les vingt-quatre heures après la clôture définitive. Pour mon compte, je préférerais, à ce délai d'administration, d'exécution, un délai de rigueur, dans lequel les administrations seraient obligées de transmettre les listes aux commissaires d'arrondissement.

De cette manière, on éviterait l'arbitraire, on saurait au juste a quoi s'en tenir.

Je crois qu'au lieu de dire dans les 24 heures, on ferait bien de dire, par exemple, dans les cinq jours. On ne risquerait rien de prendre un délai convenable, puisque aujourd'hui la révision des listes électorales dure neuf mois.

La besogne des secrétaires communaux va, je le répète, augmenter. Il est remédié jusqu'à un certain point à la brièveté du délai, par l'amendement qui a été déposé l'autre jour par l'honorable M. Vandenpeereboom ; mais cela ne suffit pas.

Il me semble, messieurs, qu'il serait utile de modifier la disposition que j'indique.

On a dit que les choses vont changer de face et que nous aurons désormais une seule liste à trois colonnes ; une colonne dans laquelle figureront les électeurs qui ont droit à participer aux élections générales, une seconde pour les électeurs provinciaux et une troisième pour les électeurs communaux.

Je ne sais si cela serait pratique. J'ignore si l'intention de M. le ministre de l'intérieur est de faire appliquer ce système, aussi bien aux communes rurales où les listes sont entièrement distinctes, ou si son idée ne s'applique qu'aux listes des communes de 15,000 âmes et au-dessus.

Il est à remarquer que dans ce système on aura des élections qui figureront deux fois sur les listes, savoir : pour les élections provinciales et pour les élections communales.

Si j'ai bien saisi la pensée de M. le ministre, les choses se passeront de telle manière que lorsqu'il y aura lieu de faire une élection communale on ajoutera à la liste générale les électeurs qui figurent dans la colonne supplémentaire pour les électeurs communaux, et que lorsqu'il sera question d'une élection provinciale, on réunira aux électeurs pour la Chambre ceux qui figurent dans la colonne des électeurs provinciaux.

J'ai des appréhensions au point de vue de la question de savoir si l'on pourra facilement dresser des listes comme l'a dit l'honorable ministre de l'intérieur.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - C'était pour aller au-devant de l'objection que M. Tack vient de faire que j'ai proposé un amendement à l'article 5.

J'ai demandé qu'on laissât aux administrations communales un certain délai pour statuer sur les réclamations ; la Chambre a adopté cet amendement. Il me semble que le délai arrêté est suffisant ; s'il était reconnu qu'il ne l'est pas, au second vote on pourrait le prolonger d'un jour ou deux.

Je crois donc que l'observation de M. Tack n'est pas fondée et qu'il n'y a pas lieu d'amender le projet dans le sens qu'il indique.

Quant aux listes dont a parlé M. le ministre de l'intérieur, avant de pouvoir les juger, il faudrait les voir. Mais, de même que M. Tack, je crains qu'une liste unique, divisée en colonnes, devant nécessairement comprendre un certain nombre de colonnes pour la justification du payement du cens, ne donne lieu à certains inconvénients qui rendraient le contrôle (page 642) plus difficile. Du reste, je le répète, je ne me prononce pas sur ce point : pour pouvoir juger ce système, il faudrait le mieux connaître.

Du reste, le travail des administrations communales ne sera pas aussi considérable que semble le croire M. Tack : dans les communes rurales, le nombre des électeurs est peu considérable, et dans les grandes communes il y a dans les secrétariats un nombre assez grand d'employés pour faire le travail.

M. Jacobs. - J'ai à présenter une observation dans un autre ordre d'idées.

L'article 9 prescrit l'envoi des doubles des rôles et des listes ainsi que toutes les pièces justificatives au commissariat d'arrondissement ; les listes restent aussi au secrétariat communal.

Le but de cette double disposition est, d'une part, de permettre à tout le monde d'en prendre connaissance, en second lieu de faciliter au commissaire d'arrondissement l'exercice de son droit d'appel.

Mais, ainsi que l'a fait observer la députation de la Flandre orientale dans la pétition qu'elle nous a adressée, il serait utile et même nécessaire que la députation ait en sa possession toutes les pièces. Elle devient, remarquez-le, une juridiction en premier ressort ; il faut donc nécessairement que toutes les pièces lui soient remises, qu'elle ait les listes, les rôles et tous les documents accessoires. Dans ces conditions, il me semble qu'on satisferait à toutes les exigences en laissant ces pièces pendant huit jours entre les mains du commissaire d'arrondissement, et en décidant qu'après ces huit jours elles seront transmises aux députations permanentes.

Le commissaire d'arrondissement aura le temps voulu pour exercer son contrôle et la députation permanente, juridiction en premier ressort, pourra désormais se livrer à son travail, étant en possession de toutes les pièces. C'est dans ce but que je propose d'ajouter à l'article 9 un paragraphe ainsi conçu :

« Huit jours après la réception des pièces au commissariat d'arrondissement, elles seront transmises au greffe provincial. »

Au greffe provincial, elles seront à la disposition de la députation permanente, et l'on pourra même, en votant l'article 10, spécifier quelles y resteront à l'inspection d'un chacun.

- L'amendement est appuyé ; il fait partie de la discussion.

M. Tack. - A propos de l'amendement présenté par M. Jacobs, je me demande s'il ne serait pas bon de laisser au moins les pièces au commissariat d'arrondissement jusqu'après le délai fixé pour la réclamation en première instance, c'est-à-dire jusqu'au 25 septembre.

Il faut bien que les intéressés aient le droit de consulter les pièces ; cela est nécessaire. Mais je crois aussi avec l'honorable membre que les députations permanentes qui sont appelées à juger en premier ressort doivent pouvoir prendre communication des listes et des rôles, qu'elles aient toutes les pièces du dossier sous les yeux.

Aujourd'hui les administrations communales jugent d'après ces documents ; les députations permanentes ont été substituées en première instance aux conseils communaux ; il faut donc qu'elles puissent s'éclairer au moyen des documents dont elles ont un besoin indispensable pour asseoir leur jugement.

Quant à l'observation de l'honorable M. A. Vandenpeereboom, j'ai fait remarquer moi-même que l'amendement qu'il a présenté à l'article 5 laisse certaine latitude aux collèges échevinaux pour arrêter définitivement les listes ; il y a là, je l'avoue, une amélioration et je ne tiens pas absolument à ce que le délai de 24 heures stipulé à l'article 9 soit allongé, mais je voudrais au moins que le délai indiqué, à l'article 5 fût prolongé.

Au lieu de dire que les listes seront arrêtées au plus tard le 3 septembre, on dirait, par exemple, le 3 septembre. Au second vote, on pourra faire cette modification. Il sera ainsi fait droit, à certains égards, à mon observation. Il y a ici quelque chose à faire : il est de toute évidence que la besogne sera notablement augmentée.

Maintenant, je me demande si le vote de l'article 9 ne préjugera pas celui de l'article 12 ; dans ce dernier article, il s'agit de la question de l'intervention des commissaires d'arrondissement dans les réclamations à faire même contre les listes communales.

II serait fort inutile d'envoyer aux commissaires d'arrondissement les listes communales, s'ils n'ont pas de recours à exercer contre ces listes. Or, ce point reste à décider.

II est à remarquer que l'extension des pouvoirs attribués à ces agents par le projet de loi est considérable ; sous l'empire de la loi existante, ils ont seulement le droit de réclamer en appel ; d'après le projet de loi, ils exerceront leur recours en première instance ; et les gouverneurs ont le droit de se pourvoir en appel.

D'autre part, d'après la loi actuelle, le droit du commissaire d'arrondissement se borne à des réclamations du chef d'inscriptions ou de radiations indues et seulement en matière de listes générales ; d'après le projet de loi, ce droit s'étend non pas seulement aux listes des communes rurales, mais même à celles des villes qui ne sont pas soumises à sa juridiction.

Je crois qu'avant de voter l'article 9, il faudrait discuter l'article 12, et voir si, en réalité, il y a nécessité d'autoriser les commissaires d'arrondissement à réclamer contre les listes communales.

Il ne faut pas imposer aux administrations communales un travail inutile.

Maintenant quelle est la raison pour laquelle le gouvernement insiste tant sur l'extension donnée à l'intervention du commissaire d'arrondissement ? La raison, c'est que le gouvernement tient à exercer un véritable contrôle sur toutes les listes électorales communales, à se ménager là une part d'influence.

L'honorable ministre de l'intérieur a eu beau dire : « Quel intérêt le gouvernement peut-il avoir à ce que les listes communales soient formées de telle façon plutôt que de telle autre ? » L'intérêt est évident et certain. Pour justifier l'intervention du commissaire d'arrondissement, on allègue que souvent des considérations de personnes empêchent les réclamations de se produire. Ce sont les termes employés dans le rapport de la section centrale. Mais, messieurs, pour les villes la raison alléguée n'est pas admissible : Il faut que le commissaire du gouvernement puisse intervenir...

MiPµ. - Attendez l'article 12 ; rien n'est préjugé.

M. Tack. - Si rien n'est préjugé, j'attendrai la discussion de l'article 12.

MiPµ. - Le délai de 24 heures fixé par l'article 9 me paraît suffisant ; il n'y a aucune raison de le prolonger. De quoi s'agit-il, en effet ? De mettre simplement un paquet à la poste et de l'envoyer au commissaire d'arrondissement. On peut faire cela en 24 heures.

L'amendement de l'honorable M. Jacobs a certes une importance plus grande.

Je ne crois pas que cet amendement puisse être adopté et voici pourquoi.

D'après la loi, on transmettra au commissaire d'arrondissement les listes électorales et toutes les pièces à l'appui, de sorte que les intéressés pourront en prendre connaissance dans l'arrondissement même, ce qui est important. Il y a une raison plus grave encore qui s'oppose, selon moi, à ce que les pièces en question soient transmises à la députation dans le délai indiqué. C'est que l'exécution de toutes les décisions qui interviennent doit se concentrer au commissariat d'arrondissement où, à la fin des procédures, procédure devant la députation permanente, procédure en appel, procédure devant la cour de cassation, l'on inscrira sur les listes tous les changements opérés.

C'est par l'inscription de ces changements que le commissaire d'arrondissement maintient l'exactitude des listes qui restent déposées au secrétariat de la commune. Or, si vous dépouillez le commissaire d'arrondissement des listes qui lui sont remises, il lui sera impossible, après la réunion de ces listes, de faire annoter les changements ordonnés par l'autorité supérieure. Obliger le commissaire d'arrondissement à envoyer les listes à la province, c'est donc lui enlever le moyen qu'a organisé la loi de faire exécuter toutes ces décisions.

J'engage l'honorable M. Jacobs à relire les dernières dispositions du projet ; il verra que son amendement leur enlève leur base.

J'ajouterai que je ne vois pas l'avantage de transmettre à la députation permanente toutes les pièces au lieu de se borner à la transmission des pièces relatives aux réclamations, dont le nombre est toujours restreint relativement au nombre des inscrits.

Il n'y a donc pas lieu d'admettre l'amendement de M. Jacobs pas plus que celui de l'honorable M. Tack ; les dispositions actuelles satisfont parfaitement à toutes les nécessités administratives.

Maintenant, puisque je parle d'amendements, je prierai les honorables membres qui ont l'intention d'en proposer de vouloir bien les déposer d'avance pour qu'on ait le temps de les examiner.

II est extrêmement difficile de discuter des amendements présentés à l'improviste et qui souvent sont de nature à offrir des inconvénients qu'on ne saisit pas toujours de prime abord.

M. Mullerµ. - Le dépôt des listes au commissariat d'arrondissement a un double but : d'abord de permettre au commissaire d'arrondissement d'exercer son contrôle sur les listes électorales ; en second lieu de (page 643) permettre aux électeurs d'aller constater au commissariat d'arrondissement si tel ou tel individu inscrit ou omis l'a été à bon droit.

L'amendement de l'honorable M. Jacobs va, je crois, beaucoup plus loin que l'honorable membre ne l'a supposé lui-même. Ainsi, d'après l'amendement de l'honorable M. Jacobs, les listes et toutes les pièces à l'appui devraient, après un dépôt de huit jours au bureau du commissariat, être transmises à la députation permanente.

Il en résulte, messieurs, que le public, c'est-à-dire les membres du corps électoral ne pourraient plus, après huit jours, aller consulter ces pièces.

L'honorable M. Jacobs, dans un système qui me paraît très compliqué, voudrait qu'on pût aller aussi en prendre connaissance au gouvernement provincial. Mais il est à remarquer qu'il est bien plus facile à la masse des électeurs de se transporter au commissariat d'arrondissement qu'au gouvernement provincial. En restreignant les délais accordés au commissaire d'arrondissement, vous lésez les intérêts du corps électoral lui-même. J'ajouterai une autre considération ; c'est que si l'honorable M. Jacobs ne présente pas un amendement explicatif à l'article 14, le commissaire d'arrondissement serait privé de l'exercice sérieux de son droit d'appel.

On lui enlèverait, en effet, après huit jours, les éléments nécessaires pour faire des réclamations légitimes jusqu'au 25 septembre.

Il faut être conséquent. Si vous présentez votre amendement relativement à l'article 9, il faut déclarer si vous entendez que le commissaire d'arrondissement puisse se pourvoir en connaissance de cause jusqu'au 25 septembre, c'est-à-dire, si vous lui ferez une position exceptionnelle qui ne serait pas tenable.

Nous demandons, nous, que ce droit subsiste et soit sérieusement exercé.

M. Maghermanµ. - Le second paragraphe de l'article 9 est conçu comme suit :

« Un double des listes sera retenu au secrétariat de la commune. »

Je pense qu'il serait bon d'ajouter les mots « et des rôles » après celui « des listes ». En effet, le dépôt d'un double des rôles qui ont servi à la formation des listes faciliterait singulièrement l'exercice du droit d'appel. On consulte ces documents bien plus facilement à la commune qu'au commissariat d'arrondissement qui est assez éloigné de certaines communes.

L'amendement proposé par l'honorable M. Jacobs se trouverait même facilité par cette disposition, puisque après l'envoi des rôles par le commissaire d'arrondissement au gouvernement provincial, on pourrait toujours consulter les rôles à la commune.

MfFOµ. - Cette disposition a été rejetée hier.

M. Maghermanµ. - La proposition rejetée hier n'était pas celle que je produis en ce moment. L'honorable comte de Theux avait proposé de faire fournir les rôles en double par les receveurs des contributions ; ce que. je propose consiste à faire confectionner une copie par les administrations communales pour rester à l'inspection du public, après l'envoi des listes et des rôles au commissariat de l'arrondissement..

M. Jacobsµ. - Messieurs, je ne demanderais pas mieux que de déposer d'avance les amendements qui pourront me venir à l'esprit dans le courant de la discussion ; mais je me trouve un peu dans la situation de. M. le ministre de l'intérieur, qui nous en a proposé hier et qui nous en a encore promis pour aujourd'hui ou pour demain.

Nous nous ressentons tous un peu de la précipitation avec laquelle la loi est discutée. (Interruption.)

- Un membre. - Ce sont vos amendements qui en sont cause.

M. Jacobsµ. - Ce ne sont certes pas nos amendements qui ont nécessité les vôtres.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Si, si ; vous êtes dans l'erreur.

M. Jacobsµ. - Je ne me l'explique pas. En tout cas, messieurs, je déclare me trouver dans l'impossibilité, malgré la meilleure volonté, de garantir que je déposerai tous mes amendements dans la séance d'aujourd'hui et je me refuse à prendre l’engagement de ne plus en déposer demain.

Au surplus, messieurs, celui que je viens de présenter me paraît devoir être maintenu et je vais, en deux mots, indiquer à la Chambre pourquoi.

Les listes déposées au commissariat d'arrondissement le sont, dit-on, dans un double but : d'abord, pour permettre aux intéressés d'en prendre inspection ; ensuite, pour permettre au commissaire d'arrondissement d'exercer son droit d'appel.

Le premier but, messieurs, ne me paraît pas le véritable. C'est évidemment bien plus le double qui reste au secrétariat de la commune que le double qui gît au commissariat d'arrondissement qui doit servir aux tiers intéressés à exercer leur droit de contrôle,

M. Mullerµ. - C'est une erreur.

M. Jacobsµ. - C'est évidemment plutôt celui-là, car il se trouve dans chaque commune, tandis qu'il n'y en a qu'un seul par arrondissement cher le commissaire.

Le contrôle au moyen de la première liste est bien plus sérieux, bien plus général qu'au moyen de la seconde.,

Mais je vais faire droit à ce premier grief et je ferai en même temps droit au second en accordant à M. Muller la substitution du 23 septembre à la date du 12 que je proposais.

J'avais mis huit jours à partir du 4, ce qui nous conduisait au 12. ; je veux aller jusqu'au 23 septembre. Jusqu'à ce moment les listes ne sont d'aucune utilité au greffe provincial ; après cette date, elles sont inutiles au commissariat, où elles ne peuvent plus servir à faciliter le droit d'appel tant aux tiers qu'au commissaire d'arrondissement, puisque les délais d'appel à la députation sont expirés.

Sous ce rapport, il n'existe plus de critiques fondées. Il y a un troisième point de vue, qui concerne la révision des listes ou plutôt l'adjonction sur les listes des décisions prises soit par les députations permanentes, soit par les cours d'appel ou de cassation.

C'est, en effet, d'après la législation actuelle, le commissaire d'arrondissement qui est chargé d'ajouter ces additions sur les listes. Mais remarquez, messieurs, que pour cela la liste seule est nécessaire. Le double des rôles et toutes les pièces à l'appui ne servent plus à rien. Il suffit au commissaire d'avoir la liste et d'ajouter à la liste les décisions judiciaires qui parviennent à sa connaissance.

Je proposerai donc que l'on envoie trois doubles, l'un au secrétariat communal, le second au greffe provincial, le troisième au commissariat d'arrondissement, et que le commissaire envoie toutes les pièces annexées à ce double au greffe provincial à partir du 25 septembre. C'est ainsi que je modifie mon amendement.

J'ajoute au deuxième paragraphe de l’article 9 les mots : « Un autre double sera envoyé au greffe provincial. »

Je substitue la date du 25 septembre aux huit jours et j'indique que ce ne sont que les pièces annexées aux listes qui devront être envoyées du commissariat d'arrondissement au greffe provincial.

Le dernier paragraphe que je propose est donc ainsi conçu : « Les pièces annexées au double des listes seront le 23 septembre transmises du commissariat d'arrondissement au greffe provincial. »

- La discussion est close.

Les deux premiers paragraphes de l'article 9 sont successivement mis aux voix. Ils sont ainsi conçus :

« Art. 9. Dans les 24 heures de la clôture des listes, celles-ci et le double des rôles, ainsi que toutes les pièces au moyen desquelles les citoyens inscrits auront justifié de leurs droits, ou par suite desquelles les radiations auront été opérées, seront envoyés au commissariat de l'arrondissement.

« Un double des listes sera retenu au secrétariat de la commune. »

Ces paragraphes sont adoptés.

L'amendement de M. Jacobs tendant à ajouter à ce second paragraphe les mots : « un autre sera envoyé au greffe provincial, » est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

Les deux derniers paragraphes de l'article 9 sont mis aux voix et adoptés.

Le paragraphe additionnel proposé par M. Jacobs est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

Article 10

« Art. 10. Chacun pourra prendre inspection des listes tant au secrétariat de la commune qu'au commissariat de l'arrondissement. Chacun pourra aussi prendre inspection du double des rôles et des autres pièces mentionnées ci-dessus. »

M. Delcourµ. - Messieurs, au sujet de l'article 10, je désirerais demander une explication à M. le ministre de l'intérieur. Je lis dans le rapport de la section centrale que la deuxième section a fait observer qu'il est bien entendu que le double des listes pourra être examiné en tout temps, même alors que les réclamations ne pourraient plus se faire utilement. La section centrale s'est ralliée à cette opinion qui, à ses yeux, ne fait pas de difficulté et a adopté l'article avec cette interprétation.

C'est aussi la mienne.

La question présente, en pratique, une importance réelle. Il suffira, pour l'établir, de faire connaître à la Chambre ce qui s'est passé dans une de nos grandes villes.

On s'était présenté au secrétariat de la commune pour prendre inspection du rôle et des pièces qui avaient servi à la formation des listes électorales.

La communication fut refusée. On s'est plaint au gouverneur de la province, qui a soumis la question à M. le ministre.de l'intérieur. Ce dernier (page 644) a pensé qu'il appartenait à l'autorité locale de se prononcer sur ce point, et a renvoyé le réclamant devant cette dernière autorité.

Mais l'administration communale ayant persisté dans son refus, le réclamant n'a pu prendre connaissance des pièces.

Si le gouvernement adhère à l'interprétation donnée par la section centrale à l'article 10, toute difficulté cessera pour l'avenir. Je ne ferai aucune proposition ; je prie M. le ministre de l'intérieur qui, j'en suis persuadé, est du même avis, de faire à cet égard une déclaration formelle, qui servira de règle aux administrations communales.

M. de Theuxµ. - Messieurs, l'article 10 porte que chacun pourra prendre inspection du double des rôles au commissariat d'arrondissement. La disposition est bonne en elle-même, mais dans la pratique, elle présente beaucoup de difficultés : non seulement il faut se rendre au chef-lieu d'arrondissement, mais le commissaire d'arrondissement est surchargé de besogne : il doit examiner les pièces transmises, faire des recherches, prendre des informations, de manière que l'accès du rôle est réellement difficile.

On risque de faire en pure perte un voyage jusqu'au chef-lieu de l'arrondissement, surtout si déjà d'autres personnes sont occupées à la même vérification.

Hier on a repoussé l'amendement que j'avais proposé et qui consistait à maintenir à la commune une copie des rôles.

On a objecté les frais d'écritures. Je crois que ces frais seraient peu considérables. Mais il faut faire attention que l'exercice de ce droit d'inspection des rôles est très souvent illusoire.

Ainsi, je me rappelle que notre ancien et honorable collègue, M. Van Bockel, s'est trouvé bien des fois dans l'impossibilité de vérifier les rôles. Il s'en est plaint très amèrement et il m'avait recommandé d'appeler l'attention de la Chambre sur ce point.

Eh bien, puisqu'on n'a pas voulu que le double du rôle restât déposé à la commune, je demanderai que pendant les quinze jours qui suivront l'envoi des rôles au chef-lieu d'arrondissement, chacun puisse, dans le bureau du receveur des contributions, prendre inspection des rôles.

Je ne vois aucun inconvénient à cela, à moins que la Chambre ne veuille revenir sur le vote d'hier et n'ordonne le dépôt des doubles au chef-lieu de la commune, ce qui serait plus simple et plus rationnel.

On pourrait au second vote revenir à cette double copie des rôles.

J'ai donc rédigé un amendement consistant à ajouter à l'article 10 la rédaction suivante :

« Chacun pourra également prendre inspection des rôles dans les bureaux du receveur des contributions, pendant les huit jours qui suivront l'envoi des rôles au commissariat d'arrondissement. »

Il faut observer qu'il y a très souvent des personnes qui pourraient réclamer et qui ne le font pas. Ce n'est qu'en vérifiant les rôles de plusieurs communes qu'on parvient à s'assurer que tel ou tel a le droit d'être électeur.

Il importe que les droits des électeurs soient constatés, non seulement dans leur intérêt, mais dans l'intérêt du pays, afin d'assurer la sincérité des élections.

Il faut donc, qu'on puisse réclamer contre toute omission sur les listes, alors même que celui qui est omis ne se soucierait pas de cette omission.

C'est dans ce but que j'ai rédigé mon amendement.

MfFOµ. - Messieurs, lorsque nous avons discuté la loi de 1865, l'honorable M. de Theux a, si je ne me trompe, soumis à la Chambre, la même proposition qu'il vient de formuler.

M. de Theuxµ. - Non.

MfFOµ. - Vous avez, à cette époque, proposé d'inscrire dans la loi la faculté de prendre inspection des rôles chez les receveurs des contributions.

M. de Theuxµ. - Pardon ; j'avais demandé que les rôles fussent imprimés.

MfFOµ. - Vous êtes dans l'erreur ; mes souvenirs sont très précis sur ce point : vous avez fait la proposition d'autoriser l'inspection des rôles chez les receveurs des contributions.

J'ai fait remarquer alors qu'une mesure de ce genre n'était pas admissible.

Les receveurs des contributions ont des devoirs à remplir ; ils ne peuvent donc se tenir à la disposition des particuliers qui pourraient se présenter chez eux pour faire des vérifications ; ils sont obligés d'assurer le recouvrement des impôts, et de se rendre dans les diverses communes de leur circonscription afin d'y percevoir les contributions. La mesure proposée n'était donc pas même exécutable.

Aujourd'hui, l'honorable M. de Theux demande que ce système soit adopté au moins pendant les quinze jours qui suivent l'envoi des listes aux commissariats d'arrondissement. Eh bien, la même objection s'applique à cette faculté donnée pour une durée de quinze jours, comme elle s'opposait à l'admission de la mesure d'une manière permanente. C'est un système absolument impraticable à moins d'exiger que les receveurs prennent des aides chargés de faire au public la communication de leurs rôles et d'en surveiller l'inspection pendant qu'eux-mêmes vaqueront aux devoirs de leur emploi.

Au surplus, messieurs, je me demande quelle peut être l'utilité de la mesure que réclame l'honorable M. de Theux ?

Pendant des délais qui sont aujourd'hui plus longs que précédemment, les doubles des rôles sont déposés à l'administration locale ; puis ensuite chez le commissaire d'arrondissement, où tous les intéressés peuvent en prendre inspection. Que faut-il de plus ? pourquoi faut-il qu'il y ait encore des doubles de rôles à la disposition des particuliers chez les receveurs des contributions ? Cela ne me paraît pas justifié ; on ne donne aucune raison plausible à l'appui de cette demande.

Tantôt, l'honorable M. de Theux disait qu'il aurait pu renoncer à cette proposition, si l'on avait consenti à prescrire la formation d'une seconde copie du double des rôles, qui serait restée déposée à l'administration locale. Mais, messieurs, tout cela est fort inutile dans la pratique. Ce serait tout bonnement faire de la paperasserie, alors que l'on convie toujours le gouvernement à ne point paperasser.

Si les facilités manquaient aux intéressés pour prendre inspection des doubles des rôles, si l'on n'avait pas tous les moyens désirables de faire toutes les vérifications nécessaires, je comprendrais la réclamation de l'honorable M. de Theux ; mais en présence des dispositions du projet de loi, qui sont formulées précisément en vue de donner toutes les garanties possibles sous ce double rapport, on doit convenir que la mesure dont parle l'honorable membre serait une véritable superfétation.

M. de Theuxµ. - J'ai signalé que dans certaines communes l'accès des rôles a été matériellement impossible ; j'ai aussi signalé que des difficultés se présentaient à raison de l'encombrement des affaires dans les commissariats d'arrondissement pendant que les rôles s'y trouvent déposés.

Je ne vois pas ce qui peut s'opposer à une mesure aussi simple, aussi naturelle que celle que je réclame.

M. le président. - M. Visart vient de faire parvenir au bureau l'amendement suivant à l'article 10 :

« Chacun pourra prendre, inspection et copie des listes tant au secrétariat de la commune qu'au commissariat de l'arrondissement. Chacun pourra aussi prendre inspection et copie du double des rôles et des autres pièces mentionnées ci-dessus. »

- La parole est à M. Visart pour développer cet amendement.

M. Visartµ. - L'amendement que je viens de déposer n'a pas d'autre but que de rendre incontestable et clair le sens de l'article 10. Je pense en effet que le gouvernement et la Chambre entendent les mots « prendre inspection » dans ce sens que tous les intéressés pourront demander une communication réelle et utile des listes et des autres pièces dont il est question à l'article 10.

Il paraît cependant que les mêmes mots qui se trouvent dans la loi actuelle sont parfois interprétés d'une manière judaïque et étroite. On vous permet d'inspecter, mais il semble que ce soit seulement par une espèce de tolérance qu'on vous permette de prendre copie des listes et des pièces.

C'est pour que ce doute ne puisse plus être soulevé que j'ai proposé cet amendement.

- L'amendement est appuyé.

MiPµ. - Je considère l'opinion émise par l'honorable M. Delcour comme fondée ; par conséquent, il n'y a pas lieu d'admettre d'amendement.

Quant à la proposition que vient de faire l'honorable M. Visart, elle porte, je pense, sur une simple question de fait. Je ne crois pas qu'on ait jamais empêché qui que ce soit de prendre des notes d'après les rôles. Quant aux listes, chacun sait que l'on peut toujours s'en faire délivrer copie.

Mais je suppose qu'un individu se présente dans une grande commune, à Bruxelles, par exemple, et qu'il lui plaise d'accaparer le rôle pour lui seul et de le copier depuis le premier article jusqu'au dernier, de manière à empêcher les autres électeurs de prendre également inspection du rôle.

Il me semble, qu'on pourra bien dire à cet individu : Vous prenez beaucoup plus que votre part ; copiez pendant une heure si vous voulez, nais cédez ensuite la place à d'autres.

M. Visartµ. - Peut-il prendre copie ?

(page 645) MfFOµ. - On peut prendre inspection.

MiPµ. - Messieurs, il faut évidemment entendre les choses d'une façon raisonnable. Or, en adoptant un amendement comme celui de l'honorable M. Visart, l'individu que je suppose pourra, pendant les quinze jours tenir les listes pour lui seul, et en empêcher l'inspection par d'autres.

M. Jacobsµ. - Il est certain qu'il faut interpréter les choses raisonnablement et que, de même qu'on ne pourrait pas tenir les rôles pendant toute une journée sous prétexte de les copier, on ne peut pas les tenir non plus pendant une journée sous prétexte de les inspecter.

Les mots « prendre inspection » ont besoin d'une interprétation ; l'amendement de M. Visart lève toute difficulté à cet égard. Il ne peut pas dépendre du commissaire d'arrondissement d'empêcher de prendre des notes.

- Voix à gauche. - Non ! non !

M. Jacobsµ. - Il paraît que nous sommes unanimes sur ce point. Par conséquent, je ne comprendrais pas pourquoi on n'adopterait pas un amendement qui traduit fidèlement la pensée de la Chambre.

- La discussion sur l'article 10 et les amendements qui s'y rattachent est close.

L'amendement de M. Visart est mis aux voix et n'est pas adopté.

La rédaction du gouvernement est mise aux voix et adoptée.

M. le président. - M. de Theux a proposé le paragraphe additionnel suivant :

« Chacun pourra également prendre inspection des rôles dans les bureaux des receveurs des contributions pendant les quinze jours qui suivront l'envoi des rôles au commissariat d'arrondissement. »

- Cet amendement est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

Article 7

MiPµ. - Messieurs, on a soulevé, dans la séance d'hier, la question de savoir si les attestations de notifications faites par les agents de la police communale font preuve jusqu'à inscription de faux ou seulement jusqu'à preuve contraire.

Je crois nécessaire de vider cette question, avant que la Chambre aborde le chapitre II.

M. le président. - Cette question se rattache à l'art. 7 qui a été tenu en suspens ; nous allons revenir à cet article.

L'article 7 est ainsi conçu :

« Art. 7. Ces notifications seront faites sans frais, par un agent de la police communale, qui en retirera un récépissé, ou, à défaut de celui-ci, constatera la notification. »

MiPµ. - Je disais qu'on a soulevé, dans la séance d'hier, la question de savoir si les attestations de notification faites par les agents de la police communale font foi jusqu'à inscription de faux ou seulement jusqu'à preuve contraire.

Messieurs, j'ai examiné la question, et je l'ai trouvée résolue en termes très nets dans l'ouvrage de M. Delebecque. Voici comment cet auteur s'exprime :

« Les relations et attestations de l'agent de la police locale font-elles foi jusqu'à inscription de faux ? Non, sans doute ; ce privilège n'est attribué qu'à certains fonctionnaires, tels que les notaires et les huissiers ; les procès-verbaux et actes émanés d'agents qui se trouvent dans la catégorie, de ceux dont il s'agit ici ne font foi que jusqu'à preuve contraire. »

La question soulevée hier me paraît pouvoir, sans inconvénient, être tranchée par un texte de loi. Je prends le projet de la section centrale et au moyen de l'addition de quelques mots, le question se trouvera résolue. L'art.icle7 serait ainsi rédigé :

« Ces notifications seront faites sans frais par un agent de la police communale, qui en retirera récépissé, ou, à défaut de celui-ci, constatera la notification par une déclaration qui fera foi jusqu'à preuve contraire. »

Messieurs, on a soulevé en même temps la question de savoir si, à défaut de notification, le délai court contre l'électeur éliminé à partir de la radiation.

Cette question me paraît devoir être réservée pour la discussion de l'article 11.

M. d'Elhoungne, rapporteurµ. - Je demanderai à M. le ministre de l'intérieur s'il entre dans la pensée du gouvernement que la notification soit enregistrée. D'après les circulaires qui sont en vigueur, ces notifications, à ce que je crois, ne sont pas soumises à l'enregistrement, parce qu'elles sont considérées comme pièces administratives. Il serait mieux, évidemment, de les soumettre à l'enregistrement, qui d'ailleurs se ferait gratis. Ces pièces auraient ainsi une date certaine par l'enregistrement.

MiPµ. - Je ne sais si la proposition de l'honorable rapporteur ne pourrait pas donner lieu à des difficultés. Comme l'article a été amendé, on pourrait réserver cela pour le second vote.

M. d’Elhoungne, rapporteurµ. - La question pourra être examinée à l'article 36, où il est question des actes soumis à l'enregistrement.

MiPµ. - C'est cela.

- La nouvelle rédaction de l'article 7, proposée par M. le ministre de l'intérieur, est mise aux voix et adoptée.

La Chambre revient à l'article 11.

Chapitre II. Des réclamations

Article 11

« Art. 11. Tout individu indûment inscrit, omis ou rayé, ou autrement lésé, pourra réclamer à la députation permanente du conseil provincial, en joignant les pièces à l'appui de sa réclamation. »

M. le président. - Ici se place le paragraphe, nouveau, présenté par MM. Delcour, Lefebvre, Van Wambeke, Nothomb et de Naeyer.

Ce paragraphe est ainsi conçu :

« La requête pourra être remise au secrétariat de la commune et sera renvoyée immédiatement, avec les pièces à l'appui, au gouverneur de la province. Il en sera donné récépissé par un membre de l'administration communale ou par le secrétaire. »

M. Delcourµ. - Nous sommes tous d'avis, messieurs, et on l'a répété, à diverses reprises, dans la discussion générale, qu'il convient d'assurer, le mieux qu'il est en notre pouvoir, la sincérité des élections, et que le moyen le plus efficace pour atteindre ce but désiré par tous, est de rendre le plus facile possible le droit de réclamer au sujet des listes électorales.

Sous la loi actuelle, la réclamation est adressée en première instance à l'autorité communale. Tout se passe sur les lieux, sans frais, sans embarras, sans déplacement.

Le projet de loi déplace le premier degré de juridiction. C'est à la députation permanente qu'il faudra adresser les réclamations à l'avenir.

Nous avons pensé, messieurs, qu'en présence d'un changement aussi grave, il fallait, pour faciliter le droit de réclamer, permettre aux citoyens lésés de déposer leur requête au secrétariat de la commune.

Le secrétaire communal ou un membre de l'administration constatera le dépôt des pièces par un récépissé remis au réclamant. On pourrait même exiger que le récépissé fût remis à la députation permanente.

D'honorables collègues, tout en approuvant le motif de notre amendement, ont fait une objection sérieuse. Nous craignons, m'ont-ils dit, que l'amendement ne donne lieu à des inconvénients réels et surtout à des fraudes. Abandonner au secrétaire communal le soin de constater le jour du dépôt de la réclamation, c'est très grave : mais c'est surtout dangereux, car au moyen de certaine connivence ou d'une complaisance coupable, on pourrait arriver à modifier, à prolonger les délais.

Cette considération est très sérieuse ; je le reconnais : c'était, pour répondre d'avance que nous avons exigé qu'un récépissé soit remis au réclamant.

On peut même compléter les garanties, en exigeant de constater le dépôt des pièces sur un registre spécial, par la signature des parties.

Le principe de notre amendement n'est pas nouveau ; nous l'avons trouvé dans la loi électorale et dans la loi communale ; ces lois ont réglé le recours en cassation contre les décisions rendues par les députations permanentes, et voici comment s'est exprimé l'article 14 de la loi électorale :

« La déclaration sera faite en personne ou par fondé de pouvoir au greffe du gouvernement provincial, et les pièces seront envoyées immédiatement au procureur général près la cour de cassation. »

Il nous a paru qu'une règle analogue devait être admise surtout pour faciliter les réclamations adressées à la députation permanente.

Rendre le droit de réclamation aussi facile que possible, le dégager de tout ce qui peut être considéré comme une entrave ou une gêne, tel est l'unique but que nous poursuivons. Si l'on préfère dire que la requête pourra être adressée à la députation par lettre chargée, je ne m'y opposerai pas. (Interruption.)

- Une voix. - Cela est dans la loi.

M. Delcourµ. - Cela n'est pas dans la loi.

Ce principe n'est pas écrit dans l'article 11.

II est vrai qu'il en est question à l'article 20, mais il s'agit là de l'appel, et nous nous occupons du premier degré de l'instance.

(page 646) Voici la disposition qui, dans cet ordre d'idées, devrait être ajoutée à l'article 11 ;

« La réclamation pourra être adressée à la députation permanente par lettre chargée à la poste. »

Je ne demande rien d'inutile. Si la Chambre trouve que la loi est assez claire pour répondre à notre but, je n'ai rien à ajouter ; quant à moi, je considère notre amendement comme très utile.

M. Tack. - Messieurs, je crois qu'il est satisfait à l'observation de M. Delcour. D'après la rédaction adoptée par la section centrale, il est même permis de réclamer verbalement à la députation permanente. La section centrale a supprimé les mots « par requête. »

Je pense, messieurs, que le rapporteur de la section centrale confirmera mon dire.

M. d'Elhoungneµ. - Certainement.

M. Tack. - Eh bien, messieurs, s'il est permis de réclamer verbalement, a fortiori est-il permis de réclamer au moyen d'une requête adressée à la députation permanente par voie de lettre chargée. Sous ce rapport, il n'y a aucune restriction dans l'article.

L'article dit : Tout individu indûment inscrit, omis ou rayé ou autrement lésé pourra réclamer par requête adressée à la députation permanente.

C'est donc à l'intéressé à savoir s'il a les garanties nécessaires pour constater ensuite que réellement il a adressé sa réclamation à la députation permanente dans le délai voulu. Or, il en a la preuve du moment qu'il a adressé sa requête par voie de lettre chargée.

Je ne pense pas qu'il y ait grande difficulté à ce sujet. Je comprends très bien que l'honorable M. Delcour ait eu des doutes. Si ces doutes pouvaient avoir quelque chose de fondé, je serais tout disposé à adopter l'amendement de l'honorable M. Delcour, ou je demanderais que la rédaction de l'article fût modifiée en ce sens que tout doute disparût.

M. d’Elhoungne, rapporteurµ. - La section centrale a retranché de la rédaction du projet les mots : « par requête », qui semblaient astreindre les réclamations adressées à la députation permanente à une forme déterminée. La section centrale a pensé qu'il convenait de maintenir à cet égard ce qui existe aujourd'hui. Les réclamations, maintenant surtout qu'elles sont faites en première instance, pourront donc être faites à la députation n'importe en quelle forme. C'est ainsi qu'une réclamation pourra être faite au greffe provincial par simple déclaration verbale du réclamant.

Je pense d'après cela que l'idée mise en avant par l'honorable M. Delcour d'autoriser, par un texte formel, la réclamation au moyen de la lettre chargée ou recommandée, ne doit pas être formulée dans la loi, parce qu'il psi bien entendu que, de quelque manière que la réclamation sera faite, elle sera valable.

Je l'ai d'ailleurs dit dans le rapport, la section centrale a été unanime sur ce point.

Je suis convaincu que l'honorable M. Delcour trouvera lui-même que l'amendement de la section centrale suffit pour atteindre le but proposé. Et en effet, puisqu'on peut faire la réclamation par simple déclaration verbale au greffe de la province, on le peut aussi par lettre chargée, et il est inutile de distinguer ce dernier mode des autres.

M. Delcourµ. - Je répète, messieurs, que je n'ai eu qu'un seul but, en présentant mon amendement, celui de faciliter les réclamations, et surtout dans les communes rurales, qui rencontrent souvent des difficultés particulières.

En présence des explications que vient de donner M. le rapporteur, je consens à retirer mon amendement.

Je tiens cependant à faire connaître le doute légal qui peut se présenter.

En parlant de l'appel déféré à la cour d'appel, l'article 20 du projet de loi amendé par la section permet aux huissiers de remettre le double de l'exploit au greffe provincial, par lettre chargée à la poste.

Tout cela est écrit dans l'article 20. Aucune disposition ne se trouvant dans l’article 10, j'ai craint qu'on n'induise du silence de cet article que le législateur n'a point admis que la réclamation pût se faire par lettre recommandée à la poste.

Mais il y a un autre point que. je signale à l'attention de l'honorable rapporteur.

Je suppose qu'on soit arrivé au dernier jour du délai. On est encore dans le délai légal, et la réclamation est adressée à la députation par lettre chargée. La lettre est remise le lendemain au greffe provincial, par conséquent après l'expiration du délai pour réclamer.

Je pense, messieurs, que la réclamation ayant été faite dans le temps utile, j’ai le plus grand intérêt à le faire constater, la lettre recommandée ou chargée me paraît suffire pour cette preuve.

Dans la pensée de l'honorable M. d'Elhoungne, la section centrale n'a pas décidé ce point. Mon amendement a donc une utilité réelle. Si vous l'adoptez, vous aurez décidé, sans qu'il puisse plus se présenter aucun doute, que la requête adressée à la députation par lettre chargée suffit sous le rapport de la forme, et vous aurez admis, en même temps, que, dans les conditions que je viens de rappeler, la réclamation a été faite dans le délai légal.

Je soumets cette observation à l'appréciation de l'honorable rapporteur, et je suis persuadé qu'il la trouvera sérieuse et grave.

MiPµ. - Messieurs, le délai pour réclamer expire le 15 octobre ; dès que la réclamation arrive à la députation au plus tard le 15 octobre, le but est atteint. C'est au réclamant à prendre les précautions qu'il juge convenables pour assurer l'arrivée de sa réclamation en temps utile. Il peut recourir, soit à la lettre recommandée, soit à tout autre moyen, mais en supposant qu'il ait employé la lettre recommandée et qu'il ait, par exemple, remis cette lettre à la poste le 14, si celle-ci n'arrive à destination que le 17 ou le 18, il est incontestable que la réclamation devra être considérée comme tardive.

- Un membre/ - Le facteur peut être en défaut.

MiPµ. - Le facteur n'est pas un agent officiel chargé de transmettre des réclamations.

Nous sommes ici dans une matière de procédure ; la règle est celle-ci : la réclamation doit être parvenue le 15 à la députation permanente ; c'est à vous à prendre, pour cela, les précautions que vous jugerez convenables. Vous pouvez vous contenter d'une simple lettre et il y a presque absolue certitude que votre réclamation arrivera régulièrement. Vous n'avez pas même besoin de recourir à la lettre recommandée. Mais le risque est pour le réclamant.

Je crois, messieurs, qu'il y aurait danger à faire défendre la validité d'un pourvoi du plus ou moins d'exactitude d'un employé de la poste ; il y aurait danger aussi à charger les secrétaires communaux de transmettre les réclamations ; car ceux-ci pourraient rendre valables des recours exercés après l'expiration du temps endéans lequel ils auraient dû être faits.

Je crois donc, messieurs, qu'il faut maintenir l'article, qui ne peut présenter aucun inconvénient, surtout dans un pays où les communications sont aussi faciles qu'en Belgique.

M. Dumortier. - Messieurs, je ne puis pas admettre le système que vient d'indiquer M. le ministre de l'intérieur et je crois qu'il n'a pas réfléchi aux conséquences qu'il peut entraîner. Il semble vraiment que ceci soit fait exclusivement dans l'intérêt des villes qui ont des rapports constants avec le chef-lieu de la province et qu'on laisse tout à fait de côté les réclamations qui peuvent être faites par des habitants des communes rurales.

M. le. ministre dit : Le délai expire le 15 octobre, il faut donc que la réclamation soit arrivé le 18 octobre au plus tard. C'est à merveille pour les personnes qui habitent le chef-lieu de la province, mais il n'en est pas de même pour les habitants de la campagne. Vous établissez en réalité trois délais différents : un délai pour le chef-lieu de la province, un délai pour les villes et un troisième délai pour les campagnes. Ainsi l'habitant du chef-lieu faisant sa réclamation le 15 est sûr qu'elle est faite en temps utile ; l'habitant d'une ville de la province mettant une lettre à la poste le 14 aura la certitude, si la lettre est recommandée, qu'elle sera remise le 15 ; mais l'habitant d'une commune rurale dans une province comme le Luxembourg, par exemple, devra la remettre le 13. Ainsi vous enlevez un jour ou deux jours à certains réclamants. (Interruption.) Il n'y a pas de faits de minime importance pour celui qui réclame son droit.

Je ne conçois pas comment vous ne saisissez pas ceci : c'est qu'en définitive, celui qui habite la ville où siège la députation permanente a véritablement jusqu'au 15, mais que celui qui en est éloigné, qui habite un village, a un jour et parfois deux jours de moins.

Il me semble qu'il y a quelque chose d'excessivement facile à faire : c'est d'introduire dans la loi un paragraphe additionnel portant que si la réclamation est faite par lettre recommandée, le délai courra à partir du jour de la recommandation.

Vous auriez là une date certaine et vous mettriez tous les citoyens sur la même ligne.

Si vous ne voulez pas adopter ce mode, il faut revenir à ce qui se pratique en matière communale, c'est-à-dire que chacun puisse établir sa réclamation au bureau du secrétariat communal.

MPDµ. - Je prie l'honorable M. Dumortier de rédiger son amendement et de le faire parvenir au bureau.

- L'amendement est appuyé, il fait partie de la discussion.

MiPµ. - L'amendement de M. Dumortier, (page 647) qu'il me permette de le lui dire, n'est réellement pas sérieux. L'honorable membre veut absolument donner un jour de plus aux communes rurales.

M. Dumortier. - Pas le moins du monde, pas une minute de plus.

MiPµ. - Si l'honorable membre n'avait pas été aussi impatient, il m'aurait laissé achever la phrase que j'avais commencée. J'allais lui dire qu'il veut donner aux électeurs des communes rurales un jour de plus que le délai accordé par le projet. Il veut qu'une réclamation déposée à la poste le 13 soit considérée comme remise en temps utile, bien que n'étant arrivée que le 16.

Ce qui gêne l'honorable membre, c'est que l'habitant des villes aura un jour de plus que celui des campagnes pour exercer son recours. Il faut bien fixer le délai dans lequel la réclamation doit être faite. Si l'on trouve que le délai proposé est trop court, qu'on l'allonge, mais qu'il y ait un terme fixe après lequel il y aura déchéance.

M. Dumortier. - Le jour où vous avez fait la recommandation. Voilà le délai fixe.

MiPµ. - J'entends parler de l'époque fixe à laquelle la réclamation doit être parvenue à la députation.

Si l'on tient à ce que dans toutes les localités on puisse déposer encore des réclamations le 13 octobre, qu'on décide que la déchéance n'aura lieu que le 16.

Si l'honorable M. Dumortier voulait appliquer son système à toutes les branches de l'administration, on n'en finirait pas, il devrait modifier tous les délais des ajournements, des actes d'appel, des significations qui existent en matière judiciaire,

Conservons donc un peu de régularité dans nos lois.

M. Delcourµ. - Je n'ai qu'un mot à ajouter. Il ne s'agit pas d'une question purement théorique, mais d'une question de fait qui s'est présentée.

Permettez-moi de vous citer un cas qui est à ma connaissance personnelle. Il s'est présenté, dans la province à laquelle appartient M. le ministre de l'intérieur. Une réclamation avait été adressée par la poste, et même par lettre chargée, à la députation permanente. Cette lettre avait été remise à la poste le samedi, et le lendemain, dimanche, était le dernier jour utile du délai.

La lettre fut présentée, le dimanche, au gouvernement provincial, mais le facteur de la poste n'ayant trouvé personne, dut se retirer. La réclamation ne fut remise que le lendemain, lundi.

Eh bien, messieurs, la députation permanente a rejeté la réclamation comme ayant été tardivement faite.

Avouez, messieurs, qu'un fait de cette nature a son importance.

Voilà un électeur, auquel on ne peut faire aucun reproche, qui a été victime de sa bonne foi, car il a dû penser qu'il satisfaisait à toutes les conditions de la loi.

Je ne critique pas la décision, elle était conforme au droit ; mais je vous demande s'il est juste de traiter avec autant de rigueur l'électeur de la campagne qui se trouve souvent dans la position la plus difficile.

Je n'hésite pas à répondre que non, et je suis persuadé que vous serez de mon avis.

M. le président. - Maintenez-vous votre amendement, M. Delcour ?

M. Delcourµ. - Oui, M. le président.

M. Mullerµ. - Je n'ai qu'une simple observation à faire, c'est que si l'on critique l'article du projet de loi actuel, on devrait aussi critiquer la législation existante, car actuellement, pour interjeter appel devant la députation permanente, les délais sont fixés de la même manière que dans le projet de loi. C'est la transmission au gouvernement provincial qui sert de base, parce qu'il existe dans ses bureaux un registre indicateur qui constate de la manière la plus positive l'arrivée des pièces.

Quant à l'observation que vient de présenter M. Delcour, je ferai remarquer que la cour de cassation et les députations permanentes ont décidé que lorsque le délai expire un jour férié, il est prolongé jusqu'au lendemain.

Cela résulte, en matière de milice et en matière électorale, de plusieurs décisions de la cour suprême.

M. d’Elhoungne, rapporteurµ. - Il y a, en réalité, deux questions soumises à la Chambre.

La première est celle de savoir en quelle forme doit être faite la réclamation adressée à la députation permanente. On s'est demandé s'il y avait une forme déterminée ou si cette réclamation pouvait se faire de toute manière, soit par déclaration verbale au greffe provincial, par exemple, soit par lettre chargée ou non chargée.

Tout le monde semble d'accord que les réclamations de cette nature peuvent se faire n'importe dans quelle forme.

Telle est la première question.

Il y en a une seconde ; celle de savoir comment les délais doivent être supputés ? Les réclamations doivent-elles être parvenues au greffe provincial dans le délai déterminé par la loi, ou bien, suffit-il, conformément à l'idée émise par M. Delcour et défendue par M. Dumortier, que le dépôt même de la réclamation à la poste soit fait dans le délai ?

Aujourd'hui cela ne fait pas difficulté. Il faut nécessairement que la réclamation parvienne ou soit remise à l'autorité qui doit en connaître dans le délai déterminé par la loi. C'est à celui qui emploie un mode de transmission ou de remise de sa réclamation à le faire à ses risques et périls.

Si le mode qu'il emploie ne fait pas parvenir la réclamation en temps utile, le réclamant encourt la déchéance. Si la réclamation arrive dans le délai déterminé par la loi, quelle que soit sa forme, elle doit être admise.

Il résulte de là, messieurs, et sous ce rapport, l'observation de l'honorable M. Dumortier est fondée, une inégalité de position contre ceux qui habitent le chef-lieu de la province, qui peuvent jusqu'à la dernière heure du jour déposer utilement leurs réclamations ; et ceux qui, habitant une localité plus ou moins éloignée du chef-lieu, doivent acheminer leurs réclamations en temps utile pour qu'elles parviennent, dans le délai déterminé, au greffe provincial.

Dans la réalité donc, la proposition de l'honorable M. Delcour se résume en une nouvelle manière de supputer les délais pour les personnes qui n'habitent pas le chef-lieu de la province. (Interruption.) Je crois que c'est bien ainsi que l'honorable membre l'entend. Il ne faudra plus, d'après la proposition de l'honorable membre, que la réclamation arrive dans le délai ; il suffira qu'elle soit faite et remise à la poste dans ce délai par celui qui habite une localité éloignée du chef-lieu de la province.

C'est là la question que la Chambre doit examiner ; mais il me semble que c'est au gouvernement qu'il appartient de se prononcer à cet égard, car c'est lui surtout qui doit savoir si les bureaux de poste donnent des garanties suffisantes que la réclamation faite par lettre chargée, par lettre recommandée ou même par simple lettre, a été remise dans le délai, et ne peut donner lieu à une supercherie ou une fraude quelconque.

D'un autre côté, le premier amendement de l'honorable M. Delcour, qui permettait aux habitants des communes de faire leurs réclamations par déclaration au secrétariat de la commune, atteignait le même but, de laisser tout le délai légal à tout réclamant, et d'établir à cet égard une égalité parfaite entre tous les habitants du pays.

Je pense, messieurs, qu'il n'était pas inutile de préciser ainsi l'état de la question. Mais avant de la résoudre, peut-être y aurait-il lieu de renvoyer l'amendement de l'honorable M. Delcour à la section centrale, afin de permettre de l'examiner attentivement et de signaler à la Chambre les avantages ou les inconvénients qu'il peut présenter.

M. de Theuxµ. - J'appuie la proposition de M. d'Elhoungne. C'est surtout en une matière comme celle-ci qu'il faut être clairet précis. Chacun ne peut pas recourir aux discussions parlementaires, qui, d'ailleurs, sont sujettes à des interprétations diverses. J'appuie donc la proposition de renvoi à la section centrale.

- L'article 11 et les amendements qui s'y rattachent sont renvoyés à la section centrale.

Article 12

« Art. 12 (de la section centrale). Tout individu jouissant des droits civils et politiques pourra, quant aux listes de l'arrondissement, du canton et de la commune de son domicile, réclamer de la même manière contre les inscriptions ou radiations indues. Le commissaire d'arrondissement, agissant d'office, aura le même droit. Le réclamant joindra à sa réclamation la preuve qu'elle a été par lui notifiée à l'intéressé, qui aura dix jours pour y répondre, à partir de la notification. »

M. de Theuxµ. - M. le président vient de donner lecture de l'article 12 du projet de la section centrale, qui ne contient pas le mot « omissions ». Or, dans la séance d'hier le gouvernement a déclaré qu'il maintenait ce mot.

Je crois aussi qu'il est nécessaire de maintenir le mot « omissions » après le mot « radiations ».

M. le président. - J'ai dû mettre en discussion la rédaction de la section centrale, parce que c'est sur cette rédaction que la discussion a été déclarée ouverte.

Maintenant, le gouvernement maintient-il sa rédaction ?

MiPµ. - Oui, M. le président.

M. Tack. - Messieurs, je crois qu'il faut maintenir le mot « omissions » dans l'article. A première vue, dans le sein de la section centrale, j'avais professé une opinion contraire. La raison qu'on a alléguée pour faire disparaître le mot « omissions » est celle-ci : c'est qu'il peut arriver qu'un individu ait été condamné, il y a de longues années, et que, si l'on vient demander son inscription sur les listes, il en résulterait qu'en exhumant à sa (page 648) charge des faits inconnus de beaucoup de personnes et que d'antres peuvent avoir oubliés depuis longtemps, on ravive des souvenirs pénibles pour lui.

Mais, ce cas est fort rare, la loi communale autorise tous habitants de la commune à réclamer, non seulement du chef de radiations ou d'inscriptions indues, mais aussi du chef d'omissions. Je ne sache pas que cela ait donné lieu a des abus bien sérieux ; je ne pense pas que les inconvénients qu'on redoute se soient produits sous l'empire de l'application de la loi communale. Au surplus, l'inconvénient, s'il y en a, peut se produire, même dans l'hypothèse où vous n'autorisez pas des tiers à réclamer du chef d'omissions. L'administration communale, vous le savez, inscrit d'office ; il ne faut pas qu'il y ait une réclamation de la part d'un intéressé, pour qu'il soit porté sur les listes électorales.

Une administration pourra donc porter par mégarde sur les listes électorales un citoyen qui dans sa jeunesse aurait encouru une condamnation.

D'ailleurs, un électeur peut être illettré, ne pas être à même d'adresser sa réclamation lui-même, et être obligé de recourir à un tiers pour obtenir son inscription. Il y aurait donc là une lacune, si l'on ne permet pas à des tiers de réclamer devant la députation permanente pour celui qui ne peut ou ne veut pas soigner lui-même ses intérêts, dans le cas d'omission ou de radiation.

On a fait remarquer que parfois un citoyen peut ne pas vouloir se faire inscrire sur les listes électorales, pour échapper, par exemple, à l'obligation d'être membre du jury.

Pour ces motifs, je suis d'avis qu'il y a lieu de maintenir le mot « omissions » dans l'article 12 ; et pour ma part, je préfère la proposition du gouvernement à celle de la section centrale.

Je voudrais, à propos de cet article, présenter une autre observation. Les réclamations ne sont permises aux tiers, en ce qui concerne les listes générales, qu'autant qu'ils habitent l'arrondissement ; en ce qui touche les listes pour la province, qu'autant qu'ils ont leur domicile dans le ressort de la justice de paix, et en ce qui regarde les listes communales, qu'autant qu'ils sont domiciliés dans la commune.

Je crois qu'il faut autoriser les tiers à réclamer dès qu'ils ont leur domicile dans l'arrondissement.

Il y a un motif spécial pour que vous accordiez ce pouvoir aux tiers ; vous l'accordez au commissaire d'arrondissement, il est évident que vous ne devez pas lui attribuer davantage que ce que vous accordez aux habitants de l'arrondissement.

La raison qu'on allègue pour autoriser le commissaire d'arrondissement à faire faire ces réclamations dans toutes les communes de l'arrondissement est celle-ci :

« C'est qu'il se peut que, dans les communes, personne n'ose réclamer la radiation d'un habitant de la commune qui exerce une grande influence. »

Si le commissaire d'arrondissement néglige de réclamer ou refuse de le faire, pourquoi, dans ce cas, ne laisseriez-vous pas agir les tiers qui ont leur domicile dans l'arrondissement ?

Je me propose de présenter un amendement dans ce sens.

M. Rogierµ. - Je crois, messieurs, que le gouvernement a raison de maintenir sa proposition et de ne pas se rallier à celle de la section centrale, en ce qui concerne les cas d'omissions.

En refusant aux citoyens jouissant des droits politiques la faculté de faire combler des lacunes qui se présenteraient dans les listes électorales, la section centrale, en son remarquable rapport, a donné des raisons sérieuses mais qui, à mon avis, sont insuffisantes.

Elle a supposé qu'un individu, poussé par un mauvais sentiment vis-à-vis d'un autre, voudrait réclamer pour celui-ci une inscription avec l'arrière-pensée de faire plus tard poursuivre cette inscription comme irrégulière, attendu que l'individu dont il s'agit aurait perdu ses droits électoraux par suite d'une condamnation judiciaire ou d'autres motifs qu'il tiendrait à tenir secrets.

Ce serait là certes un manège qu'il ne faudrait pas encourager, mais qui, dans tous les cas, ne serait qu'une exception excessivement rare et qui, en fait, je crois, ne s'est jamais produite dans les élections communales.

Ce que propose le gouvernement est une innovation en ce qui concerne la loi électorale politique. cette loi ne permet pas de réclamer l'inscription d'un individus omis. Mais en ce qui concerne les élections communales, c'est la section centrale qui innove. Un tiers peut aujourd'hui intervenir pour un individu omis volontairement ou involontairement et demander son inscription sur la liste électorale.

Or, c'est surtout dans les élections communales qu'on pourrait, avec fruit, exercer ces petites vengeances et jouer ces mauvais tours dont parle la section centrale. Eh bien, messieurs, je ne sache pas qu'un seul cas se soit présenté où, par un esprit de basse hostilité, un individu ait imaginé de faire inscrire un autre individu pour se donner plus tard le plaisir de le faire rayer comme indigne.

Ce ne serait là d'ailleurs qu'un inconvénient relativement faible à faire valoir pour repousser la proposition du gouvernement.

Nous devons nous placer à un point de vue plus élevé. Etre électeur, ce n'est pas seulement posséder un droit, c'est aussi être chargé d'un devoir, d'une charge, d'une mission.

Il ne faut pas que par négligence ou insouciance, par frayeur même dans certain moment difficile, un individu se ménage les moyens de se soustraire à la pratique des devoirs que la loi lui impose.

Et c'est si bien un devoir en même temps qu'un droit, qu'en vertu de la loi sur le jury, les jurés doivent être pris d'abord sur la liste des électeurs. Je sais bien que la loi dit que les jurés devront payer une contribution plus élevée que celle exigée pour le cens électoral. Mais il n'en est pas moins vrai que, pour se soustraire à l'exercice de ce droit et à l'accomplissement de cette charge qui consiste à être juré, il peut se rencontrer des personnes qui feront en sorte de ne pas figurer sur les listes électorales.

Quel remède aura-t-on contre ce manège, si un tiers ne peut intervenir et déclarer que tel individu omis sur la liste remplit les conditions voulues pour être électeur et par suite juré. ? Or, nous ne devons pas encourager des calculs indignes d'un bon citoyen ; il ne faut donner à personne cette faculté de s'abstenir de devoirs ou même de droits qui peuvent le gêner en certaine circonstance.

Je demande à la section centrale si son intention est d'étendre la suppression du mot « omissions » à la loi communale.

Il importe de s'expliquer sur ce point, et lorsqu'on fera la révision générale du projet que nous discutons, il sera bon de préciser quelles sont les dispositions de la loi communale qui se trouvent abrogées par la loi nouvelle.

Je ne vois pas que la disposition de la loi communale, qui permet à tout citoyen de réclamer contre une omission soit explicitement abolie par le projet de la section centrale. Il y aura, je le répète, un examen attentif à faire des dispositions de la loi nouvelle combinées avec celles de la loi communale.

Quoi qu'il en soit, je voterai pour l'article présenté par le gouvernement et qui s'applique aussi bien aux élections générales qu'aux élections communales.

Dans la loi de 1843, le gouvernement avait proposé la même disposition qui a été reproduite par le ministère actuel. Cette proposition avait été adoptée par la section centrale. Mais, sur les observations de l'honorable M. d'Huart, le gouvernement avait, sans discuter, retiré sa proposition.

Je dois même dire que tandis que l'honorable M. d'Huart parlait, et alors que nous, membres de l'opposition, nous combattions avec une grande énergie cette loi de 1843 que. nous considérions comme une loi de parti, sur ce point il m'est arrivé de dire à l'honorable M. d'Huart : Nous sommes d'accord.

Eh bien, aujourd'hui je ne suis plus d'accord avec les idées de l'honorable M. d'Huart, et je crois qu'il est bon que tout citoyen ait la force de faire établir sur les listes électorales ceux qui ont le droit et l'obligation d'y être portés.

Je ne parle pas seulement des électeurs de mauvaise volonté. Il y a aussi des hommes de bonne volonté qui, se trouvant absents ou par d'autres motifs, ont été empêchés de régulariser leur position.

Pourquoi ne pas permettre qu'un tiers vienne faire observer que tel citoyen doit se trouver sur la liste ? L'ayant droit se trouve très loin ; on n'aura pas le temps de lui écrire, de lui demander une délégation et il ne figurera pas sur la liste. Et cependant ce peut être un excellent citoyen qui ne demanderait pas mieux que de venir voter et qu'il n'y a nul motif de ne pas mettre à même d'exercer ce droit.

M. le président. - M. Tack a déposé l'amendement suivant :

« Je propose de rédiger l'article 12 comme suit :

« Tout individu jouissant des droits civils et politiques pourra, dans l'arrondissement où il est domicilié, réclamer de la même manière contre les inscriptions, radiations ou omissions indues.

« Le réclamant joindra à sa requête la preuve qu'elle a été par lui notifiée à l'intéressé, qui aura dix jours pour y répondre. »

M. Dumortier. - Messieurs, l'article que nous discutons maintenant contient deux dispositions entièrement différentes : l'une qui donne à tout individu le droit de réclamer contre les défauts d'inscription, les radiations et les inscriptions indues, l'autre qui donne ce même droit au (page 649) commissaire d’arrondissement. C’est de cette deuxième partie que je veux m’occuper. Quant à la partie qui concerne les citoyens, je me rallie volontiers aux observations de M. Rogier et de M. Tack : ces honorables membres ont dit d’excellentes choses, mais je me demande s’il est nécessaire d’étendre aussi considérablement que le fait le projet de loi, l’intervention du commissaire d’arrondissement dans la formation des listes électorales.

Aujourd’hui, les attributions du commissaire d'arrondissement se bornent à une seule chose, c'est le droit d'appel contre les inscriptions indues et contre les radiations indues en matière de listes électorales relatives aux Chambres. Il n'a aucun droit sur les omissions dans les listes pour les Chambres et il n'a aucun droit ni sur les omissions, ni sur les radiations, ni sur les inscriptions en ce qui concerne la liste électorale pour la commune.

Il résulte de là que vous triplez aujourd'hui les attributions du commissaire d'arrondissement. (Interruption.) Est-ce que deux fois trois ne font pas six ? Au lieu de deux vous lui donnez six ; vous triplez donc ses attributions.

De quel droit le commissaire d'arrondissement vient-il se mêler de toutes ces affaires ?

Quant à moi, je n'ai jamais été grand partisan de l'intervention des commissaires d'arrondissement dans les matières électorales. C'est moi qui ai proposé, en 1843, de retrancher le mot « omissions », parce que je considérais déjà comme trop fort le droit d'intervenir quant aux inscriptions indues et quant aux radiations indues ; et comme, hier M. le ministre de l'intérieur a dénaturé ma pensée sur cette question, je lui déclare que, s'il veut encore le faire aujourd'hui, je le sommerai de lire mon discours tout entier.

Je ne vous autorise pas à me représenter comme ayant défendu un système que j'ai attaqué, et je ne vous le permets pas.

Je dis donc que, dans cette circonstance, nous faisons une chose qui ne me paraît en aucune manière rationnelle ni raisonnable.

Que vous accordiez aux individus le droit que la loi porte, à merveille, et, pour mon compte, je m'y rallie complètement ; mais pourquoi introduire dans- a loi ce que la gauche et nous avec elle, nous avons rejeté en 1843 ?

En 1843, l'honorable M. Rogier l'a fait remarquer tout à l'heure, nous avons fait rejeter le mot : « omissions ». Ce mot, vous le rétablissez en faveur du commissaire d'arrondissement.

- Une voix à gauche. - On le rétablit pour tout le monde.

M. Dumortier. - Vous le rétablissez pour lui, parce qu'il est votre agent.

De quel droit le commissaire d'arrondissement, agissant d'office, peut-il venir se mêler de fabriquer des électeurs, de tripoter les listes électorales ? (Interruption.)

Lorsqu'il cherchera à introduire dans les listes des personnes qui n'y figurent pas, je dis qu'il y aura des tripotages administratifs.

Je conçois que l'on dise que l'inscription et la radiation peuvent, dans certaines limites, nécessiter l'intervention du commissaire d'arrondissement, mais je ne conçois pas son immixtion en matière d'omissions, c'est-à-dire pour provoquer l'inscription de certaines personnes, quand ni ces personnes, ni la commune n'ont réclamé.

Je le répète, vous donnez aux commissaires d'arrondissement des droits qu'ils n'avaient ni en vertu de la loi générale ni en vertu de la loi communale.

Il y a, dans la loi, de bonnes, d'excellentes dispositions, quand elles s'appliquent aux citoyens, et qui deviennent mauvaises, détestables quand vous les faites servir à étendre les attributions des commissaires d'arrondissement.

Je demande donc que quand il s'agit du commissaire d'arrondissement le droit de réclamation contre les omissions n'existe pas. II ne l'a pas aujourd'hui, il ne doit pas l'avoir.

Je prendrai la confiance de vous rappeler ce que disait, à ce sujet, l'honorable M. Ernest Vandenpeereboom dans son ouvrage, intitulé : « Du gouvernement représentatif en Belgique », tome Il, p. 70 :

« Il suffisait, pensons-nous, de laisser ce droit aux individus lésés, ou à des tiers jouissant des droits civils et politiques. Qu'avait à voir ici le gouvernement, à l'aide de ses agents ? Une élection, c'est la nomination du jury national, appelé à juger le pouvoir. Le gouvernement n'a donc pas à intervenir dans la nomination de ses juges. Cette disposition est contraire à la raison d'être, à l'esprit du système électif. C'est la mise en tutelle du corps électoral ; c'est supposer son incapacité ou son inertie pour l'accomplissement de la grande mission qui lui est confiée. Nous n'hésitons donc pas à regarder cette innovation tout au moins comme inutile, et comme pouvant être, parfois, dangereuse. »

Eh bien, je partage cette idée ; si l'on proposait la suppression de l'action des commissaires d'arrondissement, je la voterais ; mais en attendant, je demande qu'on ne l'étende pas au delà de ce qu'elle est aujourd'hui, et je me rallie sur ce point aux idées émises par M. E. Vandenpeereboom.

MiPµ. - Je dois d'abord répondre un mot à M. Dumortier, qui prétend que j'ai tronqué hier son discours.

L'honorable membre ne devrait pas se borner à des affirmations ; il devrait montrer en quoi j'ai altéré sa pensée. Il m'invite à lire tout son discours : mais je ne déférerai pas à son invitation, parce que je ne veux pas faire à M. Dumortier l'injure de supposer qu'il a, dans le même discours, dit des choses exactement différentes.

M. Dumortier. - Comment !

MiPµ. - S'il n'en est pas ainsi, ce que j'ai dit subsiste.

On se fait de grandes illusions sur cette question des commissaires d'arrondissement ; d'une chose très simple on fait une affaire énorme ; il suffit de réfléchir un instant aux dispositions de la loi pour se convaincra que ce que M. Dumortier voit dans ces dispositions n'existe pas en réalité.

Occupons-nous d'abord des élections générales, des listes d'électeurs appelés à nommer les membres des Chambres législatives. Quelle est, à cet égard, la position du commissaire d'arrondissement, quant au droit d'appel ? Elle est justement la même que celle de tous les autres citoyens.

Le projet ne fait pas autre chose, quant aux listes dont il s'agit, que de laisser les commissaires intervenir comme tous les autres citoyens peuvent le faire ; quant aux radiations et aux omissions, sa position est également la même.

Maintenant, quelle est la différence, non pas au point de vue du droit d'interjeter appel, mais quant au moyen de plaider ?

Aujourd'hui, le commissaire d'arrondissement plaide d'office et aux frais de l'Etat ; c'est son avantage, il n'en a pas d'autres.

M. Dumortier. - C'est la grosse affaire.

MiPµ. - C'est la grosse affaire ; eh bien, nous allons calculer en francs et centimes à quoi se réduit cette grosse affaire.

J'ai un poste à mon budget pour les affaires de cette espèce, et savez-vous, pour tout le pays, à combien monte le crédit qui m'est alloué de ce chef ? A 500 fr. (Interruption.)

Je parle de la situation actuelle ; nous verrons ce que je proposerai pour l'appel. Je dis donc que la grosse affaire qui indigne si fort M. Dumortier se résume en un crédit de 500 fr. pour tous les arrondissements du pays ; il y en a, je crois, 40, c'est-à-dire que cela fait 12 fr. 50 cent. par arrondissement.

Voilà l'immense moyen dont dispose le gouvernement pour fabriquer des listes électorales.

M. Bouvierµ. - C'est effrayant !

MiPµ. - Je dois faire remarquer même que le gouvernement n'a pas toujours usé complètement du crédit, car pendant les cinq années 1863-1867 il n'a dépensé en moyenne que 277 fr. par an, c'est-à-dire environ 6 francs par arrondissement !

Je reconnais que les frais pourront devenir plus considérables, puisque nous introduisons non pas un degré de juridiction de plus, mais un degré de juridiction plus élevé. Je reconnais aussi qu'ils pourront être plus considérables par suite de l'amendement de M. Delcour qui accorde aux députations le droit d'enquête, droit qui pourra s'exercer également devant la cour d'appel.

Eh bien, quand nous arriverons aux dispositions générales, je présenterai un amendement en vue de permettre aux députations et aux cours d'appel de faire supporter ces frais par l'Etat dans toutes les circonstances où l'on ne constatera pas qu'une partie a plaidé de mauvaise foi, sans aucun motif sérieux, de sorte que, lorsque les parties plaideront sérieusement, elles seront dans la même position que le commissaire d'arrondissement. Le grief disparaîtra donc complètement.

Maintenant, nous avons introduit dans la loi (et c'est ce qui fait dire à l'honorable M. Dumortier que nous avons triplé ces monstrueuses prérogatives des commissaires d'arrondissement) une disposition qui permet à ces fonctionnaires d'intervenir dans la révision des listes communales. Là, il y a un droit exceptionnel, car l'habitant d'une ville chef-lieu ne peut intervenir que dans les élections du chef-lieu, tandis que le droit du commissaire d'arrondissement s'étend sur toutes les communes de son arrondissement.

Mais on reconnaîtra, je pense, qu'en introduisant cette disposition, nous (page 650) n'avons pas pu avoir en vue un but politique. Il est évident que nous sommes complètement désintéressés dans les élections communales qui, ainsi que je le disais hier, ne portent le plus souvent que sur des questions purement locales. Il est toutefois certain que c'est surtout dans les communes que la corruption peut s'exercer le plus facilement, les luttes sont d'autant plus intenses que le théâtre des luttes est plus étroit.

Or, nous avons pensé qu'en donnant au commissaire d'arrondissement le droit d'intervenir, nous rendions possible l'apaisement de ces luttes et le rappel au respect de la légalité, en faisant disparaître les faux électeurs qu'on aurait pu vouloir introduire. Voilà notre seul but. Eh bien, puisqu'on nous en fait un reproche, je suis encore prêt à sacrifier cette prérogative donnée aux commissaires d'arrondissement en acceptant l'amendement de l'honorable M. Tack, qui consiste à permettre aux électeurs d'intervenir, comme au commissaire d'arrondissement, dans les autres communes que celles qu'ils habitent.

M. Tack. - Il y aura égalité.

MiPµ. - Je ne crois pas que cela vaudra mieux ; cela ne sera pas juridique ; mais enfin si cela peut vous donner une grande satisfaction, je me rallierai à votre amendement.

M. Van Wambekeµ. - Vous permettez bien l'intervention de tout citoyen par l'article 13.

MiPµ. - Je maintiens que cela ne produira aucun résultat. Voici l'exemple que l'on a invoqué ; on a supposé une commune dans laquelle aucun habitant n'oserait réclamer contre certaines inscriptions indues, parce qu'un personnage influent exercerait une intimidation invincible sur toute la population.

Mais quand, dans cette commune, on aura fait disparaître quelques électeurs, qu'adviendra-t-il ? C'est que tous les autres électeurs soumis au despote en question feront encore ce que celui-ci voudra ; de sorte qu'on aura biffé des électeurs sans nécessité.

M. le président. - M. Dumortier propose, d'ajouter après les mots « le même droit » le membre de phrase, suivant : « comme en matière d'omission. »

- L'amendement est appuyé.

M. Mullerµ. - J'avais demandé la parole parce que j'avais supposé, à tort, que M. le ministre de l'intérieur consentait à ce que le commissaire d'arrondissement n'usât pas de son droit de contrôle sur les listes communales ; mais j'ai bientôt compris que ce n'était pas son intention.

L'honorable M. Pirmez ne fait que consentir à ce que les électeurs qui sont étrangers à une localité puissent intervenir dans la révision des listes communales.

Quant à moi, je ne puis me rallier à cette opinion, parce qu'à mon avis elle est subversive des règles admises jusqu'ici en matière électorale. Un citoyen ne doit pas pouvoir intervenir dans des intérêts locaux auxquels il est étranger.

A mon avis, il y a un double motif pour que le commissaire d'arrondissement puisse s'ingérer dans la révision des listes communales.

Le premier de ces motifs est celui qu'a signalé l'honorable ministre de l'intérieur ; il s'agit d'opposer un frein aux fournées de faux électeurs, et, si j'appartenais à l'opposition, aussi bien que je siège aujourd'hui sur les bancs de la majorité, je tiendrais à ce que le commissaire d'arrondissement eût le devoir de surveiller les faux électeurs, pour pouvoir, au besoin, l'accuser d'y avoir manqué en présence de fraudes multipliées et évidentes qu'il aurait sciemment tolérées.

En second lieu, l'état actuel des choses ne permet guère de maintenir, quant au contrôle du commissaire d'arrondissement, une distinction entre les listes communales et les autres.

En effet, par suite de l'abaissement du cens électoral opéré en 1848, nous avons une foule de localités où le cens électoral est le même pour la province, pour la commune et pour les élections des Chambres législatives. Si vous ne donniez pas au commissaire d'arrondissement le droit d'intervenir dans les élections communales, voici ce qui arriverait, et ce sont là des anomalies choquantes aux yeux de la masse des électeurs : tel citoyen serait rayé de la liste générale et serait maintenu dans les mêmes conditions sur la liste communale.

Ces choses-là, des législateurs peuvent se les expliquer ; mais elles seront très mal comprises par le public, lorsque les mêmes motifs existent pour maintenir ou pour rayer un électeur de toutes les listes. Ce motif n'existait pas à l'époque où l'on a fait la loi de 1813 ; il semble aujourd'hui militer en faveur de l'intervention des commissaires d'arrondissement dans les réclamations en matière communale.

M. Dumortier. - Messieurs, je dois d'abord dire quelques mots en réponse aux objections de l'honorable M. Muller. L'honorable membre semble manquer à sa logique habitude : il ne vent pas que les électeurs aient le droit de réclamer, en ce qui concerne les élections communales, dans une commune où ils n'auraient pas leur domicile.

M. Mullerµ. - Parce qu'ils n'y ont pas d'intérêt.

M. Dumortier. - Soyez alors conséquent ; n'admettez pas alors l'intervention du commissaire d'arrondissement dans toutes les communes auxquelles il est étranger.

Pourquoi vouloir faire pour lui ce que vous ne faites par pour les autres citoyens ? Encore une fois, il n'y a pas là égalité.

Je vais répondre maintenant quelques mots à M. le ministre de l'intérieur. Il arrive avec le chiffre de son budget. « Le budget, dit-il, ne porte que 500 francs pour les frais qu'ont à faire les commissaires d'arrondissement, du chef de la révision des listes électorales. »

Mais, messieurs, les commissaires d'arrondissement n'ont absolument aucune dépense à faire. (Interruption.)

Les notifications sans exemptes de frais de timbre et d'enregistrement. Ce fonctionnaire, je le répète, n'a aucune dépense à faire.

A quoi se borne sa besogne ?

II envoie ses commissionnaires, et la chose est faite. et là encore, messieurs, je ne vois pas quels frais il a à faire.

L'argument invoqué par l'honorable M. Pirmez est donc absolument sans signification. Mais ce qui n'est pas sans signification, c'est ce qu'a dit l'honorable M. Vandenpeereboom : c'est que, par le fait de l'intervention des agents du pouvoir dans la formation des listes électorales, en fait et en réalité, on met le corps électoral en tutelle.

Et qu'est-ce que c'est, en définitive, que ce système de voir le commissaire d'arrondissement, les bourgmestre et échevins partout ?

C'est un système d'épuration des listes électorales par le gouvernement, par les agents du pouvoir.

Et voila ce que je trouve mauvais.

Je dis avec l'honorable M. Vandenpeereboom que la formation des listes électorales qui sont destinées à faire juger le gouvernement, est une œuvre à laquelle le gouvernement ne peut prendre part ni par lui-même ni par ses agents.

J'ai déjà eu beaucoup de peine à accepter l'intervention des commissaires d'arrondissement dans la révision des listes électorales pour la Chambre, quant à l'inscription et à la radiation, je ne veux en aucune manière l'introduire en ce. qui concerne les listes communales.

Comment ! voilà le commissaire d'arrondissement qui n'a rien à voir dans les affaires des villes, qui est étranger à l'administration des villes et qui voudra intervenir dans la formation des listes !

Et vous trouvez cela bien !

Vous étendez les attributions du commissaire d'arrondissement là où toute espèce d'action lui est déniée par la loi !

Vous lui donnez l'action la plus forte qu'on puisse avoir : l'action sur la formation des listes électorales.

Je dis que cela n'est pas rationnel et que cela est peu libéral : que ce n'est pas ainsi qu'anciennement on entendait le libéralisme. (Interruption.)

Et que si vous l'entendez aujourd'hui de la sorte, votre libéralisme est tout simplement du despotisme, car ce sont les agents du pouvoir qui feront les listes électorales, peu importe le parti qui soit au pouvoir, catholiques ou libéraux ! (Interruption.)

M. Jacobsµ. - Je félicite le gouvernement de s'être rallié à l'amendement de M. Tack. Mais je lui demanderai d'être conséquent jusqu'au bout et de consentir à la suppression complète des mots : « Le commissaire d'arrondissement, agissant d'office, aura le même droit. »

En effet ces mots n'ont plus aucune raison d'être.

M. le président. - Ces mots ne sont plus dans l'amendement de M. Tack, auquel l'honorable ministre de l'intérieur s'est rallié.

MiPµ. - Je me rallie à l'amendement de M. Tack, en tant qu'il étend le cas de recours à tous les citoyens de l'arrondissement.

M. le président. - Voici, messieurs, comment est conçu l'amendement de M. Tack :

« Tout individu jouissant de ses droits civils et politiques pourra, dans l'arrondissement où il est domicilié, réclamer de la même manière contre les inscriptions ou radiations indues.

« Le réclamant joindra à sa requête la preuve qu'elle a été par lui notifiée à l'intéressé qui aura dix jours pour y répondre. »

M. Jacobsµ. - Nous sommes d'accord, le gouvernement et moi, pour ne pas interpréter son adhésion comme se rapportant à la suppression des mots : « Le commissaire, etc.. » Mais je viens l'engager à se rallier à la suppression de ces mots, et voici pourquoi.

(page 651) L’intervention du commissaire d'arrondissant, agissant d'office, n'avait que deux avantages, sur l’intervention des citoyens ; c’était d’abord de lui permettre de plaider aux dépens de l’Etat, ce qui aujourd’hui sera permis à tout le monde, car il ne fait pas supposer que le commissaire d’arrondissement aille de mauvaise foi faire des réclamations contre les listes électorales.

Le premier venu, lorsqu'il agit de bonne foi, ne pouvant être condamné aux frais, le commissaire d'arrondissement n'aura aucun privilège a cet égard.

Le second avantage consistait dans le droit accordé au commissaire d'arrondissement de réclamer dans toutes les communes de l'arrondissement, même pour les listes communales. Puisqu'on se rallie à l'amendement de l'honorable M. Tack, qui généralise ce droit, il n'y a aucun motif de faire mention spéciale du commissaire d'arrondissement pour le lui conférer.

Je ferai même remarquer au gouvernement que si l'on maintient le texte de l'article tel qu'il l'a formulé, on enlève au commissaire d'arrondissement tout privilège, bien loin de maintenir celui qu'il possède jusqu'à présent. En effet, l'article dit : « Le commissaire d'arrondissement, agissant d'office, aura le même droit. » Quel droit ? Celui qu'a tout individu jouissant des droits civils et politiques, celui de pouvoir, quant aux listes de l'arrondissement, du canton ou de la commune de son domicile, réclamer contre les inscriptions, radiations ou omissions indues.

Votre rédaction restreint les droits du commissaire d'arrondissement, au lieu de maintenir le statu quo.

Je crois qu'il faut supprimer la mention spéciale du commissaire d'arrondissement, puisque désormais il ne jouira que du droit dont jouissent tous les citoyens, celui de réclamer sans frais des modifications aux listes de l'arrondissement qu'il habite, dans les trois sphères communale, provinciale et générale.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Le gouvernement a accepté en principe l'amendement de l'honorable M. Tack. Mais il est évident que cet amendement nécessite une nouvelle rédaction de l'article. Car voici ce qu'a fait l'honorable M. Tack : Il a demandé le même droit pour tous les citoyens de l'arrondissement quant aux listes communales. De cette façon, tous ces citoyens se trouveront sur la même ligne que le commissaire d'arrondissement. Mais les attributions du commissaire de district subsisteront et c'est sur ce point que l'honorable M. Jacobs se trompe.

Pour le commissaire d'arrondissement, c'est un devoir de surveiller les listes ; cela rentre dans ses attributions ; il agit là comme fonctionnaire public, tandis que, pour les particuliers, c'est un droit dont ils useront ou dont ils n'useront pas. Personne ne peut les forcer à user de ce droit et c'est ce qui faisait dire que l'amendement n'est pas juridique. On comprend que le citoyen ait le droit de contrôler les pouvoirs des membres de l'assemblée électorale dont il fait partie, ainsi que tout citoyen qui fait partie de l'assemblée communale, contrôle les pouvoirs des autres électeurs de la commune. Mais ce qu'on ne comprend pas, c'est qu'un citoyen qui ne fait pas partie de l'assemblée communale et ne peut voter dans la commune, vienne contrôler la liste des électeurs communaux. Cela n'est donc pas juridique et c'est pour enlever à la droite un grief imaginaire, que M. le ministre de l'intérieur a accepté l'amendement de l'honorable M. Tack.

Mais l'article doit être rédige de façon à indiquer que le commissaire d'arrondissement doit pouvoir réclamer la radiation des électeurs indûment inscrits, de demander l'inscription des électeurs qui auraient été omis, et de plaider chaque fois que l'intérêt public exige son intervention. Il sera libre à tous les citoyens d'en faire autant. Ils le feront à leurs risques et périls, et s'ils sont de mauvaise foi, ils seront condamnés aux frais.

M. d’Elhoungne, rapporteurµ. - Je ne sais, d'après les paroles que vient de prononcer M. le ministre de la justice, si le gouvernement continue à se rallier à l'amendement de l'honorable M. Tack ou s'il repousse cette proposition pour restreindre les réclamations relatives aux listes communales dans le cercle des membres de la famille communale, c'est-à-dire des habitants de la commune ?

M. le ministre de la justice (M. Bara). - e déclare que selon moi, et l'honorable M. Pirmez l'avait déclaré avant moi, cette disposition n'est pas juridique.

Mais d'honorables membres attachent une grande importance à cet amendement. Ils prétendent qu'il y a des communes où personne n'osera réclamer. Eh bien, s'il ne faut qu'accorder quelque chose d'inutile pour faire taire les griefs, je. ne vois pas pourquoi nous ne l'accorderions pas. Il y à une foule d'amendements que la droite demande et que nous considérons comme inutiles. Mais il est évident que la loi votée, si nous ne faisions pas de concessions sur de prétendus griefs qu'on élève à une grande hauteur, on prétendrait que nous avons fait une loi électorale contre la droite.

M. d’Elhoungne, rapporteurµ. - Je ne me révolterai pas contre la concession que mon honorable ami, M. le ministre de la justice, vient de faire à la droite ; je l'en féliciterai même, si les concessions qu'on ne cesse de faire peuvent amener les membres de la droite à se joindre d'une voix unanime à nous pour adopter le projet de loi. (Interruption.)

On a critiqué vivement l'intervention du commissaire d'arrondissement dans tout ce qui concerne la formation des listes électorales.

La même discussion a eu lieu en 1843, et à cette époque les membres de la gauche manifestaient de grandes appréhensions contre l'intervention du commissaire d'arrondissement. Depuis lors, l'expérience a parlé, et l'on n'a pas vu que des abus aient été signalés.

Ainsi, à Gand, où la lutte a été des plus ardentes en 1866, on a pu traduire en chiffres ce que devient l'action du commissaire d'arrondissement lorsque les partis surveillent eux-mêmes leurs intérêts : la députation a été saisie de 686 appels, et dans ces 686 appels, il y en avait 70 interjetés par le commissaire d'arrondissement.

C'est à peu près 10 p. c, et l'on conviendra que cette proportion n'a rien d'effrayant. (Interruption.) Lorsque sur 100 réclamations il n'y en a que 10 qui émanent du commissaire d'arrondissement, il me semble que cette proportion est très modeste.

Elle sera plus modeste, encore dans les élections communales, car il suffira que le commissaire de district puisse intervenir pour qu'un grand nombre de fraudes ne soient pas même essayées. (Interruption.) Ce sera un frein.

Une autre question a été soulevée à propos de l'article en discussion : c'est la question de savoir s'il faut admettre les réclamations des tiers et du commissaire d'arrondissement contre les omissions indues ; je dis des tiers et du commissaire d'arrondissement, parce que si vous accordez aux tiers le droit de réclamer contre les omissions indues, vous devez l'accorder également au commissaire d'arrondissement, dont l'action était considérée en 1843 comme bienfaisante par les membres les plus influents de la droite.

La section centrale n'a pas pensé, messieurs, qu'il fallût innover quant aux omissions indues. Elle s'est ralliée aux considérations qui en 1843 ont déterminé le gouvernement à retirer les mots « omissions indues ». Ces considérations avaient été exprimées par l'honorable M. d'Huart et l'honorable M. Rogier avait donné un assentiment que, par suite des réflexions et de l'expérience, il a retiré tout à l'heure.

Pourquoi la section centrale a-t-elle pensé qu'il ne fallait pas donner aux tiers ni au commissaire d'arrondissement le droit de réclamer contre les omissions indues ?

C'est qu'il lui a été démontré, par l'expérience aussi, que les réclamations pour omissions indues en matière communale, où ce droit existe, n'ont aucune espèce d'importance. C'est un droit qu'on ne pratique pas, c'est presque une lettre morte ; on peut en conclure que ces réclamations se produiront peu nombreuses aussi pour les élections provinciales et pour les élections législatives.

D'après ces considérations, messieurs, je repousserai de mon vote les réclamations pour omissions indues, aussi bien de la part des tiers, que de la part du commissaire d'arrondissement ; mais je le répète, il existe une corrélation nécessaire entre le droit accordé aux tiers et celui accordé aux commissaires d'arrondissement. On doit admettre ou refuser l'un en même temps que l'autre.

- Plusieurs membres. - Aux voix !

M. Tack. - Messieurs, je vois que la Chambre est impatiente d'en finir. Je ne rouvrirai pas le débat au sujet de l'intervention du commissaire d'arrondissement. J'en ai dit assez sous ce rapport.

Je ne défendrai pas même à nouveau mon amendement. Je persiste cependant à dire qu'il est juridique, quoi qu'en ait dit M. le ministre de l'intérieur. J'ajoute qu'il est utile et pratique, car tous ceux qui se sont occupés d'élections savent par expérience combien il est souvent difficile de trouver dans une commune un individu quelconque qui consente a signer une réclamation.

C'est pourquoi je tiens à mon amendement, et je remercie l'honorable ministre de l'intérieur de s'y être rallié.

Je désire faire une autre observation à propos de l'article 13, et j'appelle sur ce point l'attention de l'honorable rapporteur de la section centrale.

Quant à mon amendement, je l'arrêterai aux mots :

« Réclamations contre les inscriptions, radiations ou omissions indues. »

(page 652) J'admets, avec l'honorable rapporteur de la section centrale, qu'il faut évidemment une corrélation entre le droit de réclamer accordé aux commissaires d'arrondissement et ce même droit accordé à des tiers. Cela ne peut faire doute dans l'esprit de ceux qui sont partisans de l'intervention du commissaire d'arrondissement.

Mais j'ai une autre observation à présenter, à propos de la partie finale de l'article.

D'après le projet de loi, il faut que les tiers réclamants s'adressent par voie de requête à la dépuration permanente. La section centrale a substitué le mot « réclamation » au mot « requête ».

Je crois qu'il faut s'en tenir à la rédaction du gouvernement, et en voici la raison. Pour ce qui concerne les intéressés eux-mêmes, il est rationnel d'admettre les réclamations verbales, ainsi que la Chambre l'a décidé sous l'article 11. L'intéressé peut être illettré ; cela n'arrivera pas pour les tiers qui exercent l'action populaire.

Ce sont le plus souvent des personnes instruites qui font de pareilles démarches, et je crois que pour celles-là, il ne faut pas admettre de simples réclamations verbales.

Je suis donc d'avis qu'il faut maintenir la rédaction proposée par le gouvernement.

M. Jacobsµ. - L'honorable M. Tack vient de nous dire, qu'il arrête, son amendement aux mots : « réclamations contre les inscriptions, radiations ou omissions indues. »

Il entend par là, je pense, qu'on votera par division.

M. Tack. - Evidemment.

M. Jacobsµ. - Mais il ne renonce pas à voter la suppression des mois : « Le commissaire d'arrondissement, agissant d'office, aura le même droit. »

Le gouvernement vient de reconnaître que ces mots n'ont plus rien de pratique, que le commissaire d'arrondissement n'aura d'autre droit que celui qui compète au premier venu.

Mais, d'après M. le ministre de la justice, s'il n'a pas d'autre droit, il a des devoirs ; et la mention spéciale qui est faite de ce fonctionnaire n'a pour but que de lui rappeler ses devoirs.

Nous n'avons pas dans la loi à tracer les devoirs du commissaire d'arrondissement ; il nous suffit de lui conférer des droits ; le gouvernement, par circulaire, lui tracera les règles d'après lesquelles il devra agir ; qu'il nous suffise d'indiquer les droits dont il pourra user.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - En présence de la déclaration de M. Jacobs, nous ne pouvons voter l'amendement de M. Tack, nous devons nous en tenir au projet du gouvernement, (Interruption.)

Quoi ! nous concédons à la droite ce que nous considérons comme une chose inutile, et maintenant M. Jacobs nous dit : Vous allez enlever leurs attributions aux commissaires d'arrondissement. Cela n'est pas possible, nous devons rejeter l'amendement, du reste inutile, de M. Tack. (Aux voix ! La clôture !)

M. le président. - La clôture est demandée.

M. Tack. - Je demande la parole contre la clôture.

M. le président. - Vous avez la parole, M. Tack.

M. Tack. - Je voudrais avoir la parole uniquement pour répondre à M. Jacobs et pour indiquer le sens de mon amendement.

- Voix nombreuses. - La clôture !

La clôture est mise aux voix et prononcée.

MPDµ. - Nous avons à voter sur les différents amendements ; la proposition du gouvernement reste désormais debout d'après la déclaration qui vient d'être faite.

M. Jacobsµ. - L'amendement de M. Tack subsiste.

M. Tack. - Je crois qu'il doit être entendu qu'il ne reste de mon amendement que la première partie. J'ai retiré la seconde partie ; il laisse donc entière la question relative à l'intervention du commissaire d'arrondissement ; d'autre part, remarquez-le, M. Jacobs n'a pas présenté d'amendement.

M. le président. - Voici l'ordre que je propose pour les votes :

1° L'amendement de la section centrale, qui supprime d'une manière absolue le droit de réclamation en matière d'omissions indues ;

2° Si cette proposition n'est pas admise, la proposition de M. Dumortier, en ce qui concerne les commissaires d'arrondissement ;

3° L'amendement de M. Tack.

Et 4° si cet amendement n'est pas admis, la proposition du gouvernement.

M. Dumortier. - Je demande la division.

M. le président. - On pourrait procéder par division, mais je crois que la méthode que je propose est plus méthodique ; avec cette méthode, il y a un vote sur chacune des parties.

Je mets donc aux voix l'amendement de la section centrale.

- Cette proposition n'est pas adoptée.

M. le président. - Je mets aux voix maintenant l'amendement de M. Dumortier.

M. Dumortier. - Je demande la division.

M. le président. - La division aura lieu tout à l'heure.

M. Dumortier. - Cela n'est pas possible, attendu que mon amendement se rapporte à la seconde partie de l'amendement.

M. le président. - Je fais remarquer que la division aura lieu en suivant l'ordre de vote que je propose. La question est de savoir si l'on fait une distinction pour les omissions ou pour les réclamations. C'est pour cela que j'ai proposé l'ordre de vote que j'ai indiqué.

- L'amendement de M. Dumortier est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

M. le président. - Maintenant, procédant par division, je mets aux voix l'amendement de M. Tack, qui consiste à ajouter après les mots : « Tout individu jouissant des droits civils et politiques, pourra... » ceux-ci : « dans l'arrondissement où il est domicilié, réclamer de la même manière contre les inscriptions, radiations ou omissions indues. »

M. Dumortier et d'autres membres. - L'appel nominal !

Il est procédé à l'appel nominal.

76 membres y prennent part.

26 répondent oui.

50 répondent non. En conséquence, la Chambre n'adopte pas.

Ont répondu oui :

MM. Jacobs, Janssens, Landeloos, Lefebvre, Le Hardy de Beaulieu, Liénart, Magherman, Notelteirs, Nothomb, Reynaert, Tack, Thibaut, Thonissen, Vander Donckt, Van Wambeke, Vermeire, Verwilghen, Visart, Wouters, de Clercq, Delcour, de Liedekerke, de Montblanc, de Terbecq, de Theux et Dumortier,

On répondu non :

MM. Jacquemyns, Jamar, Jouet, Lambert, Lebeau, Lesoinne, Lippens, Moreau, Mouton, Muller, Nélis, Orban, Pirmez, Preud'homme, Rogier, Sabatier, Schmitz, T'Serstevens, Alphonse Vandenpeereboom, Ernest Vandenpeereboom, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Merris, Vleminckx, Warocqué, Allard, Anspach, Bara, Beke, Bieswal, Broustin, Carlier, Crombez, David, De Fré, de Kerchove de Denterghem, de Lexhy, d'Elhoungne, de Macar, de Maere, de Rongé, de Rossius, Descamps, Dethuin, de Vrints, Dewandre, Elias, Frère-Orban et Dolez.

M. le président. - Reste à voter l'article 12, tel qu'il est proposé par le gouvernement. Mais, auparavant, je demanderai à M. le rapporteur de la section centrale s'il maintient la substitution des mots « à sa réclamation » aux mots « à sa requête. » Le gouvernement ne s'est pas rallié à ce changement.

M. d’Elhoungne, rapporteurµ. - Pour ma part, je crois pouvoir renoncer à l'amendement proposé par la section centrale.

M. Mullerµ. - Je dois faire observer que si l'on rétablit les mots « sa requête » dans l'article 12, ces mots auraient la signification que leur donne l'honorable M. Tack.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - La section centrale qui avait proposé de substituer le mot « réclamation » au mot « requête », a entendu par le mot « réclamation » la réclamation même verbale, et par le mot « requête » la section centrale a entendu la réclamation écrite.

- L'article 12, tel qu'il est proposé par le gouvernement, est mis aux voix et adopté.


MiPµ. - J'ai à présenter divers amendements ; je demande qu'ils soient imprimés et renvoyés à la section centrale.

- Cette proposition est adoptée.

M. le président. - M. Julliot a présenté l'amendement, suivant :

« Art. 18. Ajouter après les mois : à la cour d'appel du ressort, la disposition suivante :

« Par exception à la règle générale, la chambre de la cour qui en jugera sera composée de trois membres, conformément à un règlement à arrêter de ce chef. »

- Cet amendement sera imprimé et distribué.

M. le président. - Je dois faire connaître à la Chambre que M. Moncheur avait demandé un congé pour la séance de ce jour.

- La séance est levée à 5 heures et un quart.