(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1868-1869)
(Présidence de M. Dolezµ.)
(page 627) M. Dethuin, secrétaireµ, procède a l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. Van Humbeeck, secrétaireµ, donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.
Il présente ensuite l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.
« Le sieur Desmet demande que la substitution, en matière de milice, puisse, avoir lieu entre tous les miliciens appartenant à l'arrondissement administratif réuni de Gand-Eecloo. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Les sieurs Lacroix, Laurent et autres membres du cercle de la Ligue de l'enseignement à Waterloo, prient la Chambre de ne pas réglementer le travail des femmes et des enfants dans l'industrie. »
- Même renvoi.
« Le sieur Debry demande par quel intermédiaire il pourra présenter au pays une machine de guerre dont il est l'inventeur. »
- Même renvoi.
« La veuve. Demunter demande un congé pour son fils Henri, soldat au 3ème régiment de ligne. »
- Même renvoi.
« Les sieurs Maton demandent une indemnité pécuniaire du chef de la détention préventive qu'ils ont subie. »
- Même renvoi.
Par messages en date du 15 mars, le Sénat informe la Chambre qu'il a donné son adhésion aux projets de loi :
« 1° Qui rend disponible pendant les exercices 1869 à 1871 le crédit de 14,461,170 fr. alloué par la loi du 8 mai 1861 ;
« 2° Portant érection de la commune de La Louvière ;
« 3° Modifiant la limite séparative entre les communes de Corntsse et de Wagnez ;
« 4° Qui affecte au renouvellement du matériel des transports, jusqu'à concurrence d'un million, les sommes qui resteront sans emploi a la fin de 1868 sur certaines allocations du budget du département des travaux publics ;
« 5° Portant règlement définitif du budget de l'exercice 1864 ;
« 6° Qu'il a pris en considération la demande de grande naturalisation du sieur Jean Marx.
« 7° Qu'il a rejeté la demande de naturalisation ordinaire du sieur Gérard Henri-Guillaume Keunen ;
« 8° Qu'il a donné son adhésion à 22 projets de loi de naturalisation ordinaire ;
« 9° Qu'il a pris en considération 18 demandes de naturalisation ordinaire. »
- Pris pour notification.
« M. de Haerne, retenu par une affaire de famille, demande un congé d'un jour ou deux. »
« M. Van Cromphaut, retenu par une indisposition, demande un congé de quelques jours. »
- Ces congés sont accordés.
M. Vleminckxµ. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la section centrale qui a examiné la convention réglant l'exercice de l'art de guérir dans les communes limitrophes de la Belgique et des Pays-Bas.
M. Preud'hommeµ. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la commission spéciale qui a examiné le budget des dotations pour l'exercice 1870.
- Ces rapports seront imprimés et distribués.
MPDµ. - Nous avons à voter sur l'amendement de M. Dumortier, qui est ainsi conçu :
« Les opérations électorales mentionnées à l'article 7 de la loi électorale commenceront chaque année le 1er mars. »
- L'appel nominal a été demandé.
Il est procédé à cette opération.
84 membres y prennent part.
29 répondent oui.
55 répondent non.
En conséquence, la Chambre n'adopte pas.
Ont répondu oui :
MM. Gerrits, Hayez, Jacobs, Janssens, Kervyn de Lettenhove, Landeloos, Lefebvre, Liénart, Magherman, Moncheur, Mulle de Terschueren, Notelteirs, Royer de Behr, Tack, Thonissen, Vander Donckt, Van Wambeke, Vermeire, Verwilghen, Wouters, Beeckman, de Borchgrave, de Clercq, E. de Kerckhove, Delcour, de Liedekerke, de Terbecq, de Theux et Dumortier,
On répondu non :
MM. Guillery, Hagemans, Jacquemyns, Jamar, Jonet, Lambert, Lange, Lelièvre, Lesoinne, Lippens, Mascart, Moreau, Mouton, Millier, Nélis, Orban, Pirmez, Preud'homme, Schmitz, T'Serstevens, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Merris, Vleminckx, Watteeu, Allard, Ansiau, Anspach, Bara, Beke, Bouvier-Evenepoel, Bricoult, Broustin, Bruneau, Carlier, Couvreur, Crombez, David, de Baillet-Latour, de Brouckere, De Lexhy, d'Elhoungne, de Macar, de Rossius, Descamps, Dethuin, de Vrière, de Vrints, Elias, Frère-Orban, Funck et Dolez.
M. le président. - Nous passons à l'amendement de M. Tack, ainsi conçu :
« Remplacer l'article premier par la disposition suivante :
« Chaque année, du 1er au 14 mars... » (Le reste comme dans l'amendement de la section centrale.) »
M. Tack. - Je crois qu'il est inutile de mettre mon amendement aux voix. Il se confond avec l'amendement de M. Dumortier.
- Une voix à gauche. - Le retirez-vous ?
M. Dumortier. - L'amendement de M. Tack est tout à fait différent du mien. (Interruption.)
Mon amendement se rapporte à la loi de 1831. Celui de M. Tack, au contraire, se rapporte à la loi actuelle.
Il est bien le même quant aux résultats, mais il n'a que cela de commun. Les deux choses sont complètement distinctes.
M. le président. - Vient maintenant la rédaction de la section centrale. Elle est ainsi conçue :
« Art. 1er. Chaque année, du 1er au 14 août, le collège des bourgmestre et échevins procédera à la révision des listes des citoyens de la commune que la loi appelle à participer à l'élection des membres des Chambres législatives, des conseils provinciaux et des conseils communaux.
« Ceux qui, sans être électeurs pour les Chambres, auront droit à être électeurs pour la province ou la commune, seront portés sur des listes supplémentaires. »
- L'article premier de la section centrale est adopté.
M. le président. - La Chambre, a à se prononcer maintenant sur la proposition additionnelle de M. Van Wambeke, ainsi conçue :
« Le collège des bourgmestre et échevins devra inscrire sur la liste électorale les noms de tout citoyen qui, ayant l'âge requis et jouissant de ses droits politiques, paye le cens légal. »
- L'amendement est mis aux voix. Il n'est pas adopté.
« Art. 2. Un double des rôles, certifié conforme par le receveur et vérifié par le contrôleur des contributions directes, sera remis, à cet effet, avant le 1er septembre, au collège des bourgmestre et échevins. Ce double sera délivré sans frais. »
M. le président. - La section centrale propose de substituer la date du 15 juillet à celle du 1" septembre.
M. Tack. - Messieurs, il doit être entendu que l'article 2 ne déroge en rien à la disposition de la loi du 8 septembre 1865 relative au payement effectif du cens.
D'après cette loi, les rôles envoyés à l'administration communale par le receveur doivent comprendre non-seulement la cotisation de l’année (page 628) courante, mais celles des deux années antérieures et mentionner, lorsqu'elles ne sont pas entièrement apurées, le montant de la cotisation réellement payé ou le fait qu'aucun payement n'a eu lieu.
L'article 2 de la même loi dispose qu'indépendamment des rôles, le receveur des contributions sera tenu de transmettre à l'autorité communale l'état des cotes irrécouvrables et l'ordonnance de décharge.
Je crois qu'on aurait utilement fait de reproduire ces dispositions dans le projet de loi que nous discutons. Il s'agit de faire une chose complète au point de vue de la révision des listes électorales. Eh bien, les disposions auxquelles je viens de faire allusion et qui sont comprises dans la loi de 1865 se rapportent directement à la révision des listes électorales. Si elles ne se trouvent pas dans la loi électorale, ni dans la loi communale, c'est par le motif que les questions concernant le payement effectif du cens n'avaient pas été tranchées à cette époque.
Je soumets cette observation à M. le ministre de l'intérieur.
MiPµ. - Je crois que l'observation de l'honorable M. Tack, en tant qu'elle interprète le projet de loi, est parfaitement exacte. Je crois qu'il suffira des explications qu'il vient de donner et auxquelles le gouvernement se rallie, pour qu'il n'y ait aucun doute.
M. de Theuxµ. - Il y aurait ici une grande amélioration à apporter et que l'on a perdue de vue.
La copie des rôles ne doit être remise a l'administration communale que le 1er septembre. Je voudrais que cette copie fût remise en double. L'article 9 dit qu'un double de la liste électorale doit rester à l'administration communale, l'autre doit être envoyée au commissariat d'arrondissement.
Eh bien, je voudrais également qu'un double des rôles restât déposé à la commune et l'autre transmis aux commissariats d'arrondissement.
L'avantage qui résulterait de cette modification, c'est qu'on aurait plus de temps pour prendre inspection des rôles a la commune.
Il a été constaté qu'il est matériellement impossible pour ceux qui s'occupent de la vérification des listes d'avoir une connaissance suffisante des rôles. Eh bien, pour faciliter cette connaissance, je demande que les rôles soient remis en double. Voila le seul changement que je demande ; je le crois très utile, car on s'est plaint très souvent de ne pouvoir consulter suffisamment les rôles a l'administration communale. Au moyen de l'addition des mots « en double », qui permettrait le dépôt permanent de l'un des doubles à l'administration communale, chacun pourrait alors le consulter à loisir.
MiPµ. - Il s'agit, messieurs, d'une besogne extrêmement considérable. L'honorable comte de Theux propose de faire copier en double tous les rôles du pays. Il est certain que, si de nombreux citoyens ont parfois désiré vérifier en même temps les rôles, ce cas ne s'est jamais présenté que très exceptionnellement. (Interruption.) Cela peut arriver quand il y a lutte, mais généralement on ne s'occupe pas beaucoup de la vérification des rôles, et adopter l'amendement de M. de Theux serait ordonner fort inutilement une besogne très considérable.
Il ne faut pas oublier, messieurs, que le système de la nouvelle loi est d'allonger tous les délais. Il y aura donc désormais plus de temps qu'aujourd'hui pour contrôler les opérations préliminaires dont il s'agit ici et les citoyens auront toutes les facilités désirables pour examiner à loisir les rôles des contributions.
M. Maghermanµ. - Si l'on craint que la proposition de l'honorable M de Theux ne donne une besogne trop considérable aux receveurs des contributions, on pourrait arriver, par une autre voie, au but qu'il se propose ; il suffirait pour cela de prescrire aux administrations communales de dresser elles-mêmes un double des listes qu'elles auraient à conserver. La besogne ainsi répartie se réduirait à très peu de chose pour chaque commune et l'on réaliserait ainsi l'amélioration très utile que demande l'honorable M. de Theux.
J'appelle sur ce point l'attention de. M le ministre de l'intérieur ; il n'aura, je pense, aucune objection a faire à la mesure que j'indique.
M. de Theuxµ. - Il m'importe fort peu que l'on arrive d'une façon ou d'une autre au but que je me propose ; pourvu qu'un double des rôles reste déposé au secrétariat de chaque administration communale, c'est tout ce que je demande.
Quant à moi, je ne vois pas pourquoi M. le ministre des finances n'allouerait pas une indemnité aux receveurs des contributions qui, dans mon système, seraient chargés de dresser les rôles en double. Pour les petites communes, cela se réduirait à peu de chose ; ce n'est que pour les grandes que le travail serait quelque peu important.
Eh bien, qu'on leur alloue une indemnité. Il importe, sans doute, d'offrir aux habitants les plus grandes facilités, alors surtout qu'il s'agit d'une opération aussi importante.
Pour ma part, je ne vois aucune raison qui puisse s'opposer à ce que ma proposition soit adoptée.
M. Tack. - Messieurs, je vois que je suis d'accord avec M. le ministre de l'intérieur, en ce qui touche l'interprétation à donner à l'article 2 du projet de loi en discussion, mis en rapport avec la loi de 1865. Mais je persiste à croire qu'il serait utile d'insérer dans le projet de loi les dispositions auxquelles j'ai fait allusion. Sans cela, nous allons aboutir à de singulières anomalies. La loi du 7 septembre 1865 contient des dispositions qui regardent la capacité électorale ; tel est l'article 4 de cette loi. Sur ce point, je suis d'accord avec l'honorable ministre, mais elle en renferme également qui concernent la procédure.
De plus, on invoque dans cette loi les dispositions de l'article 7 de la loi électorale, qui est abrogé par la disposition de l'article 12 du projet de loi soumis à notre examen. L'article 1er de la loi du 8 septembre 1865 porte, en effet : « Le double des rôles des contributions directes, dont l'envoi aux autorités communales est prescrit par l'article 7 de la loi électorale, doit renseigner, etc. »
Je sais bien que par induction on arrivera à dire que la mention de l'article 2 du projet de loi est censée remplacer celle de l'article 7 dans la loi du 8 septembre 1865
Mais il n'en est pas moins vrai qu'il en résulte une espèce d'anomalie dans la conférence des textes de la loi.
C'est pour ce motif qu'il me semblait nécessaire d'insérer dans le projet de loi les dispositions de la loi du 8 septembre 1865, relatives à la procédure.
- La discussion sur l'art. 2 et l'amendement y relatif est close.
MPDµ - M. de Theux, persistez-vous dans votre amendement ?
M. de Theuxµ. - Oui, M. le président, d'autant plus que je connais plusieurs localités où ces difficultés se sont présentées de la manière la plus sérieuse.
- L'amendement de M. de Theux est mis aux voix et adopté.
L'article 2, tel qu'il est amendé par la section centrale, est ensuite mis aux voix et adopté.
« Art. 3. Les listes seront provisoirement arrêtées le 14 août ; elles seront affichées le 15 août. Elles resteront affichées jusqu'au 30 août inclusivement et contiendront invitation aux citoyens qui croiraient avoir des observations à faire, de s'adresser a cet effet au collège des bourgmestre et échevins, avant le 31 août.
M. le président. - Quelqu'un demande-t-il la parole ?
M. Tack. - Je demande la parole.
- Des membres à droite. - Ne parlez pas ; c'est inutile.
M. Tack. - Si j'avais l'espoir de voir restituer aux conseils communaux leur compétence, je serais tenté de demander qu'on substituât dans l'article 2 le mot « réclamations » au mot « observations », et les mots « collège communal » aux mots « collège échevinal » ; ce qui se réduit à proposer de faire intervenir les conseils communaux en première instance.
Messieurs, vous vous rappelez à quelles longues discussions cet objet a donné lieu en 1843. Ainsi que je l'ai déjà signalé, il est arrivé alors que tous les membres de la gauche qui faisaient partie de la Chambre à cette époque, ont défendu les prérogatives des conseils communaux, même en ce qui concerne les listes générales. Aujourd'hui les choses sont changées de face.
Mais je n'en ferai rien. Toute tentative ayant pour but d'attribuer aux conseils communaux, en première instance, les décisions sur les contestations en matière de listes électorales serait inutile : je crois que dans l'esprit des honorables membres qui ont voté les dispositions de l'article premier, la question est entièrement préjugée.
Ce n'est donc pas pour faire un effort stérile que je me suis levé : c'est pour présenter une autre observation.
L'honorable comte de Theux a demandé tout à l'heure que deux doubles fussent déposés au secrétariat de la commune.
Mais, messieurs, nulle part dans la loi n'est inscrit le droit pour l'électeur de prendre communication au secrétariat de la commune, lors de la révision provisoire, des rôles et des pièces annexées aux rôles ; de manière que si un collège échevinal refusait de donner cette communication, on ne pourrait le forcer à produire les pièces que les intéressés ou les réclamants doivent pouvoir compulser.
La loi communale contenait une disposition expresse à ce sujet : cette disposition a été omise, je ne sais trop pourquoi, dans le projet de loi.
Elle porte : (Loi communale, article 14, paragraphe final) :
« Un double de la liste est déposé au secrétariat de la commune. Il doit (page 629) être communique à tout requérant, ainsi que les extraits des rôles des contributions qui ont servi à la formation de la liste. »
Cette disposition n'est pas reproduite dans le projet de loi ; je crois donc, messieurs, qu'il faut l'y insérer.
L'article 10 qui est général, comme on me le dit, semble avoir prévu le cas. Cependant à y voir de près, on demeure convaincu qu'il n'a rapport qu'aux pièces déposées au secrétariat et au commissariat d'arrondissement après la clôture définitive de la liste.
MiPµ. - Il y a une disposition dans la loi qui donne le droit d'inspection des rôles : c'est la dernière du chapitre, elle est formelle.
Elle s'applique incontestablement à tout ce qui précède ; cette disposition n'est pas nouvelle ; elle s'interprète encore par la législation antérieure ; il est, d'ailleurs, clair que lorsqu'on envoie les rôles aux administrations communales, c'est pour que les intéressés puissent en prendre connaissance et puissent faire des observations.
Je crois, messieurs, que l'honorable M. Tack ne pourrait pas faire un amendement plus clair et plus positif que la disposition que je signalais en commençant.
Maintenant, messieurs, il ne faut pas perdre, de vue le caractère de la loi que nous faisons : c'est une loi de procédure et de compétence qui laisse parfaitement intactes toutes les autres dispositions de nos lois qui n'y sont pas contraires.
Il est donc incontestable que la nouvelle loi n'apporte absolument aucun changement a la loi de 1865, à laquelle M. Tack a fait allusion.
Il est donc clair que ces dispositions sont parfaitement maintenues.
Messieurs, lorsque l'honorable M. Tack voulait faire tantôt une observation, quelques honorables membres de la droite, entre autres l'honorable M. Landeloos, lui ont dit : C'est inutile ! Nous accusant de ne vouloir accepter aucun amendement.
Je. trouve que ce reproche est bien injuste. Nous avons adopté et nous adoptons encore plusieurs amendements qui ont été présentés par d'honorables membres de la droite, entre autres par l'honorable M. Delcour, et les amendements les plus importants, le droit d'enquête accordé aux députations permanentes, la publicité des séances des députations permanentes, c'est-à-dire tous les amendements ayant une portée réelle. Mais il me paraît que c'est trop exiger que de vouloir que dès qu'un amendement est produit sur les bancs de la droite, nous l'adoptions sans examen.
Si nous voulions rejeter toutes les observations de la droite, nous n'aurions pas adopté les plus importantes, que nous trouvions justes et fondées, pour en rejeter d'autres à l'adoption ou au rejet desquelles l'opinion libérale n'a pas le moindre intérêt.
M. Lelièvreµ. - Il me semble, qu'il est donné satisfaction aux observations de l'honorable M. Tack par les explications qu'a données M. le ministre de l'intérieur. Il est entendu que l'article 10 contient une disposition générale qui s'applique au double des rôles et à toutes les pièces mentionnées au chapitre premier. En conséquence, il est évident que chacun pourra prendre inspection de tous les documents sur lesquels portent les considérations émises par M. Tack. C'est en ce sens que le gouvernement comprend la disposition dont il s'agit et la soumet au vote de la législature. Il est donc certain que la portée de la loi est ainsi clairement fixée, de manière qu'il ne puisse s'élever à cet égard le moindre doute.
M. Mullerµ. - Je tiens à donner une courte explication à la Chambre.
L'honorable M. Tack a fait un grief au projet de loi de soumettre désormais uniformément aux collèges échevinaux les réclamations provisoires en matière d'inscription sur les listes des élections communales, comme sur les listes relatives aux élections générales. Or, il n'y a là aucune question d'opinion.
Depuis longtemps, de différents côtés de la Chambre, on avait signalé une bizarrerie incroyable, résultant de l'abaissement uniforme du cens électoral au chiffre de 20 florins des Pays-Bas ; d'une part, le collège échevinal statuait en premier degré d'instance sur les réclamations des électeurs provinciaux et généraux, et, d'autre part, le conseil communal statuait sur l'inscription des électeurs communaux.
Qu'arrivait-il ? et le cas s'est présenté plusieurs fois : c'est qu'on réclamait contre un individu du chef des élections communales, alors qu'on ne s'était pas pourvu contre lui en ce qui concerne les élections provinciales et générales. Le même individu pouvait donc être privé de l'exercice du droit le plus restreint, et être maintenu pour les élections provinciales et générales.
C'est donc pour mettre fin à cette anomalie, qu'il serait impossible de défendre, qu'on a adopté un mode uniforme de procéder à là formation de toutes les listes électorales provisoires.
L'honorable M. Tack, parmi les reproches qu'il a adressés à cette disposition, aurait bien dû, du moins, mentionner cette circonstance qui enlève tout caractère de parti à l'article qui est mis en ce moment en discussion.
M. Dumortier. - Ce que vient de dire l'honorable M. Muller est parfaitement exact. Il y avait, depuis l'abaissement du cens électoral, une véritable anomalie entre la formation des listes générales et la formation des listes électorales pour la commune ; et bien des fois dans cette Chambre on a exprimé le désir de voir cesser cet abus.
Nous allons donc aujourd'hui en voir la fin. Mais comment ? En enlevant aux conseils communaux le droit qu'ils ont aujourd'hui.
Au lieu de cela, que fallait-il faire ? Il fallait étendre les droits des conseils communaux et non leur enlever ceux qu'ils ont.
Partisan sincère, et dévoué des libertés communales, je dois dire que je vois avec un regret infini que le gouvernement vienne aujourd'hui proposer d'enlever à la commune le droit de faire et de réviser les listes électorales, pour faire tomber cette révision entre les mains des agents du pouvoir.
Messieurs, la première chose en matière d'élections, c'est, dit-on, la sincérité des listes électorales, et pour arriver à la sincérité des listes électorales, on enlève aux députations permanentes l'appel, pour le transférer aux cours, alors qu'au même, moment on enlève aux conseils communaux la surveillance et l'épuration des listes, pour les transporter aux collèges échevinaux. Ainsi, des deux côtés, c'est l'élément électif, l'élément populaire qui n'a plus rien à dire dans la formation des listes électorales.
Et vous appelez cela un système, fait dans le but d'assurer la sincérité des élections ! Je dis que ce système est fait dans le but de faire les listés en faveur du parti qui est au pouvoir.
Quant à l'appel, les députations permanentes sont également évincées du droit qu'elles avaient jusqu'aujourd'hui.
Qui est-ce qui va faire les listes électorales ? Elles seront d'abord formées par les agents du pouvoir.
MfFOµ. - Comme aujourd'hui.
M. Dumortier. - Je vous demande pardon, pas comme aujourd'hui. Aujourd'hui, toutes les listes sont faites par le conseil communal, tandis que dorénavant toutes les listes seront faites en dehors des conseils communaux.
Et on vient dire dans l'exposé des motifs qu'il y a du danger à voir les communes avoir autant d'influence ; eh bien, vous venez écarter le conseil communal où les deux opinions sont représentées et dont les délibérations sont publiques, tandis que dans le collège échevinal tout se fait en secret. Or, si votre bouche dit la vérité, vous devez vouloir que ce soit le conseil communal qui révise les listes électorales.
Ce n’est pas tout : après avoir enlevé aux conseils communaux le droit dont ils jouissent aujourd'hui, après avoir fait faire non seulement les listes générales, mais aussi les listes communales par le collège des bourgmestre et échevins, ce qui est une mesure antilibérale au premier chef... (Interruption.)
Je sais fort bien qu'il vous est inutile de voir le conseil communal prendre part à l'épuration des listes électorales ; mais c'est précisément parce que c'est inutile pour vous que c'est utile pour les autres. Cela vous est inutile, parce que vous voulez éviter d'avoir dans le conseil communal des hommes indépendants et qui ne permettront pas de passe-droit.
Dans le conseil communal, il y a publicité, tandis que dans le collège échevinal tout se fait en secret, dans l'ombre, sans contrôle.
Il y avait certainement une antinomie entre les deux choses, entre la liste faite par le collège échevinal et l'autre dressée par le conseil communal.
Dans cette situation, que devez-vous faire ? Prendre la mesure la plus libérale, c'est-à-dire : remettre aux mains du conseil communal la création et la révision des listes électorales.
Je propose donc que les mots : « collège des bourgmestre et échevins » soient remplacés par les mots : « conseil communal ».
M. Tack. - L'honorable M. Dumortier vient de répondre aux observations faites par l'honorable M. Muller. Ce qui fait que j'ai peu de chose à répliquer à l'honorable député de Liège.
Tout le monde connaissait cette bizarrerie dont l'honorable député de Liège est venu vous entretenir. Nous savions tous qu'il pouvait y avoir contradiction entre les listes des collèges échevinaux et celles des conseils communaux.
La question est de savoir s'il faut enlever aux conseils communaux leur compétence pour la donner aux collèges échevinaux. C'est ce que fait le projet de loi.
D'après nous, il fallait procéder de la façon inverse.
Remarquez que dans l'origine les collèges échevinaux étaient des corps (page 630) électifs. Le congrès avait donné à deux corps électifs, aux collèges échevinaux et aux députations permanentes, la compétence pour statuer en première instance et en degré d'appel sur les listes électorales. Il était naturel de revenir à cette idée du congrès et de reconnaître aux conseils communaux le droit de statuer en première instance.
Du reste, le mal que l'on signale n'est pas si grave, car la députation permanente, qui est le juge d'appel sous l'empire de la législation actuelle, connaît en même temps des décisions du collège échevinal et de celles du conseil communal ; elle peut donc ramener à l'uniformité les décisions contraires, disparates, des deux juges de première instance.
Messieurs, il y a un grand avantage à laisser les conseils communaux statuer en matière de listes électorales. Il y a d'abord, comme l'a dit l'honorable M. Dumortier, la publicité ; il y a ensuite cette circonstance que presque toujours dans les conseils communaux qui ne sont pas homogènes, le réclamant trouve un défenseur, quelqu'un qui vient affirmer publiquement ses droits. C'est ce qui fait qu'on rend justice, alors qu'on n'est pas aussi disposé à le faire quand on peut décider dans l'ombre.
II y a cette autre circonstance, que très souvent plusieurs espèces identiques se présentent en même temps devant le conseil ; l'une comme une réclamation introduite par un intéressé appartenant a une opinion, l'autre concerne une réclamation formulée par un individu appartenant à l'opinion contraire.
Il se fait presque toujours qu'on statue de la même manière sur les deux cas en présence.
Voilà les avantages qui résultaient de l'intervention du conseil dans la matière qui concerne la révision des listes électorales. Ces avantages seront désormais perdus.
J'entendais dire tout à l'heure par l'honorable ministre de la justice : Mais vous aurez trois degrés si vous admettez l'intervention des conseils communaux.
Oui, il y aura trois degrés si vous votez, comme c'est probable, le chapitre III relatif à l'appel devant les cours judiciaires.
Mais en fait, ainsi que je l'ai démontré dans la discussion générale, nous avons dans le projet de loi les mêmes degrés de juridiction qu'auparavant, plus l'action devant les cours d'appel. Seulement, les premiers degrés se rencontrent exclusivement devant le collège échevinal au lieu de se présenter devant le collège échevinal et le conseil communal. Allez au fond des choses et vous trouverez, non pas trois degrés de juridiction, mais quatre.
La formation des listes provisoires est en réalité le premier degré de juridiction.
Ce n'est point là une simple formalité administrative, car en conservant ou en rayant des électeurs, le collège échevinal prononce une véritable sentence, un véritable jugement ; il statue sur des droits pour les reconnaître ou les renier, les conférer ou les enlever. Il y a donc là un premier degré.
Le collège échevinal décide en second degré lorsqu'il statue sur les réclamations qui lui sont adressées et qu'on appelle actuellement « observations », mais qui sont bien des réclamations, réclamations devant le collège échevinal qui présentent cette étrange anomalie que c'est devant le juge de première instance, qu'on exerce son recours.
Cette singularité se retrouve d'ailleurs sous l'empire de. la loi actuelle, du moins pour ce qui est des listes générales et provinciales.
La députation permanente décide, en troisième degré et la cour d'appel en quatrième degré, voilà le mécanisme de la loi.
Je n'entrerai pas plus avant dans la discussion de ces points, je crois que c'est peine inutile, les conseils communaux seront décidément écartés.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je dois vivement m'étonner de l'amour soudain de la droite pour les conseils communaux.
M. Dumortier. - Je demande la parole.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - On n'a jamais dit un mot de l'anomalie qu'on signale aujourd'hui ; si la droite trouve ce système mauvais, pourquoi ne réclamait-elle pas lors de la discussion de la loi de 1865 ?
Sous l'ancienne législation, les vices étaient bien plus graves qu'aujourd'hui ; il n'y avait qu'un seul appel ; aujourd'hui nous en instituons deux : l'appel devant la députation permanente et l'appel devant la cour d'appel du ressort.
Ne sont-ce pas là des garanties ?
On a parlé de la publicité ; est-ce que vous n'aurez pas la publicité au sein de la députation permanente, au sein de la cour d'appel ? Les cas qui doivent être décidés par les conseils communaux, ne le seront-ils pas par les députations ?
Les députations connaîtront de toutes les réclamations. En conséquence, loin d'avoir diminué les garanties, nous les avons augmentées.
D'ailleurs, messieurs, les conseils communaux ne sont pas aussi bons juges qu'on le pense. Ils sont le reflet des passions politiques ; ils doivent statuer sur leurs propres électeurs. Si M. Tack est grand partisan de l'intervention des conseils communaux, je suis convaincu qu'il y a, d'un autre côté, bon nombre de membres de la droite qui ne partagent pas son sentiment à cet égard.
On a constaté des abus nombreux ; M. Van Wambeke en a constaté...
M. Van Wambekeµ. - Moi ?
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Certainement ; l'année dernière, vous avez constaté des abus de conseils communaux de la Flandre, comme j'en ai constatés de la part de la députation.
Ne venez donc pas soutenir aujourd'hui que les conseils communaux soient les autorités les plus capables pour faire des listes électorales sincères.
Je crois donc qu'en permettant de former les listes par le collège échevinal, en créant deux degrés d'appel, tous les droits sont sauvegardés.
M. Dumortier. - S'il y a, selon moi, une chose étrange, c'est que M. le ministre de la justice vienne équivoquer et mettre en doute les sentiments de la droite au sujet de la liberté communale.
Qui a défendu ici la liberté communale, si ce n'est nous ? Nous la défendions déjà quand vous n'étiez pas encore né ; nous la défendons en ce moment et nous la défendrons toujours. (Interruption.) Comment ! quand vous donnez à vos agents ce qui est aujourd'hui dans les attributions du conseil communal, vous viendrez dire que vous conservez toutes les garanties ? Mais vous enlevez les libertés de la commune.
Le droit de former les listes électorales est une des plus belles prérogatives des conseils communaux.
Mais, dit-on, le conseil communal est le reflet des passions politiques ! Savez-vous ce qui est le reflet des passions politiques ? Ce sont vos agents ; dans les conseils communaux si l'on trouve le reflet des passions politiques, il y a des reflets de plusieurs couleurs ; il n'en est pas ainsi pour vos agents. Nous savons comment vous formez vos listes de bourgmestres et échevins. Ce que vous voulez, c'est que les listes électorales soient formées par vos agents.
C'est le gouvernement, en réalité, qui présidera par ses agents à la formation des listes électorales. Eh bien, messieurs, cela n'existe dans aucun pays du monde. Oui, cela existait autrefois ; cela existait en France, avant la révolution, quand c'étaient les préfets qui formaient les listes électorales. Eh bien, c'est ce système que nous avons banni. Comme l'a fort bien dit l'honorable M. Tack, en 1831. quand la loi électorale a été faite, en 1834 et 1835, quand nous avons discuté la loi communale, les bourgmestres et échevins étaient élus par les électeurs. Jusqu'en 1836, dans toute la Belgique, les bourgmestres et échevins ont été les élus de la commune ; et c'est alors, c'est dans cette situation qu'on a accordé au collège des bourgmestre et échevins la formation des listes électorales, parce qu'ils étaient les élus du peuple.
Mais le jour où les bourgmestres et échevins ont cessé d'être les élus du peuple, on a compris qu'il fallait transférer au corps électif le droit de former les listes électorales. C'est ce qu'a fait la loi communale : cette loi a enlevé au collège des bourgmestre et échevins la formation des listes électorales, afin de ne plus abandonner ce soin important à des hommes devenus des agents du pouvoir par suite du nouveau mode de nomination par le Roi, consacré par la loi communale.
Il n'y a pas de pays au monde, pas un pays de liberté où la formation des listes électorales appartienne aux agents du pouvoir ; et voilà ce qu'on veut faire en Belgique par la loi actuelle.
Quant à moi, messieurs, ma conscience se révolte contre une pareille chose ; elle ne saurait accepter une disposition qui froisse ainsi une de nos libertés publiques.
Il y a, nous dit-on, trois degrés d'appel. Mais je demanderai, à mon tour, si ce n'est rien pour l'habitant de pouvoir adresser ses réclamations sans sortir de sa commune, au lieu de devoir faire 15, 20, 30 lieues même pour faire valoir ses droits ?
Oui, messieurs, il est telle commune dont les habitants lésés auront à faire 30, 40 et jusqu'à 50 lieues... (interruption) pour produire leurs griefs. C'est dans sa commune même que l'habitant lésé dans ses droits doit trouver ses juges.
Eh bien, en présence d'un pareil fait, s'il y a quelque chose qui prouve, non pas un amour soudain, mais un amour constant des libertés communales, c'est notre attitude ; et s'il y a quelque chose qui prouve un dédain soudain pour les libertés communales, c'est le langage de M. le ministre de la justice.
(page 631) MiPµ. - Si l'honorable M. Dumortier voulait bien tenir compte de la situation actuelle et des changements apportés à la législation, je crois qu'il se calmerait immédiatement.
Si le gouvernement a un intérêt quelconque dans la formation des listes électorales, c'est incontestablement quant à la formation des listes générales. Il est incontestable que la seule matière politique, c'est la formation des listes générales. Eh bien, à cet égard, le projet maintient ce qui existe aujourd'hui sans y changer absolument rien.
Il maintient un état de choses qui durait depuis 40 ans sans que jamais personne, pas même l'honorable M. Dumortier, ait songé à faire la moindre objection ou à soulever aucune réclamation. Et voilà ce qui tout à coup est considéré comme une calamité publique ! Je demande si cela est sérieux.
L'honorable M. Dumortier, pour soutenir son opinion, commet vraiment d'étranges erreurs, je ne parle pas de ses erreurs géographiques, mais d'erreurs portant sur la loi communale.
Ainsi, la grande garantie qu'il trouve dans l'attribution de la révision des listes au conseil communal est la publicité des séances. (Interruption.)
Or, M. Dumortier oublie que d'après la loi communale, qu'il a faite, la publicité est interdite chaque fois qu'il s'agit de questions de personnes.
Je vous dis cela, M. Dumortier, pour vous calmer.
Je me borne à vous montrer que le projet ne fait que maintenir une chose que vous avez supportée si tranquillement pendant près de 40 ans.
En ce qui concerne, les élections communales, le gouvernement n'a nul intérêt dans les questions qui s'y débattent.
Dans chaque, commune, sauf quelques exceptions, il y a deux partis qui n'ont rien de politique, qui sont divisés par des questions, non de principes, mais de personnes.
Je crois qu'il n'y a nul inconvénient à étendre à cette matière le système qui est suivi pour les élections générales, à confier le travail aux membres du collège échevinal, que. vous qualifiez d'agents du pouvoir, bien que leurs pouvoirs émanent bien plus des électeurs que du gouvernement. Il s'agit d'un travail purement préparatoire, un travail d'ordre et de bureau ; on a préféré le collège échevinal qui est le pouvoir exécutif, au conseil communal, qui est uniquement appelé à délibérer.
M. Dumortier. - Messieurs, ce que vient de dire l'honorable préopinant prouve qu'il n'est pas bien au courant des faits. Plusieurs fois, dans cette Chambre, il a été question de l'anomalie que j'ai signalée. ; on a demandé plusieurs fois que le conseil communal fît les deux listes.
Aujourd'hui que proposez-vous ? Non seulement vous faites dresser les listes communales par le collège échevinal ; mais vous le faites juge des réclamations ; c'est donc le même collège échevinal qui aura formé les listes, qui sera, comme l'a dit l'honorable M. Tack, à la fois juge et partie.
Pourquoi ne pas laisser cet appel, comme la chose existe aujourd'hui, au conseil communal ?
Il y a en Belgique 100,000 électeurs pour les Chambres, et 300,000 pour la commune ; ces 300,000 électeurs sont aujourd'hui soumis au contrôle des conseils communaux ; eh bien, ce contrôle vous allez le leur enlever.
L'avantage que vous avez dans le système de la loi communale, c'est que les opérations des collèges échevinaux sont contrôlées ; il y a un contrôle qui se fait dans la commune même, dès qu'il y a réclamation, il y a un premier juge d'appel ; eh bien, d'après votre projet de loi, ce premier juge d'appel va devenir le collège échevinal.
M. Notelteirsµ ; - Et le contrôle exercé par le conseil communal sur les listes électorales est de la plus haute utilité.
Le conseil communal, composé d'un certain nombre d'habitants d'opinions diverses et qui connaissent leurs concitoyens, est juge très compétent en cette matière. Les délibérations du conseil forment une digue excellente contre l'arbitraire du collège échevinal ; sans l'intervention du conseil communal, bien des inscriptions et des radiations arbitraires se feront par les collèges échevinaux.
Ceux qui ont concouru à la formation des listes électorales dans les localités où il y a lutte le savent par expérience.
MPDµ. - L'amendement suivant est parvenu au bureau :
Remplacer dans l'article 3 le mot : « observations » par les mots : « réclamations » et les mots : « collège des bourgmestre et échevins » par ceux de : « conseil communal. » « Signé : Dumortier. »
Cet amendement est appuyé. Il fera partie de la discussion.
Quelqu'un demande-i-il la parole sur cet amendement ?
MiPµ. - Messieurs, je crois que l’article premier a décidé la question. Cet article dit en effet : « Chaque année, du 1er au 15 septembre, le collège des bourgmestre et échevins. »
Il est donc impossible d'admettre l'amendement de M. Dumortier, sans changer la rédaction de l'article premier.
M. Tack. - Il n'y a aucune difficulté à accepter l'amendement de M. Dumortier.
En effet, l'article premier est relatif à la révision provisoire des listes électorales, tandis que l'article 3, auquel se rattache l'amendement, se rapporte aux observations qui peuvent être présentées après la révision provisoire.
M. le président. - Je vais donc mettre l'amendement de M. Dumortier aux voix.
- Plusieurs membres. - L'appel nominal !
-II est procédé au vote par appel nominal sur l'amendement de M. Dumortier.
M. le président. - Voici, messieurs, le résultat du vote :
87 membres y ont pris part.
34 ont répondu oui.
53 ont répondu non ;
Ont répondu oui :
MM. Gerrits, Hayez, Jacobs, Janssens, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Landeloos, Lefebvre, Lelièvre, Liénart, Magherman, Moncheur, Mulle de Terschueren, Notelteirs, Royer de Behr, Tack, Thonissen, T'Serstevens, Vander Donckt, Van Wambeke, Vermeire, Verwilghen, Wouters, Beeckman, Bricoult, de Borchgrave, de. Clercq, E. de. Kerckhove, Delcour, de Liedekerke, de Montblanc, de Terbecq, de Theux et Dumortier.
Ont répondu non :
MM. Guillery, Hagemans, Jacquemyns, Jamar, Jouet, Lambert, Lange, Lesoinne, Lippens, Mascart, Moreau, Mouton, Millier, Nélis, Orban, Orts, Pirmez, Preud'homme, Rogier, Schmitz, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Merris, Vleminckx, Allard, Bara, Beke, Bouvier-Evenepoel, Broustin, Bruneau, Carlier, Couvreur, Crombez, David, de Baillet-Latour, de Brouckere, De Fré, de Lexhy, d'Elhoungne, de Macar, de Rongé, de Rossius, Descamps, Dethuin, de Vrière, de Vrints, Dewandre, Elias, Frère-Orban, Funck et Dolez.
En conséquence, la Chambre n'adopte pas.
Je vais mettre aux voix l'article 3 tel qu'il est rédigé par la section centrale.
- L'article 5 de la section centrale est mis aux voix et adopté.
MiPµ. - Messieurs, il est une question qui occupe tout naturellement l'attention et qui a une grande importance : c'est celle de savoir quand la loi devra être mise en vigueur et quelles sont les mesures à prendre pour que l'effet de cette loi soit assuré pour les prochaines élections communales ?
Je crois qu'il est important que. la Chambre soit saisie d'une proposition qui donne la complète conviction que, quelle soit la durée de la discussion, quels que soient les amendements adoptés, la loi pourra produire ses effets salutaires, ceux qu'on a recherchés en la présentant, pour les élections du mois d'octobre.
Il est un moyen très simple d'atteindre ce but.
On peut laisser commencer la révision des listes électorales, d'après la loi en vigueur, au mois d'avril prochain. Le travail de révision se ferait exactement comme si aucune nouvelle loi n'était intervenue. Les décisions seront prises soit par les collèges échevinaux, soit par les conseils communaux d'après les lois existantes, et les députations permanentes statueront en degré d'appel comme aujourd'hui sans aucun changement.
Seulement une disposition transitoire obligerait les députations permanentes à avoir terminé leur travail pour le 15 juillet prochain, et à partir du 15 juillet, l'appel serait ouvert devant les cours contre les décisions de la députation permanente.
De cette manière on ne viendrait pas à heurter les usages admis. On ne changerait rien pour la première partie de la révision des listes, et l'on assurerait, au moyen du droit d'appel accordé contre les décisions rendues d'après la loi actuelle, les garanties qu'on veut obtenir par la nouvelle loi.
Vous voyez qu'il n'y aura aucune difficulté à appliquer ce système. J'ajouterai qu'il y aura ce grand avantage que les discussions pourront se produire avec calme, sans préoccupation de les faire terminer promptement pour avoir la loi, ou de les allonger pour ne pas l'avoir.
Nous pourrons ainsi discuter avec un calme complet. Car, quoi qu'il arrive, il est incontestable que la loi pourra toujours être votée pour le 15 juillet prochain.
Je vais avoir l'honneur de lire à la Chambre l'amendement que M. le (page 632) ministre de la justice et moi avons l'honneur de présenter pour remplacer la disposition transitoires écrite, actuellement au projet.
L'article 43 serait remplacé par cinq articles.
« Art. 43. Les dispositions du chapitre III sont applicables aux décisions qui seront rendues par la députation permanente, à l'occasion de la révision des listes électorales pour 1869.
« Art. 44. La députation permanente devra statuer avant le 15 juillet sur les contestations qui seront portées devant elle au sujet desdites listes.
« Si des contestations ne peuvent recevoir leur solution avant cette époque, la députation procédera conformément à l'article 15. »
L'article 15 est l'article qui porte que lorsque la députation permanente n'aura pas terminé pour l'époque fixée son travail, elle doit rendre une décision interlocutoire qui explique les motifs pour lesquels elle n'a pas statué, décision qui peut être déférée à la cour d'appel.
« Art. 45. Le délai de l'appel contre les décisions de la députation prendra cours le 15 juillet.
« Art. 46. Le recours en cassation ne sera ouvert que contre les décisions de la cour d'appel. Il sera formé d'après les dispositions du chapitre IV.
« Art. 47. Les contestations dont les députations seront encore saisies à l'époque de la mise à exécution de la présente loi, seront inscrites et décidées par ce collège conformément à la législation actuellement en vigueur. »
Messieurs, cet amendement, comme vous le voyez, est tout un système transitoire. Je crois qu'il entrera dans les convenances de la Chambre de le faire imprimer et peut-être de le renvoyer à la section centrale qui pourra dès demain faire un rapport.
Dans tous les cas, je demande à la Chambre d'en ordonner l'impression et la distribution.
M. le président. - L'amendement sera imprimé et distribué.
M. Dumortier. - Messieurs, je. remercie l'honorable ministre de l'intérieur de la disposition qu'il vient de présenter et qui facilitera singulièrement l'examen de la loi ; mais l'honorable ministre se trompe lorsqu'il pense que nous faisons des observations pour empêcher le vote de la loi. Telle n'est pas notre pensée. La loi est mauvaise dans beaucoup de ses dispositions et nous la discutons dans le seul but de l'améliorer.
Mais je dois faire observer, messieurs, que si le système proposé par M. le ministre est bon pour 1869, il me semble qu'il doit être bon pour toutes les autres années. Votre proposition me donne gain de cause et je vous en remercie, mais je regrette que vous ne vouliez pas appliquer d'une manière permanente ce que vous trouvez très faisable pour l'année 1869.
« Art. 4. Les listes contiendront, en regard du nom de chaque individu inscrit, le lieu et la date de sa naissance, la date de sa naturalisation, s'il y a lieu ; l'indication du lieu où il paye les contributions jusqu'à concurrence du cens électoral et de la nature de ces contributions, en les distinguant en trois catégories, savoir :
« 1° La contribution foncière ;
« 2° la contribution personnelle ;
« 3° les patentes. »
M. le président. - M. Jacobs a déposé l'amendement suivant : « Les listes contiendront, en regard du nom de chaque électeur, le lieu et la date de sa naissance, la date de sa naturalisation ou de sa réclamation de la qualité de Belge, s'il y a lieu ; l'indication du lieu où il paye les contributions jusqu'à concurrence du cens électoral et de la nature de ces contributions, en les distinguant en autant de catégories qu'il y a d'impôts directs. »
M. Jacobsµ. - Messieurs, j'ai déposé mon amendement avant que M. le ministre eût fait connaître la disposition transitoire dont il vient de donner lecture ; le dépôt de cette proposition n'est pas une raison pour que je le retire.
Mon amendement a un double objet. Je n'en ai pas le texte sous les yeux, mais je vais en expliquer la portée à la Chambre.
L'article dont il s'agit est la reproduction de l'article 5 de la loi du 1er avril 1843. Cet article portait que les listes doivent indiquer la date de la grande naturalisation.
Le projet de loi demande déjà un peu plus, il veut que toute naturalisation soit indiquée. Je demande encore quelque chose de plus ; je demande que lorsque, conformément à l'article 9 du code civil, un individu, né en Belgique d'un père étranger, aura, dans l'année de sa majorité, réclamé sa qualité de Belge, la date de sa réclamation soit également indiquée, afin que les électeurs puissent vérifier s'il se trouve porté à bon droit comme ceux qui invoquent une naturalisation.
Le second but de mon amendement est de remplacer les trois catégories d'impôts : contributions foncière, personnelle et patente, par autant de catégories qu'il y a d'impôts directs.
La cour de cassation, ayant eu occasion d'examiner la nature de l'impôt sur le débit de boissons et de tabacs, a décidé que ce n'étaient pas des patentes.
Jusqu'à présent, les communes ont suivi des usages assez différents. Les unes n'inscrivent sur leurs listes que trois colonnes pour les trois catégories principales d'impôts, comprenant les deux impôts accessoires dans la catégorie des patentes. D'autres, au contraire, ont cinq colonnes.
Je demande que l'impôt sur les débits de tabacs et de boissons ne puisse plus figurer parmi les patentes.
Je ne précise pas les catégories, pour qu'il ne faille pas modifier la loi si un nouvel impôt était voté. Je dis autant de catégories que d'impôts directs.
En cette matière il ne faut pas de demi-mesures. Le contrôle et la vérification ne seront faites que s'il y a autant de catégories de chiffres que de catégories d'impôts.
Tel est le double objet de mon amendement. Je pense que le gouvernement ne verra pas de difficultés à s'y rallier.
- L'amendement est appuyé. Il fait partie de la discussion.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Une partie de l'amendement de l'honorable M. Jacobs est déjà mise en pratique dans certains de nos arrondissements par disposition administrative.
Dans la Flandre occidentale, les listes ont cinq colonnes, dont deux pour les impôts sur les tabacs et les boissons.
C'est là une excellente mesure. Comme vient de le dire l'honorable membre, le contrôle est bien plus facile lorsque, les différents impôts occupent une colonne spéciale.
En cette dernière partie, j'appuie l'amendement et je crois qu'il serait bon que la Chambre l'adoptât.
M. Tack. - Je suis tout disposé à voter l'amendement présenté par M. Jacobs, mais en réservant mon opinion quant à la question de savoir si le droit de débit de baissons et de tabacs est un impôt direct ou un impôt indirect.
MiPµ. - Je crois qu'il doit être convenu une fois pour toutes que nous faisons une loi de compétence et de procédure, que nous ne discutons, en aucune façon, la base du cens électoral, et que, quelque opinion qu'on ait à cet égard, on peut voter toutes les dispositions de la loi.
Quant à l'amendement de M. Jacobs, je ne vois pas, quant à présent, d'objections à y faire. Mais je me réserve d'examiner, d'ici au second vote, s'il ne présente pas d'inconvénients pratiques.
- L'article 4 amendé est mis aux voix et adopté.
« Art. 5. Les listes seront clôturées définitivement le1er septembre. »
M. Van Wambekeµ. - J'ai eu l'honneur de dire dans une séance précédente que j'étais l'adversaire de toute juridiction cachée. C'est pour cette raison que j'avais proposé un amendement. Cet amendement ayant été rejeté, je demande qu'il soit ajouté à l'article 5 la disposition suivante :
« Le collège échevinal est tenu de motiver toutes ses résolutions en matière électorale. »
Depuis qu'il y a trois juridictions, il ne peut plus y avoir de divergence sur ce point, tous les électeurs ont le droit de connaître les motifs pour lesquels le collège les a rayés de la liste ou ne les a pas inscrits.
- L'amendement de M. Van Wambeke est appuyé ; il fait partie de la discussion.
M. d'Elhoungne, rapporteurµ. - Je sous-amenderai l'amendement de M. Van Wambeke de la manière suivante : Le paragraphe 2 de l'article 5 serait ainsi conçu :
« Les résolutions du collège échevinal, prises sur les observations qui tendent à obtenir la radiation où l'inscription d'électeurs, seront motivées.»
M. Van Wambekeµ. - Je me rallie à cette nouvelle rédaction.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Je ne m'oppose pas à ce que l'on dispose que les collèges des bourgmestres et échevins devront motiver leurs décisions, mais je ferai observer à la Chambre que pour motiver ces décisions ils doivent avoir du temps.
L'article 5 porte que les listes seront définitivement closes avant le 31 août.
Or, si, dans une localité d'une certaine importance, il se produit des réclamations en assez grand nombre, je me demande comment le collège des bourgmestre et échevins pourra, dans les vingt-quatre heurts, prendre des renseignements et motiver sa résolution. Ce sera d'autant plus difficile que très souvent les réclamations ne sont transmises que le dernier jour du délai.
(page 633) Je proposerai donc de prolonger de deux jours le délai et de dire le 3 septembre au lieu du 1er.
- Cette proposition est adoptée.
M. le président. - Vient maintenant la disposition proposée par M. Van Wambeke et modifiée par M. d'Elhoungne. Elle est ainsi conçue :
« Les résolutions du collège échevinal prises sur les observations qui tendent a obtenir la radiation ou l'inscription d'électeurs seront motivées. »
- Cette disposition est adoptée.
« Art. 6. Lorsque, en procédant à la révision provisoire ou définitive des listes, les collèges des bourgmestre et échevins rayeront les noms d'électeurs portés sur les listes de l'année précédente eut sur les listes provisoires arrêtées le 14 août, ils seront tenus d'en avenir ces électeurs par écrit et à domicile, au plus tard dans les quarante-huit heures du jour où les listes auront été arrêtées, en les informant des motifs de cette radiation. »
M. Maghermanµ.- D'après cet article, l'administration communale est tenue de donner avis aux citoyens rayés de la liste. Mais qu'arrivera-t-il si l'administration communale néglige de donner cet avis ? Cet habitant restera-t-il rayé ou bien devra-t-il être maintenu sur la liste ? L'un et l'autre système présente des inconvénients. Si le citoyen est rayé malgré un défaut d'avertissement, il pourra se faire qu'il soit rayé injustement et que, par conséquent, on méconnaisse à son égard un droit incontestable ; si, au contraire, on le maintient sur la liste, il pourra se faire que ce soit indûment et qu'on reconnaisse ultérieurement qu'il n'avait pas le droit d'y être maintenu. Ce système pourrait même donner lieu à des collusions fâcheuses.
Ainsi, une administration communale aurait la conviction qu'un citoyen n'a pas le droit de figurer sur la liste, elle prononcerait sa radiation, mais elle négligerait la notification de sa décision et le citoyen rayé à juste titre sera maintenu sans droit. De sorte que pour obvier à cet inconvénient il faudrait une pénalité contre celui qui n'aurait pas rempli son devoir en négligeant d'informer le citoyen rayé de la décision prise à son égard. Il s'agirait de savoir comment on formulerait cette disposition. Je conviens qu'il y a des difficultés à la formuler, cependant la lacune fâcheuse que je signale dans la loi doit être remplie.
M. Van Wambekeµ. - Messieurs, je voulais faire a peu près la même observation que l'honorable M. Magherman ; je voulais demander à l'honorable rapporteur si, lorsqu'une autorité communale néglige de notifier à un électeur éliminé l'arrêté de radiation, si le délai d'appel stipulé à l'article 4 court contre cet électeur.
M. d’Elhoungne, rapporteurµ. - Non.
M. Van Wambekeµ. - J'ai cru cela comme vous ; mais nous nous sommes trompés, car la cour île cassation a dit oui.
Le fait s'est présenté devant la députation permanente de Namur. L'administration communale de Jambes n'avait pas notifié à un électeur rayé l'arrêté de radiation. L'électeur, croyant qu'il était toujours sur la liste électorale de Jambes, n'avait pas réclamé son inscription dans le délai prescrit ; il appela devant la députation permanente de Namur. Ce collège décida que la non-notification de l'arrêté de radiation empêchait le. délai d'appel de courir contre cet électeur ; il s'appuyait sur la doctrine constante de la cour de cassation de France qui a décidé que les listes électorales sont permanentes et qu'aucune radiation ne peut y être effectuée sans notification préalable à l'électeur intéressé, qu'ainsi le défaut de notification ou d'avertissement empêche tout délai de courir contre lui. Voir ses arrêtés des 31 juillet 1834 et 15 janvier 1839.
Mais la cour de cassation de Belgique, par un arrêt rendu sur les conclusions conformes de M. l'avocat général Cloquette, a décidé, le 25 juillet 1859, qu'il appartenait à l'électeur rayé et à qui on avait négligé de notifier l'arrêté de radiation, de vérifier si, oui ou non, il ne se trouvait pas sur les listes.
Pour obvier à cela, il faudrait dire dans l'article : « le tout à peine de nullité ». On déciderait par cela même que, si l'administration communale ne notifie pas à un électeur éliminé l'arrêté de radiation, les délais d'appel ne courront pas contre lui.
M. Tack. - Messieurs, je désire présenter une observation de détail. Il est dit dans l'article 6 :
« Lorsque, en procédant à la révision provisoire ou définitive des listes, les administrations communales rayeront les noms d'électeurs portés sur les listes de l'année précédente ou sur les listes provisoires, arrêtées le 15 septembre, elles seront tenues d'en avertir ces électeurs par écrit et à domicile, au plus tard dans les quarante-huit heures du jour où les listes auront été arrêtées en les informant des motifs de cette radiation. »
Il faut donc que le collège échevinal informe l'électeur radié, dans les quarante-huit heures, à compter du moment où les listes ont été arrêtées. Je crois qu'il faudra substituer le mot « affichées » au mot « arrêtées ».
En voici la raison : Il y a dans la loi du 8 septembre 1865 une disposition presque identique, d'après laquelle les délais de l'avertissement courent à dater de l'affiche.
Voici la disposition de la loi du 8 septembre 1865 dont je veux parler :
« Art. 5. L'exclusion ou la radiation est notifiée a l'intéressé, par écrit, et à domicile, par les soins de l'administration communale, au plus tard dans les quarante-huit heures, à compter du jour où les listes auront été affichées. »
Il faudrait mettre les deux lois d'accord. Nous ne pourrions pas bien modifier la loi de 1865 ; il serait plus rationnel de changer la rédaction du projet de loi et de substituer au mot « arrêtées » le mot « affichées ».
MiPµ. - L'observation qui a été présentée par les honorables MM. Magherman et Van Wambeke est certainement fondée.
La difficulté provient de ce que l'article 14 fait courir le délai d'appel, non pas de la signification prescrite par l'article 6, mais d'une date fixe, sans subordonner le délai à une notification préalable. Il me semble qu'en présence de ces textes, la décision de la cour de cassation est incontestable.
Mais il me paraît, d'un autre côté, qu'il y a nécessité à ce que l’électeur soit prévenu.
En effet, un électeur qui se trouve inscrit sur les listes électorales ne va pas voir, à chaque formation des rôles, si on l'a maintenu, alors qu'aucun fait n'est venu lui faire soupçonner qu'il pourrait être rayé.
Je pense, toutefois, qu'il ne faut pas introduire l'amendement à l'article 6 et qu'il vaut mieux l'introduire à l'article 14 et faire là une exception aux délais ordinaires en disant que le délai sera prolongé si l'électeur n'a pas été informé.
Nous pourrions donc examiner ce point à l'article 14, sauf à revenir à l'article 6, si on ne tombe pas d'accord.
Quant à l'observation de M. Tack, j'avoue que je ne vois aucun inconvénient à y faire droit.
M. Van Wambekeµ. - Dans ce cas, j'abandonne l'amendement que j'avais présenté.
M. le président. - M. Van Wambeke ayant retiré son amendement et l'honorable ministre de l'intérieur s'étant rallié à la modification proposée par l'honorable M. Tack, je relis l'article 6 qui doit être ainsi conçu :
« Lorsque, en procédant à la révision provisoire et définitive des listes, les collèges des bourgmestres et échevins rayeront les noms d'électeurs portés sur les listes de l'année précédente ou sur les listes provisoires, arrêtées le 14 août, ils seront tenus d'en avertir ces électeurs par écrit et à domicile, au plus tard dans les 48 heures du jour où les listes auront été affichées, en les informant des motifs de cette radiation. »
M. Tack. - La modification aura pour conséquence de faire en sorte que. les collèges échevinaux auront un délai un peu plus long pour signifier la radiation à l'intéressé.
On est d'accord pour imposer l'obligation aux collèges échevinaux de motiver leurs décisions. Je demande si en suite de cette modification, les collèges échevinaux ne seront pas obligés de notifier aux intéressés non seulement les radiations, mais aussi les refus d'inscription.
Il y avait une disposition pareille dans la loi communale.
La loi communale portait en effet ceci :
« Art. 15. Le conseil communal prononce dans les dix jours, A compter de celui où la requête aura été déposée s'il s'agit d'une omission ou d'une radiation, et dans les dix jours, à compter de la réponse ou de l'expiration du délai pour répondre s'il s'agit d'une inscription indue.
« La décision intervenue sera motivée et notifiée dans les trois jours aux parties intéressées. »
Vous le voyez, la notification doit avoir lieu en toute hypothèse dès que le conseil communal a été appelé à prendre une résolution.
MiPµ. - Messieurs, cela me paraît complètement inutile.
Si un électeur est rayé de la liste, on doit lui en donner connaissance ; mais si un électeur est inscrit même indûment sur les listes électorales, il n'a pas à se plaindre et je ne vois pas la nécessité de lui faire connaître les motifs de son maintien ; il ne souffre aucun préjudice.
- La discussion est close.
L'article est adopté.
« Art. 7. Ces notifications seront faites sans frais, par un agent de la police communale, qui en retirera un récépissé, ou, à défaut de celui-ci, constatera la notification. »
M. Van Wambekeµ. - Je désirerais savoir de l'honorable rapporteur si la date de cette notification peut être constatée par les moyens légaux, en d'autres termes si on considère comme ayant date certaine les notifications faites par les agents de la police locale.
page 634) Voici ce qui est arrivé, il y a quelque temps, devant la députation de la Flandre orientale :
Une notification avait eu lieu par les soins de l'administration communale à la date du 21 juillet, mais sur la copie et l'original se trouvait la date du 21 juin. L'intéressé avait déclaré interjeter appel de la décision intervenue.
Il avait fait cette déclaration dans le délai légal, à partir du 21 juillet : on prétendit que le délai était expiré et que l'appel n'était pas recevable.
La députation permanente a décidé le contraire et a admis l'appel.
Il conviendrait donc de savoir si définitivement la date donnée à cet exploit par les agents de l'autorité communale a date certaine, ou si l'on peut en combattre la date par les moyens ordinaires usités en justice.
M. d'Elhoungne, rapporteurµ. - Lorsqu'il y a une erreur dans une notification faite en matière électorale, on doit suivre la même règle que dans toutes les notifications qui ont lieu dans la procédure ordinaire. La pièce fait foi. Lorsque la date est erronée et que par elle-même la pièce fournit des éléments pour établir la date véritable, il n'y a pas nullité et la date véritable prévaut. Mais lorsqu'il n'y a aucun élément dans la pièce elle-même pour lui donner une autre date que celle qu'elle indique, il faut s'en tenir à cette date ; l'on ne peut faire de preuve contre cette date.
M. Van Wambekeµ. - Je ne puis admettre cette interprétation ; il ne peut dépendre d'un agent de l'autorité communale de donner date certaine à sa notification. Il n'a pas autorité à ce sujet.
Je répète ce que j'ai dit : La députation permanente de la Flandre orientale a, selon moi, bien jugé. Elle a décidé que la date, étant erronée, l'appel était recevable. Or, d'après l'honorable M. d'Elhoungne, l'appel n'aurait pas dû être admis. C'est pour savoir à quoi s'en tenir, messieurs, que je fais cette interpellation.
M. Lelièvreµ. - Si l'on autorise un agent de la police communale à faire la notification, il est évident que l'acte de cet agent doit faire foi jusqu'à inscription de faux.
En effet, du moment que la loi investit un employé du droit de signifier un exploit, l'acte que pose cet employé dans l'exercice de sa mission légale doit être tenu pour vrai.
Sans doute, il sera possible de démontrer l'erreur de date qui pourrait résulter de l'acte même ou d'autres actes, comme cela a lieu à l'égard de tous exploits quelconques. Mais au moins il est certain qu'en principe foi est due à l'acte émané d'un fonctionnaire investi par la loi du droit de signifier la notification. C'est là une conséquence ordinaire des principes du droit commun, auxquels le projet ne déroge pas.
M. Mullerµ. - J'ajouterai, comme observation supplémentaire, que l'individu auquel la notification est faite, doit en donner un récépissé dans lequel la date sera constatée. Ce n'est que pour le cas où il ne donnerait pas de récépissé qu'il faut bien donner un caractère à la notification qui a été faite par l'agent communal. Il faut bien s'en rapporter à lui à cet égard.
L'article, tel qu'il est conçu, exigeant que la personne notifiée en donne récépissé, il ne dépendra pas d'un agent communal d'indiquer une date autre que celle du jour où se fera la notification.
M. Van Wambekeµ. - Je ferai observer à l'honorable M. Muller que le récépissé ne contient pas la date. On vous apporte un registre sur lequel vous signez. Rien de plus.
M. Mullerµ. - Il sera parfaitement libre à l'électeur de constater la date du jour où la notification lui aura été faite.
M. Van Wambekeµ. - De quelle manière, s'il vous plaît ? Car c'est pour éclairer sur ce point le pays que je fais mon observation.
M. d'Elhoungne, rapporteurµ. - Il s'agit, dans l'article 7, de la notification qu'on a fait à l'électeur rayé lors du travail de révision des listes. Ce délai n'est pas un délai fatal. La notification doit être faite par l'autorité dans les quarante-huit heures ; l'autorité elle-même doit pouvoir justifier qu'elle a rempli son devoir dans les quarante-huit heures ; si l'agent de police qui a fait la notification commet une erreur, l'autorité a donc tout intérêt à la faire rectifier. Ce n'est pas ici un droit qu'on accorde à l'électeur ; c'est un cas où l'administration communale s'acquitte d'une obligation que la loi lui impose.
Je ne comprends donc pas l'intérêt de l'observation que fait l'honorable M. Van Wambeke.
M. Jacobsµ. - Peu importent les conséquences pratiques. Il est bon de savoir à quoi s'en tenir quant à l'interprétation de cet article.
Or, nous sommes en présence de deux interprétations divergentes. D'après M. le rapporteur, ce sera la date contenue dans l'acte même qui fera foi jusqu'à inscription de faux. D'après l'honorable M. Muller, ce sera le récépissé qui prévaudra contre la fausse date qui pourrait être contenue dans l'acte.
Je demande qu'en présence de cette divergence assez grave, le gouvernement nous donne son avis et tranche même la question par un amendement à introduire dans la loi.
S'il n'est pas à même de formuler une solution séance tenante, rien n'empêcherait que l'article restai en suspens jusqu'à demain.
MiPµ. - Messieurs, il est extrêmement dangereux d'improviser des solutions, et il est arrivé bien souvent qu'on ait eu à regretter de l'avoir fait.
J'avoue que, pour ma part, j'ai des doutes assez sérieux sur la solution donnée par l'honorable rapporteur de la section centrale. D'après l'honorable rapporteur, la déclaration (erratum, page 952) de l'agent de la police locale ferait foi jusqu'à inscription de faux. Quand la loi dit qu'un acte fera foi jusqu'à inscription de faux, elle punit, en cas d'altération de la vérité, d'une peine très sévère celui qui a fait l'acte : la peine de faux garantit la sincérité de l'acte.
Je doute fort que l'on puisse condamner l'agent de police comme coupable de faux en écriture publique à l'occasion de la remise des pièces relatives aux élections. Or, si la peine ne peut pas être appliquée, on ne peut pas non plus adopter le système dont cette peine est la sanction.
La vraie solution est peut-être que la déclaration de. l'huissier fera foi jusqu'à preuve contraire, comme la déclaration de certains agents de la police judiciaire, les gardes forestiers, par exemple, et non pas jusqu'à inscription de faux.
Dans tous les cas, je ne puis pas me prononcer aujourd'hui entre les deux systèmes que je viens d'indiquer. Je demande que la question soit réservée jusqu'à demain, que la section centrale l'examine mûrement ; je l'examinerai de même de mon côté.
M. le président. - L'article 7 est réservé.
« Art. 8. Un extrait des listes, contenant les noms des électeurs qui auront été inscrits lors de la clôture définitive des listes, sans avoir été portés sur les listes provisoires, sera affiché à partir du 2 septembre jusqu'au 10 du même mois. »
M. Jacobsµ. - Messieurs, je désire, proposer un amendement à cet article.
L'article 6 porte que, lorsqu'une radiation aura été opérée par le collège des bourgmestre et échevins, la partie intéressée devra être prévenue, mais on ne prévient pas le public ; or, il faut que. le public soit prévenu également, car l'article 12 dit que tout individu jouissant des droits civils et politiques pourra réclamer contre, les inscriptions, radiations ou omissions indues. Le mot « omissions » a été rayé par la section centrale et nous aurons à revenir sur ce point, mais le mot « radiations » a été admis.
Chacun aura donc le droit de réclamer contre les radiations et dès lors il faut que chacun soit mis à même de le faire.
En conséquence, messieurs, j'ai l'honneur de proposer l'amendement suivant :
« Un extrait de la liste contenant les noms des électeurs qui ont été inscrits lors de la clôture définitive de la liste sans avoir été portés sur la liste provisoire, ainsi que les noms des personnes portées sur la liste provisoire et qui auront été rayées, sera affichée à partir du 1 septembre jusqu'au 15 du même mois. »
M. Mullerµ. - Je veux uniquement faire remarquer que l'amendement de. l'honorable M. Jacobs entraîne inévitablement la même modification à l'article 12.
Il s'agit, d'un côté, de radiations, et de l'autre, d'admissions, et l'on arrive au même résultat ; de telle sorte que la question devrait, selon moi, être examinée au point de vue de l'article 12 comme au point de vue de l'article 8.
M. Jacobsµ. - Si, en effet, le droit de chacun de s'opposer à la radiation est mis en question ; s'il trouve, dans la Chambre, les adversaires qu'il n'a pas trouvés dans la section centrale, il est certain que cette question doit être discutée dès maintenant ; mais je ne pensais pas que cette question aurait rencontré ici des contradicteurs, attendu que ce n'est que pour le troisième cas, celui d'omission, que la section centrale propose une modification au projet du gouvernement. Je crois donc que la discussion devrait s'établir dès maintenant. M. le ministre de la justice fait remarquer que le projet du gouvernement ne se rallie pas à la suppression des omissions, mais ceci ne fait rien à l'article 8, où il s'agit de publier les inscriptions et radiations ; on ne peut publier des omissions.
M. d’Elhoungne, rapporteurµ. - Il y a sans doute une certaine connexité entre la disposition de l'article 12 et l'amendement de l'honorable M. Jacobs, mais cet amendement peut se discuter et subsister indépendamment de la décision qui sera prise sur l'article 12.
(page 635) En effet, l'honorable membre propose de donner aux radiations faites lors de la clôture définitive des listes, la même publicité qu'aux inscriptions nouvelles.
Il trouve qu'il y a parité de raisons pour donner aux deux genres de résolutions la même publicité. Dans la section centrale, on a pensé le contraire.
Une section avait fait la même proposition que l'honorable M. Jacobs, et voici le motif qui a déterminé la section centrale à la repousser : c'est qu'en donnant la même publicité aux décisions du collège échevinal concernant les radiations, on crée une sorte de nécessité morale et, dans tous les cas, un grand intérêt d'amour-propre pour l'électeur de se pourvoir devant la députation permanente.
On provoque les réclamations à se produire, en donnant une. fâcheuse publicité aux radiations que l'autorité échevinale prononce.
La mesure proposée par l'honorable député d'Anvers n'a pas d'autre inconvénient.
J'avoue, pour ma part, qu'il n'est peut-être pas de nature à justifier aux yeux de tout le monde la limitation du principe de publicité.
Il en est autrement du plus long délai que l'honorable membre veut imposer pour l'affiche. Il désire que cette publicité soit prorogée au 15 octobre.
Il me semble qu'il n'y a point de motif suffisant pour le faire : le délai jusqu'au 10 (interruption), c'est-à-dire, jusqu'au 12, semble amplement suffisant.
Si, pour les choses indifférentes, on donne de si longs délais, on sera amené à prolonger indéfiniment les autres délais dont l'objet est bien plus important.
M. Jacobsµ. - Je ferai remarquer à l'honorable rapporteur que je n'ai fait que suivre l'exemple de la section centrale qui, elle-même, a déjà allongé ce délai de cinq jours. C'est ainsi que nous trouvons dans son amendement la date du 2 au 10. Du moment que l'on recule, il fallait mettre du 4 au 12.
Je suis allé jusqu'au milieu du mois, non pas pour faire le nombre rond, mais pour avoir un nombre divisible par 5.
M. le président. - L'amendement de M. Javobs en constitue en réalité deux. L'un porte sur l'adjonction des mots : « Ainsi que les noms des personnes portées sur les listes provisoires et qui en auront été rayées ».
L'autre tend à substituer la date du 15 septembre à celle du 10.
Je dois donc mettre successivement aux voix ces deux amendements.
- La première partie, c'est-à-dire l'adjonction des mots : « Ainsi que les noms des personnes portées sur les listes provisoires et qui en auront été rayées », est mise aux voix et adoptée.
M. le président. - Il nous reste à voter entré la date du 10 septembre, proposée par la section centrale, et la date du 15, proposée par l'amendement.
- Des voix. - On propose le 12.
M. le président. - On propose, par transaction, d'adopter la date du 12. Vous ralliez-vous à cette proposition, monsieur Jacobs ?
M. Jacobsµ. - Oui, monsieur le président.
- Cette proposition est mise aux voix et adoptée.
L'article amendé est ensuite mis aux voix et adopté.
« Art. 9. Dans les 24 heures de la clôture des listes, le double des rôles, ainsi que toutes les pièces au moyen desquelles les citoyens inscrits auront justifié de leurs droits, ou par suite desquelles les radiations auront été opérées, seront envoyés au commissariat de l'arrondissement.
« Un double des listes sera retenu au secrétariat de la commune.
« La réception des listes sera constatée par un récépissé, délivré par le commissaire d'arrondissement.
« Ce récépissé sera transmis au collège des bourgmestre et échevins dans les 24 heures de l'arrivée des listes au commissariat. Il en sera immédiatement fait mention dans un registre spécial, coté et parafé par le greffier provincial. »
M. Dumortier. - Il y a dans cet article une innovation qui peut mener loin.
Le double des listes arrêtées par le collège des bourgmestre et échevins sera envoyé au commissaire d'arrondissement. Aujourd'hui, quelle est la situation ? Les communes de grande population et les chefs-lieux d'arrondissement communiquent directement avec les députations permanentes sans passer par l'intermédiaire des commissaires d’arrondissement.
Je demande si c'est avec intention qu'on vient enlever aux grandes communes cette communication directe.
Si ce n'est pas avec intention, qu'on dise que l'article ne s'applique qu'aux communes qui ne communiquent pas directement avec la députation et pour qui le commissaire d'arrondissement est un intermédiaire obligé, mais que les grandes villes continueront à envoyer les listes directement à la députation. (Interruption.) Je ne sais pas ce que le commissaire d'arrondissement vient faire ici.
Dans toutes les hypothèses, si l'on entend poser le principe de l'intervention des commissaires d'arrondissement dans les listes électorales...
- Des voix. - Ce principe existe.
M. Dumortier. - Pas pour les listes communales.
M. Mullerµ. - Lisez l'article 9 de la loi électorale.
M. Dumortier. - Il s'agit là des listes générales et non des listes communales. Faites bien attention, messieurs, que, dans plus de deux mille communes de la Belgique, il y a des listes spéciales pour la commune, et que le commissaire d'arrondissement est dans une position toute différente, selon qu'il s'agit de listes communales ou de listes générales.
Je demande, pour mon compte, que tout ce qui concerne l'action du commissaire d'arrondissement soit réservé pour une discussion d'ensemble. C'est là, messieurs, un des points qui ont été le plus critiqués ; c'est un des points que la gauche a attaqués avec le plus de vivacité...
MiPµ. - Et que vous avez défendu le plus chaudement.
M. Dumortier. - Je vous prie de m'excuser, monsieur le ministre ; je n'ai rien défendu de pareil. J'ai dit alors, et je le répète encore aujourd'hui, qu'il fallait bien introduire le système de l'intervention des commissaires d'arrondissement dans les listes générales, parce que c'étaient les secrétaires communaux qui faisaient les listes. Mais je me suis opposé à tout le reste, et j'ai déclaré à la Chambre que cette mesure, en définitive, n'était faite que par le parti du gouvernement.
J'ai le droit de m'étonner que M. le ministre passe sous silence une pareille déclaration. La loyauté exige qu'on ne tronque pas ma pensée et qu'on la reproduise telle qu'elle est exprimée au Moniteur ; je ne saurais protester avec trop d'énergie contre cette façon de combattre un adversaire. J'ai exprimé mon regret de ce que les listes électorales générales étant faites par les secrétaires communaux, il fallait bien que quelqu'un les vérifiât. C'est donc un regret que j'ai exprimé et en même temps j'ai déclaré que la mesure à propos de laquelle je l'exprimais était faite dans un intérêt de parti.
Je le répète encore aujourd'hui, cette intervention des commissaires d'arrondissement est, dans votre intention, dirigée directement contre nous ; car tous les commissaires d'arrondissement sont vos agents. (Interruption.) Ah ! je sais bien quel est votre but : vous voulez faire dresser les listes communales au moyen de vos agents, afin qu'ils puissent tripoter tout à leur aise et arranger les listes au gré de vos intérêts de parti. Voila ce que vous voulez.
M. le président. - Du calme, M. Dumortier.
M. Dumortier. - Ah ! je. le sais bien, vous êtes heureux de feindre de ne m'avoir pas compris ; mais je repousse de toute l'énergie de mon caractère l'interprétation que vous donnez à mes paroles. La liberté, toujours la liberté : voilà ce que j'ai toujours demandé. Mais ce que je ne veux pas, c'est de l'intervention de vos agents en matière de formation des listes électorales. Je demande donc encore une fois que tout ce qui concerne l'intervention des commissaires d'arrondissement soit réservé et discuté spécialement dans une séance ultérieure.
MiPµ. - L'honorable M. Dumortier nous apprend qu'en 1843, il a dû appuyer le droit donné aux commissaires d'arrondissement.
M. Dumortier. - Dans certaines limites.
MiPµ. - Je répète, messieurs, qu'en 1843, l'honorable M. Dumortier a dû soutenir que les commissaires d'arrondissement devaient avoir le droit de réviser des listes électorales.
M. Dumortier. - Vous ne rendez pas exactement ma pensée.
MiPµ. - Permettez donc, que je la complète. Seulement, ce n'est pas parce qu'il aimait ce droit qu'il l'a défendu ; il l'a défendu parce que c'était une nécessité.
L'honorable M. Dumortier prétend aujourd'hui que l'intervention des commissaires d'arrondissement est une monstruosité ; il n'est donc pas d'accord avec le système qu'il défendait en 1843, alors qu'il considérait l'intervention de ces fonctionnaires comme une nécessité.
M. Dumortier. - Je n'ai pas dit cela. Ne me faites pas dire ce que (page 636) je n’ai pas dit. Vous n'avez pas le droit de tronquer les paroles d'un député.
MiPµ. - Voulez-vous que je lise vos paroles ?
M. Dumortier. - Oui, lisez-les.
MiPµ. - Ah ! je vous ai fait dire que c'était une nécessité ; vous avez dit que c'était nécessaire. Voilà la seule différence. Du reste, voici ces paroles :
« C'est là, messieurs, un grand pouvoir donné aux commissaires de district ; j'aime qu'il me paraît nécessaire qu'une autorité quelconque soit investie du droit d'examiner les listes formées par les autorités communales et de former au besoin appel contre ces listes ; en effet, il est constant que dans beaucoup de localités, les listes électorales ne sont faites que par le secrétaire communal ou par l'un des échevins, et qu'il arrive assez souvent que des erreurs sont commises. »
M. Dumortier. - Continuez la citation.
MiPµ. - Je n'ai pas le reste.
M. Dumortier. - Ah ! vous n'avez pas le reste ; vous n'avez donc lu qu'un passage tronqué ?
MiPµ. - J'espère que l'honorable M. Dumortier voudra bien nous lire demain cette partie de son discours.
M. Dumortier. - Vous la lirez vous-même.
MiPµ. - Donnez-le-moi. Messieurs, il n'est pas question de discuter maintenant la question des commissaires d'arrondissement. Mais comme je voyais l'honorable M. Dumortier se livrer, dès à présent, à des attaques contre leur intervention, j'ai cru devoir lui répondre, quelques mots dès aujourd'hui.
La question de l'intervention des commissaires d'arrondissement devra être froidement traitée comme toutes les autres questions qui se rattachent au projet de loi ; je fais seulement observer, quant à présent, que comme l'honorable membre n'avait pas, en 1843, cette ardeur qu'il montre aujourd'hui, pour repousser l'intervention des commissaires d'arrondissement, il devrait être plus calme aujourd'hui qu'en 1843 ; c'est le contraire qui arrive.
Quant à présent, il s'agit de savoir à qui les communes enverront les listes électorales. Je crois qu'elles doivent les envoyer toutes au commissaire d'arrondissement.
Voici pourquoi : dans le système introduit par le projet de loi, on dressera en même temps trois listes, une liste pour les élections législatives, une seconde liste pour les élections provinciales et une troisième liste pour les élections communales.
Ces listes ne formeront pas trois listes, mais plutôt une liste triple ; elles doivent être dressées par les communes avec la plus grande simplicité possible. La liste aura trois colonnes. La première colonne comprendra les élections pour les Chambres, en laissant en blanc, chaque fois qu'il y aura, suivant l'ordre alphabétique, un électeur à inscrire dans la deuxième colonne ou dans la troisième colonne, consacrées aux électeurs pour la province ou pour la commune. En lisant la première colonne seule, on aura les électeurs des Chambres ; en y ajoutant les noms de la seconde, les électeurs de la province ; en prenant enfin les noms des trois colonnes, les électeurs à la commune, et cela sans rompre l'ordre alphabétique.
Il y aura donc un travail d'ensemble fait en une seule fois.
Je ne vois pas d'inconvénient à ce que les communes envoient au commissaire d'arrondissement cette liste générale qui comprend les élections des Chambres comme les élections de la province et de la commune.
Elle n'est pas pour cela soumise au commissaire d'arrondissement ; c'est une simple transmission d'un tout complet, et le commissaire d'arrondissement doit dans tous les cas réunir ce qui concerne la Chambre.
Il est évident que sur ce point l'honorable M. Dumortier peut avoir une satisfaction complète. Il n'a rien à redouter en cette matière de l'ingérence abominable d'un agent du gouvernement.
M. de Theuxµ. - Messieurs, il y à une différence énorme entre le projet de loi et la loi de 1843 en ce qui concerne les commissaires d'arrondissement.
D'après la loi de 1843, le commissaire d'arrondissement pouvait examiner les listes électorales et il était admis à adresser ses observations aux députations permanentes et les députations permanentes examinaient ces réclamations.
Mais d'après le projet actuel, le système est tout différent ; la différence est essentielle, et voici en quoi elle consiste : sous le régime de la loi de 1843, le commissaire d'arrondissement ne pouvait jamais appeler des décisions des députations permanentes. Et cela se comprend, puisqu'il n'y avait pas de juridiction supérieure en cette matière.
Aujourd'hui le commissaire d'arrondissement peut appeler des décisions de la députation permanente, en ce sens que le gouverneur, se substituant au commissaire d'arrondissement, peut appeler des décisions de la députation devant une cour de justice.
Je dis, messieurs, que. la différence est énorme. En effet, si le commissaire d'arrondissement fait ses appels dans un intérêt de parti, et si le gouverneur, dans un même intérêt de parti, reprend l'appel du commissaire d'arrondissement et le porte devant une cour de justice, l'électeur aura à combattre les autorités publiques représentant le ministère ; et, d'autre part, ces autorités, agissant dans un intérêt politique, pourront agir en faveur des électeurs de leur bord, ceux-ci n'ayant ni démarches ni frais à faire.
Je prie, la Chambre de porter son attention sur ce point.
On devrait supprimer la faculté qui est accordée au gouverneur de se substituer au commissaire d'arrondissement et de porter ses appels devant une cour de justice.
Sans quoi, la partie n'est plus égale.
Cet appel du gouverneur devant une cour de justice n'est admissible en aucun cas. Il faut que la position des électeurs des deux partis soit la même et que leurs garanties soient les mêmes.
Il faut donc absolument que l'action du commissaire d'arrondissement cesse après la décision de la députation permanente.
J'appelle, messieurs, toute l'attention du gouvernement sur cette observation, qui me paraît capitale.
- Voix nombreuses. - A demain !
MiPµ. - Je crois que les conseils que nous donne l'honorable M. de Theux sont fort sages, et que, lorsqu'il s'agit de faire une loi, la majorité doit toujours considérer qu'elle peut être minorité.
Je ne sais pas si c'est bien ce que la majorité a pensé. J'en doute, fort. Je crois qu'elle a supposé alors qu'elle serait toujours majorité. On étendit alors, malgré la minorité, les droits du commissaire d'arrondissement, et tous les membres de la majorité soutinrent énergiquement ces droits.
Mais, depuis lors, il s'est fait un grand changement et l'habitude d'être de la minorité a fait singulièrement réagir contre ce que la majorité d'alors proclamait excellent. Si je signale cela, c'est bien moins pour en faire un reproche à cette majorité que pour dire que nous devons profiter de cet exemple et l'intention du gouvernement est, tout en maintenant la surveillance du commissaire d'arrondissement, de présenter des dispositions qui mettent la minorité sur la même ligne que la majorité.
Le seul avantage qu'ait le commissaire d'arrondissement, c'est, comme vient de le dire l'honorable comte de Theux, de plaider sans frais, ou, si vous le voulez, aux frais de l'Etat. Si donc les particuliers devaient toujours subir les frais, il en résulterait incontestablement une inégalité.
L'heure étant trop avancée aujourd'hui, nous ferons connaître demain le système que proposera le gouvernement pour que les frais, dans certains cas, soient payés, pour les particuliers mêmes, par l'Etat ; en sorte que le particulier qui plaidera dans ces conditions sera dans la même position que le commissaire d'arrondissement.
Je crois que cette disposition donnera pleine satisfaction à l'honorable comte de Theux et lui prouvera que nous n'oublions pas les intérêts de la minorité.
- La séance est levée à cinq heures.