(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1868-1869)
(Présidence de M. Dolezµ.)
(page 613) M. Reynaert, secrétaireµ, procède à l'appel nominal a 1 heure et un quart.
M. Van Humbeeck, secrétaireµ, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.
- La rédaction en est approuvée.
M. Reynaert, secrétaireµ, présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.
« Des habitants, de Herstal demandent la suppression du cens comme base du droit, de vote dans les élections et, par suite, la révision de l'article 47 de la Constitution. »
« Même demande d'habitants de Liège. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Des habitants de Barbançon demandent la prompte construction du chemin de fer de Frameries à Chimay avec embranchement de Beaumont vers Thuin. »
« Même demande d'habitants de Gozée, Vaulx, Grandrieu, Seloignes, Lompret, Monceau-Imbrechies, Solre-Saint-Géry, Fontaine-Valmonl, Rièzes, Saint-Remy, Momignies, Sars-la-Buissière, Donstiennes, Salles. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du rapport sur des pétitions analogues.
« Des habitants de Wavre demandent une loi sur le temporel des cultes et les opérations césariennes. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Des membres de la garde civique de Schaerbeek demandent que l'armement et l'instruction de la garde soient mis au niveau des derniers progrès faits dans les armes de guerre. »
- Même renvoi.
« Par message du 12 mars, le Sénat informe la Chambre qu'il a adopté le projet de loi contenant le budget du ministère de l'intérieur pour l'exercice 1869. »
- Pris pour notification.
MM. Nothomb et Carlier demandent un congé d'un jour. »
- Accordé.
M. le président. - La discussion générale ayant été close hier, nous abordons la discussion des articles.
M. le ministre de la justice, se rallie-t-il à l'article premier de la section centrale ?
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Oui, M. le président.
MPDµ. - La discussion s'ouvre donc sur cet article ; il est ainsi conçu :
« Art. 1er. Chaque année, du 1er au 14 août, le collège des bourgmestre et échevins procédera à la révision des listes des citoyens de la commune que la loi appelle à participer à l'élection des membres des Chambres législatives, des conseils provinciaux et des conseils communaux.
« Ceux qui, sans être électeurs pour les Chambres, auront droit à être électeurs pour la province ou la commune, seront portés sur des listes supplémentaires. »
A cet article se rattachent deux amendements : l'un, signé de M. Van Wambeke, est ainsi conçu :
A ajouter à l'article premier :
« Le collège des bourgmestre et échevins devra inscrire sur la liste électorale les noms de tout citoyen qui, ayant l'âge requis et jouissant de ses droits politiques, paye le cens légal. »
L'autre, signé de M. Dumortier, est conçu en ces termes :
« Les opérations électorales mentionnées à l'article 7 de la loi électorale commenceront chaque année le 1er mars. »
Vient en outre un nouvel amendement ainsi conçu :
« Chaque année du 1er au 14 mars (le reste comme à l’article dans l'amendement de la section centrale).
« (Signé) Tack. »
La parole est à M. Tack pour développer cet amendement.
M. Tack. - L'article premier du projet en discussion est une disposition fondamentale. Si cette disposition passe, elle aura inauguré un système entièrement nouveau au point de vue des époques et des délais fixés pour la révision des listes électorales.
J'aurais le droit de rattacher à cet article quelques considérations en réponse au discours qu'a prononcé hier M. le ministre de la justice dans la discussion générale. Mais, sous ce rapport, je serai très laconique et je me bornerai à deux ou (rois observations pour me renfermer complètement dans l'article en question.
L'honorable ministre vous a parlé de l'intervention des commissaires d'arrondissement dans les contestations relatives aux listes électorales, et pour réfuter les arguments qui ont été produits, il a eu recours, comme l'a dit M. Coomans, à des récriminations ; il a exhumé d'anciens débats.
Si nous voulions le suivre sur ce terrain, ce nous serait chose extrêmement facile et il ne tiendrait qu'à nous de faire de nombreuses citations et de rappeler ici les discours prononcés à cette occasion par d'honorables membres de la gauche.
Tous unanimement étaient d'accord à cette époque pour repousser l'intervention du commissaire d'arrondissement.
Que prouve dès lors en tout ceci l'opinion exprimée par M. de Theux ou par d'autres membres de la droite en 1843 ?
Les membres de la majorité d'aujourd'hui, qui était la minorité à la même époque, soutenaient tous qu'il fallait conférer aux conseils communaux le droit de statuer non seulement sur les contestations ayant trait aux listes communales, mais encore sur celles qui concernent les listes générales. C'était le principe qui alors était défendu par tous les membres de la Chambre appartenant à la droite. Je n'en dirai pas davantage sur ces deux points.
Mais je tiens à relever une observation qu'a faite M. le ministre de la justice, relativement à l'article 93 de la Constitution.
M. le ministre m'a attribué des opinions qui ne sont positivement pas les miennes, une manière de voir qui serait tout bonnement ridicule. Il ne faudrait pas avoir la moindre notion du droit pour affirmer ce que M. le ministre de la justice m'a fait dire. J'aurais prétendu que le droit de suffrage n'est pas un droit politique. Mais, messieurs, c'est le contraire que j'ai dit et M. le ministre de la justice n'avait pas besoin de citer ici l'autorité de Merlin pour me l'apprendre. Je savais fort bien que, d'après Merlin, les droits politiques... (Interruption.)
- Une voix. - C'est la discussion générale.
M. Tack. - Il me semble que j'ai le droit de relever ces observations de M. le ministre de la justice.
M. le président. - Continuez, M. Tack.
M. Tack. - Je ferai remarquer, au surplus, qu'an moment où la discussion générale à été close hier, M. le président m'avait accordé'la parole ; j'aurais pu en user et m'expliquer. Mais je me suis rassis par déférence pour la majorité et parce que j'ai vu le grand désir des membres de la gauche d'en finir de la discussion générale.
Du reste, vous le savez tous, messieurs, la tradition constante de la Chambre est qu'après la clôture de la discussion générale on peut plus ou moins y revenir à propos de l'article premier du projet de loi en délibération.
Je dis donc que M. le ministre n'avait pas besoin de m'apprendre que, d'après Merlin, le droit de voter, le droit d'éligibilité, le droit de participer aux fonctions publiques, sont des droits essentiellement politiques.
A l'époque où écrivait Merlin, on était sous l'impression d'idées qui ne sont plus les mêmes aujourd'hui. Aussi la définition de Merlin est-elle trop étroite et pourquoi ? Parce que, à l'époque où il écrivait, on avait confisqué les droits politiques qui intéressent plus particulièrement les individus, tous les droits qui se rattachent à l'exercice des libertés inscrites dans notre Constitution ; à l'exercice de la liberté de, conscience, de la liberté d'enseignement, de la liberté de la parole.
Qu'ai-je soutenu ? Que d'après certains auteurs, d'après la cour de cassation même, l'article 93 de la Constitution, quand il parle de droits politiques, n'avait point en vue les droits politiques définis par Merlin.
Je sais bien que cette opinion n'est pas partagée par tout le monde, et je ne dis pas que moi-même je m'y range ; mais j'ajoute que ceux qui prétendent que l'article 93 s'applique à tous les droits politiques quelconques soutiennent qu'en introduisant une exception dans cet article, le législateur (page 614) constituant a eu en vue précisément d'enlever à la compétente des tribunaux l'appréciation des contestations qui concernent les droits politiques proprement dits, de ces droits qui ont pour objet l'exercice des pouvoirs publics, la participation à la souveraineté nationale, le gouvernement de la société.
J'ai prétendu encore que le législateur constituant, qui voulait avant tout faire respecter le principe de la séparation des pouvoirs, conséquent avec ce point de départ, avait lui-même introduit les exceptions dont parle l'article 93, et dans des décrets antérieurs à la Constitution, et dans la Constitution même et dans des lois postérieures ; que cette volonté des auteurs de la Constitution, de ne pas laisser juger les contestations relatives aux droits politiques proprement dits par les tribunaux, résultait du décret établissant la cour des comptes promulgué avant la Constitution, de l'article de la Constitution qui charge la Chambre de vérifier les pouvoirs de ses membres, de la loi électorale qui confie aux collèges échevinaux et aux députations permanentes le soin de former et de réviser les listes électorales.
Je ne veux pas entrer plus avant dans la discussion générale. Il me suffit d'avoir protesté contre l'étrange théorie que l'honorable ministre de la justice a trouvé bon de m'attribuer gratuitement.
Je disais, en commençant, que l'article premier est une disposition fondamentale, et que, si elle passe, elle inaugure un système tout nouveau, un système qui constitue un bouleversement complet de toutes les notions admises jusqu'aujourd'hui, de tout ce qui s'est pratiqué jusqu'à présent, non seulement en Belgique, mais partout ailleurs.
Je vais préciser ma pensée, en comparant le projet de loi avec la loi électorale de 1831 et la loi communale de 1836.
Mais avant, permettez-moi de faire remarquer, messieurs, que depuis quelque temps nous avons beaucoup légiféré en matière de droits électoraux. La Chambre, a adopté la loi du 10 septembre 1865 relative au payement du cens électoral. En 1866, nous avons discuté une loi sur les fraudes électorales qui a été votée en 1867 par le Sénat.
La Chambre a en outre volé un projet de loi sur la réforme électorale, au mois de mai 1867 ; ce projet de loi n'a pas encore, à l'heure qu'il est, été discuté au Sénat, et déjà nous sommes saisis d'un projet de loi sur la formation et la révision des listes électorales ; tout cela produit un singulier amalgame.
J'ai quelques doutes sur le point de savoir si le projet de loi qui forme en ce moment l'objet de l'examen de la Chambre concorde bien avec les dispositions des diverses lois que je viens de citer, et notamment avec le projet sur la réforme électorale.
Sous l'empire du décret électoral et de la loi communale, comment les choses se passent-elles ? La révision des listes électorales commence le 1er avril ; les listes doivent être affichées pour le 15 ; elles restent affichées pendant dix jours.
Les intéressés et les tiers ont quinze jours pour réclamer ou présenter leurs observations.
Ensuite les listes sont définitivement arrêtées au commencement du mois de mai. Une fois les listes définitivement closes, les décisions des collèges échevinaux et des conseils communaux ont force de chose jugée sauf appel ; et elles sont rendues immédiatement exécutoires.
Ainsi si une élection à lieu au mois de mai, cette élection se fera d'après les listes rendues exécutoires peu de jours auparavant et formées sur les rôles de l'année courante. Ce sont donc les listes de l'année courante qu'on applique. Au lieu de cela, au lieu de commencer la révision le 1er avril, on la commence, d'après le projet du gouvernement, le 1er septembre, et, d'après l'amendement de la section centrale, le 1er août.
Et quand ces listes sont-elles exécutoires, dans le système du projet de loi ?
Seulement sept ou huit mois après, à dater du 1er mai. Vous voyez tout de suite, messieurs, la différence radicale, profonde, des deux systèmes.
Dans le système qu'on préconise, si une élection a lieu entre la fin d'octobre et le 1er mai, d'après quelle liste cette élection va-t-elle se faire ? i D'après l'ancienne liste. Quels sont les rôles qui seront ici applicables ? Ce seront les rôles de l'année antérieure.
C'est là un système qui n'a été suivi nulle part, ni en Hollande, ni en France, ni en Angleterre, et c'est aussi le système contraire qui a toujours fonctionné chez nous.
Et ceux qui invoquent si volontiers les législations étrangères quand elles sont en opposition avec la nôtre, feraient bien aussi de témoigner un certain respect pour ces législations lorsqu'elles sont en harmonie avec la loi belge.
C'est le cas, spécialement pour la Hollande ; la révision des listes électorales commence, non pas le 1er octobre, non pas le 1er avril, non pas le 1er mars, mais le 15 février.
En Angleterre, nous l'avons vu tout récemment, en 1868, la révision des listes électorales a eu lieu aux mois de septembre, octobre et novembre. Les élections ont suivi de près. Huit jours avant les élections, il y avait encore des recours exercés devant la cour de Westminster ; il cependant les élections se sont faites sur les listes de l'année courante.
M. d’Elhoungne, rapporteurµ. - Il y avait un million de nouveaux électeurs.
M. Tack. — Je ne comprends pas l'objection. Il y avait un million de nouveaux électeurs, dit l'honorable M. d'Elhoungne ; cela prouve pour ma thèse, car on a voté d'après les listes de l'année courante, malgré les difficultés résultant de l'augmentation du nombre des électeurs, malgré les difficultés qu'on a dû éprouver de décider sur de nombreuses contestations dans un temps relativement très court. Vous faites tout à fait le contraire.
Quelle est l'objection qu'on élève au système de la législation en vigueur ? Y en a-t-il une sérieuse ? Non, messieurs. L'objection, c'est celle-ci : tous les degrés de juridiction ne sont pas toujours épuisés quand arrive le moment de l'élection, c'est-à-dire qu'il se fait que certaines contestations ne peuvent pas être jugées par la cour de cassation avant les élections. Mais remarquez qu'on a énormément donné dans l'exagération à ce sujet et que ces cas sont excessivement rares, sauf quand on se plaît à éreinter une députation permanente, qu'on lui adresse une masse de réclamations pour la mettre dans l'impossibilité de décider en temps utile, et pour venir ensuite lui reprocher de ne pas avoir motivé ses décisions, de ne pas avoir suffisamment examiné les affaires, d'avoir décidé d'une manière arbitraire, d'être en retard de produire ses jugements.
En fait, que se passe-t-il ? La députation permanente a cinq jours pour statuer, dix jours dans le cas d'opposition. Il est vrai que ces délais ne sont pas de rigueur ; on ne les a jamais considérés comme entraînant la déchéance ; on les considère comme une espèce de délais administratifs. Les députations permanentes sont autorisées à rendre des jugements interlocutoires, à s'entourer de renseignements avant de prendre une décision au fond. Elles combinent les affaires de manière à statuer d'abord sur les listes générales et réservent les contestations sur les listes communales. Si le temps fait défaut, c'est tout au plus pour un petit nombre de recours en cassation, et encore cela ne s'applique, en général, qu'aux élections provinciales. Les appels, en général, sont tous jugés en temps utile, grâce à cette procédure expéditive et dégagée que nous a vantée l'honorable rapporteur de la section centrale.
Le mal est-il si grand parce qu'il y a quelques causes en retard ? A cela il y a un correctif, en ce que les Chambres et les conseils provinciaux peuvent annuler les élections, s'il est constaté que, par suite de la circonstance que la cour de cassation n'a pas pu juger en temps utile, il est arrivé que la majorité a été déplacée.
M. Mullerµ. - C'est contesté.
M. Tack. - Je ne crois pas que. cela ait jamais été sérieusement contesté et je suis persuadé que si le cas se présentait, la Chambre ferait usage de son droit d'omnipotence ; elle en a usé dans des circonstances autres que celle-là. Après tout n'y-a-t-il donc pas de remède ? On pourrait, et c'est le but de mon amendement, commencer la révision plus tôt. On pourrait la commencer au mois de mars. et pourquoi pas ?
Le gouvernement nous a prouvé lui-même que la chose est possible, puisque, dans son projet de loi, il propose, pour 1869, de commencer la révision le 1er mars. Au surplus ce qui se passe en Hollande prouve que la chose n'est pas impossible.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - C'est impossible pour les élections de juin.
M. Tack. - Je parle de l'époque où on pourrait commencer la révision des listes électorales. (Interruption.) Il faudrait ne pas modifier, comme vous le faites, de fond en comble la procédure qui a été suivie jusqu'à ce jour.
Mais ne pourrait-on pas, au besoin, changer aussi l'époque des élections ? Serait-ce si difficile ? Ainsi, actuellement les élections provinciales ont lieu le quatrième lundi du mois de mai, quel inconvénient y aurait-il à les fixer au quatrième lundi du mois de juillet ?
M. le ministre de la justice (M. Bara). - La moisson.
M. Tack. - Remarquez bien, messieurs, que pour les élections provinciales il s'agit pour l'électeur de se rendre au chef-lieu du canton et, avec les facilités de communication qui existent aujourd'hui, rien n'est plus aisé.
Les élections générales pour la Chambre et pour le Sénat ont lieu le deuxième mardi de juin ; ne pourrait-on pas les fixer au 1e mardi du mois d'août, par exemple ?
(page 615) M. Bouvierµ. - C'est en pleine récolte.
M. Tack. - La moisson est alors terminée.
M. Allard. - Les jours sont trop courts.
M. Tack ; - Mais quand vous faites des dissolutions, vous les faites au mois de décembre. Les jours ne sont pas trop courts alors.
Pour les élections communales, quel mal de les fixer au mois de novembre plutôt qu'au mois d'octobre ? Aucun.
Qu'en résulterait-il ? C'est que pour les élections provinciales les députations permanentes disposeraient de quatre mois pour décider sur toutes les contestations, elles auraient cinq mois pour les listes générales et neuf mois pour les listes communales, amplement assez pour se prononcer en pleine connaissance de cause, ce qui fait qu'elles ne seraient plus exposées aux reproches qu'on articule contre elles. Au lieu de cela, que fait-on ? On écourte les délais et on leur assigne un terme fatal.
Ainsi, la députation devra décider dans l'espace de 30 ou 35 jours selon qu'on choisit le système du projet de loi du gouvernement ou celui de la section centrale.
Et, dans quelles circonstances propose-t-on cela ? Alors qu'on double, qu'on quadruple même la besogne des députations permanentes.
Il ne faut pas se faire illusion à ce sujet. Que va-t-il arriver ?
Je suppose un collège échevinal dans lequel domine une opinion contraire à celle de la députation permanente.
Ce sera un collège composé de catholiques. Il aura posé des actes arbitraires, si vous voulez. Il aura rayé des électeurs qui ont le droit d'être inscrits. Il en aura inscrit une fournée qui n'ont pas le droit de figurer sur les listes.
Ces électeurs ne seront pas assez naïfs que de se donner la peine de présenter des observations au collège échevinal. Beaucoup n'y songeront pas. Ils s'adresseront directement à la députation permanente.
Vous voyez dès lors dans quelle proportion le travail des députations va augmenter. Placez-vous dans une autre hypothèse.
Supposez que l'opinion de ce collège échevinal que je citais tantôt est à l'unisson. avec celle de la députation permanente ; alors ceux qui ont intérêt à réclamer vont passer, pour la forme, par la députation permanente, se réservant parfaitement bien de s'adresser après à la cour d'appel.
La chose est incontestable, le travail des députations va s'accroître notablement.
Et après les avoir surchargées de cette façon, on leur dit : Examinez toutes ces réclamations, faites des enquêtes si cela vous plaît, livrez-vous a telles investigations que vous jugez à propos de faire, mais terminez au bout de 30 ou 35 jours.
Je sais bien qu'il y a un correctif dans la loi et que dans la disposition de l'article 15, on dit que si ces contestations ne peuvent être décidées dans le mois, la députation permanente motivera les causes du retard et fixera les délais dans lesquels elle statuera.
Mais pour justifier le retard, il faudra bien qu'elle commence par faire un examen an moins sommaire et elle y mettra énormément de temps. Ou bien ne serait-elle tenue que de faire une espèce de justification banale ; suffirait-il qu'elle vienne dire : J'ai un grand nombre de réclamations et je décide de statuer ultérieurement, dans un délai que je détermine et que j'évalue devoir être de tel nombre de semaines ? Mais alors que signifie la disposition du projet de loi ? Pourquoi introduire dans une loi une exception que l'on sait d'avance devoir devenir une règle fatale et inévitable ?
M. Mullerµ. - Prolongez le délai.
M. Tack. - C'est ce que je cherche a faire. J'ai démontré qu'on peut facilement remédier aux légers défauts et aux lacunes que peut présenter le système actuel.
Permettez-moi de dire un mol concernant les défauts du système du projet de loi.
Aujourd'hui les élections ordinaires pour le renouvellement se font toujours au moyen des listes formées sur les rôles de l'année courante. Aux termes du projet de loi qui nous est soumis, elles n'auront jamais lieu que d'après des listes formées sur les rôles de l'année antérieure.
En second lieu, en cas d'élection extraordinaire pendant la période qui s'écoulera depuis le mois d'octobre jusqu'au 1er mai suivant, des électeurs qui auront été rayés définitivement en vertu de jugement passé en force de chose jugée prendront part au vote et d'antres électeurs définitivement, irrévocablement portés sur les listes, encore une fois en vertu de jugements irrévocables, de jugements passés en force de chose jugée, seront exclus du scrutin.
Avouez que c'est là une singulière anomalie, une singulière conséquence du système qu'on veut faire prévaloir.
Ainsi trois choses qui ne se présentent jamais dans l'application des lois actuellement en vigueur, vont se produire constamment et toujours dans le système du projet de loi.
Je vais les énumérer :
D'après la loi actuelle, jamais aux élections ordinaires on n'applique les rôles de l'année antérieure ; jamais les électeurs éliminés en vertu de décisions devenues définitives et irrévocables ne prennent part au scrutin ; jamais un électeur admis en vertu d'une pareille décision n'est exclu du scrutin.
Voilà le mécanisme de la loi actuelle.
Maintenant, quel est celui du projet de loi ? Le voici :
A chaque élection ordinaire on appliquera la liste de l'année antérieure ; c'est le contre-pied de ce qui se passe actuellement.
A chaque élection ordinaire, des électeurs éliminés, en vertu de décisions définitives, concourront au scrutin, et des électeurs déjà portes sur les listes, toujours en vertu de jugements définitifs ayant force de chose jugée, ne pourront pas prendre part à l'élection.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Cela existe sous la législation actuelle.
M. Tack. - Cela n'existe pas. .le serais curieux d'entendre citer un cas.
MfFOµ. - Dans le cas des élections provinciales.
M. le président. - N'interrompez pas, M. le ministre.
MfFOµ. - C'est pour un éclaircissement, M. le président.
M. le président. - Si M. Tack le permet, je vous donne la parole.
M. Tack. - Certainement.
MfFOµ. - Je disais qu'il arrive que des particuliers qui ont prétendu avoir le droit électoral ne peuvent prendre part à l'élection, bien qu'il soit reconnu plus tard, par l'autorité compétente, qu'ils avaient le droit de voter ; de même, des particuliers contre lesquels on s'est pourvu et qui sont inscrits sur les listes prennent part au vote quoiqu'ils soient ultérieurement rayés.
M. Tack. - Il n'y a aucune analogie avec les cas que je cite.
L'honorable M. Dumortier exprimait hier un scrupule constitutionnel au sujet de ces électeurs qui prennent part au scrutin alors qu'il est déjà constaté qu'ils ne payent pas le cens voulu par la loi.
Si cela n'est pas précisément contraire au texte de la loi, c'est certainement contraire à son esprit. Ces électeurs ne sont plus censitaires ; ils n'offrent plus les garanties que le législateur a voulu trouver dans le payement de l'impôt.
Ce seront peut-être des électeurs ruinés, qui ne posséderont plus rien ; et cependant ils prendront encore part au scrutin ; tandis que d'autres, dont les droits ont été reconnus, seront éloignés de l'urne électorale.
A cet égard, je le reconnais, il peut se présenter aujourd'hui des faits analogues, mais il s'en faut de beaucoup que les cas soient identiques. Voici ce qui peut arriver : je suppose qu'une élection extraordinaire doive avoir lieu entre le mois de janvier et le mois de mai ; elle se fera d'après les rôles de l'année antérieure. Mais remarquez, d'abord, que l'élection sera une élection extraordinaire, c'est-à-dire que l'on se trouvera devant une exception ; ensuite que c'est la force des choses qui oblige de procéder ainsi.
Or, cette exception on la convertit aujourd'hui en règle générale, que l'on applique aux élections ordinaires. Sous l'empire de la loi actuelle l'élection extraordinaire à laquelle on est obligé d'avoir recours, a lieu avant la révision, alors que l'électeur a encore pour lui la présomption qu'il possède les bases du cens ; tandis que sous l'empire de la loi nouvelle, cette présomption n'existera plus ; elle aura été même détruite par la preuve contraire, on sera certain que l'individu qui concourt à l'élection ne paye plus le cens voulu par la loi. La chose aura été décidée par un jugement irrévocable.
J'ai fait, l'autre jour, sentir ces conséquences au moyen de chiffres. Je demande à y revenir un instant. J'ai supposé des élections ordinaires en 1872. Ces élections se feront d'après les rôles de 1871.
Si des élections extraordinaires ont lieu au mois d'avril 1873, elles se feront également d'après les rôles de 1871. A ces élections extraordinaires pourra prendre part un individu éliminé en octobre 1872. En sera exclu un autre individu admis en octobre 1872. Ainsi, voilà un électeur qui en vertu d'une décision irrévocable, et bien qu'il ne réunissait plus les conditions voulues en 1872, qu'il ne les possède pas pour 1873, pourra voter encore en 1873, tandis qu'un autre à l'égard de qui il est établi à toute évidence, par une décision également irrévocable, qu'il payait le cens en 1873, qui a de (page 616) plus pour lui la présomption qu'il le paye en 1873, sera exclu du scrutin m 1873.
Cette conséquence, messieurs, suffit pour condamner le système. Ce sont des anomalies, des bizarreries qu'il faut faire disparaître.
J'en signalerai une autre. Le projet de loi forme une dérogation implicite à une disposition de la loi concernant la capacité électorale.
D'après le projet de loi sur la reforme électorale, voté en 1867,Ies contributions et les patentes ne sont comptées à l'électeur qu'autant qu'il a payé le cens en impôt foncier l'année antérieure, ou en impôts directs de toute nature les deux années précédentes.
D'après le projet de loi en discussion, ceux qui prendront part à l'élection seront censés avoir payé certaines contributions pendant quatre ou cinq années. Ainsi, supposez la révision qui doit avoir lieu au mois d'octobre 1872. En procédant à cette révision, on ne pourra inscrire sur les liste ceux qui se prévaudront des contributions directes autres que la contribution foncière, que pour autant qu'ils les aient payés en 1870 et en 1871, et il faudra, en outre, qu'ils soient portés aux rôles des contributions pour 1872.
Une élection ordinaire a lieu en 1873. Evidemment les électeurs qui prendront part à cette élection seront censés avoir payé en 1873. Une élection extraordinaire aura lieu au commencement de l'année 1871. Eh bien, vous devez présumer que les électeurs qui seront admis a voter auront payé en 1874 ; donc ils sont censés avoir payé pour une période de cinq années. Ce n'est guère là une extension du droit de suffrage ; c'est, au contraire, une énorme restriction.
Messieurs, si je voulais établir un parallèle entre le projet de loi en discussion et le projet de loi de 1867 sur la réforme électorale, il ne me serait pas difficile de signaler des contradictions entre les dispositions de ces deux lois, et je ne sais pas trop comment on pourra les mettre d'accord. En 1867, on a adopté des principes diamétralement opposés à ceux qu'on nous demande de consacrer aujourd'hui.
Messieurs, j'en ai dit assez pour expliquer la préférence que je donne au mécanisme des lois en vigueur ; elles ont pour elles la consécration du temps, de l'expérience acquise chez toutes les nations.
Je termine en engageant vivement la Chambre, pour le cas où elle repousserait le système actuellement en vigueur, à modifier au moins le projet de loi, en ce sens que la révision commencerait plus tôt qu'au mois d'octobre ; car j'ai beau me demander pour quel motif on a fixé l'époque de la révision des listes électorales à ce terme si éloigné ; je ne trouve pas de réponse à cette question. En commençant plus tôt la révision des listes, on fournirait au moins aux députations permanentes le moyen de juger en pleine connaissance de. cause et on éviterait qu'elles soient exposées, comme aujourd'hui, à des récriminations, et à des plaintes évidemment mal fondées.
M. d’Elhoungne, rapporteurµ. - Messieurs, les observations que vient de présenter l'honorable préopinant présentent un caractère véritablement étrange.
En effet, l'honorable membre consent à tout changer, à la condition qu'on ne changera rien de ce que le projet de loi propose de changer dans la législation existante.
L'honorable. M. Tack considère comme une chose parfaitement facile, naturelle et simple de changer toutes les époques assignées, depuis le Congrès, aux élections ordinaires, soit des conseils provinciaux, soit des Chambres législatives, soit des conseils communaux.
Si le gouvernement était venu proposer un pareil bouleversement dans les habitudes, et, je puis le dire, dans les mœurs publiques du pays, assurément le parti conservateur, comme la droite s'intitule, n'aurait pas eu assez de critiques à adresser au gouvernement.
Au contraire, le projet de loi se borne à apporter à la législation en vigueur des modifications qui ont été reconnues indispensables par tous ceux qui savent comment se font les opérations préalables aux élections, des modifications dont la nécessité est démontrée par les faits qui se produisent sous nos yeux à chaque élection.
Le gouvernement n'a pas eu recours à des principes inconnus, à des innovations dont il serait impossible d'apprécier le caractère et la portée. Non, il a emprunté les principes du projet de loi aux membres les plus éminents qui siègent de l'autre côté de la Chambre. (Interruption.)
Certainement, une plus large part accordée au pouvoir judiciaire dans le jugement des contestations électorales, c'est évidemment l'application des principes des honorables membres de la droite, qui ont professé, dans cette Chambre, la théorie que, au pouvoir judiciaire, appartient essentiellement la connaissance des contestations électorales.
Quant à la nature des modifications que le gouvernement a présentées à la Chambre, elles sont faciles à apprécier, puisqu'elles ont été empruntées à une législation qu'on a vue fonctionner sans contestation et sans inconvénients pendant un grand nombre d'années dans un pays voisin.
Indépendamment de l'ordre des juridictions appelées à connaître des contestations électorales, le projet soulève la question des délais. C'est le point de départ de ces délais que l'article premier du projet de loi a pour objet de déterminer. C'est le point de départ des délais qui vient d'être particulièrement critiqué par l'honorable préopinant.
En fait, les délais qu'accorde la législation actuelle sont insuffisants, de l'aveu de tout le monde. Les délais sont insuffisants ; ils sont même complètement inexécutables. Il est vrai que les députations permanentes ont en quelque sorte prorogé le délai légal en répartissant le travail que les contestations électorales leur donnent, sur un espace de temps plus considérable.
C'est une observation fort juste de la députation permanente de la Flandre orientale, je suis heureux d'avoir une occasion de lui rendre hommage ; les députations jugeaient à grande vitesse, lorsqu'elles se trouvaient en présence d'élections provinciales ; elles jugeaient encore à grande vitesse (quelquefois à petite vitesse, mais c'est l'exception), lorsqu'il s'agissait des élections législatives.
Puis elles prenaient tout le temps nécessaire pour statuer un peu plus à l'aise sur les nombreuses contestations soulevées à l'occasion des listes pour les élections communales.
Le projet du gouvernement a allongé les délais que la législation actuelle détermine pour les différentes phases de la révision annuelle des listes électorales.
Les amendements de la section centrale ont pour but de prolonger encore ces délais.
Cependant et le projet du gouvernement et les amendements de la section centrale ont provoqué des réclamations assez générales, réclamations venues aussi bien de l'opinion libérale que de l'opinion conservatrice.
Mais quelles sont ces réclamations ? Elles sont uniformément conçues dans ce sens que les nouveaux délais accordés sont encore trop courts. Ainsi la députation permanente de la province de Namur, ainsi la députation permanente de la Flandre orientale (c'est la seconde fois que je puis rendre hommage à la justesse de ses observations) réclament un délai plus long pour le travail contentieux des députations permanentes.
Je crois la réclamation fondée. Je crois qu'on devra encore proroger les délais accordés et par le projet du gouvernement et par les propositions de la section centrale, pour le travail du contentieux auquel les députations permanentes ont à se livrer.
Voilà donc l'opinion libérale comme l'opinion conservatrice d'accord pour demander que ce délai soit encore prolongé.
Ce n'est pas tout. D'honorables membres qui siègent des deux côtés de cette Chambre ont insisté pour que la procédure administrative qui se fera en premier degré de juridiction devant la députation permanente, soit dépouillée de son caractère purement administratif.
On a demandé que la juridiction exceptionnelle des députations permanentes fût mise en quelque sorte sur un pied d'égalité avec la juridiction ordinaire des tribunaux par l'emploi du mode d'instruction que le code de procédure consacre, audition de témoins et enquêtes, et que les justiciables pussent trouver devant la députation permanente les garanties sérieuses qu'ils trouvent devant les tribunaux ordinaires ; à savoir, la publicité des séances et les débats contradictoires.
Mais les honorables membres doivent bien reconnaître que si l'on établit ce mode de procédure, ce serait encore une fois rendre insuffisants les délais déjà prolongés que le projet du gouvernement et les propositions de la section centrale accordent.
Si ces propositions sont admises, les délais devraient être augmentés dans une proportion assez notable pour que les députations permanentes, dans l'ordre de leurs attributions et dans l'ordre de ces formes nouvelles de procédure, puissent convenablement et en temps utile s'acquitter de leur mission.
Il y a donc, messieurs, des raisons nombreuses pour prolonger les délais du projet ; mais du moment que vous reconnaissez ainsi la nécessité absolue et que d'un autre côté vous faites des propositions qui augmentent la nécessité relative de prolonger les délais, au lieu de rapprocher le point de départ de ces délais, vous devez l'éloigner encore de la date des élections. En soutenant qu'il faut rapprocher ce point de départ, vous manquez donc à la logique de vos propres propositions.
D'un autre côté, l'appel que nous voulons et qu'à bien des égards les membres de la droite ne repoussent pas, exige aussi des délais convenables. Je suis persuadé que les appels seront peu nombreux, mais quelque (page 617) restreint que vous supposiez le nombre des appels, il faut laisser à la juridiction supérieure le temps d'Instruire les affaires, de les laisser débattre et de les décider en connaissance de cause. Ce sont toutes raisons péremptoires pour prolonger les délais, et dès lors il est impossible de fixer le point de départ de la vérification des listes dans l'année de l'élection, comme le voudrait l'honorable M. Tack.
On dit : « Mais vous éloignez le point de départ des délais ; vous éloignez des élections. » C'est vrai, messieurs, mais où est l'inconvénient ? C'est, au contraire, une garantie contre la fraude. Qu'est-ce qui favorise et excite les fraudes ? C'est précisément l'époque rapprochée des élections.
C'est au moment où la fièvre électorale est la plus intense que se fait, avec une précipitation forcée, la révision des listes ; l'ardeur de la lutte et l'insuffisance du contrôle, la rapidité des décisions viennent enlever à cette révision toutes les garanties d'impartialité et de maturité que nous devons tous vouloir pour avoir la sincérité des élections.
On dit : Mais si vous éloignez ainsi le point de départ de la révision des listes électorales, cela implique nécessairement pour l'électeur l'obligation d'une possession plus longue des bases du cens.
Sans doute, messieurs, mais qu'est-ce que cela ? Une garantie puissante contre la fraude. De même qu'il y a des garanties quand vous faites la révision à une époque de calme, à une époque où l'effervescence de la lutte électorale n'existe pas encore ; de même lorsque vous obligez l'électeur, virtuellement ou expressément, a posséder les bases du cens pendant un délai plus prolongé, vous avez de nouvelles garanties contre la fabrication de faux électeurs, contre les fraudes électorales que nous devons être tous d'accord pour proscrire.
L'honorable préopinant objecte à cela que, dans ce système, la révision des listes étant éloignée du jour des élections, il y a nécessairement un certain nombre de personnes qui, au jour de l'élection, seront investies de toutes les conditions de l'électoral et qui ne pourront prendre part à l'élection, tandis que d'autres y participeront après avoir perdu les conditions de l'électorat.
Cela est vrai. Mais cela est vrai dans tous les systèmes, dans toutes les hypothèses. Je l'ai déjà. dit.
Cela a lieu aujourd'hui, cola aura lieu toujours. Cela est inévitable du moment que vous faites dépendre (et cela est indispensable aussi) l'exercice de l'électorat de la présence du nom de l'électeur sur les listes qui sont les registres de l'état civil pour la capacité politique des citoyens.
Dès qu'il est indispensable que. l'électeur figure sur la liste, il faut le temps de la faire. Pour la faire, il faut pouvoir la vérifier et pour cela il faut un contrôle, de la publicité, des recours, une procédure.
Ici, il arrive que, pour quelques individualités la forme emporte le fond.
Cela est vrai aujourd'hui et cela est vrai dans l'hypothèse d'une dissolution, absolument comme cela sera vrai avec le nouveau projet.
Mais, c'est précisément lorsqu'il importe que le corps électoral soit le plus complet que cela arrive aujourd'hui, car c'est le moment solennel où un appel est fait au pays tout entier que. vous avez aujourd'hui tous les inconvénients que vous redoutez si fort pour les élections partielles qui n'ont ni cette étendue, ni cette importance.
L'objection donc, se présente dans tous les systèmes. La question est du plus au moins.
Voici ce qui arrive :
Certaines admissions indues, certaines exclusions indues ; mais en quoi se résument-elles ? Elles se traduisent en quelques inexactitudes de la liste qui sert à l'élection.
Eh bien, par le projet de loi comme par la loi en vigueur, on sacrifie ces quelques inexactitudes de détail à l'exactitude de l'ensemble de la liste, qui est le principal.
Chaque fois que l'on a discuté un système électoral, on a fait valoir ces admissions et les exclusions indues qui naissent de la force des choses.
On a répondu que devant la force des choses la législation doit s'incliner.
Entre deux maux on choisit le moindre. On passe sur quelques inexactitudes de détail plutôt que de sacrifier l'exactitude de l'ensemble.
L'honorable M. Van Wambeke a présenté un amendement à l'article premier et je demanderai la permission d'en dire deux mots.
L'honorable membre propose d'ajouter à cet article un amendement ainsi conçu :
« Le collège des bourgmestre et échevins devra inscrire sur la liste électorale les noms de tout citoyen qui ayant l'âge requis et jouissant de ses droits politiques, paye le cens légal. »
C'est la question, comme vous le savez, messieurs, qui a été soulevée dans le sein de plusieurs sections et a la section centrale.
On s'est demandé si, maintenant que le collège des bourgmestre et échevins faisait un simple travail de révision administrative n'ayant plus aucun caractère contentieux, on ne devrait pas réduire le rôle de l'autorité échevinale à la simple mission d'enregistrer, machinalement en quelque sorte, tous les électeurs réunissant les conditions apparentes de l'électorat qui demanderaient à être inscrits sur les listes et de même s'ils étaient tenus de les laisser sur les listes, quelles que soient les convictions des membres du conseil échevinal sur la réalité des bases du cens de ces électeurs.
On a pensé, messieurs, dans le sein de la section centrale, que le travail quoique purement administratif des collèges des bourgmestres ne pouvait pas être à ce degré un travail purement machinal ; que si l'on avait dépouillé la mission de l'autorité échevinale de son caractère contentieux, cela ne devait pas moins être un travail consciencieux de la part de ces administrations locales. On en a conclu que ces administrations devaient, dans l'accomplissement de leur mission purement administrative selon le projet, comme dans l'accomplissement de leur mission contentieuse de la loi en vigueur, prononcer l'inscription ou la radiation des électeurs d'après leurs convictions, d'après leur connaissance des faits, de sorte que celui qui ne réunissait pas les conditions de l'électorat, elles n'étaient pas tenues de l'inscrire ou de le maintenir sur les listes électorales.
M. Van Wambekeµ. - Alors ce sont des juges.
M. d'Elhoungne, rapporteurµ. - Permettez. On a élevé, pendant la discussion générale, beaucoup d'objections contre le projet de loi, parce qu'il enlevait aux électeurs une garantie considérable. Cette garantie c'était, disait-on, celle que donnait l'examen de l'autorité locale du collège échevinal quand il s'agit des électeurs pour la Chambre et la province, des conseils communaux quand il s'agit des listes pour la communes.
Eh bien, messieurs, l'inconvénient que vous trouvez au projet de loi d'enlever des garanties aux électeurs, cet inconvénient est beaucoup moindre si vous laissez au collège échevinal agissant dans le cercle administratif le pouvoir d'appréciation.
Je comprendrais très bien que vous songiez à exiger que le collège, statuant sur les observations qui lui sont faites, fût forcé de motiver ses décisions aussi bien pour l'inscription que pour la radiation.
Vous laisseriez ainsi cette garantie telle qu'elle est. Vous auriez ainsi, comme les députations l'ont signalé, un premier élément d'appréciation, qui serait utile à la députation permanente.
Mais ce que je ne comprends pas, c'est que la loi vous laissant la garantie d'un examen administratif par les autorités locales, vous vouliez réduire cette autorité à n'être qu'un simple bureau d'enregistrement machinal des électeurs.
Il y a là inconséquence. Il me semble, messieurs, que l'amendement de M. Van Wambeke ne peut pas être admis tel qu'il est ; si l'honorable membre voulait ajouter des garanties à celles que le projet de loi conserve aux électeurs, il faudrait alors, à l'article 5, par exemple, du projet de loi qui dit qu'à la date du 30 septembre les listes seront clôturées définitivement, il faudrait, dis-je, à cet article présenter un amendement et dire que les autorités locales qui inscrivent un électeur sans une observation, comme quand elles refusent de maintenir un électeur sur la liste définitive, sont tenues de motiver leurs résolutions.
Le principe contraire proposé par l'amendement de M. Van Wambeke, qui consacre l'obligation pour le collège des bourgmestres d'inscrire tout individu qui a seulement les conditions apparentes de l'électorat, alors que les collèges ont la conviction qu'il ne possède pas les conditions réelles, cet amendement me paraît complètement inadmissible.
M. Liénartµ. - Ne vaudrait-il pas mieux, messieurs, dans l'intérêt de la discussion, examiner amendement par amendement ?
A l'article premier se rattachent deux ou trois amendements qui ne sont pas de même nature. Le plus important soulève la question du point de départ des délais ; plusieurs orateurs sont inscrits pour parler sur cette question. Eh bien, je crois qu'il vaudrait mieux en finir avec cet amendement avant de passer à un autre ordre d'idées.
M. le président. - Je crois qu'il vaudrait mieux continuer.
M. Van Wambekeµ. - En donnant lecture de l'amendement que j'ai eu l'honneur de proposer, j'ai indiqué clairement quel en était le but.
En lisant avec attention le projet de loi et les remarquables discours de M. d'Elhoungne, j'ai acquis la conviction que le projet voulait instituer deux juridictions différentes.
La première juridiction contentieuse, si je puis m'exprimer ainsi, est la députation permanente ; la seconde est l'appel devant la cour. Dès lors, je (page 618) me suis demandé, et avec raison, quel était le rôle que devait jouer dans la révision des listes électorales le collège échevinal. cette question avait été, comme le dit très bien M. d'Elhoungne, déjà élucidée devant la section centrale.
Et il me semble que d'après les paroles prononcées l'année dernière par M. le ministre des finances, lorsqu'il avait préconisé la loi, il avait clairement indiqué que le rôle du collège échevinal était simplement de dresser les listes, sans pouvoir prendre une décision ; ce sont les expressions dont se servait M. le ministre. II est évident que si le collège échevinal peut examiner si l'électeur payant le cens légal réunit les capacités voulues, vous ne pouvez pas dire que le collège échevinal ne soit réellement juge et ne doive prendre cette qualité.
Aujourd'hui, en quoi consistent la plupart des difficultés en matière de révision des listes ?
La question litigieuse ne roule ordinairement pas sur les contributions foncières, la difficulté est presque toujours ailleurs, ce sont les contributions personnelles et les patentes qui font les frais de toutes les décisions.
Or, si le collège échevinal, sans devoir motiver son avis, peut éliminer un électeur qui paye le cens légal, il est clair qu'il juge, et que celui qui s'adresse à la députation permanente ou à la cour d'appel dans ces conditions, s'y présente dans une situation assez défavorable.
Car, comme l'a dit M. d'Elhoungne, ce sont les autorités sur les lieux qui le plus souvent connaissent le mieux les faits.
Lors donc qu'un électeur qui aura été éliminé viendra devant la députation permanente ou la cour d'appel, on lui objectera que les juges du lieu ont déclaré qu'il ne possède pas les bases du cens. Ce sera toujours un préjugé.
A cet égard, je crois avoir saisi la pensée que M. le ministre des finances avait émise l'année dernière. Il avait dit : Dorénavant dans le projet le collège échevinal aura à dresser des listes, rien de plus. D'où la conséquence, disiez-vous, qu'il ne pourra statuer sur rien de contentieux. Eh bien, si cela est... (Interruption.) Mais voici vos paroles :
« Il y a simplement un acte administratif à poser, celui de dresser la liste, rien de plus. Il n'y aura plus de décision à prendre en matière électorale, soit par le collège échevinal, soit par le conseil communal. »
Qu'est-ce que prendre une décision ? Ne jouons pas sur les mots. N'est-ce pas prendre une décision que de dire à un électeur : Vous payez le cens électoral, mais vous ne possédez pas les bases du cens.
J'ai encore d'autres observations à faire pour démontrer que l'adoption de mon amendement est nécessaire.
L'article 6 du projet de loi s'exprime comme suit :
« Lorsque, en procédant à la révision provisoire ou définitive des listes, les administrations communales rayeront les noms d'électeurs portés sur les listes de l'année précédente ou sur les listes provisoires, arrêtées le 15 septembre, elles seront tenues d'en avertir les électeurs par écrit et à domicile au plus tard dans les 48 heures du jour où les listes auront été arrêtées, en les informant des motifs de cette radiation. »
Ainsi, vous obligez les administrations communales, rayant de la liste un électeur qui paye le cens, à lui faire connaître les motifs de cette radiation. C'est donc bien évidemment un jugement que vous voulez faire rendre par les collèges échevinaux.
Voyez quelle est la conséquence de cela.
Dans l'article 29 vous dites ce qui suit :
« Dans le cas prévu à l'article précédent, l'appel sera notifié au greffier provincial, et celui-ci transmettra immédiatement au greffier de la cour toutes les pièces relatives à la contestation. La cour pourra, en tout état de cause, évoquer l'affaire. »
La section centrale ajoute :
« L'appel porté devant les cours par suite d'une décision qui aura rayé un individu de la liste des électeurs sera suspensif. »
D'où la conséquence, que lorsqu'un collège échevinal admettra quelqu'un sur la liste pour des motifs qu'il ne doit pas faire connaître, et lorsqu'en cour d'appel la députation permanente aura infirmé cette décision, vous donnerez la préférence à la décision non motivée du collège échevinal, c'est-à-dire que l'électeur pourra encore venir voter.
Ainsi, je suppose qu'un électeur est admis par le collège échevinal. On s'adresse à la députation, celle-ci raye l'électeur, qui en appelle devant la cour. Cet électeur pourra prendre part à l'élection, en vertu du bon plaisir du collège échevinal.
Messieurs, pour tous ceux qui ont étudié un peu la matière, le projet de loi tend à consacrer trois juridictions ; il y a d'abord une juridiction cachée, et puis deux juridictions devant lesquelles on pourra faire débattre ses droits. Or, je ne veux pas de la juridiction cachée.
S'il n'en était pas ainsi, je ne comprendrais pas ce que signifierait une décision motivée que le collège doit rendre, ce que signifierait l’article 6 où il s'agit de la radiation avec le motif à signifier à l'intéressé.
A cet égard, messieurs, l'honorable ministre de la justice m'a prêté hier une singulière opinion. Voici ce que j'ai lu avec étonnement dans les Annales parlementaires :
« L'honorable M. Tack voulait, hier, faire dresser la liste par les conseils communaux. Aujourd'hui M. Van Wambeke se lève et dit : Plus de conseils communaux, plus même de collège échevinal ; celui-ci n'aura plus qu'une mission toute simple, il produira la liste que lui remettra le receveur des contributions. »
Je n'ai pas dit un mot de cela.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - J'avais relu votre discours.
M. Van Wambekeµ. - Je devais croire que vous ne l'aviez pas lu, à en juger par quelques phrases que vous avez prononcées plus tard.
J'ai déclaré, en présentant mon amendement, que je ne voulais pas revenir sur les discours de l'honorable M. Tack et d'autres honorables amis qui m'avaient précédé, parce que j'admettais complètement leurs motifs ; d'où la conséquence que j'étais tout à fait de l'opinion de l'honorable M. Tack, c'est-à-dire que si j'en avais le pouvoir, je maintiendrais la législation actuelle, en l'amendant dans le sens que nous avons indiqué, c'est-à-dire, discussion devant la députation permanente avec la publicité la plus large.
Mais ne me faites pas dire que, d'après moi, les conseils communaux ne doivent plus statuer ; pour moi, au contraire, les conseils communaux devraient seuls statuer sur la révision des listes électorales ; mais prenant votre projet de loi et tâchant de l'amender autant que possible, j'ai présenté l'amendement que vous connaissez.
M. le ministre de la justice a prouvé qu'il n'avait pas même lu ni saisi ce que j'avais allégué.
Voici, en effet, ce que je lis dans les Annales : « Il faut laisser aux administrations communales le soin d'apprécier certains faits qui sont du ressort du receveur des contributions. Comment voulez-vous que l'administration des finances connaisse si une personne qui paye le cens a encouru la déchéance de ses droits.
« Dans votre système cette personne resterait sur la liste des électeurs jusqu'à ce que la députation permanente en ordonne la radiation. »
Mon amendement, messieurs, n'a pas cette portée. Le collège échevinal a le droit d'examiner si les électeurs jouissent de leurs droits politiques, c'est-à-dire s'ils ont encouru une déchéance de ces droits ou ont été déclarés indignes de figurer sur les listes électorales. Nous avons seulement voulu que le collège échevinal n'ait pas le droit d'écarter les noms des citoyens sous prétexte qu'ils ne possèdent pas les bases de l'impôt.
Ne vous le dissimulez pas, messieurs, que va-t-il arriver, en fait, dans la plupart des cas ? Vous savez que depuis quelque temps beaucoup de conseils communaux appartiennent en majorité à une opinion, tandis que le collège échevinal appartient à une opinion contraire.
Il y en a, messieurs, nous en savons quelque chose. (Interruption.)
- Des membres. - A Alost !
M. Van Wambekeµ. - Eh bien, je suppose, puisque, l'année dernière, on a critiqué avec tant d'amertume les décisions rendues par la députation permanente, relativement aux élections communales de la ville d'Alost, que le collège échevinal de cette ville raye tous les électeurs admis par la députation permanente et inscrive sur la liste tous ceux qui ont été rayés par celle-ci.
Pouvez-vous admettre un système pareil, pouvez-vous admettre que le collège échevinal ait ce droit, et ce sans devoir donner aucune raison juridique pour ces décisions ?
Ne faut-il pas empêcher un arbitraire semblable ? Est-ce là une question de parti ?
De deux choses l'une : si vous voulez admettre que le collège échevinal statue quant à la formation des listes, forcez-le à donner les motifs de ses décisions. Déclarez qu'il y aura dorénavant trois juridictions, déclarez alors les conseils communaux pour les élections communales, les collèges échevinaux pour les Chambres et le conseil provincial auront à donner les motifs de leurs décisions.
Je pense donc avoir justifié à ce point de vue l'amendement que j'ai eu l'honneur de présenter à la Chambre.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je dois déclarer que je ne comprends pas l'honorable M. Van Wambeke, qui a voulu me rectifier. L'honorable membre prétend qu'il n'a pas soutenu qu'avec son amendement, c'était le receveur des contributions qui allait désormais dresser les listes électorales, et il a ajouté qu'il est toujours partisan des conseils (page 619) communaux. Je n’ai pas à voir les opinions que l'honorable membre porte dans le fonf de son cœur ; j’ai à voir son amendement à l’article premier.
M. Van Wambekeµ. - A votre loi.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Vous n’en proposez pas d'autre ; et je dis que si cet amendement était adopté, il aurait pour conséquence de remettre entre les mains des receveurs des contributions la formation des listes électorales. Dans le restant du projet, il n'est pas question du conseil communal. Vous n'avez pas présenté d'amendement ayant pour but de rétablir le conseil communal. En conséquence le seul résultat de l'amendement aurait pour but, je le répète, de remettre aux mains des receveurs des contributions le droit de former les listes électorales.
Mais, dit l'honorable membre, il n'en serait pas ainsi, car mon amendement stipule que l'électeur doit jouir de ses droits civils et politiques. C'est très vrai : mais vous dérogez par votre amendement à votre principe. Vous admettez que le collège peut statuer lorsque l'électeur ne jouit pas de ses droits civils et politiques ; mais vous lui refusez ce droit dans les autres cas. Telle est la conséquence de votre système. Il n'y a pas que le payement du cens qui soit une condition de l'électoral ; il y a d'autres éléments qu'il faut apprécier.
On dit : Le collège échevinal aura donc encore le droit de prendre des décisions. Quel mal y a-t-il à cela ?
M. Van Wambekeµ. - Dites-le alors.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Cela n'existe-t-il pas aujourd'hui ? Quand on dresse les listes électorales, c'est l'autorité communale, c'est le collège échevinal qui les forme. On n'a jamais considéré cela comme l'exercice d'un droit contentieux. C'était plus tard que l'on pouvait adresser des réclamations à l'autorité communale qui jugeait alors à titre de tribunal contentieux. Mais quand le collège forme la liste, il agit adminislrativement et non à titre de tribunal.
Et ici je dois répondre à ce que l'honorable M. Van Wambeke a dit du discours prononcé par mon honorable collègue, AI. le ministre des finances.
M. le ministre des finances a dit que la formation des listes était un acte administratif ; qu'il n'y avait pas de décision contentieuse. Mais il est évident que l'acte administratif doit être sérieux, réfléchi, délibéré.
Or, quand le collège échevinal aura la certitude qu'un individu ne jouit pas des droits électoraux, il doit pouvoir l'éliminer de la liste.
Mais il y a une autre considération. De quoi se plaint l'honorable M. Van Wambeke ? Il dit : Le collège échevinal de la ville d'Alost...
M. Van Wambekeµ. - Je n'ai rien cité.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - ... ou d'ailleurs ; dans les meilleures intentions du monde, j'admets que les intentions sont pures, le collège échevinal raye les électeurs maintenus l'année précédente sur la liste par la députation permanente et inscrit sur la liste des électeurs qui ont été rayés par ce corps, et il ne fera pas connaître ses motifs. D'abord, il doit faire connaître aux électeurs les motifs pour lesquels ils ont été rayés, mais vous avez deux recours, le recours à la députation permanente et le recours à la cour d'appel. Les conseils communaux ne sont pas plus aptes que les députations permanentes et les cours d'appel, à juger les contestations.
Ainsi donc, messieurs, le nouveau projet donne des garanties beaucoup plus sérieuses que la législation existante.
M. de Theuxµ. - Je suis intimement convaincu, messieurs, qu'il est impossible, en présence de la Constitution, de faire les élections ordinaires pour les Chambres sur les listes de l'année précédente. J'admets que, quand il y a une dissolution au mois de janvier, de février ou de mars, avant que les listes aient pu être dressées, il y a une nécessité absolue devant laquelle il faut s'incliner, puisque la Constitution donne au Roi le droit de dissoudre les Chambres ; mais pour les élections ordinaires, il est évident que la liste des électeurs ne doit comprendre que les citoyens qui payent dans l'année courante. La Constitution dit :
« Art. 47. La Chambre des représentants se compose des députés élus directement par les citoyens payant le cens déterminé par la loi électorale... »
Le Congrès l'a entendu ainsi dans l'article 3 de la loi électorale, et cette interprétation a toujours été admise par les législatures qui ont succédé au Congrès.
Messieurs, dans mon opinion le texte de la Constitution est clair, précis ; mais il y a plus, en procédant comme vous proposez de le faire, vous vous exposez à un inconvénient des plus graves, qui n'a pas encore été signalé ; le voici :
Beaucoup d'élections dépendent d'une faible majorité ; or, la vérification des pouvoirs se fait au mois de novembre ; les nouvelles listes auront été dressées et l’on constatera, au moment de la vérification des pouvoirs, qu'un grand nombre d électeurs de l'année précédente ne figurent plus sur la liste de l'année courante ou bien qu'un grand nombre d'électeurs qui ne figuraient pas sur la liste de l'année précédente figurent sur la liste de l'année courante ; il pourra y avoir un écart de 100 ou de 200 électeurs.
On dira : Nous ne pouvons pas admettre des élections faites dans ces conditions et quelle sera la position de l'élu si la Chambre valide l'élection ? Maintenant si la Chambre ne valide pas l'élection, on arrivera au gâchis le plus épouvantable, on annulera peut-être 15 ou 20 élections à chaque renouvellement de la Chambre. Si ce système devait prévaloir, je demanderais qu'il fût dit dans la loi que les Chambres ne pourront, en aucun cas, annuler une élection parce que des électeurs qui devaient figurer sur la nouvelle liste n'y figuraient pas ou que des électeurs qui ne devaient pas y figurer, y figuraient.
Mais j'ai vu, messieurs, je me le rappelle très bien, j'ai vu une élection contestée qui avait été faite à la majorité d'une seule voix ; le droit d'un électeur avait été déféré à la cour de cassation et la Chambre a différé de statuer jusqu'à ce que la cour de cassation eût prononcé et, par suite de l'arrêt de la cour de cassation, l'élection a été annulée vu qu'il n'y avait plus de majorité.
Est-ce ce système-là que vous prétendez appliquez à l'avenir à toutes les élections ? Dans ce cas, vous annulerez peut-être la moitié des élections du pays. Cela n'est pas possible.
Si l'on disait : Quant aux élections provinciales, quant aux élections communales, nous sommes libres de procéder d'après les listes de l'année précédentes, je n'aurais pas d'objections à faire ; il y aurait bien à cela quelques inconvénients, mais cela serait constitutionnellement. possible. Je n'en fais pas une question de parti. Je combats la proposition du gouvernement au point de vue de la Constitution et de la sincérité de la représentation nationale.
En admettant l'amendement de M. Dumortier, il n'y aurait en réalité de difficultés que pour les élections provinciales, et pour celles-ci on peut admettre les listes de l'année précédente.
Quant aux élections pour les Chambres, les listes peuvent être dressées en temps utile et toutes les opérations peuvent être consommées pour l'époque ordinaire du mois de juin.
C'est donc sans motifs graves qu'on voudrait s'exposer à violer la Constitution et à avoir une représentation qui, dans l'opinion publique, ne serait pas sincère ; ou bien, à avoir des annulations d'élections qui provoqueraient dans le pays une telle réaction, un tel mécontentement que ce ne serait pas tolérable.
Déjà, nous voyons ce qui arrive quand, à la suite d'une élection faite au mois de juin et annulée au mois de novembre, il faut réunir les électeurs au mois de décembre. Nous voyons quelle perturbation il en résulte dans les districts, quelle animosité au sein du parlement.
Il faut donc de toute nécessité que cet article premier soit modifié. J'ajouterai que cette modification ne préjudicie en aucune manière à la juridiction des cours d'appel.
L'amendement de M. Dumortier peut s'appliquer soit au système actuel, soit au système du gouvernement ; il ne préjuge rien.
J'adjure donc la Chambre, de modifier l'article premier dans le sens que j'indique ou bien d'insérer dans la loi que, sous aucun prétexte, l'élection ne pourra être annulée du chef de la nouvelle liste électorale sur laquelle on aura constaté des électeurs ne payant plus le cens, ou l'omission d'électeurs payant le cens pour qu'on ait des garanties quelconques, à l'avenir, pour que l'on connaisse la vraie situation du pays.
On ne peut sortir de là.
Je vous ai cité le fait d'une élection annulée par suite d'un arrêt de la cour de cassation. L'arrêt de la cour de cassation a été considéré comme annulant la majorité et on a dû procéder à une nouvelle élection.
Ainsi, les questions que je soulève sont de la plus haute gravité, et j'espère que la Chambre voudra bien y avoir égard.
Ainsi que je l'ai dit, mes observations ne s'appliquent pas aux listes pour les élections provinciales et communales ; d'ailleurs, quant aux élections communales, elles peuvent se faire suivant les nouvelles listes qui, certainement, seront parfaites à l'époque où ces élections se font.
Les élections provinciales pourraient se faire d'après les listes de l’année précédente.
Et quant aux élections normales pour les Chambres, au mois de juin, les listes seraient parfaitement faites, si l'on adoptait l'amendement de M. Dumortier.
Messieurs, il est encore un point sur lequel je désire qu'on se mette d'accord, je veux parler de l'article où il est dit que le collège échevinal (page 620) quand il aura rayé un membre de la liste permanente fasse notification, il faut y comprendre les motifs de radiation ; si par suite des observations qu'il reçoit lorsque la liste aura été affichée, il en vient à rayer des électeurs, même notification des motifs ; et s'il en admet, également décision motivée.
Il ne faut pas que l'administration puisse opérer dans l'ombre ; il faut, au contraire, que chacun puisse connaître ses motifs.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Je reconnais très volontiers avec M. de Theux que si l'on pouvait dresser les listes d'après les rôles des contributions de l'année, ce serait préférable. Mais cela est impossible. Qu'a-t-on voulu en présentant le projet de loi ? On a voulu prolonger les délais accordés aux citoyens pour vérifier les listes électorales et adresser leurs réclamations à l'autorité compétente pour y faire droit ; on a voulu, en outre, laisser aux corps constitués qui ont à examiner les réclamations un temps plus long pour le faire avec conscience ; on a voulu enfin laisser un temps moral convenable pour juger les affaires.
Or, comme le rôle des contributions ne peut être fourni avant le 1er avril, on ne peut trouver le temps utile pour faire tontes ces opérations d'une manière convenable avant le mois de juin, époque des élections législatives.
Voilà les motifs pour lesquels on a été obligé de prolonger les délais jusque dans l'année suivante de celle où l'on a commencé à dresser les listes électorales.
C'est là, je le veux bien, un inconvénient, et l'honorable membre indiquait un moyen pour le faire disparaître, je serais le premier à me rallier à ses amendements si d'ailleurs on nous laissait toutes les garanties de contrôle, etc., etc.
Mais je ne puis pas admettre avec l'honorable M. de Theux que la loi est inconstitutionnelle et je tâcherai de calmer ses scrupules ; je ne puis admettre que le cens doive être payé dans le courant de l'année pour donner la capacité électorale.
La Constitution ne dit pas cela.
M. de Theuxµ. - La Constitution dit : « payant. »
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Mais il n'est pas dit : « dans l'année. »
L'article 47 dit : « Les membres des Chambres sont élus directement par les citoyens payant le cens électoral déterminé par la loi électorale. »
Aujourd'hui déjà, messieurs, comme on nous l'a très bien dit tantôt, un certain nombre d'électeurs inscrits sur les listes électorales, ne sont pas « payant le cens électoral. »
D'un autre côté, si cette disposition devait être entendue comme le croit l'honorable M. de Theux, je vous demanderais en vertu de quel droit vous exigez que l'électeur ait payé le cens pendant les deux années antérieures ? (Interruption de M. Dumortier.)
Laissez-moi donc parler, M. Dumortier, je vous ai écoulé hier avec beaucoup de patience.
Je dis donc que nous n'aurions pas le droit d'exiger qu'on ait payé les années antérieures si, vous en tenant à la lettre, vous prétendez que la Constitution n'exige qu'une chose : que l'on paye pendant l'année courante.
Je crois donc que, sous le rapport, les scrupules de l'honorable M. de Theux peuvent parfaitement se dissiper.
J'avais encore demandé la parole pour dire un mot de l'amendement de M. Van Wambeke ; cet amendement me semble inadmissible. Et d'abord, si l'on veut que les collèges échevinaux motivent leurs décisions, il faut nécessairement prolonger les délais proposés dans le projet de loi ; il y aura donc des délais beaucoup plus longs que ceux qui sont stipulés dans le projet. D'un autre côté il y aura des inconvénients très sérieux.
Le système de l'honorable M. Van Wambeke a pour conséquence de faire inscrire sur les listes des électeurs que l'on ne sait pas réunir les conditions voulues, en d'autres termes, à faire de propos délibéré de faux électeurs. (Interruption.)
Sans doute de faux électeurs, et qu'exigez-vous ? Vous exigez uniquement qu'un citoyen ait l'âge requis, qu'il jouisse de ses droits politiques et qu'il ait payé le cens électoral, et vous ne parlez pas d'autre chose, par exemple, du domicile.
M. Van Wambekeµ. - Il y a deux juridictions.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Il y a deux juridictions, cela est vrai, mais il n'en est pas moins vrai que la première juridiction sera forcée d'inscrire un électeur qu'elle sait ne pas réunir toutes les conditions voulues.
Ainsi, par exemple, M. Van Wambeke n'exige pas que les collèges échevinaux tiennent compte du domicile au moment de l'élection ; par conséquent, un membre de la Chambre ayant une résidence à Bruxelles, une autre en province et payant le cens dans les deux localités, devra être inscrit par le collège échevinal de Bruxelles et par celui de sa résidence en province, car ces deux collèges, d'après l'honorable député d'Alost, devront inscrire tontes les personnes de leur commune qui pavent le cens et ont l'âge requis pour être électeur !
On sera donc inscrit sur deux listes électorales et cela n'est pas possible. Telle serait cependant la conséquence de l'amendement s'il était admis.
D'un autre côté, si l'amendement de .M. Van Wambeke était admis, il donnerait lieu à de nombreuses réclamations. Des membres d'un collège échevinal qui inscriraient sur les listes certains électeurs devraient eux-mêmes, comme particuliers, en demander la radiation. Cela n'est pas admissible !
Messieurs, ainsi que l'a dit l'honorable ministre de la justice, il n'y a aucune innovation dans ce que le gouvernement propose.
Aujourd'hui, pour les élections communales, le collège des bourgmestre et échevins forme les listes électorales. Les citoyens qui se croient lésés peuvent réclamer.
Mais ce n'est pas le collège échevinal qui statue sur les réclamations, c'est le conseil communal. Eh bien, on fera la même chose sous l'empire de la nouvelle loi. Le collège échevinal dressera les listes ; on réclamera, mais au lieu du conseil communal, c'est la députation permanente qui statuera. On sera exactement dans les mêmes conditions qu'aujourd'hui. Quelles monstruosités peut donc présenter le projet de loi sur lequel nous délibérons ?
Maintenant j'en viens à l'objet pour lequel j'avais spécialement demandé la parole ; je crois devoir dire à la Chambre qu'à mon avis, si l'on pouvait prolonger quelque peu l'ensemble des délais déterminés par le projet de loi, il en résulterait un grand bien, et cette prolongation de délais ne donnerait lieu à aucun inconvénient. Il y a certaines opérations qui, d'après le projet de loi, même amendé par la section centrale, doivent se faire très rapidement.
Ainsi, par exemple, à l'article 5, il est dit que les listes sont clôturées définitivement le 1er septembre ; or, le droit de réclamation existe jusqu'au 30 du mois d'août ; et si le 30 août un très grand nombre de réclamations sont adressées aux autorités communales, surtout dans les grandes villes, il sera impossible, en un jour, et même en deux jours, d'examiner toutes ces réclamations.
Je crois donc qu'il faudrait prolonger les délais ; je ne suis pas éloigné de me rallier à un amendement dans ce sens ou d'en présenter moi-même un qui aurait, par exemple, pour objet de faire commencer la révision des listes du 1er au 14 juillet, au lieu du Ier au 14 août.
Dans ce système, nous finirions exactement aux mêmes époques que celles qui ont été proposées par la section centrale. Seulement, on pourrait laisser aussi aux députations permanentes une dizaine de jours de plus ; on pourrait également laisser au collège échevinal un peu plus de temps pour le travail matériel.
Si ces idées trouvaient de l'accueil dans la Chambre, je pourrais présenter un amendement.
M. d'Elhoungne, rapporteurµ. - Messieurs, l'objection constitutionnelle contre le projet de loi vient, pour la première fois, de prendre un corps dans les observations que l'honorable M. de Theux a présentées à la Chambre. L'honorable membre pense que c'est l'article 47 de la Constitution qui rend inconstitutionnelle la combinaison que le projet de loi réalise.
D'après l'honorable comte de Theux, l'article 47 ferait une loi impérieuse de prendre pour base de l'élection le cens de l'année même où l'élection a lieu : autrement, on se place en dehors des termes de la Constitution. Il me semble, messieurs, que l'article 47 de la Constitution, si on voulait l'interpréter à la lettre, conduirait à la conclusion diamétralement contraire. En effet, quel est le texte de l'article 47 ? Il porte : « La Chambre des représentants se compose de députés élus directement par les citoyens payant le cens déterminé par la loi électorale. » L'honorable comte de Theux prétend que cela veut dire : qui ont payé le cens l'année où se fait l'élection. Mais lorsqu'on prend pour base le rôle des contributions de l'année dans laquelle l'élection a lieu, le cens n'est jamais payé. Il faudrait que l'article de la Constitution, pour avoir le sens que lui prête l'honorable comte de Theux, fût interprété ainsi : seront élus directement par les citoyens qui auront à payer le cens...
M. Dumortier. - Pas du tout.
M. d'Elhoungneµ. - Comment ! pas dit tout, M. Dumortier ! Vous n'avez pas plus fait la Constitution que moi.
M. Dumortier. - Non. Mais j'ai vécu, moi, avec ceux qui l'avaient faite. (Interruption.)
M. d'Elhoungneµ. - Si l'article 47 doit être interprété à la lettre, il faut que les élections soient faites par les électeurs payant, c'est-à-dire ayant payé le cens, et non par les électeurs inscrits pour payer, qui doivent le cens, mais qui, peut-être, ne le payeront pas.
(page 621) C'est en vertu de cette interprétation que vous avez pu, par la loi électorale, fixer les délais pendant lesquels il fallait avoir eu la possession des bases du cens et avoir effectivement payé le cens pour être admis à l'exercice des droits électoraux. L'année courante n'entre pour rien dans cette supputation, qui porte sur les années antérieures, et l'article 47 de la Constitution, bien loin d'exiger que l'année courante entre dans la supputation, semble plutôt l'exclure par ses termes, puisque l'électeur débiteur de l'impôt n'est pas un électeur qui l'a payé.
L'honorable comte de Theux, pour présenter ses objections sous une autre face, vous a dit que, si vous admettiez ce système, il pourrait arriver cette situation : c'est que les élections ayant été faites sur les listes dressées, d'après le projet de loi, sur le cens de l'année antérieure, au moment où les Chambres nouvellement élues se réuniront au mois de novembre, et feraient la vérification des pouvoirs, les élections vérifiées se trouveraient peut-être contredites par les nouvelles listes électorales révisées et définitivement closes dans l'intervalle.
Je crois que c'est bien l'objection.
M. de Theuxµ. - Oui !
M. d’Elhoungneµ. - Eh bien, à cette objection, je réponds par une considération que j'ai déjà présentée tout à l'heure. Lorsqu'une dissolution a lieu, dissolution qui est la grande crise électorale pour les pays représentatifs, le fait prévu par l'honorable comte de Theux peut et doit nécessairement se réaliser. A ce moment où tous les élus de la nation ont reçu un mandat nouveau et où ils sont le reflet complet du sentiment du pays à qui le gouvernement est dévolu par nos lois constitutionnelles, à ce moment précisément, il peut se trouver que les élections d'un certain nombre de membres de cette Chambre, se trouvent en désaccord avec les listes révisées et arrêtées depuis la dissolution.
Cette situation n'a pas pu échapper au législateur constituant, qui a donc voulu que l'élection fût faite et fût valable d'après les listes existantes alors. Par conséquent cette objection ne doit pas non plus nous arrêter pour les cas isolés où la même situation pourrait se réaliser par la combinaison que le nouveau projet de loi établit ; les listes postérieures seront donc, sans effet possible sur les élections antérieures.
L'honorable comte de Theux, pour éviter l'inconvénient, présente un remède qui serait évidemment pire que le mal : ce serait d'insérer dans la loi une réglementation du pouvoir, absolu d'après la Constitution, qu'ont les Chambres de vérifier les pouvoirs de leurs membres ; ce serait de dire que lorsque l'élection d'un membre de l'une ou de l'autre Chambre présenterait cette circonstance, que la liste de l'année courante ne fût pas conforme à la liste de l'année précédente ayant servi de base à l'élection, la Chambre ne pourrait pas annuler l'élection par ce motif. L'annulation serait, comme l'honorable membre l'a dit avec énergie, un véritable gâchis ; aussi je crois qu'il n'a présenté cette observation que comme une espèce de démonstration ex absurdo.
Au fond, les scrupules constitutionnels de l'honorable comte de Theux me paraissent en contradiction avec le texte de l'article 47 de la Constitution et avec les dispositions que la Chambre a toujours votées et qui sont en vigueur sans opposition, pour la durée de la possession du cens. L'interprétation de l'honorable membre me semble réfutée par l'hypothèse si grave, si considérable de la dissolution opérée au commencement de l'année.
Quant au rôle du collège échevinal, je. dois faire observer que ce rôle est double : en premier lieu, le collège échevinal dresse la liste provisoire ; c'est son action spontanée ; cette liste ayant été affichée avec invitation aux citoyens de présenter leurs observations, le collège échevinal doit, après un certain délai, arrêter la liste définitive et, pour cela, il faut qu'il statue sur les réclamations qui lui ont été adressées, c'est son action provoquée ; dans les deux cas, spontanée ou provoquée, le collège échevinal ne fait autre chose qu'un travail administratif.
La loi impose au collège échevinal l'obligation de faire connaître à la personne qui a été rayée les motifs de sa radiation, et d'honorables membres voudraient qu'il fût également obligé, lorsqu'il fait une inscription nouvelle, d'en faire connaître les motifs. Ce sera un point à examiner à l'occasion de l'article 5, et quant à moi, je dis franchement que, comme j'aime la responsabilité en toutes choses, je n'ai pas plus d'objection à ce que les nouvelles inscriptions soient motivées que je n'en ai à voir motiver les radiations.
M. Dumortier. - J'ai beaucoup admiré l'argumentation de l'honorable M. d'Elhoungne et la manière dont il interprète la Constitution. La Constitution porte : « Les citoyens payant le cens déterminé par la loi. » L'honorable membre dit que ce participe présent doit être entendu, de cette manière que le payement doit se faire actuellement, c'est-à-dire que pendant qu'on vote on devrait avoir une main au bureau des contributions pour payer et une main à l'urne électorale pour voter. Voilà l'argumentation de l'honorable membre. Eh bien, je demande si c'est sérieux. Il faut interpréter d'abord la langue par la langue.
Lorsque la Constitution se sert d'un participe présent, elle ne sert pas d'autre chose.
Or, votre projet fait d'un participe présent un participe passé. Cela est contraire à toutes les langues, y compris celle que vous parlez avec tant d'élégance et d'esprit.
Je ne puis donc concevoir que l'on fasse une objection sérieuse aux observations que j'ai eu l'honneur de développer hier et qui rentrent tout à fait dans celles qu'a faites tout à l'heure l'honorable M. de Theux.
La Constitution exige que l'électeur soit payant, c'est-à-dire que, dans l'année où se fait l'élection, il paye.
Mais, dit-on, il est inscrit pour payer. C'est encore là une subtilité juridique. Quand on est inscrit pour payer, on est payant pour les receveurs des contributions, car ceux-ci ont des recors pour vous faire payer.
MfFOµ. - Et quand on devient insolvable ?
M. Dumortier. - Quand on est insolvable, on n'est plus électeur.
MfFOµ. - Pas du tout.
M. Dumortier. - L'honorable M. Frère qui dit « pas du tout » a à sa disposition 2,000 ou 3,000 recors pour faire payer ceux qui ne payent pas. (Interruption.)
Ainsi, du jour où les rôles des contributions sont rendus exécutoires, vous êtes débiteur envers l'Etal et de manière à être contraint à payer. Dès lors vous êtes payant, parce que qui doit à terme ne doit pas.
L'honorable M. Vandenpeereboom interprète singulièrement la Constitution.
Pour mon compte, j'ai toujours pensé que, dès l'instant qu'on paye l'impôt dans le cours de l'année, on est électeur. Mais pourquoi veut-on que l'on ait payé pendant deux années antérieures ? C'est pour empêcher les fraudes.
C'est la gauche qui a demandé d'abord une année antérieure et ensuite une seconde année antérieure.
En 1834 ou 1833, on s'était plaint à Liège de l'inscription de faux électeurs appartenant à l'opinion catholique. C'est alors qu'on a demandé la première année antérieure. On a demandé la seconde plus tard.
Pourquoi a-t-on fait cela ? C'est pour qu'il y eût un contrôle efficace sur le payement.
Je dirai très franchement que je verrais sans regret supprimer ces deux années antérieures ; mais ce que je ne veux pas voir supprimer, c'est l'article de la Constitution qui veut que celui qui est électeur paye l'impôt.
En toutes choses, un droit, quel qu'il soit, exige une possession dans le présent.
Un interdit aura beau alléguer qu'il avait antérieurement des droits. Il les a perdus par l'interdiction.
Or, vous voulez faire précisément le contraire et établir que celui-là sera électeur qui a payé l'impôt, quand bien même il serait actuellement effacé des listes.
Il sera constaté qu'il ne paye pas l'impôt ; il aura été rayé pour ce motif des listes électorales et il pourra néanmoins venir voter !
Eh bien, cela n'existe pas sous la loi actuelle.
Ainsi, vous renversez complètement le système constitutionnel, le système de tous les Etals constitutionnels, car dans tous les Etats constitutionnels les conditions pour l'électoral sont des conditions présentes et non des conditions qui n'existent plus.
En outre, vous violez le principe de la Constitution qui exige qu'il faut payer l'impôt. C'est ce que le Congrès a parfaitement compris lorsqu'il a fait la loi électorale, (Interruption.)
Ouvrez la loi électorale. Pour être électeur, il faut verser au trésor public. Ici encore il s'agit du présent ; c'est donc le présent qu'on a en vue dans la Constitution et dans la loi électorale. Et le motif en est simple, c'est que l'exercice d'un droit quelconque exige des conditions au présent et non des conditions dans le passé.
Maintenant on nous dit que le fait de la dissolution est en désaccord. Mais pas du tout, M. de Theux vous a déjà répondu avec infiniment d'esprit et de raison que si le fait de la dissolution pouvait être en désaccord avec l'article de la Constitution, c'est un fait constitutionnel qui vient dans certain cas déroger à un autre fait constitutionnel ; que par conséquent la Constitution n'est pas intéressée.
(page 622) A cela il n'y a rien à répondre.
Je maintiens donc que la première chose à faire c'est de conserver les ordres d'inscription, tels qu'ils sont aujourd'hui. Voyons maintenant les dates. Que propose le projet ?
« Du 1er au 15 septembre de chaque année, le collège des bourgmestre et échevins procédera à la révision des listes électorales... » La section centrale propose : « Du 1er au 14 août. »
Qu'est-ce que cette époque du 1er au14l août ? C'est l'époque de la moisson.
- Une voix. - Qu'est-ce que cela fait ?
M. Dumortier. - Qu'est-ce que cela fait ? Cela fait beaucoup à ceux qui ont leur moisson a faire, à ceux qui ont leurs grains à rentrer, aux citoyens qui veulent pouvoir s'assurer si on les inscrit ou non sur les listes électorales. (Interruption.) On ne fait pas une opération de ce genre à une époque où tous les cultivateurs, grands et petits, sont occupés de leurs affaires rurales. Dans le système du Congrès, dans celui que j'ai eu l'honneur de proposer, ce sera en hiver que se fera cette opération. Mais du 1er au 14 août, au milieu de la moisson ? C'est impossible. (Interruption.) Et si votre bourgmestre est un fermier, et si vos échevins sont des fermiers... (Interruption.) Ah ! ce sera le secrétaire ! Mais c'est précisément ce que je ne veux pas.
Dans la plupart des communes, c'est le conseil communal qui fait la liste électorale. (Interruption.)
De façon qu'aujourd'hui vous venez enlever aux conseils communaux un droit dont ils ont toujours été saisis.
Mais, je le répète, les dates que vous donnez sont des dates mauvaises, puisqu'elles font commencer l'opération électorale précisément au moment de la récolte.
Ce sont des délais qu'il faut, dit-on ; eh bien, nous sommes d'accord ; je veux bien qu'on prolonge les délais, mais admettez les dates que j'ai l'honneur de présenter, admettez que les opérations électorales, au lieu de commencer le 1er avril, commenceront le 1er mars.
Voulez-vous aller plus loin : je l'ai dit hier, commencez dès le 15 février, comme cela se fait en Hollande. Vous aurez six semaines de plus et vous pourrez établir les rôles.
Je ne vous demande que cela. Faites comme en Hollande, où l'on s'y prend plus tôt pour ce travail. Voilà tout ce qu'il faut.
En Hollande, il y a des localités aussi grandes et aussi populeuses que celles de la Belgique, et il est certain que si la capitale de la Belgique, donnera de la besogne, pour la formation des listes électorales, la ville d'Amsterdam en donnera encore plus.
Et cependant les listes s'établissent parfaitement et à temps en Hollande.
Si l'on en sort en Hollande, pourquoi ne saurions-nous pas en sortir en Belgique ! Alors surtout que vous avez cet avantage, c'est que vous maintenez le payement de l'année actuelle.
Avec les dates que j'indique, les citoyens peuvent utilement s'occuper de la révision des listes électorales, tandis que l'époque que vous indiquez pour commencer les opérations électorales est précisément celle de la moisson.
Il n'y aura donc pas de contrôle, parce que personne ne s'occupera de la révision des listes électorales.
Ce sera donc en définitive le collège des bourgmestre et échevins, autorité nommée par le pouvoir, agents du pouvoir, qui fera les listes électorales ; ce sera le commissaire d'arrondissement qui pourra ne pas admettre les réclamations fondées et de cette façon vous aurez mis de côté des citoyens qui ont le droit d'être inscrits comme électeurs.
Maintenant faut-il des délais si longs ? Mais voyez en Angleterre ! Combien a-t-on mis de temps pour faire toute cette nouvelle liste électorale ? Il n'a pas fallu quatre mois pour cela.
Au reste, je le répète, vous avez l'exemple de la Hollande, qui commence la révision de ces listes le 15 février et je maintiens que ce qui se fait en Hollande peut très bien se faire en Belgique.
Anticipez sur les délais relatifs au dépôt de déclaration : anticipez sur les délais ; qu'on donne, si cela est nécessaire, une légère indemnité aux receveurs pour remettre la copie de leurs rôles en temps et lieu : et vous arriverez à conserver les délais actuels.
Cela est possible avec votre mécanisme, cela ne change rien au système, et du moins vous aurez conservé les principes constitutionnels.
Ce que l'honorable M. de Theux a dit est plein de vérité : avec le système que vous préconisez, vous aurez à chaque instant des annulations d'élections.
Est-ce là ce que vous voulez ?
Vous faites les élections au mois de juin, vous vous réunissez au mois de novembre et dans l'intervalle on raye des listes électorales, dix, vingt, trente électeurs, qui ont le droit d'y être inscrits. Eh bien, cette manœuvre aura pour résultat, comme je le disais, de faire annuler maintes élections.
Je dis que vous ne sauriez pas assez réfléchir sur les objections présentées par l'honorable M. de Theux ; cela ne causerait aucun préjudice à votre,système.
Je maintiens donc qu'il est indispensable de fixer le commencement des opérations électorales à la date que j'ai indiquée ; je le fixerais même au 15 février.
En terminant, je persiste à dire que ce qui se fait en Hollande peut très bien se faire en Belgique.
MfFOµ. - Messieurs, je ne sais ce qui se pratique en Hollande quant à la formation des listes électorales ; je ne suis pas très certain que l'honorable M. Dumortier en sache davantage, et qu'il puisse affirmer avec certitude que l'on y commence la formation des listes dès le 15 février sur les rôles de l'année courante. Mais ce que je sais, c'est qu'ici il est matériellement impossible que les rôles soient formés et que les copies en soient faites pour le 15 février ; ce que je sais, c'est qu'ici l'on n'arrive qu'avec de grands efforts à établir les rôles de manière à pouvoir en remettre les doubles, aux administrations communales pour le 1er avril.
C'est après avoir acquis une complète conviction à cet égard, que l'on s'est demandé comment on pourrait le mieux parvenir à modifier la situation actuelle, et l'on a reconnu qu'il y avait à choisir entre le changement des jours fixés pour les élections, et le changement du système suivi pour la formation et la révision des listes.
Les jours fixés pour les élections ont paru très judicieusement choisis par le législateur ; le mois de mai, pour les élections provinciales ; le mois de juin, pour les élections législatives ; le mois d'octobre, pour les élections communales ; c'est-à-dire trois époques de l'année auxquelles les travaux de la campagne ne sont pas un obstacle à ce que les citoyens remplissent convenablement leurs devoirs électoraux. Tout le monde étant d'accord pour maintenir ces époques, on a trouvé que, pour donner aux diverses autorités, appelées à prononcer sur les listes électorales et sur les réclamations, toute facilité de statuer en pleine connaissance de cause, il y avait lieu d'adopter les délais indiqués dans le projet de loi.
Quel inconvénient cela présente-t-il ? La grande objection, c'est que l'on prend pour base les rôles de l'année qui précède celle pendant laquelle les élections doivent avoir lieu.
Messieurs, j'admets que théoriquement on puisse dire : Il y a des personnes qui n'ont pas le droit ou qui ont perdu le droit d'être inscrites sur les listes, et qui cependant y figureront dans le système du projet de loi. Mais dans la pratique il y a, d'une année à l'autre, très peu de changements dans la liste des contribuables. Sans doute, il arrive que quelques-uns cessent de payer des contributions, et que de nouveaux imposés leur succèdent ; mais ces mutations n'ont qu'une importance fort minime par rapport à la masse.
En prenant pour base les rôles de l'année précédente, l'on obtient un résultat considérable, dont on doit nécessairement tenir grand compte : c'est que les faits sont accomplis ; ils sont parfaitement connus ; on peut les faire constater facilement. En outre, on peut ainsi accorder des délais suffisants pour les réclamations.
Aujourd'hui, toutes les opérations préalables à la formation des listes doivent se faire avec une telle précipitation, qu'il est impossible d'affirmer l'exactitude et la sincérité d'un travail exécuté dans de pareilles conditions.
Quant à l'objection faite au point de vue constitutionnel, on y a déjà répondu. Elle ne me paraît pas soutenable.
Aux termes de l'article 17 de la Constitution, la Chambre des représentants se compose de députés élus directement par les citoyens payant le cens déterminé par la loi électorale.
Est-ce que ceux qui figurent sur les listes telles qu'elles sont arrêtées actuellement sont des contribuables payant, dans le sens attaché à l'expression par l'honorable M. de Theux ? Assurément non : ce sont des contribuables qui doivent payer le cens électoral, et qui peut-être même ne le payeront pas. Ceci est vrai tout au moins pour un certain nombre d'entre eux,
Il se trouve donc que, si l'interprétation donnée à la disposition que l'on vient de citer est admissible, c'est la loi en vigueur qui serait inconstitutionnelle, tandis que la loi proposée serait parfaitement en harmonie avec la Constitution. (Interruption.)
Evidemment. Payant, c'est-à-dire ayant payé, et non pas devant payer. (page 623) Si nous nous attachons judaïquement aux termes, voila leur signification, assurément incontestable. Dans l’état actuel des choses, ce sont des contribuables qui doivent payer qui figurent sur les listes électorales ; ils sont inscrits comme débiteurs envers le trésor ; mais ils n'ont pas versé au Trésor ; et dans le fait, comme je viens de le faire remarquer, il y en a un certain nombre qui ne payeront pas la somme de contributions pour laquelle ils sont inscrits comme débiteurs, soit parce qu'ils cesseront de se trouver dans les conditions déterminées par la loi, soit parce qu'ils deviendront insolvables et ne pourront acquitter leurs cotes. Et cependant ces individus figureront sur les listes et concourront légalement à l'élection.
- Un membre. - C'est fâcheux.
MfFOµ. - Mais c'est le système de la loi en vigueur.
M. Liénartµ. - Vous l'aggravez.
MfFOµ. - Du tout : Je ne l'aggrave pas ; c'est tout le contraire, puisque les listes ne comprendront à l'avenir que des individus ayant réellement versé au Trésor le montant de l'impôt.
M. Tack. - Une partie.
MfFOµ. - Il y a là bien plus de garanties que dans le système actuel, puisque nous prenons pour point de départ la fin de l'année, c'est-à-dire une époque où presque tous les contribuables ont payé leurs contributions, tandis qu'aujourd'hui le point de départ est le commencement de l'année, c'est-à-dire une époque où personne n'a rien pu payer encore. (Interruption.)
Avec le système que l'on vous propose, je le répète, presque tous les électeurs auront payé leurs contributions.
M. Liénartµ. - Deux ans auparavant.
MfFOµ. - C'est tout autre chose. Vous ne me comprenez pas.
M. Liénartµ. - Me permettez-vous une observation ?
MfFOµ. - Je vais avoir fini.
Messieurs, le système qui est actuellement en vigueur ne permet pas à celui qui aurait des doutes de s'assurer complètement de la sincérité des listes électorales. On n'a pas le temps matériel de faire les vérifications et de se livrer aux investigations nécessaires.
En y mettant de part et d'autre le plus grand zèle, on n'arrive qu'à vérifier les listes de la manière la plus incomplète, la plus imparfaite. Les associations qui se chargent tout particulièrement de ces vérifications pour l'un et pour l'autre parti n'aboutissent, malgré le plus grand zèle et les plus grands efforts, qu'à des résultats très peu satisfaisants. Le temps fait absolument défaut ; et non seulement il fait défaut pour cette vérification, mais encore pour le jugement des réclamations. Cela est manifeste. Dans l'état actuel des choses, il arrive que les contestations ne sont pas et ne peuvent pas être vidées, en ne supposant même aucune espèce de mauvais dessein de la part des autorités investies du jugement, par la lenteur naturelle de ces opérations, il arrive qu'elles ne sont pas terminées pour l'époque des élections.
Il arrive ainsi assez souvent que des personnes inscrites sur la liste, et contre l'inscription desquelles on a réclamé, participent néanmoins à l'élection, et sont reconnues plus tard y avoir concouru sans droit ; de même il arrive que des personnes ayant le droit électoral, mais qui ne sont pas inscrites sur la liste, ne peuvent parvenir à faire décider en temps utile qu'elles doivent y figurer, et ne concourent pas à l'élection, nonobstant leur droit évident d'y prendre part. Nous faisons disparaître cet inconvénient par le projet. N'est-ce pas là un immense résultat au point de vue. de la sincérité des opérations électorales ? El, dès lors, des deux côtés de cette Chambre, ne devrait-on pas s'empresser d'y concourir ?
Je dois le dire, messieurs, les critiques que j'ai entendu formuler jusqu'à présent se réduisent à fort peu de chose. Je n'ai pas mission de parler pour mes honorables amis ; mais, quant à moi, je crois que l'on pourrait, sans inconvénient, faire droit à la plupart des objections qui ont été présentées.
Ainsi, l'on a demandé la publicité des séances des députations permanentes. Je ne vois pas d'obstacles bien grands qui s'opposent à l'adoption de ce système. Seulement, cela ralentira nécessairement, dans une certaine mesure, les opérations des députations.
On a demandé que ces corps soient tenus d'émettre des décisions motivées. Eh bien, je suis également d'avis qu'il serait bon de connaître les motifs des décisions des députations permanentes.
- Un membre. - Elles sont toujours motivées.
MfFOµ. - Oui, plus ou moins sérieusement. Mais l'honorable M. Delcour a demandé que l'on donnât les motifs réels et spéciaux des décisions. Aujourd'hui, cela se borne à une espèce de formule générale, consacrée pour l'adoption et pour le rejet des réclamations, et sous laquelle on fait rentrer les divers cas qui se présentent. Ce n'est pas là une véritable indication des motifs.
Je suis donc d'accord avec l'honorable M. Delcour que les décisions devraient être sérieusement motivées.
On a encore insisté sur un troisième point : on désire que les députations soient autorisées à informer par voie d'enquête. Ce serait encore une cause de lenteur. Il y a aujourd'hui l'information administrative, qui continuera d'exister, et qui suffit dans la plupart des cas.
Cependant, je ne verrais pas d'inconvénient bien grave à établir le droit d'enquête, pourvu que ce ne fût pas un moyen d'ajournement indéfini, et qu'il y eût un certain délai en deçà duquel il fallût statuer.
Je ne verrais donc pas, quant à moi, un obstacle insurmontable à ce qu'il fût fait droit aux principales objections de l'opposition. De cette manière, la loi pourrait réunir une grande majorité dans la Chambre, et elle n'en aurait qu'une plus grande autorité devant le pays.
M. de Theuxµ. - Messieurs, pour un très léger inconvénient que l'on veut éviter, on veut en créer de très graves. Ainsi on dit que les décisions en matière de listes électorales ne sont pas toutes rendues en temps opportun en ce qui concerne les élections provinciales et même quelquefois en ce qui concerne les élections pour les Chambres ; j'ai déjà répondu que pour les élections provinciales je ne voyais pas d'inconvénient à suivre le système du gouvernement ; mais pour les Chambres, c'est impossible.
Combien y a-t-il d'électeurs qui n'ont pas pu exercer leurs droits à cause de la décision tardive de la députation permanente ? Combien y en aura-t-il qui ne pourront pas exercer leurs droits à cause des appels, si le projet du gouvernement est admis ? Très peu. Mais, dans le système de la loi que nous discutons, il y aura des centaines d'électeurs qui auraient dû être inscrits ou rayés et qui ne le seront pas. Ainsi, messieurs, je le répète, pour un très petit inconvénient qu'on veut éviter, on tombe en plein dans des inconvénients plus graves.
Ceci ressemble beaucoup à l’histoire de certain individu qui, ne voulant pas s'exposer à la pluie, prit le parti de se plonger dans l'eau. La comparaison est parfaitement exacte.
L'honorable M. Vandenpeereboom vient nous dire qu'exiger le payement du cens autrement que pendant l'année courante, ce serait, d'après mon interprétation, contraire à l'article 47 de la Constitution. Je lui réponds par un texte de loi volé par le Congrès lui-même. C'est l'article 3 de la loi électorale.
Voici ce qu'il porte :
« Art. 3. Les contributions et patentes ne sont comptées à l'électeur qu'autant qu'il a payé le cens en impôt foncier, l'année antérieure, ou bien en impôts directs de quelque nature que ce soit, pendant chacune des deux années antérieures, »
Eh bien, messieurs, c'est le Congrès qui a porté cette loi.
J'ai indiqué, messieurs, un autre inconvénient. C'est l'époque de la vérification des pouvoirs au mois de novembre, alors qu'il a été constaté que les listes électorales de l'année courante diffèrent des listes de l'année précédente,
Mais, dit l'honorable M. d'Elhoungne, quand il y a une dissolution, cela a lieu.
J'ai répondu en citant le texte de la Constitution. Il faut concilier les deux textes : celui qui donne au Roi la faculté de dissoudre les Chambres et celui qui exige le payement dans l'année courante.
J'avais énoncé l'idée de dire, dans le cas où le projet de loi serait adopté, que les listes seraient tellement permanentes qu'en cas de vérification au mois de novembre, on ne pourrait se prévaloir des différences résultant de ce que des noms auraient été rayés ou de ce que d'autres n'auraient pas été inscrits.
Que dit l'honorable M. d'Elhoungne ? Il dit : Vous allez violez la Constitution. Chaque Chambre vérifie les pouvoirs de ses membres.
Mais, messieurs, n'est-ce pas l'aveu le plus complet, le plus naïf des inconvénients que j'ai signalés ?
Au lieu d'avoir toutes les élections au mois de juin, nous en aurons un grand nombre de nouvelles au mois de décembre si l'on peut se prévaloir des listes nouvelles.
Cela n'est pas admissible.
Je conviens qu'il y a eu des décisions contradictoires dans le parlement. Tantôt, on a considéré les listes comme absolument permanentes ; tantôt, on en a jugé autrement.
Il faut sortir de cette situation ; il faut qu'on sache à quoi s'en tenir. Il faut une loi claire et précise, et, comme ce projet de loi, s'il était adopté, (page 624) sans ce correctif, pourrait donner ouverture aux plus scandaleux abus de la part d'une majorité ; il faut prévenir tout doute et toute contestation.
Notez bien que, lorsqu'il y a dissolution, les Chambres doivent se réunir immédiatement et que la vérification des pouvoirs se fait de suite.
il n'y a donc pas de listes à faire entre la dissolution et la vérification des pouvoirs.
Mais quand il s'agit des élections ordinaires, il y aura une liste à faire entre l'élection et la vérification des pouvoirs, et alors vous avez tous les inconvénients pratiques que j'ai signalés.
L'honorable ministre des finances dit qu'il serait difficile de donner, comme en Hollande, les listes au 15 février. Il me semble que le travail n'est pas si considérable.
Tous les déclarations doivent être faites avant le 1er janvier. Les receveurs qui ont à cette époque introduit dans les listes tous les changements opérés n'ont qu'à prendre des copistes en nombre suffisant, pour expédier rapidement les copies et les transmettre aux administrations communales.
Il n'y a pas là de difficultés insurmontables. Avec du bon vouloir, l'honorable ministre pourrait arranger les choses de manière que les listes seraient distribuées au 15 février, comme en Hollande.
Je suis très convaincu que cela ne se fait pas aujourd'hui parce que cela n'est pas nécessaire, mais quand on voudra le faire, on le pourra ; il n'y a pas de doute à cet égard.
L'honorable M. Dumortier propose la date du 1er mars, il n'y a pas de difficulté à l'adopter.
Je demande donc, messieurs, que la Chambre vote l'amendement de M. Dumortier.
- Des voix. - La clôture !
M. Coomans. - Je demande la parole contre la clôture.
M. le président. - Vous l'avez, M. Coomans.
M. Coomans. - D'abord, M. le président, je dois faire remarquer que la Chambre tout entière sait que j'ai demandé la parole il y a plus d'une heure et que vous l'avez accordée à deux ou trois orateurs qui l'avaient demandée après moi.
M. le président. - Non pas, M. Coomans.
M. Coomans. - J'affirme le fait.
M. le président. - Le bureau affirme le contraire. Lorsque vous avez demandé la parole, votre nom a été inscrit dans son ordre ; vous êtes donc dans l'erreur.
M. Coomans. - J'ai donc doublement le droit de m'opposer à la clôture.
J'avais deux ou trois observations à présenter à la Chambre. (Interruption.) Si la Chambre désire s'ajourner à mardi, je n'y fais pas opposition, car il m'est vraiment désagréable de parler devant une assemblée qui veut s'en aller. Si donc vous voulez vous ajourner à mardi, je ne demande pas mieux, mais je crois que les deux ou trois observations que j'ai à soumettre à la Chambre méritent d'être entendues. Quant à renoncer à la parole, je ne le ferai pas ; libre à vous de me l'enlever.
M. Tack (contre la clôture). - Je désire aussi présenter quelques observations. Il me semble qu'il est impossible de prononcer la clôture.
L'article premier doit absolument subir quelques modifications, alors même qu'on voudrait faire prévaloir le système préconisé par le gouvernement. On est d'accord qu'il faut laisser aux députations permanentes le temps voulu pour examiner...
- Un membre à gauche. - C'est le fond cela.
M. Tack. - Mais pas du tout, ce n'est pas le fond.
On est donc d'accord là-dessus.
Supposez que le projet du gouvernement soit adopté, encore sera-t-il utile de modifier l'article. M. A. Vandenpeereboom, lui-même, a déclaré qu'il était tout disposé à proposer un amendement.
Dans ces conditions, est-il possible de clore le débat ?
M. Dumortier (contre la clôture). - Je n'ai qu'une seule observation à présenter et je vous prie de vouloir bien la prendre en considération.
L'article premier est celui qui renferme le plus de difficultés. Après l'article premier vient une foule d'articles organiques qui ne donneront pas lieu à des discussions : pourquoi voulez-vous étouffer la discussion ? (Interruption.)
Je le répète, pourquoi voulez-vous étouffer la discussion précisément sur l'article qui donne lieu aux plus grandes difficultés ? Je pense, pour mon compte, que, dans l'intérêt du projet de loi lui-même, il faut donner le temps de réfléchir à tout ce qui a été dit hier et aujourd'hui, et mardi nous reprendrons la discussion de l'article premier.
M. le président. - Quelqu'un demande-t-il encore la parole sur la clôture.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - J'avais l'intention de demander de ne pas clore la séance, car je désirais présenter un amendement afin de prolonger tous les délais fixés par la section centrale. (Interruption.)
L'honorable rapporteur vient de me dire qu'il est d'intention de modifier le projet sous ce rapport, et de proposer de prolonger les délais, mais en maintenant le point de départ de l'article premier. En admettant la publicité des séances des députations permanentes et certains autres amendements, il faut bien que les députations aient un temps plus long pour statuer, et la section centrale a l'intention de faire des propositions à cet égard.
Je crois donc pouvoir m'abstenir de proposer l'amendement annoncé. C'était pour faire ces observations que j'avais demandé la parole contre la clôture. Comme mon but est atteint, je ne m'oppose plus à la clôture, pour ma part.
M. d'Elhoungneµ. - Je fais remarquer que la section centrale ne s'est pas réunie pour délibérer sur la question des délais.
Je n'ai donc pu parler au nom de la section centrale, mais en mon nom personnel.
J'ai fait remarquer à M. Alphonse Vandenpeereboom que pour donner plus de temps aux députations permanentes, on ne devait nullement faire remonter plus haut le point de départ déjà indiqué dans l'article premier du projet de loi ; mais qu'on pouvait allonger les délais, en décidant, par exemple, que les députations permanentes, au lieu d'avoir jusqu'au 30 octobre pour statuer, auraient jusqu'au 15 décembre.
De cette façon, l'article premier pourrait rester tel qu'il est. (Interruption.)
M. Liénartµ. - Messieurs, j'ai demandé la parole pour faire une simple observation.
Il se pourrait que quelqu'un eût encore une idée à émettre sur l'objet que nous discutons ; et je ne. comprends pas réellement la persistance qu'on met à réclamer la clôture.
Je propose donc de remettre la discussion à mardi.
- Voix nombreuses. - La clôture !
M. Dumortier. - L'ajournement !
M. le président. - La clôture a été demandée, je dois la mettre aux voix.
M. Dumortier. - Je demande la priorité pour ma proposition.
M. le président. - Il ne s'agit pas d'ajournement, c'est la continuation de la discussion. Ici donc je mets la clôture aux voix.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Messieurs, si l'intention de la Chambre n'est pas de recommencer la discussion, je ne m'oppose pas à la remise, à mardi.
- Voix nombreuses. - Non ! non !
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Si cependant on s'oppose à la clôture uniquement pour recommencer le débat, je voterai pour la clôture.
M. Bouvierµ. - C'est leur but.
M. Liénartµ (contre la clôture). - Messieurs, l'intention que M. le ministre de la justice prêle à certains membres n'est pas susceptible de réalisation ; car mardi prochain, après un quart d'heure de discussion, vous pourriez demander la clôture.
- La clôture est mise aux voix et n'est pas prononcée.
M. le président. - La parole est à M. Coomans.
M. Coomans. - Messieurs, je me propose d'être très court, dans l'intérêt de la Chambre et dans le mien.
Je ne connais pas de brocard plus immoral que celui qui consiste à dire, comme on l'a répété complaisamment ici, que la forme emporte le fond. Le fond ne doit jamais être emporté par la forme, à moins qu'on ne puisse faire autrement. Or, ici le fond est bien la Constitution belge, qu'on dénature trop souvent.
Je ne comprends pas que M. le ministre des finances ose prétendre que la thèse si lumineusement exposée par l'honorable M. de Theux n'est pas soutenable ; quant à moi, je la trouve incontestable ; et devant l'affirmation de M. le ministre des finances, je me demande qui, de lui ou de moi, a perdu les éléments du bon sens.
La Constitution ne fait reposer les bases du droit électoral pour la formation des Chambres que sur l'argent, sur le cens ; elle dit qu'il n'y a de vrais citoyens en Belgique que ceux qui payent 42 fr. 32 c ; d'où la conclusion que ceux qui ne payent pas ces 42 fr. 32 c. n'ont pas le droit d'être électeurs, et que ceux qui les payent ont le droit de l'être. Cela est lumineux. L'honorable M. de Theux n'a pas dit autre chose.
Messieurs, cette thèse, l'honorable M. d'Elhoungne reconnaît qu'elle est vraie en théorie ; il est disposé à admettre (il ne saurait s'en abstenir) que la Constitution est violée lorsqu'on appelle aux comices de prétendus électeurs qui ne payent pas le cens et qu'on exclut de vrais électeurs, payant le cens.
(page 625) Mais, d'après l'honorable membre, s'il y a une violation de la loi dans un sens, il y a aussi violation dans un autre sens ; et les deux violations se compensent. Marchons donc en avant !
("est bien la ce qu'a dit f honorable membre et ce qu'a redit à peu près l'honorable ministre des finances, quand il a constaté que le résultat final ne différera guère dans l'une et l'autre hypothèse.
II est donc certain que la base fondamentale de notre droit public est renversée par le projet de loi.
Mais elle l'est aussi, nous dit-on, par la législation en vigueur. Je le regrette. Jusqu'à un certain point, l'objection est vraie. Mais je constate que le projet de loi augmente cet abus, c'est-à-dire la gravité de cette méconnaissance de la loi fondamentale. De ce qui n'est qu'une exception, de ce qui ne devrait être qu'une très rare exception, que je qualifierais volontiers de force majeure, vous faites la règle et une règle dont les conséquences doivent être très fâcheuses.
Je le demande à la Chambre entière et particulièrement à l'honorable. M. d'Elhoungne, qu'arrivera-t-il dans cette hypothèse-là ? Une élection législative se fait à Gand le deuxième mardi de juin. Les élus se réunissent le deuxième mardi de novembre. On constate que la majorité qui a fait prévaloir les noms de ses candidats, a été obtenue par 7 ou 8 voix. On constate en outre qu'il y avait sur la liste 7 ou 8 électeurs qui n'avaient pas le droit d'y figurer et qu'il manquait sur la liste 7 ou 8 électeurs qui auraient dû y être compris. Je suppose ces faits bien constatés par arrêt de la cour d'appel. La majorité n'a été que de 7 voix. (Interruption.)
Et ceci n'est pas une simple hypothèse : cela a été un fait à Gand. Il s'en est fallu de très peu de voix, de moins de 7 voix, que le résultat général ne fût tout autre qu'il ne l'a été. (Interruption.)
L'argument mérite l'attention de l'honorable M. d'Elhoungne. Que ferez-vous ? Il sera bien constaté par votre cour d'appel qu'il y a eu sept faux électeurs ; il sera même constaté supplémentairement que d'autres citoyens, qui auraient dû être électeurs, n'ont pas été admis aux comices.
Donc, vous devrez, si vous voulez respecter, je ne dirai pas seulement la Constitution, mais la loyauté, la morale, vous devrez annuler cette élection. Car, sinon, ce serait ravaler dangereusement le système représentatif. Du deuxième mardi de juin au deuxième mardi de novembre, on pourrait arranger les choses de façon à faire créer des électeurs et à se réserver le bénéfice d'annulations arbitraires. (Interruption.) Oui, cela est possible, vraisemblable.
Ce qui peut être vrai pour Gand, où les partis se balancent presque exactement, l'est aussi pour d'autres arrondissements ; donc on a eu raison de vous dire, et les honorables MM. Tack et Dumortier l'ont répété aussi, on a eu raison de vous dire que votre projet de loi augmente les cas de violation de la Constitution et rend impossible la réunion régulière des Chambres dans les circonstances que je prévois. La majorité provoquera, à son gré, des élections hivernales.
Messieurs, cela me semble si clair que, me servant de l'affirmation de M. le ministre des finances, je trouve que la thèse opposée n'est pas soutenable.
On exagère du reste, on interprète d'une manière trop étroite l'article 47 de la Constitution, en disant que, d'après nous, il faudrait avoir payé le cens dans l'année où l'élection a lieu ; non seulement on ne l'a jamais entendu ainsi, mais cela est contraire au texte de la Constitution et au bon sens.
Quand on dit « payant », cela signifie, payant ce qui est actuellement dû, et comme on paye l'impôt par douzième, celui qui a payé les douzièmes échus au moment de l'élection doit être considéré comme payant l'impôt qu'il doit pour l'année entière.
Quant à l'observation faite par l'honorable M. Van Wambeke, je la trouve également très juste.
Vous allez créer des difficultés énormes dans beaucoup de communes ; les fraudes électorales ne sont pas considérées comme telles, je veux dire comme immorales par maints politiques de village ; je connais beaucoup de citoyens trop politiques, appartenant à l'un et à l'autre parti, qui ne se font pas scrupule de créer de faux électeurs ; j'en connais un et de votre opinion, messieurs de la gauche, qui, pour son propre usage, a fabriqué 70 faux électeurs en une seule année ; eh bien, quand le collège échevinal pourra faire la liste dans l'ombre, on en écartera des électeurs qui devraient y figurer et on y mettra des personnes qui ne devraient pas y être.
Vous parlez du double recours contre les fraudeurs ; mais c'est là une illusion quant aux élections communales. Pour les élections législatives, il y a des yeux d'Argus même dans les moindres communes ; mais il n'en est pas ainsi pour les élections communales, qui n'intéressent guère les partis en lutte. Livrés à eux-mêmes, les bons paysans ne réclameront guère contre les fraudes commises par le collège échevinal.
Messieurs, j'ai promis d'être court et je ne présenterai plus qu'une seule observation non moins intéressante.
La pensée du projet de loi me paraît toute nouvelle, c'est une pensée de parti.
Elle date du jour où les députations permanentes ont rayé des électeurs qui ne payaient le cens qu'à l'aide de l'impôt sur le débit de boissons distillées, sorte d'électeurs que le ministère tient particulièrement à garder. Dès ce jour-là, on a pris en grippe les députations permanentes et on a décidé de les dépouiller d'une de leurs plus précieuses prérogatives. Cette coïncidence est très curieuse, et quant à moi, je puis l'affirmer ; j'étais assis dans une voiture du chemin de fer à côté d'un membre influent du libéralisme gantois, le jour même où la députation permanente de la Flandre orientale avait rayé un certain nombre de faux électeurs cabaretiers ; un cri lui échappa : « Nous empêcherons désormais les députations permanentes de s'occuper en dernier ressort de l'inscription des électeurs. »
Ce souvenir m'est revenu l'autre jour ; il confirme clairement, j'ai le droit de le dire, l'accusation que je vous intente d'avoir rédigé, encore une fois, un projet de loi de parti.
- Plusieurs membres. - A mardi !
M. Dumortier. - Messieurs, je n'ai qu'un mot à dire et je prie le gouvernement de le méditer.
Nous sommes tous d'accord sur un point : c'est que, s'il était possible de faire le travail électoral à l'époque actuelle, à un mois près, ce serait préférable sous bien des rapports.
L'honorable ministre des finances, s'appuyant sur ce qui lui a été dit, invoque l'impossibilité. Eh bien, je prends la confiance de lui faire remarquer ceci.
Dans tous les bureaux ruraux, rien n'est plus facile que d'avoir terminé les rôles, non pas pour le 1er mars, mais pour le 15 février.
Restent les villes. Là il y a de la difficulté. Mais rien au monde n'est plus facile que de donner à MM. les receveurs des villes une indemnité sur le budget pour rémunérer quelques employés supplémentaires dan» le commencement de l'année, afin d'activer ce travail.
Ce n'est qu'une simple question d'argent et, par ce moyen, on peut arriver au résultat que j'indique. Pourquoi ne pas l'adopter ? On le fait bien en Hollande. Comment ne pourrait-on pas le faire ici ?
Vous éviteriez ainsi les inconvénients qu'a signalés mon honorable ami, M. de Theux, et surtout le danger de sortir du texte constitutionnel ; vous empêcheriez qu'à l'avenir entre l'élection et la vérification des pouvoirs dans les Chambres, on n'arrive à ce résultat d'annuler des élections par suite de modifications survenues dans les listes depuis l'époque du vote.
Ces deux objections sont d'une extrême gravité. Ne peut-on trouver le moyen de résoudre la difficulté ? Moi je suis convaincu qu'on peut y arriver, et j'engage vivement le gouvernement à vouloir bien examiner la question d'ici à mardi.
Je ne doute pas qu'avec de la bonne volonté, il trouvera moyen de donner satisfaction à des objections aussi graves.
M. Moncheurµ (pour une motion d’ordre). - Messieurs, il y a plusieurs amendements à l'article premier.
Comme l'a dit l'honorable M. Dumortier, l'article premier est un des plus importants. Il nous est impossible de voter à présent sur les amendement» qui ont été proposés relativement à l'époque de la révision des listes.
Je proposerai à la Chambre de renvoyer tous ces amendements à la section centrale, en la priant de nous en rendre compte mardi prochain.
M. Tack. - Je crois qu'il conviendrait que la Chambre s'ajournât à mardi. Nous ne sommes plus en nombre.
- Des voix. - Non !
M. Coomans. - La Chambre n'est plus en nombre.
MfFOµ. - Nous allons mettre l'article premier aux voix pour en juger.
- Des voix. - A mardi !
- La Chambre, consultée, décide que la séance continue.
M. le président. - La parole est à M. Tack.
M. Tack. - On nous a reproché d'aller à l’encontre du but que nous nous proposions en demandant que les députations permanentes soient autorisées à ouvrir des enquêtes, à entendre des témoins, à se servir des mêmes moyens d'investigation que ceux qui sont attribués aux cours d'appel.
On perd de vue une chose, c'est que nous ne voulons pas de l'intervention de la magistrature. (Interruption.)
(page 626) M. le président. - Je rappellerai à M. Tack que nous sommes a l'article premier, et que cet article est seul en discussion en ce moment.
M. Tack. — Je ne m'occupe que de l'article premier, M. le président. Je réponds à une objection faite par M. d'Elhoungne à propos de l'article premier. M. d'Elhoungne nous a dit : Vous allez à l’encontre du but que vous vous proposez, vous marchez en quelque sorte dans vos brides ; vous demandez des formalités plus compliquées et vous allongez ainsi nécessairement les délais.
Eh bien, je dis que s'il y a nécessité d'allonger les délais, c'est parce qu'on fait intervenir la magistrature, c'est parce qu'au lieu de la procédure administrative que vous-mêmes déclarez être une procédure leste, expéditive, dégagée, peu gênante, c'est parce qu'à cette procédure vous substituez la procédure devant les tribunaux.
Voilà pourquoi il y a nécessité d'allonger énormément les délais.
En outre vous créez trois instances là où il ne devrait y en avoir que deux. Messieurs, il faut remarquer ceci, c'est que sous l'empire de la loi actuelle les délais de première instance sont épuisés dans l'espace d'un mois.
D'après le projet de loi, avant de commencer ce que vous appelez la première instance, vous avez déjà perdu un temps considérable et cela à cause de cette superfétation, à cause de ce double emploi, de cette mesure, qui consiste à créer trois degrés de juridiction la où il ne devrait y en avoir que deux.
Voilà comment les délais sont inévitablement plus considérables dans votre système que dans le nôtre.
Que demandons-nous ? Nous demandons que la révision des listes électorales soit commencée plus tôt que le 1er avril.
Nous demandons que cette révision commence le 1er mars.
L'honorable ministre des finances nous dit : C'est impossible, c'est matériellement impossible.
Mais je demande, comment, si c'est matériellement impossible, vous avez inscrit dans le projet de loi que, pour la révision transitoire, la révision commencerait le 1er mars ?
C'est bien qu'il y a matériellement moyen de finir les rôles en temps utile.
MfFOµ. - C'était une erreur d'impression.
M. Tack. - Je demande alors qui a changé cela. Mais c'est la section centrale. Et pourquoi ? Parce que la section centrale n'avait pas été à même de délibérer en temps utile.
Voilà le motif.
Ce que vous appelez une erreur est le résultat des circonstances ; c'est par suite de circonstances diverses que je n'ai pas besoin d'expliquer que la section centrale n'a pu délibérer en temps utile. Voilà pourquoi l'époque du 1er avril a été substituée à l'époque du 1er mars.
Il n'y a pas d'autre raison. (Interruption.) Vous le niez !... C'est la première fois que j'entends cela. C'est spontanément que la section centrale a modifié cette partie du projet. Personne ne l'a conviée à faire cette modification.
MfFOµ. - J'ai dit à mon collègue qu'il y avait là une erreur, et j'en ai fait l'observation à la section centrale.
M. Coomans. - Vous étiez peut-être seul de cet avis.
M. Tack. - Messieurs, on nous dit qu'il faut fixer le point de départ de la révision au 1er octobre, et jusqu'à présent on n'a pas allégué une seule bonne raison pour cela.
Il y a, au contraire, des inconvénients très graves en ce qui concerne les déclarations supplémentaires ; ce sont ces déclarations au moyen desquels on fait de iauS électeurs et contre lesquelles M. le ministre des finances s'est très vivement élevé lui-même dans cette enceinte, qu'il a signalées comme la source de toutes les fraudes.
Eh bien, votre système qui consiste à ne commencer la révision des listes électorales qu'au 1er octobre tend essentiellement à cela.
Je ne dis pas que cette époque a été choisie intentionnellement dans ce but, mais de fait cela y conduit. C'est là un très grave inconvénient.
L'honorable M. d'Elhoungne nous dit : C'est pour éviter que les listes ne soient dressées à l'époque de l’effervescence des luttes électorales. Mais comment ne vous apercevez-vous pas que c'est précisément au moment de l'effervescence des luttes électorales que vous allez confectionner vos listes.
Les élections pour la commune ont lieu au mois d'octobre et d'après le projet de loi la révision doit commencer le er septembre.
Quelle différence, sous ce rapport, y a-t-il entre la proposition de commencer au mois de mars et celle de commencer au mois d'octobre ? Mais, messieurs, il y a beaucoup moins d'effervescence politique au mois de mars qu'au mois de septembre, c'est-à-dire peu de temps avant les élections communales.
Au surplus, veuillez remarquer que, dans votre système, l'objection que vous faites n'a pas de sens.
Les listes ne doivent jamais servir, d'après vous, à une élection prochaine, mais à une élection plus ou moins éloignée. Il n'y aura donc pas d'effervescence à craindre.
Je ne veux pas retenir plus longtemps la Chambre, l'heure est avancée, je crois devoir me rasseoir ; la Chambre décidera sur mon amendement.
- La discussion sur l'article premier et les divers amendements qui s'y rattachent est close.
M. le président. - Il a déjà été donné lecture, au commencement de la séance, del'article premier du projet de la section centrale, auquel le gouvernement s'est rallié, ainsi que des amendements présentés par M. Dumortier, par M. Taek et par M. Van Wambeke.
M. le président. - L'amendement de M. Dumortier doit être mis le premier aux voix.
- Des membres. - L'appel nominal !
- Il est procédé à cette opération, qui constate que 62 membres seulement sont présents.
En conséquence la Chambre n'est pas en nombre.
Sont présents :
MM. Allard, Anspach, Bara, Beke, Bouvier-Evenepoel, Broustin, Coremans, David, de Baillet-Latour, de Brouckere, Delcour, De Lexhy, d'Elhoungne, de Liedekerke, de Macar, de Naeyer, de Rossius, Descamps, de Theux, Dethuin, de Vrints, Dewandre, de Zerezo de, Tejada, Dolez', Dumortier, Dupont, Elias, Frère-Orban, Funck, Gerrits, Hagemans, Janssens, Jacquemyns, Jamar, Jouet, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Lambert, Landeloos, Lippens, Mascart, Moncheur, Moreau, Muller, Orban, Orts, Pirmez, Preud'homme, Rogier, Sabatier, Schmitz, Schollaert, Tack, Alphonse Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Wambeke, Verwilghen, Vleminckx et Watteeu.
Sont absents avec congé : MM. Beeckman, Braconier, Carlier, de Kerchove de Denterghem, Nothomb, Tesch, T'Serstevens, Van Overloop et Wasseige.
Sont absents sans congé :
MM. Ansiau, Bieswal, Bricoult, Bruneau, Coomans, Couvreur, Crombez, de Borchgrave, de Clercq, de Coninck, De Fré, de Haerne, Eugène de Kerckhove, Delaet, de Maere, de Montblanc, de Moor, de Muelenaere, de Rongé, de Terbecq, de Vrière, d'Hane-Steenhuyse, Guillery, Hayez, Hymans, Jacobs, Jouret, Lange, Lebeau, Lefebvre, Le Hardy de Beaulieu, Lelièvre, Lesoinne, Liénart, Magherman, Mouton, Mulle de Terschueren, Nélis, Notelteirs, Reynaert, Royer de Behr, Thibaut, Thienpont, Thonissen, Van Cromphaut, Vander Maesen, Van Iseghem, Van Merris, Vermeire, Vilain XIIII, Visart, Warocqué et Wouters.
- La séance est levée à 5 heures.