(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1868-1869)
(Présidence de M. Dolezµ.)
(page 575) M. Van Humbeeck, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. de Moor, secrétaireµ, lit le procès-verbal de la dernière séance.
M. de Vrièreµ. - M. le président, j'ai voté samedi la loi sur la contrainte par corps et je ne trouve mon nom au Moniteur, ni parmi les membres qui ont voté pour, ni parmi ceux qui ont voté contre.
Je demande que ma réclamation soit insérée au procès-verbal.
M. le président. - Ne suffit-il pas que votre réclamation se trouve aux Annales parlementaires ?
M. de Vrièreµ. - Oui, M. le président.
- Le procès-verbal est adopté.
M. Van Humbeeck, secrétaireµ, présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.
« Des habitants de Bruxelles demandent une loi qui règle les inhumations. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Boulet, attaché à l'administration des chemins de fer, se plaint d'abus de pouvoir dont il serait l'objet. »
- Même renvoi.
« Par dépêche du 5 mars. M. le ministre de. la justice transmet, avec les pièces de l'instruction, la demande de naturalisation ordinaire du sieur De Roo (C.-H.-E.). »
- Renvoi à la commission des naturalisations.
« M. Thonissen, retenu chez lui par une indisposition, demande un congé de huit jours. »
- Accordé.
« M. T'Serstevens demande un congé de dix jours. »
- Accordé.
M. le président. - M. le ministre se rallie-t-il aux propositions de la section centrale ?
MiPµ. - Je me rallie à la plupart des amendements de la section centrale et je pense que la discussion pourrait s'ouvrir sur le projet qu'elle a présenté, qui, au surplus, ne diffère pas sensiblement du projet du gouvernement. Il y a seulement certaines questions spéciales sur lesquelles je demanderai l'adoption des propositions du gouvernement.
M. Woutersµ. - Messieurs, le projet soumis à nos délibérations a une importance que l'on ne saurait méconnaître. Tonte mesure, qui, de près ou de loin, touche, à notre système électoral doit être, de la part des mandataires du pays, l'objet d'un sévère et consciencieux examen. Ce n'est pas sans une nécessité impérieuse que' l'on peut porter la main sur une loi organique qui, s'inspirant de l'esprit du Congrès, a prouvé, par une pratique longue et constante, la sagesse qui a résidé à sa création. Faut-il 1 en conclure qu'on ne puisse modifier notre législation ? Le soutenir, serait se condamner à un immobilisme absolu, serait renoncer à améliorer nos lois, en y introduisant les innovations dont le progrès du siècle et des esprits aurait démontré la convenance et futilité. Mais avant de rompre brusquement avec les traditions du passé, avant de proposer une réforme aussi radicale dans une des matières les plus importantes de notre droit public, ne convient-il pas de voir s'il ne serait pas plus prudent de maintenir ce qui existe, en en faisant disparaître les inconvénients ? Si, entre le système qui règne et celui qu'on voudrait voir établir, il y a place pour quelque transition heureuse et féconde, qui satisfasse à toutes les exigences de l'opinion, n'est-il pas du devoir de tous de l'accepter ?
Ne l'oublions pas, messieurs, les lois politiques, à la différence des lois civiles, sont celles qui se prêtent le moins aux changements. Immuables dans leurs principes, comme la Constitution dont elles émanent, elles doivent demeurer toujours en dehors des atteintes du pouvoir et des partis. Si rien n'empêche qu'elles ne subissent les changements que le cours des années et les mœurs du peuple nécessitent, elles ne peuvent changer dans leur essence même qu'autant que la volonté nationale le réclame ouvertement. Autrement le droit public n'est plus qu'un instrument aux mains des partis et au lieu de cette stabilité qui seule fonde et assure les Constitutions libres, nous ne trouvons qu'incertitude, trouble et confusion.
Nous avons à examiner si le projet tient suffisamment compte de ces principes et s'il présente les éléments d'une loi sage, utile et conforme aux vrais intérêts du pays.
C'est, comme je le disais en commençant, une vérité incontestable, que tout notre système représentatif repose sur l'élection. Ce principe est consacré par l'article 25 de la Constitution, qui dit que tous les pouvoirs émanent de la nation. En effet, autorités communale et provinciale, Chambre des représentants, Sénat, le gouvernement tout entier en un mot, sort du mécanisme électoral. Tout ce qui a pour effet de renforcer ce système, d'augmenter sa force morale, de le grandir dans l'estime du pays, doit être, de la part de ceux qui gouvernent, l'objet d'une constante préoccupation.
Ils doivent soigneusement éviter, au contraire, ce qui serait de nature à le discréditer dans l'opinion publique. Or, messieurs, en amoindrissant les attributions de nos corps électifs, ne portez-vous pas un coup fatal a toutes nos institutions représentatives ? Croyez-vous que les administrations locales et les députations de nos provinces se sentiront seules atteintes dans leur vie, dans leur énergie, dans leur dignité, par les dispositions du projet ? Croyez-vous que la suspicion et la défiance qu'il fait peser sur elles leur demeureront circonscrites, qu'elles ne s'étendront pas de proche en proche pour remonter jusqu'à cette Chambre jusqu'au Sénat, qui sont l'expression la plus élevée de la souveraineté nationale ?
Et, en effet, messieurs, quelles sont les causes qui engagent le gouvernement à dépouiller les députations permanentes du jugement en dernier ressort des contestations électorales ? Nous lisons, dans l'exposé des motifs, que c'est afin de les dégager du soupçon de partialité qui, à raison de leur position spéciale, entache leurs décisions.
Si ce principe est vrai, il faut le poursuivre dans ses déductions logiques et rationnelles, il faut l'appliquer dans les cas analogues qui peuvent se présenter. Et pour en citer un exemple, l'article 99 de la Constitution décide que les conseillers des cours d'appel sont nommés par le Roi, sur deux listes doubles présentées, l'une par ces cours, l'autre par les conseils provinciaux. Eh bien, ne devez-vous pas craindre qu'ici aussi ces corps électifs ne se laissent guider dans leurs choix par des intérêts de parti, auxquels vous avouez qu'ils ne demeurent pas étrangers ? Mais il y a plus, je dis qu'en présence des mesures édictées par le projet, il serait anormal de continuer à leur accorder cette prérogative. En effet, chacun sait que c'est dans les conseils provinciaux que se recrutent les membres de nos députations permanentes.
Emanation la plus pure de l'esprit de ces corps, ils ne sauraient manquer d'exercer une influence prépondérante sur leurs délibérations.
Voilà donc des fonctionnaires électifs, constitués juges de premier degré en contentieux électoral, et participant, avec une autorité morale, incontestable, au choix de candidats pour des places de juges en dernier ressort, chargés de réviser leurs décisions. Il faut donc de toute nécessité, si vous voulez maintenir intacte la hiérarchie dans les pouvoirs, que cette anomalie disparaisse et que cette attribution leur soit enlevée.
Mais cela ne suffit point ; du moment où nous reconnaissons que les idées de justice, d'impartialité ne sont plus l'apanage des députations permanentes, pourquoi leur maintenir des privilèges non moins importants que ceux qui leur sont ravis par le projet ? Car enfin, si la sincérité des listes électorales importe à tous les citoyens, s'il convient que la confection de ces listes soit entourée de toutes les garanties désirables, il est d'autres droits, notamment en matière de milice, de patente, de garde civique, pour lesquels il devient juste de réclamer la même faveur. Dès lors, pourquoi ne pas attribuer aux tribunaux le jugement de toutes les affaires dévolues aujourd'hui au contentieux administratif ? Pourquoi ne pas enlever aux députations permanentes le droit exorbitant qui leur est confié par l'article 46 de la loi communale, d'annuler les élections communales et cela par un simple arrêté motivé, sans contrôle, sans publicité ? Qui garantit aux justiciables qu'un pouvoir contre lequel on se met en garde aujourd'hui, (page 576) ne rende, dans des matières où il est juge suprême de leurs réclamations, des décisions inspirées par des rancunes politiques, tout au moins doivent-ils craindre qu'il ce se laisse guider dans ses appréciations par des considérations personnelles aux parties en cause ?
Dès lors, pourquoi conserver dans une sphère ce que vous déclarez mauvais, ou tout au moins dangereux dans une autre ? Ne vous préoccupant que de maintenir intact l'exercice du droit public, vous abandonnez à la discrétion d'une justice partiale l'examen de causes graves, dont la bonne solution importe non moins vivement au pays.
Vous le voyez donc, pour enlever aux députations permanentes les droits dont elles jouissent depuis l'origine de notre nationalité, il faut commencer par la révision intégrale de l'organisation administrative du royaume, et ne pas hésiter même à réformer notre pacte fondamental.
Mais, me dira-t-on, vous prenez les choses à l'extrême, vous raisonnez dans l'hypothèse où le projet dépouillerait les députations permanentes de leur juridiction en matière électorale ; et il n'en est rien, il les y maintient comme juges au premier degré. Oui, messieurs, et c'est la une contradiction, qui a lieu de nous surprendre ; car si ce tribunal administratif est utile, il faut le conserver, en lui donnant une organisation solide ; s'il offre des dangers, il faut le supprimer. Ainsi attaqué dans son principe, peu importe que vous respectiez encore sa compétence en premier ressort ; pour être incomplète, sa résolution n'en est pas moins décisive. Je ne comprends pas vraiment cette ombre de juridiction que vous leur accordez encore dans le jugement des questions électorales.
Car, enfin, si les juges vous paraissent honnêtes, loyaux, impartiaux, il faut les maintenir dans leur office ; si vous doutez de leur sincérité, de leur bonne foi, il n'y a qu'à leur enlever, au plus tôt, une charge qu'ils ne sont plus dignes de remplir. De quelle confiance voulez-vous qui soient encore entourés les arrêts d'un tribunal dont le gouvernement vient lui-même proclamer la déchéance morale ? N'est-ce pas virtuellement supprimer un degré de juridiction ? Quel est, dites-moi, le citoyen dont la réclamation aura été rejetée par la députation permanente et qui acceptera le bien-fondé de cette décision ? N'est-il pas évident que les justiciables ne porteront désormais leur cause en matière électorale, devant les députations, que pour la forme, pour obéir aux prescriptions de la loi, et que c'est, en réalité, devant la cour d'appel que le procès sera sérieusement vidé ?
A-t-on suffisamment réfléchi au blâme immérité qui est déversé sur un corps administratif composé d'hommes instruits, intègres, rompus à la pratique des affaires, et ayant prouvé jusqu'ici qu'ils étaient à la hauteur du mandat que la société leur a confié ?
Ne devons-nous pas craindre, messieurs, que cette déconsidération dont on les frappe ne rejaillisse jusqu'à nous ? N'avons-nous pas à redouter que l'opinion publique, dont les méfiances seront éveillées par la loi que nous discutons, ne vienne à nous reprocher bientôt certaines attributions que nous exerçons sans contrôle et dans l'intégrité de nos consciences ? Cai enfin, sénateurs, représentants du peuple belge, que sommes-nous, sinon le résultat de l'élection ? Et si nous suspectons la loyauté dans des corps émanés, comme nous, des suffrages du pays, comment pourrions-nous prétendre qu'elle demeure incontestée chez nous ?
Appelés par la Constitution à vérifier les pouvoirs de nos membres, et à juger les contestations qui s'élèvent à ce sujet, chargés par elle de nommer directement les membres de la cour des comptes, de nous prononcer sur les demandes de naturalisation, de mettre en accusation les ministres, de présenter des listes de candidats pour la cour de cassation, pourrons-nous soutenir dès lors que nos décisions, nos choix sont dictés par un strict esprit d'impartialité et de justice, et que la passion politique n'y a pris aucune part ?
Ai-je raison, dès lors, d'affirmer qu'une des conséquences du projet sera d'amoindrir, d'énerver notre système représentatif tout entier ? Car les corps électifs ont la même origine ; tous dérivent de la même source ; l'urne électorale, le scrutin est leur mère commune.
Le désaveu que l'on inflige à l'un d'eux les atteint tous. Leurs prérogatives sont similaires. Suspecter leur bonne foi, pour une quelconque de leurs attributions, c'est reconnaître que leur honorabilité peut être douteuse dans toutes, c'est infirmer leur rôle devant le pays, c'est affaiblir l'autorité de leurs actes, c'est, en un mot, les rendre incapables de remplir la mission qui leur est dévolue.
Messieurs, il est un second motif pour lequel je ne saurais approuver le projet, c'est qu'il tend à introduire la politique dans le sanctuaire de la justice et méconnaît ainsi la maxime gouvernementale, qui veut que la magistrature soit écartée de la participation aux affaires publiques. La dignité de ses membres, la haute importance de leurs fonctions, le respect que l'on doit à la chose jugée, tout en fait une loi.
Aussi la Constitution, en décrétant d'une manière générale dans ses articles 92 et 93 que les contestations qui oui pour objet des droits civils ou politiques sont du ressort des tribunaux, a-t-elle eu soin de permettre à la loi de créer des exceptions quand l'attribution des causes politiques à la justice serait de nature à nuire à sa considération, en faisant suspecter l'impartialité de ses arrêts ; et elle en a fait elle-même une première application dans son article 98 en instituant le jury pour les délits politiques de la presse ; reconnaissant ainsi que les juges ordinaires ne présentaient pas des garanties suffisantes à l'accusé dont les actes auraient contrarié les vues du pouvoir, et qu'il fallait, dans ces cas, l'abandonner au jugement de ses concitoyens.
C'est en s'emparant de cette idée si sage que. le législateur de 1831 a soumis l'examen des contestations en matière électorale à des tribunaux administratifs. Or, qui était-ce le législateur de 1831, sinon le législateur constituant lui-même, devenu pouvoir législatif ordinaire, et appliquant, à 27 jours de date, les principes qu'il avait déposés dans la Constitution. Car veuillez remarquer que la Constitution a été promulguée le 7 février 1831, et que la loi électorale a été votée le 3 mars suivant. Cette loi a été modifiée depuis par les lois des 23 juillet 1834, 10 avril 1835, 1er avril 1843, 31 mars 1847, 12 mars et 20 mai 1848, sans que jamais le principe de la compétence électorale des députations permanentes ait fait l'objet d'une contestation sérieuse. Ne devons-nous pas en conclure qu'il est strictement conforme à l'esprit et au texte de la Constitution ?
Et, en effet, l'exception trouve ici, plus aisément encore, sa justification. Car lorsqu'il s'agit de délits politiques ou de presse qui peuvent entraîner des conséquences très graves pour leurs auteurs, on admettra difficilement que le magistrat pénétré de la sainteté de sa mission puisse écarter la voix de sa conscience et céder à des suggestions politiques ; si cependant le législateur constituant a cru devoir lui interdire toute intervention dans ces causes, a fortiori doit-il en être de même, dans l'hypothèse qui nous occupe.
Ici en effet, la décision est loin de revêtir la même importance ; elle n'intéresse ni l'honneur, ni la fortune, ni la liberté des justiciables, et l'on peut à la rigueur supposer que le juge, tout en demeurant fidèle à son devoir, subisse à son insu, et en quelque sorte malgré lui, la secrète influence de ses convictions politiques.
Cette doctrine a été soigneusement appliquée, depuis par les différents partis qui se sont succédé au pouvoir. Je n'en veux pour preuve que la loi sur les incompatibilités parlementaires du 27 mai 1848, qui établit d'une manière incontestable que nos gouvernants se sont de plus en plus pénétrés de cette idée, qu'il ne fallait pas mêler la justice aux luttes politiques, et qu'il valait mieux, dans l'intérêt de ce principe, se priver, dans la confection des lois, du concours d'hommes éminents dont les services avaient été hautement appréciés jusque-là, plutôt que de distraire le magistrat des devoirs de sa charge et de l'exposer aux agitations de la vie publique.
Car il est des tentations auxquelles il est dangereux d'exposer la nature humaine, parce qu'elles ne peuvent manquer de la faire succomber. Vous ne pouvez raisonnablement exiger de nos magistrats qu'ils abdiquent leur qualité de citoyen, qu'ils se suicident comme hommes politiques. Avant d'être juges, ils peuvent avoir rempli des fonctions dans l'Etat ; rien ne s'oppose à ce qu'ils soient membres des conseils communaux, à ce qu'ils fassent partie des associations politiques, à ce qu'ils prennent une part active aux luttes électorales. Quelque grande que soit la réserve dont ils s'entoureront, il sera toujours aisé de préjuger la couleur de leur opinion. Cela est si vrai, que je n'hésite pas à dire, avec un orateur qui parlait à cette tribune en 1848, que si l'on évoquait devant vous les noms des membres de notre ordre judiciaire, vous n'auriez pas de peine à les classer dans l'un ou l'autre des deux partis qui divisent le pays.
Eh bien, je suppose un juge pénétré de ses devoirs et rendant ex œquo et hono un arrêt en matière de contestation électorale. Empêcherez-vous le soupçon de partialité de peser sur sa décision alors qu'elle aura rejeté les réclamations d'un adversaire, politique ? Le public ne cherchera-t-il pas à pénétrer les convictions du juge et selon la nature des décisions rendues, n'en inférera-t-il pas des conséquences souvent fâcheuses pour son caractère ?
Et que l'on ne me dise pas que mes honorables amis de la droite et moi soyons seuls à entrevoir les suites funestes de l'ingérence de la magistrature dans le jugement des causes politiques ; la lecture des dispositions du projet me prouve que le gouvernement en a été préoccupé autant que nous, et qu'il a cherché à les prévenir dans la mesure du possible.
En effet, que dit l'article 23 du projet ? Les causes seront, d'après leur ordre d'entrée, attribuées successivement à chacune des chambres de la cour.
Successivement ! Pourquoi n'en pas charger une chambre à défaut d'une (page 577) autre ? Pourquoi ne pas laisser au premier président le soin de porter les affaires au rôle selon la convenance et les besoins du service ? Mais précisément parce que l'on a compris qu'il fallait prémunir les justiciables contre la partialité présumée de leurs juges politiques, et éparpiller les causes, pour diviser les influences. Et croit-on sérieusement que l'on y soit parvenu ? Mais pas le moins du monde. Car le public saura toujours, d'après la composition de la chambre, quelle, est l'opinion qui y est dominante, et le citoyen ne manquera pas d'attribuer le succès ou l'insuccès de sa démarche à la chance heureuse ou malheureuse d'avoir été jugé par telle chambre plutôt que par telle autre.
Je me crois donc autorisé à dire que, puisque le projet déclare que les députations permanentes ne sauraient, en raison de l'intérêt qu'elles ont à la composition du corps électoral, mettre leurs décisions à l'abri de tout soupçon de partialité, il sera difficile désormais, pour ne pas dire impossible, aux cours d'appel, investies de leurs attributions, d'y soustraire leurs arrêts.
Messieurs, il est pour les tribunaux des nécessités toutes morales. Il ne faut pas seulement que le juge soit indépendant, il faut encore que cette indépendance ne puisse être suspectée ; aussi, s'il est un corps dans l'Etat sur lequel il est bon que l'action gouvernementale puisse le moins s'exercer, c'est sans contredit le corps de la magistrature.
Cette vérité a été reconnue par la Constitution quand elle a proclamé l'indépendance réciproque entre les grands pouvoirs de l'Etat, et ce serait mutiler le principe organisateur du Congrès et rompre l'équilibre de la société, que de placer le pouvoir judiciaire dans la main et sous l'inspiration du. pouvoir qui gouverne. Or, c'est là le vice radical de la combinaison qui nous est proposée. N'est-il pas évident, en effet, que le parti quel qu'il soit, libéral ou catholique, qui trône aux affaires, sera désormais directement intéressé à la nomination des membres de la magistrature ? Peut-on, dès lors, légitimement espérer qu'il ne se laisse guider dans son choix que par le mérite, les titres seuls des candidats, et qu'il ne cherche pas à récompenser ceux dont le zèle dans le. passé est le sûr garant d'un concours efficace dans l'avenir ? Mais, me dira-t-on, les attributions du gouvernement dans l'élection des juges sont limitées par la Constitution. Passé le degré de première instance, il n'a que l'investiture des fondions supérieures de la magistrature.
Qui ne voit que c'est là une barrière impuissante, et qu'il sera aisé d'éluder ? Après avoir rempli les tribunaux inférieurs d'hommes dévoués à ses principes, n'est-il pas certain de ne voir figurer sur les listes doubles de candidats proposés à son choix que les noms de ses partisans ? Les juges du deuxième degré, jaloux de justifier les faveurs du pouvoir, et de maintenir leur homogénéité, n'entreront-ils pas d'ailleurs pleinement dans ses vues ? Car enfin, messieurs, il est naturel que le magistrat ait des ménagements pour un pouvoir à qui il doit son emploi, de qui il attend son avancement dans la carrière, et qu'il soit enclin en quelque sorte, malgré lui, à favoriser son maintien aux affaires ?
L'intervention de la justice dans le jugement des contestations électorales aura ainsi pour effet, malgré toute l'honorabilité de la magistrature, de la soumettre indirectement à l'influence du pouvoir, d'affaiblir l'autorité morale de ses décisions et d'enlever aux justiciables les garanties que le principe de son inamovibilité leur avait assurées.
C'est là un mal, que vous n'éviterez pas, mal profondément regrettable et que ne compenseront pas les quelques avantages que l'on peut retirer du projet.
Peut-être m'objectera-t-on que dans notre système électoral le recours est ouvert en cassation contre les arrêtés des députations permanentes. Voilà bien, dira-t-on, ce que vous appelez une immixtion de la justice dans les causes politiques et nous ne voyons pas qu'elle ait produit aucun des inconvénients que vous redoutez.
Mais, messieurs, qui ne sait que les conseillers de la cour suprême sont au sommet de la hiérarchie judiciaire, et ont dès lors une indépendance que l'on ne trouve pas au même degré chez les juges d'un ordre moins élevé. La juridiction à laquelle ils appartiennent se présente d'ailleurs, ici, avec le caractère d'une juridiction neutre et régulatrice, se prononçant sur la légalité, la forme et non le fond des affaires.
Je ne sais, messieurs, l'accueil qui est réservé à ce projet par la magistrature belge ; il est regrettable que, dans une matière qui l'intéresse si grandement, le gouvernement n'ait pas jugé à propos de demander son avis ; nous avions le plus vif intérêt à le connaître. Nul doute qu'il n'eût exercé une légitime influence sur ce débat et n'eût puissamment contribué à éclairer la conscience de la Chambre.
Quoi qu'il en soit, il peut être utile, de rappeler qu'il y a quelques mois, une réforme qui a certaine analogie avec celle que nous discutons, fut projetée en Angleterre par M. Disraeli. Il s'agissait, la Chambre le sait, de soumettre à la magistrature le jugement sur les pétitions relatives aux élections, qui était déféré, par l'ancienne législation, à un comité permanent de la chambre des communes. Le cabinet soumit la mesure à l'appréciation de la magistrature, et voici la réponse qu'adressa le lord chief-justice, Alexandre Cockburn, au lord chancelier d'Angleterre :
« Conformément au désir de votre seigneurie, j'ai consulté les juges, et suis chargé par tous et chacun d'eux de vous faire connaître le sentiment prononcé et unanime de répugnance insurmontable qu'ils éprouvent à se voir imposer ces fonctions nouvelles et sujettes à objection.
« Nous sommes tous d'un avis unanime, que les juges une fois chargé, d'examiner et de décider sur les pétitions relatives aux élections, la conséquence inévitable sera d'abaisser et d'avilir les fonctions judiciaires et de détruire ou, en tous cas, de diminuer considérablement la confiance du public dans l'impartialité absolue et l'intégrité inflexible des juges, dans le cas où, durant le cours de leurs fonctions ordinaires, des matières politiques leur seront incidemment soumises. »
Peut-être me direz-vous que le projet de loi Disraeli, malgré cette opinion unanime, n'en fut pas moins adopté ?
Messieurs, cela n'est pas tout à fait exact ; la vérité est, je pense, que le projet primitif, qui tendait à saisir les cours supérieures du jugement des élections contestées, fut écarté sur les réclamations de la magistrature et que le parlement adopta un amendement de M. Lowe, qui en attribuait la connaissance non pas aux juges ordinaires, mais à trois juges spéciaux.
Au reste, je n'ai voulu en rappelant ce fait qu'établir la déférence dont le cabinet anglais avait fait preuve à l'égard de la magistrature, et n'ai pas cherché à en faire une application à notre régime. Car chaque peuple a son autonomie propre et s'il peut être utile dans le travail d'élaboration et de révision de nos lois, de consulter les législations des pays dont les institutions sont semblables aux nôtres, l'on ne pourrait conclure de cet examen à des conséquences qui ne se concilieraient pas étroitement avec nos principes gouvernementaux.
Lorsque, dans la séance du 4 juillet 1865, mon honorable et savant ami, M. Delcour, a prouvé, par des arguments tirés de la comparaison de notre législation avec celle de la France et de l'Angleterre, l'avantage qu'il y aurait à introduire certaines garanties dans la loi que nous discutions, que lui fut-il répondu par l'honorable ministre des finances ?
Tout en reconnaissant que sa proposition était sérieuse, et méritait la, plus grande considération, l'honorable ministre s'exprime ainsi :
« Ce n'est pas cependant que, pour ma part, je partage toutes les idées exprimées par l'honorable membre ; je crois qu'il n'a pas tenu suffisamment compte des différences considérables qu'offre notre régime politique, comparé à ceux de l'Angleterre et de la France dont il a parlé. Dans ces deux pays, les citoyens ne se trouvent point placés en présence de corps électifs, présentant comme nos députations permanentes, de sérieuses garanties, précisément au point de vue électoral. »
Cette réponse, messieurs, dont on ne contestera pas la grande autorité, ne s'adresse-t-elle pas aujourd'hui, avec bien plus de justice, à l'éloquent rapporteur de la section centrale qui, pour justifier la réforme préconisée par le gouvernement, rappelle que la juridiction électorale des cours royales de France est demeurée en vigueur pendant une période de quarante années, et qu'actuellement encore, les électeurs du suffrage universel peuvent porter leur recours devant l'autorité judiciaire.
Ne pourrions-nous pas lui dire que nous voyons peu d'analogie entre notre système électoral, basé sur le cens comme présomption de capacité, et le régime français sous l'empire du suffrage universel ?
Ne pourrions-nous pas ajouter qu'à l’encontre de ce qui s'est pratiqué en France, la juridiction contentieuse électorale a fonctionné en Belgique d'une manière souveraine pendant trente-huit années, que ce système est parfaitement approprié à nos mœurs, et qu'il suffirait d'y apporter quelques perfectionnements pour lui assurer un nouveau terme de durée ?
Car, messieurs, des considérations que j'ai l'honneur de vous présenter, on aurait tort supposer que je puisse croire qu'il n'y ait rien à faire.
Certes, non ; il y a à satisfaire aux légitimes exigences de l'opinion publique, en introduisant dans notre législation électorale les changements dont l'expérience aura démontré la nécessité ; mais ce n'est qu'avec la plus excessive prudence que l'on peut toucher à nos lois organiques, qui sont les assises de notre droit public. La sagesse, dit Portalis, conseille de ne procéder que progressivement à l'amélioration des lois et aux perfectionnements sociaux.
Il ne faut ébranler ni mettre en question le tout de rien, comme dit Montaigne ; c'est à faire au temps, et il ne s'en acquitte que trop bien. Si une réforme est jugée nécessaire, faisons-la. Mais que cette réforme soit (page 578) raisonnable, modérée, telle que la demande le pays. Prenons garde de dépasser le but que nous voulons atteindre, et de compromettre, sous prétexte de donner des garanties à certains droits, l'avenir de l'institution la plus respectable et la plus nécessaire.
Notre système est-il donc si vicieux qu'il faille l'ébranler complètement alors qu'il suffirait peut être d'un correctif à y apporter pour faire disparaître tous les inconvénients ?
Car, enfin, de quels abus se plaint-on ? Quels sont les griefs que l'on articule contre le rôle assigné par la loi à nos corps administratifs ? L'exposé des motifs n'en énonce aucun.
A raison du caractère électif de leur mandat, un soupçon de partialité infirme l'autorité de leurs décisions, nous dit-il ; il est donc de leur intérêt de se voir enlever ces attributions compromettantes qui ne peuvent que nuire à leur considération. Quant aux faits constants, nombreux, pertinents qui justifieraient cette mesure, il n'en indique aucun.
Certes, messieurs, je ne voudrais pas prendre sur moi d'approuve in globo toutes les décisions des députations permanentes de nos neuf provinces, pas plus que je ne voudrais donner un bref d'infaillibilité aux jugements des tribunaux de première instance, si souvent réformés par les arrêts des cours d'appel, qu'atteint parfois à leur tour la censure de la cour suprême.
Où découvrira-t-on une institution sans danger d'erreurs ? Possible donc que dans les milliers d'arrêtés émanés des députés provinciaux pendant une période de 37 ans, il y en ait qui soient sujets à interprétations diverses, ou contre lesquels des réclamations aient pu se produire ; mais ce sont là des faits isolés qui ne sauraient, dans aucun cas, faire déchoir leurs auteurs de la place qu'ils occupent avec honneur à côté de nos magistrats inamovibles ; d'ailleurs, l'examen qu'on en a fait dans cette enceinte a établi l'inanité des reproches qu'on leur adressait ; la Chambre se rappellera les remarquables discours prononcés à ce sujet dans une précédente session par mon honorable collègue et ami, M. Van Wambeke. En admettant même que dans le cours de cette discussion l'on vienne à signaler quelques abus, ce sont là de rares exceptions qui ne sauraient infirmer le principe, et dont certaines garanties introduites dans nos lois suffiraient à empêcher le retour.
Qu'on me permette, à cet égard, une comparaison. Il y a quelques semaines, une discussion vive et irritante a été soulevée à cette tribune. D'honorables membres de cette Chambre ont blâmé le zèle excessif qui avait été déployé, par des officiers de police judiciaire, dans l'instruction des crimes commis à Saint-Genois ; ils en ont été amenés à conclure que la passion politique n'avait pas été étrangère à leurs actes.
Si je tirais parti de ce fait pour venir déclarer à la Chambre que la nomination de ces magistrats par un gouvernement qui est le maître de favoriser leur avancement ou d'y porter obstacle, selon le plus ou moins de zèle qu'ils ont mis à le servir, ne me paraît pas réunir les garanties désirables pour la bonne administration de la justice ; si je venais dire que le seul remède contre la partialité des officiers du parquet réside dans le jugement du corps électoral, que les électeurs seuls peuvent juger efficacement leur conduite, voir s'ils demeurent dans les conditions voulues d'indépendance et d'impartialité, s'ils n'abusent pas du mandat qui leur a été confié ; si comme conséquence de ces prémisses, je venais proposer leur élection directe par les comices du pays, messieurs, que répondriez-vous ?
Mais vous diriez et avec une parfaite raison, que vous ne voyez là aucune nécessité de réviser la Constitution ! que les reproches adressés à quelques-uns de ses membres ne sauraient atteindre la magistrature, placée trop haut dans l'opinion publique et dans l'estime des partis ; que le seul enseignement qui ressorte de ces faits, c'est qu'il y a lieu de modifier la loi sur la détention préventive, et d'y introduire des garanties nouvelles, pour empêcher le retour des abus qui se sont présentés. Je ne pourrais, messieurs, que m'incliner devant cette décision.
Mais à mon tour, je vous demanderai si, au lieu de condamner une législation adoptée et organisée par nos constituants, il ne vaudrait pas mieux d'améliorer ce qui existe, plutôt que de bouleverser tout notre ordre constitutionnel en mettant le trouble dans l'exercice simultané des trois pouvoirs.
Je sais, messieurs, qu'on a prétendu que c'était l'opposition qui avait la première attiré l'attention du gouvernement sur les lacunes que présentait la loi, et que le ministère n'avait eu pour but, en présentant le projet, que de porter remède une situation dont les inconvénients lui avaient été signalés par ses adversaires politiques.
S'il en était ainsi, nous aurions mauvaise grâce à le combattre, et ne pourrons que remercier l’honorable ministre de l’intérieur d’avoir si courtoisement répondu à notre appel. Mais rien n'est moins exact. C'est bien au gouvernement que revient la paternité de l'œuvre qui nous est soumise. Il suffit pour s'en convaincre de jeter un coup d'œil sur les rétroactes de la question. Qui le premier l'a soulevée dans cette enceinte ? C'est l'honorable M. Lelièvre. L'honorable membre demandait-il que l'on enlevât aux députations {permanentes le jugement en dernier ressort des contestations électorales, pour les déférer aux tribunaux ? J'ignore comment il apprécie le projet actuel ; mais à ne tenir compte que des paroles qu'il a prononcées dans la séance du 13 décembre 1864, il m'est permis d'en inférer que sa pensée n'allait pas jusque-là. Il se bornait à réclamer pour les députations permanentes, jugeant en contentieux administratif, le publicité des séances et les débats contradictoires.
Après lui, l'honorable M. Delcour établit avec toute l'autorité de la science, de la raison, l'utilité d'introduire ces modifications dans notre régime électoral. M. Delcour entendait-il réduire le rôle des députations permanentes et les placer, comme le fait le projet, sous la tutelle des cours d'appel ?
Je crois pouvoir dire, sans crainte d'être démenti, que telle n'était pas son intention, et la preuve on la trouvera dans le discours de l'honorable membre, dans les paroles si significatives qu'il a prononcées à la séance du 4 juillet 1865.
J'ajouterai que l'honorable M. Reynaert, en traitant la question, s'est renfermé dans les mêmes limites.
Tout ce que voulaient ces honorables membres, c'est que les justiciables rencontrassent désormais, devant les tribunaux administratifs jugeant en contentieux électoral, les garanties constitutionnelles que l'on rencontre devant les juges ordinaires.
Cette prétention si juste, si raisonnable, si équitable, faite de l'aveu même de l'honorable ministre des finances en dehors de tout esprit de parti, impressionna favorablement l'esprit de la Chambre. Peut-être qu'en l'examinant sérieusement aujourd'hui, on y trouverait un remède suffisant à la situation qui est signalée.
La publicité rendue aux séances de la députation permanente, jugeant en contentieux électoral, serait un retour important aux principes du gouvernement représentatif. Elle est une des premières conditions d'un bon système électoral. Comment craindre que des juges administratifs puissent se laisser guider par des intérêts de parti, alors qu'ils se verront placés sous le contrôle de l'opinion publique, s'exerçant librement par la publicité des audiences, par la comparution et l'audition des parties, par les plaidoiries orales, par les mille voies de la presse, par la parole libre et retentissante de la tribune parlementaire ?
Est-il besoin de faire ressortir tous les avantages de cette modification salutaire ? Elle obligera les députations à prononcer sur tous les moyens avancés par les parties, et fera ainsi disparaître les reproches de trop grande concision, énoncés contre l'articulé de leurs décisions ; elle les engagera à prêter une attention plus soutenue aux causes qui leur seront soumises, et à motiver davantage leur jugement ; elle leur permettra de diriger elles-mêmes les enquêtes qu'elles croiront devoir ordonner, de faire venir les témoins, de leur faire prêter serment et de réunir tous les éléments de preuves qui leur font défaut aujourd'hui. Ainsi elle assurera la vérité des élections par la sincérité des listes, et fera disparaître les abus vrais ou faux dont on se plaint.
Pourrait-on douter que l'introduction de cette garantie ne soit acceptée de bon œil par les députations permanentes ? Aujourd'hui, que l'imputation la plus grave est dirigée contre leur honneur, comment ne seraient-elles pas désireuses d'exposer leurs actes au grand jour de la publicité ?
Aussi, voyons-nous la députation permanente de la province de Namur, sans se préoccuper du sort réservé au projet, demander, dans l'intérêt de l'autorité de ses décisions, que désormais l'instruction soit publique, dans les limites consacrées par la procédure devant les cours d'appel.
Quel est d'ailleurs le motif qui a fait maintenir jusqu'ici la procédure à huis clos ? C'est l'insuffisance des délais entre la date de la révision annuelle des listes électorales, et l'époque où doit avoir lieu le renouvellement partiel des conseils provinciaux, de la Chambre et du Sénat. Aujourd'hui que ces délais sont prolongés, tout obstacle disparaît. Ce serait d'ailleurs se méprendre que de croire que la discussion contradictoire des parties en cause prolongerait outre mesure les séances de la députation et les empêcherait de terminer leurs opérations en temps utile. Cet inconvénient se produisît-il, il serait minime, mis en regard de l'avantage inappréciable d'une bonne justice, et il serait aisé d'y obvier, en prolongeant encore les délais.
Remarquons qu'en France, où le contentieux administratif est beaucoup plus étendu que chez nous, l'on ne s'est pas arrêté à cette considération. (page 579) Le décret du 30 décembre 1862 a introduit la publicité de l'audience et les débats oraux devant les conseils de préfecture ; et il a été établi qu'ils expédiaient en moyenne 200,000 affaires par année. Cela surprendra moins si l'on considère qu'a la différence des procès civils, dont les causes se multiplient a l'infini, les contestations en matière électorale varient peu de nature et d'objet.
A part les questions préjudicielles qui exigent un examen spécial, les observations ne portent guère que sur un point de fait, qu'il sera aisé d'établir et qui ne donnera lieu qu'à une procédure très sommaire. La jurisprudence une fois fixée contribuera aussi à la prompte expédition des affaires.
A-t-on songé, d'ailleurs, à l'anomalie qu'il y a à exiger les garanties habituelles devant la juridiction du second ressort, et à n'en pas vouloir en première instance ? N'est-ce pas d'avance enlever aux justiciables toute confiance dans le jugement des députations permanentes ?
A-t-on réfléchi de plus à la charge qui en résulterait pour les cours d'appel ? Pour ne citer qu'un fail, un journal, la Flandre évalue à 3,000 le nombre des causes que la cour d'appel de Gand aura à juger en plus, par suite de l'adoption du projet ; j'admets que, par suite de l'adoption d .l'amendement que la section centrale propose d'apporter à l'article 25, le nombre en sera notablement diminué ; toujours est-il que la cour ne suffira pas à la tâche, et qu'il faudra avant peu lui adjoindre une troisième chambre. Il en sera de même pour les cours d'appel de Liège et de Bruxelles, dont le personnel devra être augmenté dans une égale proportion ; et l'on comprend la dépense qui en résultera pour le pays.
Je ne veux pas passer sous silence un autre inconvénient du projet, moins grave, à la vérité, que les précédents, mais que je crois bon de signaler à l'attention de la Chambre. Sous le régime actuel, de grandes facilités sont ménagées à l'électeur rural, en ce qu'il peut porter sa réclamation devant l'autorité communale, ou l'adresser par requête à la députation, en y joignant les pièces à l'appui. La procédure est expéditive et peu coûteuse.
L'on comprend mieux encore la sagesse de cette disposition si l'on considère qu'à la différence de l'électeur des villes, qui exerce, habituellement des professions libérales indépendantes, et dont l'esprit par suite du milieu dans lequel il vit, est plus porté vers les choses de la politique, l'électeur campagnard, isolé des clubs, des associations publiques, absorbé par ses occupations, ne demande généralement pas mieux que de se dérober à une obligation qui l'expose parfois à des ennuis très sérieux.
Or, si vous l'obligez aujourd'hui à se rendre au chef-lieu de la cour d'appel dont il sera parfois éloigné de vingt, de trente lieues, ne devez-vous pas craindre que les dépenses qui lui seront suscitées du chef de déplacement et de séjour, la perte de temps, les frais judiciaires, d'avocats et autres, n'aient pour effet de l'en détourner ? Et remarquez que la situation se présente ici avec un désavantage marqué, pour l'électeur conservateur, forcé d'agir par lui-même ou d'abandonner la poursuite de ses droits.
Et, quand je parle de l'électeur conservateur, je me place dans l'hypothèse présente où le parti libéral est au pouvoir. Il va de soi que mon raisonnement serait le même si les rôles étaient intervertis et si c'était le parti catholique qui trônât aux affaires. Car je ne vois pas si la loi frappe mes amis ou mes adversaires, je mets la question plus haut, sur le terrain des principes et des vrais intérêts du pays.
Quant à l'électeur libéral, ou pour mieux dire, à l'électeur appartenant à la classe dominante, le projet a soigné pour lui, en substituant à son inaction l'initiative intéressée du commissaire d'arrondissement. et à ce sujet, messieurs, la lecture des débats de la loi du 1er avril 1843 suggère à l'esprit de singuliers rapprochements. C'est cette loi qui, la première, a ouvert pour le commissaire d'arrondissement le bénéfice de l'action populaire. Cette intrusion d'un agent direct du gouvernement dans les opérations relatives à la formation des listes électorales souleva, de la part de l'opposition libérale de ce temps, un véritable concert de récriminations. Elle fut considérée comme une de ces mesures qui tendent à assurer la suprématie d'une opinion sur l'autre, et l'honorable M. Verhaegen la qualifia de coup d'Etat, à l'aide duquel le gouvernement voulait s'emparer des élections.
Aujourd'hui, que voyons-nous ? Bien que dans la plupart des districts électoraux les luttes soient ardentes, et que par suite de la vigilance des citoyens à exercer leurs droits politiques, l'action populaire aux mains des agents de l'autorité ait perdu sa véritable raison d'être, le pouvoir du commissaire d'arrondissement n'en demeure pas moins debout. Que dis-je ? jadis il ne pouvait exercer que le droit d'appel, désormais, c'est devant les deux juridictions qu'il pourra porter ses réclamations.
Jadis, sa compétence ne s'étendait pas aux listes de la commune ; car les considérations d'intérêt général qui lui avaient fait conférer l'action publique ne trouvaient plus ici leur justification. Le projet actuel ne distingue pas, il admet son intervention dans tous les cas. Et si l'on considère que les trois quarts au moins des commissaires d'arrondissement appartiennent à l'opinion dominante, n'est-on pas autorisé à dire que cette opinion peut se reposer dans une parfaite quiétude ? Un fonctionnaire est là, actif et vigilant, qui surveille ses intérêts ; ce fonctionnaire a dans les mains les listes électorales de toutes les communes de son ressort.
Il est meilleur juge que qui que ce soit de l'utilité, de la convenance de ses réclamations, des chances de réussite qu'elles peuvent présenter, et en les intentant il leur imprime un cachet sur la signification duquel le magistrat ne saurait se tromper.
Je rencontre ainsi un argument qui ne manquera pas de se produire dans la discussion, et qui consisterait à prétendre que les conseillers de la cour d'appel, dégagés de toute influence locale, ignoreront le plus habituellement la couleur de l'opinion de leurs justiciables.
Il arrivera au contraire très rarement qu'ils ne soient édifiés sur ce point, l'action étant le plus souvent introduite par l'agent direct du gouvernement ou par les chefs des associations politiques.
Mais me dira-t-on, vous ne pouvez nier que le projet ne présente certains avantages, notamment en ce qu'il supprime la juridiction en premier ressort du collège des bourgmestre et échevins. J'avoue, messieurs, que si ce résultat était obtenu par la loi que nous discutons, il y aurait lieu de s'en féliciter. Il y a, en effet, quelque chose d'exorbitant à permettre au même pouvoir de juger son propre ouvrage, surtout si l'on tient compte du caractère de ses membres .qui, placés dans la main du pouvoir, n'ont pas toute l'indépendance, désirable.
C'est là en effet, messieurs, un vice de la loi de 1831. S'il a échappé à l'œil vigilant du législateur de cette époque, c'est que notre nationalité, était encore, à son origine, et qu'il n'existait pas entre les partis cette division profonde, irrémédiable, qui, pour le malheur du pays, s'étend aujourd'hui du sein de nos grandes villes jusque dans les plus petits villages.
L'on n'avait pas compris la nécessité de s'armer contre les tendances politiques de fonctionnaires jouissant de la confiance de tous.
S'il est reconnu aujourd'hui que ce système offre des inconvénients, il importe d'y remédier, mais pas à la façon du projet, qui crée, en réalité, trois juridictions distinctes, en laissant subsister la compétence en premier ressort du collège des bourgmestre et échevins.
Je me demande, en effet, ce qu'il y a de changé dans ses attributions ; ne demeure-t-il pas, comme par le passé, chargé du travail si important de la révision des listes ? et en pratique, comment se fait ce travail ? Chacun le sait, c'est le bourgmestre ou l'échevin, ou même le secrétaire, tous agents nommés par le gouvernement et révocables par lui, qui y procèdent.
L'article 3 du projet leur donne les mêmes droits que l'article 8 de la loi électorale ; la seule variante consiste dans le mot « observations » substitué au mot « réclamations ». Mais la portée des termes est la même.
Le collège, après avoir opéré la révision provisoire des listes, pourra, comme jadis, accueillir ou rejeter les réclamations ou, pour mieux dire, les observations qui lui seront présentées ; trancher les questions de fait qui lui seront soumises, et revenir sur sa décision première dans les limites de sa compétence actuelle. Telle est au moins l'interprétation qui résulte des explications qui ont été fournies par la section centrale sur la portée des termes de l'article premier du projet.
Ainsi, dans cette faculté laissée au collège de refuser l'inscription d'un citoyen qui paye le cens, par le motif qu'il n'en posséderait pas les bases, n'y a-t-il qu'un simple travail administratif ? N'y trouve-t-on pas, au contraire, tous les caractères du pouvoir d'un juge, rendant une décision basée sur une libre appréciation du fait et des circonstances particulières où il se présente et cela sans motivation, sans publicité de la disposition ? et remarquez, messieurs, que jusqu'ici, par suite de la disposition de l'article 13 de la loi communale qui attribue au conseil communal la connaissance en premier ressort des contestations auxquelles donne lieu la formation des listes pour la commune, un certain contrôle était exercé sur les opérations du collège. Cette disposition qui se concilie parfaitement avec tous les principes du droit des communes, devait engager le collège à mettre une grande circonspection dans ses actes ; car il eût été anomal de faire figurer, sur les listes générales pour les Chambres législatives, un électeur fictif que le conseil communal n'eût pas maintenu sur les listes de la commune.
Aujourd'hui, ce contrôle disparaît avec la juridiction du conseil communal tout entière, dont il ne reste plus trace dans le projet. Et c'était cependant dans une sage extension de ses droits, combinée avec une réforme dans le mode de procédure suivi devant la cour d'appel, qu'eût résidé la solution heureuse de toutes les difficultés.
(page 580) Ce conseil, messieurs, est composé de tous citoyens choisis parmi les plus instruits, les plus intègres, les plus indépendants de la commune.
Par leur résidence sur les lieux, ils seront plus à même que personne de connaître les faits qui donnent lieu aux réclamations et d'en apprécier le bien ou le mal fondé.
Ce ne serait pas la première fois que les conseils communaux seraient investis de cette attribution. La Chambre n'ignore pas que, par une double interprétation des termes de la loi de 1831, ils en ont été chargés dans une partie du pays, jusqu'en 1843, et que ce système a fonctionné sans donner lieu à aucune difficulté.
Il y aurait un avantage réel à le rétablir aujourd'hui en étendant aux séances du conseil, statuant en contentieux électoral, le principe de la publicité obligatoire, prescrit par l'article 71 de la loi communale, et les débats oraux.
Ce serait une garantie nouvelle et importante, qui aurait ainsi pour effet de mettre l'ordre et l'harmonie dans les dispositions de la loi.
Je borne là les considérations que j'avais à vous présenter, ne voulant pas, messieurs, abuser plus longtemps de votre bienveillante attention. Disposé à voter en faveur de tout amendement qui aurait pour objet d'améliorer la loi, tout en lui maintenant ses caractères essentiels, je ne puis me rallier à la réforme radicale qui nous est proposée.
M. de Theuxµ. - Je crois, messieurs, répondre au vœu de la grande majorité des membres de la Chambre en proposant de terminer la séance par le rapport de quelques pétitions. Nous sommes trop peu nombreux pour nous occuper d'une question aussi importante que celle qui est en ce moment en discussion.
M. le président. - Je crois que nous pouvons continuer la discussion générale.
La parole est à M. Liénart.
M. Liénartµ. - Monsieur le président, je demanderai la permission de céder mon tour de parole à l'honorable M. Lelièvre, parce que j'aurai à faire valoir à peu près les mêmes considérations que l'honorable M. Wouters.
M. Lelièvreµ. - Le projet de loi a pour objet principal d'attribuer aux tribunaux les décisions des contestations relatives à la révision des listes électorales. Je puis lui donner, sous ce rapport, mon assentiment, parce qu'il s'agit, dans l'espèce, de droits politiques et qu'aux termes des articles 92 et 93 de la Constitution, les contestations concernant les droits civils et politiques sont du ressort des tribunaux.
Du reste, la loi qui a introduit le recours en cassation, en cette matière, a déjà résolu la question en ce sens. En effet aujourd'hui déjà c'est le pouvoir judiciaire qui statue définitivement sur toutes les questions de droit que font naître les listes électorales, pourquoi ne pourrait-on déférer les questions de fait aux cours d'appel ?
Jamais le recours en cassation, en cette matière, n'a donné lieu à aucun inconvénient. Il a au contraire réalisé un progrès marqué. Tout fait présumer qu'il en sera de même des appels déférés aux juges ordinaires.
Il est impossible de se défier, au point de vue de l'impartialité, de la magistrature judiciaire, sous peine d » remettre en question les bases de notre régime politique.
D'un autre côté, c'est cette magistrature qui, n'étant pas mêlée aux luttes des partis et devant y rester étrangère, se trouve dans les meilleures conditions d'indépendance pour s'occuper des affaires dont il s'agit.
Aussi, en France, a-t-on toujours considéré comme une mesure libérale l'intervention du pouvoir judiciaire dans des questions de l'espèce.
Il en est de même dans d'autres pays, où le bienfait des institutions libres est généralement apprécié.
D'un autre côté, je pense, avec la section centrale, que la jouissance des droits politiques est liée intimement à la jouissance des droits civils, de sorte que l'exercice du droit électoral soulève de nombreuses questions dont la connaissance appartient essentiellement au pouvoir judiciaire. Par conséquent, la nature même des contestations que soulèvent les débats en matière de révision des listes électorales réclame l'intervention des tribunaux ordinaires.
Toutefois, il y a des écueils à éviter.
Il faut empêcher que les cours d'appel, déjà surchargées d'affaires ordinaires, ne se voient accablées d'un surcroit de besogne au point de rendra nécessaire une augmentation du personnel.
Ce serait là un résultat fâcheux.
Or, pour prévenir cet inconvénient, auquel le projet donnera lieu nécessairement s'il est adopté tel qu'il est formulé, j'estime qu'il faudrait ne pas autoriser la plaidoirie orale devant les cours. Celles-ci statueraient sur pièces, documents et mémoires des parties.
La besogne serait ainsi simplifiée, et les cours ne verraient pas de nombreuses audiences occupées par d'interminables plaidoiries.
Je suis convaincu que le maintien des plaidoiries orales en cette matière aura pour conséquence nécessaire l'augmentation du personnel des cours d'appel, tandis que si l'on statue sur pièces et après explications par écrit, la création de nouvelles chambres ne serait pas nécessaire. Du reste, les causes étant instruites en première instance, les plaidoiries en cette matière, eu égard à la nature des affaires, ne me semblent pas avoir une grande utilité.
En second lieu, pourquoi n'autoriserait-on pas les députations statuant en première instance à ordonner des enquêtes, à entendre des témoins sous la foi du serment ?
Les affaires seraient ainsi en état d'être appréciées, sans devoirs ultérieurs, par les cours d'appel.
Le système contraire forcera souvent le juge d'appel à rendre des arrêts interlocutoires, ce qui retardera la décision définitive des affaires. Il faut mettre les députations à même de prévenir des enquêtes en seconde instance d'appel. Dès lors elles doivent pouvoir faire procéder à ce mode d'instruction qui est de nature à éclairer ceux qui sont chargés de statuer en degré d'appel.
Ne perdons pas de vue que souvent les contestations concernant la base du cens soulèvent des questions de fait qui ne peuvent être élucidées que par des enquêtes.
Il est donc essentiel d'autoriser les députations à entendre des témoins, à exiger la prestation de serment, etc. Sans cela, les cours d'appel seront forcées d'ordonner des instructions supplémentaires qui donneront lieu à une augmentation de dépenses pour les parties et au retard dans la décision.
Le projet me paraît, du reste, trop compliqué au point de vue des formalités à observer. Des peines de nullité sont quelquefois prononcées sans nécessité.
Simplifier la procédure, surtout dans la matière qui nous occupe, me semble une condition indispensable. A ce point de vue, les articles 20 et suivants du projet me paraissent susceptibles d'amélioration.
Du reste, sauf quelques modifications de détails, je considère la proposition du gouvernement comme méritant, en principe, l'approbation de la législature.
Il me reste à dire un mot sur une question soulevée, dans une pétition adressée à la Chambre, par la députation permanente de la Flandre orientale.
Ce collège demande si le projet abroge la loi du 8 septembre 1865 relative au payement effectif du cens électoral.
La négative est évidente. Le principe décrété par la loi de 1865 touche au fond du droit électoral, matière à laquelle notre projet reste étranger. Il suffit, du reste, d'examiner les dispositions de la proposition dont nous nous occupons, pour se convaincre qu'elle ne contient rien d'incompatible avec la loi de 1865, et qu'elle ne lui est contraire en quoi que ce soit. Dès lors, cette loi de 1865 continuera à subsister. Elle est relative à une condition essentielle pour l'exercice du droit électoral, matière que le projet de loi n'a pas pour objet de régler. Telles sont les considérations que je déduirai dans la discussion générale ; je me réserve d'en proposer d'autres lors de la, discussion des articles.
M. de Theuxµ. - Messieurs, nous sommes extrêmement peu nombreux et vous venez d'entendre deux orateurs qui ont présenté des observations très importâmes. J'insiste donc pour que le restant de la séance soit consacré à des rapports de pétitions.
- Cette proposition est adoptée.
(page 637) M. Vander Donckt, rapporteurµ. - Par pétition datée de Liège, le 14 février 1869, le sieur Thiébaut, ancien garde-route au chemin de fer de l'Etat, demande une enquête sur les faits qui ont donné lieu à sa révocation, ou le remboursement des sommes qu'il a versées à la caisse de secours.
Messieurs, il paraît que le sieur Thiébaut a réellement à se plaindre d'une injustice ou d'un manque d'égards. C'est un combattant de 1830, qui a rendu de grands services en qualité de volontaire de la compagnie franche tournaisienne. Après les glorieuses journées de 1830 à Bruxelles, il a poursuivi l'ennemi à Wavre, Vilvorde, et assisté à la prise de Venloo, etc. Il a combattu vaillamment à Hechtel, Houthaelen, Curange et Hasselt. Parmi les pièces jointes à sa requête, il y a plusieurs certificats des chefs sous lesquels il a servi comme sergent.
Il n'existe pas d'exemple, messieurs, d'un serviteur de 1830 qui n'ait été pensionné. Celui-ci a quitté l'armée pour accepter un emploi dans les chemins de fer. Il paraît qu'il y a eu un motif peu grave pour le révoquer, et aujourd'hui il se trouve pour ainsi dire dénué de ressources.
Cet homme a reçu une distinction honorifique pendant sa carrière militaire. Il mérite à tous égards la bienveillance toute particulière du gouvernement.
Votre commission, messieurs, tout en le recommandant à l'honorable ministre de la guerre, propose le renvoi de sa pétition à l'honorable ministre des travaux publics.
M. Lesoinneµ. - Messieurs, je viens appuyer les conclusions du rapport de l'honorable M. Vander Donckt.
Je connais le pétitionnaire depuis longtemps ; il a été garde dans mon voisinage. Jusqu'à l'accident qui a été cause de sa révocation, il s'était toujours bien conduit.
Comme vient de le constater l'honorable rapporteur, le pétitionnaire produit des certificats constatant qu'il a servi dans l'armée, qu'il y a toujours bien rempli ses devoirs et qu'il est arrivé au grade de sous-officier.
Je pense qu'il serait juste de lui accorder l'objet de sa demande.
Cet homme prend de l'âge et il serait malheureux pour lui d'être renvoyé dans ses vieux jours sans pension.
J'ajouterai que sa pétition, dont j'ai pris connaissance, est conçue dans des termes peu convenables. Ce n'est pas lui qui l'a rédigée. ; il l’a fait faire par une personne de ses connaissances qui ne lui a pas lu la pièce.
Quand je lui ai fait des remontrances sur les termes de sa requête, il a été tout étonné et il m'a dit : Moi qui ai été militaire, je n'aurais pas employé de pareilles expressions pour demander une grâce.
J'appuie donc, messieurs, les conclusions du rapport.
- Les conclusions sont adoptées.
M. Vander Donckt, rapporteurµ. - Par pétition datée. d'Ixelles, le 15 février 1869, le sieur Durant demande une loi sur l'art de guérir et joint à sa pétition deux exemplaires d'une brochure intitulée : « De l'Indifférence en matière de philanthropie ».
Messieurs, le pétitionnaire a saisi l'occasion de l'épidémie régnante, pour présenter sa pétition. Il dit : « L'épidémie qui vient de ravager la Belgique démontre de nouveau l'urgence d'une bonne loi médicale et d'une bonne organisation du service de santé.
« Le soussigné vient demander que la Chambre veuille aviser à la révision de la loi sur l'art médical. »
Votre commission, appréciant le bien-fondé de cette demande, a cru devoir engager la commission chargée de l'examen du projet de loi sur la police et la discipline médicales à activer ses travaux et à présenter son rapport sur cet objet dans le plus bref délai possible.
Dans ces termes, elle a l'honneur de vous proposer le renvoi de la pétition à la commission chargée de la police et de la discipline médicales.
- Ces conclusions sont mises aux voix et adoptées.
M. le président. - M. Carlier avait manifesté l'intention de présenter des observations au sujet de la pétition n°3. Cet honorable membre n'étant pas présent, nous pourrions ajourner le rapport sur cette, pétition.
M. Moncheur, de son côté, avait annoncé des observations sur la pétition des habitants d'Eghezée ; je fais la même proposition pour cette pétition.
- Ces propositions sont adoptées.
La Chambre passe à la discussion des rapports ordinaires de pétitions.
M. Vander Donckt, rapporteurµ. - Par pétition sans date, des volontaires belges, ayant fait campagne en Belgique, demandent la création d'une croix ou d'une médaille militaire commémorative à décerner aux anciens volontaires qui n'ont reçu aucune distinction honorifique.
Votre commission a constaté que souvent la Chambre est saisie de semblables pétitions qui n'ont réellement pas de raison d'être.
La commission spéciale nommée dans le temps à cette fin, après avoir terminé ses travaux, a été dissoute sur sa demande. En conséquence, votre commission, sans autre formalité, a l'honneur de vous proposer l'ordre du jour.
- Adopté.
M. Vander Donckt, rapporteurµ. - Par pétition datée de Hasselt, en novembre 1868, l'administration communale de Hasselt demande la restitution des droits de succession à payer sur le legs de cinq mille francs de livres fait à cette ville par feu l'avocat Bellefroid.
Votre commission, examinant cette pétition avec soin, a cru que cette administration communale devrait s'estimer trop heureuse de recevoir un legs de 5,000 francs moyennant le payement du droit d'enregistrement exigé pour ce legs et qu'il n'y avait pas lieu d'admettre la demande du pétitionnaire.
En conséquence elle a conclu à l'ordre du jour.
- L'ordre du jour est prononcé.
M. Vander Donckt, rapporteurµ. - Par pétition datée d'Anvers, le 10 novembre 1808, le sieur Joossens appelle l'attention de la Chambre sur des lettres qu'il a écrites en août 1867 au sujet de la réorganisation de l'ordre judiciaire.
Messieurs, votre commission a constaté que cette pétition est conçue en termes inconvenants et injurieux pour la magistrature, et notamment pour la cour d'appel de Bruxelles.
En conséquence, elle a l'honneur de vous proposer l'ordre du jour.
- Adopté.
M. Vander Donckt, rapporteurµ. - Par pétition datée de Marche, le 7 mai 1868, le sieur Laloi se plaint que le sieur Cerfontaine, commissaire de police à Marche, exerce le commerce.
Messieurs, votre commission n'ayant pas en mains les éléments d'appréciation nécessaires pour juger, en connaissance de cause, de cette affaire, elle a l'honneur de vous proposer le renvoi pur et simple de la pétition, à MM. les ministres de l'intérieur et de la justice.
- Conclusions adoptées.
M. Vander Donckt, rapporteurµ. - Par pétition dalée de Schoonaerde, le 26 octobre 1868, des habitants de Schoonaerde demandent que ce hameau de la commune de Wichelen en soit séparé pour être érigé en commune spéciale.
Messieurs, les pétitionnaires se sont trompés d'adresse ; ils auraient dû s'adresser d'abord à l'autorité provinciale ; toutefois la demande paraît avoir quelque fondement. Il y a de bonnes raisons qui militent en faveur de la séparation. Mais, leur pétition n'ayant pas été envoyée au conseil provincial, votre commission conclut au renvoi de la pétition à M. le ministre de l'intérieur afin de la faire instruire préalablement.
- Conclusions adoptées.
M. Vander Donckt, rapporteurµ. - Par pétition dalée de Sart-Custine, le 23 avril 1868, le collège des bourgmestre et échevins de Sart-Custine présente des observations contre la réclamation de membres du conseil communal relative à la mise en vente d'une coupe de taillis.
Cette pétition, messieurs, a déjà fait l'objet d'un autre rapport que j'ai eu l'honneur de présenter, il y a quelque temps, à la Chambre.
Les observations que les membres du collège présentent constituent une justification du collège des bourgmestre et échevins de Sart-Custine, et n'avaient pour but que d'être communiquées à la commission des pétitions.
En conséquence, messieurs, nous avons l'honneur de vous proposer le dépôt de ces observations au bureau des renseignements.
- Conclusions adoptées.
M. Vander Donckt, rapporteurµ. - Par pétition datée d'Andoy (Wierde), le 28 novembre 1868, le sieur Oger-Bomal demande que le gouvernement fasse abattre les arbres qui bordent la route de Luxembourg, de Namur à Arlon.
Par pétition sans date, des propriétaires et cultivateurs demandent la suppression des arbres qui bordent les routes de l'Etat, dans la traversée du canton de Gembloux.
Les motifs que les pétitionnaires font valoir consistent à dire que ces arbres causent un très grand dommage à leurs cultures ; ils désirent vivement (page 638) que le gouvernement veuille prendre des mesures pour les faire abattre.
Voici en quels termes ils font valoir leurs doléances : « Ces arbres ont acquis le volume ordinaire où ils sont communément mis en vente.
« L'état actuel des choses constitue un véritable fléau pour l'agriculture. Le produit qui en résulte pour la masse des contribuables n'est prélevé que sur une faible partie de ceux-ci, ce qui constitue une dérogation flagrante aux règles d'une économie politique bien entendue comme à celles de l'équité.
« Ces plantations grèvent nos propriétés d'une servitude imposée par la loi au profit de la généralité et au détriment de quelques-uns seulement. »
Votre commission a l'honneur de vous proposer le renvoi de cette requête à M. le ministre des travaux publics.
M. Lelièvreµ. - Je crois devoir appuyer la pétition dont M. le rapporteur vient de faire l'analyse. Il est certain que les plantations d'arbres faites sur les routes par le gouvernement occasionnent souvent des dommages considérables aux propriétés riveraines. Je pense que l'Etat peut faire les plantations sans devoir observer aucune distance, le domaine public, ne pouvant être grevé de servitude ; mais, à mon avis, l'Etat est passible d'une indemnité envers ceux auxquels son fait cause un préjudice. Le gouvernement, pas plus qu'un particulier, ne peut porter atteinte à des propriétés voisines ni les rendre stériles. L'usage du domaine public d'une manière nuisible à autrui fait naître une action en dommages et intérêts. Je recommande donc la pétition et la question qu'elle soulève à l'attention spéciale de M. le ministre des travaux publics.
-- Le renvoi à M. le ministre des travaux publics est prononcé.
M. Vander Donckt, rapporteurµ. - Par pétition datée d'Ostende, le 17 novembre 1868, des propriétaires à Ostende demandent des modifications à la loi, quant à l'exécution du jugement ordonnant le déguerpissement des locataires qui ne payent pas le prix du loyer.
Par pétition sans date, les propriétaires de petites maisons des communes de Marchienne-au-Pont et Monceau-sur-Sambre demandent la révision de la loi qui régit les rapports de propriétaires à locataires de petites maisons.
Messieurs, des discussions ont eu lieu au sein de cette Chambre, à propos de pétitions semblables qui lui ont été précédemment présentées concernant le même objet ; elles ont été renvoyées, par ordre de la Chambre, au département de la justice.
Les pétitionnaires font ressortir les inconvénients et les grands frais qui résultent aujourd'hui pour les propriétaires qui veulent taire déguerpir les locataires malhonnêtes qui ne payent pas.
Ils demandent que les formalités soient réduites ; ils font valoir surtout cette considération qu'ils pourraient louer à d'honnêtes locataires à un prix infiniment inférieur au prix qu'ils sont obligés de louer aujourd'hui.
La commission conclut au renvoi à M. le ministre de la justice.
- Ce renvoi est ordonné.
M. Vander Donckt, rapporteurµ. - Par pétition datée de Bruxelles, le 20 décembre 1868, le sieur Nélis demande que le notariat soit rendu libre.
Par pétition datée de Bruxelles, le 21 décembre 1868, le sieur Vankeerberghen demande que le notariat soit rendu libre.
Messieurs, ce qui a donné lieu à ces pétitions, ce sont les quelques paroles bienveillantes de l'honorable ministre de la justice lorsqu'il a fait pressentir que tôt ou tard peut-être le notariat serait rendu libre, en ce sens que ceux qui ont fait les études nécessaires et satisfait aux mesures requises par la loi, auraient la faculté d'exercer leur profession là où ils je trouveraient bon, comme les médecins, les pharmaciens et autres diplômés.
Votre commission, sans rien préjuger, conclut au renvoi de cette pétition à M. le ministre de la justice.
- Ce renvoi est ordonné.
M. Vander Donckt, rapporteurµ. - Par pétition dalée de Corbeek-Loo, le 14 janvier 188, le sieur Suy-serman se plaint de la lenteur qui est mise à la distribution des Annales parlementaires et des documents qui les complètent.
Le pétitionnaire ne donne guère de bonnes raisons à l'appui de sa plainte. Votre commission cependant, sans rien préjuger, conclut au renvoi à M. le ministre de la justice.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. Vander Donckt, rapporteurµ. - Par pétition datée de Saint-Hubert, le 17 décembre 1868, le sieur Dufour demande que les commissaires de police faisant fonctions d'officiers du ministère public, reçoivent de ce chef un traitement, et prie la Chambre d'accorder à tous les fonctionnaires qui ont pris part aux combats de la révolution, le bénéfice de dix années en plus pour la pension.
La commission, sans rien préjuger, conclut au renvoi à M. le ministre de la justice.
- Adopté.
M. Vander Donckt, rapporteurµ. - Par pétition datée de Seraing, le 17 décembre 1868, le sieur Rogé demande que les commissaires de police, chargés du ministère public près les tribunaux de simple police, reçoivent de ce chef une indemnité.
Par pétition datée de Dour, le 19 novembre 1868, le conseil communal de Dour demande que le gouvernement contribue au payement des émoluments attachés aux fonctions de commissaire de police appelé à. siéger comme ministère public près le tribunal cantonal. La commission conclut au renvoi à M. le ministre de la justice.
- Adopté.
M. Vander Donckt, rapporteurµ. - Par pétition datée de Gand, le 3 décembre 1868, le sieur Balthasar demande que, pour avoir droit à l'allocation mensuelle, les membres de la Chambre soient tenus d'assister aux deux tiers des séances du mois.
Votre commission a cru que le pétitionnaire n'avait rien à voir dans ce que la Constitution et les règlements ont décidé à cet égard. Elle vous propose donc l'ordre du jour.
- L'ordre du jour est prononcé.
M. Vander Donckt, rapporteurµ. - Par pétition datée de Courtrai, le 27 avril 1868, des habitants de Courtrai prient la Chambre de maintenir aux députations permanentes la juridiction actuelle en matière électorale, de laisser intacte la loi du 23 septembre 1842, et d'engager le gouvernement à retirer le projet de loi sur le temporel du culte.
Messieurs, sans rien préjuger, votre commission conclut au dépôt au bureau des renseignements.
- Adopté.
M. Vander Donckt, rapporteurµ. - Par pétition datée de Bruxelles, le 30 novembre 1808,. le sieur Windels se plaint de n'avoir pas été conservé dans la position de correcteur au Moniteur.
Messieurs, le sieur Windels n'était pas employé du gouvernement ; il travaillait en qualité de correcteur intérimaire du Moniteur. Cette pétition ne concerne donc pas la Chambre ; la commission a conclu à l'ordre du jour.
- Adopté.
M. Vander Donckt, rapporteurµ. - Par pétition datée de Liège, le 15 décembre 1868, le sieur Bullot se plaint de la violation de l'article 4 de la loi du 28 décembre 1859 sur l'introduction de la pharmacopée.
Messieurs, le pétitionnaire fait valoir, entre autres considérations, que les poisons et autres matières nuisibles se vendent chez les droguistes et même chez les épiciers. Il désire que le gouvernement avise aux moyens de prévenir les abus qui peuvent résulter de cet état de choses.
Votre commission conclut au renvoi de la pétition à M. le ministre de l'intérieur.
- Adopté.
M. Vander Donckt, rapporteurµ. - Par pétition sans date, des industriels, commerçants et propriétaires à Gand demandent que la compagnie Pissens obtienne la concession d'un chemin de fer de La Pinte à Wondelgem.
Conclusions : Renvoi à M. le ministre des travaux publics.
- Adopté.
M. Vander Donckt, rapporteurµ. - Par pétition datée de Namur, le 20 novembre 1868, le sieur Durieux demande que le juge de paix du canton sud de Namur soit tenu d'opter entre ces fonctions et celles d'inspecteur de cinq cantons pour l’enseignement primaire.
Messieurs, votre commission avait des motifs sérieux de croire que cette pétition portait une fausse signature.
Elle a pris des renseignements. Elle s'est adressée d'abord aux autorités de la ville de Namur, et voici la lettre qu'elle a reçue le 11 octobre 1868 :
« Répondant à votre lettre du 5 de ce mois, j'ai l'honneur de vous retourner la pétition qui y était jointe et de vous informer que M. Durieux, géomètre en cette ville, à qui j'ai présenté cette pièce, m'a déclaré que la signature P.-J. Durieux n'était pas celle de son frère, ancien ingénieur des mines, qui habile Bruxelles, ou plutôt Ixelles.
« Renseignements pris, on ne connaît, à Namur, aucune personne portant le nom de P.-J. Durieux.
« Agréez, etc.
« Le bourgmestre, (signé) X. Lelièvre. »
Votre commission, messieurs, s'est ensuite adressée à l'autorité communale d'Ixelles, et voici la réponse qu'elle a reçue :
« Ixelles, le 18 décembre 1868.
« Monsieur le président,
« Nous avons l'honneur de vous informer que le seul habitant de notre (page 639) commune portant les noms et prénoms de Durieux, Pierre-Joseph, est in ancien ingénieur des mines pensionné, demeurant rue Souveraine, n°67, qui nous a donné la déclaration ci-jointe qui vous prouvera que la signature dont est revêtue ladite requête n'émane pas de lui. «
Agréez, etc.
« Le bourgmestre,
« (Signé) Hap. »
« M. le commissaire de police de la commune dIxelles venant de me communiquer une pétition adressée à la Chambre, des représentants, à l'effet de s'assurer si cette pétition, datée de Namur le 20 novembre dernier, est bien revêtue de ma véritable signature, je déclare que je ne suis pas l'auteur de cette pétition et que la signature dont elle est revêtue n'est pas la mienne, ainsi qu'on pourra s'en assurer par la présente portant ma signature.
« (Signé) Durieux, ingénieur au corps des mines en retraite.
« Ixelles, le 17 décembre 1868. »
Cette déclaration porte la signature de M. Durieux et cette signature ne ressemble en rien à celle de la pétition.
Par conséquent, votre commission, messieurs, a vu là une fausse signature et elle a conclu au renvoi à M. le ministre de la justice pour qu'il fasse traduire l'auteur devant les tribunaux si l'on parvient à le découvrir.
- Adopté.
M. Vander Donckt, rapporteurµ. - Par pétition datée de Bruxelles, le 20 décembre 1868, des porteurs de contrainte demandent qu'il soit pris des mesures pour améliorer leur position.
Messieurs, votre commission a conclu, il y a peu de jours, à l'ordre du jour sur une semblable demande de porteurs de contrainte, parce que ces agents ne sont pas des employés de l'Etat. Elle conclut donc à l'ordre du jour en cette circonstance.
- Adopté.
M. Vander Donckt, rapporteurµ. - Par pétition datée de Vlytingen, le 25 novembre 1868, le sieur Lenaerts réclame l'intervention de la Chambre pour que l'administration de l'enregistrement et des domaines lui rembourse la somme de 25 francs, montant d'une amende qu'il a payée et dont il lui a ensuite été fait remise par arrêté royal du 19 février 1868.
Le sieur Lenaerts, messieurs, ayant été condamné à une amende de 25 fr., a adressé une requête en grâce à Sa Majesté, qui a accueilli sa demande et l'a déchargé de l'amende et des frais.
Il avait déjà payé. Le receveur de l'enregistrement dit qu'il ne peut restituer sans l'ordre du ministre. Celui-ci refuse, si bien que le pétitionnaire ne peut obtenir la restitution des 25 francs qu'il a versés.
Messieurs, je vous rappellerai à ce sujet une affaire du même genre qui a été portée devant la Chambre et qui se rapportait à une amende de mille francs, à laquelle a été condamné le sieur Dineur, agent de change à Bruxelles.
L'honorable ministre des finances, qui était présent lors de la discussion de ce rapport, a déclaré alors que pour restituer les 1,000 fr., il fallait un projet de loi. Il y aurait justice à le faire puisque Sa Majesté a déchargé le réclamant de l'amende. Cependant le projet de loi n'est pas encore présenté.
Si le gouvernement persiste dans son abstention, il faudrait que quelque membre prît l'initiative d'une proposition, afin que justice fût rendue.
En attendant, votre commission a conclu au renvoi de cette pétition à M. le ministre des finances.
M. Coomans. -Si les faits sont tels que les expose l'honorable rapporteur, et je n'en doute pas, il me semble qu'il y a là un abus réel.
Quoiqu'il ne s'agisse que d'une somme de 25 francs, la question mérite d'attirer un instant l'attention de la Chambre, car, si je suis bien informé, elle se présente assez souvent.
Il arrive que des frais judiciaires ou d'autres sommes sont indûment perçus et que les justiciables ou les contribuables éprouvent beaucoup de peine à se les faire rembourser.
Cela est vrai pour la douane, notamment, où il paraît si dangereux de donner trop que l'on tâche le plus souvent possible de donner trop peu.
En Angleterre, il n'en est pas ainsi : toute erreur reconnue est financièrement réparée, sans délai aucun. Ce qui facilite singulièrement le travail des fonctionnaires et ce qui plaît beaucoup aux contribuables.
Ainsi, messieurs, je me rappelle qu'un jour un négociant de Belgique avait payé en trop une somme de 600 francs, l'administration de la douane le reconnaissait, mais il lui a fallu des mois pour rentrer en possession de son argent.
Le même négociant avait payé en trop à Londres une somme supérieure ; on la lui a remboursée immédiatement lorsqu'il s'est présenté avec deux témoins, reconnus solvables, qui répondaient pour lui. Naturellement on se réservait d'examiner ensuite de plus près l'affaire.
Mais pour en revenir au cas qui nous occupe, il importe, ne fût-ce que pour l'honneur de la signature royale, que l'on fasse droit a la demande du pétitionnaire.
Quoi ! un citoyen se donne la peine de demander d'être affranchi d'une amende de 25 francs ; le gouvernement et le Roi se donnent la peine de lui octroyer un arrêté royal qui l'en libère et cet arrêté n'est pas suivi d'exécution !
Je ne comprends pas qu'on laisse en souffrance la signature royale pour 25 francs ; cela ne peut que produire le plus mauvais effet ; dans tous les cas je trouve cela absurde et inconstitutionnel et je prie la Chambre de demander des explications à cet égard à M. le ministre des finances.
MiPµ. - Il est très aisé de donner à la Chambre les explications que M. Coomans l'engage à demander.
Lorsqu'une peine n'a pas été exécutée, l'arrêté de grâce a pour effet que cette peine ne sera pas exécutée ; ainsi, si un individu est condamné à l'emprisonnement, il n'ira pas en prison ; s'il est condamné à une amende, il ne payera pas l'amende. Mais en vertu des lois fiscales, lorsqu'une amende a été payée, s'il intervient un arrêté de grâce faisant remise de l'amende, cet arrêté tombe à faux, parce qu'il ne tombe pas sur la peine qui n'est pas exécutée, mais sur la peine qui est déjà exécutée.
Il en résulte que M. le ministre des finances ne peut pas faire la restitution de l'amende.
II faudrait dans ces cas proposer à la législature une loi ayant pour objet d'accorder la remise de l'amende.
C'est là, je crois, l'explication que vous donnerait l'honorable ministre des finances.
M. Coomans. - Il me semble, messieurs, que l'explication de M. le ministre aggrave la situation. D'abord, elle confirme ce que j'ai eu l'honneur de vous dire et ce dont je me plaisais à douter, à savoir qu'on n'exécute pas certains arrêtés royaux.
Mais, me dit l'honorable ministre de l'intérieur, on ne les exécute pas, parce qu'on ne peut pas les exécuter.
Cette assertion, messieurs, me paraît erronée. Je conçois qu'un individu qui a subi l'emprisonnement ne puisse pas avoir la réparation qui lui est due ou, pour parler plus exactement, ne puisse pas profiter de la faveur qu'on lui accorde, car comment voulez-vous que l'individu qui a été emprisonné ne l'ait point été ?
Cela est complètement impossible ; il y aurait trente-six arrêtés royaux qui interviendraient que cela ne changerait pas la nature des choses. Mais vous devez faire ce qui est possible et ce que la justice ordonne ; or, ce qui vous est possible, c'est de restituer une amende qui a été indûment perçue. Je dis indûment puisqu'il est intervenu un arrêté royal qui déclare que l'individu ne la devait pas.
Mais, messieurs, en vérité n'avouez pas ainsi que vous agissez aussi à la légère, vous êtes inexcusables de ne pas savoir que cet individu avait déjà payé.
Vous avez assez de fonctionnaires pour vous assurer d'un semblable fait.
Mais quand vous avez reconnu que la peine était excessive, qu'il y avait lieu de lui faire grâce au moins de l'amende, quand vous avez reconnu cela, quand vous vous êtes occupés de ce fait quelque léger qu'il soit, quand vous en avez saisi l'attention de Sa Majesté, il faut que votre arrêté royal soit exécuté, et ce n'est pas une raison aujourd'hui de chercher une assimilation, qui n'existe pas, entre l'amende et l'emprisonnement. L'emprisonnement est irréparable quand il a été accompli, mais le payement indu d'une somme est un acte réparable.
Je maintiens donc toutes mes observations ; seulement, si l'honorable ministre de l'intérieur m'affirme que l'honorable ministre des finances ne peut pas me fournir de meilleures explications que celles-là, je n'y tiens pas et j'y renonce.
M. Vander Donckt, rapporteurµ. -Toute l'affaire provient de ceci : c'est que l'individu condamné à 25 francs d'amende est poursuivi l'épée dans les reins par le receveur de l'enregistrement qui fait rentrer avec persistance le montant des amendes.
Si, lorsqu'une demande en grâce est soumise à la couronne, on suspendait l'exécution du jugement, ces faits ne se présenteraient plus.
M. Lelièvreµ. - Je pense qu'il est évident que le pétitionnaire doit obtenir la restitution de l'amende qu'il a acquittée. Voici ce qui se passe souvent : Un individu est condamné à une amende ; il se pourvoit en grâce, le pourvoi n'est pas suspensif de l'exécution du jugement. En conséquence le receveur de l'enregistrement exige le payement nonobstant le recours en (page 640) grâce. Le condamné paye ainsi l'amende comme contraint et forcé. Si postérieurement le pourvoi est accueilli, il est évident que le payement a eu lieu indûment. L'accueil du recours en grâce a évidemment un effet rétroactif.
Je pense donc que le gouvernement, examinant cette affaire avec l'impartialité qui le caractérise, fera droit à la réclamation du pétitionnaire, qui me paraît fondée.
Il n'est pas possible qu'un payement fait par le condamné comme contraint et forcé lui enlève le bénéfice d'un arrêté de grâce qui, du reste, comme décrétant une faveur, doit être interprété largement.
M. le président. - La commission propose le renvoi de la pétition à M. le ministre des finances. M. Coomans a renoncé à la demande d'explications.
- Le renvoi est prononcé.
M. Vander Donckt, rapporteurµ. - Par pétition sans date, des habitants de Waelhem demandent un dégrèvement de charges en faveur du cette commune.
Messieurs, voici les motifs qui ont engagé les pétitionnaires a s'adresser à la Chambre, pour se plaindre de ce qu'ils sont surchargés. Ils déclarent que tous les habitants du royaume étant égaux devant la loi, dans cette commune, au contraire, on paye un tiers de plus que dans les communes voisines, parce que peut-être l'administration de cette localité fait des dépenses au-dessus de ses ressources et qui ne sont pas nécessaires.
Votre commission, sans rien préjuger, conclut au renvoi à M. le ministre de l'intérieur.
- Adopté.
M. Vander Donckt, rapporteurµ. - Par pétition datée de Lodelinsart, le 23 novembre 1868, le sieur Verheggen prie la Chambre de lui faire remettre la croix de l'ordre, de Léopold, qu'il prétend lui avoir été conférée, ou de lui communiquer l'un des rapports adressés contre lui pour empêcher la remise de cette décoration.
Par pétition datée de Lodelinsart, le 30 novembre 1868, le sieur Verheggen demande d'être poursuivi pour calomnie, s'il a énoncé le contraire, de la vérité dans ses pétitions tendantes à obtenir la décoration de l'ordre de Léopold qui lui aurait été conférée.
Le sieur Verheggen a déjà adressé à la Chambre, une dizaine de pétitions sur lesquelles l'assemblée a successivement adopté l'ordre du jour.
La commission des pétitions, pour en finir une bonne fois, s'est adressé à M. le ministre de l'intérieur, pour savoir si réellement il y avait quelque chose dans le sens indiqué par le pétitionnaire.
M. le ministre a répondu négativement.
Voici sa réponse :
« Bruxelles, le 8 mars 1869.
•« Monsieur le président,
« En réponse à la lettre que vous m'avez adressée le 4 de ce mois, j'ai l'honneur de vous informer, non seulement que la croix de l'ordre de Léopold n'a point été conférée au sieur Pierre-Joseph Verheggen, de Lodelinsart, mais qu'il ne s'est jamais agi de la lui conférer.
« Agréez, monsieur le président, l'assurance de, ma considération très distinguée.
« Le ministre de l'inférieur, « Ern. Pirmez.
« A M. le président de la commission des pétitions de la Chambre des représentants. »
Les honorables rapporteurs qui m'ont précédé ont fait comprendre à la Chambre que cet individu était sous l'empire d'une hallucination ; je ne vais pas jusque-là ; mais, je le répète, pour en finir une bonne fois, je proposerai à la Chambre de décider que chaque fois qu'une pétition du sieur Verheggen serait adressée à la Chambre, M. le président serait autorisé à n'en pas faire présenter l'analyse.
M. Bouvierµ et d'autres membres. - Non ! non ! Ce serait inconstitutionnel.
M. Vander Doncktµ. - N'oubliez pas qu'il s'agit d'un halluciné, M. Bouvier ; toutefois, messieurs, la commission a l'honneur de vous proposer l'ordre du jour.
MiPµ. - Messieurs, j'ai écrit au bourgmestre de Lodelinsart pour le prier d'engager le sieur Verheggen à ne plus faire de démarches, attendu qu'il n'était pas décoré et qu'il ne s'agissait pas de le décorer.
M. Coomans. - Décorez-le.
- L'ordre du jour sur les pétitions du sieur Verheggen est mis aux voix et prononcé.
(page 580) - La séance est levée à 4 3/4 heures.