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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 9 mai 1868

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1867-1868)

(Présidence de M. Dolezµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1203) M. Reynaert, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à une heure et quart et donne lecture du procès-verbal de la séance précédente.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

Il présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Le bourgmestre, les conseillers communaux et les habitants de Vinalmont prient la Chambre : 1° d'accorder au chemin de fer concédé de Landen à Aye un minimum d'intérêt calculé seulement sur le capital réduit au coût réel des travaux ou d'autoriser la compagnie à établir des prix de tarifs plus rémunérateurs que ceux déterminés par l'Etat ; 2° d'engager le gouvernement à mettre la compagnie concessionnaire en demeure d'exécuter sans délai ses engagements ou de la déclarer déchue de ses droits. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Même demande des bourgmestres, conseillers communaux et habitants de Hannut, Acosse, Petit-Hallet, Avin, Ville-en-Hesbaye, Fallais, Wansin, Wamont, Houtain-l'Evêque, Walsbetz, Leun-Saint-Remy, Poucet, Avenues, Creecn, Tourinnes-la-Chaussée, Villers-le-Peuplier, Latinne, Thisnes, Braives, Ciplet, Cras-Avernas, Merdorp, Trognée, Wasseige, Embressin, Avernas-Ie-Bauduin, Meeffe. »

M. De Lexhy. - Je demande le dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux publics.


« Le sieur Sloek réclame contre une condamnation prononcée à sa charge par la cour militaire. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Biourge prie la Chambre de revenir sur la décision qu'elle a prise au sujet de sa pétition tendante à faire améliorer la position des porteurs de contraintes. »

- Même renvoi.


« Des habitants de Gand demandent que les élections de la garde civique soient différées jusqu'après la réorganisation de la garde. »

- Même renvoi.


« Le sieur Laloi se plaint que le sieur Cerfontaine, commissaire de police à Marche, exerce le commerce. »

- Même renvoi.


« Les secrétaires communaux du canton de Stavelot, demandent une loi fixant le minimum des traitements des secrétaires communaux. »

- Même renvoi.


« Les sieurs Van Meurs, Palaster et autres membres de la ligne de l'enseignement à Malines, proposent des modifications au système actuel de l'enseignement moyen. »

- Même renvoi.


« M. le ministre de la justice adresse à la Chambre deux exemplaires du tome Ier du recueil des coutumes des pays et comté de Flandre, publié par la commission royale des anciennes lois et ordonnances de la Belgique. »

- Dépôt à la bibliothèque.


« Le collège des bourgmestre et échevins de la ville de Verviers adresse à la Chambre 124 exemplaires d'une protestation du conseil communal de Limbourg contre la requête du conseil communal de Dison tendante à obtenir le transfert dans cette commune du siège de la justice de paix du canton de Limbourg. »

- Distribution aux membres de la Chambre.


« MM. Beeckman, Crombez, Magherman, Alp. Vandenpeereboom, obligés de s'absenter pour affaires urgentes, demandent un congé. »

- Accordé.

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l’exercice 1868

Discussion générale

M. Snoy. - Je viens, comme mon honorable collègue, M. Le Hardy de Beaulieu, prier M. le ministre des travaux publics de faire un accueil favorable à la demande d'établissement d'une station à Florival, demande formée par un grand nombre d'habitants de la localité et des environs.

Lorsque nous avons remis cette pièce à M. le ministre, il a bien voulu nous promettre d'interposer ses bons offices pour arriver à une entente à ce sujet avec le Grand-Central.

De mon côté, je crois savoir que certaines personnes sont disposées à faire un sacrifice pécuniaire qui faciliterait la solution désirée.

J'ai moins d'espoir, je l'avoue, de voir la ville de Wavre obtenir satisfaction du gouvernement. Voici bientôt vingt ans que les Wavriens réclament l'exécution d'engagements pris envers eux. Leurs droits n'ont jamais été contesté, il est vrai, mais rien n'a été fait pour y donner satisfaction.

Cette question m'a préoccupé à bon droit depuis longtemps. Je crois avoir trouvé une solution qui répondrait pleinement aux vœux légitimes de la ville de Wavre. Des motifs de convenances personnelles ne me permettent pas d'indiquer dès aujourd'hui cette solution à la Chambre. Mais je compte que le moment venu, le concours de mon honorable collègue, M. Le Hardy de Beaulieu, me sera acquis et que, de son côté, M. le ministre des travaux publics accueillera favorablement les propositions que nous aurions à lui faire.

Quant à l'exécution du chemin de fer direct de Luttre à Bruxelles, je regrette de devoir dire que je n'ose encore y compter. Le gouvernement a promis, il est vrai, de mettre la main à l'œuvre. Mais malheureusement ces promesses, renouvelées si souvent dans différentes circonstances, et dont l'historique serait assez original, me laissent bien des doutes, bien des craintes. Je serais bien heureux si, contre mon attente, les promesses étaient, cette fois enfin, suivies d'exécution, et j'en remercierais bien sincèrement M. le ministre des travaux publics.

Je ne finirai pas sans appeler l'attention de M. le ministre sur lu ville de Genappe, dont la situation est devenue vraiment déplorable par suite du détournement des communications. J'ai reçu récemment de Genappe des lettres qui me font un triste tableau de cette situation.

Si le gouvernement exécute, comme il le promet, la jonction directe de Luttre à Bruxelles, ne pourrait-il pas concéder la section de Marbais à Waterloo par Genappe, et rendre la voie commune avec celle de l'Etat jusqu'à Bruxelles ?

M. Magemansµ. - Messieurs, je désire, à mon tour, profiter de l'occasion qui m'est offerte et formuler une réclamation très importante pour une partie de l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter.

Par une loi, en date du 12 août 1862, le gouvernement a été autorisé à concéder « un chemin de fer de Frameries à Chimay, avec embranchement de Beaumont sur Thuin, aux clauses et conditions de la convention et du cahier des charges du 5 mai 1862. »

L'article premier du cahier des charges, annexé à la convention, porte : « Le chemin de fer dont la concession est accordé aux clauses et conditions du présent cahier des charges prendra son origine à Frameries et aboutira au chemin de fer de Chimay ; il y aura un embranchement de Beaumont à Thuin. »

La concession de ce chemin de fer a été accordée à M. Simon Philippart, par arrêté du 29 avril 1865.

Aux termes de l'article 14 du cahier des charges, les travaux de construction de cette ligne devaient être terminés et le chemin de fer livré à l'exploitation dans un délai de trois ans.

Ce délai est expiré depuis le 29 avril dernier, et les conditions sont loin d'avoir été remplies. La compagnie des bassins houillers du Hainaut qui a succédé à M. Philippart n'a construit de toute cette ligne que la section de Frameries à Peissant.

Je commence par me rallier entièrement aux observations des honorables MM. Le Hardy de Beaulieu, Jouet et Snoy et demande avec eux que l'Etat mette le plus promptement possible la main à l'œuvre pour l'exécution du chemin de fer de Luttre à Bruxelles, qui, les travaux de Charleroi à Beaumont terminés, rendront plus promptes et plus faciles les communications entre notre arrondissement et la capitale d'une part, et les différents bassins houillers de l'autre.

(page 1204) Mais je viens ensuite et surtout réclamer énergiquement contre les lenteurs que la compagnie des bassins houillers met à exécuter certains travaux qui lui sont concédés, et j'insiste fortement auprès de M. le ministre des travaux publics, pour qu'il la mette en demeure d'exécuter tous ses engagements et l'oblige à se remettre immédiatement à l'œuvre et à continuer activement la construction du chemin de Frameries à Chimay, avec un embranchement de Beaumont sur Thuin.

Les plus grands intérêts sont lésés, compromis par le retard mis à l'exécution de cette ligne. Non moins que la loi, l'équité exige qu'il soit fait droit aux plaintes légitimes des villes et des communes importantes qui restent par suite de cette fâcheuse lenteur déshéritées de toute voie ferrée.

Les cantons que cette ligne doit traverser abondent en richesses qui ne demandent que l'établissement d'un chemin de fer pour être avantageusement exploitées : bois, produits agricoles, marbres, minerais, tout cela reste en souffrance faute de débouchés, de transports faciles.

Cette ligne d'ailleurs a une grande importance par sa situation, elle reliera Mons et le Borinage à Chimay, qui se relie d'autre part à la grande voie construite par la Compagnie du Nord et qui, parlant de Momignies, vient à Hirson rencontrer le chemin de fer de Laon, Soissons et Paris.

L'honorable M. Vanderstichelen, alors ministre des travaux publics, avait compris toute l'importance d'une prompte exécution de la ligne de Frameries à Chimay. Il nous avait fait des promesses formelles, nous assurant qu'il obligerait la Compagnie concessionnaire à exécuter promptement et complètement toutes les conditions de son contrat.

Je ne doute pas que l'honorable M. Jamar, qui lui a succédé peu après au département des travaux publics, ne veuille bien me confirmer les promesses de son honorable prédécesseur.

Les délais sont expirés, rien ou peu de chose est fait ; les plans n'ont que trop longtemps dormi dans les cartons ; les populations s'impatientent et s'inquiètent à juste titre. Il est temps, plus que temps, que cet état de choses finisse, que la loi soit exécutée, et, s'il n'y a pas d'autre moyen, il faut que la compagnie soit mise en demeure judiciaire de remplir ses engagements.

An reste j'ai bon espoir dans la réponse que voudra bien me donner M. le ministre des travaux publics ; je sais qu'il vient d'envoyer ces jours derniers à Beaumont un ingénieur de l'Etat chargé d'examiner les plans du tracé de Beaumont vers Peissant et Erquelinnes et le tracé de Beaumont vers Thuin ; ce sont, faut-il espérer, des prémisses de bon augure.

Puisque j'ai la parole, et que je parle chemins de fer, je voudrais en profiter pour attirer l'attention de l'honorable ministre des travaux publics sur un autre point. Le système employé en Belgique pour prendre les coupons, quand les trains sont en marche, est bon peut-être au point de vue de l'économie de temps, mais il offre d'immenses dangers pour les gardes-convois, dont la vie est réellement exposée par suite de| l'exercice gymnastique auquel ils doivent se livrer.

A chaque instant il arrive des accidents. C'est l'hiver surtout que le danger augmente. Les mains glacées par le froid peuvent à peine saisir la barre de fer ; les pieds glissent sur la planchette couverte de givre que les employés sont obligés de parcourir.

Ce système n'existe plus qu'en Belgique ; entre Liège et Namur, on l'a même supprimé. L'humanité, me paraît-il, exigerait qu'on le supprimât partout.

Je désirerais donc que l'on étudiât le système employé en France, en Angleterre, en Hollande, en Espagne, où les coupons sont vérifiés au départ et reçus à l'arrivée, ou bien le système en usage, par exemple, dans une partie de l’Allemagne, en Suisse, en Italie, où un couloir est aménagé dans l’intérieur même des voitures le long des trains.

M. Mullerµ. - Et les courants d'air ?

M. Hagemansµ. - Je ne m'en suis jamais aperçu plus là-bas qu'ici ; en tous cas, il reste le système français, puisque de toute façon le système à passage intérieur exigerait une plus grande largeur de la voie ferrée.

Je soumets, du reste, ces observations à l'honorable ministre des travaux publics, et j'espère qu'il voudra bien les examiner.

M. Descampsµ. - Messieurs, la section centrale a exprimé son étonnement que les travaux de canalisation de la Dendre, qui devaient être terminés le 1er janvier 1867, soient, ainsi que vous l'a dit hier l'honorable M. Jouret, en ce moment encore inachevés. Elle a ajouté qu'il est très regrettable, que les parties de la Dendre non canalisées soient laissées, dans l'abandon le plus complet.

La Dendre est navigable, il est vrai, depuis quelques mois, mais avec un tirant d'eau de 1 m 50 seulement au lieu de 2 m10 qu'exigeait le cahier des charges. Des digues, construites dans le sable mouvant, se sont éboulées dans la rivière, et des travaux de dragage seraient donc indispensables ; ces travaux ne se font pas ou ils s'exécutent avec une lenteur désespérante. Si mes renseignements sont vrais, le gouvernement aurait proposé à la compagnie concessionnaire qui doit exploiter le canal, de faire la réception de cette voie de communication qu'il se chargerait d'approfondir ensuite. Jusqu'ici rien n'a été fait, de sorte que le passage des bateaux à certains endroits exige l'emploi de deux, de quatre et même de six chevaux.

Du reste, les améliorations qu'on nous promet depuis si longtemps ne seront, pour ainsi dire, qu'illusoires, ainsi que l'a dit encore notre honorable collègue de l'arrondissement de Soignies, tant qu'il existera, à Lessines, une solution de continuité qui rendra la navigation très difficile, sinon impossible. Là, en effet, un procès, entamé depuis quatre ans et dont nous n'entrevoyons pas encore l'issue, a forcé d'interrompre la canalisation.

Cette circonstance oblige les bateliers à naviguer par les anciens pertuis qui ne peuvent donner passage aux bateaux de 220 tonneaux.

J'appelle sur ce point l'attention la plus sérieuse de M. le ministre des travaux publics, et je l'engage vivement à stimuler le zèle et l'énergie des agents et des conseils chargés de soutenir les droits de l'Etat ; le rapport des experts qui, si je suis bien renseigné, devait être présenté au mois de septembre dernier, vient seulement d'être déposé. Cette situation est déplorable ; non seulement elle entrave, de la manière la plus préjudiciable, les relations commerciales et industrielles des localités que relie cette voie importante de communication, mais l'inexécution prolongée des obligations assumées par l'Etat pourrait, dans certains cas donnés, engager gravement sa responsabilité.

Quant à la partie de la Dendre non canalisée, les travaux les plus urgents qui devraient y être exécutés consistent surtout dans le dévasement du lit de la rivière, dans des réparations au fossé de ceinture qui entoure la ville d'Ath et qui sert à l'évacuation des eaux de la rivière en temps de crue, et enfin, dans la reconstruction du cabinet de manœuvre au barrage du grand moulin de cette ville. Ce bâtiment, étançonné depuis deux ans, est dans un état de délabrement tel, que si la reconstruction n'en était pas très prochainement entreprise, il deviendrait très dangereux d'y pénétrer pour exécuter les manœuvres des écluses.

Il est un bras de la Dendre que l'Etat s'est refusé de curer, sous prétexte, il est vrai, que, quoique cette dérivation eût toujours servi aux manœuvres de la navigation, notamment pour assurer, la remonte des bateaux dans l'intérieur de la ville d'Ath, ces manœuvres devenant aujourd'hui inutiles, sinon impossibles, par suite de la canalisation de la Dendre et de la démolition des barrages établis dans les fortifications, l'Etat croit qu'il y a lieu, pour lui, d'abandonner l'administration de ce bras de rivière, et d'en laisser l'entretien à la charge de la ville.

Or, ce bras faisant partie de la rivière, se trouve subordonné au régime du cours principal de la Dendre, il participe donc à sa domanialité, car la domanialité embrasse les dérivations même non navigables ni flottables des rivières.

Ce principe, conforme à la législation ancienne et moderne (arrêts du conseil du 10 août 1697, déclaration du 13 août 1709, avis du conseil d’Etat du 22 juin 1824 et du 21 juin 1826) et à la jurisprudence de la cour de cassation du 14 novembre 1844, vient d’être confirmé par un arrêt de la cour d’appel de Bruxelles, du 4 décembre 1867, dans une affaire de dérivation de la Nèthe à Lierre.

Le bras d'un fleuve ou d'une rivière non navigable ou flottable est, comme le fleuve ou la rivière, une dépendance du domaine public national.

Que, si le département des travaux publics veut, comme on lui en attribue l'intention, provoquer un arrêté royal déclarant que le bras principal a cessé d'être navigable, afin que le bras secondaire perde le caractère qui lui est attribué, et que l'entretien du cours d'eau devienne la charge des riverains, la ville d'Ath réclamera que l'Etat, abandonnant l'administration de la rivière, enlève le barrage construit au milieu du bras secondaire et qui produit la majeure partie des atterrissements.

Si, ce qui me paraît indispensable, ce barrage doit être maintenu pour permettre l'alimentation des moulins, l'Etat devra nécessairement curer les envasements produits par son barrage, car les règlements ne mettent pas seulement le curage à la charge des riverains, mais aussi à la charge de ceux qui occasionnent les atterrissements. Je prie donc M. le ministre des travaux publics de vouloir bien (page 1205) examiner très sérieusement la question soulevée, cet examen lui démontrera, je n'en doute nullement, que l'abstention de l'Etat depuis quelques années, en ce qui concerne l'exécution des charges qui lui incombent, a gravement contribué à créer une situation déplorable, extrêmement nuisible à la sauté publique, et qu'il est urgent d'améliorer dans le plus bref délai possible. Je crois que le gouvernement, après avoir soumis la question à une étude nouvelle, s'arrêtera au projet qui avait, il y a quelques années, été proposé par M. l'ingénieur en chef Maus, et qui consistait à supprimer le bras secondaire de la Dendre et a le remplacer par un égout.

L'exécution de ce projet rétablirait les conditions de salubrité que réclame la ville d'Ath, en même temps qu'elle mettrait l'Etat à même de remplir les obligations qui le lient vis-à-vis des usiniers de la Dendre, dans cette ville.

Je voulais également appuyer, auprès du gouvernement, les réclamations qui lui ont été adressées par les exploitants de pierres bleues dites petit granit, contre l'emploi réellement abusif fait depuis quelques années, dans les constructions entreprises pour compte de l'Etat, de la pierre blanche qui nous vient de l'étranger.

Mais notre honorable collègue M. de Macar, qui a fait une étude toute spéciale de la question, se proposant de la traiter tout à l'heure dans tous ses détails, je me dispenserai, pour épargner les moments de la Chambre, de la développer à mon tour.

Je demanderai maintenant, messieurs, qu'il me soit permis de réclamer de M. le ministre des travaux publics, quelques éclaircissements relatifs à la construction de deux lignes de chemins de fer qui intéressent tout particulièrement l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter dans cette Chambre. Je veux parler de la ligne de Saint-Ghislain à Ath et du tronçon d'Enghien à Renaix, du chemin de fer de Braine-le-Comte à Courtrai.

La première de ces deux lignes a été concédée à la société de Hainaut-Flandres, par la loi du 2 mai 1856. Je ne vous rappellerai pas les vicissitudes sans nombre qui ont retardé depuis 12 ans l'exécution de cette ligne, ni les réclamations fréquentes qui se sont élevées à ce sujet dans cette enceinte et au Sénat. Enfin, toutes les difficultés semblaient aplanies, la construction de la ligne paraissait même avoir reçu déjà un commencement d'exécution, lorsque tout à coup, par des circonstances restées jusqu'à ce jour inexpliquées, la réalisation du projet a été complètement suspendue et entravée, dit-on, par de nouvelles décisions du département des travaux publics. Cependant la ligne en projet mérite toute la sollicitude du gouvernement ; elle traverse des localités riches et populeuses où des industries nombreuses n'attendent, pour atteindre un développement considérable, que la construction de l'artère depuis si longtemps promise et toujours ajournée.

La seconde ligne dont je parlais tout à l'heure, celle de Braine-le-Comte à Courtrai, se construit, en ce moment, de Renaix à Courtrai, mais les concessionnaires paraissent peu pressés d'exécuter le tronçon d'Enghien à Renaix. Cependant ce chemin de fer, comme celui de Saint-Ghislain à Ath, est appelé à desservir, sur un parcours de quelques lieues seulement, des localités très importantes, telles que Lessines, Wodecq, Flobecq, qui a près de 5,000 habitants, et Ellezelles qui en compte 5,500. Cette ligne a été décrétée dans le but de créer un débouché nouveau aux houilles du bassin de Charleroi et du Centre qui suivraient, si le tronçon en question ne s'exécutait pas, la ligne de Hainaut-Flandres par Mons et n'arriveraient à Courtrai qu'après un long détour pratiqué, dans ce cas, au préjudice de la recette des lignes de l'Etat. Cette ligne doit encore favoriser les débouchés des carrières des Ecaussines et unir les populations si denses de cette partie du Hainaut avec celles de la Flandre occidentale. D'ailleurs, lorsque, l'an dernier, le gouvernement nous proposait d'exonérer la société des chemins de fer de l'Ouest de la Belgique, de la construction de la ligne de Grammont à Audenarde, il invoquait, pour justifier cette demande, le parallélisme de cet embranchement avec la ligne de Lessines à Renaix.

Rappelant dans son exposé des motifs les paroles qu'il avait prononcées dans la séance de la Chambre des représentants du 9 décembre 1865, M. le ministre disait :

« Entre le jour où. cette concession (celle de Grammont à Nieuport) avait été primitivement accordée et le jour où cette modification (celle de l'exonération de la section de Grammont à Audenarde) a été demandée, il s'était présenté un fait très intéressant, c'est que le gouvernement, en vertu d'une ancienne loi, avait concédé le chemin de fer de Braine-le-Comte à Courtrai ; or, il suffit de regarder la carte pour s'assurer que cette ligne et celle de Grammont à Audenarde sont presque parallèles, qu'elles desservent le même plateau. »

La section centrale chargée d'examiner le projet de loi concernant l’exonération proposée par le gouvernement, s’émut de la longue inactivité des travaux de la ligne de Braine à Courtrai, appelée à remplacer en partie celle dont on voulait sublever la compagnie de l’Ouest. Elle décida donc de demander à M. le ministre des travaux publics des renseignements concernant la construction de la ligne en question, et particulièrement de la section de Lessines à Renaix, ligne dont le parallélisme avec le chemin de fer de Grammont à Audenarde était invoqué pour justifier l’exonération demandée.

M. le ministre répondit :

« Les travaux du chemin de fer de Braine-le-Comte à Courtrai ne sont pas encore commencés. Les événements politiques et la crise financière qui en ont été la conséquence ont exercé leur fâcheuse influence sur cette entreprise comme sur tant d'autres.

« Des négociations sérieuses se poursuivent en ce moment pour la reprise de l'affaire, et le gouvernement a tout lieu d'espérer que l'on mettra bientôt la main à l'œuvre.

« Un cautionnement de 400,000 fr. est déposé dans la caisse du trésor public à titre de garantie de la concession. »

Eu bien, aujourd'hui, les négociations auxquelles l'honorable M. Vanderstichelen faisait allusion, ont abouti, l'affaire est passée entre les mains d'une société puissante, et la ligne se construit de Courtrai a Renaix ; seulement, s'il faut en croire les bruits qui circulent dans le public, la société concessionnaire se montre aussi peu soucieuse de continuer sa ligne en deçà de Renaix vers Lessines, que l'était la société de l'Ouest de construire le tronçon parallèle d'Audenarde à Grammont.

Je ne saurais engager trop vivement M. le ministre des travaux publics à veiller avec sollicitude aux intérêts des nombreuses populations que doit desservir la ligne décrétée, et à hâter, autant que possible, la construction de cette voie importante qui, d'après les engagements de la compagnie concessionnaire, devrait être complètement terminée le 1er septembre prochain.

M. le ministre donnera ainsi satisfaction à un canton important qui, malgré sa population compacte, est un des plus isolés de notre province.

M. de Macarµ. - Messieurs, à l'exemple de quelques-uns de nos collègues que vous venez d'entendre, je me vois obligé, en commençant mon discours, de vous entretenir de quelques sujets intéressant particulièrement mon arrondissement.

Je demanderai d'abord à l'honorable ministre des travaux publics de vouloir s'occuper sérieusement de la question d'achèvement de la route entre Aywaille et Comblain-au-Pont. Cette route est destinée à mettre en communication avec le chemin de fer de l'Ourthe des localités importantes où des industries sérieuses existent, localités qui, si je n'obtiens pas ce que je demande, seront encore pour quelque temps privées des avantages du chemin de fer. Je dois reconnaître que l'ancien ministre des travaux publics, M. Vanderstichelen, a traité cette question avec bienveillance ; ce que je demande à son successeur, c'est de faire ce qui sera possible pour hâter une solution qu'attendent avec une impatience très vive de nombreuses populations.

Messieurs, je dois aussi vous parler du chemin de fer de Hesbaye-Condroz dont la concession est obtenue depuis 1865 et qui se trouve encore aujourd'hui à peu près dans le même état que celui où il était quelque temps après que la concession eut été accordée.

Je veux le déclarer immédiatement et je ne puis que redire à cet égard ce que j'ai dit il y a quelque temps, je ne demande pas la déchéance immédiate des concessionnaires. Je reconnais qu'ils ont eu à commencer leur entreprise dans des circonstances difficiles et qu'il y a eu des motifs sérieux qui les ont empêchés d'exécuter leurs engagements

Mais je crois que cet état de choses ne peut se perpétuer indéfiniment. Je pense qu'il y aurait lieu d'examiner si le capital de la société anonyme n'a pas été quelque peu exagéré.

S'il en était ainsi, et je n'ose l'affirmer, je crois que le département des travaux publics devrait prendre des mesures pour empêcher que toute une contrée ne soit privée pour très longtemps peut-être des bienfaits d'un chemin de fer, parce que, fondée dans des conditions désavantageuses, une société rencontrerait des difficultés à réaliser les capitaux nécessaires à l'exploitation de sa concession.

Je crois utile, à cet égard, de rappeler aux concessionnaires que (page 1206) l’article 18 de l’acte de concession établit clairement que, dans le cas où ils n’existeraient pas leurs engagements, « la partie du cautionnement des concessionnaires évincés qui n'aurait pas été restituée serait retenue à titre d'indemnité. »

C'est un point qui ne manque pas d'importance.

J'ai sous les yeux, messieurs, de nombreuses pétitions parvenues a la Chambre ; elles attestent de nouveau combien la question intéresse les arrondissements de Huy et de Waremme.

Messieurs, je me joindrai à mes honorables collègues de la province de Namur pour réclamer l'exécution, dans le plus bref délai possible, des barrages sur la Meuse en amont de Namur. Je crois qu'il y a d'autant plus d'intérêt à les faire immédiatement, qu'une société de louage doit prochainement exploiter la Meuse et les canaux entre Anvers et la frontière française, et que les retards apportés à l'exécution des barrages vont forcer la compagnie à établir des péages différentiels sur la partie de la Meuse canalisée et sur la partie non canalisée, les câbles devant être d'un prix plus élevé dans le second cas que dans le premier.

Puisque je m'occupe de la Meuse, je demanderai également à M. le ministre des travaux publics de s'occuper quelque peu de la réparation des murs et balustrades du halage de la Meuse ; l'état de ces objets laisse encore énormément à désirer.

L'année dernière, l'honorable M. Vanderstichelen avait bien voulu se montrer disposé à s'occuper de cette affaire. Jusqu'ici, la solution donnée est insuffisante et incomplète.

J'arrive à la question que mes honorables amis, MM. Jouret et Descamps, ont bien voulu me convier à traiter. Il s'agit des réclamations des maîtres de carrière de Belgique qui se plaignent très vivement de la préférence accordée par le gouvernement, dans les travaux d'utilité publique, à la pierre étrangère sur la pierre indigène, à la pierre blanche sur la pierre bleue. (Interruption.)

On me dit d'attirer l'attention de M. le ministre de la justice sur cette question ; je me hâte de le faire. On est occupé en ce moment de la construction du palais de justice de Bruxelles, je réclame sa bienveillance, ne fût-ce qu'à litre d'intervention officieuse.

Messieurs, la question soulevée par les propriétaires de carrière est sérieuse. L'industrie des carrières occupe une place importante en Belgique, surtout dans les provinces de Hainaut, de Liège et même de Namur. Ses produits atteignent une valeur moyenne d'environ 10 millions par année et d'après un relevé fait par les maîtres de carrière au 31 décembre 1866, elles donnaient du travail à 7,076 ouvriers, non compris les ingénieurs, les dessinateurs et tout le personnel employé dans les bureaux.

J'ajouterai que cette industrie s'est établie surtout dans des localités où d'autres industries ne s'exercent pas. Elle produit donc de grands avantages pour les populations agricoles de ces localités ; la valeur de la main-d'œuvre y a. été sans aucun doute notablement augmentée.

Messieurs, la question dont je m'occupe aujourd'hui n'est pas nouvelle. Elle a été traitée notamment devant la Chambre à la séance du 24 avril 1866, dans un rapport fait par l’honorable M. Sabatier au nom de la commission permanente d’industrie. Cet honorable rapporteur constatait la supériorité de la pierre bleue sur la pierre blanche, tant au point de vue de la solidité et de la durée que du coût, et si ses conclusions, qui étaient du reste complètement favorables à l’emploi de la pierre bleue, n’ont pas été plus formelles, on peut affirmer que la déclaration que venait de faire l’honorable M. Vanderstichelen dans la séance du 21 mars 1866, n’a pas été étrangère à ce fait.

Il faut bien le constater, les prévisions, les espérances de l'honorable M. Sabatier et de la commission d'industrie ne se sont pas complètement réalisées. Le projet de loi de travaux d'utilité publique nous a démontré, il y a peu de temps, que le gouvernement comptait user encore, dans d'assez larges proportions, de la pierre blanche, notamment à la station de Tournai. De sérieuses inquiétudes existent en ce qui concerne la décision de M. le ministre sur le genre de pierre à employer pour l'exécution du palais de justice de Bruxelles.

S'il est vrai, comme la commission des finances le disait, comme généralement je l'ai entendu soutenir par toutes personnes qui s'occupent des questions de construction, que la pierre bleue a une supériorité marquée sur la pierre blanche tant sous le rapport de la solidité, de la durée et de la beauté, que sous le rapport du prix, cette préférence donnée à l'industrie étrangère aux dépens de l'industrie belge a certes lieu de nous étonner.

S'il s'agissait d'un privilège à accorder à notre industrie, je ne me lèverais pas pour l'appuyer ; mais, je le répète, il ne s'agit ici que d'une position d'égalité pour elle, position qu'elle peut réclamer d'autant plus légitimement que nous ne sommes pas habitués à rencontrer chez les autres gouvernements la sympathie que notre gouvernement semble accorder, en cette circonstance, aux produits étrangers.

MtpJµ. - Le gouvernement n'a rien fait qui puisse justifier ce reproche.

M. de Macar.µ. - En Belgique, la pierre blanche n'était, pour ainsi dire, pas employée ; c'est le gouvernement qui l'y a en quelque sorte introduite. Une très grande partie des importations se sont faites pour le compte du gouvernement, qui a fait à la pierre blanche une position commerciale qu'elle n'aurait pas obtenue sans lui. Or, aucune condition d'économie ou d'art ne l'obligeait à donner cette préférence à ce produit étranger. (Interruption.)

Je ne serais nullement surpris de voir les gouvernements étrangers accorder la préférence à la pierre bleue ; quelques-uns la réclament vivement, précisément pour des travaux analogues à ceux pour lesquels on l'écarté en Belgique.

J'ai dit, messieurs, qu'au point de vue de la solidité, de la durée, de la beauté et du prix, la pierre bleue est supérieure à la pierre blanche ; c'est ce qu'il me reste à démontrer, je vais tâcher de le faire en quelques mots.

Le petit granit est un calcaire dont la texture possède une homogénéité particulière. Les débris de fossiles qu'il contient, transformés en cristaux de carbonate de chaux, forment un ciment naturel qui donne à la pierre une cohésion et une force de résistance considérables.

Il n'est pas hygrométrique, c'est-à dire qu'il n'absorbe pas l'eau.

Ces qualités le font résister avec avantage à l'action des hivers, aux alternatives d'humidité et de froid, si communes dans nos climats. (Et notons-le en passant, l'emploi des matériaux doit dépendre surtout des conditions de climat, il doit se faire autant que possible dans les pays qui les produisent. Le marbre de Carrare, si intact, si beau en Italie, s'écaille et se détériore rapidement dans les pays septentrionaux.)

La pierre blanche, au contraire de la pierre bleue, est d'une texture lâche et poreuse, absorbe l'eau facilement ; sa teinte s'altère profondément et promptement et autant son aspect est agréable à l'œil, lorsqu'elle vient d'être posée, autant il est désagréable lorsque, se couvrant d'une sorte de végétation, la pierre change de couleur, et varie sur des points assez rapprochés, subit en un mot avec une sensibilité extrême les conséquences de toutes les variations de la température.

Pour se convaincre de ces faits, je prierai mes honorables collègues de jeter un coup d'œil sur les édifices construits avec ces deux espèces de pierre.

Nous avons en granit la station du Nord, l'église de Saint-Joseph, notre vieux palais séculaire de Liège, les portes d'Anvers ; en pierre blanche, il y a la colonne du Congrès, l'église de Laeken, et l'affreuse façade de la station de Liège... (Interruption.)

M. Le Hardy de Beaulieu me cite un quatrième monument, la fontaine de Brouckere.

Ces exemples, messieurs, prouvent mieux que tous les raisonnements possibles, la vérité de mes assertions.

MtpJµ. - Et la Banque Nationale.

M. de Macarµ. - Ce monument a été édifié avec une autre espèce de pierre blanche, et la construction est encore trop récente pour qu'on puisse la juger définitivement.

Mais, puisque l'honorable ministre des travaux publics parle de la Banque Nationale, je lui demanderai comment il s'est fait que la pierre blanche belge se soit trouvée, jusqu'ici, en quelque sorte exclue des adjudications de l'Etat.

Nous avons, en effet, une pierre blanche belge, celle de Gobertange, qui est bien supérieure à presque toutes les autres espèces de pierre blanche ; je voudrais bien savoir où elle a été employé par le gouvernement.

On a usé de ce genre de pierres pour l'église de Sainte-Gudule et pour l'hôtel de ville de Bruxelles, mais par une espèce de fatalité inexplicable, tandis que le gouvernement employait toute espèce de pierres blanches étrangères, il omettait, avec le plus grand soin, de se servir de la pierre de Gobertange.

La question de solidité, quoique résultant déjà implicitement des faits (page 1207) que nous venons d'énoncer, peut se démontrer d'une façon mathématique.

D'après une série d'observations faites, tant en France qu'en Belgique, que je trouve mentionnées dans une brochure qui vous a été remise et où les noms des ingénieurs, attestant ces observations, est imprimé, sans que jusqu'ici l'on ait réclamé contre la vérité des faits avancés, il appert que la charge d'écrasement du petit granit varie de 800 à 850 (approximativement), que celle de la pierre de Gobertange serait de 600 à 650, mais que les pierres de la Moselle et de l'Oise n'arrivent qu'à des chiffres très multiples compris entre 25 au minimum et 300 au maximum.

Cette différence dans la force de résistance des pierres blanches offre les inconvénients les plus sérieux, car il est impossible d'avoir toutes les garanties de bonne exécution d'un travail en pierre blanche, si, ce qui est fort difficile, on ne mentionne pas dans l'acte d'adjudication toutes les carrières d'où les pierres peuvent être tirées.

Messieurs, je ne veux pas faire de récriminations, je me bornerai à dire qu'il y a une opinion très répandue dans le pays, que les craintes qui existent au sujet de l'église de Laeken sont dues en grande partie à l'emploi des pierres blanches.

J'en viens à la question de prix et je reconnais bien volontiers que c'est une des plus importantes.

Si l'on compare le prix du mètre cube de pierre bleue avec celui du mètre cube de pierre blanche, la comparaison est évidemment en faveur de celle-ci ; mais cet élément d'appréciation ne peut, il me semble, être séparé de la question de l'effet utile produit par l'un ou par l'autre de ces matériaux.

Or, on peut affirmer que le petit granit offre une force de résistance de huit, dix et même quinze fois supérieure à celle de la pierre blanche, suivant les qualités.

Les dimensions dès lors, comme épaisseur et comme queue (c'est le mot technique) doivent être infiniment moindres pour obtenir les mêmes résultats dans ces conditions et surtout si l'on tient compte des faits suivants : que la pierre blanche s'achète brute, tandis que la pierre bleue s'achète travaillée et taillée aux carrières, là où la main-d'œuvre est moins élevée ; que la pierre bleue produit peu de déchets, tandis qu'on évalue à 1/5 le déchet de la pierre blanche, il semble qu'on puisse conclure sans crainte qu'il existe une grande corrélation entre les prix des deux produits.

Il y a un argument au reste beaucoup plus puissant, messieurs, c'est l'offre que les maîtres de carrières ont faite à diverses reprises, d'exécuter les travaux décrétés par le gouvernement aux conditions de prix auxquelles on devait les exécuter en pierres blanches.

Je vois que l'honorable M. Vanderstichelen me fait un signe de dénégation, mais si mes renseignements sont exacts, il y a même eu des offres faites non pas légalement peut-être, mais officiellement à propos de la station de Liège. Pour Mons, il y a eu tout au moins des pourparlers très sérieux entre les exploitants des Ecaussines et le département des travaux publics ; ces faits je ne les produis pas pour la première fois. MM. Wincqz et de Labbeville, si je ne me trompe, les ont signalés au Sénat.

En tous cas il y a un fait incontestable, c'est que, pour l'établissement des bains de Spa, il y a eu une offre officielle à égalité de prix faite par les maîtres de carrière de Sprimont le 9 mars 1865 ; le conseil communal de Spa a eu à délibérer sur cette offre. (Interruption.)

Je ne sache pas que le gouvernement ait eu à se plaindre des travaux qu'il a fait exécuter en pierre bleue. Sur la station de Charleroi, par exemple, il y a eu, je crois, une réduction de 22 p. c.

MaeVSµ. - L'augmentation des prix était de 60,000 fr. .

M. de Macarµ. - Que prouve ce fait ? On a adjugé à des prix inférieurs à ceux portés dans les devis, il y a donc eu économie sur le chiffre présumé.

Messieurs, je viens d'établir les nombreuses raisons qui me font penser qu'il y a tout au moins équivalence de prix et que quant à la beauté, à la solidité et à la durée, nous devons préférer la pierre bleue à la pierre blanche.

Je me suis dès lors demandé quelles pouvaient être les causes pour lesquelles, systématiquement ou à peu près, on diminuait la part de la première ; j'ai eu quelque peine, je l'avoue, à les trouver ; il en est cependant deux ou trois que je puis signaler parce qu'il y a à cet égard peut-être quelque trois à faire. Une de ces raisons a été dite par M. Wincqz au Sénat, il faut infiniment moins de temps et de peines aux architectes pour faire des plans et épures pour les pierres blanches qu'il n'en faut pour les pierres bleues.

Une autre raison, c'est que, comme en France, l'emploi de la pierre blanche est presque général, il y existe beaucoup de monuments dont il est assez facile de s'inspirer pour faire des constructions de même nature en Belgique. A cet égard, je me suis laissé dire que certaines de nos stations étaient des copies, et ou disait même de pâles copies, d'édifices de ce genre érigés en France.

Une troisième raison est que quand on emploie la pierre bleue, toute faute de mesure, d'épure, etc., commise par l'architecte entraîne à des conséquences assez graves ; si une pierre bleue n'a pas la dimension voulue, il faut retourner à la carrière et y faire tailler une nouvelle pierre, ce qui, outre la perte en argent, entraîne des délais souvent préjudiciables. Dans ces conditions, il n'est guère possible à l'architecte de dissimuler ses erreurs.

Si, au contraire, une pierre blanche a été mal taillée, le fournisseur, d'accord avec l'architecte, - et cet accord le fournisseur a toujours et très loyalement tout intérêt à le maintenir,- fait enlever la pierre défectueuse et la remplace immédiatement par une autre, sans avoir besoin de recourir à la carrière, la pierre blanche, pierre tendre par excellence, se taillant très promptement. Un désagrément plus ou moins grave est ainsi évité à l'architecte.

Je déclare, messieurs, que je ne connais aucun fait qui puisse être invoqué à l'appui de cette supposition ; mais elle est tellement rationnelle que je crois pouvoir l'invoquer pour expliquer la préférence donnée par les architectes à la pierre blanche sur la pierre bleue.

MtpJµ. - Cela n'est guère flatteur pour nos architectes.

M. de Macarµ. - Je ne sais pas si cela est ou n'est pas flatteur pour nos architectes, mais la question, selon moi, est de savoir si ma supposition est ou n'est pas fondée.

En résumé, messieurs, je crois l'avoir démontré, nos maîtres de carrières ne réclament ni monopole, ni privilège, ni protection ; ils demandent tout simplement qu'on les mette sur la même ligne que leurs concurrents français et je crois qu'il n'est personne dans cette Chambre, et je n'en excepte pas l'honorable ministre des travaux publics, qui puisse songer à contester le bien fondé de leur réclamation.

J'ajouterai encore que la commission des pétitions, consultée sur cet objet, a été unanime pour appuyer les réclamations des maîtres de carrières et pour exprimer toutes ses sympathies pour la cause dont je viens de vous présenter la défense.

(page 1217) M. Eliasµ. - Je me proposais de dire également quelques mots sur l'emploi des pierres blanches en Belgique ; mais après le discours de l'honorable M. de Mcear, discours si complet, si concluant, je crois n'avoir pas besoin d'insister.

Je crois, au surplus, que la question n'offre actuellement une importance réelle qu'en ce qui concerne la désignation de la pierre qui sera employée dans la construction du palais de justice à Bruxelles. Or, le doute ne me semble pas possible sur ce point. En présence des déclarations faites par l'honorable M. Vanderstichelen, lorsqu'il était encore ministre des travaux publics, on peut avoir toute confiance que la pierre bleue sera employée en majorité dans la construction de cet édifice. Voici, en effet, ce que disait l'honorable M. Vanderstichelen dans la séance du Sénat du 20 mars 1866.

« Quand il s'agit d'élever une construction monumentale comme la station du Nord ou celle du Midi, on emploie la pierre qui a spécialement le caractère monumental, on emploie la pierre bleue du pays ; lorsqu'il s'agit au contraire d'élever des constructions plus élégantes que monumentales, on emploie la pierre blanche, mais il n'y a exclusion ni privilège pour l'un ou pour l'autre de ces matériaux. »

Vous le voyez, c'est le petit granit que l'on doit employer pour la construction des monuments.

Or, personne ici ne peut contester que le palais de justice de Bruxelles a un caractère infiniment plus monumental que les stations du Nord et du Midi. Il ne peut donc pas y avoir de doute sur l'emploi de la pierre bleue dans la construction de cet édifice.

J'ai trop de confiance dans ce qu'a dit l'honorable M. Vanderstichelen pour croire qu'il soit nécessaire d'insister pour obtenir l'emploi du petit granit du pays.

Permettez-moi de vous occuper quelques instants d'une question d'intérêt général.

Les honorables collègues qui m'ont précédé dans cette discussion ont demandé des crédits pour l'exécution de travaux dans leur arrondissement respectif. C'est dans un autre ordre d'idée que je veux parler.

Le gouvernement, pour exécuter ses travaux, n'a pas seulement besoin d'argent ; il doit encore pouvoir l'employer avec fruit et pour cela il doit compter sur des fonctionnaires actifs et énergiques.

Or, je ne crois pas que le service des employés du corps des ponts et chaussées soit organisé actuellement de manière qu'ils puissent répondre à ces exigences, à tous les besoins.

Ils ont dans leur service la construction et l'entretien des grandes routes, les travaux aux côtes de la mer, des rivières et canaux.

Ces employés ont à fournir des plans pour la construction des chemins de fer de l'Etat et des compagnies concessionnaires ; ils ont la surveillance des constructions civiles. Ces différents travaux exigent, de la part de ces fonctionnaires, des connaissances extrêmement variées et tout à fait techniques et qu'ils ne peuvent pas toujours posséder ; il en résulte que lorsqu'on les charge d'un travail spécial, ils doivent se mettre au courant et préalablement faire une étude tout à fait particulière.

Enfin, messieurs, on a organisé un comité consultatif pour l'examen de tous les plans de travaux nouveaux, et ce comité apporte des retards considérables dans l'exécution des affaires.

Je ferai remarquer, en outre, que le prix de la surveillance des travaux qui s'exécutent en Belgique est infiniment supérieur à ce qu'il devrait être en thèse générale.

La somme mise à la disposition du corps des ponts et chaussées pour tes différents services ordinaires est de 5 à 6 millions de francs, et le traitement des employés supérieurs et de leurs commis monte à plus d'un million de francs, soit 18 p. c. en moyenne.

Et ce n'est là qu'un chiffre général. Si je prenais quelques services particuliers, j'arriverais à des résultats remarquables.

D'après la note que je tiens ici, on voit que, dans la province de Liège, la surveillance des travaux qui y sont exécutés coûte 90,000 fr. par an. Or, le service des routes de la Meuse, de l'Ourthe et des différents canaux n'a à sa disposition qu'une somme de 300,000 fr. (chiffre rond) chaque année ; il en résulte que la surveillance de ces travaux coûte au pays 30 p. c. de la somme qui y est employée. Ce chiffre est évidemment trop élevé.

Après ces considérations générales, j'aurai besoin, pour ma thèse, de critiquer certains actes de l'administration du corps des ponts et chaussées ; je prierai la Chambre de vouloir bien remarquer que je n'entends nullement nier, ni la capacité générale de ces fonctionnaires, ni leur dévouement ; je crois que les critiques que j'aurai à signaler tiennent à l'organisation même du corps et nullement aux personnes de ceux qui ont été chargés de l'exécution des travaux.

Le corps des ponts et chaussées, ainsi que je le disais tout à l'heure, est chargé de trop de services particuliers.

Je passerai successivement en revue ces différents services, et je signalerai en passant ce que cette organisation, trop compliquée, doit produire ou a produit de défectueux dans ses diverses parties.

D'abord, en ce qui concerne les routes gouvernementales, on remarquera qu'elles n'ont plus aujourd'hui l'importance qu'elles avaient auparavant ; les chemins de fer sont venus les remplacer dans le service pour lequel elles avaient été créées. Les grandes routes, en effet, avaient pour but d'ouvrir des communications entre la Belgique et les pays voisins, ou bien entre les deux points principaux du pays, entre la capitale, par exemple, et les chefs-lieux des provinces, entre les grandes villes belges.

Depuis 1834, la construction des chemins de fer a fait de tels progrès en Belgique que tous les chefs-lieux d'arrondissement sont aujourd'hui, ou seront demain reliés au grand réseau des chemins de fer. Aussi la construction des routes a-t-elle suivi une progression inverse au développement du chemin de fer. De 1831 à 1840, malgré les soucis, les difficultés du temps, on avait construit pour 17 millions de routes. De. 1841 à 1850 on en construisit pour 41 millions, chiffre considérable.

Mais à partir de cette époque, les chemins de fer vinrent remplacer les grandes routes, et de 1850 à 1860 on n'a plus employé à la construction des grandes routes que le chiffre de 1,300,000 fr. Vous le voyez, la chute est assez forte.

De 1861 à 1863 on en a encore construit pour plus de 6 millions. Mais il y a, messieurs, une remarque que je tiens à faire et qui s'applique aux routes construites depuis 1850. C'est qu'à partir de cette époque, ce ne sont plus de véritables grandes routes qu'on construit, mais bien des raccordements, des rectifications. En un mot, on emploie l'argent destiné à ce service à des travaux qui n'ont plus pour but de desservir de grandes relations.

Je ne crois pas, en effet, que depuis 1851 on ait construit en Belgique une seule route ayant le véritable caractère d'une grande route.

On peut donc dire que le service principal du corps des ponts et chaussées n'a plus aujourd'hui l'importance qu'il avait autrefois, une importance en rapport avec le développement qu'a pris le personnel de ce corps.

Je dois dire, en outre, que les lenteurs qui résultent de la complication du corps des ponts et chaussées rendent son intervention dans les affaires fort peu agréable pour les populations.

Ainsi, il faut plus de formalités pour rectifier une route de l'Etat que pour construire dix fois autant de routes vicinales, etc., par la raison que ces travaux ne se font plus qu'avec l'aide des communes, des provinces, et que par là le corps des ponts et chaussées se trouve continuellement en conflit avec les administrations communales des grandes villes avec les administrations provinciales.

On peut de plus remarquer, messieurs, qu'en ce qui concerne les places publiques, les parties de ces places appartenant à la grande voirie sont presque toujours en plus mauvais état d'entretien que celles entretenues par les villes.

Les villes dans l'entretien de leurs places mettent un certain luxe que le gouvernement ne se permet pas.

Je puis citer à l'appui de ce que j'avance les places de Liège et de Bruxelles. Les habitants de nos grandes cités ont des exigences que l'Etat ne satisfait pas et il est triste de voir que lui, qui devrait servir d'exemple, se trouve presque toujours l'objet de vives critiques.

Il est aussi, messieurs, certaines parties de la réglementation des grandes routes qui apportent à la circulation des difficultés qu'on ne rencontre pas sur les routes vicinales.

La loi qui ordonne la fermeture des barrières vient souvent gêner les habitants dans leurs relations. Autrefois la fermeture des barrières avait une influence générale sur tous les transports. La gêne n'était pas grande. Actuellement que tous les transports se font par chemin de fer, il faut que du chemin de fer à l'habitation des particuliers, ou puisse toujours transporter les marchandises qui arrivent. Eh bien, avec la fermeture des barrières cela ne peut souvent avoir lieu. Je citerai Verviers où, en cas de dégel la fermeture des barrières apporte, je pense, des entraves au transport des marchandises.

(page 1218) Les habitants ne peuvent plus aller prendre à la station les marchandises dont ils ont besoin.

- Un membre. - On ne ferme pas toujours.

M. Eliasµ. - On ferme presque toujours, et il y a continuellement des difficultés avec l'administration locale. A Liège on a plus de tolérance, mais dans toutes les communes on n'agit pas ainsi.

Permettez-moi d'aborder un autre point : les difficultés administratives qui naissent lorsqu'il s'agit de rectifier l'alignement le long des routes de l'Etat.

II y a, dans ces cas, des complications telles, que huit ou dix ans après qu'un plan a été discuté et adopté, la rectification projetée n'est souvent pas faite.

Je vous citerai, pour appuyer ce dire, la rectification des abords du pont des Arches, à Liège. Elle est décidée depuis plusieurs années et à cause des conflits qui ont surgi entre l'administration communale de Liège et l'administration des ponts et chaussées, cette rectification n'est pas encore exécutée.

Il est possible que la limite de vos crédits ordinaires ne vous permette pas de faire ces travaux.

Mais le public qui est habitué aujourd'hui à voir satisfaire ses nécessités réelles avec plus d'activité qu'autrefois, est mécontent de voir que les limites trop étroites du budget empêchent d'opérer de grandes améliorations.

Il y a aussi, messieurs, dans cette question de rectifications des alignements un point qu'il faut que je vous signale.

Lorsqu'une maison est située le long de la grande voirie, s'il y a lieu à reculement, et que le propriétaire veuille faire des modifications à sa façade, on lui applique l'arrêté royal de 1836, c'est-à-dire qu'on défend au particulier de faire aucun travail confortatif à sa maison. Or, l'administration est seule juge de la question de savoir si le travail est confortatif ou non.

Et comme la loi ne lui impose aucun délai endéans lequel elle devrait répondre, elle peut empêcher un particulier d'apporter des modifications même légères à sa maison. Elle le contraint ainsi à faire une reconstruction complète et alors il doit céder la partie sujette à reculement pour la valeur nue du terrain. Enfin, l'Etat fait en sorte qu'il ne paye presque jamais le prix des parties de bâtiments qui se trouvent sur les emprises. Mais pour atteindre ce but, il doit gêner le propriétaire dans la libre disposition de son bien.

Le long de la petite voirie, au contraire, on applique la loi de 1844, et si un particulier veut faire des travaux à sa maison, veut changer sa façade, l'administration communale est obligée, dans un délai de 4 mois 15 jours, de donner une réponse au particulier ; sinon celui-ci a le droit d'exécuter les travaux. Et si la ville veut opérer la rectification, elle doit payer la valeur des constructions qui sont sur l'emprise. Ces disparates dans la législation doivent froisser la population et amènent des différences dans la valeur des propriétés, que rien ne justifie.

Vous parlerai-je des tracasseries et des formalités administratives que rencontrent les particuliers qui ont des propriétés le long de la grande voirie, et qui veulent y apporter des changements ?

Il me suffira, pour vous démontrer à quel point ces formalités sont compliquées, de vous citer celles qu'on doit remplir pour la plantation non d'une haie, mais de quelques épines dans une haie pour la remettre à neuf.

Pour planter ces quelques épines nouvelles, il faut que vous adressiez une demande au collège échevinal. Le collège échevinal envoie, par l'intermédiaire du commissaire d'arrondissement, votre demande au gouverneur. Le gouverneur la transmet à l'ingénieur en chef de la province ; l'ingénieur en chef la transmet à l'ingénieur du district ; l'ingénieur du district la transmet au conducteur, lequel la transmet le plus souvent au cantonnier qui seul se rend sur les lieux et fait un rapport au conducteur. Le conducteur rédige son avis sur ce rapport ; il l'envoie à l'ingénieur de district, lequel le transmet à l'ingénieur de la province, lequel l'envoie au gouverneur ; celui-ci, toujours par l'intermédiaire du commissaire d'arrondissement, le transmet à l'administration communale et alors, mais seulement alors, cette administration communale peut prendre une décision. II faut espérer que cette décision sera conforme à l'avis du conducteur, car, si elle ne l'était pas, il faudrait recommencer la même cascade du gouverneur au conducteur, la même ascension de celui-ci au gouverneur, et toutes les formalités que nous venons d'indiquer seraient à remplir de nouveau.

Si le collège échevinal prend un arrêté conforme à l'avis du cantonnier, tout est bien. L'administration rédige une délibération en quadruple expédition.

Trois de ces expéditions sont envoyées au commissaire d'arrondissement, lequel les transmet au gouverneur, qui les remet à la députation permanente.

La députation permanente donne son approbation et renvoie, par le canal du commissaire d'arrondissement, une copie approuvée à l'administration communale. Muni de cette pièce, le conducteur se rend sur les lieux et vient tracer l'alignement pour la plantation de ces quelques épines.

Il m'est arrivé, à moi, de demander, au mois de novembre, l'autorisation de planter une haie. L'autorisation m'est arrivée au mois d'août de l'année suivante. La haie était plantée depuis longtemps. L'ingénieur que j'ai rencontré sur la route a eu le bon esprit de ne pas dresser procès-verbal et de ne pas me mettre à l'amende. Mais, enfin, je n'en avais pas moins été forcé de commettre une infraction à la loi.

Vous voyez donc que l'administration actuelle de la grande voirie amène des lenteurs, des formalités, des tracasseries sans nombre ce qu'il serait nécessaire d'y apporter un remède.

Je vais maintenant parler d'un autre service du corps des ponts et chaussées, des canaux, des rivières, des travaux aux côtes de la mer, etc.

Quant à ce service, je crois qu'il serait nécessaire de le confier à des personnes ayant des occupations et par suite des connaissances plus spéciales, ou mieux encore, messieurs, de simplifier tellement l'organisation actuelle du corps des ponts et chaussées, que ses fonctionnaires pussent acquérir cette aptitude nécessaire à l'exécution de ces travaux.

Je ne veux pas faire de récriminations. Je ne citerai que quelques faits parfaitement connus. Tout le monde se rappelle les mécomptes que l'administration a eus lorsqu'il s'est agi d'établir une écluse à Heyst et dans l'élargissement du canal de Bruges à Gand. Il est plusieurs autres faits que je pourrais citer, mais je crois pouvoir m'en dispenser. Que l'on soustraie différents services du corps des ponts et chaussées, qu'on spécialise davantage le travail, alors nos ingénieurs acquerront des connaissances plus spéciales et ces mécomptes ne se renouvelleront plus. Tel est, je crois, le remède.

Il est un service nouveau que le gouvernement a remis au corps des ponts et chaussées, et dont je voudrais vous entretenir. Je veux parler de la construction des chemins de fer de l'Etat et de la surveillance de la construction des lignes concédées. Je crois que c'est là le point le plus important. Quant à la construction des chemins de fer de l'Etat, je ne sais si on a été bien inspiré en la donnant à cette vaste administration.

Lorsqu'on charge un ingénieur des ponts et chaussées d'un travail de cette importance, cet ingénieur manque généralement des connaissances spéciales nécessaires. En effet, il s'est occupé jusque-là soit de canaux, soit de routes, soit de travaux à la mer et c'est peut-être pour la première fois qu'il s'occupe de chemins de fer. Il doit donc perdre un temps considérable avant de se mettre à la confection des plans. Il a bien fait des études théoriques, mais il manque de cette promptitude, de ce coup d'œil que la pratique seule fait acquérir.

Ajoutez à cela que, par ce système, l'Etat ne trouve pas dans ses employés l'initiative qu'il pourrait en attendre. En effet, aucun employé ne s'occupe de ces constructions nouvelles que du jour où le ministre lui demande un plan, un travail pour la réalisation d'une idée qui lui est fournie. Quant à lui, en sa qualité de fonctionnaire, il ne doit ni ne peut rien présenter de nouveau, rien proposer qui aurait pour but d'améliorer l'exploitation de nos voies ferrées actuelles. Il faut les réclamations du public, l'initiative du gouvernement pour qu'un employé du corps des ponts et chaussées puisse faire un travail et en ait l'idée. Voilà les préliminaires indispensables pour qu'une amélioration quelconque soit examinée.

Messieurs, il est encore un autre inconvénient qui résulte de cette situation. Lorsque les ingénieurs des ponts et chaussées vont surveiller la construction des lignes de chemin de fer concédées, ils n'ont pas l'influence, l'autorité que leur position devrait leur faire avoir.

On sait qu'ils n'ont pas encore construit de chemin de fer, et comme ils se trouvent en rapport avec l'ingénieur de la compagnie, qui, lui, a fait de cette construction l'objet de toute sa vie, celui-ci conserve toute la supériorité que donne toujours une longue expérience. Il en résulte que l'intérêt de l'Etat, l'intérêt général n'est pas assez représenté dans ces circonstances et que les lignes sont souvent construites non en vue de donner satisfaction au public, mais dans le but unique de procurer un profit quelconque à la société concessionnaire, et le plus souvent au constructeur, à l'entrepreneur, qui, dans le système actuel de construction de ces lignes, a le plus souvent presque tous les pouvoirs.

(page 1219) Je veux signaler un autre point relatif aux lignes concédées.

Le corps des ponts et chaussées surveille bien la construction de la ligne elle-même, mais il n'a pas à s'occuper des raccordements de ce chemin avec le réseau de l'Etat. Ce sont les ingénieurs du chemin de fer de l'Etat qui sont chargés d'arrêter avec les compagnies la manière d'opérer ces raccordements et d'en surveiller l'exécution. Il en résulte que souvent le chemin de fer est achevé avant que le raccordement soit arrêté. Ce fait s'est présenté lorsqu'il a été question du raccordement de la ligne de Liège à Tongres au chemin de l'Etat, de celui de la ligne de Tamines à Landen et enfin du raccordement de la ligne de l'Ourthe à celle de l'Etat à Angleur.

Qu'arrive-t-il alors ? D'abord de longs retards toujours préjudiciables et ensuite ceci, qui est presque général : très souvent la compagnie n'a pas pris les mesures nécessaires pour opérer le raccordement, quelquefois même elle n'a pas les ressources nécessaires pour s'établir convenablement et alors elle cherche à s'emparer des lignes de l'Etat, de ses aménagements, pour son service particulier. L'Etat a jusqu'ici résisté avec vigueur à ces tentatives et j'en félicite particulièrement l'honorable M. Vanderstichelen, qui dans ces occasions a montré une grande volonté, mais il n'en est pas moins vrai que lors de l'ouverture de ces lignes il y a souvent des retards très considérables qui nuisent aux intérêts du public.

Un autre point, messieurs, que je crois devoir vous signaler, c'est que ces ingénieurs chargés de la surveillance de l'entretien des lignes concédées ne sont pas chargés de la surveillance de l'entretien du matériel ; cette dernière est confiée à des ingénieurs du chemin de fer de l'Etat. Qu'arrive-t-il en cas d'accident ? C'est que les uns disent que l'accident est dû à un défaut d'entretien de la ligne, tandis que les autres disent qu'il doit être attribué à l'état du matériel. Il est la plupart du temps impossible de savoir à qui l'accident doit être imputé, et par là disparaissent en même temps et la responsabilité et les garanties de sécurité sur lesquelles les voyageurs sont en droit de compter.

Je vous ai déjà fait connaître plusieurs inconvénients résultant de l'immixtion du corps des ponts et chaussées dans l'administration des chemins de fer. Il en est d'autres encore, mais j'abandonne ce sujet pour vous donner quelques exemples qui serviront de démonstration.

Messieurs, je vous parlais tantôt du manque de connaissances spéciales des ingénieurs chargés de la construction des routes de l'Etat. Ce manque de connaissances spéciales a fait commettre les fautes les plus lourdes en fait de production de plans pour les chemins de fer de l'Etat.

Il me suffira pour cela de vous citer un fait que j'ai été à même de connaître d'une façon plus spéciale. Je veux parler des plans qui ont été fournis pour le raccordement des stations des Guillemins et de Vivegnis à Liège.

L'idée du raccordement de ces stations, messieurs, est née vers 1859, si je ne me trompe.

Dans un meeting tenu à l'occasion du chemin de fer de Liège à Tongres, des ingénieurs appartenant aux compagnies intéressées émirent cette idée.

L'Etat voulut la faire étudier ; deux ingénieurs du gouvernement furent chargés de l'étude de cette question, et un an plus tard ils produisirent le résultat de leur travail, un avant-projet.

Ce plan, messieurs, contenait une station derrière le palais qui devait se trouver à 18 mètres au-dessus du sol. Il eût fallu 88 marches pour y arriver. Ce projet ne satisfit ni le gouvernement ni le public.

La question resta en suspens pendant quelque temps.

La population liégeoise continuait cependant à demander avec vigueur la construction de la station centrale.

Le gouvernement fit de nouveau étudier la question et un nouveau plan fut produit. Cette fois, au lieu de placer la station à 18 mètres au-dessus du sol, on la mettait à 8 mètres au-dessous. La première fois on avait fait une station pour les oiseaux ; la seconde, on en faisait une pour les taupes.

Enfin, messieurs, un ingénieur qui appartient à l'industrie privée émit l'idée de faire une station au niveau du sol ; il produisit un plan.

On lui prouva, avec beaucoup de science, qu'il n'avait pas étudié la question, que ses données n'avaient rien d'exact et que son plan était défectueux.

Cependant, le gouvernement fit procéder à de nouvelles études et aujourd'hui on va faire exécuter le raccordement des deux chemins de fer et la station centrale, sera probablement placée au niveau du sol de la rue qui y aboutira. Les voyageurs ne devront ni monter ni descendre.

Messieurs, j'ai passé en revue différents points du service du corps des ponts et chaussées, il m'en reste un seul à examiner.

Depuis quelques années, MM. les ministres de la justice et de l'intérieur ont demandé à leur collègue des travaux publics de vouloir bien charger ses ingénieurs de la surveillance des constructions civiles.

M. le ministre des travaux publics a accepté avec bonheur ce nouveau travail pour ses ingénieurs.

Au commencement de ce service, les ingénieurs des ponts et chaussées ne comprirent pas bien à quelles limites ils devaient s'arrêter. Ils voulurent exécuter eux-mêmes des réparations aux édifices civils.

Il en résulta ce fait assez singulier que des réparations furent proposées au palais de justice de Liège et qu'on employa largement le fer.

On répara une salle ou deux de ce monument gothique et par l'emploi de ce métal on leur donna à peu près le style de nos gares de chemin de fer. cette erreur fit abandonner à l'instant même la prétention de diriger les travaux, la limite fut tracée ; un architecte fut nommé pour la confection et l'exécution des plans.

Nos ingénieurs se contentèrent de contrôler au point de vue de la solidité et de l'économie, comme le fait un bon propriétaire.

J'ai terminé la partie ingrate de la tâche que je m'étais assignée. Je me suis occupé des différents services des ponts et chaussées et j'ai blâmé d'une manière peut être un peu vive les points qui m'avaient semblé défectueux.

Je me permettrai, dans la fin de ce discours, de vous donner une idée des remèdes que je voudrais y voir apporter. Et d'abord pour les édifices civils je rétablirais ce qui existait il y a quelques années, en le renforçant cependant. Au bout de quelques années l'intervention des ponts et chaussées amènera des lenteurs extrêmes dans ces réparations

Je voudrais ensuite que le service des ponts et chaussées se bornât à la surveillance des travaux à la mer, aux canaux et aux rivières qui bientôt seront toutes canalisées. Par ce moyen nous aurions pour le service des eaux un corps tout à fait spécial ayant des connaissances particulières étendues, connaissant parfaitement tout ce qui concerne ce service.

Il est un autre fait qui serait excessivement avantageux, c'est celui-ci, aujourd'hui il ne s'agit plus pour la Belgique de construire de nouveaux canaux ; presque tous sont construits.

La question qui doit nous occuper spécialement, c'est celle de l'exploitation de ces canaux et rivières, c'est de permettre qu'elle soit la plus rapide et la plus facile possible.

Nos ingénieurs n'ayant plus que ce service dans leurs attributions acquerraient des connaissances complètes et pourraient ainsi réaliser des progrès qui permettraient un batelage de lutter contre les chemins de fer.

Tous les perfectionnements seraient introduits dans l'entretien et la manœuvre des écluses, les retards disparaîtraient, et nos canaux et rivières étant administrés par un corps spécial préoccupé uniquement des facilités à accorder batelage verraient renaître une des plus anciennes industries du pays.

Je viens de vous dire que les ponts et chaussées, réduits à de justes proportions, pourraient être restreints à ce que je nommerais le service du régime des eaux.

Vous allez m'objecter que les routes de l'Etat forment la base du service du corps des ponts et chaussées, et vous me demanderez ce que je compte en faire. Je crois qu'il serait facile actuellement de remettre l'entretien de ces routes aux provinces et aux grandes villes.

Presque toutes nos provinces ont un corps de commissaires voyers parfaitement organisé depuis 1841, c'est-à-dire depuis l'époque ou M. Rogier, par la loi sur les chemins vicinaux, a transformé nos campagnes et a fait faire à l'agriculture plus de progrès qu'elle n'en avait fait jusqu'alors.

Depuis cette époque les communes sous la direction des provinces on construit une étendue de routes supérieure à celle des routes de l'Etat Ainsi ces commissaires voyers, bien que petits employés et n'ayant que des connaissances très restreintes, ont réalisé des choses presque merveilleuses.

Ils pourraient bien aujourd'hui surveiller l'entretien des grandes routes, qui est plus facile que celui des routes communales. Et ne vous étonnez pas, messieurs, des résultats obtenus par ces commissaires (page 1220) voyers ; c'est qu'à côté d'eux il y avait une surveillance locale incessante, complète, journalière, la surveillance des intéressés, du public lui-même.

Chacun surveillait exactement l'emploi des fonds qui provenaient ou de la caisse provinciale, ou de la caisse communale ; car chacun savait que depuis l'abolition des octrois, depuis que les ressources communales sont devenues exclusivement directes, chacun savait, dis-je, pour ainsi dire dans quelle proportion il devait personnellement intervenir dans la dépense exécutée.

Aussi les routes vicinales ont-elles été faites avec une rapidité et une économie qu'on ne rencontre peut-être nulle part.

Quant aux villes, il conviendrait de leur remettre l'entretien des grandes routes qui traversent leur territoire. Toutes ont un personnel capable de se charger de ce soin, et par là aussi disparaîtraient les complications, les anomalies, les disparates que je signalais tantôt.

Mais, me direz-vous, ni les villes, ni les provinces ne voudraient aujourd'hui se charger de l'entretien des routes de l'Etat.

Depuis l'abolition des barrières, les routes ne sont plus qu'une cause de dépenses.

Il est évident, messieurs, que d'une façon ou d'une autre, l'Etat devrait en opérer la restitution. Et cela serait facile.

Le coût de l'entretien des grandes routes est parfaitement fixé, les adjudications le déterminent, on pourrait donc se borner à remettre aux administrations communales et provinciales une somme égale à celle du coût actuel de l'entretien, coût augmenté d'un certain tantième pour cent à calculer pour les frais de surveillance. Et si l'on m'objectait ce qu'on a objecté lors de l'abolition des octrois, qu'il est triste de voir les communes se mettre à la solde du gouvernement, de voir les communes attendre de la caisse du gouvernement les ressources qu'elles doivent posséder, je répondrais que l'Etat pourrait abandonner à ces communes ou à ces provinces une base quelconque de ses contributions.

Cette base serait choisie de telle sorte que ces autorités pussent atteindre dans de justes proportions les citoyens qui profitent plus spécialement des routes.

Ainsi la question se trouverait résolue sans tomber dans les inconvénients que l'on a signalés lors de l'abolition des octrois, inconvénients, du reste, que, pour ma part, je n'ai jamais regardés comme sérieux.

Voilà ce que l'on pourrait faire du service le plus ancien du corps des ponts et chaussées. Permettez-moi de dire ce que je voudrais faire du service nouveau, de celui qui concerne les voies ferrées.

La surveillance de la construction des chemins de fer de l'Etat et des chemins de fer concédés est trop importante pour former l'accessoire d'une autre administration.

Elle devrait être donnée à un corps d'ingénieurs appartenant aux chemins de fer eux-mêmes. Cette administration possède déjà un corps d'ingénieurs qui est chargé de la construction du raccordement des chemins de fer appartenant à l'Etat, de la construction de tous les aménagements des stations, de toutes les réparations de la voie, et en même temps de la plupart de ces travaux exécutés par les compagnies concessionnaires.

Il serait facile, me semble-t-il, de modifier cette organisation, de l'étendre quelque peu et de charger les ingénieurs de la construction de toutes les voies ferrées, qu'elles appartiennent à des compagnies concédées ou au gouvernement. On trouverait des hommes spéciaux, connaissant bien les nécessités d'une exploitation fructueuse et capables d'exécuter promptement. Attachés pour toujours au chemin de fer, ils rechercheraient tout ce qui peut augmenter sa prospérité. Ils seraient doués d'initiative. Cette idée n'est pas nouvelle. C'est elle qui a présidé à la construction du réseau national.

Dès 1832, l'honorable M. Rogier chargea de faire les études préliminaires de ce grand travail, non pas le corps entier des ponts et chaussées, mais un comité spécial, ayant une existence privée, composé, il est vrai, d'ingénieurs qui en provenaient, mais soustraits complètement aux ordres des employés supérieurs de ce corps, à leur hiérarchie.

Il plaça à sa tête MM. Simons et de Ridder, si je ne m'abuse. Ce comité fonctionna jusqu'en 1837 et prépara ainsi la construction de toutes nos principales lignes. A l'époque citée plus haut, M. Nothomb, alors ministre des travaux publics, remit à l'administration générale des ponts et chaussées la construction des chemins de fer de l'Etat. L'idée fut-elle heureuse ? Je ne le crois pas, car c'est alors que furent confectionnés les plans inclinés et la station de Liège, dont l'emplacement fut si malencontreusement choisi.

En 1841, lorsque l'honorable M. Rogier revint aux affaires, lorsqu'il rentra aux travaux publics, il s'empressa de reconstituer le comité spécial d'ingénieurs. Ce comité fonctionna jusqu'en 1843 ou 1844, et présida à la construction du chemin de fer de la Vesdre ; mais alors M. Léandre Desmaisières, ministre des travaux publics, opéra définitivement sa dissolution et remit de nouveau ce service au corps des ponts et chaussées tout entier.

Ce changement a-t-il été heureux ? Quant à moi, je persiste à croire que si on avait conservé un corps composé d'hommes ayant fait des chemins de fer l'objet de leurs constantes études, on aurait obtenu des résultats plus rapides, plus remarquables encore que ceux dont la Belgique a cependant le droit d'être fière vis-à-vis de l'étranger.

Je finis ici mes observations. Je ne me fais pas d'illusion, messieurs, je sais que dans ce que je viens de dire, il y a beaucoup de choses qui ne seront pas goûtées, et n'ont pas de grandes chances d'obtenir actuellement leur réalisation.

Je crois cependant que si on les acceptait, on obtiendrait par elles une décentralisation réelle ; on obtiendrait de plus des ingénieurs ayant des connaissances tout à fait spéciales et capables de préparer et de faire exécuter les plans avec une rapidité que nous ne connaissons pas aujourd'hui ; des ingénieurs qui ayant un intérêt permanent à la prospérité du service auquel ils seraient attachés pour toujours, lui consacreraient toute leur intelligence, tout leur esprit d'initiative.

Projet de loi supprimant les jeux de Spa

Dépôt

(page 1207) MiPµ. - D'après les ordres du Roi j'ai l'honneur de déposer sur le bureau un projet de loi portant suppression des jeux de Spa.

M. le président. - Il est donné acte à M. le ministre du dépôt de ce projet de loi qui sera imprimé, distribué et renvoyé à l'examen des sections.

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l’exercice 1868

Discussion générale

MtpJµ. - Mon intention n'est pas d'interrompre.

M. Rogierµ. - Je demande la parole pour un fait personnel.

M. le président. - Vous permettez, M. le ministre ?

MtpJµ. - Bien volontiers.

M. Rogierµ. - L'honorable orateur qui vient de se rasseoir a cité mon nom avec beaucoup de bienveillance. Je l'en remercie. Faisant allusion au premier crédit qui a été voté pour l'amélioration de la voirie vicinale, il m' a attribué l'honneur de la proposition. Or, messieurs, le premier crédit pour la voirie vicinale a été proposé au budget de 1841, par l'honorable M. Liedts, ministre de l'intérieur ; j'étais alors chargé des travaux publics. S'il est vrai que c'est par suite d'un concert entre nos deux départements que le crédit a été introduit au budget de l'intérieur, je ne puis accepter exclusivement pour moi un compliment qui revient plus naturellement à mon ancien collègue.

MtpVSµ. - Messieurs, je n'ai pas l'intention d'interrompre le cours de la discussion générale ; je viens seulement proposer à la Chambre d'ordonner le dépôt sur le bureau, pendant la discussion du budget, des pétitions des maîtres de carrières sur lesquelles la Chambre avait décidé qu'un prompt rapport lui serait présent

Cette question a été discutée avec tous les (page 1208) développements qu'elle mérite. Des considérations de différentes natures, sur lesquelles j'aurai besoin de m'expliquer dans le cours de la discussion, me font désirer que la Chambre se prononce sur ces pétitions. Rien de plus simple que de statuer sur ces pétitions après le vote du budget.

M. de Macarµ. - Je ne m'oppose nullement à la proposition de M. le ministre des travaux publics ; mais si la Chambre ordonne le dépôt des pétitions sur le bureau, je demanderai à pouvoir donner lecture d'une lettre qui m'a été adressée par M. le président de l'association des maîtres de carrières et qui contient une réponse aux observations faites au Sénat par l'honorable M. Vanderstichelen quand il était ministre des travaux publics.

- Des membres. - Lisez.

M. de Macarµ. - Voici donc cette lettre :

« Monsieur,

« Lors de la discussion au Sénat du crédit de 5,350,000 fr. dernièrement ouvert à son département, M. le ministre des travaux publics a avancé deux faits qu'il reproduira sans doute à la discussion du rapport sur la pétition des maîtres de carrières de Liège et dont je crois nécessaire de vous signaler l'inexactitude.

« Pour démontrer que l'industrie des carrières, loin de péricliter, est une de celles dont la marche progressive rencontre le moins d'entraves, M. le ministre rappelle ce fait qu'en 1848, 3,000 waggons avaient parcouru le chemin raccordant les carrières de Soignies à la station, tandis qu'en 1867, ce nombre s'était élevé à dix mille.

« En supposant un instant ces chiffres parfaitement exacts, on n'en pourrait pas tirer la preuve de la prospérité actuelle de l'industrie en question, car, en mettant en regard les résultats de 1848 et ceux de 1867, on trouverait, par exemple, que la production de l'industrie houillère a augmenté d'une manière aussi notable, on arriverait au même résultat pour la métallurgie et pour la plupart des industries, dont on ne saurait nier la situation peu prospère.

« Mais le rapprochement invoqué par M. le ministre n'a pas seulement le défaut de prouver trop, il a encore celui d'être inexact.

« Le chiffre de 3,000 waggons né représente aucunement la production des carrières de Soignies en 1848, car, les transports de chaux prohibés comme dangereux par l'administration des chemins de fer de l'Etat et qui forment aujourd'hui à eux seuls une partie considérable du mouvement du chemin de fer concédé dont il s'agit, se faisaient exclusivement par voitures ; les transports de charbon pour la cuisson de la chaux, la consommation des machines d'épuisement et des scieries s'effectuaient également par voiture ; c'est même par voitures qu'avaient lieu de nombreuses expéditions de pierres, par suite de l'élévation des tarifs et surtout du peu de développement du réseau ferré. Depuis lors seulement, les transports par waggons ont graduellement remplacé les autres. La comparaison cuire deux années aussi différentes, on le comprend aisément, pèche donc par la base.

« Celle que M. le ministre a établie en second lieu entre les frais de construction de la station de Namur et ceux de la station de Charleroi où l'emploi de la pierre bleue aurait majoré la dépense de 70,000 fr., manque tout autant de fondement. Elle n'est pas plus exacte que le prix de revient établi jadis par M. le colonel Demanet au sujet de l'église, de Laeken, sans tenir compte du déchet considérable provenant de la taille sur place.

« Tous les maîtres de carrières savent en effet pertinemment pour s'en être assurés, a l'égard des stations de Liège et de Mons et de l'hôtel des bains de Spa et ailleurs, que l'on peut exécuter en pierre bleue, dite petit granit, au moins au même prix, un travail projeté en pierre blanche, à la seule condition de ne pas changer les plans ;

« Qu'il y a toutefois un avantage très grand à remplacer une partie des pierres par de la maçonnerie en briques ;

« Que cette modification facile, mais seulement quand on fait usage de la pierre bleue, augmente, il est vrai, le prix du mètre cube qui contient alors plus de surfaces travaillées, mais n'en constitue pas moins une économie réelle et notable par l'emploi d'un nombre moins grand de mètres cubes.

« C'est sans doute pour avoir négligé de tenir compte de cette dernière circonstance, en comparant d'une manière globale le prix des deux pierres, sans s'arrêter aux conditions de mesure, que le département des travaux publics a commis l'erreur dont nous nous occupons.

« Mais la preuve la plus palpable de la vérité de ce que nous avançons, nous la trouvons dans les paroles de M. le ministre et dans les actes émanés de son département.

« Comme l'a dit au Sénat M. Wincqz, et comme nous pouvons le prouver par des contrats d'entreprise, les pierres bleues de la station de Charleroi, moulures et ornements compris, coûteront 130,000 fr. pour 1,085 mètres cubes, soit 120 francs le mètre ; en retranchant les 70,000 francs que, suivant l'honorable chef du département des travaux publics, on eût payés en moins pour la pierre blanche (en admettant un instant la possibilité d'employer la pierre blanche dans les mêmes conditions de mesure), il resterait pour le coût de cette dernière pierre 50,000 fr., soit 35 fr. le mètre, alors que les devis officiels de cette même station portent déjà le prix de la pierre blanche unie à 105 francs le mètre, c'est-à-dire au double, et qu'il faut encore y ajouter le coût des moulures et des ornements.

« Si cette déduction, malgré sa clarté évidente à nos yeux, ne convainc pas M. le ministre, nous le prierons, avant d'avancer contre nous des calculs établis nous ne savons sur quelles bases, mais dont l'effet sur l'avenir de notre industrie peut être extrêmement regrettable, de vouloir bien nous les communiquer avec les plans de la station de Namur, afin de lui fournir une autre démonstration plus complète, s'il est possible, de leur inexactitude.

« Je terminerai, monsieur, par une réflexion. Un journal fort répandu disait dernièrement dans un article paraissant venir d'une source officielle, qu'il y avait lieu, pour remédier au malaise de nos populations laborieuses, d'organiser une sorte d'exploitation intelligente et suivie des marchés étrangers, afin d'étendre nos rapports industriels et commerciaux et de nous créer des débouchés nouveaux. Il ajoutait que, sans doute, le gouvernement seconderait puissamment une semblable tentative. Tout en approuvant cette idée, ne pourrait-on pas désirer qu'avant de s'occuper des débouchés à l'étranger, le gouvernement ne fermât pas à une des industries importantes du pays le premier, le plus indispensable de tous les marchés, le marché de l'intérieur, et cela par sa préférence marquée pour les matériaux étrangers et par la fâcheuse influence des imputations injustes qu'il porte contre elle ?

« Veuillez agréer, monsieur, l'assurance de mes sentiments de haute considération.

« Bricourt,

« Président de l'association des maîtres de carrières de pierres bleues dites petit granit.

« Bruxelles, le 15 avril 1868. »

- La proposition de M. le ministre des travaux publics, tendante à ce que les pétitions dont il a parlé soient déposées sur le bureau pendant la discussion du budget, est mise aux voix et adoptée.

M. Delaetµ. - Je demande la parole pour une motion d'ordre semblable.

Au mois de mars dernier, 224 habitants de la commune de Schelle, province d'Anvers, ont adressé à la Chambre une pétition tendante à faire doter cette commune d'un bureau de poste et d'une station télégraphique.

Je crois qu'il sera convenable de déposer également cette pétition sur le bureau pendant la discussion actuelle.

Si toutefois la Chambre voulait bien me continuer la parole, je résumerai en quelques mots les considérations sur lesquelles s'appuient les pétitionnaires. (Oui ! oui !)

Messieurs, la commune de Schelle a une population de 1,800 à 2,000 habitants ; dans son voisinage, à 20 minutes de distance à peine, se trouve la commune de Hemixem, qui a une population de 1,200 à 1,500 habitants.

Sur le territoire de Schelle et entre les deux communes se trouve l'établissement très important de Saint-Bernard. Le département de la justice a récemment réuni cet établissement au département de la guerre qui se propose d'y établir des dépôts de régiments et d'en faire en quelque sorte une succursale d'Anvers comme magasin de guerre.

Il va donc y avoir là un centre très important de correspondance tant par la poste que par le télégraphe. Ainsi, l'intérêt, non seulement des populations, mais aussi de l'administration publique, exige l'établissement d'un bureau de poste dans l'un ou l'autre de ces endroits, soit Schelle, soit Saint-Bernard, soit Hemixem.

Aujourd'hui ces grands villages ont un mouvement commercial et industriel très important ; il n'y a qu'une distribution par jour et encore les lettres n'y arrivent-elles que le lendemain de leur mise à la poste, toit à Bruxelles, soit à Anvers. La correspondance souffre donc considérablement (page 1209) de cet état de choses, et il suffirait de l'établissement d'un bureau de poste pour obvier à ces graves inconvénients.

En effet, il y a une diligence qui part tous les jours d'Anvers pour Niel, en passant par Schelle, et qui pourrait faire le service des postes.

D'autre part, il y a un service par eau, un bateau à vapeur va d'Anvers à Tamise et aborde au Mozegat, où il pourrait déposer les lettres et les paquets.

Il y a donc par jour deux correspondances déjà établies. La commune d'Aertselaer, qui est très rapprochée d'Hemixem, pourrait être également desservie par ce bureau, de façon qu'y compris Saint-Bernard, il y aurait un groupe de cinq à six mille personnes desservies par le bureau.

La commission des pétitions, messieurs, a pensé qu'il y avait lieu de recommander très sérieusement la demande des habitants de Schelle à l'attention de l'honorable ministre des travaux publics.

Comme la Chambre est désireuse de faire le plus d'économie de temps possible, je lui demanderai la permission de continuer et d'examiner très rapidement, cette fois en mon nom personnel, deux points sur lesquels je désire attirer l'attention de M. le ministre.

M. le président. - Je veux bien vous continuer la parole, si les orateurs inscrits avant vous ne s'y opposent pas.

- Des voix. - Parlez, parlez !

M. Delaetµ. - Ce sera une économie de temps pour tout le monde.

Messieurs, je n'ai pas grand-chose à dire sur le premier des points dont je vais vous entretenir.

Mon honorable ami, M. de Zerezo, a attiré hier l'attention de M. le ministre sur l'importance qu'il y a, au point de vue agricole et commercial, d'achever le canal de Turnhout à Anvers, lequel jusqu'à présent n'est exécuté que jusqu'à Saint-Job in 't Goor.

Je me rallie complètement aux considérations si pleines d intérêt que vous a soumises mon honorable collègue de Turnhout.

Je passe donc au second point.

Il y a longtemps, messieurs, que la députation d'Anvers vous a signalé l'état tout à fait insuffisant de la station des voyageurs et des marchandises à Anvers.

Cet état ne peut pas se continue bien longtemps sans donner lieu, même au point de vue du service, aux plus grave s inconvénients.

En effet, la station d'Anvers, la station des voyageurs qu'on a à peine un peu dégorgée de l'excédant de marchandises qui l'encombraient, a été construite en 1836 en vue seulement du mouvement à établir entre Anvers et Cologne.

Les prévisions alors ne devaient pas faire établir une station excessivement vaste et aujourd'hui malgré les agrandissements partiels qui y ont été introduits, c'est encore une des stations les moins développées du pays vu son importance.

Là où elle est établie il n'y a plus moyen d'y donner de l'extension ; elle est enserrée de tous côtés soit par des voies publiques, et des voies publiques indispensables, soit par l'établissement du jardin zoologique qui ne cédera pas son terrain et qu'on ne peut songer à exproprier sans priver Anvers d'un de ses établissements les plus remarquables.

On nous a dit que la ville d'Anvers avait disposé des terrains nouveaux sans avoir égard aux besoins du chemin de fer. C'est là une erreur. La ville d'Anvers a fait des aménagements très convenables en vue d'un déplacement du chemin de fer. Elle a réservé l'emplacement du fort Carnot pour une station de manœuvres, et elle a réservé aussi au delà de trois hectares pour la station des voyageurs.

Jusqu'ici le département des travaux publics semble ne s'être arrêté à aucun projet. Cependant l'intérêt du gouvernement est engagé au même titre, sinon plus fortement encore que celui de la ville d'Anvers, et chaque jour qui s'écoule faisant augmenter le prix des terrains à l'intérieur de la ville, il est évident que les difficultés que le gouvernement veut éviter ne feront que s'accroître dans la mesure même du retard qu'il apportera à les résoudre.

Quant à la ville d'Anvers, elle n'a qu'un seul intérêt dans cette affaire ; c'est le déplacement du chemin de fer, attendu qu'il divise aujourd'hui la ville ancienne et la ville neuve, qu'il fait en quelque sorte barrière et empêche l'étude d'un ensemble complet de voirie, laquelle ne pourra se faire que quand la question du déplacement sera définitivement résolue.

Les passages à niveau sont partout excessivement dangereux. Le passage à niveau qui existe à Borgerhout est intolérable. Il est ouvert au moins douze heures par jour et à chaque instant il y a là des encombrements qui sont aussi dangereux au point de vue de la circulation que fâcheux pour le service même.

M. De Lexhy. - J'essayerai d'être aussi laconique que l'orateur qui vient de se rasseoir.

La loi du 31 mai 1863 a décrété la construction d'un chemin de fer de Landen à Aye, par Hannut et Huy. L'arrêté royal du 13 mars 1864, portait que les concessionnaires devraient achever le tronçon de Landen à Huy endéans les trois ans. D'autres dispositions du contrat, homologué par le susdit arrêté royal, fixaient le cautionnement à fournir par la société concessionnaire à 600,000 francs et stipulaient que cette société devrait justifier, endéans le délai de six mois, de la réalisation du capital nécessaire à l'établissement et à la mise en exploitation du chemin de fer, à concurrence de quatre millions de francs.

Le chemin de fer de Landen à Huy devrait donc être exploité depuis un an.

Or, qu'existe-t-il aujourd'hui ? Qu'a-t-on fait ? Rien, ou presque rien. A peine commencés, les travaux ont été abandonnés.

Les 43 pétitions émanant de l'arrondissement de Waremme, que j'ai eu l'honneur de présenter au début de cette séance, réclament impérieusement l'exécution de ce grand travail qui est destiné à favoriser si largement l'intérêt de la contrée qui s'étend entre Landen et Huy. La demande de mes commettants est légitime et fondée et il faudra qu'elle obtienne une solution satisfaisante.

Je n'entreprendrai pas de nouveau l'énumération détaillée des avantages à résulter pour mon arrondissement de l'établissement de ce chemin de fer, auquel nous avons un droit acquis. Je ne ferai qu'esquisser à grands traits ces avantages.

Cette ligne est destinée à fournir des moyens de transport économiques d'une région très étendue, riche et où l'industrie agricole se développe largement. La création d'un chemin de fer dans un pareil pays constituera un bienfait immense, et contribuera puissamment au développement de la prospérité de l'arrondissement de Waremme.

Les inconvénients, les dommages résultant de l'état de choses actuel sont très graves et s'aggravent tous les jours davantage. En effet, des usines agricoles ont été créées, en vue de l'établissement du railway ; des communes ont construit des chemins aboutissant aux stations projetées ; des bâtiments ont surgi à proximité du chemin de fer ; en un mot, beaucoup d'intérêts publics et privés sont en souffrance par suite de l'inaction des concessionnaires.

Il existe d'autres inconvénients très graves : notamment les emprises de nombreux terrains, faites sans indemnité préalable, et souvent même sans convention régulière. Les travaux de terrassement sur plusieurs points ont créé de véritables dangers pour la circulation et des entraves pour l'exploitation des terres avoisinantes. Tout cela constitue une situation intolérable, et à laquelle on doit apporter un prompt remède. Les pétitionnaires s'adressent à bon droit à la Chambre, pour empêcher cet état de choses de se perpétuer.

Dans la séance du 31 janvier 1868, à propos d'une pétition qui avait le même but, j'affirmais la nécessité et l'urgence de forcer la société concessionnaire à exécuter immédiatement ses obligations.

Cependant, à cette époque, je croyais que le gouvernement devait faire tous ses efforts pour atteindre le but, sans recourir encore aux moyens extrêmes, parce que la crise financière qui sévissait, coïncidait avec l'abaissement des tarifs sur les lignes de l'Etat, avait produit une situation difficile pour les concessionnaires.

Dans ce moment, je croyais qu'il était équitable vis-à-vis des concessionnaires et utile dans l'intérêt de l'entreprise, de n'avoir point recours aux moyens de rigueur. Mais aujourd'hui, la situation du marché financier s'est véritablement améliorée et le moment est venu de revendiquer énergiquement nos droits et d'exiger l'exécution de notre railway.

M. le ministre des travaux publics nous a déjà dit que l'attention du gouvernement ayant été appelée sur cette situation, il y a huit à neuf mois, la société concessionnaire avait été mise en demeure de remplir ses engagements.

Le gouvernement, en agissant ainsi, a donné un premier avertissement sérieux aux concessionnaires qui, à la vérité, sont restés sourds à la voix du ministre.

J'adjure M. le ministre de renouveler cette mise en demeure judiciaire et d'avoir recours aux moyens de rigueur, dans le cas où la compagnie n'obéirait pas à sa demande.

Je crois qu'il est utile de rappeler aux concessionnaires la teneur des article 17 et 18 de l'arrêté royal du 15 mars 1864.

(page 1210) « Art. 17. Les concessionnaires seront déchus de leurs droits, s'il n'a pas été satisfait aux conditions et clauses du contrat, etc. »

« Art. 18. En cas de déchéance, il sera procédé à l'adjudication de l'entreprise du parachèvement des travaux sur les clauses du cahier des charges et sur une mise à prix des ouvrages déjà construits, des matériaux, des terrains achetés, des portions exploitées et de leur matériel. »

Cette adjudication sera dévolue à celui des soumissionnaires qui offrira la plus forte somme pour les objets compris dans la mise à prix ; les concessionnaires devront se contenter de celle que l'adjudication aura produite, alors même qu'elle serait moindre que la mise à prix, et ne pourront élever à ce sujet aucune réclamation. De plus, la partie du cautionnement des concessionnaires évincés qui n'aura pas été restituée ou dont il n'aura pas été disposé, sera définitivement retenue à titre d'indemnité, et l'adjudication n'aura lieu que sur le dépôt d'un nouveau cautionnement.

Tel est le texte de ces dispositions dont l'application devra se faire, dans le cas où la société ne remplirait point ses obligations. On ne peut tolérer plus longtemps un état de choses aussi préjudiciable aux intérêts les plus vitaux de nos commettants.

Je prie le gouvernement de mettre de nouveau les concessionnaires en demeure d'exécuter dans un bref délai, et à peine par eux de satisfaire à leurs engagements, d'avoir recours à la déchéance et à la confiscation du cautionnement.

J'espère que, grâce à l'intervention énergique du gouvernement, nous obtiendrons une solution favorable.

Puisque j'ai la parole, j'en profiterai pour appeler l'attention de M. le ministre des travaux publics sur d'autres questions qui intéressent mon arrondissement.

II y aurait grande utilité pour l'agriculture à établir des haltes an chemin de fer de l'Etat, à Neerwinden (entre Landen et Esemael) et à Bléret (entre Waremme et Remicourl). Ces haltes seraient surtout établies pour les marchandises et elles pourraient amener un accroissement assez notable du trafic sur le railway de l'Etat.

J'espère que l'honorable chef du département des travaux publics examinera ces deux questions avec bienveillance. Je renouvellerai ma recommandation en faveur de l'amélioration des stations de Waremme et de Fexhe.

M. de Brouckere. - Messieurs, à l'exemple de la plupart des orateurs qui m'ont précédé, c'est aussi pour mon clocher que j'ai demandé la parole. Il ne serait pas juste que quand tous les clochers défilent devant la Chambre à tour de rôle, le mien seul restât oublié. D'ailleurs, je ne fatiguerai pas la Chambre.

Il existe depuis longtemps des difficultés entre la ville de Mons et le gouvernement relativement à des travaux qui doivent être exécutés en commun, travaux qui intéressent la salubrité publique et la navigation sur les canaux de l'Etat.

La difficulté consiste à déterminer quelle est la quotité que chacune des deux parties doit supporter dans les frais qu'entraîneront ces travaux.

Si je suis bien informé, l'affaire est près d'arriver à son terme et je me borne à prier M. le ministre des travaux publics de vouloir bien donner une petite place à cette affaire dans la réponse qu'il fera, dans une prochaine séance, aux diverses interpellations qui lui ont été faites ou qui lui seront encore faites relativement à son budget.

Il y a bien encore, au ministère des travaux publics, quelques affaires pendantes qui intéressent des communes de mon arrondissement, mais je trouve chez M. le ministre des travaux publics, comme je trouvais chez son honorable prédécesseur, de si bonnes dispositions pour l'arrangement de ces affaires, que je crois pouvoir en toute confiance attendre l'effet de ces bonnes dispositions.

M. de Naeyerµ. - Messieurs, à l'exemple de plusieurs honorables collègues, je profite de la discussion du budget des travaux publics pour attirer l'attention du gouvernement sur quelques travaux qui intéressent particulièrement l'arrondissement qui m'a fait l'honneur de m'envoyer dans cette enceinte.

Messieurs, ainsi que vous l'a dit, hier, l'honorable M. Jouret, aux termes d'une convention qui a été conclue entre le gouvernement et la société concessionnaire du canal d Ath à Blaton, la canalisation de la Dendre aurait dû être achevée à la fin de l'année 1866 et cependant, à l'heure qu'il est, cet ouvrage n'est pas encore terminé. Il y a donc un retard de près d'un an et demi.

Je dirai que, pour ma part, je ne suis pas étonné de ce retard. Il est évident que l'exécution d'un ouvrage de cette importance n'a pu être terminée en quelque sorte à jour fixe, mais, ce qui est étonnant, ce qui est incroyable et je dirai même profondément regrettable, c'est que les grands avantages qui doivent résulter de cette nouvelle voie navigable sont en quelque sorte tenus en échec par une circonstance presque insignifiante : parce que le gouvernement n'est pas parvenu jusqu'ici à se mettre en possession de quelques ares de terrain situés à Lessines.

Ce sont ces quelques misérables ares de terrains qui paralysent tout, qui empêchent le pays de jouir d'une magnifique voie de navigation qui a un parcours de 10 à 15 lieues et qui est destinée à procurer d'immenses services surtout aux grandes industries du Hainaut et particulièrement encore aux charbonnages du couchant de Mons.

Evidemment, il y a là une situation qui doit cesser, et j'engage M. le ministre des travaux publics à agir avec toute l'énergie possible afin que l'obstacle que nous lui avons signalé disparaisse et que les millions dépensés pour la canalisation de la Dendre ne restent pas plus longtemps stériles pour le pays.

J'appuie autant qu'il est en mon pouvoir les observations très fondées qui ont été présentées, à cet égard, par l'honorable M. Jouret.

Je me joins également à cet honorable membre pour demander que le gouvernement veuille bien rétablir sans retard les trains du soir partant de Bruxelles pour les villes de la vallée de la Dendre, notamment pour Ninove, Grammont et Lessines. Ces trains ont existé pendant plusieurs années et ce n'est qu'au commencement de cet hiver qu'ils ont été supprimés.

Je puis déclarer que l'honorable M. Vanderstichelen, prédécesseur du ministre actuel, m'a dit formellement que son intention était de rétablir le service dont il s'agit dès le printemps et même de lui donner plus d'ampleur.

Il me paraît impossible que l'honorable ministre des travaux publics ne se fasse pas un devoir de courtoisie de réaliser les excellentes intentions manifestées par son honorable prédécesseur.

Qu'il me soit permis de faire remarquer, messieurs, que Ninove se trouve, à cet égard, dans une position exceptionnellement défavorable.

Il paraît qu'en faisant un détour assez considérable, ce qui est toujours fort gênant, on peut encore partir le soir pour Grammont et Lessines ; mais pour Ninove, cela est absolument impossible. Après 5 h. 10 il n'y a plus moyen de partir.

On a pu se résigner à cette situation pendant l'hiver, mais, depuis le retour du printemps, elle est devenue intolérable et donne lieu à des plaintes aussi vives que fondées. J'ai consulté le livret des chemins de fer et j'ai remarqué que dans un rayon de 7 à 8 lieues autour de la capitale, il n'y a pas une seule autre ville, grande ou petite, qui n'ait un départ de Bruxelles après 7 heures du soir. Pour Ninove seule, il n'y en a pas.

Ainsi, après sept heures du soir il y a un départ pour Wavre et pour Nivelles, et cependant ces villes ne sont desservies que par des lignes concédées, par des lignes exploitées par des compagnies, alors que la ville de Ninove, qui a une importance commerciale et industrielle, et qui n'est qu'à 5 ou 6 lieues de Bruxelles, n'a pas le même avantage, quoique étant dotée d'un chemin de fer desservi par l'Etat. Or, il me paraît impossible que l'Etat n'ait pas la louable ambition de soigner aussi bien les intérêts de ses clients que le font les compagnies.

Je pense donc que dans la réponse que l'honorable ministre fera aux diverses observations qui lui sont présentées, il pourra nous annoncer que les trains dont nous parlons seront rétablis immédiatement ou dans un bref délai.

Qu'il me soit permis maintenant de présenter quelques observations pour appuyer les motifs qui militent en faveur de l'établissement de plusieurs stations nouvelles.

Je parlerai notamment d'une station à établir à Okegem entre Ninove et Denderleeuw.

Cette station aura une utilité incontestable pour la Flandre orientale ; elle est appelée notamment à desservir trois communes de cette province savoir Okegem, Idderghem et Denderbautem, ayant une population de 5,000 à 6,000 habitants, c'est déjà là une utilité réelle, mais cette station est surtout destinée à rendre de grands services à plusieurs communes de l'arrondissement de Bruxelles et notamment aux communes de Parnele et de Lombek-Notre-Dame.

Ces communes sont importantes surtout au point de vue de la culture et du commerce de houblon. Je citerai un seul chiffre pour vous donner une idée de cette importance ; il y a bien des années où la vente du houblon amène dans la seule commune de Pamel, au delà d'un demi-million de francs. Il y a dans cette commune de l'aisance et du (page 1211) bien-être, mais les éléments de prospérité qui y existent sont paralysés par l'isolement dans lequel elle se trouve en ce qui concerne les voies ferrées.

Pour faire cesser cet isolement, on a déjà établi un nouveau pont sur la Dendre en face de la commune de Pamel ; on a en outre construit une chaussée, qui prend son origine dans la commune de Lennick et traverse les communes de Lombeek Sainte-Marie et Pamel, pour aboutir au pont dont je viens de parler et qui est en parfaite communication avec l'emplacement désigné pour la nouvelle station, de sorte que tout est préparé pour rattacher ces communes au chemin de fer ; il ne manque qu'une chose, c'est une station.

C'est donc le gouvernement qui est ici véritablement en retard ; j'ai la conviction qu'il comprendra qu'il est de son devoir de compléter, par l'établissement de la station que nous réclamons, l'ensemble des travaux exécutés par les communes.

Si je suis bien informé, il y a une espèce de convention entre le gouvernement et la société de Dendre et Waes, en vertu de laquelle cette station d'Okegem ne peut être établie que simultanément avec celle de Grimberghe dont a parlé M. Van Cromphaut, et une autre station intermédiaire entre celles de Ternath et de Denderleeuw. Quant à cette dernière station, je profiterai de l'occasion pour féliciter hautement l'honorable ministre des travaux publics de l'acte d'excellente administration qu'il vient de poser en décrétant que l'emplacement de cette station serait à l'endroit appelé Groot Afflighem Bosch, c'est-à-dire justement à moitié chemin des stations de Denderleeuw et de Ternath.

Il s'agit de localités que je connais depuis longtemps, et je puis garantir à l'honorable ministre que cet emplacement est parfaitement choisi sous tous les rapports, et il me serait très facile de justifier complètement cette affirmation.

Il y a donc une espèce de solidarité entre cette station du Groot-Afflighem Bosch et les deux autres que je viens d'indiquer.

Or, il est évident que l'établissement de trois nouvelles stations, quoique très modestes, doit entraîner une dépense plus ou moins considérable.

Mais je ne pense pas que ce puisse être là une objection sérieuse pour ajourner l'exécution d'un projet adopté depuis longtemps en principe.

Ne perdons pas de vue, messieurs, que nous avons dépensé des millions, que nous dépensons encore des millions et que pendant longtemps encore nous continuerons à dépenser des millions pour doter nos grandes villes et même des villes de troisième et de quatrième ordre de stations satisfaisant à tous les besoins.

Eh bien, quand nous faisons ces sacrifices auxquels je me suis complètement associé pour ma part, quand nous faisons ces sacrifices pour ce que nous appelons nos grands centres de population, nous ne pouvons évidemment pas reculer devant quelques centaines de mille francs pour établir aussi des stations dans nos communes rurales.

Veuillez remarquer, messieurs, que ce sont surtout ces petites stations, que j'appellerai des stations rurales, qui servent à étendre et à généraliser en quelque sorte les bienfaits des chemins de fer ; ces stations sont la conséquence nécessaire, forcée de la création des trains de banlieue.

Dans nos Flandres, on a parfaitement caractérisé ces trains, en les appelant boeren-treinen, c'est-à-dire trains des campagnards ; cette qualification est excellente, mais il faudrait aussi qu'elle fût une vérité ; pour cela, il faut de toute nécessité qu'on multiplie les stations rurales, de manière que les populations rurales puissent profiter du chemin de fer.

Messieurs, il y a, sous ce rapport, une immense différence entre les chemins de fer et les autres voies de communication : une route, un canal sont accessibles sur tout leur parcours et profitent partout aux localités qu'ils traversent, il n'en est pas de même d'un chemin de fer : un chemin de fer n'existe réellement que par les stations ; là, en effet, où il n'y a pas de station, c'est absolument comme si le chemin de fer n'existait pas.

Ainsi, une commune a beau être traversée dans toute sa longueur par un chemin de fer, si elle n'a pas de station, c'est, je le répète, comme si le chemin de fer n'existait pas pour elle. On pourrait même dire qu'on lui fait subir un véritable supplice de Tantale ; on semble ne lui offrir le spectacle des merveilles réalisées par le chemin de fer que pour lui faire mieux sentir la privation à laquelle elle est condamnée. Je le répète, c'est un véritable supplice de Tantale, auquel il importe de mettre un terme.

Si vous voulez que les trains de banlieue deviennent une vérité et méritent l'heureuse qualification qu'on leur a donnée dans nos Flandres, vous devez nécessairement multiplier les stations et faire en sorte qu'il y ait une station dans chaque commune que le chemin de fer rencontre sur son passage.

C'est, du reste, ce qui a été réalisé dans un certain rayon autour de la capitale. Ainsi, sur la ligne de Bruxelles vers Gand, jusqu'à Ternath il n'y a pas une commune traversée par le chemin de fer qui ne soit pourvue d'une station ; il en est encore de même sur la ligne de Bruxelles à Hal. Il faut nécessairement tâcher de généraliser ce système.

Je le répète, messieurs, il est impossible de continuer à entasser millions sur millions pour établir de grandes stations et laisser de côté les communes rurales. Je comprends qu'il y ait des inconvénients à avoir des stations qui ne répondent pas complètement à tous les besoins du commerce et de l'industrie ; mais enfin avec une station insuffisante les populations ne sont pas privées des bienfaits du chemin de fer ; la véritable calamité sous ce rapport c'est l'absence d'une station pour les communes traversées par le chemin de fer, et malheureusement telle est encore la situation qui est faite à un grand nombre de communes rurales.

Je crois donc, messieurs, que le gouvernement doit prendre la ferme résolution de demander, dans un bref délai, les crédits nécessaires pour multiplier les petites stations. C'est le seul moyen d'empêcher qu'un antagonisme, qui serait excessivement regrettable, ne vienne à naître entre les communes rurales et les villes.

Sous ce rapport, je me permettrai de recommander encore à l'attention de M. le ministre des travaux publics deux autres stations. Il s'agit de la ligne de Braine-le-Comte à Gand. Une pétition a été adressée à la Chambre sollicitant l’établissement d'une station à Moerbeek, entre Grammont et Gammerages, et les considérations que les pétitionnaires font valoir sont très concluantes.

Je crois qu'il sera utile de déposer la pétition des habitants de Moerbeke sur le bureau pendant la discussion du budget. Je me permets d'en faire la proposition. La Chambre prendra probablement plus tard la résolution de renvoyer toutes les pétitions à M. le ministre des travaux publics, et cet honorable ministre pourra ainsi se convaincre qu'il y a réellement lieu de faire droit à la réclamation des habitants de Moerbeke.

Messieurs, il est une autre station qui est réclamée ; c'est celle qui serait établie à Smissenhoek entre Sottegem et Maria-Lierde.

Il existe en faveur de cette demande quelques motifs spéciaux de justice sur lesquels je crois devoir attirer l'attention de M. le ministre des travaux publics.

Cet endroit, nommé Smissenhoek, et qui appartient à la commune d'Erwetegem, se trouve justement au point culminant de la crête de partage entre le bassin de la Dendre et le bassin de l'Escaut. Suivant le profil approuvé primitivement par le gouvernement pour la construction du chemin de fer dont il s'agit, il y avait impossibilité d'établir là une station. On n'avait pas ménagé à cet effet un palier suffisant.

Du moment qu'on s'en est aperçu, on a fait des réclamations pour obtenir une modification du profil. Le concessionnaire n'a pas voulu y consentir, à moins qu'on ne l'indemnisât de l'excédant de dépense qui devait en résulter et qui était évaluée de 10,000 à 12,000 francs.

Eh bien, les communes se sont cotisées ; elles se sont imposé ce sacrifice de 10,000 à 12,000 fr., dans l'espoir, ou, pour mieux dire, dans la certitude d'avoir plus tard une station. Le gouvernement a approuvé cet arrangement ; et en l'approuvant, il y a eu évidemment de sa part un engagement implicite d'établir une station dans cette localité.

Tout bien considéré, on est donc fondé à dire qu'il y a ici un droit acquis à titre onéreux. Je crois que ces circonstances méritent l'attention, toute spéciale de M. le ministre des travaux publics.

Je bornerai ici mes observations ; je les signale à la bienveillance de l'honorable ministre des travaux publics.

J'ai la conviction qui», comme ministre, il pratiquera ces idées larges, inspirées toujours par des principes de justice, d'équité et de loyauté auxquelles il nous a habitués comme représentant.

- La proposition de M. de Naeyer, tendante à ce que la pétition de la commune de Moerbeke soit déposée sur le bureau pendant la discussion, est mise aux voix et adoptée.

M. Van Wambekeµ. - Messieurs, je comptais présenter à M. le ministre des travaux publics, à peu près les mêmes observations que vient de présenter mon honorable ami, M. de Naeyer. J'ajouterai quelques courtes considérations que mon honorable collègue a omises, au sujet des trois stations dont il a parlé.

(page 1212) Depuis trois ans, nous avons réclamé dans cette Chambre l’établissement d'une station dans la commune d'Okegem... Si je me le rappelle bien, en 1866, l'honorable M. Vanderstichelen, alors ministre des travaux publics, nous avons donné l'espoir de faite examiner cette question ; depuis, heureusement, elle a fait un grand pas.

Le conseil provincial de la Flandre orientale et celui du Brabant se sont occupés, dans la dernière session, de l’établissement d'une station dans la commune d'Okegem ; et si ma mémoire est fidèle, à l'unanimité des membres, les pétitions ont été renvoyées au gouvernement, avec prière d'établir une station qui, comme vient de le dire l'honorable M. de Naeyer, est indispensable tant aux habitants du Brabant qu'à ceux des villages de la Flandre qu'il vient d'indiquer, savoir ceux de Denderhautem, Okegem, Idderghem, Pamel, Lombeek-Notre-Dame, etc., etc.

Quant à la station à établir dans la commune d'Erwetegem, il nous semble qu'après l'entrevue que nous avions eue en 1866 avec le chef du département des travaux publics, il est urgent que cette station y soit établie.

En effet, c'est après une réunion de plusieurs membres des conseils communaux des communes environnantes, savoir : Steenhuyze, Erwetegem, Essche-Saint-Lievin, Audenhove-Sainte-Marie, Audenhove-Saint-Gooris, Elst, Michelbeke, auxquels nous avons fait connaître la décision probable de M. le ministre, qu'elles se sont cotisées et ont payé une somme assez ronde à l'entrepreneur à l'effet d'établir, à l'endroit indiqué, un palier nécessaire à une station.

Depuis 1866, ces communes ont donc payé à l'entrepreneur une somme d'au delà de 11,000 fr. et aujourd'hui encore cette station n'est pas même à l'état de projet.

Si l'on n'a pas l'argent nécessaire pour faire une station en pierres ou en briques, rien n'empêcherait, après les sacrifices qui ont été faits par les communes, à ce que provisoirement on y établisse des stations en bois, comme cela existe dans d'autres localités.

Ces stations donneraient satisfaction aux communes qui se sont imposé ces grands sacrifices sans aucune compensation, du moins jusqu'aujourd'hui, puisque la station n'y est pas encore établie.

Quant à la station de Moerbeke... C'est déjà la troisième fois que je prends la parole à ce sujet. Les communes de Moerbeke et de Viane sont situées à l'extrémité de l'arrondissement d'Alost, en deçà de Grammont.

Les habitants de ces communes sont obligés de traverser la haute montagne de Grammont pour se rendre à la station de Grammont, distante de 6 à 7 kilomètres.

Ils demandent qu'au lieu de les forcer à faire un détour de 6 à 7 kilomètres, on construise une station qui soit mise à leur disposition.

Je voudrais aussi parler un instant des billets d'aller et de retour.

Il est réellement étonnant, messieurs, que l'administration des chemins de fer ne puisse pas accorder aux personnes qui habitent dans un rayon de 10 à 12 lieues de Bruxelles et qui se rendent très souvent dans la capitale, des billets d'aller et retour avec une certaine réduction.

Je ne veux pas examiner la question de savoir s'il ne conviendrait pas que la réduction du tarif fût applicable aux voyageurs qui parcourent de petites distances.

Je crois qu'en accordant les billets d'aller et retour avec une certaine réduction on donnerait satisfaction à bien des intérêts et on ne favoriserait pas uniquement les personnes qui ne font que traverser la Belgique.

Lorsque j'examine le tarif des chemins de fer, je m'aperçois que les personnes qui parcourent des trajets de 120 à 150 kilomètres ne payent pas plus que nous qui prenons le convoi d'Alost pour Bruxelles, distance de 30 kil.

Je le demande, messieurs, ce système est-il logique, et y aurait-il des inconvénients à accorder aux habitants des villes voisines de Bruxelles et même aux .autres, des billets d'aller et retour avec réduction ?

Je ne le pense pas.

J'appelle sur ce point l'attention de l’honorable ministre des travaux publics, parce que je crois que l'adoption de la mesure que je préconise serait un véritable bienfait pour les habitants des villes voisines de la capitale et autres et ne porterait aucun préjudice à l'administration des chemins de fer.

J'appuie, pour le reste, les observations de M. de Naeyer ; nos populations comptent sur les promesses faites antérieurement et j'aime à croire qu'elles ne seront pas déçues dans leur espoir.

M. Gerritsµ. - Comme j'ai eu l'honneur de le dire hier, il est parvenu à la Chambre un grand nombre de pétitions par lesquelles des conseils communaux, des comices agricoles et des habitants de différentes communes de la Campine demandent que le gouvernement accorde la concession d'un chemin de fer d'Anvers à Breda et à Bois-le-Duc.

D'après les renseignements que j'ai recueillis, les demandeurs en concession disposent des capitaux nécessaires pour la construction et l'exploitation de cette voie.

Ils ne demandent au gouvernement ni subside, ni garantie de minimum d'intérêt quelconque.

De manière que sans frais, sans charge pour le trésor public, de nombreuses et d'importantes communes sortiraient de l'isolement où elles se trouvent aujourd'hui.

S'il y a un travail dont l'utilité ne sera contestée par personne, c'est bien le défrichement des bruyères, de ces plaines étendues qui restent encore à l'état inculte dans notre pays et qui font tache sur la carte de la Belgique.

Eh bien, on peut affirmer hardiment qu'il n'y a pas de moyen plus pratique, qu'il n'y a pas de moyen plus efficace pour arriver au défrichement de ces terrains encore improductifs, que la construction du chemin de fer que je viens de vous recommander, chemin de fer qui traverserait la Campine d'un bout à l'autre dans deux directions différentes.

Vous le savez, messieurs, on a déjà fait des entreprises de défrichement sur différents points de la province d'Anvers, mais il faut bien le reconnaître, ces tentatives n'ont pas toujours été couronnées du succès espéré.

A quoi fait-il attribuer la non-réussite de ces efforts, quelque intelligents et courageux qu'ils fussent ? Ou, au moins, à quoi faut-il attribuer l'insuffisance des résultats obtenus ?

Tous les hommes pratiques, tous ceux qui connaissent cette partie de notre pays vous diront que la grande difficulté résulte précisément du défaut de voies de communication.

Etablir dans la Campine des voies de communication faciles et rapides, y amener la circulation, le mouvement, la vie, c'est, pour ainsi dire, par les moyens pacifiques de l'agriculture, conquérir une nouvelle province.

Mais, messieurs, ce n'est pas seulement au point de vue de l'agriculture, c'est aussi au point de vue du commerce que le chemin de fer projeté présente des avantages considérables.

Ce chemin de fer, se reliant au réseau néerlandais, établirait un nouveau moyen de communication avec la Hollande et avec le Nord de l'Allemagne.

L'utilité du projet ne peut donc être contestée par personne, et comme il ne coûterait absolument rien au trésor, je ne vois pas quelle raison plausible on pourrait opposer à la demande en concession.

Je dis qu'il ne coûterait rien au trésor, mais j'ai le droit d'ajouter que le trésor y trouverait des avantages directs pour les transports qu'il fait effectuer vers le camp d'artillerie de Brasschaet et vers le dépôt de mendicité de Hoogstraeten.

Une autre considération invoquée par les pétitionnaires et que je trouve très fondée, c'est que ce chemin de fer serait appelé à desservir les communes de Brecht et d'Hoogstraeten, qui sont deux des rares chefs-lieux de canton de notre pays qui ne sont pas encore reliés au réseau national.

Je n'insiste pas plus longtemps sur cette question, de crainte d'abuser des moments de la Chambre, en expliquant une chose qui me paraît évidente. Je termine en demandant à M. le ministre des travaux publics de bien vouloir faire connaître sa décision dans le plus bref délai, si elle n'est pas déjà prise. Car les capitaux disponibles pourraient trouver une autre destination, être autrement utilisés, et il serait réellement fâcheux de laisser échapper une occasion aussi exceptionnellement favorable que celle qui se présente aujourd'hui.

M. Davidµ. - Le temps nous presse, messieurs, je serai donc nécessairement très court, et je me bornerai à parler d'une manière très générale des tarifs des transports sur le chemin de fer de l'Etat ; je commencerai par rendre un hommage mérité à l'honorable M. Vanderstichelen, précédent ministre des travaux publics, pour les abaissements de ces tarifs si intelligemment et si courageusement opérés par lui : je dis intelligemment, messieurs, car des demi-mesures n'auraient amené que des pertes sèches pour le trésor public, sans animer en aucune façon la circulation des voyageurs.

J'engagerai ensuite son honorable successeur, M. Jamar, à persister (page 1213) dans cette voie et à aller plus loin encore en réduisant les prix des parcours à petites distances.

L'Etat n'est pas un entrepreneur ordinaire de travaux publics qui doive faire de gros bénéfices pour les repartager à ses actionnaires ; il a construit les chemins de fer avec l'argent de tous les Belges, avec le vôtre, avec le mien, et nous avons tous le droit d'exiger de lui qu'il transporte nos personnes et nos biens aux prix les plus réduits, à la seule condition de ne pas perdre sur la masse des transports.

Ce sont les bas tarifs qui provoquent la grande circulation des hommes et le développement de toutes les industries et du commerce, qui succomberaient sous la concurrence étrangère sous ces tarifs réduits ; on vous a du reste déjà signalé, dans cette discussion, les effets désastreux, pour un certain bassin houiller, d'un petit relèvement de prix de 50 c. par tonne pour des expéditions vers la France.

Jusqu'à présent les tarifs, réduits par l'honorable M. Vanderstichelen, ont amené des augmentations de recettes sur les années précédentes ; pourquoi donc abandonnerait-on un système qui produit des résultats aussi avantageux pour le trésor et pour le public ?

Les sociétés particulières de chemins de fer ont le plus grand tort de se plaindre des réductions opérées sur les chemins de fer de l'Etat. Ce sont ses bas tarifs qui concourent à leur prospérité. Chaque voyageur fait son budget avant de se mettre en route et parcourt d'autant plus de pays et plus souvent, tout en utilisant les lignes concédées, qu'il dépense moins d'argent sur le chemin de l'Etat.

Il en est de même pour les marchandises, dont une partie serait condamnée à rester sur place à l'endroit de production si des bas prix de transport n'en facilitaient pas le transport dans le pays et l'exportation à l'étranger.

D'un bout à l'autre de la Belgique, on a applaudi aux réductions de tarifs de l'honorable M. Vanderstichelen, que son honorable successeur, marchant sur ses traces, abaisse à son tour les prix de transport des hommes pour les courtes distances, et le pays entier lui sera reconnaissant.

Malgré la promesse que j'ai faite, en commençant, de ne m'occuper que des tarifs, à l'exemple de tous mes honorables collègues qui ont parlé jusqu'à présent, je ne terminerai pas sans faire aussi une petite réclamation en faveur de mon arrondissement ; depuis longtemps il est question de faciliter le transport des personnes et des correspondances entre Thimister et la station de Verviers, au moyen d'une voiture de poste réclamée à plusieurs reprises eu faveur de l'industrie importante groupée à Thimister et dans les environs ; je prierai l'honorable ministre des travaux publics de vouloir hâter l'organisation de ce service.

M. de Smedt. - Il me serait impossible de laisser clore la discussion du budget des travaux publics, sans me faire ici l'écho des réclamations et des plaintes de plus en plus vives qui surgissent dans mon arrondissement à raison des retards apportés à l'exécution de divers travaux d'utilité publique. Ces plaintes sont fort légitimes, surtout de la part des Nieuportois.

Je tiens d'autant plus à en parler dans cette discussion, qu'on voudrait me rendre personnellement responsable de l'inexécution de ces travaux. Le rôle du représentant consiste spécialement à démontrer que tel ou tel travail présente bien les caractères d'utilité publique, à tâcher ensuite d'obtenir du gouvernement que des crédits soient demandés pour en permettre l'exécution.

Une fois ces crédits votés par les Chambres législatives, c'est au gouvernement qu'il incombe de faire exécuter les travaux dans le plus bref délai possible. Tout retard dès lors dans leur exécution ne peut être attribué qu'au pouvoir exécutif ou à ses agents.

Or, c'est précisément la situation qui existe quant aux travaux à exécuter à Nieuport. L'utilité n'en a été méconnue par personne ; des voix sympathiques se sont élevées en leur faveur sur tous les bancs de cette Chambre, les sections et la section centrale se sont toujours prononcées pour leur exécution ; les crédits demandés n'ont soulevé, dans la Chambre, aucune opposition ; ils ont été votés à l'unanimité.

C'est ainsi que la Chambre mit successivement à la disposition du gouvernement en 1861, 200,00d fr. ; en 1862, 300,000 fr. ; et en 1863, 1,000,000 de fr. soit en total, pour l'amélioration du port de Nieuport, un million cinq cent mille francs. Sur cette somme 280,000 fr. seulement, ont été dépensés.

Si mes renseignements sont exacts, il resterait donc de disponible 1,220,000 fr.

On ne pourra donc pas venir nous objecter que la situation du trésor public ne permet pas d'exécuter aujourd'hui ces travaux. Nous avons 1,220,000 fr. disponibles et cela depuis 1865. Il est donc fort étonnant que les travaux ne soient pas encore exécutés. Or, ils ne sont pas même en voie d'exécution, car jusqu'à présent tout s'est borné à des travaux d'entretien, qui ont consisté en réparations au phare ; on y a placé l'ancien feu d'Ostende ; ensuite on a reconstruit et prolongé le quai de déchargement.

Enfin on a établi une digue de mer sur une longueur de 600 mètres et un pont de piéton de 400 mètres. Le gouvernement a en outre organisé à Nieuport un service de pilotage.

Je le répète, ce sont plutôt là des améliorations et des travaux d'entretien accessoires, indispensables d'ailleurs, mais indépendants des grands travaux projetés à Nieuport.

Ces travaux consisteront principalement dans l’établissement d'une estacade d'ouest, la construction d'une écluse de chasse plus rapprochée de l'entrée du chenal et dans la création d'un bassin à flot ou bassin de retenue.

Jusqu'à ce jour, aucun de ces travaux n'a été exécuté ; or, à la séance du 27 janvier 1860, l'honorable ministre des travaux publics d'alors, l'honorable M. Vanderstichelen, nous disait, en répondant aux réclamations dont nous nous faisions l'organe :

« J'ai chargé l'ingénieur en chef de la province de se mettre en rapport avec les autorités, d'entendre les réclamations et de me faire un rapport. L'honorable M. de Smedt a pu s'assurer par lui-même que l'affaire a été soigneusement traitée et que l'ingénieur que j'en avais chargé avait rempli sa mission et m'avait adressé un rapport. La question est à l'étude.....»

Ainsi, messieurs, de l'aveu du gouvernement lui-même, la question de l'amélioration du port de Nieuport est à l'étude depuis huit années.

Je crains bien que l'honorable ministre des travaux publics actuel ne nous réponde à nouveau que ces projets sont à l'étude encore aujourd'hui ; mais il me semble qu'après huit ans nous devrions avoir quelque chose de mieux ; d'autant plus que les études auxquelles on s'est livré n'ont pu être que des études complémentaires, car des plans avaient déjà été dressés depuis près de cent ans ; sous le gouvernement autrichien d'abord ; ensuite sous la domination française. J'ai même en ma possession un plan de l'ingénieur M. De Block qui date de 1853, présenté au Roi par le conseil communal de Nieuport de cette époque, et je ne pense pas que les travaux à exécuter diffèrent considérablement de ceux qui avaient été projetés dès le début de notre émancipation politique.

Si mes renseignements sont exacts, le gouvernement doit avoir aujourd'hui en sa possession trois plans nouveaux dressés par l'habile et intelligent ingénieur M. Simons.

Les projets ne manquent donc pas, mais leur exécution se fait par trop longtemps attendre.

Je demanderai donc à M. le ministre des travaux publics qu'il veuille me faire connaître quelle est la nature des travaux d'amélioration qui sont projetés au port de Nieuport et qui doivent être indiqués dans les plans déposés par l'ingénieur Simons.

Je me suis adressé au département des travaux publics et je n'ai pu avoir communication de ces plans. On m'a d't qu'ils étaient entra les mains de l'ingénieur qui était charge d'y apporter des modifications parce qu'ils étaient dressés sur une échelle trop vaste et hors de proportion avec l'importance actuelle du port de Nieuport et le développement probable du commerce de cette ville.

Si ces renseignements sont exacts, je me permettrai d'y répondre d'avance en disant que je trouve assez étrange qu'on n'ait pas donné à l'ingénieur, fort intelligent du reste, chargé de ce travail des instructions précises sur les proportions à donner à ces travaux et sur les sommes que le gouvernement est disposé à y consacrer. Si l'on avait procédé ainsi, le travail ne serait pas à refaire et il n'y aurait pas de nouveaux retards.

La seconde question que je me permettrai d'adresser à l'honorable ministre des travaux publics, c'est celle de savoir quel est le travail que le gouvernement compte entreprendre d'abord. Commencera-t-il par l’estacade ouest, par l'écluse de chasse ou par le bassin de retenue ?

Quant à moi, je crois être l'interprète des vœux de la ville de Nieuport, en disant qu'elle préfère voir construire d'abord l’estacade ouest, qui doit considérablement faciliter l'entrée et la sortie des navires, et en resserrant les eaux rejeter plus loin en mer, au moyen des écluses de chasse actuelles, le banc de sable qui se forme à l'entrée du chenal.

Une troisième question que je me permets d'adresser à M. le ministre (page 1214) des travaux publics, et qui concerne également Nieuport, c'est celle de savoir si l’on peut espérer que ces travaux seront commencés cet été ?

A ces considérations sur le port de Nieuport que je me vois forcé d’écourter pour ne pas fatiguer la bienveillante attention de la Chambre, je devrai en ajouter d'autres qui ont trait à d'autres localités de l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter.

Depuis quelque temps déjà le gouvernement a repris la route qui est devenue de grande communication reliant la Flandre au Nord de la France. Je veux parler de la route de Dixmude à la chaussée d'Ypres à Furnes, qui devra nécessairement se prolonger jusqu'à Isemberghe. Une section de cette route, celle compris entre Alveringhem et l'aggloméré appelé Nouveau cabaret, est encore en gravier et menace de devenir bientôt impraticable, en hiver surtout.

La commune d'Alveringhem s'est chargée jusqu'à présent de l’entretien de cette section, bien que cet entretien incombe à l'Etat, puisque le gouvernement a racheté cette route. Ce travail serait peu coûteux et pourrait se faire peu à peu.

Je demanderai en outre s'il ne serait pas possible d'établir un bureau de poste à Wulveringhem. Une malle-poste desservirait cette localité en se dirigeant de Rousbrugge à Furnes en passant par un grand nombre de communes d'une importance très grande. En effet cette malle-poste pourrait desservir les communes de Wulveriughem, Vinchem, Isemberghe, Leysele, Beveren et Rousbrugge.

Cette simple énumération, messieurs, démontre déjà par elle-même, pour les personnes qui connaissent ces localités, l'utilité qui résulterait pour ces populations de l'établissement d'un pareil service de malle-poste.

A différentes reprises, messieurs, j'ai appelé l'attention de M. le ministre des travaux publics sur le mauvais état du canal de Bergues et sur les inconvénients qui résultent pour la navigation du manque de profondeur.

Cette situation est d'autant plus déplorable que la section française de ce canal est approfondie. Les navires qui se rendent d'Hondschoote et de Bergues à Furnes sont obligés de rompre charge à leur entrée en Belgique. Il en résulte un préjudice considérable pour notre navigation et le commerce de toutes ces localités. Ce canal, il est vrai, est encore la propriété de la province, mais si l'Etat voulait accorder un large subside, je ne doute pas que celle-ci ne consente à mettre ce canal en bon état.

M. E. de Kerckhoveµ. - Messieurs, je me permettrai d'appeler à mon tour l'attention de M. le ministre des travaux publics sur quelques points qui me paraissent mériter de lui être signalés.

Je dirai d'abord un mot de la situation de l'arsenal de Malines.

Vous le savez, messieurs, cet établissement est un des plus importants de l'administration du chemin de fer de l'Etat : il occupe un grand nombre de bras et intéresse d'une façon toute particulière la population ouvrière de Malines.

L'arsenal de Malines s'est ressenti, l'année dernière, de l'espèce de crise qu'a traversée notre système de chemins de fer ; le travail a dû être réduit et la situation des ouvriers en a souffert considérablement. L'arsenal de Malines aurait besoin de travail, et le travail n'y manquerait pas si on lui assurait des ressources suffisantes.

L'année dernière, l'honorable ministre des travaux publics, M. Vanderstichelen, avait répondu à quelques observations que je lui avais adressées, qu'il était impossible, dans ce moment, de demander des crédits pour l'arsenal de Malines.

J'espère que cette impossibilité ne me sera pas opposée cette fois. Il pourra vous paraître singulier, messieurs, que j'invite le gouvernement a demander un crédit ; mais, an moins, vous ne trouverez pas mauvais que parmi les nombreux millions qui nous sont réclamés, je vienne solliciter quelque chose pour l'arsenal de Malines : il s'agit d'un grand et sérieux intérêt, de l'intérêt du travail, de l'intérêt de notre population ouvrière.

Puisque je parle des ouvriers de l'arsenal de Malines, je considère comme un devoir de rendre hommage aux efforts intelligents qui ont été faits, dans ces derniers temps, et surtout pendant l'hiver, par la direction de l'arsenal pour fournir aux ouvriers des moyens économiques de pourvoir à leur subsistance.

Mais, il faut bien le dire, ce sont là des palliatifs ; le mal est ailleurs : il faut du travail, et pour avoir du travail il faut de l'argent. J'ose espérer que l'honorable ministre des travaux publics voudra bien accueillir avec quelque sympathie l'observation que j'ai pris la liberté de lui soumettre.

A cette occasion, je me permettrai de rappeler un fait qui s'est passé, si j'ai bonne mémoire, il y a un an ou deux. A cette époque, plusieurs industriels, constructeurs de matériel de chemins de fer, se sont plaints que l'administration eût fait des commandes à l'étranger.

Je ne connais pas bien le détail de l'affaire ; seulement quelles-unes de ces plaintes sont venues jusqu'à moi, et je me permettrai de demander à M. le ministre des travaux publics de vouloir réserver à l'avenir les commandes de cette nature à l'industrie belge. Les ouvriers de. Malines y sont aussi intéressés et voici comment : On a essayé de fonder dans cette ville des ateliers pour la construction du matériel des chemins de fer et même un établissement remarquable y a été créé à force de travail et de persévérance par un homme de talent que la mort a enlevé récemment à ses nombreux ouvriers. Je veux parler de M. Ragheno. Cet établissement avait pris de grands développements ; une partie de la population ouvrière de Malines s'y était portée.

M. Raghcno mort, il importe que l'établissement soit maintenu, qu'il ne manque pas de commandes ; or, si la situation actuelle se prolongeait, cet établissement pourrait peut-être sérieusement péricliter, ce qui serait un véritable malheur pour notre population ouvrière.

Je le répète, c'est là un fait qui intéresse les ouvriers de Malines et, si l'administration prenait la résolution de ne plus faire travailler ailleurs qu'en Belgique, cet établissement aurait sa part naturelle et légitime des avantages qui seraient la conséquence de cette résolution pour toute l'industrie du pays.

Puisque j'ai parlé de la station de Malines, je crois pouvoir rappeler à l'honorable ministre, des travaux publics un plan déjà ancien et qui est quelque peu oublié. Il s'était agi dans le temps, il y a plusieurs années, de couvrir, au moins en partie, la station de Malines.

Je ne sais pourquoi ce plan a été abandonné ; en tout cas, je crois que l'administration ferait bien de le faire sortir des cartons. Il ne s'agit pas ici d'un intérêt purement malinois ; mais d'un intérêt réellement général, car il n'est personne qui ne soit dans le cas de traverser la station de Malines. Or, non seulement cette station devrait être couverte pour soustraire les voyageurs aux nombreux désagréments auxquels ils sont exposés pendant la mauvaise saison ; mais cette station offre encore de véritables dangers : la disposition des voies y est telle, que les voyageurs qui viennent, par exemple, de Liège et de Louvain pour se rendre vers Gand, sont obligés de traverser toute la station, au risque de se faire écraser par quelque convoi, et ce n'est que grâce au zèle et au dévouement du personnel de la station qu'on n'a pas à y signaler des accidents quotidiens.

Tout à l'heure, mon honorable ami M. Delaet a parlé de l'utilité d'établir un bureau de poste dans la commune de Schelle, aux environs d'Anvers. Cette demande me rappelle que nous avons reçu, il n'y a pas longtemps, une pétition des habitants de Boisschot, commune qui gagne chaque jour en importance, et dont les habitants les plus notables se sont adressés à diverses reprises à l'administration et finalement à la Chambre des représentants.

Je ne sais quelle suite a été donnée à cette réclamation, mais je puis dire que la position des habitants de Boisschot est identique à celle des habitants de Schelle et d'autres communes, et je trouve qu'on pourrait parfaitement leur appliquer ce que disait, il y a un instant, notre honorable collègue M. de Naeyer, à propos des communes privées de stations de chemin de fer.

On dépense beaucoup d'argent pour l'établissement de lignes de chemins de fer ; mais, pour que cet argent soit utilement dépensé, il faut, le plus possible, établir des stations dans les communes traversées par ces chemins de fer.

Je crois qu'on peut dire la même chose du service de la poste : on dépense beaucoup d'argent pour ce service, qui est géré par une administration excellente, j'en conviens ; mais il faut de toute nécessité fournir à tous les habitants du pays les moyens d'en tirer le parti le plus avantageux.

Or, nous avons encore (et la commune dont je parle est dans ce cas) des localités dont les habitants ne peuvent faire parvenir leurs lettres et recevoir la réponse qu'au bout de trois ou quatre jours et cela pour des communes éloignées seulement de quelques lieues.

Cet état de choses est trop anormal pour que M. le ministre des travaux publics ne se décide pas à y mettre un terme.

Je termine moi-même, messieurs, par un appel à vos souvenirs. L'année dernière, des habitants de l'arrondissement de Charleroi, si je ne me trompe, ont insisté auprès de l'administration des chemins de fer (page 1215) pour obtenir des billets à prix réduits en faveur des jeunes gens qui fréquentent l'école industrielle.

Nous avons, dans l'arrondissement de Malines, et probablement dans d'autres parties encore du pays, des jeunes gens qui ont un intérêt tout à fait identique à obtenir une faveur de ce genre. Ainsi, à Malines, nous avons des jeunes gens qui fréquentent, les uns, le Conservatoire royal de musique de Bruxelles ; d'autres, l'Académie de peinture d'Anvers, d'autres l'Université de Louvain.

J'ai appris avec plaisir de la bouche de M. le ministre des travaux publics que la question est à l'étude. On pourrait, je pense (c'est une idée que je soumets à l'honorable ministre), on pourrait profiter de cette circonstance pour essayer le système de l'abonnement, dont on a si souvent parlé et qui malheureusement n'a pas eu beaucoup de succès jusqu'à présent, au moins sur les chemins de fer de l'Etat. Je n'en dirai pas davantage. Je craindrais d'abuser des moments de la Chambre.

M. Carlierµ. - Messieurs, j'ai à demander à M. le ministre des travaux publics s'il ne pourrait pas arriver à faire donner à plusieurs importantes communes de l'arrondissement de Mons des stations de chemin de fer pour voyageurs.

Il existe au couchant de Mons une zone de pays extrêmement importante, tant sous le rapport de la densité de la population que sous celui des exploitations qu'on y rencontre, et qui se trouvent, pour le moment, privées de stations de voyageurs ; je veux parler des localités importantes de Pâturages, de Wasmes, de Warquignies, d'Elouges et de Dour ; en vous citant chacune de ces communes, je vous parle d'un centre de population d'une dizaine de mille âmes environ, soit avec les communes circonvoisines une population d'à peu près 75 mille âmes qui se trouve privée des avantages du chemin de fer, du moins en ce qui concerne le service de voyageurs.

Je sais que de longues négociations ont été suivies entre l'honorable prédécesseur de M. le ministre des travaux publics actuel et la compagnie des bassins houillers. Il était question de la concession d'un chemin de fer de Dour à Quiévrain ; et la construction de gares de voyageurs dans la plupart des localités que je viens de citer, formait une des conditions de crue concession.

Jusqu'à l'heure qu'il est, cette concession, qui a été promise, n'a pas été accordée.

Une prompte solution est désirable pour les populations dont je suis l'organe dans cette enceinte, et je la sollicite de la bienveillance de M. le ministre des travaux publics.

Il a été également question, il y a un certain temps, de la concession d'un chemin de fer de Mons à Enghien, ou tout au moins la concession d'un tronçon de chemin de fer qui abrégerait la distance de Mons à Bruxelles de 7 kilomètres environ, en reliant directement Mons et Neuville ; l'honorable M. Vanderstichelen avait promis de faire examiner s'il convenait de concéder cette ligne ou de faire construire le tronçon par l'Etat lui-même. Je désirerais connaître le résultat de cet examen.

Il est un dernier point que je signalerai à l'attention de M. le ministre des travaux publics. Il existe des intervalles beaucoup trop grands entre les heures de. départ des trains de Bruxelles vers Mons et la France ; le marin, il n'y a pas de train de 9 à 1 heure ; il n'y en a pas non plus de 5 à 7 heures de relevée. Je prie M. le ministre des travaux public d'apporter un remède à cet état de choses, en organisant le service des trains d'été.

M. Dewandreµ. - Messieurs, je ne veux qu'ajouter une observation à celles présentées par l'honorable M. de Macar sur l'emploi des pierres bleues ou blanches dans la construction de nos édifices publics.

Je me rallie, d ailleurs, complètement à ces observations.

Je désire attirer l'attention de l'honorable ministre des travaux publics sur la différence des tarifs auxquels sont soumis les transports par chemin de fer des pierres bleues et des pierres blanches.

Par suite de ce que j'appellerai un artifice de classification, les pierres bleues qui sont transportées de Belgique en France payent beaucoup plus que les pierres blanches venant de France en Belgique.

Les tarifs du chemin de fer divisent les pierres à bâtir en pierres brutes et en pierres taillées, et font payer beaucoup plus aux dernières qu'aux premières.

Je dis, messieurs, que c'est là une classification artificielle, car rien ne la justifie au point de vue des transports par chemin de fer.

Pour les unes comme pour les autres de ces pierres, le chemin de fer emploie des vaguons découverts ; les unes comme les autres sont chargées par l'expéditeur et déchargées par le destinataire.

Le chemin de fer n'a donc à débourser, pour les transports des unes et des autres, que des frais, absolument les mêmes, d'usage de matériel et de traction ; pourquoi dès lors leur appliquer des tarifs différents ?

Et notez, messieurs, que celle différence de tarifs est telle, qu'une tonne de pierre bleue transportée, par exemple, de Feluy à Paris payerait 22 fr. 20 c, tandis qu'une tonne de pierre blanche transportée de Paris à Feluy ne payerait que 9 fr. 40 c, c'est-à-dire moins de la moitié.

Il y a là, messieurs, une injustice préjudiciable au travail national et sur laquelle j'attire l'attention de l'honorable ministre des travaux publics.

Messieurs, j'avais aussi l'intention d'entretenir la Chambre d'une difficulté grave qui s'est élevée entre le chemin de fer de l'Etat et des établissements industriels importants de Marcinelle près de Charleroi. Mais l'honorable ministre des travaux publics vient de me dire qu'il m'a écrit aujourd'hui même une lettre que je n'ai pas encore reçue et qui m'annonce des mesures qui donneront, pense-t-il, satisfaction aux réclamations de ces industriels.

Ce n'est donc que quand j'aurai pris connaissance de cette lettre que je saurai si je dois ou non entretenir la Chambre de cet objet.

M. de Smedt. - Je demande la parole pour faire une rectification à mon discours. En voulant démontrer à la Chambre qu'on ne peut sans injustice me rendre responsable du retard apporté aux travaux qui doivent être exécutes à Nieuport, je n'ai pas voulu désigner le gouvernement comme seul coupable de ce retard. Ce reproche serait immérité, surtout s'appliquant à l'ancien ministre des travaux publics, M. Vanderstichelen, qui, dans bien des circonstances, a témoigné de sa vive sympathie en faveur de Nieuport.

Je ne puis pas non plus en rendre responsable le ministre actuel, parce que l'honorable M. Jamar est trop récemment entré au département des travaux publics, et que d'ailleurs j'ai des raisons toutes personnelles de présager qu'il se montrera aussi bienveillant que son collègue, et tiendra à honneur de mener à bonne fin les travaux projetés par son honorable prédécesseur.

Je ne veux pas indiquer la véritable cause de l'inexécution des travaux du port de Nieuport. J'ai voulu seulement établir un fait regrettable, et déclarer en même temps qu'il n'a pas dépendu de moi que l'on n'apporte plus de promptitude dans l'exécution des travaux dont il s'agit.

M. le président. - M. le ministre demande-t-il la parole ?

MtpJµ. - Je pense que la Chambre n'est pas disposée à m'écouter en ce moment.

Je demande donc qu'on remette à la prochaine séance la suite de la discussion générale.

M. le président. - La discussion générale sera donc continuée lundi. La Chambre a décidé dans une séance antérieure qu'elle se réunirait lundi afin de pouvoir terminer ses travaux dans le cours de la semaine prochaine.

Je me permets, messieurs, de vous rappeler cette décision, convancu que lundi à 2 heures nous serons tous à notre poste.


MpVµ. - M. Tack demande un congé.

- Accordé.

La séance est levée à 4 3/4 heures.