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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 22 avril 1868

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1867-1868)

(Présidence de M. Moreau, premier vice-présidentµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1033) M. Reynaert, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à deux heures et un quart.

M. Dethuin, secrétaireµ, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance/

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Reynaertµ présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Des habitants de Saint-Nicolas appellent l'attention de la Chambre sur la nécessité de prescrire aux chefs de corps de la garde civique certaines règles au sujet de la composition des compagnies. »

M. Van Overloopµ. - Je demande le dépôt sur le bureau de cette pétition pendant la discussion du budget de l'intérieur ; je demande, en outre, le renvoi de cette pétition à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.

- Adopté.


< Les sieurs Lefebvre, Van Marckc et autres membres de la ligue de l'enseignement, à Liège, proposent des modifications au système actuel d'enseignement moyen. »

- Même dépôt.


« L'administration communale de Mons transmet le vœu du conseil communal que la loi de 1842 sur l'enseignement primaire soit révisée. »

- Même dépôt.


« Il est fait hommage à la Chambre, par la commission administrative de la caisse de prévoyance établie à Charleroi, en faveur des ouvriers mineurs, de 120 exemplaires du compte rendu de ses opérations, pendant l'exercice dernier. »

- Distribution aux membres de la Chambre et dépôt à la bibliothèque.


« MM. de Maere et T'Serstevens demandent un congé. »

- Accordé.

Projet de loi relatif au transfert de la justice de paix de Limbourg à Dison

Dépôt

Projet de loi prorogeant la loi sur les étrangers

Dépôt

M. le ministre de la justice (M. Bara). - D'après les ordres dû Roi, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau un projet de loi relatif au transfert du canton de justice de paix de Limbourg à Dison et un projet de loi prorogeant la loi du 17 juillet 1835 relative aux étrangers.

- Il est donné acte à M. le ministre de la justice du dépôt de ces projets qui seront imprimés, distribués et renvoyés à l'examen des sections.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur de l’exercice 1868

Discussion générale

MfFOµ. - Messieurs, je dois à la Chambre quelques explications au sujet d'Une lettre qui m'a été adressée par M. l'archevêque de Malines, à propos de l'exposé que j'ai fait des causes qui ont amené la formation du ministère actuel.

Ces explications m'ont été demandées dans le cours du débat. J'étais retenu alors à l'autre Chambré par la discussion des lois militaires ; c'est seulement aujourd'hui que je puis utilement satisfaire à ce devoir.

La Chambre se souvient que j'ai donné au mois de janvier dernier communication de la correspondance qui avait été échangée entre le ministre de l'intérieur d'alors, l'honorable M. Vandenpeereboom, et le chef du clergé catholique. Je me suis borné à peu près à la communication de ces documents ; j'ai été très sobre de réflexions et de commentaires.

Le 17 novembre 1866, le ministre de l'intérieur avait réclamé le concours du clergé pour les écoles d'adultes. Par lettre du 22 décembre, M. le cardinal, répondant à cette communication et parlant au nom de ses collègues de l'épiscopat, annonçait l'intention de donner le concours du clergé aux écoles d'adultes, mais en y mettant certaine condition, certaine réserve ; il déclarait que le concours ne serait point général et que l'on se réservait le droit de ne point donner l'enseignement religieux aux adultes, dans les écoles qui pourraient faire concurrence à celles du clergé.

II me parut résulter de la lettre de M. le cardinal, et c'est l'opinion que j'exprimai dans cette Chambre, qu'il n'y avait pas une parfaite harmonie de sentiment sur cette question dans le corps épiscopal. lI me semblait que le cardinal était beaucoup plus favorablement disposé à donner son concours, que quelques-uns de ses collègues.

La lettre du 22 décembre annonçait en effet l'intention de M. le cardinal de donner au clergé de son diocèse les instructions nécessaires pour régler son intervention dans les écoles d'adultes sous la réserve qu'il indiquait. Mais nous pouvions supposer que les chefs des autres diocèses n'étaient pas dans les mêmes dispositions.

Cette opinion sur la divergence de vues qui régnait entre MM. les évêques fut confirmée pour moi par la lettre du mois de février 1867 de M. l'évêque de Tournai qui, lui, déclarait consentir purement et simplement, sans conditions, sans réserves d'aucune espèce, à intervenir dans les écoles d'adultes.

Le 7 avril, mon honorable collègue répondit à la lettre de M. le cardinal. Il lui dit qu'il voyait avec plaisir que le clergé se montrait disposé à donner son concours à ces écoles, mais que, suivant les propositions qui étaient faites, ce concours ne devant pas être général, il n'était pas tel que le supposait la loi de 1842, et qu'on y mettait une condition que mon honorable collègue déclarait inadmissible.

Dans cette même lettre, mon honorable collègue disait que, à la vérité, la religion ne figurait pas au programme des sections supérieures des écoles d'adultes, mais que, néanmoins, le clergé aurait en tout temps la faculté de visiter ces sections.

Cette lettre resta sans réponse.

Au mois d'août suivant, une intervention officieuse eut lieu, non auprès du ministre, qui était alors absent, mais auprès des fonctionnaires chargés spécialement au département de l'intérieur de la direction de l'instruction publique. Cette démarche, qui paraît avoir été renouvelée au commencement du mois d'octobre, n'eut pas de résultat.

C'est dans cette situation que l'affaire se trouvait au mois d'octobre, à la veille de l'ouverture des Chambres, et lorsque le ministère avait nécessairement à se prononcer sur l'attitude qu'il aurait à prendre dans cette affaire. L'opinion unanime des membres du cabinet fut que le concours n'était pas offert dans les conditions qui étaient déterminées par la loi, puisque l'on y mettait une condition que notre honorable collègue lui-même, qui désirait ce concours, avait déclarée inadmissible. C'est ce que j'ai exprimé, et c'est à peu près à cela que se sont bornées mes réflexions, lorsque, le 14 janvier dernier, j'ai eu l'honneur d'exposer la question devant la Chambre.

L'impression que nous avions reçue de cette correspondance officielle fut partagée par tous les membres de la Chambre qui en ont entendu la lecture et qui ont exprimé une opinion à ce sujet.

L'honorable M. de Theux, qui se leva après moi, ne vint pas déclarer que nous nous trompions sur le sens de cette correspondance, que nous avions mal apprécié les déclarations qui avaient été échangées. Il soutint que le clergé avait agi avec beaucoup de prudence, que s'il y avait là quelques obstacles, quelques difficultés, on aurait pu les aplanir par l'exécution franche et complète, disait-il, de l'arrêté du 1er septembre ; mais il approuvait le clergé de s'être montré très circonspect dans cette affaire. Voici ses propres explications sur ce point :

« Vous vous plaignez de quelques difficultés, de quelques retards dans le concours de l'épiscopat ; ces difficultés auraient évidemment disparu devant l'exécution franche par le gouvernement de l'arrêté royal, et elles auraient disparu aux applaudissements du pays.

« On n'a point parlé de l'adhésion de l'évêque de Liège à la demande (page 1034) de M. le ministre de l'intérieur, mais dans la province de Limbourg en particulier, qui fait partie de son diocèse, une quantité d'écoles d'adultes ont été organisées et ces écoles eussent reçu une grande extension si l'on n'avait pas eu connaissance du dissentiment qui s'était manifesté au sein du gouvernement (ce qui est une erreur de la part l'honorable M. de Theux) si les évêques n'avaient pas eu de justes motifs de craindre qu'après avoir accordé un concours loyal au projet du ministre, finalement l'instruction religieuse et l'exécution de la loi de 1842 eussent été abandonnées. Or, je comprends que les évêques, qui ont à sauvegarder les intérêts religieux et moraux, ne se soient pas trop empressés d'accéder aux premières démarches du ministre.

« Je dois reconnaître dans cette conduite la prudence et l'accomplissement d'un devoir sacré. Du reste je ne veux pas approfondir aujourd'hui cette question ; elle se représentera nécessairement dans la discussion du budget de l'intérieur, lorsque le nouveau ministre sera à son banc et j'espère qu'alors l'ancien ministre ne reculera devant aucune des explications qu'il doit à la Chambre et au pays dans l'intérêt de sa propre dignité. »

M. le ministre de l'intérieur de l'époque n'attendit point la discussion du budget de l'intérieur pour s'expliquer, car diverses observations ayant été présentées par l'honorable M. Dumortier, l'honorable M. Vandenpeereboom demanda la parole et déclara en propres termes ce qui suit :

« J’ai demandé la parole au moment où l’honorable M. Dumortier disait : Les explications données par M. Frère ne sont pas claires et nettes, il y a quelque chose là-dessous. J’ai alors demandé la parole pour déclarer qu’en ce qui me concerne, non seulement je n’ai aucune observation à faire sur les faits exposés par mon honorable ancien collègue, mais que je ne puis que confirmer les détails que l’honorable ministre a données à la Chambre. Les circonstances qui m’ont permis de me retirer et, je veux bien le reconnaître, depuis plusieurs années je désirais quitter le pouvoir, ces circonstances ont été clairement indiquées par l’honorable M. Frère. »

Ainsi les explications que j'ai données étaient sur-le-champ confirmées par mon honorable ami. Dans la même séance, l'honorable M. d'Elhoungne, qui avait entendu la lecture de la correspondance, l'appréciait comme nous-mêmes.

« Je ne suivrai pas, disait-il, l'honorable membre dans la discussion qu'il a abordée des explications que l'honorable chef du cabinet vient de communiquer à la Chambre ; mais je dois dire que c'est avec une profonde surprise que j'ai vu l'opposition des chefs du clergé à la réglementation des écoles d'adultes sur le pied de la loi de 1842, que l'honorable M. Alphonse Vandenpeereboom avait cru pouvoir introduire dans notre organisation de l'enseignement public. Il me semble, messieurs, que les membres de l'épiscopat ont fait e 'cela une véritable imprudence, car ils ont ébranlé ainsi, jusque dans ses bases, la loi de 1842 elle-même.

« En acceptant cette loi là où elle leur est favorable, en la repoussant, en la répudiant là où ils craignent qu'elle puisse leur être défavorable, ils réduiront de beaucoup le nombre des partisans de cette loi, le nombre de ceux qui la subissaient, le nombre de ceux qui ne la toléraient quelque temps encore que comme une expérience nécessaire, mais transitoire. »

Deux jours après, l'honorable M. Rogier, qui avait à son tour à s'expliquer, donnait à la correspondance exactement le même sens. Voici comment il s'exprimait :

« Et lorsqu'il invoque les raisons qu'il a opposées au ministre de l'intérieur pour refuser son concours aux écoles d'adultes que le ministre voulait développer sur une grande échelle, il est encore plus dans son tort. J'en demande pardon à la mémoire du vénérable prélat de Malines, mais je dois dire que de pareilles raisons n'étaient pas dignes de son esprit éminent. Si l'on veut invoquer la concurrence des écoles du clergé pour refuser son concours aux écoles d'adultes officielles, on peut l'invoquer aussi pour refuser son concours aux écoles primaires proprement dites, car les écoles primaires officielles font concurrence aux écoles primaires du clergé. Il existe un grand nombre de ces dernières dans les communes, et si, par crainte de porter préjudice à ces écoles, le clergé allait refuser son concours aux autres, il serait en révolte ouverte avec la loi et le sentiment public. »

Ainsi, messieurs, l'appréciation de la correspondance faite par les ministres, l'appréciation faite par les membres de la Chambre lorsqu'ils en ont eu connaissance, étaient concordantes sur ce point, que le concours du clergé n'était point promis dans les termes de la loi de 1842.

L'appréciation de la presse fut-elle différente ? En aucune façon. Seulement, quelques jours après mes explications, lorsque l'on comprit l'effet qu'avait produit la révélation de cette correspondance, on chercha à la commenter dans la presse et l'on prétendit que mon appréciation était erronée.

Enfin, messieurs, le 16 mars de cette année, M. l'archevêque de Malines m'a fait l'honneur de m'écrire une lettre que les membres de la Chambre connaissent et dans laquelle il conteste à son tour l'exactitude de l'appréciation que j'ai faite de la correspondance.

Messieurs, je pense qu'il est inutile de donner lecture de cette lettre, qui est fort étendue. D'ailleurs, je l'ai fait insérer au Moniteur immédiatement après l'avoir reçue, comme l'avait demandé M. l'archevêque, et comme c'était justice, et elle a été reproduite par la plupart des journaux.

Si MM. les évêques s'étaient bornés à faire connaître que leur intention avait toujours été de donner un concours, non pas partiel et conditionnel, mais général et sans réserve aux écoles d'adultes, s'ils s'étaient bornés à nous dire que la correspondance échangée ne pouvait pis être appréciée isolément, qu'elle devait être complétée par des actes particuliers, tout à fait intimes, comme, par exemple, les procès-verbaux des séances de l'épiscopat assemblé, et que M. l'archevêque invoque dans sa dernière lettre, la Chambre comprend que je n'aurais pas eu le dessein de contester en aucune façon des intentions qui eussent été ainsi affirmées ; au surplus, je ne conteste pas encore ces intentions ; je parle seulement de l'appréciation que j'ai faite de ces intentions telles qu'elles résultent de la correspondance, des pièces officielles, les seules dont le gouvernement ait eu connaissance.

Mais on a élevé une toute autre prétention ; on a élevé la prétention de m'isoler complètement en cette matière ; on a déclaré que j'avais fait une appréciation personnelle, individuelle de celle correspondance, appréciation qui était en contradiction complète avec celle de mes propres collègues, et même avec les explications données par mon honorable ancien collègue du ministère de l'intérieur qui, lui, disait-on, était plus à même que tout autre d'apprécier le véritable sens de ces actes.

Voici ce qu'on m'écrit en propres termes :

« M. le ministre de l'intérieur dans le précédent cabinet est sur tous les points d'une opinion diamétralement opposée à la vôtre. »

Je me permets de trouver cette appréciation et cette prétention très extraordinaires. Les déclarations de l'honorable M. Vandenpeereboom après mon exposé et les explications de l'honorable M. Rogier me paraissent déjà établir suffisamment que nous n'étions pas d'une opinion diamétralement opposée. Mais, messieurs, je dirai plus : c'est qu'ayant à donner des explications à la Chambre dans lesquelles je n'avais pas seulement à exprimer mes propres idées, mes propres impressions, mes propres sentiments, mais les idées, les impressions et les sentiments d'autrui, j'avais pris le soin de communiquer au préalable à mon collègue M. Alphonse Vandenpeereboom, le texte des explications écrites que j'ai eu l'honneur de donner à la Chambre ; de telle sorte qu'il ne peut y avoir le moindre doute sur ce point, et que l'assertion qui consiste à prétendre que je suis en contradiction avec mon collègue de l'intérieur, est tout à fait erronée.

Non, messieurs, l'accord a été complet dans l'appréciation de la correspondance de l'épiscopat avec le gouvernement ; nous avons été unanimes pour reconnaître que la condition mise au concours du clergé était inadmissible.

Ainsi, toute la première partie de la lettre de M. l'archevêque, qui tend à établir cette prétendue contradiction entre mon collègue et moi, repose sur une erreur manifeste. Seulement, M. Vandenpeereboom a exprimé l'avis que les difficultés auraient pu être aplanies, et j'ai, quant à moi, émis un avis contraire ; j'ai pensé que c'était une illusion de sa part, j'ai cru que le concours du clergé était en réalité refusé.

La seconde partie de la lettre de M. l'archevêque a pour objet de démontrer, soit en affirmant qu'on n'a pas insisté sur la condition mise au concours, soit en invoquant certains actes particuliers et intimes, notamment les procès-verbaux des délibérations de MM. les évêques assemblés, la seconde partie de cette lettre, dis-je, a pour objet d'établir quelles étaient les intentions réelles du clergé.

Eh bien, sur ce point, je le répète, je n'ai rien à contester. Nous n'avons pas pu nier des intentions qui n'avaient pas été révélées. Comme je l'ai dit tantôt, si l'on s'était uniquement placé sur ce terrain, nous aurions laissé à chacun la liberté d'apprécier. Mais sur le dissentiment même existant entre MM. les évêques, dissentiment que nous (page 1035) avions conjecturé et qui ne nous était pas alors révélé d'une manière manifeste, nos inductions n'étaient-elles pas fondées ?

Je disais dans mes explications :

« Nous ne savons naturellement ce qui s'est passé dans la conférence de MM. les évêques, dont parlait M. le cardinal. Mais il est permis de supposer s'il n'y avait pas une harmonie complète dans les dispositions des chefs du culte catholique, au sujet du concours à donner aux écoles d'adultes. »

Était-ce, messieurs, de notre part une supposition trop hardie ? Déjà je l'ai fait remarquer à la Chambre, la lettre même de M. le cardinal, du 22 décembre 1866, donnait ouverture à ces conjectures. Elles étaient confirmées par la lettre de M. l'évêque de Tournai, qui donnait son adhésion sans condition ni réserve.

Mais bientôt après que nous avions exprimé cette idée, on nous a fourni la preuve évidente qu'il y avait un dissentiment marqué entre MM. les évêques. Il nous a été démontré par les défenseurs mêmes de l'attitude prise par le clergé dans cette affaire.

Voici, en effet, une lettre qui a été publiée par le Journal de Bruxelles, lettre qui est rappelée par extrait dans celle de M. l'archevêque de Malines. Elle a été adressée par M. le cardinal le 15 avril 1867 à ses collègues ide l'épiscopat et atteste qu'il n'y avait aucune difficulté pour lui ; la difficulté n'existait que pour quelques-uns de ses collègues.

« Messeigneurs,

« J’ai l'honneur de communiquer à Vos Grandeurs la lettre que j'ai adresse à M. le ministre de l'intérieur, en suite de l'entretien que nous avons et sur la dépêche que ce haut fonctionnaire m'avait adressée le 17 décembre dernier. J'y ajoute la réponse de M. le ministre (en date du 7 avril 1867).

« En conséquence des explications qui y sont contenues, je vais envoyé à MM. les curés de mon diocèse le règlement d'organisation des écoles d'adultes, en date du 1er septembre 1866, et je les informerai qu’ils doivent prêter leur concours à ces écoles qui seront ouvertes dans leurs paroisses, en conformité du règlement.

« J'ajouterai que si, contre toute attente, un obstacle sérieux venait à les empêcher de visiter une de ces écoles, ils devront en référer à M. l'inspecteur diocésain ou à moi, avant de refuser leur concours. »

Eh bien, messieurs, ce que nous ignorions, ce que nous conjecturions seulement, ce qui nous à été révélé par cette lettre, ce qui est maintenant prouvé, c'est que les démarches qui ont été faites postérieurement, c'est-à-dire au mois d'août, et ensuite, paraît-il, au commencement d'octobre 1867, n'ont pas eu lieu de la part de M. le cardinal, ni de M. l'évêque de Tournai, mais de la part d'autres chefs du clergé qui résistaient aux vœux du gouvernement. Il n'y avait donc pas accord sur la question, comme on l'a énoncé.

Messieurs, voulait-on, en effet, donner complètement le concours, sans restriction ni réserve ? Les difficultés qui existaient alors auraient-elles été aplanies ? J'en doute. J'ai émis l'opinion contraire, et je vais vous dire pourquoi ; je vais dire sur quoi je fondais cette opinion.

Nous avons quelques exemples assez remarquables de la manière dont le clergé apprécie l'opportunité de son intervention dans l'enseignement public. A une certaine époque, on a demandé l'intervention du clergé dans le collège communal d'Ypres. On y offrait, au point de vue religieux, toutes les conditions que le clergé pouvait réclamer ; il n'y avait pas de difficulté sur ce point ; on admettait la convention d'Anvers, si ce n'était même plus ; les faits sont connus et je n'y reviens pas, car il y a eu sur ce point discussion dans cette enceinte.

Or, messieurs, à raison de l'existence d'un collège épiscopal dans la même localité, et d'un arrangement financier qui ne put avoir lieu, le concours fut refusé !

A une époque plus récente, dans la ville de Bruges, l'administration communale créa une école payante pour les filles ; elle réclama le concours du clergé, déclarant qu'elle entendait soumettre cette école à la loi de 1842.

Le clergé répondit que cette école, quoi qu'on pût dire, ne tombait pas sous le régime de la loi de 1842 ; qu'elle n'était pas une école obligatoire ; que c'était une école facultative ; une école qui se trouvait en dehors des prévisions de la loi de 1842, et bien que l'on déclarai vouloir la soumettre au régime de cette loi, le concours ne fut pas accordé.

On ajouta que, pour obtenir ce concours, il y aurait un règlement spécial à faire, et à ce sujet on voulut faire comprendre dans ce règlement, non seulement l'école payante pour les filles, mais encore l'école moyenne et l'athénée de Bruges.

Le concours fut donc encore refusé !

Enfin, à propos de ce même règlement pour les écoles d'adultes qui a donné lieu à la discussion qui nous occupe, un fait qui avait, à mes yeux, une signification assez considérable, s'était passé au conseil provincial de la Flandre orientale.

La grande majorité de ce conseil appartient, comme vous le savez, à l'opinion catholique, qui s'y trouve représentée par des hommes dont les doctrines sont les plus fermes, les plus inébranlables ; le conseil provincial de la Flandre orientale déclara qu'il ne voulait donner aucun subside pour concourir à l'établissement d'écoles d'adultes, bien qu'on entendît les soumettre à la loi de 1842 !

J'ai pensé, j'ai peut-être eu tort, je me suis peut-être trompé, mais j'ai pensé que cet ensemble de faits attestait qu'on n'avait pas l'intention d'étendre l'application de la loi de 1842, chaque fois que cette application pouvait faire quelque tort à des écoles établies par le clergé.

La Chambre et le pays apprécieront.

Quoi qu'il en soit, un fait demeure incontestable : c'est qu'au moment où nous avons été appelés à nous prononcer, au mois d'octobre 1866 et en 1867, la condition mise au concours du clergé pour les écoles d'adultes n'avait pas été retirée ; qu'elle ne l'a jamais été.

D'après la lettre que m'a fait l'honneur de m'adresser M. l'archevêque, on déclare cependant que l'on y avait renoncé. Nous l'ignorions bien certainement. On y avait renoncé, dit-on. Mais cela devait se faire par voie de prétention ; on n'eu aurait rien su officiellement, ni même officieusement ; seulement on n'en aurait plus parlé, et du moment où M. le ministre de l'intérieur aurait confirmé par écrit, paraît-il, car je n'en sais rien, les explications qui avaient été données dans les bureaux par les fonctionnaires de son administration, le concours aurait été alors définitivement accordé.

Je ne sais, messieurs, s'il eût convenu à mon honorable ancien collègue d'accepter le retrait d'une condition de ce genre par voie de prétention ; je ne sais s'il lui eût convenu, alors qu'on n'avait pas répondu à ses lettres, de prendre l'initiative pour confirmer les explications données par les fonctionnaires de son administration. Je suis porté à croire que le sentiment de sa propre dignité ne lui eût pas permis d'agir de la sorte ; il devait attendre une communication officielle, et cette communication officielle n'a pas eu lieu.

Au surplus je ne veux pas insister ; je ne conteste pas les intentions ; je me défends seulement du reproche qui m'a été adressé, celui d'avoir fait une appréciation erronée de la correspondance ; je me défends du reproche d'avoir fait cette appréciation d'une manière isolée et de me trouver complètement en contradiction avec mon collègue de l'intérieur d'alors, M. Vandenpeereboom, qui déclarera à son tour, je crois, que nous étions parfaitement d'accord. Il l'a d'ailleurs déjà dit plusieurs fois dans cette Chambre.

J'ai d'autant plus de raisons de ne pas insister, qu'au fond, il me semble tout le monde est unanime dans cette question des écoles d'adultes. On cherche à le dissimuler, mais on veut en vain le nier ; l'accord est complet de part et d'autre, dans la droite et dans la gauche, entre MM. les évêques eux-mêmes et nous, sur le régime applicable aux écoles d'adultes.

On disserte bien sur un point de droit, cela est vrai. Mais il s'agit d'une pure spéculation, d'une simple discussion théorique sur le sens de l'article 25 de la loi de 1842 et sur ses conséquences.

Je reconnais que, sur ce point, on peut discuter beaucoup ; je reconnais qu'on peut invoquer de part et d'autre d'assez bons arguments, d'assez fortes autorités ; je concède qu'on peut invoquer surtout un grand nombre de circulaires.

Mon honorable collègue de l'intérieur, M. Pirmez, a restitué à ces circulaires leur véritable sens ; j'admets pourtant qu'on les invoque contre lui.

Mais ce qui est beaucoup plus fort que toutes ces discussions juridiques, c'est un fait constant, persévérant, non contesté, admis par tout le monde.

Quels sont les actes ? Au mois d'août 1845 la ville de Bruxelles institue des écoles d'adultes ; elle fait un règlement pour ces écoles, et elle écrit en tête de ce règlement ; Vu l'article 25 de la loi du 23 septembre 1842. Elle organise donc ces écoles en vertu de la loi de 1842, et cependant elle n'y fait pas donner l'enseignement religieux, elle ne les soumet pas à l'inspection.

Voilà un fait patent, notoire, qui se produit à une époque très rapprochée de la mise à exécution de la loi de 1842 ; et pourtant quelqu'un a-t-il réclamé au nom du clergé ? Est-ce que l'inspection ecclésiastique s'est présentée pour pénétrer dans ces écoles en invoquant le droit (page 1036) qu'elle eût cru pouvoir puiser dans la loi de 1842 ? En aucune façon.

L'honorable M. de Theux, qui est si ferme sur les principes en cette matière, est appelé, par exception, à approuver comme ministre de l'intérieur le budget de la ville de Bruxelles qui contient le subside alloué à cette école. Eh bien, si la thèse juridique que l'on soutient est vraie, il y a une chose très simple à faire : que dis-je ? il y a une obligation impérieuse en vertu de l'article 26 de la loi de 1842 de retirer le subside à cette école. Mais l'honorable M. de Theux n'en fait rien. L'honorable M. de Theux approuve le subside donné à cette école, qui n'est pas soumise au régime de la loi de 1842.

Ailleurs, dans beaucoup de localités, les mêmes faits se passent sans qu'il y ait réclamations ou protestations de qui que ce soit.

Il arrive quelquefois que l'inspection civile se présente et réclame le droit d'intervenir pour surveiller l'école.

C'est ici que surgissent les circulaires. On prétend avoir le droit de surveiller les écoles ; on interprète dans ce sens la loi de 1842 ; mais les autorités qui ont institué l'école répondent : Vous êtes dans l'erreur : l'école est facultative, elle n'est pas obligatoire ; l'article 25 n'a pas été réglementé, vous ne nous donnez pas de subside ; donc nous n'avons pas à nous soumettre à l'inspection.

Et l'on n'agit pas, et l'on ne contraint pas à l'exécution de la loi dans le sens qu'on lui attribue.

Il y a plus, messieurs : En 1852, la ville de Gand établit des écoles d'adultes et, contrairement à ce qui s'est fait à Bruxelles, elle les soumet à la loi de 1842. Elle inscrit le cours de religion dans le programme de ces écoles. Mais après une expérience de quelque temps elle constate que l'obligation imposée aux élèves qui fréquentent ces écoles d'avoir à répéter le catéchisme fait déserter les cours. L'administration communale de Gand, émue de ce fait, change son règlement ; elle ne soumet plus à toutes les dispositions de la loi de 1842 les écoles qu'elle a instituées, et la chose se passe comme ci-devant, sans aucun embarras, sans difficulté, sans réclamation de l'autorité civile ou de l'inspection ecclésiastique.

La commune de Saint-Josse-ten-Noode ouvre une école en 1856 ; cette fois il y a quelque chose de plus significatif encore que dans les autres cas que je viens de citer. A Saint-Josse-ten-Noode, le cas est spécialement porté à l'attention du ministre. Il est mis en demeure de se prononcer et d'agir.

Il se prononce, mais pour ne pas agir ; on n'applique pas la loi ; on juge qu'il n'y a pas lieu de se montrer trop scrupuleusement observateur de ses dispositions controversées. On n'est pas tellement certain de son droit que l'on veuille retirer le subside en vertu de l'article 26.

Enfin, messieurs, le règlement du 1er septembre 1866, sur lequel nous discutons, est la preuve manifeste qu'on n'a pas soumis les écoles d'adultes à toutes les dispositions de la loi de 1842. Que fait-on, en effet ?

Dans le programme de l'enseignement à donner à la première section, on comprend le cours de religion. Mais quant à la seconde section, on déclare que la religion ne fait pas partie du programmeur, si les écoles d'adultes tombent absolument sous l'application de la loi de 1842, comment aurait-on pu violer la loi aussi manifestement ?

C'est qu'en présence d’une vérité évidente, incontestable, en présence de faits puissants qui s'imposent par la nature même des conditions dans lesquelles se trouvent ces écoles spéciales, on comprend parfaitement que l'on ne peut traiter les adultes comme les élèves des écoles primaires, et qu'il faut leur appliquer un règlement différent. Le clergé lui-même le comprend ainsi. Qu'arrive-t-il en effet ? Mis en présence du règlement du 1er septembre 1866, que dit le clergé ? Prétend-il qu'il faut inscrire la religion dans le programme de la division supérieure ? Pas du tout, et l'envoyé du clergé qui a fait preuve en cela d'un esprit sage, comme je l'ai dit en rapportant ses explications, a justifié cette situation par des motifs péremptoires. Prétend-il même, le clergé, qu'il aura à donner une leçon proprement dite, un cours régulier d'enseignement ? En aucune façon. M. le ministre de l'intérieur a dit au clergé : « Pendant les heures de classes, tout doit être donné à l'instruction littéraire ; maïs vous pouvez visiter l'école et entretenir les élèves après les heures des classes. » De leçon, il n'en est pas question.

Et pourtant le clergé nous dit aujourd'hui que, dans ces conditions, il aurait pu consentir à donner son concours. Ainsi donc, pas d'enseignement religieux ; une simple inspection, ou tout au plus la faculté de donner une courte conférence après la classe, à ceux des élèves qui voudraient l'entendre.

Je crois qu'on ne peut pas contester qu'on soit au fond d’accord pour reconnaître que les écoles d'adultes doivent être soumis à un règlement spécial, et que ce n'est pas celui des écoles primaires qui leur est de droit et nécessairement applicable.

Quelques personnes se récrient cependant ici contre un pareil principe. On manifeste les plus vives appréhensions. Que deviendront, dit-on. ces écoles oh l'on n'enseignera point la religion ? Que doit devenir, sans instruction religieuse, les jeunes gens qui les fréquentent ?

Messieurs, en cette matière, on déplace toujours la question. Je demande, moi, ce que devient, non pas le petit nombre, le nombre exceptionnel de jeunes gens qui fréquentent les écoles d'adultes, mais la multitude de ceux qui n'y vont pas ? Les adultes, nous les comptons par centaines de mille. Combien y en a-t-il dans les écoles ? Fort peu, comparativement au nombre énorme de ceux qui n'y entrent pas. Quelles leçons spéciales de religion donne-t-on à ces derniers ? Aucune. On ne s'en occupe pas. Pour appuyer la thèse que l'on défend, il faut nécessairement que l'on soutienne que, par cela seul qu'on ouvre une école, il est indispensable que le cours de catéchisme y soit donné.

Je dis, messieurs, que cela n'est pas raisonnable. Les adultes qui vont à l'école pour apprendre à lire et à écrire ou pour se confirmer dans la lecture et l'écriture, seront absolument dans les mêmes conditions que ceux qui n'y vont pas, c'est-à-dire qu'ils auront l'instruction relieuse de la famille, où ils peuvent la recevoir, et l'instruction religieuse à l'église, au prône, comme tous les autres fidèles.

Ce ne sont là que des tactiques, des habiletés de discussion employées pour soutenir des prétentions qui ne sont pas véritablement soutenables et que l'on invoque surtout pour justifier la loi de 1842. J'en dirai quelques mots.

Messieurs, que l'enseignement moral et religieux soit indispensable pour l'enfance, qu'il soit de tous le plus indispensable et le plus indiscutable, dirai-je, c'est ce qu'on ne contestera pas. Nous n'avons pas à redouter beaucoup que l'on arrive à faire disparaître l'enseignement religieux ; il ne disparaîtra pas, et je m'en félicite.

L'homme, suivant la définition d'Aristote, est un animal politique. Mais on peut dire aussi qu'il est surtout un animal religieux. Personne ne conteste que l'instruction morale et religieuse doive être donné à l'enfance ; mais l'enseignement dogmatique, qui peut être séparé de l'enseignement moral et religieux, comme nous le verrons tout à l'heure, c'est la mission de la famille, c'est la mission des églises.

L'enseignement dogmatique n'a pas besoin d'être mêlé à toute l'instruction et à tous les degrés de l'instruction. Qu'il soit donné à l'enfance, même dans l'école, comme c'est l'opinion que j'ai exprimée plusieurs fois, personne n'y fait obstacle. Mais donné ici ou là, dans l’école ou hors de l'école, à l'église ou ailleurs, l'enseignement dogmatique doit-il être mêlé à toutes les autres parties de l'enseignement ? Voilà en réalité toute la question.

Mais comment ne serait-il pas mêlé à tout l'enseignement ? disent quelques-uns de mes honorables adversaires. Vous ouvrez un livre d'histoire, vous rencontrez la religion dans tous les grands faits historiques. Que ferez-vous ? La religion étant mêlée à tous les actes de l'humanité, vous serez obligés de vous en expliquer.

Messieurs, la question, placée sur ce terrain, acquiert une importance immense. Car si la théorie que l'on a préconisée est vraie, il en résulte que ce n'est pas seulement à l'enseignement primaire, mais à tous les degrés de l'enseignement qu'il faut appliquer ce système. Et je dirai plus, ce système il faut l'appliquer surtout à l’enseignement supérieur. Car, à mesure que les horizons deviennent plus vastes pour la pensée, le danger de s'égarer est plus grand.

C'est en effet, messieurs, le système qui a régné longtemps, celui qui soumettait aux églises l'enseignement à tous ses degrés ; à l'église catholique, dans les pays où l'église catholique avait la prépondérance ; à l'église protestante ou à l'église anglicane, dans les pays où ces églises prédominaient. Et la force de ce principe a été telle, que dans l'Angleterre libre, jusque dans ces derniers temps, les universités, ont été soumises au régime de la surveillance de la part de l’Eglise. Ceux qui ne faisaient pas adhésion à l’Eglise établie n'avaient pas même de place dans l'université.

Mais j'ose dire que ce système a succombé presque partout. Le vrai principe est aujourd'hui celui-ci : la science humaine est indépendante de la science religieuse. Le système contraire n'existe presque plus (page 1037) nulle part. Il existe encore à Rome et en Espagne. Hier il existait encore en Autriche ; mais la faible barrière du concordat n'a pas été suffisante pour empêcher que le véritable principe qui doit diriger la société ne finît par prévaloir.

Malgré tout, messieurs, et ici même, dans cette Chambre, les défenseurs de cette thèse sont obligés de confesser, malgré eux, qu'il faut reconnaître l'empire des idées modernes en cette matière, et admettre la séparation, je le répète, de l'enseignement dogmatique, ce qui est tout différent de l'enseignement moral et religieux.

D'honorables membres ont été de Platon à M. V. Cousin, de M. Guizot à lord Derby, invoquant tour à tour les hommes d'opinions dogmatiques assurément les plus différentes, de croyances très diverses, prétendant se mettre sous leur patronage pour faire prévaloir leurs idées.

Mais assurément le principe que défendent les écrivains qui ont été invoqués, ce n'est pas l'enseignement dogmatique comme base de l'enseignement littéraire dans l'école. Tous leurs actes protestent contre une pareille interprétation de leur pensée ; et pour en donner une preuve manifeste, je citerai l'opinion de lord Derby spécialement invoquée par l'honorable M. Delcour. Lord Derby veut de l'enseignement religieux, sans doute. Mais savez-vous que lord Derby, lorsqu'il se nommait lord Stanley, est celui qui a établi les écoles mixtes d'Irlande, qui a exclu l'enseignement dogmatique de l'école ?

M. de Haerneµ. - D'après la Bible.

M. Delcourµ. - Comme en Hollande dans quelques écoles.

MfFOµ. - Si vous voulez dire avec moi qu'on peut avoir un enseignement moral et religieux qui ne soit pas essentiellement dogmatique, puisqu'il est également accessible aux catholiques et aux protestants, je serai d'accord avec vous et je dis que cela est possible.

L'honorable M. de Haerne paraît le contester.

M. de Haerneµ. - J'ai cité un fait quant à lord Derby.

MfFOµ. - Je ne veux pas entrer dans la discussion de l'établissement des écoles d'Irlande.

M. de Haerneµ. - Dans la société britannique et étrangère même, c'est sur la base de la Bible.

MfFOµ. - En Angleterre, la société britannique et étrangère réunit dans ses écoles des adeptes de communions diverses, mais qui ont certaines croyances communes. On y lit la Bible sans commentaires, parce que les commentaires seraient compromettants, et pourraient porter atteinte à l'idée religieuse de tel membre, de telle confession.

L'enseignement n'y est donc pas dogmatique.

Mais je dis que l'enseignement peut être moral et religieux sans avoir pour base les vérités que les religions déclarent révélées, et ainsi abstraction faite de l'enseignement dogmatique, et pourquoi ? Parce que l'homme, par la seule puissance de sa raison, en dehors de toute révélation et avant toute révélation, peut arriver à la connaissance de Dieu, à démontrer la spiritualité de l'âme et la liberté humaine, et que ce sont là les grandes assises sur lesquelles repose et peut reposer tout enseignement moral et religieux.

On dit cependant qu'en fait il est impossible de séparer l'enseignement dogmatique de l'enseignement religieux. Je dis qu'il y a de grands exemples qui protestent contre cette assertion. Aux Etats-Unis, cela existe partout ; de même en Irlande, en Hollande et dans plusieurs Etats du nouveau monde. Ce qui est possible dans ces pays serait-il impossible ailleurs ? Est-ce que dans ces pays l'idée religieuse a souffert d'être ainsi séparée de l'enseignement purement scientifique ?

Je dis, moi, tout au contraire, qu'elle y a grandi, qu'elle s'y est fortifiée, et que nulle pati dans le monde il n'y a d'exemple de sacrifices pareils à ceux que font les Américains des Etats-Unis en faveur du développement de l'instruction religieuse. Ils s'imposent d'énormes contributions volontaires, ils construisent des temples et, à côté de ces temples, l'école religieuse.

Je vais plus loin : je dis que ce qu'il y aurait de plus difficile à faire aujourd'hui, ce serait d'indiquer une législation reposant sur les principes qui sont défendus par quelques honorables membres. Presque partout aujourd'hui l'enseignement dogmatique est séparé de l'enseignement moral et religieux et de l'enseignement littéraire.

Ainsi l'honorable M. Delcour a cité la France ; mais la loi française contient cette séparation de la manière la plus complète.

La loi transactionnelle de 1850 a été faite par le concours des philosophes et des membres du clergé des différentes communions. Eh bien, comment est composé le conseil supérieur de l'instruction primaire et secondaire en France ? Des ministres, de quatre archevêques ou évêques, du ministre de l'Eglise réformée, d'un membre du consistoire israélite et de divers autres membres des grands corps de l'Etat.

Cette composition seule du conseil supérieur indique qu'il ne peut être question de discussion de dogmes entre eux, pour la direction à donner à l'enseignement ; ils admettent ce qui leur est commun à tous, c'est-à-dire, l'enseignement moral et religieux, abstraction faite de tout dogme positif.

On ne sera agressif pour aucun dogme, on les respectera tous.

M. Dumortier. - Ainsi il n'y a pas d'enseignement religieux dans les écoles primaires de France ?

MfFOµ. - Je dis que l'enseignement civil, laïque, littéraire, est organisé de manière à ne blesser aucune croyance.

M. Dumortier. - De la composition du conseil général de l'instruction publique, vous avez conclu que l'enseignement dogmatique est exclu des écoles en France. Je vous demande si en fait cet enseignement est exclu ?

MfFOµ. - Veuillez comprendre d'abord. Je dis que l'enseignement littéraire, l'enseignement civil, l'enseignement laïque est réglé de telle sorte en France, qu'il convient à tous les cultes, qu'il est accessible aux individus des diverses croyances.

Et quelle est l'inspection en France de ces mêmes écoles, non seulement pour l'enseignement secondaire, mais pour l'enseignement primaire ? L'article 18 de la loi attribue cette inspection notamment aux délégués cantonaux, aux maires, aux curés, aux pasteurs protestants pour les protestants, aux membres du consistoire israélite pour les israélites.

La loi ajoute que les ministres des différents cultes n'inspecteront que les écoles spéciales à leur culte ou les écoles mixtes pour leurs coreligionnaires seulement.

Que devient dès lors la thèse de ceux de vos amis qui prétendent qu'il est impossible d'ouvrir un livre d'histoire sans rencontrer des faits relatifs à la religion et que, par conséquent, il faut maintenir une relation intime entre la religion et les sciences profanes ?

Je dis aussi, messieurs, que la loi de 1842 elle-même a admis le même principe.

Quand la loi de 1842 dit que l'enseignement religieux est donné à l'école aux élèves de la majorité, que les dissidents sont dispensés d'y assister, je dis que la loi affirme de la manière la plus claire que l'enseignement dogmatique sera entièrement séparé de l'enseignement littéraire.

II est impossible d'admettre que la loi, en proclamant ce principe, ait voulu permettre que, pendant les heures qui ne sont pas consacrées à l'enseignement religieux, les enfants fussent exposés à des actes de prosélytisme. L'honorable M. de Theux l'a déclaré de la manière la plus expresse, la plus formelle, dans des termes que je crois utile de rappeler.

« L'honorable M. Vleminckx a parlé du règlement de 1846 et de là circulaire des évêques qui y est jointe. Dans cette circulaire, entendue dans le sens qu'a indiqué l'honorable M. Vleminckx, il s'agit d'écoles exclusivement catholiques. C'est clair comme le jour. II n'a pu entrer ni dans l'esprit des évêques, ni dans celui du ministre de l'intérieur de 1846, de prescrire aux instituteurs de donner l'enseignement confessionnel en dehors des deux demi-heures consacrées à cet enseignement, lorsqu'il y a des dissidents dans l'école. C'eût été absurde. Vous voudrez bien croire que je connaissais assez la Constitution et la loi de 1842, et que j'avais assez de bon sens pour ne pas prescrire une chose qui leur serait contraire. »

Voilà donc qui est manifeste. L'enseignement dogmatique peut être séparé de l'enseignement littéraire.

M. de Theuxµ. - Oui, quand il y a des dissidents, mais sans préjudice de l'enseignement dogmatique en dehors de leur présence.

MfFOµ. - Je ne fais aucune difficulté sur ce point. J'admets l'instruction religieuse, même dogmatique, dans l'école, mais je n'admets pas le moins du monde que cet enseignement dogmatique à donner à chacun des divers croyants, puisse se refléter dans l'enseignement littéraire. Je dis qu'il doit en être exclu ; tout le monde l'admet et M. de Theux l'admet lui-même.

M. de Theuxµ. - Quand il y a des dissidents.

MfFOµ. - Evidemment (page 1038) si vous parlez d'une écolo composée exclusivement d'enfants catholiques, mais, mon Dieu, que l'instituteur dans ces conditions s'explique même sur des questions religieuses dogmatiques alors qu'aucune réclamation n'est supposable, personne n'y verra de grands inconvénients.

M. Vleminckxµ. - Mais si le lendemain des dissidents arrivent !

MfFOµ. - Si des dissidents arrivent, l'instituteur sera obligé de se taire. Mais il ne faut pas chercher de difficultés là où il n'y en a pas.

Pratiquement, je le reconnais, cette question en Belgique n'a pas l'importance qu'elle a dans d'autres pays. Cependant elle en a une assez grande pour que le principe ne soit jamais abandonné. Vous ne voyez que des écoles de campagne ; mais dans nos villes, il en est tout autrement ; dans les villes, il y a des dissidents en nombre plus ou moins considérable presque dans chaque école, et alors il importe beaucoup que les droits de ces dissidents soient respectés. C'est en leur faveur que les principes constitutionnels ont été proclamés, car après tout la majorité sait bien se protéger elle-même.

S'il n'en était pas ainsi, il faudrait déclarer que nous avons des écoles confessionnelles, comme quelques-uns l'ont dit, et il faudrait déclarer en tous cas, même pour les écoles de différents cultes, que l'école doit tomber dès que le ministre du culte se retire. C'est la conséquence nécessaire du principe que quelques-uns de nos honorables adversaires ont défendu.

Si la religion doit être si intimement liée aux choses de l'enseignement, qu'on ne puisse plus avoir qu'un enseignement pernicieux lorsque la religion dogmatique ne pénètre pas dans l'école, il faut déclarer que l'école doit être fermée lorsque le ministre du culte se retire. Eh bien, c'est la prétention qui a été élevée lors de la discussion de la loi de 1842 ; on a soutenu alors que, par cela seul que le ministre du culte se retirerait, il ferait tomber l'école.

Mais cette opinion a été combattue, notamment par l'honorable M. Dolez, et elle a été repoussée par les auteurs mêmes de la loi de 1842. Qu'ont reconnu par là les auteurs de la loi de 1842 ? C'est qu'il peut exister en Belgique des écoles morales et religieuses, sans l'intervention des ministres des cultes ; cette intervention peut être désirable, mais elle n'est pas indispensable ; il ne dépend pas des ministres des cultes d'autoriser l'ouverture ou la fermeture des écoles, en donnant ou en refusant leur concours.

Aussi, messieurs, n'est-ce pas le principe de l'enseignement dogmatique dans l'école qui a été attaqué lorsqu'on a critiqué vivement et justement la loi de 1842. Pourquoi a-t-on critiqué cette loi ? Parce que, par l'ensemble de ses dispositions, par ses combinaisons et surtout par l'exécution qui lui a été donnée, on était arrivé à faire des écoles qui ne se trouvaient appropriées qu'à un seul culte ; parce qu'on en est arrivé à faire aux ministres d'un seul culte une position exceptionnelle et privilégiée, parce qu'on en est arrivé à constituer cette grande, puissante et respectable association, mais qui n'est aujourd'hui qu'une association dans l'Etat, celle du clergé catholique, on est arrivé, dis-je, à la constituer en autorité, en lui donnant, par la loi, des droits sur les écoles.

Dans l'état actuel des choses, l'organisation est telle que l'homme le plus moral et le plus religieux, l'homme devant lequel tous s'inclineraient, ne peut pas être instituteur en Belgique, s'il n'appartient pas au culte de la majorité. (Interruption.)

Je suppose qu'on eût écrit ou proposé d'écrire dans la loi de 1842 : « Nul ne pourra enseigner dans les écoles publiques en Belgique, s'il n'appartient au culte de la majorité », qui aurait voté cette disposition ?

M. Dumortier. - On aurait dit qu'il pouvait enseigner dans les écoles de son culte, à lui.

MfFOµ. - Voilà comment vous entendez les principes constitutionnels !

M. Dumortier. - Chacun chez soi.

MfFOµ. - Oui, selon vous ; mais c'est ce que la Constitution n'admet pas. L'école publique est accessible à tous les citoyens, quel que soit leur culte...

M. Dumortier. - Les écoles ne sont pas faites pour les professeurs, mais pour les élèves, dont les droits doivent être respectés.

MfFOµ. - Elles sont faites pour les élèves, et elles sont faites pour que les citoyens belges puissent y enseigner lorsqu'ils font preuve d'aptitude, lorsqu'ils sont dans les conditions légales, et qu'ils sont moraux et religieux.

Or, je déclare que, dans les conditions actuelles, l'homme le plus moral et le plus religieux ne pourrait pas être admis à diriger une école primaire, s'il n'est pas catholique.

M. Dumortier. - Il peut diriger une école de son culte.

MfFOµ. - Vous oubliez la Constitution, qui proclame la liberté des cullcs et l'égalité des citoyens devant la loi.

M. Dumortier. - C'est en vertu de la liberté des cultes...

M. le président. - Pas d'interruption, M. Dumortier.

MfFOµ. - On se livre aux théories les plus fausses pour essayer de justifier cette loi, ou plutôt l'application qui en a été faite ; qu'a-t-on dit, notamment pour expliquer la singulière situation qu'on fait au culte de la majorité ? On a dit : La Constitution ne connaît pas de cultes, mais elle les aime tous, elle les protège tous ; comme elle ne les connaît pas, elle adopte celui de la majorité. C'est là, messieurs, une doctrine des plus fausses et des plus dangereuses, une doctrine en vertu de laquelle on pourrait dans les pays où les catholiques sont en minorité, les placer dans la position la plus déplorable en les contraignant à fréquenter des écoles où se donnerait un enseignement contraire à leurs croyances religieuses.

Si l'on veut simplement constater ce fait que les dissidents sont peu nombreux en Belgique, que c'est là ce qui fait obstacle à une application plus rigoureuse des vrais principes constitutionnels, que nous sommes cependant obligés de défendre, si l'on constate simplement ce fait, on sera dans la vérité ; c'est ce qui a fait obstacle jusqu'à présent a la révision de la loi.

S'il y avait plus de dissidents en Belgique, cette loi ne subsisterait pas longtemps ; il faudrait bien que leurs droits fussent reconnus. Mais si peu nombreux qu'ils soient, leurs droits sont aussi respectables que s'ils étaient légion.

Au surplus, beaucoup d'améliorations ont été faites déjà ; une meilleure application de la loi a prévalu et, avec le temps, les abus signalés disparaîtront. Mais on ne doit pas oublier que la matière est délicate et difficile et qu'il y a beaucoup à faire encore pour faire pénétrer dans les esprits les vrais principes qui doivent la régir.

C'est là ce qui a fait obstacle jusqu'à présent, je l'ai dit tout à l'heure, à la révision de la loi. L'opinion libérale a, de tout temps, été divisée sur cette question. Une seule fois, le ministère s'est trouvé en position de tenter cette révision. Le projet était préparé ; il a été sur le point d'être déposé. Mais d’honorables amis nous ont arrêtés ; ils nous ont dit : Nous ne vous suivrons pas, non que nous ne soyons pas d'accord avec vous sur le principe que vous défendez ; mais nous croyons que, dans l'intérêt de l'instruction primaire en Belgique, il importe de s'abstenir de toucher à la loi quant à présent. Si l'on entreprenait cette réforme, dans beaucoup de localités, d'honorables amis le craignent, les écoles communales seraient désertées, et le succès qu'on aurait obtenu au point de vue des principes constitutionnels en les faisant consacrer d'une manière plus formelle, tournerait au détriment de l'instruction primaire, que tous nous voulons propager.

Voilà, messieurs, la grande considération qui arrête. On ne pourrait pas, sans diviser l'opinion libérale, sans la décimer, sans arriver à l'impuissance, on ne pourrait pas tenter d'opérer cette reforme.

Mais, messieurs, lorsqu'on aura mieux compris quel est le véritable sens d'une réforme à faire en cette matière, peut-être sera-t-il possible de faire décréter cette réforme en quelque sorte de commun accord entre les deux opinions qui divisent le parlement.

On y arrivera peut-être même grâce aux efforts que font les catholiques pour faire pénétrer sur leurs bancs un certain nombre de coreligionnaires progressistes, qui inscrivent sur leur drapeau la séparation absolue du spirituel et du temporel. Ils ne seront pas toujours aussi silencieux qu'ils le sont aujourd'hui Une heure viendra sans doute où ils se réveilleront et interviendront pour nous prêter leur appui. Ils sauront nous dire qu'il importe de faire cesser les querelles qui règnent sur cette question, et que le meilleur moyen d'y mettre un terme, c'est d'opérer une sage réforme de la loi de 1842.

M. E. de Kerckhoveµ. - Avec la liberté la plus complète.

MfFOµ. - Sans doute, mais qu'entendez-vous par liberté ?

M. E. de Kerckhoveµ. - L'abstention complète de l'Etat.

M. Dumortier. - En Angleterre et aux Etats-Unis on a le droit de fonder des écoles. En Belgique, au contraire, vous vous êtes emparés (page 1039) de tous les fonds d'écoles, de toutes les bourses d'étude ; vous ne permettez pas de fonder des écoles ; et vous venez nous parler de liberté !

MfFOµ. - L'honorable M. Dumortier ne connaît pas du tout les Etats-Unis.

M. Dumortier. - Je les connais parfaitement.

MfFOµ. - Il n'y a pas de législation plus rigoureuse en cette matière que celle des Etats-Unis. Il y a obligation pour toutes les communes d'établir des écoles primaires, exactement comme on y est obligé ici en vertu de la loi.

Tout citoyen a le droit aux Etats-Unis d'ouvrir une école, comme ici.

M. Dumortier. - Et de doter l'école, car ces établissements, aux Etats-Unis, jouissent de la personnification civile.

MfFOµ. - Vous êtes dans l'erreur la plus complète.

M. Dumortier. - Les écoles comme les églises jouissent de la personnification civile.

M. le président. - Si M. Dumortier continue à interrompre, je serai obligé de le rappeler à l'ordre.

MfFOµ. - Dans certains Etals de l'Union, des facilités sont données, sous des conditions plus ou moins rigoureuses, à certains corps moraux pour posséder des biens. Mais loin d'être générale, cette situation est exceptionnelle.

Le jour viendra peut-être où vos amis politiques, les progressistes, qui siègent sur vos bancs, feront prévaloir la doctrine de la séparation complète et absolue de l'Eglise et de l'Etat, et alors nous pourrons arriver à une situation analogue à celle des Etats-Unis. La séparation absolue que prêchent quelques-uns de vos amis, c'est la suppression des traitements du clergé.

M. Delcourµ. - Ce qui exigerait un changement à la Constitution.

MfFOµ. - Sans doute ; mais ce n'est pas moi qui prêche cela.

M. Delcourµ. - Ni moi non plus.

MfFOµ. - Ce sont quelques-uns de vos amis.

Maintenant, dans ces conditions-là, si on n'est plus en présence d'une vaste association protégée par l'Etat, salariée par l'Etat ; si on abandonne le tout aux forces individuelles, il est possible que vous puissiez dire alors : L'Etat n'interviendra pas.

Lorsqu'on fera cette réforme de l'article 117 de la Constitution, on pourra réformer aussi l'article 17 qui parle également de l'enseignement, et dire : L'Etat n'interviendra pas.

Cela est possible, mais, je dois le dire, je n'en crois rien cependant et voici pourquoi : c'est que, et ceci répond à l'interruption de l'honorable M. de Kerckhove, c'est que l'enseignement n'est pas un objet de spéculation ; sauf de rares exceptions, la matière de l'enseignement n'est pas, en réalité, dans le domaine de l'activité privée ; la matière de l'enseignement appartient ou à l'Etat ou à l'Eglise. (Interruption.) Il n'y a point de milieu. En Belgique, quand on parle de la liberté des forces individuelles, au point de vue de l'enseignement, on dit une contre-vérité.

En matière d'enseignement, il n'y a réellement point de place pour la liberté en Belgique ; il y a deux grands monopoles, celui de l'Etat et celui du clergé ; voilà la vérité.

Et j'ajoute que si ces monopoles n'existaient pas, il n'y aurait pas d'enseignement populaire proprement dit ; l'enseignement serait réduit à ce qui existe dans certaines villes. et pourquoi, messieurs ? Parce qu'il faut pour faire de l’enseignement et principalement de l'enseignement primaire et de l'enseignement supérieur, il faut les grandes forces sociales, et le concours de toutes y suffit à peine. L'Etat, c'est-à-dire la puissance publique, le gouvernement, les provinces, les communes font certainement beaucoup pour l'enseignement ; eh bien, malgré tous ces efforts, ils ne font pas encore assez. Le clergé, de son côté, fait beaucoup aussi ; ses écoles sont nombreuses, il n'a pas à se plaindre de la part qui lui est faite en Belgique. et cependant tout cela est encore insuffisant.

oyez donc ce qu'il en serait si toutes les ressources puisées dans les caisses publiques disparaissaient, si le clergé n'était pas salarié, s'il n'avait pas la personnification civile pour certains établissements religieux, si l'Etat n'intervenait plus : il est certain que l'enseignement du peuple serait réduit à la plus déplorable des conditions.

Messieurs, tout à l'heure, au moment où les interruptions m'ont fait dévier du sujet que je traite, j'ai parlé de la révision de la loi de 1842. Je voulais rappeler, à cette occasion, que j'ai toujours admis que l'enseignement même dogmatique se donnât dans l'école.

Cette opinion, je n'ai pas cessé de la défendre : je l'ai défendue comme membre du gouvernement, il y a dix-huit ans ; je l'ai également défendue comme membre de l'opposition, il y a douze ans ; mais dans les conditions que j'indique. J'admets parfaitement que l'école soit mise à la disposition des ministres des cultes pour y donner l'instruction religieuse à leurs coreligionnaires. Mais l'instruction littéraire, l'instruction laïque doit être réglée, abstraction faite de tout enseignement dogmatique. Voilà ma pensée ; voilà mon principe.

Ce n'est pas, assurément, par hostilité contre les idées religieuses que nous procédons ainsi. Le libéralisme n'est pas une doctrine religieuse, pas plus qu'il n'est la négation d'aucune doctrine religieuse ; le libéralisme est une pure doctrine politique ; il a pour objet d'assurer dans toutes les sphères de l'activité humaine la plus grande somme possible de liberté individuelle. S'il se trouve en présence d'Eglises qui réclament son appui, sa protection, son alliance, si ces Eglises veulent s'unir à l'Etat par des concordats, pour faire prévaloir des doctrines, fussent-elles les meilleures et les plus pures, le libéralisme répond : c Vous ne pouvez régner que par la liberté ; vous ne pouvez pas avoir le concours de l'Etat pour le but que vous poursuivez. »

Voilà ce que le libéralisme déclare. Il ne prétend ni attaquer ni défendre des dogmes ; il soutient que la puissance publique n'a pas mission de les proscrire, pas plus qu'elle n'a mission de les imposer.

M. Dumortier. - Messieurs, les principes que vient de défendre M. le ministre des finances rentrent complètement dans les idées qu'a soutenues l'honorable M. de Rossius dans la séance d'hier ; j'ai donc répondu d'avance en grande partie à l'argumentation de M. le ministre des finances.

Toute cette argumentation repose sur cette base : les droits des dissidents. Eh bien, je demanderai à M. le ministre des finances pour qui sont faites les écoles primaires. Sont-elles faites pour les professeurs ? où sont-elles faites pour les élèves ?

On nous parle toujours des droits des dissidents ; mais on ne nous parle pas du tout des droits des élèves.

Or, si les dissidents ont des droits, évidemment les élèves en ont aussi ; et à côté de quelques dissidents qui se trouvent dans le pays, vous avez la masse presque entière de la population, qui est composée de catholiques et qui veut que ses droits soient respectés. Le recensement de la population montre, en effet, que sur une population de cinq millions d'habitants, les dissidents se montent à peine à dix mille, tout le reste de la population étant catholique.

Cette insignifiance du nombre des dissidents est un fait tellement vrai que M. le ministre des finances vient de déclarer lui-même que la question n'avait pas une grande importance en Belgique, surtout dans les campagnes ; qu'elle ne pouvait avoir quelque importance que dans quelques villes.

Certes les dissidents ont des droits ; je suis loin de ne pas le reconnaître ; mais faut-il pour servir les droits des dissidents, annuler les droits de ceux qui ne sont pas dissidents ? Voila la question.

Les dissidents ont certainement le droit d'avoir des écoles. Eh bien, là où il y a des dissidents, fondez des écoles pour les dissidents ; les dissidents iront recevoir l'instruction dans ces écoles, précisément comme les catholiques reçoivent l'instruction dans les écoles catholiques.

Là où il y aura des israélites, là où il y aura des protestants, eh bien, fondez des écoles israélites, fondez des écoles protestantes. Ainsi les dissidents auront leurs écoles comme les catholiques ont les leurs.

Voilà le seul système constitutionnel qui puisse être admis en Belgique.

Mais ce que vous voulez, c'est la promiscuité des cultes, vous voulez que sous prétexte des droits des dissidents, on puisse supprimer l'enseignement religieux dans les écoles catholiques.

Je n'ai pas besoin de dire que par écoles catholiques j'entends les écoles primaires qui existent dans les localités où il n'y a que des catholiques ; or, vous savez que dans les 2,500 communes de là Belgique, il y en a plus de 2,450 où la population est exclusivement catholique.

Je répète que le devoir du gouvernement est de respecter les droits des dissidents, et comment peut-il les mieux respecter qu'en fondant pour les dissidents des écoles là où il y a des dissidents ; s'il y a des (page 1040) israélites dans la capitale, qu'il y fonde et salarie des écoles pour les israélites. Ne salarie-t-il pas de même le grand rabbin ?

Dans ce système, les droits de tout le monde seront respectés.

Mais ce n'est pas cela que vous voulez ; ce que vous voulez, c'est qu'un dissident vienne donner l'instruction dans une école catholique.

Eh bien, je vous le demande : Si dans une école protestante ou israélite, vous appeliez un instituteur catholique, si vous disiez aux protestants ou aux Israélites : « Je vais mettre un instituteur catholique dans votre école. » Que répondraient les protestants ? Que répondraient les israélites ?

Si c'est ainsi que vous entendez la liberté, votre liberté est tout simplement de la tyrannie.

De même que l'Etat salarie différents cultes, il doit aussi fonder pour chacun de ces cultes des écoles où les enfants appartenant à chaque communion puissent recevoir l'instruction religieuse. C'est la même chose d'un côté comme de l'autre. C'est le seul moyen d'empêcher que l'exécution de la loi de 1842 ne donne lieu à des reproches.

Maintenant que nous a dit M. le ministre des finances ? Faites comme aux Etats-Unis, comme en Angleterre ; là, la puissance religieuse fait d'énormes sacrifices pour le culte et pour l'instruction.

On fait là d'immenses sacrifices pour l'instruction et pour les cultes !... C'est fort bien ; mais commencez par mettre à cet égard la pensée religieuse en Belgique dans la position où elle est dans les pays que vous citez.

Est ce qu'en Angleterre on confisque au profit de l'Etat les bourses d'étude fondées par les catholiques ? (Interruption.)

Rien ne fait plus crier un malade que de mettre le doigt sur la plaie et je comprends, par l'interruption bruyante dont je suis l'objet, que j'ai mis le doigt sur la plaie vive.

En Angleterre, confisque-t-on les écoles fondées par les catholiques pour y donner un enseignement qui n'est pas catholique ?

En Belgique, vous avez confisqué les bourses d'étude fondées par les catholiques ; vous avez confisqué les écoles fondées par les catholiques pour un enseignement des catholiques ; et aujourd'hui, vous venez nous dire : « Faites comme en Angleterre. »

Eh ! vous avez contesté le droit de posséder à la personne successive qui perpétuait la pensée chrétienne, la volonté des fondateurs catholiques, vous avez confisqué ce qui appartenait à cette personne successive, vous avez confisqué les bourses d'étude, vous avez confisqué les écoles. Et maintenant vous venez nous déclarer : « Nous mettons dans les écoles des personnes appartenant à des religions différentes ou même des personnes sans religion. »

Et vous dites que vous ne persécutez pas la religion du pays ! Je trouve qu'il y a une énorme inconséquence dans ce double soutènement d'un côté, confisquer tous les fonds d'école, toutes les bourses d'étude ; et, d'un autre côté, dire aux catholiques dont on a confisqué tous les biens : « Maintenant imposez-vous des sacrifices, comme on s'en impose ailleurs, suivez l'exemple de l'Angleterre. »

Si vous admettez vos principes, vous devez en subir les conséquences, il faut commencer par dégorger et par restituer les bourses d'étude et les fondations d'écoles ; puis autoriser ces fondations. Voilà ce que vous devez faire tout d'abord.

Mais vous ne le faites pas ; vous confisquez les bourses d'étude fondées par des ecclésiastiques dans l'intérêt exclusif des catholiques ; vous confisquez des fondations d'écoles catholiques créées par des chanoines, par des prêtres ; vous dites à l'Eglise : « Vous irez à la porte, et l'Etat seul enseignera dans ces écoles. » En un mot, c'est mettre l'Eglise hors la loi.

Mais, dit M. le ministre des finances, un homme peut, par la force de son intelligence, arriver à la connaissance des grandes vérités, arrivera la conception de la Divinité et des grandes lois de la société.

Je voudrais savoir où l'homme est arrivé à la connaissance de tout cela par le fait de sa propre intelligence et sans la connaissance des vérités révélées par le christianisme auquel est due la société moderne.

Ce n'était pas dans l'antiquité, où l'esclave était considéré comme une chose, la femme comme un être inférieur, ce n'est pas à cette époque où les 9/10 de la population étaient dans l'esclavage et où le maître avait droit de vie et de mort sur ses esclaves comme sur des chiens.

Qu'est-il arrivé ? Mais même à Athènes, est-ce qu'on n'a pas forcé Socrate à prendre de la ciguë pour avoir développé les principes qu'il professait ? Voilà comment l'homme arrive par la propre force de son intelligence !

MfFOµ. - Prenez garde ! Vous tombez dans l'hérésie.

M. Dumortier. - Il est possible que ce soit une hérésie au point de vue de la théologie maçonnique. (Interruption.)

MfFOµ. - Ce que j'ai dit, c'est ce que le pape a dit lui-même.

M. Dumortier. - Malgré tous les égards que je dois à l'honorable membre, ce n'est pas lui que je prendrai pour pape. Je dis que c'est la chose la plus inique, que cette étrange prétention de vouloir faire enseigner des protestants dans une école catholique, et de mettre des catholiques dans une école protestante ou israélite.

Je dis que c'est la monstruosité la plus grande qu'on ait jamais débitée dans un parlement. S'il s'agit de faire respecter les droits, vous en avez les moyens ; c'est de fonder des écoles protestantes pour les protestants, des écoles catholiques pour les catholiques, et des écoles israélites pour les juifs.

Mais c'est une monstruosité que de venir établir cette promiscuité entre les protestants et l'école catholique.

Mais mettez le grand rabbin, que je respecte beaucoup, dans une école catholique pour y donner l’enseignement ! Je demande ce que dirait le pays.

Je dis donc que l'opposition que vous fait une notable partie de la gauche, a cent fois raison de réclamer le maintien de la loi de 1842 ; sans cette loi, vous introduiriez le rabbin dans l’école catholique pour y donner la leçon de grammaire et le curé pour enseigner le catéchisme.

Ce serait très joli ! (Interruption.) Le curé arrivera pour la première demi-heure et sera relevé par le grand rabbin.

Voilà où vous voulez en arriver, voilà votre système ;. ce sera très juste.

Laissez donc le rabbin à sa synagogue ; il y a des écoles pour les israélites. S'il n'y en a pas, il faut en fonder. Les israélites sont les enfants du pays : ils ont droit de recevoir, comme les autres, l'instruction ; ils ont droit à leur part du budget.

Mais vous n'avez aucune espèce de raison quand vous venez établir pareil mélange dans l'instruction, quand vous voulez, sous prétexte de dissidents, arriver à placer les israélites dans les écoles catholiques et les catholiques dans les écoles israélites.

C'est là la conséquence de votre doctrine ou bien elle ne signifie rien.

MfFOµ. - C'est la loi de 1842.

M. Dumortier. - Votre principe alors ne signifie rien. Il suffit d'ailleurs de signaler pareil fait pour qu'il soit condamné.

Il n'y a qu'un système possible, c'est le système des écoles primaires pour chaque communion : des écoles confessionnelles.

Nous parlons ici de l'enseignement primaire et, je le répète, le seul système possible, c'est le système des écoles confessionnelles.

M. Vleminckxµ. - C'est le renversement de la loi de 1842.

M. Dumortier. - Ce n'est pas le renversement de la loi de 1842. (Interruption.) Vous interprétez la loi de 1842 à rebours.

La loi de 1842 n'a pas d'autre principe. Est-ce que l'Etat ne salarie pas tous les cultes établis en Belgique ? N'est-ce pas M. de Theux qui est venu proposer à cette Chambre de porter un traitement pour les prêtres anglicans ?

Est-ce qu'il n'y a pas de traitement pour les ministres protestants, pour le rabbin, pour les israélites, pour tous les cultes ? Eh bien, faites de même pour l'instruction et ne venez pas nous dire que ce que nous proposons c'est le renversement de la loi de 1842 ; ce qui est le renversement de la loi de 1842, ce sont les principes que vous voulez introduire ; c'est la promiscuité de tous les enseignements.

Vous voulez arriver à la séparation de l'enseignement religieux et de l'enseignement littéraire dans les écoles primaires, pour arriver à bannir l'enseignement religieux et le prêtre des écoles. Voilà votre but.

Et je le répète, vous aboutissez à un abîme, vous enlevez au père de famille le frein qui lui est si nécessaire, la consolation dont il a besoin et cela par esprit de parti.

L'honorable ministre des finances vient dire d'un autre côté que les traitements du culte servent à fonder des écoles.

Ainsi les traitements des vicaires à qui vous donnez 610 fr. servent à fonder des écoles ! Le vicaire, messieurs, a à peine de quoi se nourrir, il a à peine de (page 1041) quoi acheter du pain et l'on vient prétendre, malgré cela, qu'avec son traitement il doit encore intervenir dans la fondation des écoles ! Le traitement d'un vicaire est celui d'un facteur rural. C'est comme si l'on venait dire que le facteur aux lettres doit organiser le système des postes.

Je n'admets pas et je ne puis pas admettre ces principes.

Je m'explique parfaitement la grande opposition d'une notable partie de la gauche lorsqu'il s'agit de modifier la loi de 1842.

La loi de 1842 a fait ses preuve, et depuis vingt-cinq ans en Belgique elle a produit de magnifiques résultats.

Comme l'a dit l'honorable ministre des finances, il faut donner l'instruction au peuple ; mais il ne suffit pas de donner au peuple l'enseignement proprement dit, de lui apprendre à lire, à écrire et à calculer ; il faut donner au peuple les éléments de la morale et, comme l'a fort bien dit M. Schollaert, il n'y a pas de morale sans sentiment religieux

Je conçois qu'une organisation d'élite comme celle dont l'honorable ministre des finances vient de parler puisse arriver par la force de son génie à la connaissance des devoirs de l'homme envers la société.

Mais tout le monde n'a pas une organisation d'élite, et si vous enlevez les principes religieux, qui sont la seule chose que vous puissiez mettre à la place des sentiments, que mettrez-vous à la place des sentiments ?

Diderot se rend un jour chez d'Alembert, il le trouve occupé à enseigner le catéchisme à ses nièces ; Diderot se met à rire et a s'écrier précisément comme le fait M. le ministre des finances.

D'Alembert ne lui répond que deux mots très sages : Que mettrez-vous à la place ?

Et moi je demanderai à MM. les membres de la gauche qui désirent le renversement de la loi de 1842 : Quand vous aurez supprimé l'enseignement religieux, que mettrez-vous à la place ? Qui préservera l'homme du peuple contre ses mauvaises passions ?

M. de Theuxµ. - En présence de l'aspect que prend la discussion sur l'enseignement des adultes, on semble oublier les explications données par l'ancien ministre de l'intérieur et par l'ancien ministre des affaires étrangères.

Si l'honorable ancien ministre de l'intérieur n'avait pas connu d'autres faits que ceux qu'a connus le ministre des finances, il n'aurait pas annoncé avec l'assurance qui a accompagné sa déclaration, qu'il avait la confiance...

- Un membre. - La conviction.

M. de Theuxµ. - ... La conviction ou la confiance, c'est la même chose, que l'accord ne serait établi entre le gouvernement et l'épiscopat.

Il s'agit d'une question qui a essentiellement un caractère de gravité. La dissolution d'un cabinet n'est pas une chose indifférente. Les honorables membres qui se sont retirés ont certainement eu les motifs les plus graves, les plus sérieux.

On a parlé de négociations établies entre des inspecteurs provinciaux ou un inspecteur provincial et des employés supérieurs de l'administration de l'instruction publique. Evidemment, ces rapports ne se sont pas établis sans l'assentiment du ministre, et ces rapports, ces négociations devaient produire une conclusion satisfaisante. Cela est de toute évidence.

Que M. le ministre des finances n'ait pas connu la délibération des évêques du mois d'août, je ne le conteste pas, puisque M. le ministre l'affirme. Mais M. le ministre de l'intérieur, s'il n'a pas connu cet accord, doit avoir connu d'autres faits qui devaient lui donner la conviction que l'accord se serait établi. Sans cela sa déclaration de confiance, permettez-moi de le dire, n'aurait aucune raison d'être. Je précise les faits tels qu'ils se présentent devant tout homme qui veut se donner la peine de réfléchir ; il est évident qu'il y a eu quelque chose de sérieux qui a formé la conviction de M. le ministre de l'intérieur. Eh bien, je regrette que le cabinet n'ait pas été appelé à délibérer sur ces faits particuliers.

Peut-être la conviction du cabinet se serait-elle formée à l'instar de celle de M. le ministre de l'intérieur. Je désire donc que l'honorable ancien ministre veuille bien s'expliquer à cet égard.

A propos de l'importance des écoles d'adultes, on a dit : Mais les jeunes gens qui fréquentent ces écoles ne sont pas en très grand nombre. S'il ne reçoivent pas l'instruction religieuse dans l'école, ils se trouveront dans la même condition que le grand nombre de jeunes gens qui ne fréquenteront pas ces écoles. Pourquoi attacher tant d'importance à cette question ?

Messieurs, ouvrez la Constitution, vous trouverez la réponse. Il y est dit : L'enseignement public donné aux frais de l'Etat est réglé par la loi. Et pourquoi ? Je ne saurais trop le répéter, c'est que cette loi était nécessaire pour parer aux abus qu'on avait vus se multiplier sous le gouvernement des Pays-Bas, lorsque tout était abandonné au caprice et à l'arbitraire de l'administration supérieure.

Le Congrès a voulu donner à cet égard de véritables et solides garanties. Dès lors, je comprends très bien aussi pourquoi l'on a voulu des écoles normales de l'Etat formant des instituteurs ; pourquoi l'on exige que ces instituteurs soient assujettis à des examens pour toutes les matières qui composent l'enseignement primaire.

Dès lors, je ne puis pas admettre qu'il soit dans l'esprit de la loi de nommer indifféremment des instituteurs sans s'inquiéter de l'esprit qui les anime et qu'ils peuvent porter dans l'école. De tout temps, cela a été compris de toutes les administrations. S'il n'en était pas ainsi, les établissements publics communaux n'offriraient plus aucune garantie aux familles.

Pourquoi l'instruction se donne-t-elle aux frais de l'Etat ? Parce qu'il est de l'utilité générale que la population soit instruite. Mais il est aussi de l'utilité générale que l'instruction ne soit pas purement littéraire, qu'elle soit aussi morale et religieuse. C'est surtout l'instruction qui forme notre société, qui forme une société véritablement forte, produisant dans tous ses actes les meilleurs résultats au profit de la nation. Dès lors, il ne faut pas que l'esprit de la loi, fondé sur le texte et l'esprit de la Constitution, puisse être abrogé par la pratique, par la nomination d'instituteurs qui ne correspondent pas du tout à l'esprit de la loi. C'est ce que le bon sens nous dit.

Je crois donc qu'il est inutile de s'occuper de cette question de savoir si l'on pourrait nommer un instituteur catholique dans une école juive ou protestante, ou un rabbin ou un dominé dans une école composée principalement de catholiques. Ce sont là des questions que le bon sens résout et que la pratique, au besoin, résoudrait beaucoup mieux encore, car il est certain qu'une telle école ne serait pas fréquentée.

(page 1043) M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Après les explications que j'avais données au mois de janvier dernier, je croyais qu'il était inutile d'en donner aujourd'hui de nouvelles.

Mais puisque l'honorable comte de Theux m'y provoque, je lui dirai que je ne puis que répéter ce que vient de dire l'honorable ministre des finances. L'honorable M. Frère a rendu exactement compte à la Chambre des relations officielles...

M. de Theuxµ. - Officielles !

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Officielles et officieuses qui ont eu lieu entre le gouvernement et l'épiscopat ; et en effet ces relations se sont bornées à ceci.

Dès le 17 novembre 1836, le règlement du 1er septembre fut envoyé à l'archevêque de Malines et à MM. les évêques des différents diocèses. Je n'ai pas à cette occasion sollicité, ainsi qu'on l'a pensé et dit, le concours des chefs des diocèses comme une faveur, mais j'ai réclamé ce concours comme l'exécution d'un devoir pour eux, résultant des prescriptions de la loi de 1842.

Et, dès cette époque, je n'hésitai pas à croire que l'épiscopat prêterait son concours à l'exécution du règlement, qui, dans ma manière de voir, n'était que l'application légale et rigoureuse de la loi de 1842.

J'ai donc eu, dès le principe, la conviction personnelle que cette affaire aboutirait et que l'accord s'établirait.

Le 22 décembre 1866, l'archevêque de Malines répondit à la lettre du 17 novembre ; la Chambre connaît cette réponse et les conditions indiquées par M. le cardinal. Le 7 avril suivant, je fis connaître à l'honorable archevêque que je ne pouvais accepter ces conditions ; me plaçant sur le terrain de la loi de 1842, je prouvai à l'honorable prélat que les conditions indiquées par lui étaient contraires à cette loi, que le concours du clergé devait être général et non pas restreint ; enfin je donnais quelques explications en ce qui concerne l'enseignement religieux, dans la division supérieure des écoles d'adultes.

A cette époque donc l'accord n'existait pas, et depuis cette époque (7 avril) jusqu'au 1er octobre suivant, aucune correspondance n'a été échangée, aucun rapport n'a eu lieu entre le gouvernement et l'épiscopat.

J'oubliais de rappeler que, par lettre du 12 février, M. l'évêque de Tournai avait envoyé son adhésion sans condition, et que dans une conversation tout officieuse avec un honorable inspecteur diocésain, j'avais, au mois de mars 1867, témoigné à cet ecclésiastique mon étonnement de l'altitude que prenait le clergé et des conditions contraires à la loi, qu'il avait indiquée. A cette époque donc, rien n'était conclu, car alors je n'avais pas même expédié ma réponse à la lettre de l'archevêque. M. le cardinal ne pouvait donc avoir délibéré avec ses collègues sur la réponse à y faire.

Ainsi depuis le mois d'avril 1867 jusqu'au mois d'octobre suivant, il n'y a eu aucune communication officielle ni officieuse, directe ni indirecte entre l'épiscopat et le ministre de l'intérieur.

Un inspecteur provincial, il est vrai, est allé voir, à la fin du mois d'août, j'étais alors absent, un des chefs de l'administration de l'instruction publique ; celui-ci lui fit connaître parfaitement quelles étaient mes intentions, quant au maintien de l'opinion émise dans la lettre du 7 avril et au mode d'intervention du clergé dans la division supérieure des écoles d'adultes. Mais celle démarche n'avait rien d'officiel, et à mon retour, on m'en a rendu compte sans sembler y attacher une importance exceptionnelle et plus grande qu'à d'autres démarches que, par suite de ses fonctions, cet honorable et zélé inspecteur est dans la nécessité de faire dans les bureaux du ministère. Je crois inutile de déclarer ici que j'approuvai complètement les explications données par le fonctionnaire supérieur dont je viens de parler.

Quant à la lettre adressée, le 17 avril 1867, par M. l'archevêque à MM. les évêques, je n'en ai eu connaissance que par le Journal de Bruxelles du 24 janvier dernier ; si cette lettre m'avait été communiquée plus tôt, j'aurais, dans la séance du 24 janvier dernier, déclaré, non que j'avais la conviction personnelle de parvenir à aplanir les difficultés, mais que j'avais la certitude que le concours du clergé serait donné pour l'exécution du règlement du 1er septembre 1866.

Mais on a laissé tout ignorer au gouvernement, et depuis le 22 décembre 1866 jusqu'au mois d'octobre 1867, l'épiscopat n'a fait au ministre de l'intérieur aucune communication ni directe ni indirecte.

Jo n'ai donc pu connaître ses intentions, ainsi c'est par l'honorable M. de Theux que j'ai appris, au mois de janvier dernier, que l'évêque de Liège avait donné des instructions à son clergé pour assurer l'exécution de l'arrêté du 1er septembre. C'est aussi au mois de janvier que j'ai appris par le Journal de Bruxelles que l'évêque de Namur avait, dans une réunion du clergé, fait connaître ses intentions à cet égard.

M. l'évêque de Tournai seul a dû, le 12 février 1867, envoyer son adhésion formelle.

Ainsi du 22 décembre 1866 au 1er octobre 1S67, le ministre de l'intérieur n'a reçu aucune communication de la part des évêques, mais le 1er octobre, un honorable inspecteur diocésain vint me voir ; M. le ministre des finances a résumé le 14 janvier dernier ma conversation avec cet honorable ecclésiastique, permettez-moi de vous donner encore quelques détails sur cette conversation d'après des notes que j'ai prises le jour même de l'entrevue.

Le 1er octobre 1867, M. l'inspecteur diocésain vint me voir et me fit connaître d'abord qu'il aurait désiré pouvoir m'entretenir plus tôt de la question des écoles d'adultes, mais qu'il en avait été empêché par une indisposition assez grave, puis par mon absence ; qu'il avait été voir, à la fin du mois d'août, le chef du service de l'enseignement primaire, et qu'à la suite de sa conversation avec ce fonctionnaire, il avait adressé une note à M. l'archevêque pour fixer les règles à suivre en ce qui concerne l'enseignement de la religion et l'inspection ecclésiastique dans la division supérieure des écoles d'adultes, créées par l'arrêté du 1er septembre 1866. M. l'inspecteur me donna lecture de cette note et ajouta qu'il avait tout lieu de croire que le clergé prêterait son concours pour l'exécution de cet arrêté, si je faisais connaître par écrit que j'approuvais les principes consignés dans ladite note, note que M. le cardinal l'avait autorisé à me communiquer.

Il est inutile, je pense, messieurs, de relire ici la note en question ; l'honorable M. Frère en a déjà donné lecture.

Je répondis à l'honorable inspecteur que, dans mon opinion personnelle, les principes énoncés pouvaient être admis (et l'honorable ministre des finances a déclaré aussi que cette note était dictée par un esprit sage), mais j'ajoutai que je ne pouvais répondre par écrit, attendu que j'avais adressé le 7 avril une lettre à M. le cardinal, que cette lettre était restée sans réponse et que de pareilles affaires doivent se traiter par écrit.

Je fis observer en outre à l'honorable inspecteur que par suite du vote des conseils provinciaux et d'une autre circonstance (ma décision de me retirer du cabinet), la situation n'était plus la même qu'avant le mois de juillet, que je ne pouvais plus résoudre seul la question et que l'intervention du conseil des ministres était désormais justifiée par l'importance politique que cette question avait aujourd'hui.

Je demandai ensuite à l'honorable inspecteur s'il pouvait me laisser copie de la note et si elle était destinée à être communiquée à mes collègues ; l'honorable inspecteur me répondit affirmativement. Je ne pris aucun engagement ; j'étais, en effet, dès cette époque, décidé à me retirer du cabinet ; je devais donc laisser à mon successeur le soin de résoudre cette question. Mais je m'empressai de rendre compte à mes collègues de cette conversation.

Depuis le 1er octobre jusqu'au moment de ma retraite, je n'eus plus aucun rapport ni direct ni indirect, soit avec l'épiscopat, soit avec M. l'inspecteur diocésain.

Voilà, messieurs, l'exacte vérité sur cet incident.

Ainsi, le clergé n'a pas fait connaître au ministre de l'intérieur son intention formelle de prêter sans conditions son concours pour exécuter l'arrêté du 1er septembre, et la démarche faite, le 1er octobre 1867, étai en tous cas tardive.

Je dois dire, toutefois, qu'après la conversation avec l'inspecteur, la conviction que j'avais de résoudre les difficultés était devenue plus forte. Mais cet entretien avait eu lieu trop tard, je le répète, à un moment où ma retraite était décidée et où les circonstances politiques ne permettaient plus au ministre de l'intérieur de résoudre seul la question.

Il résulte donc de tout ceci, messieurs, que je suis d'accord avec M. le ministre des finances pour constater que les évêques n'ont promis leur concours sans conditions, ni officiellement, ni officieusement, et que si telle a été leur intention, ils n'en ont pas informé le gouvernement.

Mais, il y a cette différence entre l'opinion personnelle de l'honorable M. Frère et la mienne, c'est que l'honorable ministre pense, par suite (page 1044) de certains précédents ou pour certains motifs, que le gouvernement ne serait point parvenu k se mettre d'accord avec l'épiscopat, tandis que moi je n'ai jamais douté de la possibilité de cet accord; j'ai toujours pensé que l'épiscopat ne pouvait se refuser à prêter son concours à l'organisation des écoles d'adultes parce qu'elles étaient instituées en vertu de la loi de 1842 et que refuser ce concours c'eût été en quelque sorte dénoncer la loi de 1842.

Cette conviction, je le répète, s'est encore fortifiée dans mon esprit après l'entrevue du mois d'octobre 1867 avec l'inspecteur diocésain. J'ai eu alors pour ainsi dire la certitude que je serais parvenu à aplanir toutes les difficultés, si j'étais resté au pouvoir et si, l'arrêté avait été maintenu. Mais alors il était trop tard !

(page 1041) M. Delcourµ. - Messieurs, le débat qui s'est ouvert devant la Chambre est sur le point de se terminer. Je ne désire pas le prolonger. Je dois cependant répondre quelques mots à l'honorable ministre des finances. Vous venez, messieurs, d'entendre les explications de l'honorable M. Vandenpeereboom et en présence de ces explications, je persiste à dire que la déclaration de l'honorable ministre des finances ne s'accorde pas avec celle de l'honorable M. Vandenpeereboom.

Il reste toujours un point à éclaircir. L'honorable ministre des finances a dit à la Chambre dans les explications qu'il a données sur la crise ministérielle, que les évêques ne prêteraient pas leur concours à l'exécution de l'arrêté de 1866.

L'honorable M. Vandenpeereboom, ministre de l'intérieur à cette époque, a répété au contraire que, dans sa conviction, l'épiscopat concourrait à l'exécution de cet arrêté.

- Un membre. - C'est une opinion.

M. Delcourµ. - C'est une opinion sans doute, mais il me semble que l'opinion de l'honorable M. Vandenpeereboom ne repose pas précisément sur une illusion ; elle reposait sur une négociation, sur des pourparlers des plus sérieux.

Je comprends l'hésitation des évêques, au moment où l'arrêté royal a paru ; l'opposition que cet arrêté a rencontrée de toutes parts explique suffisamment cette réserve.

Je reconnais donc qu'une certaine hésitation a existé au début ; mais je dis que cette hésitation avait cessé à l'époque où a éclaté officiellement la crise ministérielle.

C'est le 20 avril 1867 que M. A. Vandenpeereboom répondit à Son Eminence le cardinal de Malines. Eh bien, il est manifeste que la réserve qu'avait faite Mgr le cardinal dans sa lettre du 22 décembre précédent était abandonnée depuis ce moment.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Nous l'ignorions.

M. Delcourµ. - Il est vrai qu'il n'y avait pas eu de correspondance officielle à cet égard. Mais il est certain également qu'à partir du mois d'avril il ne fut plus question de la réserve parce qu'elle avait été abandonnée.

Je reprends maintenant l'explication des faits.

Que s'est-il passé après la lettre du 20 avril 1867 ? Les évêques se sont réunis à Gand, le 19 mai 1867 et, à Malines, à la fin du mois d'août, et ont décidé dans ces réunions, qu'ils prêteront leur concours à l'arrêté du 1er septembre l866 organique des écoles d'adultes. Il restait quelques éclaircissements à demander au gouvernement sur des points (page 1042) particuliers, qu'il était utile de régler afin de prévenir des difficultés ultérieures.

Telle était la situation. C'est alors que Son Eminence le cardinal chargea M. l'inspecteur provincial du Brabant d'une mission confidentielle. M. le ministre de l'intérieur étant absent, cet intermédiaire, aux sentiments conciliants duquel M. le ministre des finances a rendu hommage, s'est adressé à un haut fonctionnaire du département de l'intérieur, chargé du service de l'instruction primaire. On négocia, on s'entendit, mais aucune décision ne pouvait être prise en l'absence de M. le ministre de l'intérieur.

Dès que M. le ministre fut de retour, l'intermédiaire se mit en relation avec lui, et lui donne communication d'un écrit renfermant la conversation qu'il avait eue avec le fonctionnaire supérieur de son département. Les bases de cet accord avaient reçu l'assentiment du cardinal ; il leur manquait, pour être définitives, l'approbation du ministre. Eh bien, je dis que cette approbation existait implicitement. L'honorable M. A. Vandenpeereboom vient de reconnaître qu'il a eu connaissance de la pièce, et qu'en présence des nouvelles explications, le concours des évêques n'était plus douteux. C'était une certitude pour lui. Je vous le demande, messieurs, ne reste-t-il pas une différence essentielle, capitale entre les explications de M. le ministre des finances et celles de M. A. Vandenpeereboom ?

M. Vandenpeereboom n'était-il pas convaincu que le concours des évêques était acquis, tandis que M. le ministre des finances déclarait à la Chambre, un peu, je crois, dans l'intérêt de la cause, qu'on ne pouvait pas compter sur l'intervention du clergé ?

Ces faits resteront, malgré toutes les discussions, toutes les interprétations ; les efforts de M. le ministre des» finances seront impuissants pour échapper à une contradiction qui est manifeste, et que vous avez tous comprise.

(page 1044) M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Je demande la parole uniquement pour constater encore une fois que la différence d'opinion entre M. le ministre des finances et moi résulte d'une appréciation toute personnelle. (Interruption.) Nous apprécions les faits officiels de la même manière, et toutes les pièces qui existent sont connues de la Chambre. Or, comment l'honorable ministre des finances et mes anciens collègues ou moi aurions-nous pu connaître les intentions des évêques et avoir la certitude que les difficultés étaient aplanies ?

Après la lettre écrite par l'archevêque de Malines au mois de décembre dernier, il n'y a eu qu'une seule dépêche adressée par M. le ministre de l'intérieur à M. l'archevêque, en réponse à cette lettre ; aucun des faits que vient de rappeler M. Delcour ne nous a été communiqué; je déclare de la manière la plus formelle que je n'en ai eu aucune connaissance ni directe ni indirecte.

J'ai appris, les uns par un article du Journal de Bruxelles, les autres dans des causeries avec d'honorables collègues de cette Chambre, et je ne les ai appris qu'au mois de janvier dernier,

Mais il y a, cela est hors de doute, une différence entre l'opinion personnelle de M. le ministre des finances et la mienne, c'est là une question d'appréciation; j'avais la conviction, moi, qu'en me plaçant sur le terrain des principes de la loi de 1842, je serais parvenu à déterminer l'épiscopat à se soumettre aux conditions légales que cette loi impose ; je croyais qu'il devrait reconnaître qu'il avait erré en ne promettant qu'un concours partiel, et c'est en effet ce qui est arrivé, puisque l'archevêque a écrit, le 14 avril, aux autres évêques qu'après avoir reçu ma lettre du 7 avril, en conséquence des explications y contenues, il allait envoyer aux curés de son diocèse le règlement du 1er septembre, en les informant qu'ils devaient prêter leur concours pour l'exécution de cet arrêté.

Si on m'avait fait connaître que cette résolution était prise, si on m'avait communiqué cette lettre, même officieusement, je n'aurais pas eu la conviction que je parviendrais à aplanir les difficultés, mais j'aurais eu la conviction fondée que le clergé avait renoncé aux conditions inadmissibles qu'il avait d'abord posées et que le concours serait donné. Mais on ne nous a rien fait connaître de semblable. Au mois d'octobre une démarche a été faite auprès du ministre de l'intérieur, je viens de faire connaître ce qui s'est passé dans cette entrevue. A dater de ce jour la conviction que j'avais de parvenir à vaincre les répugnances de l'épiscopat s'est confirmée.

L'honorable ministre des finances n'a pas été de mon avis sur ce point ; il croyait, lui, que ma conviction était une illusion. Voilà la seule différence qui existait entre son opinion et la mienne, et il m'engagea, ainsi que deux autres de mes collègues, à modifier l'arrêté. Je crus ne pas pouvoir me rendre à ce désir et je persistai à solliciter ma démission.

En terminant, je dois faire observer qu'il devait y avoir nécessairement un certain dissentiment entre mes collègues et moi. Si nous avions été tous d'accord, il n'y aurait pas eu de crise et je n'aurais pas pu me retirer du cabinet, ainsi que je le désirais depuis longtemps.

(page 1042) MfFOµ. - L'honorable M. Delcour veut établir qu'à une certaine époque il y avait accord complet dans l'épiscopat pour donner le concours aux écoles d'adultes. Voilà son point de départ.

Eh bien, cela n'est pas exact ; il est hors de doute, quand on lit la correspondance et les pièces publiées par le Journal de Bruxelles que M. le cardinal adhérait purement et simplement, ainsi que M. l'évêque de Tournai après la lettre écrite par M. le ministre de l'intérieur en avril 1867. Maintenant, si l'on était d'accord, pourquoi ne l'écrivait-on pas ? A quelle époque commencent les pourparlers ? C'est au mois d'août qu'on fait des démarches dans les bureaux du département de l'intérieur, en l'absence du ministre.

Si l'on avait eu une mission, ce n'était pas dans les bureaux qu'il eût fallu aller négocier. Mais la personne qui a fait ces démarches a écrit à M. le cardinal ce qui s'était passé dans les bureaux, et au mois d'octobre elle a communiqué à mon collègue ce qu'elle avait écrit à M. le cardinal ; j'en ai rendu compte à la Chambre dans mes explications du 14 janvier, et j'ai fait remarquer qu'il n'y était pas dit un seul mot de la condition déclarée inadmissible par mon collègue. Et pourtant a-t-on renoncé d'une façon quelconque à cette condition, soit par l'intermédiaire de cet agent officieux, soit par une lettre adressée au ministre ?

M. de Theuxµ. - C'était implicite.

MfFOµ. - Mais non, cela n'est pas possible. Et, en effet, que nous dit-on aujourd'hui ? On nous dit : Dans nos réunions, nos procès-verbaux en font foi, nous avions renoncé à ces conditions. Mais qui connaissait ces procès-verbaux ?

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Voulez-vous me permettre de dire un mot ?

MfFOµ. - Volontiers.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Je crois avoir dit que lors de ma conversation avec l'inspecteur celui-ci m'a dit que, dans sa conviction la difficulté serait aplanie, mais qu'on ne voulait pas nous l'écrire.

MfFOµ. - Je ne conteste pas du tout cela ; mais je dis qu'il était impossible, en présence de la correspondance et des faits connus, de supposer de près ou de loin qu'il y eût renonciation de la part du clergé aux conditions posées par lui à son concours, et déclarées inadmissibles par M. le ministre de l'intérieur. J'ai dit, avec mon honorable collègue : Le concours n'est pas donné dans les conditions de la loi de 1842 ; vous pouvez donc modifier l'arrêté du 1er septembre 1866. Mon honorable collègue m'a répondu : Je reconnais que le concours n'est pas donné comme le veut la loi ; je reconnais que la condition n'est pas retirée : mais j'ai la conviction que je parviendrai à aplanir la difficulté.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Et, en conséquence, je crus ne pas devoir rapporter l'arrêté.

MfFOµ. - C'est cela. Mais cette conviction, nous ne l'avons pas partagée. Nous avons pensé que la difficulté ne serait pas aplanie. On affirme aujourd'hui qu'elle l'eût été ; mais c'est a posteriori, quand tous les documents ont été publiés.

Je ne conteste pas les intentions actuelles du clergé, mais je dis que les pièces au vu desquelles nous avions, nous, à juger, ne nous permettaient pas de les connaître.

M. le président. - La parole est à M. Liénart.

- Plusieurs membres. - A demain !

M. Liénartµ. - Vu l'heure avancée, je ne veux dire qu'un seul mot pour constater qu'il n'y a plus personne qui demande la parole dans la discussion particulière qui a occupé la Chambre jusqu'à ce jour, et que, parlant, cette discussion est close. En conséquence je reprendrai demain mon tour de parole, auquel j'avais renoncé de jour en jour, par déférence pour la Chambre.

MfFOµ. - C'est entendu, cette discussion est maintenant épuisée.

- De toutes parts. - Oui ! oui !

- La séance est levée à 5 heures.