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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 24 mars 1868

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1867-1868)

(Présidence de M. Dolezµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 911) M. Reynaert, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à 2 1/4 heures.

Il donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

Il présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Le sieur Landrien propose des modifications à la loi de 1842 sur l’enseignement. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Van Ryswyck demande que le gouvernement interdise l'emploi des femmes aux écritures du génie militaire à Anvers. »

- Même renvoi.


« Le sieur Roelandts, réclamé dans deux compagnies de la garde civique, demande que sa position de garde civique soit régularisée, et prie la Chambre de faire rapporter l'arrêté de commutation de peine puis en sa faveur et d'ordonner la restitution de la somme qu'il a payée à titre d'amende du chef d'une condamnation du conseil de discipline de la garde. »

- Même renvoi.


« Le sieur Dolders, aubergiste a Reckheim, demande qu'il soit interdit au sieur Vaesen, pontonnier dans cette commune, d'exercer la profession de cabaretier, boutiquier ou autre. »

- Même renvoi.


« Le sieur Meurice, décoré de la croix de Fer, demande un sccours. »

- Même renvoi.


« Le sieur De Vriese demande que toute personne ayant fait vœu de célibat soit déclarée inhabile à donner l'enseignement public. »

- Même renvoi.


« Les conseils communaux de Gelinden et d'Engelmanshoven déclarent adhérer aux pétitions tendantes à obtenir une route pavée de la grande chaussée sur Tongres. »

- Même renvoi.


« Des habitants de Frameries demandent que la station de cette commune soit le point de départ du chemin de fer de Frameries à Chimay. »

- Même renvoi.


« Des habitants de Verviers présentent des observations en faveur de la suppression des jeux de Spa. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de l'intérieur.


« Les membres du conseil communal de Longvilly demandent que la compagnie du Luxembourg soit contrainte d'exécuter sans aucun délai l'embranchement de chemin de fer qui doit relier Bastogne à la ligne d'Arlon à Bruxelles. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du rapport sur des pétitions relatives au même objet.


« M. le ministre des finances adresse à la Chambre 130 exemplaires des documents et discussions parlementaires relatifs à l'abolition des octrois en Belgique. »

- Distribution aux membres de la Chambre et dépôt à la bibliothèque.


« M. Van Overloop, obligé de s'absenter pour affaires administratives, demande un congé. »

- Accordé.


« M. David, obligé de se rendre en Allemagne pour une affaire de la plus grande importance, demande un congé de quinze jours. »

- Accordé.


« M. Schollaert, obligé de s'absenter pour affaires privées, demande un congé de deux jours. »

- Accordé.


« M. d'Hane-Steenhuyse, retenu à Anvers pour affaires, demande un congé d'un jour. »

- Accordé.

Vérification des pouvoirs

Arrondissement d’Anvers

« Par dépêche du 24 mars 1868, M. le ministre de l'intérieur transmet à la Chambre les procès-verbaux des opérations qui ont eu lieu à Anvers, le 25 de ce mois, pour l'élection d un représentant, en remplacement de M. Dubois, décédé. »

M. le président. - Il va être procédé par la voie du sort à la nomination d'une commission de sept membres chargée de vérifier les pouvoirs du nouvel élu.

Le sort désigne : MM. Hayez, Tack, Van Hoorde, Lesoinne, Janssens, de Zerezo et d'Ursel.

Projet de loi relatif au régime postal

Discussion des articles

Article 4

M. le président. - Les trois premiers articles ont été adoptés. Nous abordons dès lors l'article 4.

La discussion a été et reste ouverte sur le projet de la section centrale.

MtpJµ. - Messieurs, j'ai à proposer à l'article 4 un simple changement de rédaction qui n'en modifie en rien le principe et sur lequel je me suis mis d'accord avec la section centrale.

L'article 4 serait ainsi conçu :

« Art. 4. Sont qualifiés recommandés les lettres et autres objets transportés par la poste, dont l'expéditeur voudra se faire délivrer récépissé lors du dépôt, et assurer la remise au destinataire, sans garantie de valeur.

« Les lettres et autres objets recommandés supporteront, indépendamment de la taxe ordinaire qui leur est applicable, un droit fixe de vingt centimes. »

M. Liénartµ. - Messieurs, d'après l'économie du nouveau projet, ce qui s'appelle la lettre recommandée n'est autre chose que la lettre chargée d'aujourd'hui.

La lettre recommandée est la lettre qui ne renferme pas de valeurs proprement dites, mais à laquelle l'expéditeur attache néanmoins un intérêt moral plus ou moins grand, et.la défense d'insérer des valeurs au porteur dans la nouvelle lettre recommandée existe en droit pour la lettre chargée d'aujourd'hui.

Donc assimilation complète, absolue, entre la nouvelle lettre recommandée et la lettre chargée sous la législation actuelle.

Or, aux termes de l'article 14 de la loi du 5 nivôse an V, en cas de perte d'une lettre chargée, il est alloué à la personne intéressée un dédommagement de 50 fr. pour le préjudice moral que la perte de la lettre lui a fait essuyer.

Pourquoi n'a-t-on pas conservé vis-à-vis de la lettre recommandée cette sanction que je considère comme salutaire ? J'ai lu avec beaucoup d'attention l'exposé des motifs et aussi le rapport de la section centrale ; et je n'ai pas trouvé une seule ligne, pas un mot qui justifiât celle suppression.

Je demanderai donc au nouveau ministre des travaux publics de vouloir maintenir vis-à-vis de la nouvelle lettre recommandée la disposition de la loi du 5 nivôse an V.

Je le répète, messieurs, je n'aperçois pas de motifs sérieux à supprimer cette sanction et malgré l'intelligence administrative qui distingue l'ancien ministre des travaux publics, il n'a pas réussi à justifier cette innovation dans la réponse qu'il fit, au début de la discussion, à la même observation présentée par mon honorable collègue M. de Naeyer.

La sanction, je l'avoue, est très faible ; mais ce n'est certes pas là un motif pour la supprimer entièrement. Cette sanction éveille la sollicitude de l'administration et il me semble que cet avantage, à lui seul, aurait dû suffire pour en décider le maintien.

MtpJµ. - Ainsi que la Chambre se le rappellera, l'honorable M. de Naeycr avait présenté, à propos de la distinction établie à l'article premier, des observations analogues à celles que vient de faire l'honorable M. Liénart. Je dois dire que je (page 902) ne partage en aucune manière l'opinion de l'honorable. M. Liénart ; il me semble qu'à tous égards, mon honorable prédécesseur a justifié, par des considérations très sérieuses, la mesure qui a été proposée.

Il importe qu'il n'y ait dans l'esprit du public, ni même dans l'esprit des agents de l'administration, aucune confusion entre les diverses catégories que le projet établit. C'est dans ce but que nous avons pensé qu'il y aurait des inconvénients très sérieux à attribuer à la lettre recommandée une valeur, ne fût-elle que de cinquante francs.

Le but du projet de loi est de fortifier l'interdiction de mettre des valeurs dans les lettres recommandées autres que les lettres chargées, et toute l'économie du projet serait détruite.

Je dois faire remarquer en outre qu'au point de vue de la sécurité, l'honorable M. Liénart se tromperait, s'il croyait que l'indemnité à payer par l'administration pourrait la déterminer à entourer la lettre recommandée de plus de soins que ceux dont elle sera l'objet.

Le droit fixe de 20 centimes n'est pas même une rémunération suffisante des mesures de précaution de toute nature dont l'administration compte entourer les lettres recommandées.

M. Vermeireµ. - Lorsque je me suis mis à lire, ce matin, le rapport de la section centrale et le projet que nous discutons, je croyais que en projet serait une atténuation des droits de poste qui sont payés aujourd'hui. Mais je trouve qu'au contraire il en constitue une très forte aggravation. Ainsi par le projet en discussion, nous annulons en quelque sorte les effets qui devaient ressortir de la loi de 1849, à savoir que lorsque les 2 millions de produits auraient été acquis au trésor, la taxe uniforme à dix centimes pourrait être décrétée.

En admettant maintenant un autre droit, nous annulons l'effet de l'économie de cette loi et nous ne pouvons plus espérer d'arriver à la taxe uniforme de 10 centimes.

Il est vrai que l'on augmente le poids de la lettre simple, qu'on le porte de 10 à 15 grammes ; mais, ce qui surtout aggrave la situation, c'est que, par l'article 3 de la loi en discussion, il est défendu de mettre des valeurs dans les plis chargés. Vous savez, comme vient de le constater l'honorable préopinant, que la législation actuelle interdit également la transmission de ces valeurs, mais par une tolérance devenue universelle, on admet que les lettres chargées peuvent contenir des valeurs. Celui qui envoie des valeurs par ce moyen le fait à ses risques et périls ; et dans tous les cas, il ne peut recevoir, du chef de la perte de sa lettre, qu'une somme de 50 francs.

Mais, enfin, messieurs, le service de la poste est si bien fait aujourd'hui, les agents de la poste sont si scrupuleux dans l'accomplissement de leurs devoirs, qu'il est bien rare qu'une lettre recommandée, une lettre chargée soit égarée. Maintenant que fait-on ? L'envoi d'argent par la poste deviendra impossible parce que la taxe exigée de ce chef est supérieure à la taxe demandée par chemins de fer pour opérer la même transmission. Ainsi au chemin de fer, on paye 25 centimes, tandis qu'à la poste on payera 1 fr. Il est donc inutile de songer jamais à ce que des envois quelque peu considérables se fassent par la poste et dès lors il n'y aura pas une augmentation de revenu pour le trésor.

Mais, messieurs, il y a aussi, à l'intérieur du pays, des fabriques et des maisons de commerce qui doivent envoyer journellement de l'argent dans l'une ou l'autre ville ou en recevoir.

Eh bien, vous faites peser sur le négociant de l'intérieur du pays toute l'aggravation dont vous frappez le transport des lettres chargées ! Quand vous avez une station du chemin de fer, l'aggravation n'est rien, puisqu'on peut s'adresser à cette administration ; mais quand vous êtes établi à quelques lieues de la voie ferrée, vous devez forcément passer par la poste.

Je dis donc, messieurs, que si, d'un côté, on nous donne un certain avantage en augmentant le poids de la lettre simple, d'autre part on aggrave considérablement les conditions du transport.

Quel mal y a-t il à ce quelqu'un expédie des valeurs à ses risques et périls ? Il ne peut jamais réclamer plus de 50 francs pour tout dédommagement. Pourquoi donc cette nouvelle aggravation ? Pourquoi faire peser sur la partie de la population qui est privée de tous les avantages que procure le chemin de fer, pourquoi faire peser sur elle une nouvelle charge, p orquoi la frapper encore exceptionnellement ? Voilà ce que je me demande.

Il me semble donc qu'il serait utile de maintenir la tolérance dont le gouvernement use aujourd'hui et de laisser expédier, comme par le passé, des valeurs dans des plis chargés.

M. Lelièvreµ. - Je dois faire observer que le principe contre lequel s'élève l'honorable M. Liénart a été adopté par l'article premier du projet qui a déjà été voté par la Chambre.

L'article premier, en effet, porte : « L'administration n'accorde aucune indemnité pour la perte des lettres ordinaires, exprès ou recommandées. » De sorte qu'il n'y a plus lieu à revenir sur une question résolue.

L'article 4 en discussion n’est qu'une conséquence de l'article premier, qui a statué sur le principe qu'on voudrait aujourd'hui contester.

La Chambre, d'accord avec le gouvernement, n'a pas voulu qu'il y eût indemnité quand il s'agit d'une lettre recommandée.

MtpVµ. - L'honorable M. Vermeire a semblé attacher peu de prix à la réforme que consacre l'article 2.

Il pense qu'elle n'a qu'une mince importance.

Je suis heureux de saisir l'occasion qu'il m'offre, de donner à la Chambre des chiffres qui prouveront qu'il y a là, au profit du public, un avantage très sérieux.

L'administration des postes a transporté, en 1866, 646,648 lettres pesant de 10 à 15 grammes, dont le produit moyen a été de 30 centimes. Aujourd'hui, ce produit moyen descend à 15 centimes, et de ce chef, l'administration abandonne une recette de 94,422 fr.

L'administration a transporté en outre 140,660 lettres pesant de 20 à 30 grammes, rapportant en moyenne au trésor 60 centimes et pour lesquelles elle ne percevra plus à l'avenir qu'une taxe de 50 centimes.

Il y a, de ce chef, une nouvelle perte de 42,198 fr., de façon que la réforme dont l'honorable M. Vermeire semble ne pas apprécier l'importance, constitue pour l'administration l'abandon d'une somme totale de plus de 150,000 fr.

Quant aux observations que vient de présenter l'honorable membre, elles contiennent bien plutôt le procès à l'article 5 qu'à l'article 4.

Du reste, la question de principe me paraissait complètement réélue lors de la discussion de l'art. 1er.

Quoiqu'il en soit, je désire donner à la Chambre quelques explications sur l'économie du projet et lui dire pourquoi il est impossible d'ériger en système la tolérance montrée jusqu'ici par l'administration et que l'honorable membre trouve parfaite.

L'article 16 de la loi du 5 nivôse an V contient la disposition suivante :

« Nul ne pourra insérer dans les lettres chargées ou autres, ni papier-monnaie, ni matières d'or ou d'argent, ni bijoux. »

Le législateur craignait avec raison que ces objets, faciles à détourner n'excitassent la convoitise des agents de la poste.

Toutefois, la prohibition contenue dans l'article 16 de la loi de nivôse an V était dépourvue de sanction, que ne renfermaient point non plus les lois, les ordonnances, les règlements qui l'avaient antérieurement édictée.

Ce silence du législateur ne peut point s'expliquer par un oubli, qui serait injustifiable. ; mais les abus que cette disposition avait pour but de prévenir n'étaient point assez fréquents pour faire introduire une clause pénale dans la loi.

Si l'on compare la situation économique du commencement de ce siècle avec celle qui se déroule sous nos yeux, si l'on tient compte surtout de ce que la circulation des valeurs au porteur et des billets de banque, restreinte à des limites infimes en 1805, atteint de nos jours des proportions telles que l'esprit le plus aventureux n'eût point osé les rêver il y a 40 ans, il faut reconnaître que le moment est arrivé de concilier dans une juste mesure les intérêts dont le législateur de l'an 1805 se préoccupait avec le grand souci que doit avoir l'Etat en monopolisant un service aussi important que celui des postes, de le mettre en harmonie avec les besoins nouveaux qui naissent de l'extension du commerce, des progrès de l'industrie, du développement du crédit et des formes nouvelles de la fortune publique. C'est ce que réalise le projet de loi.

Il met un terme à une situation regrettable, dans laquelle les agents de l'administration sont exposés chaque jour à des convoitises dangereuses et qui fait naître dans certains cas les soupçons les plus injustes et les plus fâcheux contre l'administration.

D'autre part, nous assurons dans des conditions très convenables un service fort important. Nous obéissons en cela aux mêmes considérations qui ont déterminé la France à voter dès 1859 une loi analogue à celle que nous discutons aujourd'hui.

M. Liénartµ. - Je désire rencontrer en quelques mots les observations présentées par l'honorable ministre des travaux publics, en réponse à la demande que j'avais faite de conserver à la lettre recommandée la sanction pécuniaire que la Chambre connaît.

(page 903) La question se réduit à ceci : la lettre recommandée doit être entourée de soins particuliers ? Est-il bon, oui ou non, dans l'intérêt de l'expéditeur qui a, veuillez-le remarquer, payé une taxe spéciale, est-il utile de stimuler le zèle de l'administration et de punir celle-ci en cas de négligence ? Je crois que oui, et, par conséquent, je souhaite qu'on maintienne la sanction.

Quels sont maintenant les inconvénients que signale l'honorable ministre des travaux publics ? Il nous dit d'abord et avec raison, que nous devons tenir tous à maintenir la ligne de démarcation entre les différentes classes de lettres.

Mais en quoi y aura-t-il confusion parce que vous aurez conservé la sanction pécuniaire de 50 fr. ? Est-ce que la lettre recommandée, munie de cette sanction, va se trouver confondue avec une autre catégorie de lettres ? Pas le moins du monde ; elle se distingue de la lettre simple, pour laquelle on ne paye pas d'indemnité ; elle ne se confondra pas davantage avec la lettre chargée, pour laquelle on restitue la valeur tout entière.

M. le ministre des .travaux publics nous dit encore : Si vous accordez la sanction de 50 francs, vous aurez favorisé la fraude.

Eh bien oui, dans le système de l'honorable ministre, mais, reconnaissez-le, dans des limites extrêmement restreintes, seulement jusqu'à concurrence de 50 francs.

Mais je ferai tout à l'heure à cette objection une autre réponse plus péremptoire et plus radicale en demandant la parole à l'article 5 pour traiter d'une façon complète la question de savoir s'il convient, oui ou non, de défendre sous peine d'amende l'insertion dans les lettres non chargées de valeurs au porteur. Ces observations viendront mieux à leur place, je pense, à cet article qu'à l'article en discussion.

M. Vermeireµ. - L'honorable ministre des travaux publics, en répondant aux observations que j'ai présentées tout à l'heure, me semble n'avoir pas tenir compte de cet argument que la situation des négociants qui se trouvent à l'intérieur du pays, est aggravée par la défense de mettre des valeurs au porteur dans des plis chargés. Cela est si vrai cependant que les maisons de commerce de quelque importance seront obligées d'avoir des agents qui se rendent presque journellement aux stations de chemin de fer

Suivant mon avis, le projet de loi, loin d'être une atténuation, est une aggravation pour les négociants, les banquiers et les fabricants de l'intérieur du pays.

- L'article, amendé par M. le ministre des travaux publics, est mis aux voix et adopté.

Article 5

M. le président. - La discussion est ouverte sur l'article 5.

MtpJµ. - J'ai également à présenter à cet article un amendement qui ne constitue qu'un changement de rédaction.

L'article 5 serait ainsi conçu :

« Il est permis d'insérer dans les lettres confiées à la poste, à la condition d'en faire la déclaration, les valeurs payables au porteur, telles que billets de banque, bons, coupons d'intérêt ou de dividende payables au porteur, titres de la dette publique de Belgique ou des Etats étrangers, timbres postaux ou télégraphiques, actions ou obligations de banques ou de sociétés.

« Sont qualifiées chargées, les lettres présentées dans ces conditions.

« Il sera donne reçu de ces lettres à l'expéditeur lors du dépôt, et par Je destinataire lors de la remise.

« Les lettres chargées seules, etc. (le reste comme au projet de la section centrale). »

La modification proposée consiste simplement dans l'interversion du paragraphe 2. Le paragraphe 3 devient le paragraphe 2 et ce paragraphe 3 est légèrement modifié.

M. le président. - Voici donc comment est conçu l'article 5, tel que le propose le gouvernement, d'accord avec la section centrale.

« Art.5 Il est permis d'insérer dans les lettres confiées à la poste, à la condition d'en faire la déclaration, les valeurs payables au porteur, telles que billets de banque, bons, coupons d'intérêt ou de dividende, titres de la dette publique de Belgique ou des Etats étrangers, timbres postaux ou télégraphiques, actions ou obligations de banques ou de sociétés.

« Sont qualifiées chargées, les lettres présentées dans cette condition.

« Il est donné reçu de ces lettres à l'expéditeur lors du dépôt, et par le destinataire lors de la remise.

« Les lettres chargées seules peuvent contenir des valeurs au porteur.

« Toutefois la déclaration de la valeur et la formalité du chargement ne sont pas obligatoires lorsque les lettres ne contiennent pas de valeurs au porteur pour plus de 5 francs, ou lorsque ces valeurs consistent en mandats d'articles d'argent tirés sur un bureau de poste.

« Le gouvernement déterminera le maximum des valeurs qui pourront être insérées dans une lettre et admises à la déclaration. »

M. Liénartµ. - Messieurs, le projet qui nous est présenté mérite à coup sûr notre approbation, parce qu'il apporte à la législation actuelle d'incontestables améliorations. Parmi ces améliorations figure notamment la lettre chargée qui permettra d'envoyer par la poste des valeurs au porteur, sous la responsabilité de l'administration. L'administration, en cas de perte, sera tenue à indemniser la partie intéressée.

J'approuve complètement, je n'ai pas besoin de le dire, ce mode d'assurance postale, mais ce que je ne comprends pas, c'est qu'on le rende obligatoire. En effet, l'article 15 rédigé par la section centrale porte ce qui suit : « Les lettres chargées seules peuvent contenir des valeurs au porteur. » Cette prohibition résultait déjà, mais d'une façon moins claire, du projet du gouvernement, et l'article 15 sanctionne cette prohibition par une amende de 25 à 500 francs.

Pourquoi imposer, sous peine d'amende, à l'expéditeur de valeurs au porteur de s'assurer ?

Est-ce dans l'intérêt de l'administration ? non ; car si l'expéditeur ne s'assure pas, en aucun cas l'administration ne pourra être rendue responsable des valeurs confiées à une simple lettre. C'est évident.

Est-ce dans l'intérêt du public ? L'administration dit oui ; mais en réalité, est-ce que l'expéditeur n'est pas le meilleur juge de ses intérêts ?

A mon sens, l'administration des postes a fait tout ce qu'elle doit faire, elle a accompli toutes ses obligations du moment qu'elle offre à l'expéditeur deux moyens d'envoi : l'un, la lettre non chargée, moyen moins coûteux, mais qui n'assure pas la valeur ; l'antre, la lettre chargée, moyen plus cher, mais qui garantit complètement la valeur.

Après cela c'est à l'expéditeur à faire son choix et à préférer ou l'assurance ou la non-assurance. Pourquoi peser sur son choix ? Vous avez averti l'expéditeur, vous l'avez instruit ; il faut le laisser faire et ne pas agir à sa place sous prétexte que vous entendez mieux ses intérêts que lui-même.

C'est à l'individu qu'il appartient de veiller à ses intérêts. L'administration ne doit pas prétendre tenir le public en tutelle ; qu'elle lui donne des conseils et des avertissements, soit ; mais qu'elle agisse en son lieu et place, je ne puis l'admettre.

S'il y a de l'imprudence, c'est lui qui en pâtira et c'est le cas d'appliquer l'adage romain : Quod quis sua culpa damnnm sentit, damnum sentire non intelligitur ; il ne faut pas se préoccuper du dommage qu'une personne se cause à elle-même.

Il est du reste des personnes qui font le raisonnement suivant, raisonnement que je ne veux pas apprécier, mais que chacun a bien le droit de faire. Si un employé, se disent-elles, est assez peu soucieux de ses devoirs, et assez peu consciencieux pour projeter un vol, il ne s'en prendra pas aux lettres non chargées, parce que ces lettres sont censées ne pas renfermer de valeurs ; il s'attaquera de préférence aux lettres chargées, et nous aimons mieux faire parvenir nos valeurs à destination à la faveur d'une lettre simple qui n'excitera pas la convoitise de l'employé que de recourir au chargement, sur lequel l'attention de l'employé infidèle se trouve tout naturellement attire.

Mais quoi qu'il en soit, je le répète, l'expéditeur qui donne la préférence à la lettre simple pour la transmission de valeurs, est averti ; il sait qu'en cas de perte, on ne lui restituera pas la valeur ; conséquemment il agit en connaissance de cause et à ses risques et péris. Mais en admettant qu'il y ait imprudence de la part de l'expéditeur à agir de la sorte, je vous le demande, messieurs, y a-t-il là rien, absolument rien qui soit de nature à provoquer les rigueurs de la loi pénale ? Il est évident en matière de droit pénal qu'on ne doit punir que les faits qui portent atteinte à l'ordre social ou au droit des tiers.

Or, aucune de ces conditions ne se rencontre dans l'espèce.

« Aux yeux de tout philanthrope, dit un publicité, et de tout ami du véritable progrès, l'action de la loi répressive doit se restreindre aux seules infractions nuisibles à l'existence commune des hommes en société ; il faut que les peines soient dispensées avec mesure et dans la proportion des nécessités de la vie sociale. C'est à ce prix seul que la loi pénale est légitime »

Messieurs, les observations que je viens de présenter s'appliquent a pari à un autre fait qui est bien plus bizarre encore : c’est le fait de déclarer une valeur inférieure à la valeur réelle.

(page 904) Je le demande, en matière d'assurance, a-t-il jamais été défendu d'assurer une valeur inférieure à la valeur réelle ? Ce qui est défendu, c’est de donner à l'objet assuré une valeur supérieure à la valeur réelle ; car alors l'assurance manque de base pour partie, et de plus cette déclaration exagérée ne peut s'expliquer que par l'intention de commettre une fraude et de tenter un lucre illicite.

Messieurs, je crois qu'il n'est pas bon de punir des faits d'une aussi minime importance que ceux que je viens de signaler ; cela n'est pas digne, et je crois réellement qu'on risque beaucoup de ravaler le prestige de la loi pénale en la mêlant à des niaiseries de ce genre-là.

Avant de terminer, qu'il me soit permis d'appeler encore votre attention toute spéciale sur la considération suivante qui me paraît très importante.

Il sera toujours extrêmement difficile, pour ne pas dire impossible, de constater les contraventions, parce que vous vous trouvez en présence d'un obstacle insurmontable, je veux parler du grand principe de l'inviolabilité du secret des lettres.

Cela est si vrai que cette prohibition a manqué jusqu'à présent d'une sanction, non seulement en fait et dans la pratique, mais même en droit. Est-ce inattention de la part du législateur ? ou n'est-ce pas plutôt un aveu d'impuissance ?

Maintenant, faut-il insérer dans notre législation, et cela sans aucune nécessité et partant contrairement aux principes qui doivent nous guider en matière pénale, une disposition qui, quelle qu'elle soit, jure plus ou moins avec ce principe de l'inviolabilité du secret des lettres ?

Je sais bien que le gouvernement a déclaré qu'il se montrerait extrêmement large dans la répression de ce délit...

MtpJµ. - Le gouvernement n'a rien dit de semblable.

M. Liénartµ. - Veuillez, M. le ministre, me permettre d'achever ma pensée, et vous verrez que je n'avance rien que vous ayez à désavouer.

Dans l'exposé des motifs, le gouvernement se défendant à l'avance d'un reproche que je ne veux pas lui faire, a déclaré qu'il ne sévirait en cette matière que pour des faits qui se révéleraient d'une façon ostensible, et patente, qui éclateront pour ainsi dire au grand jour ; et je n'avais pas même besoin d'une déclaration explicite à cet égard, pour être intimement persuadé de la chose.

Mais enfin, outre les raisons que j'ai données plus haut et qui me semblent très solides, il me répugne, quant à moi, d'insérer dans notre législation une disposition qui pourrait seulement faire supposer aux personnes peu intelligentes, que le respect dû au secret des lettres n'est pas complètement et intégralement sauvegardé en Belgique. Ma défiance en cette matière va, je l'avoue volontiers, jusqu'au scrupule.

Le principe de l'inviolabilité de la correspondance est si grand, si élevé, si salutaire que je ne veux pas que même le moindre soupçon puisse en altérer l'évidence dans l'esprit de nos populations.

Pour tous ces motifs, je ne comprendrais pas en vérité que le gouvernement pût tenir à une disposition aussi peu importante et qui se justifie aussi difficilement, que celle que je viens de critiquer.

MtpJµ. - Messieurs, j'avoue qu'il m'est difficile de comprendre les critiques que l'honorable M. Liénart dirige non seulement contre la disposition contenue dans l'article 5 mais contre les dispositions contenues dans les articles 11 et 12 où il a fait une incursion.

Le fait d'avoir déclaré une valeur inférieure à la valeur réelle ne revêt pas à ses yeux un caractère frauduleux.

Il m'est impossible de ne pas trouver, dans le fait d'avoir fait transporter une somme de 10,000 francs, en ne payant que la prime d'assurance pour 9,000 francs, par exemple, tous les caractères d'une véritable fraude au détriment de l'administration.

Quant à la constatation de la fraude, je n'ai pas besoin de dire qu'il j n'a pu entrer un seul instant dans l'esprit du gouvernement de violer le secret des lettres pour arriver à cette constatation qui n'aura jamais lieu que dans des conditions tout à fait accidentelles.

M. Liénartµ. - Nous sommes assez près de nous entendre, l'honorable ministre des travaux publics et moi.

Il semble admettre en effet qu'un simple fait d'imprudence ne suffit pas pour justifier une sanction pénale, puisqu'il s'est efforcé d'établir qu'il y aurait une tentative d'escroquerie dans le fait que j'ai déclaré être des plus légitimes.

Or c'est là une erreur évidente. Il n'y a pas plus de tentative d'escroquerie ou de fraude dans le fait de celui qui déclare une valeur inférieure que dans le fait du propriétaire qui assure sa maison pour une somme inférieure à sa valeur réelle ; et il n'y a non plus aucune espèce de fraude à reprocher à celui qui confie des valeurs à une lettre non chargée.

Le premier, en cas de perte, n'obtiendra qu'une indemnité équivalente à la somme déclarée et le second ne recevra aucune indemnité.

Le dernier n'a pas consenti à assurer ses valeurs, le premier ne les a assurées que pour partie.

L'administration des postes fait, en matière de lettres chargées une véritable entreprise d'assurance ; elle offre à l'expéditeur un moyen plus sûr d'adresser ses valeurs, mais il doit être libre à l'expéditeur de refuser ce contrat d'assurance ou de ne s'assurer que jusqu'à concurrence de la somme qu'il voudra garantir. Aller au delà, c'est obliger l'expéditeur à conclure un contrat malgré lui, c'est violenter sa liberté.

M. Dewandre, rapporteurµ. - L'erreur de l'honorable M. Liénart provient, me paraît-il, de ce qu'il ne considère la somme payée à l'administration des postes que comme une simple prime d'assurance, tandis qu'il y a deux choses : la prime d'assurance et le prix du transport de l'objet transporté. Le prix du transport étant proportionnel à la valeur de la chose transportée, il y a fraude vis-à-vis de l'administration de la poste lorsqu'on paye moins qu'on ne payerait si l'on déclarait la valeur entière.

Du moment que l'on reconnaît le monopole de l'administration des postes, il faut nécessairement établir certaines pénalités pour assurer l'exercice de ce monopole.

M. Liénartµ. - La Chambre comprendra que j'ai à cœur de justifier complètement un acte dont j'ai pris la défense et que je persiste à considérer comme parfaitement légitime, et tout au plus comme imprudent.

Si quelque chose est de nature à me confirmer dans mon opinion, c'est l'observation même que vient de faire l'honorable rapporteur. Celui qui déclare une valeur inférieure au contenu de la lettre ne frustre nullement le fisc.

Voici pourquoi : Dans le prix du transport d'une lettre chargée il y a trois éléments à considérer ; il y a le poids brut, dont on tient compte pour la taxe de la lettre ordinaire ; il y a la taxe fixe de 20 centimes qui se paye pour la lettre chargée. Que reste-t-il comme troisième élément ? La prime d'assurance, et c'est en vue de cette prime d'assurance que l'expéditeur diminue sa déclaration.

En cela, il ne porte aucun préjudice aux intérêts du trésor. S'il n'acquitte pas la prime d'assurance, en cas de perte il ne recevra que la valeur déclarée.

Je constate donc que dans l'acte dont il s'agit il n'y a pas le moindre fait délictueux, il n'y a aucune intention méchante, et je prie la Chambre de ne pas frapper des rigueurs de la justice pénale un pareil fait. Je le répète, c'est rapetisser l'idée de la justice répressive, que de provoquer son action dans des circonstances aussi anodines. Notre répertoire de droit pénal ne compte déjà que trop de faits déclarés punissables par des lois spéciales et pour lesquels la nécessité indispensable d'une répression pénale est fort problématique. A force d'abuser du glaive, on finirait par l'émousser.

- La discussion est close.

L'article 5 est mis aux voix et adopté.

Articles 6 et 7

« Art. 6. La déclaration dont il est parlé à l'article précédent doit être portée en toutes lettres sur la suscription de l'enveloppe, et énoncer, en francs et centimes, le moulant des valeur» expédiées. »

- Adopté.


« Art. 7. L'expéditeur d'une lettre contenant des valeurs déclarées payera d'avance, indépendamment de la taxe progressive applicable aux lettres ordinaires affranchies, et d'une taxe fixe de vingt centimes, un droit proportionnel de dix centimes par chaque cent francs ou fraction de cent francs. »

- Adopté.

Article 8

« Art. 8. L'administration des postes est responsable des valeurs insérées dans les lettres et déclarées conformément aux dispositions des article 5 et 6 de la présente loi, à l'exception des cas suivants :

« 1° Lorsque la perte de la lettre résulte d'un fait de force majeure ;

« 2° Lorsque cette perte doit être attribuée à un vice d'adresse ou à toute autre négligence commise par l'expéditeur ;

« 3° Lorsqu'il pourra être prouvé que la lettre perdue ne contenait pas de valeurs ou qu'elle renfermait des valeurs inférieures à la somme déclarée par l'expéditeur.

« L'administration est déchargée de cette responsabilité par le fait de la remise des lettres contre reçu aux destinataires. »

M de Zerezo de Tejadaµ. - Messieurs, j'ai des objections a faire contre les paragraphes 1 et 2 de cet article.

D'abord pour ce qui concerne le paragraphe premier qui porte que l'administration des postes n'est pas responsable des valeurs insérées dans les lettres, lorsque la perte de la lettre résulte d'un fait de force majeure, je trouve ce paragraphe trop vague et trop peu explicite ; alors même, chose que je ne désire pas, que la Chambre adopterait l'exception qui s'y trouve consacrée.

Le gouvernement déclare, il est vrai, que, quant au cas de force majeure, il n'entend s'en prévaloir que le plus rarement possible, et, alors seulement que les pertes subies seraient la conséquence d'événements extraordinaires qu'il lui aurait été impossible de prévoir et de conjurer.

Mais cette déclaration ne suffît pas, parce qu'elle ne garantit et ne sauvegarde pas assez les intérêts du public.

En effet, messieurs, lorsqu'un gouvernement, pour se dispenser de rendre l'argent qui lui a été confié, prétend se retrancher derrière des faits de force majeure, il est indispensable que ces faits se trouvent formellement spécifiés dans la loi.

Je sais que les expéditeurs n'auront aucun danger à courir de la part du ministre des travaux publics, que je suppose trop juste, trop équitable pour souffrir que les administrés soient lésés dans leurs droits. Mais dans le cas d'un conflit soulevé entre l'administration des postes et un expéditeur à propos d'une lettre contenant des valeurs perdue à la suite d'un cas de force majeure, ce sera rarement M. le ministre des travaux publics, surchargé d'occupations, qui pourra intervenir. La plupart du temps, l'administration des postes décidera elle-même la contestation, et sera de cette façon juge et partie. Or, vous savez comme moi combien en pareille occurrence les administrations en général sont souvent méticuleuses, et rigoureuses à l'excès.

Dans aucun cas donc, un événement de force majeure ne pourra être désigné et qualifié tel, après coup, c'est-à-dire après l'événement, parce qu'agir autrement, ce serait, me semble-t-il tomberons l'arbitraire, ce qu'il faut éviter par-dessus tout.

Je le répète, lorsque le gouvernement, pour dispenser l'administration des postes de la restitution de valeurs perdues, entend invoquer le bénéfice des faits de force majeure, il est absolument nécessaire que ces faits soient catalogués, spécifiés et strictement limités dans la loi.

Il importe que le public, avant de confier ses fonds à l'administration des postes, sache à quoi il s'expose, qu'il se rende parfaitement compte des dangers que ces fonds peuvent courir si certaines éventualités, soigneusement déterminées d'avance, viennent à surgir ; il importe qu'avant de s'en dessaisir il puisse juger et apprécier en connaissance de cause.

M. Mullerµ. - Ce sont les tribunaux qui prononceront.

M. de Zerezo de Tejadaµ. - C'est possible, mais pourquoi s'exposer à amener de telles contestations devant les tribunaux ? Il me semble beaucoup plus simple que la loi prévoie les faits de force majeure, qui pourront exempter l'administration de la restitution des fonds qui lui ont été confiés.

Maintenant je vais plus loin. Messieurs, je crois que la Chambre ferait sagement de biffer le paragraphe premier de l'article 8 et de déclarer l'administration des postes responsable des valeurs insérées dans une lettre, quels que soient les événements ultérieurs.

Je n'ignore pas que dans le cas de la destruction d'une lettre par l'effet de la force majeure, l'administration des postes peut alléguer qu'elle n'est pas coupable, qu'elle n'a commis aucune imprudence, qu'il lui a été impossible de parer à l'événement malheureux qui a provoqué la perte de la lettre ; mais l'expéditeur ne peut-il pas tenir le même langage ? Est-il coupable, lui, mérite-t-il un reproche quelconque ? Le fait malheureux n'est donc imputable, ni à l'administration des postes, ni à l'expéditeur. Reste la lettre perdue, avec les valeurs qui s'y trouvaient insérées. Qui devra supporter cette perte ? Je n'hésite pas à répondre que c'est le gouvernement, parce qu'il est riche, très riche même, que cette perte ne lui sera pas sensible, ni même appréciable, tandis qu'elle peut compromettre les intérêts matériels de l'expéditeur, l'entraver dans ses affaires et peut-être le ruiner.

Maintenant je passe à l'examen du paragraphe 2 de l'article 8 qui porte que l'administration n'est pas responsable des valeurs insérées dans une lettre, lorsque la perte doit être attribuée à un vice d'adresse, ou à toute autre négligence de l'expéditeur.

Je vous avoue, messieurs, que je ne comprends pas trop quelles se trouveraient être, à part le vice d'adresse, les négligences pouvant être attribuées à l'expéditeur, qui seraient de nature à dégager l'administration des postes de toute responsabilité.

En effet, lorsqu'on remet une lettre chargée à l'administration des postes, c'est à cette dernière à examiner si elle se trouve dans les conditions voulues, si, par exemple, elle est hermétiquement fermée, si elle compte le nombre de cachets requis, s'ils sont convenablement apposés ; en un mot, c'est à elle à s'enquérir si les formalités prescrites par la loi ont été observées ; si oui, elle accepte la lettre ; si non, elle la refuse. Mais une fois la réception effectuée, elle n'est plus recevable à arguer des prétendues négligences de l'expéditeur. Ces négligences, l'administration des postes, qui est censée mieux connaître que les particuliers la loi qui régit la matière, devait les constater au préalable, mais elle ne doit pas être admise à récriminer après coup pour se dégager d'une responsabilité que je considère, pour ma part, comme parfaitement engagée dans cette circonstance.

Quant au vice d'adresse, je ne conçois pas non plus comment un pareil motif pourrait en tout état de cause dispenser l'administration des postes de la restitution des valeurs perdues. Si la suscription d'une lettre est tellement mal faite qu'elle porte le nom d'une autre personne que celle à qui la lettre est destinée en réalité, je m'empresse de reconnaître que l'administration des postes, du moment qu'elle a fait parvenir la lettre à son adresse, se trouve complètement dégagée de toute responsabilité ; mais dans les autres cas, si par exemple le nom du destinataire ou de la localité qu'il habite se trouve mal écrit ou estropié, chose que l'administration des postes ne pourra guère vérifier au préalable, et qui l'empêchera pourtant de faire parvenir la lettre, pourra-t-elle arguer de ce vice d'adresse pour décliner sa responsabilité ? Nullement, messieurs.

Que doit-elle faire en pareil cas ? Mais renvoyer la lettre au bureau d'expédition où elle restera déposée jusqu'au moment où elle sera réclamée par qui de droit.

Quand on pense aux précautions et aux formalités rigoureuses dont l'administration des postes, pour sa garantie, entoure les lettres chargées, peut-on admettre qu'une lettre de cette espèce puisse s'égarer sans que l'administration des postes soit coupable et par conséquent passible du dommage ?

Remarquez d'ailleurs, messieurs, que le système contraire, qui est celui du paragraphe 2 de l'article 8, serait surtout préjudiciable aux classes pauvres, parce qu'elles sont peu lettrées, par conséquent plus exposées que les autres à commettre des erreurs d'adresse en orthographiant mal le nom de la personne et du lieu qui constituent la suscription de la lettre.

Je termine, messieurs, par une dernière considération.

Quel est le but que le gouvernement s'est proposé par l'article 5 du projet ? Il a eu en vue, ce me semble, un double résultat : d'abord de faciliter au public les envois de fonds ; en second lieu, de faire une opération lucrative pour le trésor. Ce double résultat pourra-t-il être atteint avec le système de restriction et d'absence de responsabilité consacré par les paragraphes 1 et 2 de l'article 8 ? Je ne le pense pas. Le public se voyant, en beaucoup d'éventualités, privé de toute garantie pour ces valeurs, n'osera guère les confier à la poste. Il préférera les garder jusqu'à ce qu'il puisse les expédier par un autre intermédiaire.

Les entreprises particulières n'en agissent pas ainsi, et pour ne citer .que les messageries Van Gend, qui, Dieu merci, font d'assez bonnes affaires, elles se déclarent responsables des valeurs reçues, quels que soient les événements postérieurs qui pourront surgir et sans avoir recours au chapitre des négligences de l'expéditeur. Et pourtant elles transportent pour leurs clients contre une rétribution de 25 centimes pour une somme de mille francs tandis que pour la même somme le projet de loi exige 4 fois davantage. Il stipule en outre des indemnités spécifiées à l'article 7.

Et maintenant pouvez-vous admettre, messieurs, que le gouvernement, en matière de responsabilité, se montre plus mesquin envers ses administrés que les entreprises particulières envers leurs clients ? Il me semble que poser ainsi la question, c'est la résoudre négativement.

J'engage donc pour ces motifs le gouvernement à retirer et la Chambre à rejeter les paragraphes 1 et 2 de l'article en discussion.

- M. Dewandre, rapporteurµ. - Je crois que l'honorable M. de Zerezo est dans l'erreur, lorsqu'il dit que cette disposition relative aux cas de force majeure ou aux lettres perdues par suite d'un vice d'adresse ou de toute autre négligence de l'expéditeur, que cette (page 906) disposition, dis-je, est contraire au droit commun. Que porte l'article 1148 du code civil ?

« Il n'y a lieu à aucuns dommages et intérêts lorsque par suite d'une force majeure ou d'un cas fortuit le débiteur a été empêché de donner ou de faire ce à quoi il était obligé, ou à faire ce qui lui était interdit. »

Eh bien, le gouvernement vous demande de mettre le principe de cet article dans la loi des postes et on ne peut pas plus énumérer ici tous les cas de force majeure que n'a pu le faire le législateur du Code civil, du Code de commerce et du Code pénal. Comment pourrions-nous d'avance indiquer quels sont les événements imprévus qui peuvent dégager la responsabilité du gouvernement ? Ce sera aux tribunaux à apprécier si les faits qui seraient invoqués par l'administration constituent oui ou non des cas de force majeure Les choses se passeront exactement comme elles se. passent lorsqu'il est question d'appliquer l'article 1148 du Code civil.

La seconde disposition que critique l'honorable M. de Zerezo porte que l'administration des postes ne sera pas responsable de la perte lorsqu'elle doit être attribuée à un vice d'adresse ou à toute autre négligence commise par l'expéditeur.

Lorsque celui qui subit le dommage en est la cause première, il est de principe en droit qu'il ne peut en demander la réparation. C'est ce principe qui est inscrit dans l'article qui nous occupe.

Il est évident que dans le cas où ce n'est pas un vice d'adresse imputable à l'expéditeur qui a fait perdre la lettre, dans le cas que l'honorable M. de Zerezo indiquait tout à l'heure, où l'administration des postes par cela seul qu'elle n'aurait pas trouvé immédiatement le destinataire, détruirait la lettre, la disposition ne serait pas applicable et l'administration des postes demeurerait responsable.

L'honorable M. de Zerezo a fini par dire que le gouvernement se mettait dans une autre position vis-à-vis du public que l'entrepreneur de transports quelconques. Je tiens à constater que c'est parfaitement inexact. Les messageries Van Gend qu'il vient de citer pourraient invoquer le cas de force majeure et les fautes imputables à l'expéditeur pour se dégager de la responsabilité de la perte de colis ou autres objets qu'on leur remet à charge d'expédition.

Il y a donc lieu de maintenir dans la loi des dispositions qui ne sont, je le répète, que l'application à la matière qui nous occupe des principes généraux du droit.

M. Lelièvreµ. - Il m'est impossible de me rallier aux observations présentées par l'honorable M. de Zerezo, parce qu'elles ont pour but d'introduire des dispositions qui dérogeraient au droit commun. En effet, le gouvernement qui se charge de transports par la poste, n'est tenu évidemment que des obligations telles qu'elles résultent de la nature du contrat. Or, dans l'espèce, ces obligations viennent à cesser d'après semblable contrat, lorsque la perte est la conséquence de la force majeure. Ces termes ont une signification bien déterminée dans nos lois, on les trouve dans le Code civil comme dans le Code de commerce. D'après le Code civil, le débiteur d'une obligation n'est pas tenu de son inexécution en cas de force majeure. En pareil cas, la responsabilité du voiturier et celle du commissionnaire sont complètement dégagées. Pourquoi n'en serait il pas de même du gouvernement, placé dans la même position ? Les cas de force majeure étant indépendants du fait du gouvernement, il ne serait pas juste d'en faire peser sur celui-ci les conséquences dommageables. En ce cas, le gouvernement n'ayant commis aucune faute, le préjudice ne saurait lui être imputé.

Quant à la question de savoir dans quel cas il y aura force majeure, c'est là une appréciation de fait laissée aux tribunaux, le législateur ne pouvant s'occuper des diverses hypothèses qui peuvent se présenter à cet égard. Tout cela dépend de faits qu'il est impossible de prévoir ni de définir.

La critique dirigée contre le n°2 de l'article en discussion n'est pas mieux fondée. En effet, il est encore de principe de droit commun que celui qui éprouve une perte par sa faute ne peut élever aucune réclamation ; il est réputé en ce cas n'éprouver aucune perte. Pourquoi donc le gouvernement serait-il dans une condition plus défavorable qu'un simple particulier placé dans une situation analogue et lié par un contrat de même nature ? Ne serait-il pas exorbitant de le rendre responsable de la faute d'autrui, taudis qu'on dégagerait la responsabilité de. celui dont la faute aurait donné lieu au préjudice ?

Je pense donc qu'il faut maintenir le principe tel qu'il est écrit dans l'article en discussion.

M. Watteeuµ. - Messieurs, une partie des observations que je me proposais de présenter à l’encontre de celles qui ont été émises par l'honorable M. de Zerezo ont été exposées déjà par l'honorable M. Dewandre.

Pour moi, la discussion que cet article soulève est d'autant moins utile que la disposition elle-même me paraît complètement superflue. On ne l'eût pas insérée dans le projet de loi, que les cas dont on s'est occupé ne rentreraient pas moins complètement dans le droit commun.

L'honorable M. de Zerezo a commis une erreur manifeste en prétendant que le gouvernement traitait ses administrés moins favorablement que les messageries Van Gend ne traitent leurs clients.

La clause insérée dans le projet de loi n'est que la reproduction des principes inscrits dans les articles 97, 98, 105 et 104 du Code de commerce qui déterminent les obligations des commissionnaires expéditeurs et de l'article 230 du Code de commerce qui régit les obligations et la responsabilité des capitaines de navires au long cours.

La responsabilité disparaît complètement dans les cas fortuits et de force majeure.

L'article 97 du Code de commerce porte :

« Il est garant (il s'agît du commissionnaire) de l'arrivée des marchandises dans un délai déterminé, hors le cas de force majeure légalement constaté.é

Plus loin l'on rencontre la même disposition pour les entrepreneurs de transports.

Or lorsque l'Etat se charge du transport des lettres et des transports par chemin de fer, il ne fait pas autre chose qu'une entreprise de transport et, à moins de vouloir imposer des règles plus rigoureuses à l'Etat qu'aux particuliers, il faut maintenir les principes ordinaires du droit.

Mais, comme je le disais tout à l'heure, leur maintien ou leur insertion dans un projet de loi spécial est complètement superflu, et je crois que, surtout à la suite des explications qui ont été échangées ici et qui, le cas échéant, serviraient à éclairer le véritable sens de la loi, il serait plus simple de supprimer les n°1 et 2 de l'article en discussion.

M. Tack. - Messieurs, le dernier paragraphe de l'article 8 me suggère une réflexion que je crois devoir soumettre à M. le ministre des travaux publics et à la Chambre pour ce qu'elle vaut. Ce paragraphe porte que l'administration est déchargée de toute responsabilité par le fait de la remise des lettres contre reçu aux destinataires ou à leurs ayants droit.

Le destinataire ne peut évidemment vérifier, avant d'avoir délivré le reçu, si, oui ou non, la lettre contient les valeurs qui lui ont été expédiées.

Je suppose que la lettre ait été décacheté et que les valeurs aient été soustraites par un agent de l'administration des postes et qu'on ait substitué au cachet et à l'enveloppe de l'expéditeur une autre enveloppe et un autre cachet.

Le destinataire pourra-t-il, dans ce cas, exercer un recours contre l'administration ? A lire le paragraphe final, on serait tenté de croire que non. Cependant cela serait souverainement injuste, car c'est l'administration des postes qui choisit ses employés. Il faut que ce choix présente toute garantie au public,

Il me semble donc que dans le cas que je viens à citer le destinataire devrait avoir le droit de prouver le fait et que, cette preuve acquise, le gouvernement devrait être responsable.

M. Bouvierµ. - C'est évident.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Il ne peut y avoir de doute à cet égard.

M. Tack. - C'est pour lever tout doute que j'ai posé la question. En présence d'un texte aussi positif que celui du paragraphe final de l'article 8, le doute me paraissait possible et je suis heureux d'apprendre de la bouche de M. le ministre de la justice que le destinataire aura le droit que je revendique pour lui.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Il me paraît qu'il ne peut y avoir de doute sur l'interprétation à donner au dernier paragraphe de l'article. Il y est parlé de la lettre. Or, la lettre ne signifie pas l'enveloppe seulement, mais la lettre complète telle qu'elle a été remise au bureau d'expédition.

Donc si l'on ne vous remet qu'une enveloppe, vous serez admis à prouver plus tard que vous n'avez pas reçu la valeur telle qu'elle a été expédiée.

Vous ne tombez pas dans le cas du dernier paragraphe de cet article, parce qu'ici il s'agit du cas où la lettre entière a été remise au destinataire. S'il y a eu soustraction, vous arrivez en justice et vous demandez à établir par tous moyens de droit qu'une soustraction a été commise.

M. de Zerezoµ. - M. Dewandre vient de dire que le gouvernement (page 907) ne se place pas en dehors du droit commun en invoquant le bénéfice du cas de force majeure.

Je ferai remarquer à mon honorable contradicteur que je n'ai jamais nié que le système préconisé par le projet de loi ne soit légal et conforme au Code civil, mais que je me suis borné à dire que le gouvernement ferait bien d'abord de spécifier les cas de force majeure, et ensuite qu'il ferait encore mieux en renonçant à recourir à ce moyen de se dispenser de restituer les fonds qui lui sont confiés.

L’honorable M. Dewandre prétend qu'il est impossible de formuler les cas de force majeure, parce qu'il peut y en avoir une quantité. Je suis d'accord avec lui à cet égard, mais il me semble que précisément à cause de cette circonstance, le système qu'on veut établir par l'article 8 offre bien plus d'inconvénients.

Ainsi je ne citerai qu'un exemple. Je suppose qu'un facteur soit dévalisé ; est-ce un fait de force majeure ? Il est possible que l'administration réponde négativement, mais il est possible aussi qu'elle réponde dans le sens contraire. Et dans le cas où la décision lui serait défavorable, que devrait faire l'expéditeur ? Intenter un procès à l'Etat ? Mais à moins qu'il ne s'agisse d'une somme très forte, le plus souvent il ne le fera pas, parce qu'on n'aime pas à plaider contre l'Etat ; on craint que la raison du plus fort ne soit la meilleure... (Interruption..) Non que l'on pense que les juges ne seraient pas impartiaux, mais parce que le gouvernement dispose de ressources dont les particuliers ne jouissent pas.

J'ai présenté une observation à laquelle l'honorable rapporteur n'a pas fait assez attention. J'ai dit que lorsque par suite d'un fait de force majeure une lettre chargée est détruite, j'aime mieux que ce soit le gouvernement qui subît la perte que le particulier. (Interruption.) Cela me paraît assez logique ; le gouvernement est riche...

MfFOµ. - Dans la poche des contribuables.

M. de Zerezoµ. - Oh ! mon Dieu, M. le ministre, il me semble qu'il vaut mieux que les contribuables se cotisent en pareil cas pour payer la somme que de la laisser à charge de l'expéditeur, que cette perte peut ruiner. D'ailleurs dans d'autres circonstances, on n'a pas si grand-peur de prendre de l'argent dans la poche des contribuables.

Quant aux négligences dont parle le paragraphe 2 de l'article 8, je voudrais que M. Dewandre nous dît quelles sont, à part le vice d'adresse, les négligences de l'expéditeur que l'administration ne puisse pas signaler avant la réception de la lettre.

Relativement au vice d'adresse, je ne veux pas reproduire les arguments que j'ai déjà fait valoir ; je dois dire cependant qu'ils me paraissaient fort sérieux et qu'ils n'ont pas été réfutés.

M. le président. - M. Watteeu vient de faire parvenir l'amendement suivant :

« J'ai l'honneur de proposer la rédaction suivante pour l'article 8.

« L’administration des postes est responsable, dans les termes du droit, des valeurs insérées dans les lettres et déclarées conformément aux dispositions des articles 5 et 6 de la présente loi. »

Plus le dernier alinéa.

- Cet amendement est appuyé et fait partie de la discussion.

M. Dewandre, rapporteurµ. - Je répondrai d'abord à la question de M. de Zerezo ; il m'a demandé dans quels cas il pourrait arriver qu'un vice d'adresse soit tel qu'il y ait, de la part de l'expéditeur, une faute qui dégage la responsabilité de l'administration des postes.

11 y a de ces noms qui sont si communs qu'en n'indiquant sur l'adresse que le nom de la personne et le nom de la ville on commet réellement une faute. Je suppose qu'une pareille lettre soit acceptée par le bureau d'expédition, mais qu'au lieu de le remettre à la personne à qui elle est destinée on la remette à une autre personne portant le même nom.

Eh bien, dans ce cas l'administration se trouvera dégagée de toute responsabilité et si la personne à laquelle la lettre a été remise est insolvable et que, par suite, le destinataire réel ne peut recouvrer la valeur expédiée, l'expéditeur ne pourra rien réclamer à l'Etat.

Quant à l'amendement présenté par M. Watteeu, je n'en vois pas l'utilité ; nous sommes d'accord sur les principes ; l'honorable M. Watteeu, en effet, reconnaît avec le gouvernement et la section centrale, que son amendaient a la même portée, le même but que l'article 8. tel qu'il est présenté.

Pourquoi dès lors modifier cet article en le rendant moins clair ? La loi que nous discutons n'est pas destinée seulement à des jurisconsultes, elle est faite pour le public ; or il est bon de dire au public quelles sont les circonstances où la poste cesse d'être responsable des valeurs qui lui sont confiées.

Eu adoptant la rédaction de M. Watteeu, on laisserait le public dans une grande perplexité sur le point de savoir quelles sont les limites de la responsabilité du gouvernement. Puisque nous sommes d'accord sur les principes, il me semble qu'il vaut mieux maintenir la rédaction proposée par le gouvernement.

MtpJµ. - Je pense comme l'honorable rapporteur de la section centrale qu'il n'y a pas lieu de modifier la rédaction du gouvernement, qui me semble plus nette et plus précise que celle proposée par M. Watteeu. Nous sommes, au reste, d'accord quant au fond.

Les observations présentées par M. le rapporteur et celles qui ont été ajoutées par MM. Watteeu et Lelièvre, ont complètement réfuté celles présentées par M. de Zerezo.

Je dois dire cependant qu'en terminant son discours, M. de Zerezo a fait un parallèle peu flatteur pour l'Etat, entre la manière dont il se conduit et le système adopté par certaines entreprises particulières, et il a cité l'exemple des messageries Van Gend.

Eh bien, je dois dire à l'honorable membre que pendant tout le temps où j'avais l'honneur de présider le tribunal de commerce, j'ai toujours vu l'administration de la compagnie Vau Gent agir comme le gouvernement se propose de le faire.

Je crois, au reste, pouvoir rassurer la Chambre, car je pense que l'application de la loi ne donnera lieu, ni à des contestions nombreuses, ni à des procès fréquents. J'en trouve la garantie dans l'expérience qui se fait en France.

En 1866, l'importance des valeurs déclarées transportées en France a été de 860,250,000 fr. avec un maximum de 2,000 fr. seulement par lettre. Le droit perçu s'est élevé à 941,000 fr., et neuf lettres seulement ont disparu et l'administration n'a dû rembourser que 7,725 fr.

Les mesures rigoureuses de précaution dont le transport des lettres sera l'objet me font espérer que nous arriverons à un résultat au moins aussi satisfaisant.

M. Watteeuµ. - Je suis le premier à reconnaître que mon amendement n'a pas une bien grande utilité, mais je suis d'avis qu'il faut toujours se garder d'introduire dans la loi des dispositions inutiles, car ce qui est inutile dans une loi ne tend qu'à l'obscurcir.

C'est surtout cette considération qui m'a fait présenter mon amendement, mais il y en a une autre.

En énumérant dans l'article 8 les cas dans lesquels la responsabilité du gouvernement se trouve dégagée, on laisse supposer que cet article est non pas énonciatif, mais limitatif.

Or la Chambre, qui renferme des jurisconsultes, doit savoir combien les distinctions ont donné lieu à des déçussions et à des difficultés. Eh bien, les discussions et les difficultés, on les éviterait en n'introduisant pas dans la loi une disposition qui peut, dans certains cas, être considérée comme étant limitative alors qu'elle était énonciative.

M. Van Humbeeck. - Je crois devoir insister sur l'observation qui a été présentée par l'honorable M. Tack et à laquelle M. le ministre de la justice ne me paraît pas avoir suffisamment répondu.

Si le dernier paragraphe de l'article 8 devait être pris à la lettre, il me paraît évident que non seulement la responsabilité de l'administration des postes cesserait dans les cas précédemment énumérés, mais que cette responsabilité n'existerait dans aucun cas. En effet, s'il suffit de la remise de la lettre contre un simple reçu pour faire disparaître la responsabilité de l'administration, il est évident aussi qu'en pratique cette remise et ce reçu précéderont toujours la responsabilité de vérification On ne va pas permettre au destinataire d'ouvrir la lettre, d'en vérifier le contenu, de compter les valeurs qu'elle renferme, avant de donner son reçu, et cependant ce n'est qu'après avoir fait cette vérification qu’il pourra savoir si la lettre contient ce qu’elle doit contenir. Il me semble donc nécessaire d’arriver à une rédaction plus claire du dernier aliéna ou d’avoir quelques explications du gouvernement qui déterminent d’une manière précise la portée de ce paragraphe.

M. Dewandre, rapporteurµ. - Lorsque l'administration des postes reçoit une lettre, elle n'en vérifie pas le contenu ; elle s'assure que la lettre est bien fermée, qu'elle est bien cachetée, et elle n'a d'autre obligation que de remettre la lettre bien fermée, bien cachetée, au destinataire.

Le destinataire doit, avant de donner son reçu, faire la vérification qu'a faite l'administration en acceptant la lettre ; il doit s'assurer que les (page 908) cachets sont intacts, mais le destinataire ne peut ouvrir la lettre avant de donner le reçu et rendre l'administration des postes responsable d'un manquant dans l'intérieur, alors que l'administration n'a pas vérifié le contenu au moment du départ.

Dès que le destinataire a fait la vérification des cachets et a donné son reçu, la responsabilité de l'administration est dégagée, elle a remis au destinataire ce qu'elle a reçu.

L'honorable M. Tack a cité un autre fait. Il a supposé le cas de la substitution d'une lettre a une autre par un employé de la poste ; dans ce cas, le destinataire ne recevant pas la lettre qui lui a été expédiée, la lettre qu'on lui offrirait ne serait pas celle qui lui aurait été adressée, et il ne donnerait pas de reçu à la décharge de la poste. Si cependant il y avait une fraude telle que le destinataire pût être trompé, ce serait, comme le dit M. le ministre de la justice, à lui à prouver qu'une fraude existe et que, bien qu'il ait donné un reçu, la lettre qu'il a reçue n'est pas celle qui lui a été expédiée, et dans ce cas la responsabilité de l'administration resterait entière.

(page 911) M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je crois que, moyennant ces explications, nous sommes d'accord.

A côté de la question de droit il y a une question de fait. Si l'administration remet à un particulier une lettre qui évidemment a été ouverte, ou dont les cachets sont brisés, et si le particulier donne un reçu, celui-ci n'est plus recevable à venir demander des dommages-intérêts, du chef de soustraction commise dans cette lettre. Eh bien, c'est le cas prévu par le dernier paragraphe ; comme le dit l'honorable M. Dewandre, l'Etat est libéré du moment que le particulier lui a remis le reçu.

Mais voici un autre cas.

Un agent de l'administration des postes ou toute autre personne soustrait d'une lettre des valeurs ; il les soustrait de telle manière qu'il est impossible au destinataire de reconnaître sur l'enveloppe les marques de la soustraction et c'est ce qui pourra arriver souvent : la lettre sera en apparence la même ; elle se présentera au destinataire de la même façon qu'elle a été remise par l'expéditeur ; mais elle ne contiendra plus les valeurs qui y avaient été renfermées.

L'Etat pourra-t-il venir dire alors qu'il n'est plus responsable ?

Evidemment non, ce serait contraire au droit commun, ce serait supprimer en fait la responsabilité de l'administration. Le particulier pourra réclamer, mais ce n'est plus l'Etat qui devra fournir la preuve, ce sera le particulier. L'Etat a rempli son devoir ; il a remis la lettre avec l'apparence matérielle qu'elle avait lorsqu'elle lui a été confiée.

Le destinataire a donc deux moyens. D'abord, il peut ouvrir la lettre au moment même où on la lui donne, en présence du facteur. (Interruption.)

- Des membres. - Non ! non !

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Si l'administration n'admet pas ce moyen, que je croyais autorisé, il en restera un second ; mais peu importe, la suppression de ce moyen ne préjudicie pas au système que j'indique à la Chambre. S'il ne peut ouvrir la lettre devant le facteur, il pourra faire la preuve de la soustraction.

M. Vilain XIIIIµ. - Comment la prouver ?

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Comment la prouver ? dit l'honorable M. Vilain XIIII. Voici un moyen très facile. Je suppose qu'un homme honorable reçoive une lettre dans son bureau, qu'il l'ouvre devant ses commis ou devant des tiers et que ces tiers viennent déposer que la lettre ne contenait qu'autant ; leur déposition sera admise en justice. (Interruption.)

Messieurs, ne greffons pas procès sur procès. J'entends parler à côté de moi des droits que l'Etat aurait vis-à-vis de l'expéditeur ou que le destinataire aurait vis-à-vis de l'expéditeur. C'est une autre question. Ce procès se présentera selon les règles ordinaires du droit. Mais je dis que le droit du destinataire est réservé de prouver qu'une somme a été soustraite de la lettre, ce qui implique évidemment la preuve à faire que l'expéditeur y avait mis cette somme.

(page 908) M. Dumortier. - Je crois qu'on perd de vue les événements beaucoup trop fréquents qui se sont passés en fait de transport de lettres. Il n'est pas nécessaire de décacheter une lettre pour en retirer des billets de banque. Vous avez beau mettre trois ou cinq cachets sur une lettre ; des hommes habiles savent parfaitement retirer les billets de banque qui s'y trouvent sans détruire les cachets et sans les enlever. J'ai souvent entendu dire qu'il suffit d'un fil de laiton très délié qu'on introduisait habilement dans le pli d'une lettre pour rouler à l'entour un billet de banque et l'enlever de la lettre. Cela s'est fût très souvent ; c'est le procédé ordinaire qu'on a employé pour soustraire des valeurs des lettres.

M. Moncheurµ. - N'indiquons pas les moyens.

M. Dumortier. - Les fripons les connaissent mieux que nous qui n'avons pas l'honneur d'être affiliés à leur bande.

Une lettre est arrivée à sa destination ; cette lettre est parfaitement intacte ; elle présente toutes les formes de la lettre, telle qu'elle a été remise à la poste ; vous avez signé le récépissé, l'Etat est déchargé.

Mais, dit M. le ministre de la justice, rien au monde n'est plus facile que de vérifier si la lettre ne contenait pas de valeurs.

C'est dans les bureaux des banquiers qu'arrivent la plupart des lettres ayant des valeurs. Une lettre semblable arrive chez un banquier ; le banquier ou le commis chargé de cette besogne ouvre la lettre ; autour de cet employé, il y en aura d'autres qui pourront certifier si la lettre ne contenait pas de valeurs.

Vous avez donc oublié que lorsque vous avez demandé l'abrogation de l'article 1781 du Code civil sur les domestiques, vous n'avez pas voulu que le maître pût établir que des gages réclamés par un domestique lui avaient été payés ; pût l'établir, dis-je, en recourant au témoignage de ses autres domestiques.

Eh bien, si je ne puis certifier, à l'aide de mes autres domestiques, que les gages réclamés ont été payés, il sera plus difficile de faire certifier par les autres commis de bureau qu'une lettre ne contenait pas de valeurs.

II me semble que cet article devrait être revu. Je remercie les honorables MM. Tack et Van Humbeeck des observations qu'ils ont présentées à ce sujet. Je demande à la Chambre de vouloir bien renvoyer l'article à la section centrale, afin d'arriver à une rédaction qui donne satisfaction à tous les besoins ; je pense que, dans aucune hypothèse, nous ne pouvons admettre la disposition dans les termes où. elle est présentée. Il y a lieu de l’amender. Comment l'amendera-t-on ? La section centrale, instruite par la discussion qui vient d'avoir lieu, trouvera le moyen de formuler un texte de nature à parer à toutes les nécessités.

MtpJµ. - Nous sommes parfaitement d'accord.

Il est bien entendu que le reçu donné par le destinataire ne le prive point du droit de prouver qu'une soustraction a été opérée à son préjudice par les agents de l'administration et, cette preuve faite, celle-ci reste responsable des conséquences de cette soustraction.

M. Tack. - Messieurs, au fond nous sommes d'accord, et la proposition de M. le ministre des travaux publics répond à tous les besoins. Le doute n'était né dans mon esprit que du texte de la loi ; il semblait d'après ce texte que du moment que l'Etat était en possession du reçu, sa responsabilité était complètement à l'abri. Maintenant, il résulte des explications données que si le destinataire peut prouver qu'une soustraction a été faite par un agent de la poste, l'administration, lorsque la preuve est fournie, devient responsable.

On demande : Comment cela pourra-t-il être prouvé ?

Supposons un agent de l'administration qui détourne des valeurs contenues dans une lettre ; il est possible qu'il vienne à se compromettre par des dépenses exagérées, que sa culpabilité soit mise au jour après qu'il aura gaspillé en partie la somme soustraite, qu'il soit surpris nanti de l'autre fraction du corps du délit, l'Etat devra suppléer le manquant et tenir entièrement indemne le destinataire.

Je le répète, c'était le doute qui me semblait provenir de la contexture de l'article, qui m'avait engagé à présenter l'observation que j'ai soumise à la Chambre. La proposition de M. le ministre des travaux publics est venue éclaircir ce qu'il pouvait y avoir d'incertain dans la loi, je n'ai dès lors plus rien à ajouter.

Projet de loi érigeant la commune de Maizières

Rapport de la commission

M. Carlierµ. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la commission spéciale, qui a été chargée d'examiner le projet de loi ayant pour objet d'ériger le hameau de Maizières en commune distincte de Nimy.

- Le rapport sera imprimé et distribué.

La Chambre le met à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi relatif au régime postal

Discussion des articles

Article 8

M. le président. - La discussion continue sur l'article 8.

M. Lelièvreµ. Il paraît que nous sommes d'accord sur le principe qui doit régir la disposition en discussion. Il est constaté que le paragraphe final, dont nous nous occupons, n'est pas une règle absolue, mais qu'il peut fléchir selon les diverses circonstances qui peuvent se présenter. La disposition dont nous nous occupons n'est donc qu'une présomption qui doit cesser son application. lorsqu'il existera des circonstances de nature à justifier un autre résultat.

Tel est, du reste, le régime actuellement suivi en matières analogues. C'est ainsi que le voiturier, le commissionnaire, le vendeur sont en général déchargés par la réception des objets de la part du destinataire. Toutefois, le principe fléchit alors qu'il est prouvé que celui qui a reçu les objets n'a pas constaté leur état ou ne l'a pas connu. Ce sera la même règle qui sera observée dans l'application de notre article.

M. le président. - On a demandé le renvoi de l'article 8 à la section centrale.

M. Dewandre, rapporteurµ. - Messieurs, tout le monde est d'accord ; je ne vois pas pourquoi on renverrait à la section centrale.

M. le président. - M. le ministre des travaux publics a proposé une. disposition additionnelle.

MtpJµ. - Je me suis borné à faire une déclaration ; ce n'est pas une addition au texte de la loi.

M. le président. - Insiste-t-on sur le renvoi à la section centrale ?

- De toutes parts. - Non ! non !

- La discussion de l'art. 8 est close.

M. le président. - Je mets aux voix l'amendement de M. Watteeu à l'article 8.

M. Watteeuµ. Je le retire.

M. le président. - Reste donc l'article 8 du projet de la section centrale, auquel le gouvernement se rallie.

- Cet article est mis aux voix et adopté.

Article 9

M. le président. - La Chambre passe à l'article 9.

« Art. 9. Lorsque des valeurs confiées au service des ponts et déclarées suivant les prescriptions de l'article 5, auront été perdues, l'administration payera à l'expéditeur, sauf les exceptions prévues à l'article 8, une indemnité égale au montant de la somme déclarée, en cas de perte totale, ou à la portion des valeurs dont la perte aura été constatée.

« La valeur des titres de la dette publique, des actions et obligations et autres pièces ayant cours variable, sera déterminée, pour ce payement, diaprés la cote de la bourse de Bruxelles du jour de dépôt à la poste.

« Toute réclamation tendante à être indemnisé de la perte d'une lettre contenant des valeurs déclarées devra, sous peine de prescription, être introduite endéans un délai de six mois, à partir du jour du dépôt de la lettre à la poste. »

M, Lelièvreµ. - Je pense qu'aux mots « délai de six mois, à partir du (page 909) jour du dépôt de la lettre à la poste », il faudrait substituer les expressions suivantes : « délai de six mois, à partir du jour où le transport de la lettre aurait dû être effectué ». Tel est le prescrit de l’article 108 du Code de commerce. En effet, lors du dépôt de la lettre, l’action n’est pas née. La prescription ne peut donc commencer à courir. Elle ne prend évidemment son cours qu’à dater du moment où l’obligation à remplir par le gouvernement n’a pas été exécutée. Alors seulement l’action a pris naissance, et, par conséquent, on conçoit seulement alors le commencement de la prescription.

Du reste, nous ne pouvons mieux faire que d'adopter la disposition analogue de l'article 108 du Code de commerce.

M. Dewandre, rapporteurµ. - Le changement de rédaction proposé par l'honorable M. Lelièvre aurait peu d'importance en fait, et pourrait amener des difficultés en droit. En effet, l'expédition de la lettre se fait soit immédiatement, soit très peu de temps après le dépôt à la poste. Ce n'est jamais que quelques heures au plus après le dépôt, que la lettre est expédiée.

Le moment du dépôt peut être vérifié assez facilement, tandis que le moment de l'expédition ou le moment où cette expédition aurait dû avoir lieu, est un fait de ménage intérieur de la poste, si je puis parler ainsi, et il est assez difficile à l'expéditeur de le connaître.

L'honorable M. Lelièvre appuie sa proposition sur une considération de droit. L'obligation du gouvernement, dit-il, ne commence que du moment où il doit transporter la lettre.

L'obligation du gouvernement naît, me paraît-il, du moment où la lettre lui a été confiée. Il a l'obligation d'abord de la garder, et ensuite de la transporter. La prescription doit donc courir du moment où la lettre lui est confiée.

MjTµ. - Je partage entièrement la manière de voir de l'honorable rapporteur.

Dans le projet du gouvernement, il y a une date précise : celle du récépissé donné à l'expéditeur.

- L'article 9 est mis aux voix et adopté.

Article 10

« Art. 10. L'administration des postes, lorsqu'elle a remboursé le montant des valeurs déclarées non parvenues à destination, est subrogée dans tous les droits du propriétaire.

Celui-ci est tenu, avant de recevoir le remboursement, de faire connaître à l'administration la nature des valeurs ainsi que toutes les circonstances qui peuvent faciliter l'exercice de ses droits.

M. de Theuxµ. - Je ne comprends pas bien l'article 10, mis en rapport avec l'article 5. Celui qui met à la poste une lettre ou des valeurs est obligé de faire connaître quelles valeurs la lettre contient ; et puis l'article 10 dit : qu'en cas de perte, l'administration des postes ne rembourse qu'autant que le déposant fasse connaître la valeur que la lettre contenait. Or, l'article 5 prescrivait déjà cette mesure pour que lettre fût reçue à la poste.

MtpJµ. - Messieurs, l'expéditeur n'a à faire qu'une simple déclaration au moment du dépôt de la lettre : celle du montant de la valeur contenue dans la lettre.

Il indique l'importance de la somme, tandis que l'article 10 a pour but de demander à l'expéditeur des indications sur la nature des valeurs, afin de permettre à l'administration, en cas de soustraction, de faire toutes les démarches et toutes les recherches nécessaires pour arriver à en découvrir l'auteur.

- L'article 10 est mis aux voix et adopté.

Article 11

« Art. 11. Le fait d'avoir déclaré, dans une intention de fraude, une valeur supérieure à celle contenue réellement dans une lettre est puni d'un emprisonnement d'un mois au moins et d'un an au plus, et d'une amende de vingt-six francs au moins et de cinq cents francs au plus.

« L'article 6 de la loi du 15 mai 1849 peut être appliqué au cas prévu dans le précédent paragraphe. »

- Adopté.

Article 12

« Art. 12. Lorsqu'il aura été déclaré une somme inférieure à la valeur réellement contenue dans une lettre, l'expéditeur ne pourra, en cas de perte, obtenir d'indemnité qu'à concurrence de la somme déclarée ; et, en cas de constatation suffisante du fait, il lui sera appliqué une amende égale à vingt fois le droit proportionnel qui aura été fraudé. »

M. le président. - M. Liénart a déposé à cette disposition un amendement ainsi conçu :

« En cas de constatation suffisante du fait, il lui sera appliqué une amende de 5 à 25 francs. »

M. Liénartµ. - Je crois que la Chambre apprécie dès à présent la portée de mon amendement. Elle a pris une décision sur laquelle je ne veux pas revenir, c'est de considérer comme une contravention ce qui pour moi n'est qu'une simple imprudence, mais je crois que vous serez tous d'accord avec moi pour dire qu'il s'agit d'un fait de très minime importance, et que, si contravention il y a, une amende de 5 à 25 francs sera bien suffisante pour la réprimer.

N'ayant pas réussi à faire reconnaître par la Chambre la légitimité de ce fait, je suis logique lorsque en ordre subsidiaire et faute de mieux, je tente de soustraire ce fait à une répression outrée.

MtpJµ. - Il m’est impossible de me rallier à l'amendement de l'honorable M. Liénart ; je trouve beaucoup plus équitable de proportionner l'amende à l'importance de l'infraction qui a été commise.

M. Liénartµ. - Je ne veux pas insister davantage et rentrer dans la discussion que j'ai provoquée tout à l'heure. Mais je représenterai encore à la Chambre qu'il ne s'agit que d'un fait très peu grave, et je lui ferai remarquer, d'autre part, que l'amende proportionnelle inscrite dans le projet pourrait monter très haut, et qu'elle est en dehors de toute proportion avec le fait que je persiste à considérer comme parfaitement légitime et, en tout cas, comme très léger.

M. Dewandre, rapporteurµ. - Je dois faire remarquer que l'adoption de l'amendement de l'honorable M. Liénart serait la destruction du monopole de la poste ; car il faudrait proportionner toutes les autres pénalités à celle-ci, et elles deviendraient tellement insignifiantes que le monopole de la poste ne serait plus respecté.

Ainsi on ne permet pas de mettre une lettre dans un colis ; ce fait est puni d'une amende assez considérable. Vous devriez réduire cette peine si vous adoptiez la proposition de l'honorable M. Liénart, sinon vous puniriez un fait plus grave, un fait qui cause à l'administration de la poste un préjudice beaucoup plus grand que le fait dont nous nous occupons actuellement, d'une peine moindre que celle que l'honorable M. Liénart voudrait lui faire appliquer.

M. Liénartµ. - Je ne comprends pas l'argument de l'honorable rapporteur. Il parle de monopole ; il y a atteinte au monopole lorsqu'on se sert d'une autre administration, par exemple, lorsqu'on expédie une lettre dans un colis envoyé par la diligence Van Gend. Mais comment pourrais-je méconnaître le monopole de l'Etat, lorsque je me sers de la poste ?

M. Dewandre, rapporteurµ. - Il me paraît qu'on porte atteinte au monopole de la poste, lorsqu'on ne lui paye pas la taxe qui lui est due ; et comme on ne paye pas la taxe qui lui est due lorsqu'on déclare une valeur moindre que la valeur réelle, il y a lieu d'appliquer une peine à ce fait.

- L'article, rédigé comme le propose le gouvernement, est mis aux voix ; il est adopté.

En conséquence, l'amendement de M. Liénart tombe.

Articles 13 et 14

« Art. 13. Les pénalités établies par les articles 11 et 12 précédents ne seront rendues applicables aux lettres contenant des valeurs sujettes à fluctuation, que lorsque l'écart entre la somme déclarée et le prix établi par la cote de la bourse sera de plus de dix pour cent. »

- Adopté.


« Art. 14. La formalité du chargement n'est plus admise pour les lettres originaires et à destination de l'intérieur du royaume, qui ne contiennent pas de valeurs au porteur.

« La lettre chargée est remplacée, sauf ce qui sera nécessité par des conventions avec les pays étrangers, par la lettre recommandée, dans les cas où des dispositions légales ou conventionnelles ont prescrit la formalité du chargement pour des lettres ne contenant pas des valeurs au porteur. »

- Adopté.

Article 15

« Art. 15. Est punie d'une amende de vingt-six francs à cinq cents francs :

« 1° L'insertion dans les lettres ou dans tous autres objets de correspondance, de l'or, de l'argent, de bijoux ou d'autres matières précieuses ;

« 2° L'insertion dans les lettres ordinaires, recommandées ou exprès, ou dans tous autres objets de correspondance, de valeurs au porteur, à l'exception de celles ne dépassant pas cinq francs et des mandats d'articles d'argent tirés sur un bureau de poste. »

M. Lelièvreµ. - Je pense qu'il est bien entendu que les délits prévus par notre disposition seront réprimés par voie correctionnelle et (page 910) qu’en conséquence, il est dérogé à la loi de mai 1849 qui attribuait aux juges de paix la connaissance des contraventions aux lois sur la poste.

M. Dewandre, rapporteurµ. - Cela ne me paraît pas douteux, et c’est pour cela que la section centrale a porté le minimum à 20 francs, afin d’être dans la limite des peines correctionnelles.

- L'article 15 est adopté.

Article 16

« Art. 16. Le gouvernement prescrira les mesures nécessaires pour opérer, de façon à couvrir sa responsabilité, le mode de fermeture et de remise des lettres expédiées avec déclaration de valeurs, ainsi que le payement des articles d'argent envoyés par la poste.

« Les procurations sous seing privé, en original, en copie ou en extrait, délivrées exclusivement pour le retrait des lettres et des valeurs confiées à la poste, sont exemptes du droit et de la formalité du timbre. »

M. de Theuxµ. - Messieurs, il me semble résulter de la combinaison des deux paragraphes de cet article, que les destinataires des lettres contenant des valeurs seront obligés d'aller les prendre au bureau des postes ou d'y envoyer quelqu'un avec une procuration. Si c'est la signification de l'article, je dis que ce sera une très grande peine pour le destinataire, d'autant plus que très souvent il s'agit de sommes très peu importantes ou qui ne dépassent pas un millier ou deux de francs. Jusqu'à présent ces remises ont été faites avec la plus grande régularité par les facteurs, sans que le destinataire ait été obligé de se répéter ou d'envoyer quelqu'un. Un tel mode de remise occasionnerait d'ailleurs des retards et très souvent il s'agit d'affaires urgentes. Si le destinataire, au lieu de recevoir les fonds, reçoit un avertissement, et s'il est obligé d'aller à plusieurs lieues de distance ou d'envoyer quelqu'un avec une procuration, ce sera toute une journée de retard.

Je crois que le gouvernement ferait très bien de laisser distribuer par les facteurs les lettres chargées ne contenant pas plus de 1,000 ou 2,000 francs.

Il n'est personne qui ait fait quelques affaires et qui n'ait reçu des quantités de lettres de ce genre. On remet même au facteur les lettres chargées qu'on veut expédier et l'on inscrit sur son registre ; « Tel jour remis une lettre chargée à telle destination », et jamais cela n'a présenté le moindre inconvénient. Si l'article 16 doit être interprété d'après les apparences de son texte, il en résultera une gêne énorme pour le public.

Les parents envoient des lettres à leurs fils qui sont dans l'armée, les enfants envoient quelque chose à leurs parents, par exemple,, des domestiques ou des ouvriers. Ce sera une gêne énorme.

MtpJµ. - Il y a là des mesures d'exécution à prendre et je n'ai pas besoin de dire à la Chambre que le gouvernement s'efforcera de concilier les intérêts de l'administration et les convenances du public.

M. Van Iseghem. - Je demanderai à M. le ministre des travaux publics si la valeur devra en toute manière être indiquée en monnaie belge ou si on pourra l'indiquer en monnaie étrangère. Je prends un exemple. Je suppose qu'on expédie par la poste trois métalliques, peut-on mettre : « valeur trois mille florins d’Autriche » ?

M. Dewandre, rapporteurµ. - L'article 6 répond à la question posée par l'honorable M. Van Iseghem. Il est ainsi conçu :

« La déclaration dont il est parlé à l'article précédent, doit être portée en toutes lettres sur la suscription de l'enveloppe, et énoncer en francs et centimes le montant des valeurs expédiées »

M. de Theuxµ. - Messieurs, je regrette de n'avoir pas entendu la réponse de M. le ministre des travaux publics. Je ne sais pas s'il se croit suffisamment autorisé à continuer, au moins pour les sommes qui ne sont pas très importantes, ce qui s'est pratiqué jusqu'à présent.

MtpVSµ. - L'article 16 a pour but de donner au gouvernement le droit de prendre toutes les mesures qu'il jugera utiles pour l'organisation du nouveau service et, je le répète, il s'attachera à concilier les intérêts de l'administration et les convenances du public.

- L'article 16 est mis aux voix et adopté.

Article 17

« Art. 17. Les papiers d'affaires et autres documents manuscrits n'ayant pas le caractère d'une correspondance actuelle et personnelle, originaires et à destination de l'intérieur du royaume, pourront être affranchi au prix de trente centimes jusqu'à concurrence du poids de trois cents grammes par paquet, quelle que soit la distance à parcourir.

« Au-dessus de trois cents gramme, ce port est augmenté de dix centimes par cent grammes ou fraction de cent grammes. »

M. Broustinµ. - Je demanderai à M. le ministre des travaux publics, si parmi les documents manuscrits, il est bien entendu que l'on comprend également les affiches quoique manuscrites. Je fais cette question parce que les affiches manuscrites et les affiches imprimées sont soumises à des régimes différents ; les affiches imprimées ne payent qu'un centime, tandis que les affiches manuscrites payent 10 centimes, et doivent être mises sous enveloppe. C'est pour éviter toute espèce de doute sur l'application de la loi que je pose cette question à M. le ministre des travaux publics.

Sans cela, je proposerais d'insérer dans le texte de la loi, après les mets : « papiers d'affaires », le mot : « affiches. »

MtpJµ. - Messieurs, il y aurait un inconvénient très sérieux à énumérer tous les papiers d'affaires et documents manuscrits qui jouiront de l'avantage stipulé à l'article 17.

Pour moi, il est évident que les affiches de ventes publiques n'ayant pas le caractère de correspondance actuelle et personnelle pourront jouir de la faveur accordée par l'article 17 aux papiers d'affaires et autres documents manuscrits.

- Adopté.

Article 18

« Art. 18. Pour jouir de la réduction du port stipulée à l'article 17, les papiers d'affaires doivent réunir les conditions suivantes, savoir :

« 1° Etre placés sous une bande mobile, de manière à pouvoir être facilement vérifiés ;

« 2" Porter ostensiblement sur la bande, du côté de l'adresse, l'indication sommaire de leur nature, ainsi que le nom et le domicile de l'expéditeur. »

- Adopté.

Article 19

« Art. 19. Les papiers d'affaires non affranchis et ceux qui ne réuniraient pas les conditions voulues pour bénéficier de la modération de port, seront taxés comme lettres. Quant à ceux dont l’affranchissement serait insuffisant, ils seront taxés au double du montant de l'insuffisance en forçant, au profit du trésor, toute fraction de décime jusqu'au décime entier. »

- Adopté.

Article 20

« Art. 20. Il est expressément interdit, sous peine d'«ne amende de 50 fr. à 200 fr., d'insérer dans les papiers d'affaires affranchis avec modération de port, aucune lettre ou note ayant le caractère d'une correspondance actuelle et personnelle, ou d'écrire aucune note de l'espèce, soit sur l'objet même, soit sur la bande ou l'emballage. »

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je propose de supprimer le mot « expressément. »

- Cette proposition est adoptée.

- L'article ainsi modifié est mis aux voix et adopté.

Projet de loi allouant des crédits provisoires au budget de plusieurs ministères

Dépôt

MfFOµ. - Messieurs, les crédits provisoires qui ont été alloués à divers départements s'appliquent à une période qui expire à la fin de ce mois. L'époque à laquelle les budgets non encore examinés pourront être votés par la Chambre et le Sénat est incertaine. Il me paraît utile, dans cet état de choses, de solliciter de la Chambre de nouveaux crédits provisoires.

D'après les ordres du Roi, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau un projet de loi allouant des crédits provisoires à valoir, sur les budgets de 1868, aux départements de la guerre, des travaux publics et de l'intérieur.

- Il est donné acte à M. le ministre du dépôt de ce projet de loi qui sera renvoyé à la section centrale qui a examiné les autres demandes de crédits provisoires.

Projet de loi approuvant l’arrangement conclu avec la France en matière d’indemnités pour le sauvetage des engins de pêche

Dépôt

MaeVSµ. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre un projet de loi portant approbation d'un arrangement conclu à la fin de l’année dernière avec la France, pour le règlement des indemnités à payer pour le sauvetage des engins de pêche.

- Il est donné acte à M. le ministre du dépôt de ce projet de loi, qui sera renvoyé aux sections.

La séance est levée à 4 3/4 heures.