(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1867-1868)
(Présidence de M. Dolezµ.)
(page 863) M. de Moor, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. le président. - Je remercie ceux de mes honorables collègues qui étaient présents à l'heure réglementaire, de la patience dont ils ont fait preuve en voulant bien, à ma prière, attendre que nous fussions en nombre suffisant pour qu'il me fût permis d'ouvrir la séance. J'invite les membres qui sont restés en retard à être plus exacts dorénavant. Il y va de la dignité de la Chambre et de l'intérêt de nos travaux.
J'espère donc que l'attente qu'une partie de la Chambre a bien voulu subir aujourd'hui ne lui sera plus imposée à l'avenir.
La séance est ouverte à 2 3/4 heures.
M. Dethuin, secrétaireµ, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.
- La rédaction en est approuvée.
M. de Moorµ présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.
« Des habitants de Virton demandent que le chemin de fer destiné à relier cette ville au réseau national parte de Marbehan et passe près de Buzenal pour déboucher à Laclaireau et de là à Virton. »
M. Bouvierµ. - Je demande que cette pétition soit renvoyée à la commission des pétitions avec prière de faire un très prompt rapport.
- Adopté.
« Des fabricants de tissus et négociants au Chenois demandent l'exécution du chemin de fer direct de Charleroi à Bruxelles. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Les membres du conseil communal de Hollange demandent que la compagnie du Luxembourg soit contrainte d'exécuter, sans délai, l'embranchement de chemin de fer qui doit relier Bastogne à la ligne de Bruxelles à Arlon. »
« Même demande des membres du conseil communal de Nives. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du rapport sur une pétition relative au même objet.
« Le sieur Jacques déclare retirer sa candidature à la place vacante de conseiller à la cour des comptes. »
- Pris pour information.
« Le sieur Casier déclare retirer sa candidature à la place de conseiller à la cour des comptes et demande la place de greffier à cette cour, si elle devenait vacante. »
- Dépôt au bureau des renseignements.
« Le sieur Holvoet présente des observations sur l'inutilité d'astreindre les officiers subalternes de la cavalerie et de l'artillerie à être toujours en possession de deux chevaux. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de la guerre.
« Le sieur Holvoet appelle l'attention de la Chambre sur la question du maintien ou de la suppression des corps de musique dans la cavalerie. »
-Même décision.
« MM. Nothomb, Carlier, Kervyn de Lettenhove et Le Hardy de Beaulieu demandent des congés. »
- Accordé.
M. le président. - Il y avait un amendement présenté par la section centrale. Cet amendement vient à tomber par suite du vote émis samedi dernier sur la durée du service. Il ne reste donc plus que le projet du gouvernement. C'est sur ce projet que s'engage la discussion.
M. Hayezµ. - Messieurs, à différentes reprises, j'ai signalé à la Chambre la position des officiers pensionnés. Vous connaissez tous cette position, je n'y reviendrai donc pas.
D'après les calculs faits par l'un d'eux, calculs que je n'ai pu vérifier faute des documents nécessaires, une somme de moins de 400,000 fr. suffirait pour leur donner une position qui leur permît de vivre.
Chaque fois que l'on a fait une proposition en leur faveur dans cette Chambre, on a répondu que le trésor était vide.
Sans appuyer sur cette assertion, que je crois très contestable, je ferai connaître à la Chambre une série d'économies réalisables sans nuire aucunement au service et dont le total serait plus que suffisant pour couvrir l'augmentation du budget des pensions.
Mais, auparavant, je veux jeter un coup d'œil rétrospectif sur le rapport présenté à la Chambre en 1850 à l'occasion du budget de 1851.
En 1850, le gouvernement ne craignait pas d'être accusé de manquer de patriotisme en cherchant à faire des économies sur le budget.
A différentes observations qui lui étaient adressées par la section centrale, il répondait :
« Les vues du cabinet sont, ainsi que j'ai eu l'honneur de le dire à la section centrale, d’arriver à ramener le budget normal de l'armée, sur pied de paix, au chiffre de 25 millions de francs, et d'atteindre ce chiffre par des réductions successives réparties sur un espace de 3 ans.
« Le ministre de la guerre déclaré qu'il est prêt à introduire et à rechercher toutes les économies qu'il reconnaîtra possible de faire, sans porter atteinte à la force organique de l'armée.
« Il propose dès maintenant une première réduction pour 1851 ; il continuera de rechercher les économies qu'il jugera possibles, mais il ne croit pas opportun de faire connaître, en ce moment, sur quelles bases il se propose d'opérer.
« Il n'a en vue que le bien de l'armée : il serait heureux d'arriver à une solution qui, en maintenant la force publique sur un pied respectable, tiendrait désormais l'institution de l'armée en dehors de tout débat. »
Aujourd'hui, nous sommes loin des 25 millions promis pour l'avenir, puisque nos dépenses militaires s'élèveront à 37 millions au budget, à 6 millions extraordinaires, sans compter les autres extraordinaires qui suivront.
Il faudra finir par augmenter la solde de la troupe ; l'engagement de lui fournir de la viande moyennant une retenue journalière de 20 centimes sur la solde constitue déjà une première augmentation ; celles qui suivront feront nécessairement revivre chaque année le débat que l'on désirait éviter en 1850.
Il est assez remarquable, messieurs, que déjà en 1850 on réclamait du ministre de la guerre un rapport qu'il avait promis à la législature sur l'organisation de l'armée.
Une première économie à introduire au budget serait la suppression des indemnités accordées aux officiers employés dans les bureaux du département de la guerre. Déjà en 1850, et même avant, il en était question, comme le fait connaître le rapport sur le budget de 1851.
Je crois devoir vous citer textuellement les observations qui ont été faites à cet égard, et la réponse du ministre.
« Art. 3. Supplément aux officiers et sous-officiers employés au département de la guerre. : fr. 4,000.
« Charge extraordinaire : fr. 6,000.
« Total : fr. 10,000.
« «Ainsi qu'on l'a fait connaître dans les notes à l'appui des budgets de 1849 et 1850, cette allocation sera entièrement supprimée lorsque les officiers qui en jouissent encore recevront une autre destination ou obtiendront de l'avancement.
« Les extinctions probables qui surviendront en 1851 procureront une nouvelle économie de 2,000 fr.
(page 864) « Art. 3. Toutes les sections adoptent, à l'exception de la 4ème, qui proposait la suppression des indemnités accordées aux officiers et sous-officiers employés au département de la guerre. La section centrale a demandé au ministre des explications sur l'emploi de ces indemnités. Le ministre a répondu que ce crédit était destiné à payer :
« 1° Un supplément aux sous-officiers employés au département de la guerre, soit. 4,000 fr., qui se répartit entre 18 sous-officiers, savoir : 10 à raison de 300 fr., 2 à raison de 200 fr. et 6 à raison de 100 fr.
« Ces sous-officiers ne jouissent que de la solde de leur grade.
« Par suite du service auquel ils sont astreints au département de la guerre, ils sont obligés de se loger et de se nourrir en ville, ce qu'ils ne pourraient évidemment faire à défaut d'un supplément de solde.
« 2° Supplément aux officiers, 6,000 francs.
« Un arrêté royal du 15 août 1848, apportant quelques modifications à l'administration centrale, prescrit que les officiers admis dans les bureaux du département de la guerre ne jouiront plus du supplément de solde et que ceux qui sont en possession de cet avantage cesseront d'en profiter lorsqu'ils obtiendront de l'avancement.
« Le principe d'économie est donc admis. C'est ainsi que l'allocation, qui était en 1848 de 13,000 fr. est descendue, en 1849, à 10,000 fr., a en 1850 à 8,000 fr. et enfin en 1851 à 6,000 fr.
« Ce dernier chiffre décroîtra chaque année et finira par disparaître entièrement.
« La proposition mise aux voix est rejetée. »
Aujourd'hui, comme vous le savez, messieurs, le chiffre de l'indemnité s'est élevé de 10,000 à 16,000 fr., malgré les promesses de 1849 et l'arrêté de 1848.
Quant h moi, je ne vois aucun avantage à maintenir cette indemnité et je trouve qu'il y a même injustice à le faire.
Je soumettrai une proposition à la Chambre lors de la discussion de l'article 3.
L'honorable ministre de la guerre trouverait-il de l'inconvénient à faire connaître à la Chambre l'emploi des 16,000 francs d'indemnités et l'état des officiers et sous-officiers qui y ont leur part ? Il me semble qu'il ne peut y en avoir aucun, on ne peut rougir de recevoir une indemnité, à moins qu'on ne pense n'y avoir aucun droit.
Je renouvellerai encore, cette année, l'observation que j'ai faite, en 1867, relativement au chiffre des appointements des employés civils dans les établissements militaires ; ils reçoivent beaucoup moins qu'il n'est accordé aux employés du département de la guerre de leur catégorie. Cette inégalité devrait disparaître, je ne vois aucun motif valable pour la maintenir.
Le même rapport de 1850 s'est occupé de l'école militaire et la section centrale a manifesté le désir de voir apporter des économies dans les dépenses. Alors, le commandant en second n'existait pas ; de ce chef, on proposait la suppression d'une indemnité de 1,500 fr. ; cette indemnité s'élève à 2,000 fr. et elle est payée. Il s'agissait également de supprimer les indemnités accordées aux professeurs militaires. Je pense que cette mesure serait équitable et favorable à l'enseignement ; mais elle ne peut être prise qu'en modifiant la loi sur l'organisation de l'école. Je ne vois pas ce qui s'y oppose, d'autant plus que cette loi n'est pas toujours observée, du moins j'ai lieu de le croire.
Par exemple, si je consulte l'Annuaire militaire, je trouve qu'il ne porte qu'un seul examinateur permanent. Or, on demande an budget l'indemnité pour deux examinateurs, c'est-à-dire 4,000 fr. au lieu de 2,000.
Un autre article est également peu conforme à la loi.
La loi de 1838 sur l'école militaire permet 4 inspecteurs des études. Ces 4 inspecteurs reçoivent une indemnité de 1,500 fr. chacun ; la loi dit positivement qu'ils ne peuvent recevoir moins.
Il y a quatre inspecteurs portés au budget, à raison de 1500 fr. cela fait bien le chiffre de 6000 fr. demandés au budget. Mais dans l'Annuaire militaire, au lieu de 4 inspecteurs j'en trouve 8. A la vérité, quatre d'entre eux sont portés comme faisant fonctions.
Je demanderai si ces faisant fonctions reçoivent une indemnité, ou bien, si on fait aux inspecteurs en titre l'injustice de leur retrancher une partie de leur indemnité de 1,500 fr. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de leur allouer cette indemnité, je voudrais la voir supprimer ; mais, puisque la loi la leur accorde, je ne puis admettre qu'on la réduise, en faveur de 4 autres inspecteurs des études qui n'ont pas le droit d'exister d'après cette loi.
Je trouve encore dans l'Annuaire 4 fonctionnaires dont le travail me paraît devoir se réduire à bien peu de chose ; il y a un vaguemestre conservateur des bâtiments ; un conservateur du matériel ; un conservateur des modèles, et un conservateur pour la bibliothèque.
Je ne sais pas s'il y a beaucoup de modèles à conserver à l'école militaire, mais il me semble que ces modèles pourraient fort bien être confiés au conservateur de la bibliothèque et du matériel.
Je ferai remarquer en outre que le bibliothécaire est un lieutenant qui touche de ce chef 2,100 fr., plus sans doute une indemnité.
Dans le même article 17 du budget, je vois figurer une somme de 3,500 fr. pour un manège. Je cois que ce manège spécial est inutile ; il n'existait pas autrefois, on se contentait de faire un accord avec le chef d'un établissement privé, auquel on payait une certaine somme, en échange de laquelle il donnait des leçons aux élèves de l'école militaire. Ces leçons suffisaient ; mais on a voulu faire la chose plus en grand ; aujourd'hui on a des chevaux ; je ne sais combien ; le nombre n'est renseigné nulle part....
- Une voix. - Si.
M. Hayezµ. - Quels sont ces chevaux ? Appartiennent-ils à la troupe ou sont-ils spécialement affectés à l'école militaire ?
Je crois en avoir rencontré quelquefois à la promenade, mais, montés par des officiers d'infanterie et non par des élèves de l'école. D'où je suis autorisé à conclure, que ce manège est établi plutôt en faveur des officiers d'infanterie dont on veut faire des cavaliers, qu'à l'usage des élèves de l'école. S'il en est ainsi, c'est un véritable abus.
Bien d'autres économies pourraient se réaliser sans nuire à l'établissement et sans rien changer à la loi ; il serait urgent de les introduire sans attendre que les abus nombreux existant aujourd'hui amènent une réaction poussée à l'excès contraire.
En 1851, l'école coûtait 141,000 francs ; aujourd'hui on y dépense 210,000 francs, sans compter les appointements fixes des officiers, leurs rations de fourrages, les chevaux du manège et beaucoup d'et caetera, le tout approchant de 300,000 fr.
Je le répète, messieurs, je crois qu'il y aurait justice à supprimer les indemnités accordées, en sus de leurs appointements, aux officiers occupant des positions spéciales qui leur offrent une foule d'avantages refusés aux officiers de troupe, sauf les cas fort rares où ces positions sont de nature à leur occasionner des frais extraordinaires et inévitables.
Je crois encore qu'il serait juste et avantageux à l'armée de faire marcher ensemble un changement de position avec un avancement en grade, quelle que soit la position que le promu occupe, et de faire alterner les positions sédentaires avec le service actif dans la troupe.
Si un officier désirait conserver la position sédentaire qu'il occupe, il devrait, s'il obtient cette faveur, renoncer à l'avancement et le laisser à ceux de ses camarades dont le service est plus rude et moins agréable. Cela se fait dans d'autres armées.
Parmi toutes les inutilités que l'on trouve dans l'armée, l'école de cavalerie est peut-être la plus inutile. Elle est même nuisible, on l'a reconnu en partie, puisque l'artillerie n'y envoie plus d'officiers. Ce qui est le plus nécessaire aux officiers sortant de l'école, c'est le contact de la troupe qui les familiarise avec la vie véritablement militaire ; ce n'est pas à l'école d'Ypres qu'ils trouveront cet enseignement. Chaque régiment a son manège, ses instructeurs, et doit trouver dans ses ressources propres le moyen de former des cavaliers.
L'école de cavalerie coûte environ 300,000 fr. Il faut un calcul assez long pour arriver à ce chiffre, parce qu'il est nécessaire de recourir au budget et à l'Annuaire militaire et encore je ne le crois qu'approximatif. J'estime donc que la suppression de cette école serait très favorable à l'armée et aux intérêts du Trésor.
Je déposerai une proposition dans ce sens.
La section centrale a demandé au département de la guerre si tous les chevaux d'officiers pour lesquels l'indemnité pour fourrages est demandée au budget, existent réellement. Je ne fais aucun doute messieurs, qu'il en soit ainsi, car je ne puis admettre que, pour quelques centaines de francs, un officier puisse commettre un faux quatre fois par an.
(page 865) Mais je ne pense pas que tous les chevaux qu'on accorde soient nécessaires au service de ces officiers. Pourquoi, par exemple, deux ou trois chevaux à des officiers ne faisant qu'un service sédentaire, sans contact aucun avec la troupe et ne sortant à cheval que pour se promener ou pour figurer aux parades ? Il y a là un grand abus, et sans aborder les détails, je prie l'honorable ministre de vouloir y porter son attention.
Messieurs, en réalisant toutes les économies possibles que je viens de signaler, savoir :
Suppression des indemnités en sus des appointements ;
Suppression des dépenses inutiles à l'école militaire ;
Suppression de l'école de cavalerie d'Ypres ;
Réduction du nombre des rations de fourrages accordées aux officiers sans troupe,
Je pense que l'on obtiendra facilement, et même au delà, ce qui est nécessaire pour donner aux officiers pensionnés le moyen de ne pas être soumis, dans leurs vieux jours, à des privations de toute nature.
Jusqu'à présent, on ne les a guère aidés qu'en leur octroyant quelques grades honoraires ou des rubans ; je trouve que c'est trop et trop peu ; trop peu, parce que leur position pécuniaire n'est pas améliorée ; trop, parce que la collation d'un grade honoraire à quelques-uns d'entre eux, après qu'ils ont quitté le service depuis un temps plus ou moins long, ne peut guère se justifier et fait plus de mécontents que d'heureux.
J'espère que MM. les ministres des finances et de la guerre voudront bien examiner cette affaire avec bienveillance.
Si un accroissement de toutes les pensions ne pouvait se faire à la fois, je pense qu'il faudrait commencer par augmenter les plus petites, par exemple celles qui sont au-dessous de 2,000 francs. Dans tous les cas, je crois que la proportion des augmentations ne doit pas être celle qui a été adoptée pour les appointements, car elle n'a été réellement favorable qu'à ceux qui en avaient le moins besoin.
Quelques mots encore et je finis :
J'ai déjà signalé à la Chambre l'inutilité des trois classes de capitaines. Deux classes s'expliquent dans les armes spéciales et la cavalerie, puisque les fonctions diffèrent suivant la classe ; mais dans l'infanterie, cette raison n'existe pas. Aussi les capitaines d'infanterie sont-ils classés dans l'Annuaire d'après la date de leur nomination de capitaine de troisième classe.
Il n'en est pas de même pour les autres armes, d'où il résulte qu'un capitaine de première classe d'une arme spéciale peut être porté dans l'Annuaire comme moins ancien qu'un capitaine de troisième classe d'infanterie. Il peut résulter de là des conflits d'autorité qu'il est, me semble-t-il, urgent de prévenir en maintenant, pour tous, la véritable date d'ancienneté dans le grade.
Je ferai remarquer à la Chambre qu'une note du budget lui apprend que 60 chevaux d'artillerie sont encore chez les cultivateurs. Il y en avait 91 l'année dernière, que sont devenus 31 de ces chevaux ?
Il est à remarquer encore que tous les chevaux de remonte sont fournis par le même entrepreneur. Ce fait donne lieu de croire que les conditions imposées pour cette fourniture ne la rendent accessible qu'à très peu de concurrents ; s'il en était ainsi, cet état de choses devrait être modifié au plus tôt, afin de faire cesser un véritable monopole.
Un dernier mot, messieurs.
L'Annuaire militaire nous apprend que 55 officiers se trouvent en non-activité ; 35 pour infirmités, 20 par mesure d'ordre.
Tous ces officiers sont traités de la même manière sous le rapport des appointements, les malades comme les punis ; il me semble qu'il est grandement temps de faire cesser cette injustice.
D'un autre côté, les punis sont atteints par la seule volonté d'un ministre ; et il doit y avoir parmi eux de très grands coupables puisque leur punition date de 7 ou 8 ans. Ne serait-il pas urgent de changer un état de choses qui jure si étrangement avec nos institutions ?
Les règlements militaires fournissent à eux seuls assez de moyens pour réduire tout officier à la nécessité d'une obéissance passive, sans invoquer le secours d'une loi draconienne dont l'utilité a toujours été contestable et contestée, et qui est d'autant plus odieuse qu'elle frappe dans l'ombre sans accorder à ses victimes le droit si légitime de défense.
M. Descampsµ. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale sur le projet de loi relatif à la suppression du timbrage des billets au porteur.
- Ce rapport sera imprimé et distribué et le projet de loi mis à la suite de l'ordre du jour.
MgRµ. - Je prie la Chambre de remarquer quelle est ma position relativement au budget de. la guerre. Je n'ai pas encore joui de la lune de miel que l'honorable M. Coomans m'a octroyée. A peine arrivé aux affaires, j'ai dû présenter une organisation nouvelle de l'armée et un budget dont les éléments avaient été établis par mon prédécesseur.
Il y a donc bien des détails que j'aurai à étudier d'ici à l'aimée prochaine ; par conséquent je prie la Chambre de m'accorder le temps nécessaire, pour m'en occuper et me prononcer.
Je me bornerai à répondre quelques mots aux observations de l'honorable colonel Hayez.
En ce qui concerne le sort du soldat, des mesures seront prises sous peu pour l'améliorer. La solde ne dépendra plus des fluctuations du prix des denrées. D'autre part, j'ai promis à la Chambre de lui faire connaître, à l'occasion du prochain budget de la guerre, la situation de la masse d'habillement. Dès qu'il sera établi que cette masse est suffisante, le sort du soldat belge sera aussi bon qu'il peut l'être dans aucune autre armée.
Quant aux indemnités accordées aux officiers du département de la guerre, c'est une question à examiner ; mais je ferai remarquer que je me suis trouvé en présence d'un arrêté royal du 22 septembre 1853 qui règle cette matière et que je dois nécessairement observer cet arrêté aussi longtemps qu'il n'aura pas été rapporté.
L'école militaire a été organisée par la loi du 18 mars 1838. Des indemnités pour les professeurs militaires et les professeurs civils ont été fixées en vertu de cette loi.
Tout ce qui concerne l'école militaire, du reste, sera examiné très sérieusement, puisque le gouvernement a l'intention de créer une école de guerre et que cette école sera annexée à l'école militaire. Il y aura donc à revoir les règlements actuels et à tenir compte, à cette occasion, des observations qui seraient reconnues fondées.
Le cours d'équitation est donné aux élèves de l'école militaire au moyen de chevaux de troupe ; les soldats qui soignent ces chevaux sont détachés des corps et ils reçoivent une légère indemnité sur les fonds de l'école militaire.
Il ne faut pas confondre les chevaux du cours d'équitation de l'école et ceux que montent les officiers d'infanterie ; ces derniers se servent des chevaux que les régiments de cavalerie en garnison à Bruxelles mettent à leur disposition. Il est indispensable que les lieutenants destinés à passer adjudants-majors et les capitaines appelés à devenir officiers supérieurs sachent monter à cheval ; c'est pour cela qu'on leur donne des leçons d'équitation. Il en est ainsi dans toutes les garnisons.
Les régiments d'artillerie fournissent également des chevaux de selle aux officiers d'infanterie.
L'existence de l'école de cavalerie a été souvent mise en question ; elle a été tour à tour supprimée et rétablie ; tous les ministres qui se sont succédé s'en sont occupés et c'est après un examen approfondi fait par une commission spéciale que l'école a été établie sur le pied où elle se trouve actuellement.
La question de préséance des capitaines est assez embarrassante. Dans la cavalerie, l'artillerie et le génie, le capitaine commandant occupe un grade réel et supérieur à celui de capitaine en second, tandis que dans l'infanterie il n'y a qu'un seul grade de capitaine ; le capitaine en premier ne diffère des autres que par l'ancienneté. Lorsque des capitaines de différentes armes se trouvent en présence, l'ancienneté du grade de capitaine doit décider du commandant. C'est au chef à prévenir les cas de conflit.
Nous avons eu jusqu'à présent des chevaux d'artillerie placés chez les cultivateurs, mais j'ai donné des ordres pour les faire rentrer dans les corps à dater du 1er avril.
Les remontes se font par voie d'entreprise et par adjudication publique.
C'est une question que j'ai l'intention d'étudier avec beaucoup de soin ; car le sort de la cavalerie dépend de la manière dont se fait l'achat des chevaux.
L'honorable colonel Hayez a parlé des officiers en non-activité Il y a lieu certainement de distinguer les officiers qui sont en non-activité par cause de maladie de ceux qui le sont par mesure d'ordre.
La loi sur la perte du grade, à laquelle l'honorable membre a fait allusion, disparaîtra en grande partie par l'adoption du nouveau code pénal qui vous sera bientôt présenté, et il sera tenu grand compte des plaintes que cette loi soulève depuis longtemps.
M. Lelièvreµ. - Le budget en discussion me donne l'occasion .d'appeler l'attention de M. le ministre sur un objet que j'ai souvent recommandé à la sollicitude du département de la guerre.
(page 866) Il s'agit du sort des officiers pensionnés, dont plusieurs se trouvent dans une situation fâcheuse qui ne peut être faite équitablement à des hommes dont les services rendus au pays ne sauraient être méconnus.
La pension actuelle devrait être majorée comme étant absolument insuffisante à l'effet de pourvoir aux nécessités de la vie.
D'un autre côté, il serait juste de faire régir les pensions militaires par les mêmes principes qui sont applicables aux pensions civiles. Rien ne paraît plus juste que d'établir, à cet égard, un ordre de choses uniforme. Les intéressés ne portent pas plus loin leurs prétentions, et il me semble que les réclamations, sous ce rapport, sont parfaitement rationnelles. Il n'y a aucun motif sérieux de faire entre les pensions civiles et les pensions militaires des distinctions que rien ne justifie.
J'appelle donc l'attention de M. le ministre de la guerre sur cette question. L'intérêt qu'il porte aux officiers qui ont bien mérité du pays est un sûr garant qu'il améliorera leur position, ainsi que l'exigent les règles de l'équité.
Nous avons appris, avec une véritable satisfaction, que M. le ministre de la guerre, de concert avec son collègue de la justice, était disposé à présenter à la Chambre un projet de loi relatif au code militaire. Ce sera là, sans contredit, un progrès incontestable. Le code pénal actuel répugne essentiellement à nos mœurs. Je prie seulement M. le ministre de remarquer que c'est surtout la procédure criminelle qui, relativement aux personnes attachées à l'armée, doit subir des réformes indispensables. Il faut nécessairement faire disparaître une législation anormale qui forme un contraste frappant avec nos institutions libérales. L'auditeur militaire ne peut tout à la fois remplir les fonctions de juge d'instruction, de procureur du roi et de greffier.
Enfin, ce que je crois devoir signaler à l'attention du département de la guerre, c'est la nécessité de proposer des dispositions nouvelles en ce qui concerne les servitudes militaires ; Il serait essentiel d'introduire en cette matière des règles plus équitables que celles décrétées par la législation en vigueur. On peut, sans compromettre l'intérêt général, établir un régime moins onéreux et moins préjudiciable aux propriétés voisines que celui créé par une législation aujourd'hui surannée, qui dépasse toutes les nécessités légitimes.
C'est là un objet sur lequel j'appelle l'attention du ministre, et j'émets le vœu que, pendant la session prochaine, il propose un projet de loi faisant cesser tout ce que l'état actuel des choses présente de trop rigoureux. Ne perdons. pas de vue que nous sommes encore régis en cette partie par l'arrêté de 1815 et la loi de 1791, qui ont créé un régime gravement préjudiciable aux propriétés voisines des forteresses, propriétés qui sont ainsi notablement dépréciées. Il est essentiel d'admettre un système meilleur qui concilie l'intérêt général avec des intérêts privés respectables,
Ce sont les considérations que je recommande à l'examen du gouvernement.
M. de Moorµ. - J'avais eu un moment l'intention de demander la parole dans les débats sur l'organisation de l'armée ; mais j'ai pensé que les courtes observations que j'avais à présenter trouveraient tout aussi bien leur place dans la discussion générale du budget de la guerre. Au moment où le pays va devoir s'imposer pour son état militaire de nouveaux sacrifices qu'un sentiment patriotique nous a fait accepter, je crois devoir attirer l’attention du gouvernement sur la situation que crée à certaines parties du pays la nouvelle organisation militaire..
L'augmentation du contingent pèsera surtout sur les provinces qui, comme le Luxembourg, sont privées d’industrie et n’ont pas d’autre ressource que leur agriculture !
Là, l'augmentation du contingent enlèvera aux travaux agricoles un grand nombre de bras on plus, car on n'y a pas les mêmes ressources pour se faire remplacer que dans les autres provinces.
Eh bien, dans ces conditions, je demanderai au gouvernement de ne pas exiger trop de sacrifices à la fois et je le prierai d'examiner si la seconde ville de Luxembourg qui peut avoir une garnison en doit nécessairement être privée.
Messieurs, on a dit et on me répondra peut-être encore que les garnisons ne doivent pas être faites pour les villes. Mais qu'il me soit permis de rappeler que depuis plusieurs siècles, depuis la formation des armées permanentes, sous tous les régimes, à toutes les époques et sans interruption sensible, la ville de Bouillon a été en possession d'une garnison.
Jamais on ne pourra faire admettre aux populations que les exigences du service sont tellement rigoureuses, qu'une certaine partie de troupe ne puise pas, sans des inconvénients excessivement graves, être disjointe de l’état-major des régiments.
Messieurs, après la ville d'Arlon, Bouillon est la seule du Luxembourg où il y ait des locaux convenables pour tenir garnison, et elle a fait pour les casernes des sacrifices considérables. Bouillon en à une étape de chemin de fer et, comme la ville d'Arlon, elle se trouve sur la frontière.
Messieurs, l'honorable M. de Kerckhove a parlé un jour des conditions d'hygiène que doivent réunir les locaux militaires.
Eh bien, sous ce rapport je puis rassurer l'honorable membre ; la ville de Bouillon offre toutes les conditions favorables à une garnison. Les changements de garnison sont si fréquents dans toutes les parties du pays que le tort que peut causer, si tort il y a, à l'instruction du soldat, l'éloignement momentané de ces détachements, sera d'une bien minime importance.
Toujours et à toutes les époques, la question de la garnison a été une affaire capitale pour la petite ville dont je plaide ici les intérêts,
Les populations du Luxembourg sont aussi dévouées à notre dynastie qu'aux institutions libérales du pays et je connais assez leur patriotisme pour être convaincu qu'elles accepteront, sans se plaindre, les sacrifices demandés par le gouvernement pour la défense du pays et votés par nous.
Dans un de ses premiers discours, l'honorable ministre de la guerre n'a-t-il pas reconnu que s'il était permis de critiquer le système des petites garnisons, on devait reconnaître que la question est délicate et que sa solution ne dépend pas uniquement du département de la guerre ?
Ces paroles me donnent l'espoir que le gouvernement se livrera à un sérieux et bienveillant examen, d'où sortira une solution conforme aux vœux des populations intéressées, tout en sauvegardant l'intérêt de l'armée.
Je prie aussi M. le ministre de la guerre, dans l'intérêt de nos éleveurs, de donner des instructions pour qu'à l'avenir les chevaux ardennais ne soient pas oubliés dans le contingent de chevaux à incorporer dans les régiments de cavalerie et surtout d'artillerie. Point n'est besoin, je pense, de m'étendre sur les qualités de la race chevaline de notre province ; sa réputation a été faite par les hommes de guerre les plus compétents.
Messieurs, si j'en crois une dépêche du département de la guerre, les remplaçants sont un peu traités comme de mauvais soldats quand ils ne sont pas traités comme des parias.
Je demanderai la permission de vous lire une lettre que j'ai reçue, il y à quelque temps, du département de la guerre :
« Monsieur le représentant,
« J'ai l'honneur de vous exprimer mes regrets de ce que l'intérêt du service ne permette pas d'autoriser le passage dans la gendarmerie du remplaçant de 1867, Cartier, Jean-Baptiste-Victor, incorporé au régiment des carabiniers et auquel vous vous êtes intéressé, Les remplaçants ne peuvent être admis dans ce corps.
« Agréez, etc.
« Le ministre de la guerre,
« Par ordre, etc. »
Eh bien, messieurs, si, comme pour le cas actuel, le remplaçant est un homme qui se distingue par sa bonne conduite, par l'exactitude qu'il apporte à servir et par sa moralité, si parce qu'il est remplaçant, il doit être éliminé de ce corps d'élite, le département de la guerre se montre peu prévoyant, peu juste.
Ou devrait encourager les remplaçants dès leur arrivée dans l'armée on ne devrait pas empêcher ceux qui se conduisent et servent bien d'arriver à certaines positions.
J'appelle la sérieuse attention de M le ministre de la guerre sur certaines vieilleries qui doivent disparaître de son département. J'insiste d'autant plus qu'il est évident qu'en traitant défavorablement les remplaçants, vous ne parviendrez jamais à en faire de bons serviteurs. Comme le fait observer l'honorable M. Muller, c'est la manière de faire du département qui démoralise les remplaçants et empêche, au grand détriment des familles, un plus grand nombre d'entre eux de servir dans l'armée.
On prétend, dans la réponse que j'ai vue au rapport de la section centrale, que le contingent de la gendarmerie se. recrute difficilement et qu'on ne peut parvenir à le compléter.
M. le ministre delà guerre dit dans sa note que le recrutement de ce corps se fait avec difficulté parce que les volontaires sont très rares dans la cavalerie et qu'il y a fort peu de miliciens réunissant les conditions réglementaires, qui consentent à prendre un engagement dans la gendarmerie.
(page 867) Il y a encore autre raison encore, m'assure-t-on, à cet état de choses. Ceux qui veulent se faire une carrière dans la gendarmerie ne sont pas encouragés.
Quand vous avez des sous-officiers qui ont bien servi, qui connaissent bien leur métier au lieu de les exclure du cadre des officiers en allant chercher des officiers de cavalerie, vous devriez les encourager et chercher à les conserver.
C'est encore un point sur lequel j'appelle toute l'attention de M. le ministre de la guerre.
M. Thonissenµ. - Messieurs, quatre ans de suite, j'ai profité de la discussion générale du budget de la guerre pour appeler l'attention du gouvernement sur une étrange injustice consacrée par la législation qui fixe actuellement le sort des officiers mis en non-activité.
Quatre fois la réforme de cette législation m'a été promise, et quatre fois la promesse a été complètement oubliée.
L'honorable général Renard vient de renouveler cette promesse ; c'est la cinquième fois. J'espère qu'enfin elle ne tardera pas à se réaliser.
La situation actuelle est véritablement intolérable.
Les officiers mis en non-activité appartiennent à deux catégories bien distinctes. Les uns s'y trouvent par mesure d'ordre, c'est-à-dire pour cause d'indiscipline, d'inconduite ou d'immoralité ; les autres, au contraire, s'y trouvent pour cause de maladie temporaire, c'est-à-dire, les trois quarts du temps, pour des infirmités contractées au service militaire, par exemple, une chute de cheval dans une manœuvre de cavalerie.
Certes, voilà deux catégories essentiellement distinctes ; dans l'une se trouvent des coupables, dans l'autre se trouvent des malheureux ; et cependant, par une inconcevable inadvertance, la législation actuelle place ces deux catégories si dissemblables absolument sur la même ligne. Aux coupables et aux malheureux on n'accorde que la moitié de la solde d'infanterie afférente à leur grade.
Evidemment cela ne peut durer. Il n'est pas possible que, dans un pays comme le nôtre, on continue à mettre sur la même ligne l'indiscipline, l'immoralité et le malheur.
Je prends donc acte de la promesse que le gouvernement nous fait pour la cinquième fois, et, comme je l'ai déjà dit, j'espère que le redressement du grief que je signale ne tardera pas à avoir lieu.
M. Van Overloopµ. - Je ne répéterai pas les raisons que j'ai fait valoir, pendant la discussion de la loi sur l'organisation de l'armée, en faveur de l'amélioration matérielle, intellectuelle et morale du soldat. Ces observations ont reçu un accueil excessivement bienveillant dans la Chambre.
M. le ministre de la guerre vient de nouveau, en répondant à l'honorable colonel Hayez, de promettre qu'il les prendra en sérieuse considération,
Mais je crois devoir appuyer l'honorable M. Lelièvre, en ce qu'il a dit relativement aux pensions des officiers. Il est temps et grand temps qu'on mette un terme aux justes réclamations de ces anciens serviteurs du pays. J'espère que l'honorable général Renard ne tardera pas à prendre des mesures en leur faveur, mesures qui ne seront frappées qu'au coin de la véritable justice.
J'appuie également l'honorable M. Lelièvre en ce qu'il a dit relativement aux servitudes militaires. Il paraît, d'après ce qu'on nous a dit pendant la discussion générale de la loi d'organisation, que des travaux devront être exécutés sur la rive gauche de l'Escaut.
Je crois donc que le moment est excessivement opportun pour saisir la Chambre d'un projet de loi depuis si longtemps promis sur les servitudes militaires. Il faut, comme vient de le dire l'honorable M. Lelièvre, qu'on réforme enfin une législation qui a été faite sous l'empire de principes constitutionnels tout différents de ceux qui nous régissent aujourd'hui.
Quant à la gendarmerie, je me permettrai également de faire quelques observations.
La gendarmerie n'a pas assez de volontaires. Il paraît qu'il manque plus de cent hommes.
M. Mullerµ. - Cent cinquante.
M. Van Overloopµ. - Cent cinquante ! Ce chiffre prouve, soit dit en passant, qu'il serait excessivement difficile, pour ne pas dire impossible, de composer l'armée exclusivement de volontaires. Car bien certainement il serait impossible d'assurer à nos volontaires de l'armée une position aussi avantageuse que celle qu'ont nos gendarmes.
Mais, quant à la gendarmerie, j'ai une observation à faire. Si je suis bien renseigné, un gendarme ne peut se marier qu'à la condition que sa femme ait une dot qui dépasse en général la fortune des gens appartenant à la condition de ceux qui embrassant la carrière de la gendarmerie.
J'appelle sur ce point l'attention de M. le ministre de la guerre. Peut-être qu'en facilitant un peu plus le mariage des gendarmes, le déficit qui se remarque dans ce corps se comblerait beaucoup plus aisément.
Ce pourquoi j'ai surtout demandé la parole, c'est pour soumettre une demande à M. le ministre de la guerre.
Puisqu'il paraît que, pour donner satisfaction aux intérêts civils d'Anvers, on se propose de démolir la citadelle du Sud, je demanderai si, à cette occasion, l'on ne pourrait pas donner satisfaction aux intérêts civils du pays de Waes et de la ville d'Anvers en même temps, en construisant un pont permanent sur l'Escaut, vers l'endroit où se trouve aujourd'hui la citadelle du Sud. De cette manière, on exécuterait un travail véritablement utile au point du public en général. D’un autre côté, il me semble que ce travail serait extrêmement avantageux au point de vue militaire, puisque, d’après les discours de M. le ministre de la guerre, il serait très important que, dans le cas de danger, l’armée pût facilement passer de la rive droite à la rive gauche de l’Escaut.
Eh bien, messieurs, ce passage s'effectuerait avec beaucoup plus de facilité s'il y avait un pont permanent qu'aujourd'hui, où il ne peut se faire qu'au moyen de ponts volants. Ce travail exécuté pour l'armée produirait autant d'utilité au point de vue civil que le travail de la carte du pays auquel des officiers d'état-major, aidés de quelques officiers d'infanterie, se livrent maintenant. Ne serait-il pas possible, au point de vue de la construction de ce pont permanent, que le ministère de la guerre s'entendît avec le département des travaux publics, afin de donner une satisfaction légitime aux intérêts du pays de Waes ?
Il me semble, messieurs, que cette observation ne peut rencontrer d'objection, à moins qu'il n'y ait des objections techniques, ce que je ne suis pas à même d'apprécier.
Je voudrais comme je l'ai déjà dit dans d'autres circonstances, voir les départements ministériels cesser de se considérer chacun comme formant un Etat à part dans le pays. Pourquoi, au point de vue de certains travaux d'utilité générale, le ministère des travaux publics, le ministère de l'intérieur et le ministère de la guerre ne s'entendraient- ils pas ? Il me semble que l'on pourrait ainsi renforcer l'élément militaire, tout en réalisant de grandes économies pour le trésor.
M. Mouton. - Messieurs, la section centrale chargée de l'examen du projet de loi d'organisation militaire terminait son rapport par l'expression d'un vœu ainsi formulé :
« La section a résolu d'appeler l'attention du gouvernement sur l'utilité qu'il y aurait à augmenter les garanties d'avenir pour les sous-officiers de toutes les armes et spécialement à rétablir à l'école militaire la section d'application pour les lieutenants et sous-lieutenants des armes spéciales sortis du cadre des sous-officiers. »
Cette question a été complètement passée sous silence pendant la longue discussion à laquelle la Chambre s'est livrée. Elle présente cependant de l'importance au point de vue du recrutement des cadres et je prie l'honorable ministre de la guerre de vouloir bien l'examiner en même temps que les autres questions qui se rattachent à l’école militaire.
MgRµ. - Je répondrai, messieurs, quelques mots aux dernières observations que viennent d'être présentées. La Chambre ne doute pas de mon désir de voir améliorer le sort des officiers pensionnés, mais ce n'est pas une question qui dépende complétement de moi Je ferai cependant remarquer qu'il est quelquefois difficile d'assimiler les pensions militaires aux pensions civiles, par cette raison que les fonctionnaires civils ne sont pensionnés qu'à l'âge de 65 ans, tandis que les officiers le sont généralement à l'âge de 55 ans. Il y a là une différence de 10 ans de service qui doit influer beaucoup sur le chiffre des pensions.
L'honorable M. de Moor me demande une garnison pour la ville de Bouillon.
Par suite de la nouvelle organisation de l'armée, de nouveaux corps seront créés, des places fortes seront condamnées Il y aura donc lieu de procéder à une nouvelle répartition des différentes garnisons.
J'examinerai, autant qu'il sera en moi, la possibilité d’accéder au vœu de l'honorable membre.
Quant aux remplaçants, l'honorable M. de Moor a tort de croire qu'ils sont maltraités dans les régiments.
On traite mal les mauvais remplaçants, mais on traite les bons remplaçants aussi bien que les bons soldats.
(page 868) J'ai eu, pour ma part, deux remplaçants pour ordonnances et je les traitais avec tous les égards possibles, parce que je les estimais.
Dans ce moment même, une proposition d'avancement m'est soumise en faveur d'un substituant qui a servi avec beaucoup de zèle. Ses chefs,, pour le récompenser, l'ont proposé pour le grade de sous-lieutenant.
Quant au remplaçant dont a parlé l'honorable M. de Moor, j'examinerai les raisons qui ont porté le département de la guerre à lui répondre dans le sens qu'il indique.
On a parlé, messieurs, des difficultés que rencontre le gouvernement pour recruter le corps de la gendarmerie. Ces difficultés sont réelles. Il manque en ce moment 150 gendarmes et nous ne parvenons pas à nous les procurer
J'ai ici l'état des candidats qui, depuis 10 ans, se sont présentés. De 1858 à 1867, le chiffre s'élève à 3,487 et sur ce nombre 1,182 seulement ont pu être admis. Les autres n'offraient pas les garanties nécessaires pour occuper une position de confiance.
Le gouvernement ne néglige rien pour former une bonne gendarmerie. Il y a quelques heures, je m'entretenais avec le chef de ce corps des moyens à employer pour en assurer le recrutement.
M. Vleminckxµ. - Est-ce que le fait d'avoir été remplaçant est un empêchement ?
M. de Moorµ. - Je demande la permission de lire une phrase de la lettre que m'a adressée le département de la guerre.
« Les remplaçants ne peuvent être admis dans ce corps. »
M. Bouvierµ. - D'une manière absolue.
MgRµ. - C'est le règlement. J'examinerai la question.
M. Mullerµ. - Qu'on les admette à l'avenir.
MgRµ. - On me dit que l'on ne peut recruter la gendarmerie parce que l'avancement n'est pas suffisant dans ce corps, parce qu'on prend les officiers dans l'armée.
Rien, messieurs, n'est plus inexact.
Sur les 9 capitaines de gendarmerie, un seul provient de l'armée ; les autres sortent du corps même ; sur les 9 lieutenants, un seul vient de l’armée ; sur les 9 sous-lieutenants, un seul sort de l'armée.
L'avancement dans le corps est donc très grand. Je dirai même qu'à mon avis, on a été trop loin sous ce rapport.
Il faut pour la gendarmerie des officiers ayant un grand tact, une grande instruction. Il est rare qu'un homme entré dans le corps comme gendarme réunisse toutes les conditions nécessaires pour faire un bon capitaine de gendarmerie.
En France on fait une part beaucoup plus large à l'armée. Un quart des capitaines et la moitié des lieutenants sont pris dans la cavalerie.
Vous voyez donc, messieurs, que chez nous la gendarmerie n'a pas à se plaindre.
J'ai donné, je crois, toute satisfaction à M. Thonissen, au sujet des officiers en non-activité en répondant à l'honorable colonel Hayez.
M. Van Overloop m'a parlé de l'établissement d'un pont permanent sur l'Escaut. Il est évident qu'une telle construction serait fort utile, au point de vue militaire ; mais sa résolution soulève une question complexe ; il faut examiner si l’établissement d'un pont sur l'Escaut est possible au point de vue de la navigation.
Les navires de mer doivent manœuvrer dans la rade d'Anvers.
Quant à l'armée, elle ne demanderait pas mieux que d'avoir sur l'Escaut un pont qui lui permît d'aller d'une rive à l'autre.
M. Van Overloopµ. - Il faut vous entendre avec votre collègue des travaux publics.
M. Orts. - Et avec la ville d'Anvers.
M. Van Wambekeµ. - Et avec le ministre des finances.
MgRµ. - M. Mouton a demandé l’établissement, à l'école militaire, d'une section de lieutenants et de sous-lieutenants d'artillerie dans le but de les préparer à subir l'examen de capitaine.
Le corps de l'artillerie fait en ce moment l'objet de toutes les préoccupations du département de la guerre. A l'heure même où je parle, un examen a lieu pour les sous-officiers d'artillerie qui aspirent au grade de sous-lieutenant.
Un projet de loi sera déposé prochainement pour favoriser l'entrée dans cette arme des sous-lieutenants d’infanterie et de cavalerie. Je soumettrai d’ailleurs la demande de l'honorable membre au conseil d'artillerie qui doit être réuni prochainement,
M, Dumortierµ. - M. Van Overloop vient de parler d'un point auquel j'attache une grande importance, je veux parler de la création d'un pont permanent sur l'Escaut.
Je me permettrai de présenter à cet égard une simple observation. Il me semble qu'il serait très facile d'établir sur l'Escaut un pont flottant comme il en existe sur le Rhin et en Hollande. (Interruption.) Un pont flottant peut parfaitement s'établir malgré la marée, et il n'exigerait pas une énormissime dépense. Non seulement au point de vue de la défense nationale, mais même au point de vue des relations, il est certain que c'est une chose à peine croyable qu'il n'y ait pas de pont d’une rive de l'Escaut à l'autre ; les habitants de la province d'Anvers n'ont pas de moyens pédestres pour se rendre dans le pays de Waes et ceux-ci ne peuvent pas non plus se rendre à pied à Anvers.
C'est là un point sur lequel l'attention du gouvernement devrait être appelée ; selon moi il vaudrait mieux établir un pont sur l'Escaut que de dépenser de l'argent à faire des stations de luxe.
J'ajouterai qu'un pont flottant comme il en existe sur le Rhin n'entrave en aucune façon la navigation. Je voudrais qu'on supprimât les crédits votés pour la station de Tournai pour faire un pont flottant sur l'Escaut. Ce serait là un travail d'utilité publique, tandis que la dépense qu'on veut faire pour Tournai serait une dépense d'inutilité publique.
M. Van Overloopµ. - Je ne suis pas enchanté de la réponse que m'a faite M. le ministre de la guerre, relativement au pont sur l'Escaut.
L'utilité militaire de la construction de ce pont est reconnue par M. le ministre de la guerre ; mais l'utilité civile n'est pas non plus contestable. Au point de vue d'Anvers, de la Flandre orientale et de toute la province d'Anvers, qui oserait contester les avantages que cette construction procurerait ? Qu'ai-je demandé à M. le ministre de la guerre ? Qu'il porte cette dépense à son budget ? Pas du tout ; je m'en serais bien gardé, car ce serait augmenter encore les causes d'opposition au budget de la guerre. Je ne suis borné à lui demander de s'entendre avec M. le ministre des travaux publics et d'étudier cette question de commun d'accord avec son honorable collègue. J'ai eu soin de le dire quand j'ai pris la première fois la parole, si des considérations techniques s'opposent à l'exécution de ce travail, c'est là une question que je suis incompétent à résoudre. Mais j'aurai l'honneur de faire remarquer à messieurs les ministres que la Hollande s'occupe en ce moment à jeter un pont permanent sur le Moerdyck.
Or, ce travail doit présenter bien d'autres difficultés que la construction d'un pont sur l'Escaut près d'Anvers.
Au surplus, je crois qu'un projet de pont sur l'Escaut parfaitement étudié a été élaboré par un ingénieur, M. Tarte, ce qui prouve que ce travail est reconnu possible par des hommes compétents.
Je prie donc l'honorable chef du département de la guerre de se mettre d'accord avec son honorable collègue du département des travaux publics et d'examiner sérieusement la question de savoir si l'on ne pourrait pas établir sur l'Escaut un pont destiné à relier les provinces d'Anvers et de la Flandre orientale. Ce serait un service incontestable qu'on rendrait au pays de Waes.
MgRµ. - J'aurai l'honneur de répondre à l'honorable M. Van Overloop que son observation suffit pour que mon attention soit appelée sur la question qu'il a traitée.
Cette question mérite d'être étudiée, et elle le sera de commun accord entre les départements de la guerre et des travaux publics.
M. Bouvierµ. - M. le ministre de la guerre vient de faire une distinction entre les bons et les mauvais remplaçants. Il faut, dit-il, sévir contre les mauvais remplaçants ; et il a parfaitement raison. Mais d'un autre côté, il est indispensable d'être juste envers les bons. En est-il ainsi dans l'armée ? On peut affirmer en termes généraux que les remplaçants n'y sont pas traités comme ils devraient l'être.
En effet, messieurs, jamais, ou du moins très exceptionnellement, les remplaçants n'obtiennent de congés de faveur ; de sorte que sous le régime de la loi actuellement en vigueur qui fixe à trente mois au moins durée du service dans l'infanterie, les remplaçants sont assujettis à un service beaucoup plus long que les miliciens.
Eh bien, je dis que cela ne devrait pas être et j'espère bien que l'honorable ministre de la guerre mettra fin à cet état de choses. Déjà à la suite du discours de l'honorable M. d'Elhoungne, j'ai vu se produire une sorte de réaction dans le sens de mes observations, puisqu'on se propose de nommer sous-lieutenant un substituant.
(page 869) MgRµ. - J'ai dit qu'on me l'a proposé.
M. Bouvierµ. - Eh bien, s'il a les qualités que vous lui avez reconnues tout à l'heure, il faut le nommer. (Interruption.)
En agissant ainsi vous prouverez aux remplaçants qu'avec de la conduite, eux aussi pourront parvenir à l'épaulette ; ce qui ne sera certainement pas un mal et encouragera le remplaçant ou le substituant à se conduire dignement et convenablement.
Quant à la gendarmerie, je constate que l'article 120 de la Constitution, aux termes duquel l'organisation de la gendarmerie doit faire l'objet d'une loi, est resté jusqu'à présent une lettre morte.
J'espère que M. le ministre de la guerre, maintenant que nous avons voté tous les projets qu'il nous a soumis, voudra bien s'occuper de cette organisation.
MgRµ. - Je ferai remarquer à l'honorable M. Bouvier que le remplacement étant maintenu dans notre organisation militaire, il est de notre intérêt que cette institution donne les meilleurs résultats possibles. Nous devons donc nous appliquer à relever les remplaçants à leurs propres yeux comme aux yeux de l'armée.
Ce qui peut aider à ce résultat, c'est la loi sur la milice.
Il ne faut plus que des sociétés puissent aller prendre des sujets dans la lie des populations pour les faire entrer dans notre armée.
M. Allard. - Messieurs, on a parlé des congés de faveur qu'on n'accorde pas aux remplaçants. Je puis aussi citer un fait qui prouve que cette injustice existe réellement. Le voici, un homme marié, père de trois enfants, voulant acheter sa chaumière qui était en vente, s'était fait remplaçant. Eh bien, j'ai demandé un congé de faveur pour cet homme, lorsqu'il était depuis deux ans au service, et je n'ai pu l'obtenir, bien que tous les renseignements fussent favorables. On l'a retenu sous les drapeaux pendant quatre ans, et durant ce laps de temps, on ne lui a accordé que quelques petites permissions. C'est une indignité. C'est' ainsi qu'on démoralise tous ces malheureux qui quelquefois, comme dans le cas que je viens de citer, se font remplaçants uniquement pour faire une petite position à leur famille.
- La discussion générale est close. On passe aux articles.
« Art. 1er. Traitement du ministre : fr. 21,000. »
- Adopté.
« Art. 2. Traitements des employés civils : fr. 153,910.
« Charge extraordinaire : fr. 900. »
- Adopté.
« Art. 3. Supplément aux officiers et aux sous-officiers employés au département de la guerre : fr. 16,000. »
M. Hayezµ. - Messieurs, d'après la réponse que M. le ministre de la guerre m'a faite tout à l'heure, je ne proposerai pas d'amendement. Je m'en remets à son examen impartial de toutes les questions que j'ai touchées.
- L'article 3 est adopté.
« Art. 4 Matériel : fr. 40,000. »
- Adopté
« Art. 5. Dépôt de la guerre : fr. 19,000.
« Charge extraordinaire : fr. 175,000. »
- Adopté.
« Art. 6. Traitement de l'état-major général : fr. 855,000. »
M. Vleminckxµ. - Messieurs, lors de la discussion du projet de loi sur l'organisation de l'armée, j'ai eu l'honneur de présenter à la Chambre un amendement tendant à supprimer la section de réserve des officiers généraux, ainsi que les commandants de provinces.
La Chambre n'a pas accueilli ma manière de voir. Je respecte sa décision mais cette décision n'a eu rien affaibli ma conviction. Je reste convaincu que la section de réserve des officiers généraux n'est pas seulement une inutilité, mais qu'elle constitue un véritable danger pour le pays.
L'opinion que j'ai de cette section expliquera le vote que j'émettrai tout à l'heure sur le crédit qui nous est demandé pour l'état-major général de l'armée.
Je demande la permission à la Chambre de lui présenter encore quelques considérations sur ce sujet.
Qu'est-ce que la section de réserve en Belgique ? Je suis beaucoup plus embarrassé, messieurs, pour vous exposer ce qu'elle est, que pour vous dire ce qu'elle n'est pas. Ce qu'elle n'est pas, à coup sûr, c'est une véritable réserve ; ce qu'elle n'est pas, c'est une garantie pour le pays ; ce qu'elle n'est pas, c'est une garantie pour la défense nationale.
C'est là un des grands motifs pour lesquels j'en ai demandé la suppression.
En France, comment la réserve est-elle constituée ? Elle est composée d'officiers généraux qui ont exercé le commandement du grade dans lequel on les met dans la réserve.
On comprend que ces officiers généraux rentrant dans l'armée, dans les grades qu'ils y ont occupés, et venant y exercer de nouveau un commandement dont ils ont déjà été investis, on comprend, dis-je, qu'ils jouissent de toute la confiance du soldat et on comprend encore qu'ils puissent rendre des services signalés en temps de guerre comme en temps de paix. Mais chez nous c'est tout le contraire. Alors que la section de réserve est en France la fin de la carrière, chez nous c'en est le commencement.
Des colonels, d'après notre système, sont nommés généraux-majors, des généraux-majors lieutenants généraux pour être placés dans la section de réserve.
Jamais les colonels nommés généraux-majors n'ont commandé une brigade, jamais les généraux-majors nommés lieutenants généraux n'ont commandé une division. La guerre éclate ; le gouvernement est obligé de rappeler en activité les officiers généraux de la section de réserve ; il est obligé de leur remettre un commandement qu'ils n'ont jamais exercé.
Et vous trouvez que ce soit là une garantie ?
Pour moi c'est un danger véritable, réel et indéniable.
Vous sentez très bien, messieurs, qu'en venant demander la suppression de la section de réserve, ce n'est pas pour le triste plaisir de faire disparaître quelques officiers généraux de l'armée.
Telle n'est pas, telle n'a jamais été mon intention. Si j'ai demandé la suppression de cette section, c'est qu'elle m'a paru être, dans son organisation actuelle, une détestable chose pour le pays.
Vous aurez beau avoir une armée de 100,000 hommes, si nous n'avez pas de bons généraux, bien exercés, bien expérimentés, ce sera comme si vous n'aviez rien du tout, et la Belgique devra succomber malgré tous les sacrifices qu'elle se sera imposés pour la défense de son indépendance et de ses libertés.
J'ai encore, messieurs, quelques autres observations à présenter à la Chambre sur le chapitre de l'état-major général.
Voici ce que je lis à la page 3 du budget :
1° Supplément de traitement à deux généraux majors, commandants de division et à un colonel commandant de brigade, en plus qu'au budget de 1867 : fr. 5,034 70
2° Supplément de traitement à un aide de camp en plus : fr. 547 25
3° Fourrages supplémentaires de 3 généraux-majors et d'un colonel commandant de division ou de brigade, 4 rations ou 1,460 journées à 1 fr. 30 c. : fr. 1,898
4° Fourrages de 5 chevaux d'aide de camp, en plus, soit 1,825 journées à 1 fr. 30 c. : fr. 2,372 50
5° Indemnité de 40 c. en remplacement des vivres de campagne : fr. 1,424 45
6° Augmentation de 251 journées de fourrages pour l'année bissextile : fr. 326 50
Total : fr. 11,603 20
Vous savez, messieurs, que le lieutenant général qui est nommé ministre, touche nécessairement le traitement de ministre. Vous croyez peut-être que son traitement de lieutenant général va rester disponible au budget. Pas le moins du monde ; voici ce qu'on en fait ; on le partage, vous venez de l'entendre, entre plusieurs généraux et colonels. Ce traitement est donné comme indemnité à tel colonel qui commande une brigade, à tel général-major qui commande une division, comme si notre organisation, celle même que nous venons de voter, ne nous fournissait pas assez de lieutenants généraux et de généraux-majors pour les divers commandements. Nous avons beaucoup plus de généraux-majors que (page 870) nous n'avons de brigades, plus de lieutenants généraux que nous n'avons de divisions.
Et pour laisser encore quelques-uns de ces messieurs dans l'inactivité la plus complète, il faut allouer des indemnités à des généraux majors pour commander des divinisions et a des colonels pour commander des brigades !
Ce n'est pas tout ; il y a une conséquence à tout cela, pour ne pas me servir d'une expression souvent employée par l'honorable M. Coomans.
Il faut à ces colonels faisant les fonctions de généraux-majors, a des généraux-majors faisant les fonctions de lieutenants généraux, il leur faut, dis-je, des aides de camp supplémentaires ; il faut à ceux-ci des supplemeuts.de traitement ; il faut à tous enfin des allocations de fourrages supplémentaires. N'est-ce pas là une véritable dilapidation ?
L'honorable M. de Brouckere l'a parfaitement dit dans la discussion de la loi sur la réorganisation militaire : il faut que le gouvernement apprenne aux généraux à faire leur métier. Des faveurs de la nature de celles que nous constatons, consacrent un abus très grave et contre lequel nous devons tous protester.
J'aurais proposé, si nous étions tout au commencement de l'exercice, de laisser disponible le traitement tout entier du lieutenant général qui est aujourd'hui ministre de la guerre, ou plutôt de le faire disparaître complètement du budget.
M. Orts. - Et si le ministre tombe demain, il ne serait pas payé.
M. Vleminckxµ. - Je suppose que l'honorable général Renard se retire et qu'un membre du parlement devienne ministre de la guerre, est-ce qu'il trouvera encore à l'heure qu'il est son traitement au budget ? Est-ce que son traitement ou une partie de ce traitement n'aura pas été distribué en indemnités ? Je ne ferai donc pas d'amendement, mais j'aime à croire que pour le budget prochain, l'honorable ministre de la guerre nous présentera un budget duquel auront disparu les abus que je viens d'avoir l'honneur de signaler.
M. Dumortier. - Je ne saurais assez appuyer les observations que vient de vous présenter l'honorable M. Vleminckx. Il est un fait incontestable : c'est que les officiers de la réserve doivent être placés dans la réserve au grade dans lequel ils ont eu des commandements, que les placer dans des grades supérieurs, ce n'est plus créer une réserve, c'est recourir à un mode indirect d'avancement en dehors de la loi, en dehors des cadres de l'armée. Cela est d'autant plus sérieux, comme le dit l'honorable M. Vleminckx, que le jour où vous en auriez besoin pour les mettre en campagne, ces généraux seraient appelés à remplir des fonctions qu'ils n'ont jamais exercées et dans lesquelles ils pourraient bien ne pas remplir du tout la mission qu'on attend d'eux.
Voilà donc un premier point sur lequel je suis tout à fait d'accord avec l'honorable M. Vleminckx, et j'engage vivement l'honorable ministre de la guerre à prendre note et bonne note de nos observations.
Mais il est un autre point sur lequel je veux appeler l'attention de la chambre et tacher s'il est possible, d'obtenir quelques explications de l'honorable général Renard.
L'honorable membre qui vient de se rasseoir a avancé une profonde vérité, lorsqu'il a dit : A quoi vous servira d'avoir une armée de 100,000 hommes, si vous n'avez pas de bons généraux pour la commander ? Et il ajoutait : Si vous n'avez pas de bons généraux, votre armée de 100,000 hommes vous sera inutile ; elle ne vous servira de rien. Eh bien, cette pensée est une pensée qui domine tout le budget de la guerre et déjà, dans la discussion qui vient d'avoir lieu, j'ai appelé l'attention du gouvernement sur ce point.
C'est un fait excessivement regrettable que cette limite d'âge de 63 et de 65 ans imposée aux généraux sans réserve, sans limite, de telle façon que le général le plus capable sorte nécessairement de l'armée à cet âge fatal. Vous auriez dans votre armée, je suppose, l'un des deux premiers guerriers de notre époque, soit Napoléon Ier, soit Wellington ; lorsqu'ils arriveraient à 65 ans, vous devriez vous en débarrasser.
Est ce là l'intérêt de l'armée ? Pour mon compte, je ne le crois pas ; je dis que c'est desservir les intérêts de l'armée. Car je répéterai après l'honorable M. Vleminckx : Vous avez beau avoir 100,000 hommes ; si vous n'avez pas de bons généraux pour les commander, c'est comme si vous n'aviez rien.
J'avais fait une proposition, que j'ai retirée sur les explications qui m'ont été données, de diviser nos lieutenants généraux en deux catégories ; six d'entre eux auraient conservé le grade de lieutenant général et trois d'entre eux seraient devenus généraux. Par ce moyen, on pouvait modifier les dispositions existantes et conserver les hommes les plus capables aussi longtemps qu'ils pouvaient rendre des services importants au pays.
J'ai eu l'honneur d'indiquer à la Chambre l'âge de tous les grands généraux qui ont figuré dans les campagnes récentes ; vous avez vu que tous dépassaient 70 ans.
Je demande à M le ministre de la guerre de vouloir bien examiner s'il n'y aurait pas un moyen de conserver à l'armée les généraux les plus capables. Il ne faut pas ici qu'il ait égard à une question personnelle, il doit se placer au point de vue des intérêts du pays, au point de vue de la défense nationale.
Peut-être pourrait-on y venir si l'on divisait les lieutenants généraux en deux catégories : les lieutenants généraux purs et simples et les lieutenants généraux commandants d'armée ; mais il est impossible qu'au bout de 10 ans, l'armée soit privée de ces hommes qui ont prouvé dans les camps la haute capacité qu'ils avaient révélée dans leurs écrits.
MgRµ. - L'honorable M. Vleminckx est revenu sur les généraux cadre de réserve. Il faut cependant adopter un système. La Chambre n'admet pas le système français qui maintient en activité sur le pied de paix un nombre de généraux suffisant pour assurer tous les services. Indépendamment du cadre d'activité, il y a un cadre de réserve comprenant tous les généraux de brigade arrivés à soixante-deux ans et les généraux de division arrivés à soixante-cinq ans.
Chez nous, les généraux âgés de 63 et de 65 ans sont mis à la retraite, et disparaissent complètement, ils rentrent dans la vie civile. En France, l'officier général n'est mis à la retraite que sur sa demande expresse.
Il y a le système prussien, qui consiste à avoir en temps de paix tous les généraux nécessaires pour le cas de guerre.
En Belgique, par mesure d'économie, on n'a pas été aussi loin ; on a un cadre dit de. réserve de deux lieutenants généraux et de quatre généraux-majors, qui tous sont employés en temps de paix, et qui en temps de guerre concourront au premier moment à constituer l'armée sur le pied de rassemblement. Ce n'est qu'un faible appoint, car leur nombre devra être triplé pour la guerre.
La grande objection qu'on oppose est celle-ci. Ce cadre de réserve est dangereux ; comme vous y placerez les plus jeunes, les nouveaux promus si la guerre éclate ils n'auront pas l'expérience du commandement. Mais on peut en dire autant de tous les nouveaux promus et de ceux auxquels il faudra conférer un grade au moment de la guerre.
Qui donc nommons-nous généraux-majors ou lieutenants généraux à la réserve ? Ce sont des colonels et des généraux-majors considérés comme dignes d'avancement à un grade supérieur par leurs talents et leur caractère, qui tous dans le courant de leur carrière ont rempli plusieurs fois sans doute par intérim les fonctions du grade qu'on leur confère, et ce sont de pareils officiers qui constitueraient un danger pour l'armée et le pays ? Cela reviendrait à dire qu'au moment de la guerre nous ne pouvons plus élever un colonel au grade de général de brigade.
M. Bouvierµ. - Et quand les généraux sont tués ?
MgRµ. - Reste l'observation de l'honorable M. Dumortier. J'ati eu l'honneur d'y répondre déjà dans la discussion générale. C'est une question excessivement délicate et je lui ai dit : Le gouvernement l'examinera. (Interruption.)
Quant au traitement du ministre comme lieutenant général, il ne fait pas double emploi, puisqu'il est déduit des sommes portées pour l'état-major général.
M. Mullerµ. - Messieurs, en réponse aux observations présentées par l'honorable M. Dumortier, je tiens à faire remarquer qu'elles reposent sur une confusion dans laquelle on semble verser depuis longtemps. On met trop souvent l'arrêté royal que l'honorable général Greindl, ministre de la guerre, a fait prendre à Sa Majesté, en 1855, sur la même ligne que la loi de 1838.
M. Dumortier. - Je ne confonds pas cela.
M. Mullerµ. - Si vous ne le confondez pas, vous reconnaîtrez que dans la loi de 1838 il n'y a pas de limite d'âge. Le Roi peut, mettre à la retraite à tel âge, mais il a parfaitement le droit de conserver des officiers jusqu'à un âge plus avancé que celui qu'indique, pour les différents grades, la disposition royale de 1855.
Il est vrai qu'on a fait une objection, la voici : Si l'on conserve tel officier et pas tel autre, il en résultera du mécontentement dans l'armée !
Cela peut être très vrai ; mais je vous demanderai si l'on doit avoir égard d'une manière absolue à cette considération ? Le faites-vous, lorsque vous nommez au choix dans les grades supérieurs ? Evidemment non.
(page 871) Quant à moi, j'ai toujours été opposé à toute limite inflexible d'âge qui empêcherait le Roi de conserver dans les rangs de l'armée un officier supérieur qui en serait l'honneur et qui pourrait rendre les plus grands services dans les luttes que nous pourrions avoir à soutenir contre l'étranger.
En résumé, je ne vois pas qu'il y ait sous ce rapport rien à changer à la loi. Seulement, comme l'arrêté de 1855 a toujours été pratiqué jusqu'ici d'une manière rigoureuse, on a mis en quelque sorte au-dessus de la loi la règle générale qu'il trace.
M. de Brouckere. - L'arrêté permet des exceptions.
M. Vleminckxµ. - Messieurs, l'honorable ministre de la guerre vient de répondre quelques mots aux observations que j'ai eu l'honneur de présenter à la Chambre.
Il y a, dit-il, trois systèmes de réserve :
Le système français qui fait mettre à la réserve les généraux-majors à 62 ans et les lieutenants généraux à 65 ans ;
Le système prussien qui laisse les généraux indéfiniment en activité,
Et le système belge que vous connaissez.
De tous les systèmes, messieurs, quoiqu'on en puisse dire, le système belge est le plus déplorable, au point de vue des intérêts de la défense nationale. Vous placez dans la réserve les généraux les moins âgés, c'est-à-dire les moins expérimentés ; c'est le contraire qu'il faudrait faire.
Je sais bien qu'il faudrait alors en revenir au système français. Mais, pourquoi ne l'a-t-on pas proposé quand on a présenté en premier lieu la loi d'organisation de l'armée ?
On ne vous a pas seulement présenté alors des officiers généraux de la section d'activité et des officiers généraux de la section de réserve, mais on y a ajouté les officiers disponibles. C'était trop. Or, pour faire chose utile, il eût fallu supprimer la section de réserve et maintenir la section des disponibles dans une certaine limite. Vous auriez toujours eu alors une série de généraux capables qui auraient exercé, pendant un temps plus ou moins long, le commandement dans lequel ils devraient rentrer, lorsque la guerre éclaterait.
Quant au traitement, dont on fait le partage, l'honorable général Renard ne peut nier que son traitement de général ne reste pas disponible au budget ; l'honorable général Renard me fait un signe affirmatif ; c'est tout ce que je veux.
A quoi sert donc ce traitement ? A donner des indemnités et des indemnités à qui ? A des généraux-majors pour remplir les fonctions de lieutenants généraux et à des colonels, pour remplir les fonctions de général major.
Et dans quelle situation ces indemnités sont-elles accordées ? Mais, messieurs, vous le savez, c'est lorsqu'il est bien reconnu que nous avons des lieutenants généraux et des généraux-majors de la section d'activité à qui on ne demande aucun service. Je demande à la Chambre si ce n'est pas là un véritable abus.
J'ai pleine confiance dans les lumières, la sagacité et le désir de bien faire de l'honorable général Renard.
Je suis convaincu que, l'année prochaine, ces indemnités ne figureront plus à son budget et qu'il aura fait en sorte que tous les officiers généraux de la section d'activité exercent le commandement pour lequel ils sont institués.
S'il en était autrement, je m'engage, dès maintenant, à présenter un amendement au prochain budget, car je comprends que, dans certaines circonstances, le ministre doit être fortifié par une décision de la Chambre, contre certaines exigences, n'importe d'où elles émanent.
M. Dumortier. - L'honorable M. Muller ne m'a pas compris.
Je sais fort bien qu'il n'y a pas lieu de modifier la loi ; nous avons examiné ce point en section centrale ; la loi donne la faculté de mettre les officiers à la retraite, mais elle n'impose pas l'obligation de le faire.
Seulement je sais encore, et M. Muller doit savoir aussi, que l'arrêté royal pris par M. Greindl oblige à la mise à la retraite des généraux de brigade à 63 ans, des lieutenants généraux à 65. Eh bien, je trouve que cet âge est très malheureux, qu'il est malheureux de voir mettre à la retraite des hommes âgés seulement de 63 ou de 65 ans et qui peuvent encore rendre de grands services au pays.
Nous sommes au reste d'accord sur ce point. Les sommités de l'armée, celles qui peuvent rendre de grands services doivent être conservées ; la Chambre à cet égard doit être unanime, car la section centrale a émis cette opinion sans être contredite par personne.
Nous n'avons pas toutefois proposé de modifier l'arrêté royal, parce qu'il nous a paru que ce n'eût pas été chose convenable de modifier un arrêté royal par une loi ; mais tous nous avons été d'avis qu'un tel état de choses ne devait pas durer et qu'il était nécessaire de conserver les généraux aussi longtemps qu'ils peuvent rendre des services.
Si j'ai pris la parole aujourd'hui, c'est spécialement pour insister sur ce point qui, à mes yeux, est un des plus importants que nous puissions avoir à examiner dans la loi militaire.
Je suis complètement de l'avis de M. Vleminckx, lorsqu'il disait tout à l'heure que vous auriez beau avoir une belle et bonne armée de cent mille hommes ; si vous n'aviez pas de bons généraux, Vous n'auriez rien.
Je désire que M. le ministre de la guerre veuille bien prendre des mesures pour que la rigueur de l'arrêté royal relatif à la mise à la retraite des officiers soit atténuée.
M. Hayezµ. - Non seulement je désire pour mon compte le maintien de la limite d'âge, mais je voudrais que l'arrêté qui la fixe eût force de loi, car presque toujours quand on a prolongé le service d'officier au delà du terme prescrit, la faveur jouait un plus grand rôle que les nécessités du service. Je voudrais donc que la limite d'âge fût strictement observée, qu'il n'y eût pas même un jour de grâce, comme cela se pratique en France.
La limite adoptée chez nous, je la trouve bonne et je ne pourrais y admettre d'exception que si nous étions en état de guerre, et seulement en faveur de certains officiers doués de capacités extraordinaires et reconnues depuis longtemps.
M. Dumortier. - L'honorable membre vient de répéter une observation qu'il a faite déjà et à laquelle j'ai répondu victorieusement, je pense, en prouvant par l'activité, le zèle et les capacités dont il fait preuve ici combien sa thèse est peu fondée.
Il est évident, messieurs, qu'il ne s'agit pas ici des lieutenants, des capitaines ou des majors ; on peut former des officiers de ces grades ; mais ce qu'on ne forme pas, ce sont des tacticiens ; il faut, pour devenir un bon tacticien, des dons que la nature seule départit, et je dis que mettre à la retraite un tacticien, parce qu'il a atteint sa 65ème année, c'est plus qu'un crime, c'est une faute au point de vue national.
Ce n'est pas ainsi, messieurs, qu'on procède dans d'autres pays. Est-ce qu'en France on met les maréchaux à la retraite ? Est-ce que tous ces généraux qui se sont distingués dans la dernière guerre d'Allemagne n'avaient pas pour la plupart dépassé la limite d'âge que vous avez adoptée ; et qui pourrait affirmer que la Prusse aurait remporté les succès que nous connaissons si elle n'avait pas eu ces généraux à son service ?
Il y a, messieurs, deux sortes d'officiers : des officiers à deux pieds et des officiers à quatre pieds. Les premiers sont ceux des grades inférieurs à celui de major qui appartiennent à l'infanterie ; les autres sont ceux qui montent à cheval.
M. Mullerµ. - Ceux-là ont même six pieds.
M. Dumortier. - Il est évident qu'on peut exiger des premiers des qualités physiques qui ne sont pas nécessaires aux autres.
Lors de la campagne de Novare, on dut hisser le général Radetzki sur son cheval et il gagna la bataille. Chez nous, il eût été depuis longtemps à la retraite. Je pourrais multiplier ces exemples ; je m'en tiens à celui-là.
- Le chiffre de 855,000 fr. est mis aux voix et adopté.
« Art. 7. Traitement de l'état-mâjor des provinces et des places : fr. 321,512 50. »
- Adopté.
« Art. 8. Traitement du service de l'intendance : fr. 171,520. »
- Adopté.
« Art. 9. Traitement des officiers de santé : fr. 244,913 90. »
M. Delcourµ. - J'ai demandé la parole uniquement pour adresser une question à M. le ministre de la guerre.
Il y a deux ans, l'hôpital militaire de Louvain a considérablement souffert d'un violent incendie. Depuis lors, aucune réparation n'y a été faite ; l'hiver a aggravé l'état des lieux. On m'a assuré qu'à la suite des grandes pluies, l'eau a pénétré dans des salles de malades. Il y a donc des mesures à prendre.
Je prié instamment M. le ministre de la guerre de vouloir bien faire (page 872) dresser les devis des travaux à effectuer, et de donner des ordres pour qu'on mette prochainement la main à l'œuvre.
Ce n'est pas seulement au point de vue du trésor qu'il importe de restaurer le bâtiment ; c'est surtout dans l'intérêt du service qui est en souffrance. Les malades se trouvent dans des salles qui laissent beaucoup à désirer.
Oui, messieurs, j'ai appris que des malades sont placés dans des greniers qui n'ont point de plafonds. C'est un état de choses qui ne peut pas se prolonger.
II suffira, je pense, d'avoir signalé cet objet à l'attention spéciale de M. le ministre de la guerre. La restauration que je demande sera doublement utile. Elle arrêtera la détérioration du bâtiment, facilitera le service de l'hôpital, et sera également un acte d'humanité envers les malades.
MgRµ. - L'honorable M. Delcour peut être persuadé que je ne connaissais pas les particularités qu'il m'a signalées concernant l'hôpital de Louvain. Je me ferai rendre un compte très exact de l'état actuel des choses, et je prendrai alors des mesures promptes pour y porter remède.
M. Vleminckxµ. - Messieurs, ce que demande l'honorable M. Delcour est une chose indispensable. Il est certain que l'hôpital de Louvain, s'il n'est pas toujours insuffisant dans son état actuel, peut le devenir d'un jour à l'autre.
Maintenant, je présenterai une seule observation à M. le ministre de la guerre.
L'honorable ministre a eu la bonté de me promettre qu'il présenterait un projet de loi tendant à apporter quelques modifications au service de santé. Je saisis cette occasion pour lui en signaler encore une qui est indispensable.
Il existe une inégalité entre le traitement des pharmaciens de première classe et celui des vétérinaires de la même classe. Je ferai remarquer que les études des vétérinaires sont aussi difficiles et aussi longues que celles des pharmaciens ; que les vétérinaires ont, sous leur responsabilité, un immense matériel qui nous coûte excessivement cher ; que les vétérinaires de première classe sont assimilés aux pharmaciens militaires du même grade ; et qu'il semble juste à tous égards que les uns et les autres obtiennent un traitement égal.
Je soumets cette observation à M. le ministre de la guerre. J'espère qu'il en tiendra note, pour le moment où il s'occupera du budget de 1869.
- L'article 9 est mis aux voix et adopté.
« Art. 10. Nourriture et habillement des malades ; entretien des hôpitaux : fr. 544,500. »
- Adopté.
« Art. 11. Service pharmaceutique : fr. 132,000.3
« Art. 12. Traitement et solde de l'infanterie : fr. 11,980,000. »
M. Dumortier. - Messieurs, c'est une nécessité bien certainement cruelle, quoique commandée par les plus hautes considérations de patriotisme, que d'enlever des enfants à leurs familles pour les appeler sous les drapeaux
Il serait donc vivement à désirer que les familles qui sont privées ainsi de leurs enfants ne fussent pas dans l'obligation, comme elles le sont aujourd'hui, de leur envoyer encore de l'argent pour les aider à vivre. Comment ! on enlève à une pauvre famille campagnarde un fils dont le travail sert à l'alimentation de cette famille ; et après qu'elle est privée du secours de cet enfant, voilà cette pauvre famille qui doit encore lui envoyer des subsides à chaque instant par la poste !
Je prie M. le ministre de la guerre de vouloir bien nous faire connaître les moyens par lesquels on pourrait empêcher un pareil abus, car c'est un véritable abus. On ne peut pas vouloir que ce pauvre enfant qui sert sa patrie comme milicien enlève à sa malheureuse famille une bonne partie des faibles ressources qu'elle peut avoir encore pour subsister.
On s'est beaucoup occupé de cette question dans la grande commission militaire ; et celui des membres de cette commission qui, à ce point de vue, montrait les sentiments les plus sympathiques pour nos soldats, c'était l'honorable général Renard.
Je le prie dès lors de vouloir bien nous dire par quels moyens il espère pouvoir prévenir désormais le retour de l'abus que j'ai signalé.
Autrefois les vivres étaient bien meilleur marché. Il en résultait que la solde donnait au soldat un denier de poche convenable. Aujourd'hui ce denier de poche est complètement absorbé par la plus-value des vivres.
Je prierai M. le ministre de la guerre de vouloir bien nous donner quelques explications sur la manière dont il croit pouvoir remédier à cet état de choses.
MgRµ. - Messieurs, je répéterai ce que j'ai dit au commencement de la séance, en répondant à l'honorable M. Van Overloop. Le sort du soldat sera évidemment amélioré par la disposition que vous avez votée et d'après laquelle la viande sera donnée au soldat de la même manière que le pain.
C'est la différence des prix de la viande qui faisait que le denier de poche du soldat était diminué dans une aussi forte proportion. Ou était obligé de prendre quelques centimes sur sa masse d'habillement pour les verser au ménage ; il en résultait que la masse d'habillement se trouvait obérée.
J'ai dit à la Chambre que l'amélioration de la masse d'habillement du soldat fait l'objet de toutes mes préoccupations et que je tiendrai compte, dans le budget prochain, des mesures dont la nécessité aura été reconnue.
Lorsque la masse du soldat se trouvera dans une bonne situation, le denier de poche sera constant et les parents ne seront plus dans l'obligation d’envoyer de l'argent à leurs fils.
Vous connaissez, du reste, messieurs, les petites ruses auxquelles les soldats se livrent pour extorquer de l'argent à leurs parents.
Aussitôt leur arrivée au régiment, les recrues rencontrent des soldats plus anciens, qui leur indiquent de quelle manière ils doivent s'y prendre pour tirer ce qu'on appelle une carotte.
La première lettre informe les parents que le milicien est à l’hôpital. Les lettres sont à peu près toujours les mêmes ; il y en a toute une série, et la cantine sert d'ordinaire de cabinet de rédaction.
La seconde lettre parle d'un habit ou de tout autre objet qu'il faut absolument remplacer sous peine de cachot, et ainsi de suite. C'est au moyen de ces petits subterfuges qu'on extorque de l'argent aux parents.
Lorsque la solde du soldat sera réglée comme je le désire, on devra même engager les parents à ne plus envoyer a leurs enfants de l'argent dont ils pourraient faire mauvais usage.
- L'article 12 est adopté.
« Art. 13. Traitement et solde de la cavalerie : fr. 3,473,000. »
- Adopté.
« Art. 14. Traitement et solde de l'artillerie : fr. 4,054,000. »
- Adopté.
« Art. 15. Traitement et solde du génie : fr. 920,000. »
- Adopté.
« Art. 16. Traitement et solde des compagnies d'administration : fr. 428,500.
« Les hommes momentanément en subsistance près d'un régiment d'une autre arme compteront, pour toutes leurs allocations, au corps où ils se trouvent en subsistance. »
- Adopté.
« Art. 17. Etat-major, corps enseignant et solde des élèves : fr. 184,672 27. »
- Adopté.
« Art. 18. Dépenses d'administration : fr. 26,000. »
- Adopté.
« Art. 19. Traitement du personnel des établissements : fr. 50,000. »
- Adopté.
(page 873) « Art. 20. Matériel de l'artillerie : fr. 800,000. »
M. de Macarµ. - Messieurs, je désire appeler l'attention de M. le ministre de la guerre sur un fait qui me semble avoir une certaine importance.
Toute la poudre servant au service de l'armée est fournie par la poudrière de Wetteren.
Cet établissement jouit d'une réputation qui, je crois, est parfaitement justifiée.
Je pense cependant que d'autres fabriques pourraient offrir les mêmes garanties que la poudrière de Wetteren, et il me semble qu'il serait préférable de recourir au système d'adjudication pour les poudres, ainsi que la chose se pratique pour toutes les fournitures de l'Etat.
L'honorable général Greindl, ministre de la guerre, avait fait faire des essais dans divers établissements ; la mesure n'a été malheureusement que temporaire. Mais des rapports favorables, si je ne me trompe, ont dû être faits à cette époque, et la retraite du général Greindl a seule empêché qu'il n'y fût donné suite.
J'appelle donc l'attention de M. le ministre de la guerre sur ce point, en le priant de faire ce qui est possible pour ne pas maintenir en réalité un véritable monopole.
Mon observation a d'autant plus d'importance que quelques manufactures de poudres de la province de Liège sont disposées à accepter toutes les conditions que le gouvernement voudrait leur imposer.
Elles accepteraient notamment le régime de la surveillance exigée de la poudrière de Wetteren.
Je ne demande pas à M. le ministre de la guerre une réponse immédiate et catégorique ; je désire seulement qu'il veuille bien examiner la question sérieusement et le plus tôt possible.
- L'article 20 est adopté.
« Art.21. Matériel du génie : fr. 700,000. »
- Adopté.
M. Vleminckxµ. - Si l'on compare les allocations pour les fourrages distribués à certaine époque, notamment en 1849, aux allocations demandées pour 1868, on trouve une énorme différence au préjudice de l'exercice courant. Je remarque que des officiers qui, auparavant, recevaient une ration de fourrage, en reçoivent maintenant deux et je crois même pouvoir affirmer que beaucoup reçoivent lesdites allocations sans avoir de chevaux du tout. C'est un fait bien connu dans l'armée.
A côté de cette observation, j'en placerai une autre. Elle concerne plus spécialement les majors d'artillerie en résidence, dont il a été souvent question dans cette discussion.
Il est vraiment extraordinaire que ces officiers supérieurs d'artillerie ne reçoivent pas de fourrages, alors que des fourrages sont attribués à des officiers supérieurs qui sont à la tête des établissements, c'est-à-dire à des officiers complètement sédentaires.
Je déclare à M. le ministre de la guerre que j'ai vu, de mes propres yeux vu un major en résidence à Anvers, obligé pour faire son service dans les fortifications, n'ayant pas de cheval, de s'y faire transporter dans un fourgon d'artillerie.
Je répète qu'il n'y a pas la moindre raison pour ne pas assimiler à tous les points de vue les majors en résidence aux majors ou aux commandants d'artillerie qui sont à la tête des établissements ; et puisque M. le ministre de la guerre a bien voulu mettre les uns et les autres sur la même ligne pour l'avancement, j'espère qu'il voudra bien également les assimiler pour les fourrages.
« Art. 22. Pain et viande : fr. 452,500 »
- Adopté.
« Art. 23. Fourrages en nature : fr. 2,980,000. »
- Adopté.
« Art. 24. Casernement des hommes : fr. 641,000. »
- Adopté.
« Art. 25. Renouvellement de la buffleterie et du harnachement : fr. 100,000. »
- Adopté.
« Art. 26. Frais de roule et de séjour des officiers : 100,000. »
- Adopté.
« Art. 27. Transports généraux : fr. 85,000. »
-Adopté.
« Art. 28. Chauffage et éclairage des corps de garde : fr. 58,000. »
- Adopté.
« Art. 29. Remonte : fr. 704,100. »
- Adopté.
« Art. 30. Traitements divers et honoraires : fr. 108,124 08
« Charge extraordinaire : fr. 775 92. »
- Adopté.
« Art. 31. Frais de représentation : fr. 30,000. »
- Adopté.
« Art. 32. Pensions et secours : fr. 98,150.
« Charge extraordinaire : fr. 2,973 86. »
- Adopté.
« Art. 33. Dépenses imprévues non libellées au budget : fr. 16,747 47. »
- Adopté.
« Art. 34. Traitement et solde de la gendarmerie : fr. 2,150,000. »
- Adopté.
« Art. 1er. Le budget du ministère de la guerre est fixé, pour l'exercice 1868, à la somme de trente-six millions huit cent quarante et un mille huit cents francs (36,841,800 francs), conformément au tableau ci-annexé. »
- Adopté.
« Art. 2. Le gouvernement est autorisé à prélever, sur les crédits ouverts aux articles 10, 12, 13, 14, 15, 16, 24, 28 et 30 du budget, les sommes nécessaires pour pourvoir à l'insuffisance du crédit qui pourrait résulter du renchérissement du froment, de la viande et des denrées fourragères, sur les articles 6, 7, 8, 22, 23 et 34. »
- Adopté.
« Art. 3. Lorsque le gouvernement jugera nécessaire, dans l'intérêt du trésor, d'assurer dans quelques localités le service de la viande par la voie de la régie directe, les déchets, issues, peaux, suif, etc., provenant des bêtes bovines abattues, seront vendus par les soins de l'administration de la guerre, et le produit sera porté en déduction du montant des achats de bétail. »
- Adopté.
« Art. 4. Le montant de la retenue journalière de vingt centimes, effectuée sur la solde de la troupe et portée à l'article 22, pour l'organisation du service de la viande pour le compte direct de l'Etat, sera diminué en raison du nombre de jours qui se seront écoulés depuis le 1er janvier jusqu'à la date de l'établissement de ce service. La somme provenant de cette diminution sera reportée, par des arrêtés royaux, aux articles 12, 13, 14, 13 et 16. »
- Adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du budget, qui est adopté par 57 voix contre 12.
Un membre (M. Vleminckx) s'est abstenu.
Ont voté l'adoption :
MM. Lippens, Moncheur, Moreau, Mouton, Muller, Orts, Pirmez, Preud'homme, Rogier, Royer de Behr, Schollaert, Snoy, Tesch Thonissen, Van Cromphaut, Alp. Vandenpeereboom, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Overloop, Vilain XIIII, Warocqué, Wouters, Allard, Anspach, Bara, Bouvier-Evenepoel, Broustin, Bruneau, (page 874) Crombez, de Brouckere, De Fré, de Haerne, de Kerchove de Denterghem, Delcour, d'Elhoungne, de Maar, de Moor, de Naeyer, de Rossius, Descamps, de Terbecq, de Theux, Dethuin, de Vrière, Dewandre, Dumortier, d'Ursel, Frère-Orban, Funck, Hagemans, Hymans, Jacquemyns, Jamar, Lange, Lelièvre et Dolez.
Ont voté le rejet :
MM. Liénart, Thienpont, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Wambeke, (erratum, page 882) David, de Coninck, Delaet, de Smedt, de Zerezo de Tejada, Gerrits et Hayez.
M. Vleminckxµ. - Je n'ai pas voté contre le projet, parce que je sais qu'il faut un budget de la guerre. Je n'ai pas voté pour, parce que je n'ai pas voulu donner par mon vote une approbation au système de réserve des généraux.
M. le président. - Messieurs, nous avons remplacé l'honorable M. Pirmez par l'honorable M. Schollaert, dans la commission chargée d'examiner le projet de loi relatif à la réduction des peines subies sous le régime cellulaire.
- La séance est levée à 5 heures.