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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 13 février 1868

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1867-1868)

(Présidence de M. Dolezµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 639) M. Reynaert, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à 2 1/4 heures.

M. de Moor, secrétaireµ, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Reynaert, secrétaireµ, présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Des habitants de Plancenoit prient la Chambre de rejeter les nouvelles charges militaires, d'abolir la conscription et d'organiser la force publique sur des principes qui permettent une large réduction du budget de la guerre. »

« Même demande d'habitants de Grune. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion des projets de lois militaires et renvoi à la section centrale du projet de loi sur la milice.


« Par quatre pétitions, des habitants de Fosses demandent le rejet du projet d'organisation de l'armée et prient la Chambre de ramener le budget de la guerre au chiffre de vingt millions et d'abolir la conscription. »

- Même décision.


« Des habitants de Liège demandent le rejet de toute aggravation des charges militaires, l'abolition de la conscription, une large réduction du budget de la guerre et des dépenses militaires. »

- Même décision.


« Des habitants de Tournai demandent le rejet de toute proposition qui augmente les charges militaires et prient la Chambre, si elle doutait de la volonté de la nation quant aux projets de lois militaires, de déclarer qu'elle ne se prononcera pas sur celle question jusqu'à ce que le gouvernement ait fait appel au pays. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion des projets de lois militaires.


« Les sieurs De Ram, Wouters et autres membres du comité agricole du canton d'Herenthals demandent le rejet de toute aggravation des charges militaires et l'adoption de la proposition relative à l'abolition du tirage au sort pour la milice. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion des projets de lois militaires.


« Des habitants de Courtrai demandent la révision de la loi du 23 septembre 1842 sur l'enseignement primaire. »

- Même décision.


« Des habitants de Bruges demandent le rejet du projet de loi sur la réorganisation de l'armée. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.


« Des maîtres de carrières de petit granit dans la province de Liège appellent l'attention de la Chambre sur la pétition qu'ils ont adressée à M. le minutie de la justice pour réclamer contre le projet de construire en pierres blanches étrangères le nouveau palais de justice de Bruxelles. »

M. Lelièvreµ. - l s'agit des intérêts d'une industrie importante qui réclament la sollicitude de la Chambre. Je demande que la requête soit renvoyée à la commission des pétitions qui sera invitée à faire un prompt rapport.

- Adopté.


« Le sieur Morus propose de faire des économies dans l'administration de la douane si les dépenses de l'armée doivent être augmentées. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« L'administration communale de Roulers présente des observations sur la pétition d'habitants de cette ville réclamant contre une ordonnance de police du conseil communal qui règle les bals publics. »

M. Dumortier. - Messieurs, la pétition dont il est question se rapporte à une pétition antérieure adressée par certaines sociétés de Roulers au sujet d'un règlement pris par la commune.

Comme ces deux pétitions sont connexes, que l'une répond à l'autre, je demanderai le renvoi de celle-ci à la commission qui a examiné la première, afin qu'elle fasse un rapport commun.

Je ne pense pas qu'il entre dans l'intention de la Chambre de s'occuper demain de pétitions et qu'elle continuera la discussion qui est entamée. La commission aura donc plein loisir de s'occuper de la pétition.

- Adopté.


« Le sieur Verheggen réclame l'intervention de la Chambre pour qu'on lui remette la croix de l'ordre de Léopold, qui lui aurait été conférée, ou qu'on lui communique les rapports faits pour empêcher la remise de cette décoration. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des habitants de La Gleize prient la Chambre de décider que les jeux seront maintenus à Spa aussi longtemps qu'ils existeront en Allemagne. »

« Même demande d'habitants de Francorchamps. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le budget de l’intérieur.


« Des habitants de Liège réclament contre les cahiers des charges de la concession du service de louage sur la Meuse. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des pêcheurs à l’ankerkuyl demandent qu'on améliore leur position. »

- Même renvoi.


« Le sieur Ernest Opdenhoff, demeurant à Anvers, né à Namur, demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi au ministre de la justice.


« M. Ed. Périmont fait hommage à la Chambre de 125 exemplaires d'une brochure intitulée : De l'emploi en Belgique du pierres blanches de provenance étrangère. »

- Distribution et dépôt à la bibliothèque.

Projet de loi sur l’organisation militaire

Discussion générale

M. le président (pour une motion d’ordre). - Messieurs, à la fin de la séance d'hier, j'ai eu l'honneur de déclarer clos un incident qui s'était élevé entre deux de nos honorables collègues, MM. Hymans et Couvreur.

Au moment où je descendais du bureau, un de messieurs les questeurs vint me faire connaître que la sténographie du discours de l'honorable M. Couvreur existait et, à peu près au même instant, l'honorable M. Hymans venait me demander de lui faire délivrer la copie de cette sténographie.

Je crus devoir refuser la communication qui m'était demandée parce que l'incident ayant été déclaré clos à l'intervention de la Chambre sur la proposition du président, j'étais d'avis que tout le monde devait désirer que cet incident fût complètement et définitivement-terminé.

Je pensais en cela remplir mon devoir de président de cette Chambre, et je croirai toujours remplir ce devoir en faisant tous mes efforts pour faire cesser tout incident qui pourrait naître entre collègues.

Cependant, un fait nouveau a autorisé l'honorable M. Hymans à réitérer la demande qu'il m'avait adressée hier et j'ai dû reconnaître qu'en présence de ce fait, j'avais le devoir impérieux de demander à la Chambre l'autorisation de faire cette communication, si je ne trouvais pas en moi-même les pouvoirs nécessaires pour l'accomplir.

Cependant, je crus mieux faire encore en priant les honorables MM. Hymans et Couvreur de vouloir bien se rendre tour à tour dans mon cabinet pour les entretenir de l'incident.

(page 640) Il a été convenu à leur demande commune qu'à l'ouverture de la séance il serait donné lecture de la sténographie relative à la phrase qui avait fait naître la contestation,

Cette version témoignera devant tout le monde de l'exactitude des paroles recueillies par ceux qui sont les témoins fidèles de nos débats ; elle témoignera en même temps de la sincérité des appréciations qui en ont été faites de part et d'autre.

J'ai donc l'honneur de vous prier de me permettre de vous donner lecture de la sténographie. (Assentiment général.)

Voici comment la phrase de l'honorable M. Couvreur a été recueillie :

« Nous ne vous demandons pas si cette organisation même ne deviendra pas un péril, un danger, si elle ne nous épuise pas pendant la paix pour nous laisser sans ressources à la veille de la lutte ; enfin, si la prime d'assurance que nous payons n'est pas plus ruineuse que le serait un incendie. »

Je crois, messieurs, que la mission de votre président est maintenant définitivement terminée et qu'entre nos honorables collègues il ne restera d'autre souvenir de cet incident que celui de la loyauté qu'ils ont apportée l'un et l'autre à demander que la sténographie fût publiée.

MfFOµ. - Messieurs la paix sera toujours l'espérance, si ce n'est le rêve de l'homme. Mais la guerre est fille des passions humaines, et, comme ces passions mêmes, elle ne finira qu'avec le temps.

L'ambition, la gloire militaire, le désir de domination, les rivalités, ont été, seront toujours des causes de guerre. Sans doute, on peut l'espérer du moins, quoique l'on ne soit pas trop autorisé à le penser aujourd'hui, le progrès des idées sera peut-être, dans certains cas, un obstacle aux guerres ; mais, quel que soit ce progrès, elles ne seront jamais supprimées.

En attendant, les plus fervents apôtres de la paix sont obligés de reconnaître, et, en vérité, on ne pourrait le contester sans honte, que la guerre pour la défense du sol natal est une guerre sacrée. Et lorsqu'ils ont fait cette concession, je crains bien qu'ils n'aient abandonné le principe de la paix et admis la légitimité de la guerre.

Car s'il arrive que l'une ou l'autre puissance dans le monde s'étende de telle sorte que l'indépendance et la liberté des autres peuples soient menacées, la guerre, et la guerre générale, devient elle-même légitime pour tout le monde. Quand on verra des Charles-Quint, des Louis XIV ou des Napoléon essayer de fonder de vastes empires, à une heure donnée, la réaction viendra, et l'on combattra pour l'indépendance et pour la liberté des peuples.

Personne n'est plus pénétré de ces vérités que l'honorable M. Nothomb.

Il ne compte pas parmi ces rêveurs et ces utopistes qui ne veulent pas d'armée, ou qui ne veulent que la nation armée, ce qui revient à peu près au même ; l'honorable membre reconnaît qu'il faut une bonne et solide armée ; il faut une armée organisée de manière à constituer une véritable force, une véritable puissance. Mais il n'est pourtant pas d'accord avec nous.

Et pourquoi ? Parce que, selon l'honorable membre, l'organisation militaire que nous proposons, et il oublie ici qu'il y a participé quelque peu en la maintenant quand il était au pouvoir, l'organisation que nous proposons est trop forte ou trop faible ; trop forte si nous voulons nous borner à défendre la position d'Anvers ; trop faible si nous voulons avoir une armée en campagne qui puisse défendre le territoire. Or, l'honorable membre est d'avis que la Belgique doit avoir cette armée en campagne ; et il demande que. nous fassions beaucoup plus que ce que nous faisons. Il demande que l'armée soit organisée sur le pied de l'armée prussienne, c'est-à-dire que nous ayons un contingent de 16,500 hommes et un budget de 50 millions ! Mais si, parce que nous ne faisons pas assez, il se déclare opposé à nos propositions, ne peut-on pas demander à l'honorable membre comment, ayant de pareilles idées, il ne veut pas au moins fortifier ce qui existe, améliorer ce que nous avons, en attendant qu'il ait fait passer ses convictions dans l'esprit d'une majorité ? (Interruption.)

« Si vous avez simplement l'armée que vous proposez, nous dit-il, vous êtes exposés à courir les aventures européennes. » Mais comment, avec l'armée qu'il propose lui-même, ne serait-on pas exposé à courir également ces aventures ?

J'ai longtemps cherché la raison qui pouvait déterminer l'honorable membre à montrer, à mon sens, aussi peu de logique dans cette affaire. Je crois être enfin parvenu à la découvrir : c'est qu'il nous a déclaré, au début de son discours, que cette question n'était pas une question de parti, et que, par conséquent, les hommes des diverses opinions pouvaient délibérer sur un pareil sujet en pleine liberté, en toute sécurité de conscience. C'était là de l'ironie.

L'honorable M. de Smedt n'y a mis ni autant de profondeur, ni autant d'habileté : l'honorable M. de Smedt nous a dit que, quant à lui, ses opinions politiques ne lui permettaient pas de s'occuper de la défense nationale ; l'honorable M. de Smedt nous a dit, en d'autres termes, mais c'est le fond de sa pensée, que si on voulait le charger de constituer à sa guise le ministère libéral qui conviendrait à la majorité, alors il consentirait à s'occuper de la défense nationale. Il y a dans le ministère des hommes à tendances modérées, comme le dit l'honorable membre ; mais il s'y trouve aussi un homme absolu, obstiné ; si on le lui sacrifiait, il daignerait alors, mais alors seulement, s'occuper de la défense nationale ! (Interruption.)

Je comprends maintenant la raison de l'opposition de l'honorable M. Nothomb. (Interruption.)

M. Nothomb. - Je n'ai besoin de personne, pas même de mon excellent ami M. de Smedt, pour traduire ma pensée.

MfFOµ. - Sans doute ! Mais je comprends parfaitement maintenant la déclaration par laquelle vous avez débuté, à savoir que la question qui était soumise à la Chambre n'était pas une question de parti, et qu'elle pouvait être examinée en toute liberté, abstraction faite de toute préoccupation politique ; je comprends comment, après de telles prémisses, vous en êtes venu à conclure qu'il faudrait une armée beaucoup plus considérable que celle que nous proposons.

Seulement, en présence d'une telle conclusion et du désir que vous avez exprimé de voir le pays fortement et solidement armé, je me demande ce que signifiait votre déclaration relative à cette absence de tout esprit de parti ?

Du reste, l'honorable M. Thonissen a éprouvé quelque chose de ce que vaut cette absence d'esprit de parti dans l'examen d'une pareille question.

Eh bien, messieurs, pour ne parler que de ce qui se passe ici, sans nous occuper de ce que nous révèle l’extérieur, cela n'a pas suffi à l'honorable M. Couvreur pour lui faire comprendre quelle était véritablement la question qui s'agitait.

L'honorable M. Couvreur, à propos d'affaires militaires, sans utilité, sans nécessité, a introduit dans son discours un hors-d'œuvre qui est une attaque violente, passionnée, injuste, comme vous le verrez tout à l'heure, contre l'opinion libérale et contre le cabinet qui la représente au pouvoir.

Je me garderai, messieurs, de recommencer aujourd'hui une discussion politique avec mes amis de la gauche ; je me garderai de montrer que nous avons eu soin, à toutes les époques, d'exécuter ponctuellement notre programme et de remplir complètement tous nos engagements ; je me garderai de démontrer que la majorité a toujours été fidèle à ses promesses et que le pays lui en a été reconnaissant.

Je demande seulement à l'honorable membre comment il se fait qu'il n'ait pas compris, à voir ce qui se passait sous ses yeux, que le moment était venu, au contraire, pour les honorables membres de la majorité, d'être plus fermes et plus unis que jamais, et de serrer leurs rangs dans cette circonstance solennelle ?

La cause que défend ici le parti libéral sur ce petit coin de territoire, estime grande et noble cause ; elle est grande comme le monde ; les idées que nous défendons ici sont des idées qui, depuis trois siècles surtout, remuent profondément les nations, qui ont agité l'Europe comme les Amériques, qui divisent encore aujourd'hui l'Allemagne, qui réveillent l'Autriche, qui demain peut-être seront l'objet principal des préoccupations politiques intérieures de la France ; c'est la grande lutte pour la liberté de l'esprit humain. A ce programme, la majorité et nous, nous n'avons pas cessé d'être fidèles. Nous continuerons à le défendre avec persévérance et avec énergie, et c'est pour cela que des attaques si vives sont dirigées contre nous. Vous ne l'avez pas compris.

Si l'honorable membre avait mis au moins quelque ménagement dans son langage, puisqu'il prétendait s'adresser à des amis politiques ; si l'honorable membre, au lieu d'être aussi ardent, aussi violent dans ses (page 641) attaques, avait daigné faire connaître ses idées, son programme ; s'il avait dit à cette majorité dont il veut être membre : « Voilà ce que vous aviez à faire ; voilà le devoir que vous aviez à accomplir, » j'aurais compris, à la rigueur, qu'il eût choisi ce moment pour faire entendre ses plaintes ; on l'aurait peut-être excusé ; peut-être me serais-je tu. Mais l'honorable membre incrimine et c'est assez.

A quelle époque l'honorable membre nous a-t-il fait connaître ses vastes plans, ses idées, son programme ? Jamais !

Nous ne connaissons de lui, le pays ne connaît de lui, la Chambre ne connaît de lui que deux choses : l'une de ces choses est une proposition jetée au milieu de la discussion relative à la réforme électorale, pour amener la division des cotes de la contribution personnelle : importation anglaise très malheureuse, dans la circonstance, à raison des législations différentes qui existent dans les deux pays. Cette proposition avait pour objet d'augmenter, disait-on, le nombre des électeurs ; j'ai prouvé que le nombre des électeurs serait, au contraire, notablement réduit ; et il n'a pas été possible d'insister. Voilà pour la question politique.

En second lieu, l'honorable membre a fait une proposition économique. Il vous avait souvent parlé d'une grande réforme des impôts. Il avait, qui sait ? sur cette grave question des idées neuves à mettre en lumière, tout un système inconnu à inaugurer, peut-être ; une rénovation complète à opérer dans notre législation, sans doute ; que fait-il ? il demande la suppression de quelques centimes de droits d'entrée sur le stockfisch et la morue, et de quelques francs sur les huîtres et les homards. Voilà tout ! (Longue interruption.)

Ce n'est pas assez, à mon avis, pour qu'on proclame qu'au sein de la majorité, il n'y a que deux ou trois élus, deux ou trois justes, et que tous les autres sont des infidèles qu'on peut accabler de ses dédains.

Et pourtant, si l'honorable M. Couvreur s'était arrêté là, eh bien, peut-être encore me serais-je tu.

Mais l'honorable membre est venu apporter à cette tribune une incrimination des plus graves contre le gouvernement. Je veux ici reproduire ses paroles pour qu'il n'y ait pas d'équivoque.

L'honorable membre explique à sa manière comment nous avons été amenés successivement à développer et à accroître notre établissement militaire :

« Surviennent, dit-il, les événements de 1848 à 1857. Le pays tremble pour sa nationalité. Ses institutions sont attaquées au dehors, des convoitises s'éveillent, des écrits menaçants traversent ses frontières, renaissent à des intervalles périodiques ; l'alliance anglo-française, scellée en Crimée par le sang des deux peuples, est menacée par la conspiration des colonels ; l'Angleterre, conduite par lord Palmerston, ce boule-feu des révolutions en Europe, jadis l'adversaire passionné d'un roi sage et pacifique, l'Angleterre s'inquiète pour elle et pour nous ; un budget de 35 millions et les travaux d'Anvers sont les fruits de cette crise. »

Ainsi, messieurs, l'histoire est précise ; la date est bien fixée ; l'alliance anglo-française était scellée en Crimée par le sang des deux peuples ; elle est menacée par la conspiration des colonels. Nous pouvons fixer le jour de la rupture. L'attentat Orsini a eu lieu le 14 janvier 1858 ; la conspiration des colonels, les adresses des colonels insérées au Moniteur français, datent de février 1858. C'est alors que l'Angleterre s'inquiète pour elle et pour nous. Elle intervient dans nos affaires. Lord Palmerston parle : un budget de 35 millions et les travaux d'Anvers sont le résultat de cette crise.

Or, messieurs, il se trouve que le budget dénoncé comme un des résultats des appréhensions de l'Angleterre, existait cinq ans déjà avant la crise dont parle l'honorable membre. (Interruption.) Mais les fortifications d'Anvers ! c'est là que se marque l'empreinte indélébile des volontés, des injonctions de l'Angleterre ! Si le budget de 35 millions n'est pas né de la conspiration des colonels, il y a, quant aux fortifications d'Anvers, une coïncidence fatale dans les dates : nous avons, en effet, discuté ici, en août 1858, le système de ces fortifications.

L'honorable M. Couvreur connaît les faits, ils sont précis, les dates sont là qui nous condamnent ; on ne peut donc révoquer en doute la grave accusation que l'honorable membre lance contre nous.

Eh bien, messieurs, en admettant pour un moment que les faits fussent tels que l'a si erronément prétendu l'honorable membre, je lui demande, je demande à toute la Chambre quel intérêt belge on peut servir par cette dénonciation ? Nous nous appliquons, et c'est là un de nos devoirs, un de nos premiers devoirs, à entretenir de bonnes relations avec toutes les puissances étrangères. Elles ont donné à la Belgique, dans des circonstances solennelles, des témoignages non équivoques de leur bienveillance et de leur sympathie.

L'empereur des Français, en particulier, depuis un grand nombre d'années, a témoigné à notre dynastie et à la Belgique les meilleurs sentiments.

Notre indépendance et notre neutralité sont placées sous la garantie des grandes puissances.

Nous n'avons pas de meilleurs garants de notre sécurité que l'alliance de la France et de l'Angleterre ; c'est de l'alliance de la France et de l'Angleterre, comme le rappelait hier encore l'honorable comte de Theux, que l'empereur des Français disait en 1859, en ouvrant la session du Corps législatif, qu'il avait tout fait pour la maintenir et la consolider.

Il disait à cette occasion :

« Aussi pour atteindre ce but si utile à la paix du monde, ai-je mis sous mes pieds, en toute occasion, les souvenirs irritants du passé, les attaques de la calomnie, et les préjugés même nationaux de mon pays. »

Qu'est-ce que cette dénonciation des travaux d'Anvers comme étant l'œuvre de lord Palmerston, si ce n'est un appel aux préjugés nationaux, au delà de la frontière, où quelques esprits en retard sur leur siècle sont toujours prêts à voir la main de l'Angleterre dans tout ce qui se fait contre la France sur le continent ? Il est regrettable, messieurs, que des appels semblables aux préjugés nationaux d'un pays voisin partent de la Belgique.

Et l'on croit avoir un intérêt, je ne sais lequel, à signaler le gouvernement belge comme ayant fait quelque complot contre l'intérêt de la France !

M. Couvreurµ - Je demande la parole.

MfFOµ. - Et pour qu'il ne manque rien à ce système, l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu nous a signalés à son tour comme ayant violé les traités. L'honorable M. Le Hardy de Beaulieu, qui ne distingue pas la différence qu'il y a entre un port de guerre et un port de commerce fortifié, qui ne sait pas la différence qu'il y a entre Cherbourg et le Havre, entre Brest et Marseille, l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu, parce qu'il a vu quelque part dans les traités de 1815 comme dans les traités de 1839 que le port d'Anvers ne peut jamais devenir un port de guerre, prétend que nous avons violé les traités en fortifiant le port d'Anvers, qui n'a jamais cessé d'être fortifié !

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Citez mes paroles.

MfFOµ. - Vos paroles, mais je viens, je crois, d'en rappeler correctement le sens.

Je renouvelle encore une fois ma demande : quel est l'intérêt belge que l'on peut avoir en vue de sauvegarder en soulevant de pareilles questions, en lançant dans nos débats de pareilles accusations ?

Eh bien, messieurs, cette imputation si grave et si malheureuse n'est qu'un odieux roman. Elle ne tient pas devant le plus simple examen des faits.

D'abord, pour le. dire en passant, lord Palmerston n'était pas ministre lorsque nous avons discuté les travaux d'Anvers. Il avait succombé dans le parlement, précisément à la suite de l'attentat d'Orsini, et alors qu'il avait proposé aux chambres anglaises de modifier la loi pour réprimer les complots qui pourraient se tramer sur le territoire anglais contre les souverains étrangers.

Mais l'honorable membre ignorait complètement que ces projets relatifs à Anvers ont été conçus aux plus beaux jours de l'alliance anglo-française, pendant la guerre de Crimée, lorsque la France et l'Angleterre étaient unies sur le champ de bataille.

C'est, en effet, en 1855 que le cabinet de nos honorables prédécesseurs, dont faisaient partie MM. Vilain XIIII et Nothomb, a proposé le développement du camp retranché et ensuite l'agrandissement au nord de la place. Ce sont eux en effet qui ont examiné, approfondi toutes ces questions et en ont saisi la Chambre et le pays. Ce sont eux qui ont l'ait examiner, non pas seulement le camp retranché, non pas seulement l'agrandissement au Nord, mais même l'agrandissement général de la place. Ce sont eux qui ont fait de ce chef toutes les communications à la Chambre en 1856 et jusqu'au 21 avril 1857. C'est donc eux que va frapper l'imputation que l'on croyait nous avoir adressée. C'est à eux de s'expliquer sur ce point.

M. Nothomb. - Je montrerai ce que nous avons proposé.

M. Coomans. - C'est une bagatelle.

(page 642) M. Vilain XIIIIµ. - La petite enceinte.

MfFOµ. - Certainement : mais vous avez fait étudier dans le même temps la grande enceinte, et vous avez déclaré qu'elles avaient la même valeur l'une et l'autre au point de vue défensif ; mais vous avez été amené à cette conclusion que la grande... (Interruption.) Je ne vous accuse pas. Je vous défends en me défendant. Nous avons fait comme vous.

M. de Vrièreµ. - Cela vous fait honneur.

MfFOµ. - En 1858 nous avons représenté votre projet auquel nous nous ralliions. Voici ce que nous disions dans l'exposé des motifs :

« La question du système défensif d'Anvers, combiné avec l'agrandissement de cette ville, après avoir été tenue en suspens pendant plusieurs années, ne pouvait plus être ajournée.

« Le gouvernement l'a examinée avec toute l'attention dont elle est digne, et avec la ferme volonté de ne rien négliger pour concilier à la fois les intérêts du commerce et de la population avec ceux de la défense du pays.

« Le plan qu'il a cru devoir adopter se lie à l’agrandissement général de la ville ; mais, outre la difficulté d'affecter immédiatement des sommes considérables à une extension qui donnerait à la ville une superficie environ six fois plus grande, il y a aussi à prendre en considération les perturbations profondes qui résulteraient, pour la valeur vénale des propriétés, d'un changement qui ne serait pas suffisamment ménagé.

« Le gouvernement pense que l'agrandissement proposé répond le mieux aux besoins actuels ; mais l'emplacement des forts détachés a été déterminé de manière à faire système avec la grande enceinte future. »

Exactement comme nos prédécesseurs.

Donc, messieurs, c'est au cabinet de 1855 que s'adresse cette offense d'avoir, en quelque sorte, subi les injonctions de l'Angleterre pour l'exécution de ces travaux d'Anvers.

Mais on a été plus loin.

Lorsque l'honorable membre parlait, je l'interrompis et lui dis : C'est un roman. « Vous me répondrez, dit-il, et à l'appui de votre réponse, je vous prierai de déposer les procès-verbaux de la commission des officiers réunis jadis au ministère de la guerre, et dont vous avez toujours refusé de donner communication au pays, sous prétexte qu'ils renfermaient des secrets d'Etat.

« D'ailleurs, ajoutait-il, tous n'ignorez pas qu'il y a beaucoup de choses que je ne puis dire dans cette enceinte. »

Voilà la situation un peu aggravée.

J'avoue que j'ai été confondu en entendant l'honorable membre parler ainsi. Il y a donc des choses qu'il ne peut pas dire dans cette enceinte, et que je sais, moi ! Je déclare que je les ignore complètement, et je somme l'honorable membre de s'expliquer. C'est une assertion téméraire, et rien de plus !

Mais admirez, messieurs, la singulière position de l'honorable membre. Il a, lui, des secrets d'Etat, mais il est interdit au gouvernement d'en avoir !

Par prudence, par discrétion, par je ne sais quelle raison qu'il nous révélera peut-être, il est des choses qu'il ne peut pas dire ; mais, en même temps, il fait un grief au gouvernement d'avoir celé certains procès-verbaux, je ne sais lesquels, qui pouvaient renfermer quelque chose de secret !

M. Couvreurµ. - Vous interprétez mal la phrase, « Vous savez qu'il est des choses que je ne puis dire dans cette enceinte. »

Les mots « vous savez > s'appliquent non pas à des choses que vous connaissez, mais à la discrétion que je suis obligé de garder.

MfFOµ. - J'admets que l'honorable membre nous déclare qu'il a, lui, des secrets d'Etat. Mais quand il se croit obligé par devoir de se taire, lui simple membre de la représentation nationale, je n'admets pas qu'il vienne accuser le gouvernement de ne point parler, lorsque le gouvernement, à tort ou à raison, vient dire : L'intérêt public me commande de ne pas divulguer certains documents.

J'avoue que cette prétention me paraît plus qu'étrange.

Messieurs, je suppose pour un moment qu'il y ait eu un conseil de guerre. Après tout, les délibérations qui portent sur des travaux de défense peuvent, en certains points, avoir ce caractère. Des procès-verbaux existent qui contiennent des énonciations relatives à ce point. Il faut les publier. On est criminel de ne pas apporter à cette Chambre ce qui constitue essentiellement un secret d'Etat !

Mais, je ne veux pas m'enfermer dans des secrets d'Etat, bien que l'honorable membre paraisse juger à propos de s'y confiner.

Je déclare que je ne connais aucun procès-verbal dont la Communication aurait été refusée à un membre de la Chambre, soit ici, soit dans le cabinet du ministre, sur un objet quelconque rentrant dans les attributions du département de la guerre et dont la Chambre aurait été saisie. Et pour en donner une preuve, je vais encore une fois m'adresser à mes prédécesseurs.

La question n'est pas nouvelle. En 1856, ainsi que le constate le rapport fait par l'honorable général Goblet, du 17 mai 1856, la section centrale s'était occupée de toutes ces affaires d'Anvers et de tous les plans, demande communication au gouvernement du travail spécial du comité consultatif qui avait été constitué pour examiner la question des nouveaux forts projetés. Et le gouvernement, qui est toujours très mystérieux, répond ainsi :

« La note annexée à l'exposé des motifs du projet de loi sur le camp retranché rend compte des formalités qui ont précédé l'adoption dos plans soumis à la législature. Cette note répond complètement à la première partie de la cinquième demande.

« J'ajouterai encore les considérations suivantes :

« Depuis 1847, six commissions et comités se sont occupés de la question d'Anvers.

« Dans ces commissions ont figuré dix-huit officiers généraux, dix officiers supérieurs de toutes armes ; quinze autorités civiles (membres des deux Chambres, ministres d'Etat, etc., etc.).

« Il eût été facile au gouvernement de mettre sa responsabilité à l'abri, sous une nouvelle série de commissions et de comités ; mais le gouvernement croirait commettre la faute la plus impardonnable, s'il ne mettait pas enfin un terme à ces discussions qui menacent de se prolonger d'une manière inquiétante pour la sécurité du pays et le maintien de nos institutions. »

Voilà donc l'énumération des commissions qui ont été appelées à émettre leur avis sur ces questions.

Mais on demande ensuite communication des procès-verbaux de la commission mixte invitée à se prononcer sur le système des fortifications d'Anvers. C'est bien de ceux-là, je pense, qu'il s'agit ?

Voici la réponse :

« Le gouvernement croit devoir faire remarquer à la section centrale que le comité de 1855 n'a pas le même caractère que la commission mixte instituée par arrêté royal du 14 octobre 1851.

Le comité de 1855 a été réuni aux termes des arrêtés royaux du 18 mai 1855, n°9,455, et du 12 septembre suivant, n°9,656 ; ce dernier arrêté autorise le ministre à adjoindre des membres des deux chambres législatives, du conseil communal et de la chambre de commerce d'Anvers, « au comité consultatif convoqué en vertu de l'arrêté du 18 mai précédent, pour examiner les projets d'agrandissement et de défense de la ville d'Anvers, que le département de la guerre croira utile de soumettre aux délibérations de ce comité. »

« La mission de ce comité a donc été purement consultative et elle a été tout à fait accomplie, aussitôt que le ministre s'est jugé suffisamment éclairé sur les projets en question.

« Les exposés des motifs des projets de loi du 20 février et du 10 avril 1856, et la note annexée au premier de ces exposés, indiquent, en termes généraux, les opinions qui ont réuni la majorité des suffrages, et auxquelles le département de la guerre s'est rallié.

« Quant aux procès-verbaux détaillés des séances, des motifs analogues à ceux qui se trouvent développés dans les réponses à la première et à la cinquième demande, doivent engager le gouvernement à conserver à ces pièces un caractère tout à fait confidentiel.

« Toutefois, le ministre s'empressera de communiquer ces procès-verbaux aux membres de la Chambre qui désireraient venir en prendre connaissance dans son cabinet. »

Voilà les déclarations du gouvernement ; voilà les déclarations de nos prédécesseurs.

Enfin, nous avons eu un autre comité relatif aux travaux d'Anvers ; c'est le comité qui a été institué en 1859 pour arrêter définitivement le plan de la grande enceinte. Mais ce n'est pas aux procès-verbaux de ce comité, j'imagine, que l'honorable membre fait allusion. (Interruption.) Ce n'est pas à ceux-là ; en effet, ces procès-verbaux ont été communiqués, soit à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi, soit aux membres de la Chambre qui ont désiré en prendre connaissance.

Il est même arrivé que, postérieurement, longtemps après le vote de la loi, les députés d'Anvers ont un jour demandé que ces procès-verbaux (page 643) leur furent communiqués ; et le gouvernement, le même mystérieux gouvernement a déposé ces procès-verbaux dans le cabinet de M. le président, où MM. les membres de la Chambre, MM. les membres de la députation d'Anvers, ont pu à leur gré en prendre connaissance.

Ainsi, messieurs, ces accusations que je devais repousser, qui ont un caractère extrêmement fâcheux, qui, en se répandant dans le public, altéreraient la confiance que l'on doit avoir dans le gouvernement du pays, qui l'exposeraient même à des inculpations de la part de l'étranger, ces accusations, je crois en avoir fait complètement justice.

Non, messieurs, notre système de défense n'a été inspiré par personne ; notre système du défense est véritablement national ; il est le résultat d'études très longues de nos officiers généraux, de nos militaires les plus distingués.

Qu'avons-nous trouvé en 1830 ? Un système, militaire qui était impossible pour la Belgique. Qu'était le système militaire que nous possédions en 1830 ? Mais la Belgique était un vaste champ de bataille préparé pour l'Europe contre la France. C'était le système de 1815. A ce système, que la Belgique ne pouvait pas défendre, on en a substitué un autre. Lequel ? Le système de concentration à Anvers. Anvers a été choisi, non pas par nous, il était désigné avant nous, avant 1847, pour être le pivot des opérations défensives de l'armée belge.

En 1855, l'honorable général Goblet, dans un comité secret d'abord, parce que l'honorable général croyait qu'il pouvait y avoir des choses qu'on n'est pas obligé de dire publiquement, le général Goblet, au sein du comité secret d'abord, et ensuite en séance publique, au sein de cette Chambre, a parfaitement décrit en 1855 quel devait être le système de défense de la Belgique.

« Dans une telle situation, quel que puisse être l'espoir du succès de nos armes, il fallait, dans l'établissement du système de défense, admettre la possibilité des circonstances les plus critiques, des éventualités les plus malheureuses. C'est dans ce but que ce système devait impérieusement remplir trois conditions : il devait préserver le pouvoir de toute désorganisation en mettant en sûreté le centre d'action du gouvernement, il devait assurer à l'armée, obligée de se retirer devant des forces supérieures, une position de retraite que ne la privât pas de ses relations avec le pouvoir, et enfin ce même système devait favoriser d'une manière décisive les opérations des armées de secours.

« La première de ces conditions est d'une nécessité incontestable : la perte de la capitale ne doit point porter atteinte à l'existence du pouvoir national, il faut que le chef de l'Etat, restant en sûreté sur le sol de la patrie, puisse y attendre un retour de fortune, que les puissances intéressées à notre salut ne tarderaient pas à provoquer.

« La Belgique ne pouvait donc se passer d'une capitale militaire qui suppléerait à la capitale administrative dépourvue de tout moyen de résistance.

« La seconde des conditions n'était pas d'une nécessité moins évidente. Il serait de la dernière imprudence de négliger aucune des mesures propres à garantir les forces nationales d'une destruction dont elles pourraient être menacées par la puissante armée de l'une des grandes nations voisines.

« Enfin la troisième condition est le résultat de nos engagements internationaux. La Belgique doit apporter à ses alliés éventuels des facilités d'opération en même temps qu'une augmentation de forces en rapport avec ses propres ressources.

« Dès que l'on eut admis les nécessités dont je viens de vous entretenir, l'on rechercha dans l'ensemble des établissements existants une combinaison qui pût y satisfaire, c'est à ce point de vue, qu'en l'absence de fortifications autour de Bruxelles, on décida qu'Anvers pourrait être le refuge du gouvernement, menacé dans sa résidence ordinaire. Pour remplir convenablement cette haute destination, cette forteresse réclamait quelques améliorations, indispensables d'ailleurs, pour lui donner toute la valeur due à l'importance de sa position. Ces améliorations sont réalisées ou en cours d'exécution.

« Après avoir ainsi pourvu à la sûreté du gouvernement, il fallait assurer à l'armée une bonne position de retraite, qui ne la privât pas de ses relations avec lui, et, dans ce but, l'établissement d'un camp retranché, sous les murs de cette même forteresse, était indispensable.

« Il y avait longtemps que l'idée de ce camp était admise, mais il ne fut commencé qu'en 1852, et depuis lors l'on n'a cessé d'en augmenter l'importance par des travaux qui ont été de ma part l'objet d'assez nombreuses observations dans le comité secret.

« Il restait enfin, messieurs, à prendre en considération la troisième des conditions jugées indispensables à notre sécurité ; il fallait décider quels étaient les établissements permanents propres à favoriser nos opérations, combinées avec celles d'une armée de secours. Ici, messieurs, a-t-on été aussi loin qu'on le devait ? N'a-t-on pas perdu de vue une partie des considérations, qui, dans notre propre intérêt, avaient motivé la convention du 14 décembre 1831 ? Je suis très porté à le penser ; j'en suis même convaincu. »

L'honorable général Goblet, comme vous le voyez par l'exposé que je viens de rappeler, n'était pas hostile à une armée de campagne ; et, sous ce rapport, l'honorable M. Jacobs a eu raison de dire que, dans une autre circonstance, j'avais un peu exagéré, me fiant à mes souvenirs, l'opinion de l'honorable général ; il y avait seulement divergence de vues quant au rôle qu'il fallait assigner à cette armée. Mais ce système de défense nationale est, comme vous le voyez, celui qui devait nécessairement être substitué au système impossible qui nous avait été légué après 1830, et qui était la conséquence des événements de 1815.

Pour défendre ce pays, le système de la concentration à Anvers (système que je n'ai pas besoin de discuter), ce système étant admis, ou admet par là même qu'il y a obligation pour nous d'avoir une armée.

Notre neutralité doit donc être armée, et je ne vois pas, en vérité, pourquoi l'honorable M. Jacobs s'est donné la peine de feuilleter sous les traités, toutes les délibérations diplomatiques pour venir nous donner l'assurance que, dans aucun de ces actes, il n'avait vu inscrite l'obligation pour la Belgique d'avoir une neutralité armée. Notre neutralité armée ! Mais elle est tout à la fois, ainsi que le disait l'honorable général Goblet, notre propre intérêt et l'intérêt européen. Il n'est pas besoin d'une stipulation écrite à cet égard, pour que nous soyons tenus d'accomplir l'obligation qui incombe à tout peuple, celle de défendre son territoire.

Ainsi, messieurs, si une discussion sérieuse peut encore avoir lieu après le discours de l'honorable M. d'Elhoungne, qui a fait si bonne justice des divers systèmes en présence, cette discussion ne peut guère porter que sur la question de savoir comment la défense sera organisée.

Il n'y a, il faut bien le dire, qu'un seul de ces systèmes qui se présente avec une certaine apparence de consistance ; c'est l'organisation militaire comme en Suisse ; et c'est cette organisation-là, il faut bien le dire aussi, qui préoccupe beaucoup de personnes dévouées aux intérêts de la Belgique et à sa défense. De très bonne foi, bien des personnes pensent que ce système pourrait convenir à notre pays.

Eh bien, nous avons dit, dans une autre discussion, il y a peu de temps, que c'était là à la fois le système le plus cher et le plus fallacieux qu'on puisse présenter. Je dis fallacieux, messieurs, et je m’exprime ainsi sur la foi de la démonstration faite par mon honorable collègue M. le ministre de la guerre, que, pour notre pays surtout, il serait impossible de présenter, au moment du danger, une force réelle, à l'aide d'une armée ainsi constituée.

Je dis aussi que c'est le système le plus cher ; on a déjà fourni quelques indications à ce sujet. Eh bien, permettez-moi, messieurs, de mettre sous vos yeux l'opinion d'une personne qui ne sera pas suspecte, opinion qui a été exprimée il y a peu d'années seulement, et qui se présente avec ce caractère particulier que l'auteur de l'écrit que je vais vous communiquer ne rejetait pas, sous le rapport militaire, l'organisation suisse. C'est un rapport (non pas fait ad hoc, puisqu'il date de 1865), de M. le baron Greindl, qui était alors chargé d'affaires à Berne, rapport adressé à M. le ministre des affaires étrangères et qui a trait à la question de l'organisation militaire en Suisse. Voici comment il s'exprime :

« Le système de l'Helvétie consiste dans la centralisation complète de l'organisation militaire.

« Jusqu'aujourd'hui les contingents sont levés, instruits et en partie armés, habillés et équipés par les cantons. Je ne me rends pas compte du motif qui peut faire désirer un changement de ce système qui, dans l'ensemble, a donné de bons résultats. Je comprendrais mieux que l'on demandât une diminution des charges militaires, qui sont en réalité écrasantes pour le pays. En effet, malgré le chiffre très peu élevé du budget de la guerre fédéral (chiffre auquel s'est complaisamment arrêté l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu, nonobstant l'invitation qui lui a été faite de s'occuper aussi un peu du budget des cantons et des budgets particuliers), malgré le chiffre très peu élevé du budget fédéral, l'armée coûte, des sommes énormes à la Suisse. Je crois que si l'on pouvait faire un relevé exact des dépenses militaires, on arriverait à la conclusion que la Suisse est l'un des pays de l'Europe dont l'état militaire est le plus dispendieux relativement à la population et au résultat obtenu.

(page 644) « Le budget fédéral ne comprend que les dépenses occasionnées par les établissements militaires, la paye de quelques officiers de l’état-major général continuellement employés, et la solde des troupes pendant le temps où elles sont convoquées par la confédération.

« Il faut y ajouter les budgets de la guerre des cantons, obligés de lever, d'instruire, d'habiller, d'armer les troupes.

« Mais la charge la plus considérable ne peut être évaluée exactement. Elle consiste dans les pertes que fait éprouver aux soldats et aux officiers l'obligation de se rendre pendant plusieurs années, pour quelques semaines par an, à l'appel de la confédération ou du canton. Il en résulte une interruption forcée du travail ordinaire du soldat, d'autant plus préjudiciable qu'aucune exception n'est admise et que la solde fédérale est insuffisante pour pourvoir aux besoins d'une famille, quelque modestes qu'ils soient. Les Suisses remplissent leurs devoirs militaires avec un patriotisme admirable. Mais le poids des charges militaires est si vivement senti, que des industriels et des commerçants emploient des étrangers de préférence à leurs compatriotes, pour n'être pas forcés de se priver de leurs services pendant une partie de l'année.

« En outre, de l'aveu de plusieurs officiers suisses distingués, l'armée suisse n'offre point, malgré l'esprit essentiellement militaire de la population, la solidité d'une armée permanente. »

Je suis assez porté à croire que l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu incline surtout vers ce système, parce qu'il ne nous servirait pas : sa conviction est, en effet, que nous n'en aurons jamais besoin. C'est donc une concession spéciale, une sorte de grâce, de faveur qu'il veut bien nous faire en consentant à conserver une armée. Nous n'en aurons jamais besoin, dit-il, grâce à la protection des puissances garantes de notre neutralité ; telle est sa conviction, et cependant il nous concède une certaine armée !

Nous n'en aurons pas besoin ! et pourquoi, messieurs ? Parce que, quand des querelles ont lieu au loin, cela ne nous regarde pas ; nous n'avons pas à nous en occuper. Il y a plus : cela nous est même favorable ; nous y gagnons toujours quelque chose. (Interruption.)

M. le Hardy de Beaulieuµ. - Nous y avons gagné quelque chose.

MfFOµ. - Donc, dans les mêmes circonstances, nous y gagnerions encore quelque chose ! (Interruption.) Et en effet, voici ce qu'a dit l'honorable membre.

« Il est bien évident que nous n'avons pas à nous préoccuper des querelles qui peuvent survenir aux extrémités de l'Europe. La Russie entrerait en guerre avec la Turquie ou avec l'Autriche, l'Espagne avec le Portugal, l'Allemagne avec l'Italie, que nous n'aurions pas à nous en préoccuper jusqu’ici lorsque les querelles de ce genre se sont produites, nous n'en avons pris aucun souci ; les intérêts matériels belges y ont trouvé, je pense, plus d'avantages que de pertes. »

Voilà, je l'avoue, un étrange économie politique, mais une politique plus étrange encore ! (Interruption.)

Ainsi, sur un point quelconque du mondé, on massacre des hommes, on détruit des richesses : c'est pour nous une bonne fortune ! Nous en profitons ! Nous sommes des neutres, nous sommes donc en repos, et les intérêts matériels belges trouveront plus d'avantages que de pertes, lorsque des richesses seront détruites et que des massacres d'hommes auront lieu ailleurs ! (Interruption.) La grande loi de solidarité qui unit les nations nous fait souffrir, au contraire, des calamités qui atteignent les autres peuples, et l'Europe entière se ressent encore d'une guerre bien éloignée de nous, la guerre des Etats-Unis.

Pour la politique, c'est bien mieux que pour l'économie politique ; tout cela, au dire de l'honorable membre, doit nous être parfaitement indifférent.

Mais quand la question d'Orient, par exemple, s'ouvrira, pourrons-nous rester parfaitement indifférents ? Mais notre situation sera alors des plus difficiles ! Déjà, en 1854, nous en avons eu les profonds pressentiments.

Mais quand les événements sont passés, on oublie les émotions que l'on a ressenties ; on oublie vite les crises que l'on a subies.

Voici pourtant quelques faits qui serviront peut-être à rappeler les souvenirs d'une situation que l'on paraît avoir trop perdue de vue.

L'honorable M. Delfosse, en montant au fauteuil de la présidence au mois de novembre 1854 ; l'honorable M. Delfosse sous le poids d'une de ces émotions qu'on ressent dans les moments solennels, tenait ce langage à la Chambre et au pays :

« Nous vivons dans des temps difficiles ; l'inquiétude agite les esprits ; c'est un état de choses qui exige beaucoup de prudence et de sollicitude. Conduisons-nous de telle sorte que si de mauvais jours nous étaient réservés, ou puisse dire de nous : Ils étaient digues d'une meilleur destinée. »

M. Coomans. - Et cependant, il demandait la réduction du budget de la guerre !

MfFOµ. - Je ne m'occupe pas de la question du budget de la guerre ; je m'occupe de la question politique. Il s'agit de savoir s'il est vrai que, pour le cas où la guerre viendrait à éclater en Orient, nous pourrions nous désintéresser et nous réduire au rôle d'une sorte de peuple à l'engrais, qui n'a pas à se préoccuper le moins du monde des destinées des autres nations, comme si la sienne propre n'y pouvait pas être liée.

Pensez-vous qu'en 1859 il n'y eût pas de préoccupations dans la Chambre et dans le pays ?

En 1859, lorsque la guerre était engagée en Italie, est-ce que la Belgique n'a pas eu à se préoccuper de cette situation ? Est-ce que vous oubliez qu'à la veille de Solferino, l'Allemagne menaçait d'entrer dans la lutte, et que c'est pour ce motif que l'empereur des Français n'a pas poussé plus loin la guerre ?

Et si cette situation s'était présentée, si l'empereur des Français, ne montrant pas une grande modération dans ce moment pour éviter une guerre générale en Europe, avait poursuivi ses succès, c'était alors que la Belgique eût dû s'armer, armer sa neutralité, précisément pour empêcher que la France ne pût être attaquée de ce côté de ses frontières.

L'honorable M. de Theux nous a dit que si nous avons une armée telle que nous la proposons, elle sera insuffisante ; il faudrait 300,000 hommes, dans la situation où la Belgique se trouve, car on nous opposera toujours des forces supérieures.

Mais l'honorable M. de Theux n'a pas remarqué que si nous avions à nous opposer à une occupation qu'une puissance pourrait faire de notre territoire pour aller attaquer une puissance voisine, nous aurions nécessairement cette dernière puissance pour alliée ; c'est elle qui nous défendrait contre l'occupation de notre territoire ; et alors un contingent, non pas de 55,000 hommes, mais de 10.0,000 hommes, contingent appuyé sur une position formidable comme celle d'Anvers, n'est certes pas à dédaigner.

Il ne faut pas être un profond stratégiste, pour comprendre qu'une armée voulant traverser notre territoire, pour aller en France, par exemple, et ayant derrière elle, sur son flanc, 100,000 hommes prêts à se jeter sur elle, pendant qu'elle se trouverait aux prises avec son adversaire, serait dans une situation des plus critiques, et verrait tous ses mouvements en quelque sorte paralysés.

Mais, dit-on, si nous avons une telle armée, nous serons fatalement entraînés dans les conflits européens ; on aura intérêt à la posséder, on aura intérêt à s'emparer de cette armée, pour accroître la force d'un des belligérants,

Que notre armée soit grande ou petite, dans une pareille supposition, la situation sera identique ; l'appât sera le même.

Mais si l'objection est fondée, que faut-il dire du projet de la nation armée ?

De deux choses l'une : ou votre nation armée n'est qu'une fantasmagorie, ou c'est une force réelle. Si c'est une fantasmagorie, votre système est jugé ; si c'est une force réelle, les belligérants auront beaucoup plus d'intérêt à posséder 300,000 à 400,000 hommes qu'à en posséder 50,000.

Du reste, messieurs, c'est une profonde erreur de la part des honorables membres de croire que, parce que nous aurions une force organisée plus ou moins considérable, nous serions exposés davantage à être entraînés dans les conflits européens. Ne vous faites pas cette illusion-là.

Lorsqu'il s'agit du pays le plus peuplé, le plus riche du continent, n'eût-il pas d'armée, n'eût-il aucune espèce d'organisation, tout belligérant sera fort heureux de posséder un pareil pays. Vous aurez refusé des conscrits pour vous ; l'étranger en prendra pour lui ; vous aurez refusé un peu d'or pour votre défense ; il vous en prendra dix fois plus pour l'employer à son profit. (Interruption.)

Mais, dit-on, notre établissement militaire coûte trop cher. Les dépenses vont grossissant ; on ne dit pas la vérité ; on ne la sait pas ; le département de la guerre trompe la Chambre, ou il se trompe ; les fortifications d'Anvers ne devaient être presque rien à l'origine ; et puis c'est un peu plus ; et puis c'est un vaste camp retranché ; et puis c'est une grande enceinte ; on croyait tout terminé, lorsqu'on aurait fait les travaux d'Anvers ; et maintenant c'est Termonde, c'est la rive gauche de l'Escaut qu'il faut encore fortifier.

(page 645) Ainsi parlent un grand nombre d'honorables membres, et surtout les honorables MM. de Theux et Jacobs.

C'est le gouvernement, bien entendu, et je crois voir que c'est surtout le gouvernement actuel qui est coupable de tout cela ; et voilà pourquoi nous sommes si vivement attaqués.

Voyons un peu ce qui en est, et tâchons de faire la part de chacun dans cette affaire de l'organisation de la défense nationale.

En 1855, le cabinet de nos prédécesseurs qui compte encore deux représentants dans cette enceinte, l'honorable M. Vilain XIIII et l'honorable M. Nothomb, proposa de développer le camp retranché qui avait été établi sous Anvers en 1852, dans des proportions fort modestes. Il proposa de développer ce camp retranché et il soumit à la Chambre un projet de crédit de 5 millions 440,000 francs de ce chef.

Le cabinet de cette époque rencontra dans cette Chambre une très vive opposition. Savez-vous pourquoi, messieurs ? Parce qu'il ne faisait pas assez. On dit aux ministres et on leur démontra très clairement, dans les sections et dans le rapport de la section centrale, que le plan de camp retranché qu'ils proposaient n'était pas suffisant, qu'il en fallait un plus vaste. J'ai les documents ; je ne les lis pas. Vous pourrez lire ces faits dans le rapport de l'honorable général Goblet, du 17 mai 1856, page 5.

Eh bien, le gouvernement, ce méchant gouvernement qui ne dit pas la vérité, qui arrive successivement à se tromper ou à tromper la Chambre, ce méchant gouvernement double le crédit, ou à peu près. Il dit : Vous avez raison, je craignais d'engager trop les finances de l'Etat ; mais votre système vaut mieux ; vos plans sont préférables aux miens, je le reconnais. Eh bien, je viens vous demander pour le camp retranché au lieu d'un crédit de 5,440,000 fr. un crédit de 8,900,000 fr.

Vous croyez que le gouvernement est sauvé après cela ? Pas du tout. On dit encore à ce gouvernement, dans cette même Chambre, à nos prédécesseurs : Ce n'est pas assez. Vous ne demandez que les fonds nécessaires pour le camp retranché ; mais il y a des besoins civils. Il faut entreprendre l'agrandissement de la ville au Nord de la place. Le gouvernement résiste ; il se fait, comme on le dit vulgairement, tirer un peu l'oreille. Mais on insiste tant, qu'il finit par apporter une demande de nouveau crédit de 9 millions de francs pour l'agrandissement au nord de la place. Nous irons bientôt à 20 millions si nous continuons à additionner.

Vous croyez que l'on va être enfin satisfait ? Pas du tout ! (Interruption.) Dans cette même Chambre, on dit encore une fois au gouvernement : Vos projets sont insuffisants Le camp retranché peut aller ; mais l'agrandissement au nord de la place, ce n'est pas assez : cela ne peut suffire ; il faut l'agrandissement général ; au moins cela doit-il être examiné. Et cela se dit, cela s'imprime, cela se trouve dans le rapport de la section centrale, rédigé par l'honorable général Goblet, en date du 17 mai 1856. C'était une section centrale qui était présidée par l'honorable M. de Naeyer, qui avait pour rapporteur l'honorable général Goblet, et qui comptait dans son sein l'honorable M. Coomans.

M. Coomans. - Oui, mais j'ai voté contre.

MfFOµ. - Vous avez voté contre plus tard, mais pas dans la section centrale.

M. Coomans. - Comment !

MfFOµ. - Il n’y a pas trace du moins de votre opposition. Il est notoire qu'à cette époque vous appuyiez la grande enceinte au lieu de la petite enceinte.

M. Coomans. - Sans un centime de débours. (Interruption.)

MfFOµ. - Ah ! certainement, ce que vous dites est parfaitement vrai !

M. Coomans. - Voilà tout ce qu'il me faut.

MfFOµ. - Oui ! c'est un détail que j'oubliais. Chaque fois qu'il s'est agi d'un de ces projets pour l’agrandissement d'Anvers, c'était toujours sans bourse délier. L'agrandissement au Nord, primitivement c'était sans bourse délier. Et puis, le gouvernement a proposé 9 millions. Puis on a dit : Ce n'est pas assez ; il faut la grande enceinte. Encore sans bourse délier ! Et l'honorable M. Coomans, qu'il voulût délier ou non la bourse, appuyait alors le projet de la grande enceinte pourvu que cela ne coûtât rien. Et qui donc pouvait croire sérieusement qu'il n'en coûterait rien à l'Etat ? Et aujourd'hui il demande la suppression des fortifications.

M. Van Overloopµ. - Toujours sans bourse délier. (Interruption.)

MfFOµ. - Toujours sans bourse délier, naturellement ! (Longue interruption.)

Eh bien, messieurs, l'on pourrait croire après cette assez longue odyssée, qui ne regarde pas du tout le gouvernement, pas plus nos prédécesseurs que nous...

M. Coomans. - Ah ! cela ne, vous regarde pas.

MfFOµ. - Permettez-moi. Bien naturellement, le gouvernement qui a pris ultérieurement la responsabilité des crédits en est l'éditeur responsable. Mais il importe de constater, vis-à-vis de la Chambre et du pays, que ces dépenses ont été successivement suggérées, demandées, sollicitées par la Chambre elle-même, et que c'est à la suite de discussions dans les sections, de rapports de sections centrales, qu'on est arrivé à cette conclusion.

Mais ce n'est pas fini. Nous arrivons au pouvoir en 1857. En 1858, nous reprenons l'œuvre de nos prédécesseurs, le développement du camp retranché et l'agrandissement au nord de la place.

Nous venons proposer d'exécuter, non pas la grande enceinte, mais la petite enceinte, tout en reconnaissant que la grande enceinte future pouvait s'accommoder parfaitement avec le projet que nous soumettions, avec le camp retranché que nous proposions.

Messieurs, où se trouve l'opposition ? Mais dans la Chambre ! C'est la Chambre qui rejette le projet de la petite enceinte, nous plaçant ainsi dans la nécessité absolue de proposer la grande enceinte.

Voilà l'histoire de ce projet. Voilà l'histoire de. cette progression des dépenses dont on a parlé. Y a-t-il là quelque chose à imputer, sérieusement, de bonne foi, loyalement, au gouvernement ?

Maintenant, voici le complément.

Ces travaux ont été exécutés. La grande enceinte est achevée ; les forts sont édifiés. La place est en état de se défendre ; elle réunit, à mon avis, toutes les conditions d'une bonne défense. Mais survient l'honorable M. Dechamps qui dit : Il faut satisfaire aux réclamations de la ville d'Anvers ! Et il formule une proposition plus ou moins vague à cet effet, proposition dont la réalisation devait coûter encore beaucoup de millions au pays, ainsi que je l'ai démontré. Nous venons à notre tour formuler un projet, sérieux cette fois, parfaitement pratique, et qui ne doit rien coûter au trésor. L'honorable M. de Theux et ses honorables amis, qui ont appuyé le programme de l'honorable M. Dechamps, nous en font un grief !

Est-ce juste ? je vous le demande. (Interruption.)

Mais, enfin, quoi qu'il en soit, quels que soient ceux sur qui doit peser la responsabilité de cet accroissement de dépenses, en définitive, pour l'armée et pour les fortifications, cela coûte trop cher. Voilà le point sur lequel insistent particulièrement quelques honorables membres.

A ce sujet, l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu a dit que, dans un de mes discours, j'avais émis cette idée que je me proposais de démontrer que l'entretien d'une armée permanente était un moyen très économique d'employer notre argent, Je ne sais où j'aurais pu émettre cette hérésie. Je dis au contraire que l'entretien d'une armée est une dépense très déplorable, très onéreuse, mais malheureusement très nécessaire, absolument indispensable !

L'honorable M. Le Hardy de Beaulieu a formulé ses griefs au point de vue de l'argent.

« Une grande partie de notre dette, a-t-il dit, est née de notre organisation militaire. A la rigueur, je pourrais dire que si nous n'avions pas dépensé près de deux milliards pour entretenir des forces considérables depuis 1839, nous n'aurions pas du tout de dettes et que nous serions dans l'état où se trouve la Suisse ; que nous n'aurions pas à inscrire chaque année à notre budget 46 et bientôt 50 millions pour la dette seulement, car depuis que je fais partie de cette Chambre, c'est-à-dire depuis quatre ans, cette partie du budget a augmenté de près de dix millions. »

Vient ensuite l'énumération inévitable en semblable matière. Avec ces deux milliards que n'eussions-nous pas fait ? Le pays serait transformé ! Nous aurions beaucoup plus de routes, beaucoup plus de chemins, beaucoup plus de canaux. C'est de rigueur !

Mais, messieurs, à propos de la dette, on oublie d'abord un petit article, oh, tout petit ! c'est que, par suite de notre séparation de la Hollande, nous avons dû inscrire à notre grand-livre un petit capital de 389 millions de francs. (Interruption.) Vous n'avez pas dit le contraire, mais vous avez tout au moins oublié ou négligé cette circonstance, quand vous avez dit que la plus grande partie de notre dette est née de nos dépenses militaires.

Nous aurions donc, selon l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu, dépensé près de deux milliards depuis 1839 pour notre état militaire ! Je sais, messieurs, que de pareils chiffres font un très bon effet. Deux milliards, c'est superbe ! Personne n'a jamais vu deux milliards. On s'extasie, par conséquent, beaucoup plus encore devant l'énormité (page 646) d’une pareille somme. Mais à part l'incroyable exagération du chiffre, qu'est-ce que cela signifie ?

Y a-t-il un argument plus faux que celui qui consiste à additionner certaines dépenses faites pendant un temps plus ou moins long, afin d'avoir un gros total à citer à l'appui de son assertion ? En vérité cela ne signifie absolument rien ! Je suppose que je récapitule toutes les dépenses du département de la justice, j'arrive devant la Chambre, et je constate qu'au bout de tant d'années nous avons dépensé par exemple 500 millions. Puis de m'écrier : Voyez ! si nous avions gardé ces 500 millions, que de chemins de fer, que de canaux, que de routes n'aurions-nous pas pu établir ? Je le demande, quelle serait la valeur d'un pareil argument ?

Quelle est la question ? c'est de savoir si la justice est nécessaire.

Eh bien, ici, la question est de savoir si l'armée est nécessaire. Le chiffre n'y fait absolument rien ; 10 milliards ou 100 millions ou 1 million, c'est absolument indifférent.

M. Le Hardy, on peut le dire sans l'offenser, a d'assez grandes prétentions à l'arithmétique. Eh bien moi, messieurs, je n'ai pas ces prétentions, je ne suis pas même certain de pouvoir faire de longues additions correctement.

Mais j'ai fait relever, j'ai fait additionner tout ce que nous avons dépensé pour l'armée depuis 1830 ; l'honorable M. Le Hardy n'est parti que de 1839. Eh bien, en comptant toutes les dépenses depuis 1830, ordinaires, extraordinaires, agrandissement d'Anvers, armements et pensions militaires, tout enfin, il m'a été impossible de trouver plus de 1,530,000,000. Ce n'est qu'une petite différence de 470 millions avec le chiffre accusé par l'honorable membre pour les dépenses effectuées depuis 1839. Une bagatelle, comme vous voyez ! (Interruption.)

Messieurs, je demande pardon à la Chambre de devoir relever de pareilles erreurs.

- Plusieurs membres. - Non ! non ! Continuez.

MfFOµ. - Mais cela se colporte, cela se trouve partout, cela se publie dans les journaux, cela se répète dans les meetings, dans les pétitions même. (Interruption.) Oui ! il y a des pétitions qui contiennent ces hérésies là. Il faut donc éclairer le public, et nous n'avons d'autre moyen de le faire que de l'éclairer dans cette Chambre, ou il y a des contradicteurs. Ce n'est pas aussi facile que de parler dans certaines assemblées où il n'y a pas contradicteurs. (Interruption.)

Je dis donc, messieurs, que je viens de compter depuis 1830, tandis que l'honorable membre n'a compté que depuis 1839 ; pourquoi ? Parce qu'il a bien dû reconnaître que pour organiser le pays, pour constituer son indépendance, il nous a fallu une armée. (Interruption.) Nous avions à cette époque une excellente, une forte armée, qui comportait 116,000 hommes, avec lesquels nous pouvions honorablement nous défendre.

- Plusieurs membres. - C'est vrai !

MfFOµ. - Et cette armée n'a cependant pas ruiné le pays !

Eh bien donc, il faut déduire ce que nous avons dépensé de 1831 à 1839. Cette dépense s'élève à 466 millions. Si bien que voilà les deux milliards de. l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu qui se réduisent à un milliard ! (Interruption.)

Mais il y a bien encore des déductions à faire. Je suppose que l'honorable membre n'en est pas arrivé à demander la suppression de la gendarmerie. Il est vrai qu'il a nous a conté un jour l'histoire de la police de New-York et qu'il avait appris, dans cette ville, que certaines personnes étaient d'avis qu'il valait mieux se laisser voler que d’entretenir une police ; que la prime d'assurance était trop chère. (Interruption.)

Mais, dans notre pays, nous ne sommes pas de cet avis, et je suis sûr que l'honorable membre n'est pas fâché d'avoir dans son canton quelque part une petite troupe de gendarmes.

Déduisons donc la gendarmerie. Maintenant, il faudra bien admettre que, dans un pays comme le nôtre, dans un pays de grande agglomération, il est indispensable de faire quelques sacrifices pour le maintien de l'ordre ; il faudra bien, à cet effet, conserver au moins la moitié de l'armée actuelle. C'est donc la moitié de la dépense à déduire. Si bien que les deux milliards de l'honorable M. Le Hardy se réduisent en définitive à 500 millions (interruption), le tout exactement et correctement chiffré. (Interruption.)

Mais le budget de la dette publique ! Le budget de la dette publique, il est de 46 millions et il sera bientôt de 50 millions. Telle est du moins l'affirmation de l'honorable membre !

Messieurs, tout cela est vraiment prodigieux ! c'est à n'y pas croire ! Il y a des documents imprimés qui passent tous les jours sous les yeux de la Chambre. (Interruption.)

M. Teschµ. - C'est pour ne pas les lire !

MfFOµ. - Oui, on serait tenté de croire que l'honorable membre a voté ces chiffres, mais qu'il ne les a pas lus.

Le budget de la dette publique s'élève pour 1868, à 37,034,474 fr. et 74 centimes. Avec les minimum d'intérêt et le nouvel emprunt contracté, il sera de 39,961,474 fr. et 74 centimes, au lieu de 50 millions. Voilà la vérité !

De pareilles erreurs sont réellement par trop fortes.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Et les pensions ?

MfFOµ - Il me semble que nous discutons maintenant la dette publique. C'est de cela que vous avez parlé dans votre discours. C'est cela que je réfute. N'allez pas additionner autre chose à présent.

Mais ce n'est pas tout. Dans les 39,961,000, il y a la dotation de l'amortissement. Je pourrais aussi déduire, mais je ne le fais point, les minimum d'intérêt qui ne sont pas critiqués assurément par l'honorable membre, puisque ce sont des dépenses faites pour l'exécution de travaux publics.

Mais si je déduis la dotation de l'amortissement et les intérêts des capitaux amortis, ces soit deux chefs 9,560,000 francs, il se trouve que la dette réelle, les obligations de l'Etat envers ses porteurs de titres, n'est que de 30,400,000 francs, c'est-à-dire 20,000,000 de moins que ce qui a été indiqué par l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu. (Interruption.)

Mais, messieurs, n'avons-nous rien fait depuis lors pour avoir cette dette, qui comprend 389 millions de dette ancienne léguée par la Hollande ? Nous avons dépensé 240 millions jusqu'en 1866 pour nos chemins de fer, 88 millions pour nos voies navigables, 5 millions pour les ports et côtes, 12 millions pour les routes, 25 millions pour la voirie vicinale, 50 millions, depuis 1840, pour l'enseignement primaire, 38 millions pour le rachat du péage de l'Escaut.

Ne sont-ce pas là des dépenses utiles et fructueuses ?

Mais enfin, malgré tout cela, les charges militaires sont accablantes ; elles vont sans cesse augmentant. C'est là le grief capital que l'on agite devant la Chambre et devant le pays.

Voyons encore, messieurs, ce qu'il y a de vrai dans cette assertion. J'ai fait relever, pour la période de 1840 à 1868, les dépenses de toute nature, ordinaires et extraordinaires, faites pour le département de la guerre, et voici quelle est la situation.

Je crois que je ferai bien d'imprimer le tableau à la suite de mon discours. Je vais donner seulement quelques indications générales. (Ce tableau, repris à la page 650 des Annales parlementaires, n’est pas repris dans la présente version numérisée.)

En 1840, le budget général des recettes était de 100,603,000 fr. ; le budget annuel de la guerre était de 30,802,000 fr.

Les pensions civiles et militaires, les pensions de l'ordre de Léopold, les pensions rattachées au budget de la dette publique étaient de francs 1,630,000. Total, 32,432,000 fr.

La population était de 4,028,000 âmes. La quotité des dépenses par habitant ressort ainsi à 8 fr. 5.

En 1848, la quotité était de 8 fr. 63 c. par habitant. En 1856, 8 fr. 77 c ; en 1860, 7 fr. 88 c.E n 1868, avec les augmentations de dépenses qui sont sollicitées de vous, la quotité par tête sera de 8 fr. 6 c. exactement la même qu'en 1840. (Interruption.)

Voilà ces primes d'assurances ruineuses dont on vous a parlé. (Nouvelle interruption.)

Et cependant, combien la position des habitants n'a-t-elle pas changé depuis 1840 ? De combien le sort de toutes les populations ne s'est-il pas amélioré depuis cette époque ? De combien la richesse du pays ne s'est-elle pas accrue ? Et vous payez aujourd'hui ce que vous payiez il y a 28 ans ! Et l'on osé parler de l'aggravation des dépenses militaires, des charges accablantes qui pèsent sur le pays dans l'intérêt de la défense nationale !

Mais si nous ne dépensons pas trop, comme je viens de le démontrer, nous sommes au moins des égoïstes. C'est la classe électorale qui domine la situation. La classe électorale exploite le pauvre, et lui impose tout le fardeau des charges militaires.

Voilà ce que nous entendons répéter de jour à autre dans cette Chambre.

Messieurs, si la Chambre pouvait mériter une seule de ces imputations, elle serait assurément digne de mépris.

Aucun de nous n'a ce dédain pour le peuple. Nous savons tous ce qu'est le peuple. Tout vient de lui, et tout retourne à lui ! Nous en sommes sortis ; nos petits neveux y rentreront. Grands de la terre, (page 647) nobles ou riches, il ne faut pas remonter bien haut dans les généalogies pour retrouver le fils du peuple dont ils descendent : Quelque glorieux soldat, quelque vaillant homme de guerre, quelque citoyen laborieux et intelligent, les moins nobles, il est vrai, de leurs illustres familles, mais ceux auxquels elles doivent leurs titres et leurs fortunes.

Nous connaissons assez l'histoire, pour ne pas méconnaître que lorsque ceux qui sont arrivés à fonder des familles ont, pendant un certain temps, brillé comme des météores dans une nuit radieuse, ces familles déclinent graduellement pour se retrouver un jour dans le peuple, d'où les aïeux étaient sortis. (Interruption.)

Méconnaître les intérêts du peuple, c'est donc renier son père et sa mère et méconnaître les intérêts de sa postérité. (Interruption.)

Est-il vrai, au surplus, comme l'a dit l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu, que les classes les plus nombreuses sont exploitées, et souffrent particulièrement du fardeau des impôts ?

L'honorable membre nous a donné des chiffres, car pour lui, dès que la chose est chiffrée, elle doit passer pour vraie. Malheureusement il nous présente des chiffres de fantaisie, les chiffres les plus incroyables.

Il trouve que la classe électorale qu'il a dénoncée, ne paye pas le sixième de la totalité des impôts, qu'elle ne paye pas 3 millions d'impôt foncier, pas 2 millions d'impôt personnel, pas un sixième des patentes, et il affirme toutes ces choses avec une sérénité vraiment des plus extraordinaires ; et il vous renvoie sérieusement pour les vérifier à des documents statistiques ! Consultez, dit-il, les documents statistiques publiés par le département de l'intérieur ; ils vous donneront ces résultats.

Je puis déclarer, moi, à l'honorable membre qu'il n'a trouvé dans aucun document statistique de quoi justifier de loin ou de près une seule de ses assertions sous ce rapport.

Mais je vais donner à l'honorable membre une statistique qui pourra fournir quelques indications sur un point où la certitude est impossible à obtenir ; c'est celle des éléments qui composent les impôts payés par les électeurs. La voici :

Sur 1,083,713 cotisations à l'impôt foncier, 98,000 sont établies pour une somme supérieure à 40 fr. et participent à l'impôt jusqu'à concurrence d'une somme de 12,173,000 fr. c'est-à-dire 64.46 p. c., près des 2/3 du chiffre total ; c'est-à-dire 9 millions de plus que ce que leur attribue M. Le Hardy, trois fois autant que son estimation. (Interruption de M. Le Hardy.)

M. Bouvierµ. - Il n'est pas convaincu.

MfFOµ. - Il répondra en-même temps que pour les dépenses de la Suisse.

La contribution personnelle comprend 421,000 cotisations, dont 64,000 dépassent 40 francs, et supportent 7,703,000 francs d'impôt, soit 44 1/2 p. c. ou près de la moitié de l'impôt, 5,700,000 francs de plus que ne compte M. Le Hardy, trois fois autant que la part qu'il leur a assignée.

La patente comprend 304,000 cotisations, dont 14,000 dépassent 40 francs et payent 1,277,000 francs, c'est-à-dire beaucoup plus de la moitié au delà de ce qu'indique M. Le Hardy.

En résumé, les trois impôts directs ont été répartis en 1864 sur 1,809,000 cotisations s’élevant ensemble à 33,183,000 francs ; de ce nombre 176,925 cotes...

M. le Hardy de Beaulieuµ. - Il n'y a que 100,000 électeurs ..

MfFOµ. - Justement ; ! Mais n'y a-t-il pas des femmes qui possèdent des biens, et qui payent l'impôt, sans avoir le droit électoral ? donc 176,923 cotes, ou près du dixième sont supérieures à 40 francs ; elles ont payé 21,154,691 fr. c'est-à-dire 63.08 p. c. ou près des deux tiers du chiffre total, et M. Le Hardy, afin de donner une couleur à sa diatribe, leur attribue seulement un sixième de l'impôt. (Interruption.)

Cependant l'opinion publique, dit-on, se préoccupe beaucoup des projets qui sont soumis à la législature, ils sont impopulaires ! On le dit, on le prétend, on l'affirme bien haut !

Voyons ce que nous demandons ; que faisons-nous qui puisse expliquer cette grande émotion, cette impopularité dont on parle, cette opposition qui est au dehors, qui va changer de forme, semble-t-il, et qui doit se traduire, d'après des pétitions déposées aujourd'hui, en une demande de dissolution des Chambres ?

De quoi s'agit-il ? Nous demandons le maintien de l’armée telle qu'elle existe depuis 1853. Depuis 1853, la Belgique a une armée de 100,000 hommes. Mais le gouvernement s'est dit : cette armée n'est pas suffisamment mobilisable ; nous avons vu à certain moment, en 1866, par exemple, qu'il eût fallu un temps plus long qu'il n'était convenable pour mettre l'armée sur le pied de guerre. Ou demande les moyens d'une mobilisation plus rapide. Ensuite, on a constaté que, à raison du système de défense adopté par la Chambre, et non contesté, il fallait que le personnel de l'artillerie fût augmenté. Eh bien, il ne peut pas y avoir grande difficulté, j'imagine, sur ce point.

C'est une question d'argent, et il ne s'agit pas d'une somme considérable ; au surplus elle est comprise dans le chiffre que j'ai cité, et qui prouve que, toutes ces augmentations votées, nous ne payerons pas plus que nous ne payions en 1840.

Ce n'est donc pas cette question qu'on agite dans cette enceinte...

Mais pour assurer le contingent, il faut des hommes.

Je suis prêt à reconnaître que la demande d'un plus grand nombre d'hommes à faire au pays, est une chose qui mérite une sérieuse attention.

Si nous considérons que le contingent a toujours été fixe, qu'il n'a jamais représenté un tantième pour cent de la population, nous devons reconnaître qu'il a notablement diminué à raison de l'accroissement de la population. Si par événement la loi avait dit : le contingent sera de tant pour cent de la population, nous aurions aujourd'hui, simplement, par l'effet de la loi, un contingent de beaucoup supérieur à celui qui est demandé par le gouvernement.

C'est le système allemand. Nous n'en demandons pas l'application. Ou ne prend pas un tantième pour cent de la population. Mais si la population a pu aisément supporter un contingent de 10,000 hommes en 1840, en 1850 et 1860 et jusqu'aujourd'hui, elle pourra bien supporter une augmentation de ce contingent, qui ne représentera pas même la proportion de l'augmentation de la population.

Toutefois, sur ce point, il y a deux systèmes : l'un consisté à dire : vous aurez votre contingent à l'aide des moyens indiqués par la loi de 1853, c'est-à-dire, par le rappel de classes ou d'éléments de classes entièrement libérées ; l'autre par l'augmentation du contingent annuel.

L'honorable M. d'Elhoungne, hier, a paru incliner vers le système de la loi de 1853, On peut l'examiner, car en définitive, la seule chose que nous ayons à rechercher, c'est d'obtenir notre contingent ; nous avons ou plutôt nous aurons à rechercher, car la question n'est pas soulevée par le projet de loi actuel, nous aurons à rechercher lequel des deux systèmes est préférable, lequel est le moins onéreux pour les populations et le plus efficace.

Nous discuterons cette question ultérieurement, quand le moment sera venu.

Mais je prie la Chambre de remarquer ceci dès à présent. Ne comprend-on pas, au premier abord, qu'il est préférable pour la population de donner des hommes jeunes, à l'âge de l'insouciance et de la gaieté, plutôt que d'aller rappeler des classes anciennes ?

M. d'Elhoungneµ. - Et libérées.

MfFOµ. - Et libérées. Elles se croyaient affranchies de toute espèce d'obligations militaires ; elles n'auront plus, à proprement parler, aucune instruction militaire, on ne trouvera plus en magasin de quoi les habiller, on ira les troubler au milieu de leur carrière, à un âge où l'on a bien moins de propension pour l'état militaire qu'à 20 ans. Ce sera donc sous ce rapport bien plus onéreux, et ce sera bien moins efficace pour l'armée, on ne trouvera pas là de très bons éléments militaires.

Du reste, je n'y insiste pas à l'heure qu'il est ; ce n'est pas le moment de discuter à fond cette question ; nous le ferons quand le moment sera venu. Je m'occupe seulement quant à présent de la question de savoir quelle est la charge qui pèse sur les habitants, et je dis qu'à ce point de vue, nous ne proposons qu'une simple transformation, déjà prévue en 1853 ; car d'après cette loi, et sous ce rapport il y a eu peut être quelque chose de trop absolu dans l'argumentation de l'honorable M. d'Elhoungne, d'après la loi de 1853, dis-je, cet appel possible des contingents antérieurs ou de fractions de contingent, ne doit exister que jusqu'à la révision des lois de milice ; de telle sorte que, dans la pensée du législateur, la mesure n'a qu'un caractère temporaire et n'a été, en réalité, qu'un ajournement. La question de savoir s'il faut préférer un accroissement du contingent annuel, ou bien un appel des classes antérieures, se présentera donc nécessairement au moment opportun.

Pour le surplus, messieurs, pas de changement dans la condition du pays, pas de changement au point de vue des charges militaires. Ainsi il est vraiment extraordinaire qu'on ait pu espérer égarer les populations (page 648) tâchant de leur faire accroire que le gouvernement venait vous proposer des énormités.

Qu'on se rassure toutefois. Je crois que la fin de l'émotion peu sérieuse que l’on s'est efforcé de jeter dans le pays, n'est pas très éloignée.

Je crois qu'on n'est qu'à demi satisfait de ce qui se passe. Jugez-en, messieurs.

Ce n'est pas la première fois qu'on s'occupe des lois sur la milice ; il y a eu déjà des réclamations portées devant cette Chambre, il y a dix ans.

Il y a dix ans, par un mouvement, sinon spontané, du moins provoqué seulement par quelques journaux, des réclamations se sont produites contre les lois sur la milice. Le pétitionnement était très considérable. M. Coomans a additionné les signatures ; il en a trouvé 75,000 en comptant probablement celles qui ont été connues après son rapport. Eh bien, cette fois-ci, on a agité le pays comme on ne l'a fait à aucune époque en Belgique ; on a fait de grandes réunions, de grandes assemblées, de grands meetings, qui étaient toujours, disait-on, garnis d'un très grand nombre de milliers d'hommes ; ça ne se compte jamais par centaines.

M. Coomans. - Et c'est exact ; je le sais mieux que vous.

MfFOµ. - Bien certainement ; vous avez de très bonnes raisons pour cela.

M. Coomans. - Sans doute, j'y étais, moi.

MfFOµ. - Oui, vous y étiez et il s'y est même passé des choses très extraordinaires. Malgré les encycliques, qui disent qu'on ne doit pas faire alliance « avec toutes sortes de gens » (interruption) ; ce sont les termes des encycliques ; malgré les mandements de vos évêques qui ont dit qu'on ne doit pas avoir de contact avec les impurs, avec les gens qui exhalent des odeurs méphitiques...

M. E. de Kerkhovenµ. - Nous avons la prétention de mieux comprendre l'encyclique que vous.

M. Bouvierµ. - Attendez ; on vous parlera des capucins tout à l'heure !

MfFOµ. - M. Coomans m'a interrompu tout à l'heure ; il faut bien que je lui réponde et que je m'explique. Et bien, messieurs, on a vu dans ces meetings les gens les plus orthodoxes se jeter dans les bras des hommes de la libre pensée. (Interruption.)

M. E. de Kerkhovenµ. - Oui, comme en 1830 !

M. le président. - M. de Kerkhoven pas d'interruption, je vous prie.

MfFOµ. - On a vu des turcs embrasser des chrétiens. (Longue interruption.)

M. E. de Kerkhovenµ. - Et l'on voit chez vous des chrétiens embrasser des juifs. (Interruption.)

MfFOµ. - Messieurs, je m'étonne de l'émotion de l'honorable M. de Kerkhoven ; il n'y a rien de personnel dans mon observation : je ne sache pas que nous ayons des turcs parmi nous. (Nouvelle interruption.)

M. Coomans. — Ni Turcs ni Maures.

MfFOµ. - Je reviens, messieurs, à ce que je disais de l'opinion publique.

Donc, il y a deux ans, il y avait 1,700 ou 1,800 pétitions et 75,000 pétitionnaires, suivant les calculs de M. Coomans ; aujourd'hui, combien en compte-t-on ? et Dieu sait pourtant les efforts qui ont été faits pour en réunir ! Aujourd'hui on ne compte jusqu'au le février, que 410 pétitions portant en tout 21,000 signatures.

Franchement, ce n'est pas un succès, et je m'étonne beaucoup d'un pareil résultat.

Les pétitionnaires seraient plus nombreux que cela ne devrait surprendre personne. On sait combien il est facile, en général, d'obtenir des signatures sur des pétitions de ce genre ; mais je suis profondément surpris qu'après l'agitation qui a été faite, on n'ait pas mieux réussi. Je cite un exemple pour la province de Liège.

En 1858, il y a dix ans, on a trouvé pour la ville et la province de Liège, 179 pétitions et près de 9,000 pétitionnaires. Cette fois, on ne trouve que 92 pétitions et 2,950 pétitionnaires.

M. Bouvier.µ. - Malgré les meetings.

MfFOµ. - Malgré les meetings. Je dis donc que cela n'est pas ainsi réussi qu'on pouvait l'espérer.

Et, messieurs, pour arriver là, il faut tenir un langage bien différent de celui qu'on nous fait entendre.

Les pétitionnaires, messieurs, je n'en parle qu'en m'inclinant devant eux, expriment de nobles sentiments ; on ne peut qu'y rendre hommage. Ils ne viennent pas nous dire (je parle surtout des pétitionnaires de la province de Liège, dont j'ai la pétition sous les yeux) qu'il faut supprimer l'armée. Ils proclament le devoir des citoyens « de défendre les libertés et l'indépendance nationales, » mais ils veulent que ces devoirs incombent à tous et non à quelques-uns.

Ils critiquent la conscription en usage en Belgique. Ils pensent, on le leur a dit, ils le répètent, que le système du remplacement après le tirage ne favorise absolument que les riches.

Ils demandent enfin que le fardeau de la défense nationale ne pèse pas exclusivement sur les classes pauvres.

Il ne s'agit point là de critiquer la défense nationale ; ils critiquent les moyens qu'on emploie pour assurer cette défense ; seulement, ils n'en indiquent pas d'autres ; leur critique est irréfléchie, voilà tout.

Cette critique porte en effet sur la conscription, sur le tirage au sort. Eh bien, lorsqu'ils demandent qu'on abolisse le tirage au sort pour la conscription, que demandent-ils en réalité ? qu'on applique la conscription à tout le monde, que la conscription soit générale ! (Interruption.)

Ils croient réclamer la suppression de la conscription, et c'est une extension de la conscription qu'ils demandent., Mais, messieurs, l'organisation militaire, telle qu'elle existe on Belgique s'éloigne-t-elle beaucoup en réalité des idées que préconisent quelques personnes ?

C'est à l'aide de l'argument de la conscription qu'on égare le plus facilement un grand nombre de pétitionnaires, dont les sentiment généreux s'émeuvent à l'idée qu'on fait retomber sur les classes les plus pauvres la charge du service militaire.

Je formulai l'autre jour, pendant qu'un orateur parlait, un projet de loi que nous pouvions parfaitement adopter Voici ce projet de loi :

« Art. 1er. Le service militaire est obligatoire pour tous les citoyens en état de porter les armes. La loi détermine les conditions d'âge et la durée du service.

« Art. 2. La force publique se divise en armée permanente et armée de réserve.

« Art. 3. Un tirage au sort détermine ceux qui font partie de l'armée permanente et ceux qui font partie de la réserve.

« Art. 4. La réserve est active dans les circonscriptions que la loi détermine.

« Art. 5. Ne sont incorporés dans la réserve que ceux qui peuvent s'équiper à leurs frais.

« Art. 6. Le remplacement et la substitution sont maintenus. »

Ainsi, le service serait obligatoire pour tout le monde ; il n'y aurait de tirage au sort seulement que pour désigner ceux qui doivent passer de l'armée permanente à l'armée de réserve ; ne seraient inscrits dans l'armée de réserve que ceux qui pourraient s'habiller à leurs frais ; c'est à-dire que l'exemption n'existerait que pour les classes inférieures de la société ; elles seules jouiraient de ce bénéfice-là ; car, d'après M. Coomans, on n'accorderait d'exemption ni aux séminaristes ni aux capucins, comme il l'a dit dans l'une de ces assemblées orthodoxes dont nous avons parlé.

Eh bien, messieurs, ce système que je viens de supposer n'est-il pas au fond, et dans d'autres termes, le véritable système qui a été sanctionné par la loi de 1853, et celui que nous vous demandons de confirmer ?

Messieurs, l'on nous a parlé beaucoup, et en termes très pathétiques des pauvres qui sont sacrifiés aux riches ; on nous l'a dit surtout lorsque l'on a parlé du remplacement et de la substitution.

Le remplacement et la substitution, c'est là qu'on a l'occasion de dénoncer les riches aux classes pauvres de la société. Au fond, il importe fort peu aux pauvres, qui ne peuvent pas se faire remplacer, que l'un serve à la place de l'autre, dès l'instant qu'ils doivent servir aussi. Mais il y a le sentiment d'envie que l'on fait naître dans leur âme. Ils se disent : « Le riche peut se racheter, et nous, pauvres, nous ne le pouvons pas ! » (Interruption)

Et l'on croit que l'on servira ainsi l'intérêt des pauvres ? Non, messieurs, l'envie que l'on aura allumé dans leurs cœurs, ne les rendra que plus malheureux ; mais assurément on n'aura produit ainsi aucun bien ni pour eux-mêmes, ni pour la société.

Mais, messieurs, ceux qui tiennent ce langage, connaissent bien mal la société ; ils ne savent guère de quoi elle se compose. La population laborieuse, celle qui vit exclusivement de salaires quotidiens, représente près de 60 p. c. de la population totale. Au dessus de cette classe, s'en trouve une autre, immense encore, besogneuse, incertaine du lendemain (page 649) qui est dans une situation des plus difficiles. Ce sont les petits commerçants, les petits détaillants, les petits industriels. Au-dessus d'elle, mais en petit nombre, ce qu'on appelle les bourgeois. Et puis, au dessus de ceux-ci, tout au sommet de la pyramide qui a une base immense, quelques personnes ayant une fortune plus ou moins considérable, en bien plus petit nombre encore !

Les riches que sont-ils par rapport à la masse de la population ? Rien, ou presque rien ! Cela tient dans le creux de la main ! Et l'on croit rendre service à la société, surtout à cette classe laborieuse, en lui dénonçant les riches qui se font remplacer ! (Interruption.)

Eh bien, messieurs, j'ai voulu savoir ce qu'il en était de ces riches qui se font remplacer ; cette vérification n'a fait que confirmer ce dont j'avais d'avance la conviction.

J'ai pris la classe de milice de 1866 ; je J'ai fait décomposer entièrement ; j'ai fait inscrire en regard du nom de chaque individu remplacé ou substitué, quelle était sa position, la condition de sa famille. Voici ce que j'ai trouvé :

77.84 p. c. de ceux qui se font remplacer, appartiennent à la classe des journaliers, des ouvriers, des domestiques, des artisans : menuisiers, cordonniers, forgerons, charpentiers, maçons, tailleurs, cultivateurs. Vous avez 7.85 p. c. qui sont fabricants, négociants, brasseurs, distillateurs, tanneurs, etc. Enfin, 6.82 p. c. qui sont propriétaires, rentiers, notaires, avocats, médecins, magistrats, employés, etc. Voilà les riches ! On peut les compter !

Si la Chambre le désire, je déposerai sur le bureau, à l'examen de tous les membres, ce document instructif.

On me dira que ceux qui se font remplacer font au moins partie de la classe que l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu a qualifié d'électorale.

Eh bien ! 62,36 p. c. de ces mêmes individus, ou bien ne payent aucune espèce de contribution, ou bien payent des contributions inférieures à 40 fr. Il y en a près de 16 p. c. qui payent pas un sou d'impôt directe à l'Etat.

M. Coomans. - Ils n'ont pas le sou et ils achètent un remplaçant.

MfFOµ. - Oui ! Vous ne le comprenez pas, parce que vous ne connaissez pas le monde, parce que vous ne connaissez pas la société que vous avez la prétention d'agiter. Oui, il y a un grand nombre d'hommes dans la classe laborieuse, et c'est l'élite de cette population, c'en est l'honneur, qui sont prévoyants, qui économisent son par sou, obole par obole, pour procurer un remplaçant à leur fils. (Interruption.)

M. E. de Kerkhovenµ. - Voilà l'injustice.

M. le président. - Veuillez ne pas interrompre.

MfFOµ. - Oh ! chacun doit avoir son tour pour parler ! C'est mon tour aujourd'hui ! Je m'explique devant la Chambre et devant le pays. Le pays m'entendra ! (Interruption.)

Oui, voilà les riches que l'on dénonce ; voilà les riches à qui l'on veut enlever le bénéfice du remplacement et de la substitution ! Voilà les riches qu'il faut absolument dénoncer aux animosités populaires. Ce sont ces riches-là qui disent : Il n'y aura donc plus de bons numéros ! Nous ne pourrons donc plus, moyennant un sacrifice pénible, mais possible, nous exempter du service de la milice : nous ne pourrons plus nous perfectionner dans notre travail, devenir des ouvriers plus intelligents, plus instruits, plus capables ? Non ! Et ce sont de prétendus démocrates qui ne l'auront pas voulu (Interruption.)

Eh bien ! messieurs, c'est pour ces riches que nous combattons ; ce sont ces riches dont nous défendons la cause, ce sont ces riches que, sans porter atteinte à la position des autres, nous voulons maintenir dans leur condition actuelle. C'est en faveur de ces riches-là que, lorsqu'il y a quelques années, un engouement trop grand s'était emparé des esprits pour l'exonération, j'en ai demandé le rejet, après en avoir démontré l'injustice à tous les points de vue ; et jamais, je l'espère, ce système, destiné à élever le prix du remplacement à 1,500, 2,000 et 2,500 francs, ne prévaudra dans cette Chambre.

Et l'on s'étonne, messieurs, que l'agitation ne produise pas les effets que l'on en avait espéré ! Et l'on s'étonne que j'aie pu dire que la popularité n'était pas là où l'on croyait la trouver ? Si l'on a voulu agiter en bas pour essayer d'intimider en haut, comme un de mes amis le disait à une autre époque, on s'est trompé. Le but ne sera pas atteint et il pourrait être dépassé. Ceux qui ont semé l'agitation, demain peut-être pourraient en devenir les victimes.

Si l'on a cru par ce moyen ébranler la majorité, on s'est trompé ; on lui a indiqué quels étaient ses devoirs les plus impérieux dans la circonstance actuelle ; on lui a indiqué qu'elle devait serrer les rangs. Si l'on a cru ébranler le cabinet, on s'est trompé, car j'ai la ferme confiance que la majorité libérale votera les projets qui lui ont été soumis par le gouvernement.

Si je ne considérais cette situation qu'au point de vue des intérêts de parti, je serais porté peut-être à en triompher. Je ne le ferai pas : je combats, au contraire, et je repousse autant qu'il est en mon pouvoir cette situation. Je place l'intérêt national bien au dessus de l'intérêt de parti, et je dis à nos honorables concitoyens, je dis à nos amis de la droite, que pour résoudre des questions telles que celles qui sont soumises aujourd'hui à la Chambré, c'est la main dans la main que nous devons nous présenter devait le pays et devant l'étranger. (Applaudissements.)

M. le président. - La parole est à M. Coomans.

M. Coomans. - Monsieur le président, je crois répondre aux désirs de la Chambre en ajournant à demain mes observations.

- Plusieurs membres. - Pas de pétitions demain !

M. le président. - Si tel est le désir de la Chambre, demain continuation de la discussion.

- La séance est levée à 5 heures.