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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 31 janvier 1868

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1867-1868)

(Présidence de M. Dolezµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 533) M. Reynaert, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Dethuinµ donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction en est approuvée,

Pièces adressées à la chambre

M. Reynaertµ présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Des fabricants et manufacturiers font connaître qu'à l'adjudication publique qui a eu lieu le 22 de ce mois à la station du Nord, à Bruxelles, un étranger a été le plus bas soumissionnaire de cinq lots de toiles pour bâches, et demande que M. le ministre des travaux publics annule cette adjudication. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Janssens demande qu'il soit interdit aux officiers et soldats de notre armée de s'affilier aux loges maçonniques ou à d'autres sociétés secrètes semblables. »

- Même décision.


« Des habitants de Godveerdegem demandent le rejet de toute augmentation de charges militaires et la révision des lois sur la milice. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion des projets de lois militaires et renvoi à la section centrale du projet de loi sur la milice.


« Par neuf pétitions, des habitants du canton de Fléron prient la Chambre de remplacer la conscription et l'armée permanente par Car mentent général de la nation, et demandent subsidiairement qu'il soit mis un terme à l'augmentation du budget de la guerre et à toutes dépenses militaires nouvelles. »

- Même décision.


« Des ouvriers de différentes communes demandent l'abolition des lois sur la milice, la suppression des armées permanentes et la réalisation de leurs droits de citoyen. »

- Même décision.


« Par cinq pétitions, dos habitants et des membres de l'association libérale du canton de Fléron prient la Chambre de rejeter le projet de réorganisation militaire, de modifier les projets en ce qui concerne le remplacement militaire, et de décréter en tout cas un allégement considérable des charges militaires actuelles. »

- Même décision.


« Des habitants de Liége et des environs prient la Chambre de rejeter toute augmentation du contingent de l'armée et du budget de la guerre ; de soumettre à l'examen du pays tous les éléments d'appréciation de la question militaire ; d'abolir la conscription et de la remplacer par le service volontaire honorablement rétribué. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion des projets de lois militaires et renvoi aux sections centrales chargées d'examiner les projels de loi relatifs au contingent et à la milice.


« Des habitants de Meulebeke demandent le rejet de toutes dépenses et charges pour accroître les forces militaires. »

« Même demande des habitants de Pithem. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion des projets de lois militaires.


« Des habitants de Gavre demandent le rejet du projet de loi qui augmente le contingent de l’arméee. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.


« M. de Macar demande un congé d'un jour. »

- Accordé.


M. de Naeyerµ (pour une motion d’ordre). - Messieurs, j'ai demandé la parole pour rectifier une allégation inexacte que j'ai faite de bonne foi dans la séance du 25 de ce mois. J'ai dit alors en interrompant M. le ministre de la justice qu'après les dernières élections communales, il ne restait plus dans le collège échevinal d'Alost qu'an seul échevin libéral. Je me suis trompé sur ce point : à l'époque dont il s'agit, il y avait réellement deux échevins appartenant à l'opinion libérale. Cette erreur involontaire de ma part m'a été signalée par l'honorable bourgmestre d'Alost, et je m'empresse de la réparer, tant pour satisfaire à la demande de ce magistrat que pour rendre hommage à la vérité.


M. Bruneau (pour une motion d’ordre). - Messieurs, je profite de cette occasion pour annoncer à la Chambre que j'ai aussi à demander une rectification aux Annales parlementaires de la séance de samedi dernier. Je n'ai pas fait ma motion jusqu'ici, parce que l'honorable M. Liénart qu'elle concerne, étant absent par congé, n'a pas encore paru de cette semaine à la Chambre. J'ai pensé qu'il était convenable d'attendre sa présence avant de faire ma réclamation ; dans tous les cas, j'ai l'intention de la produire dans la séance de demain.

M. Van Wambekeµ. - L'honorable M- Liénart sera présent demain.

Rapports sur des pétitions

M. Van Renynghe, rapporteur. - Par pétition datée de Poperinghe,le 5 janvier 1868, les sieurs Gerber, Boone et autres employés chargés du recensement de la population et de la formation d'une statistique agricole et industrielle à Poperinghe, demandent qu'en attendant la rémunération de leur travail, il soit pris des mesures pour qu'ils reçoivent au moins le remboursement de leurs débours.

Ils disent qu'ils ont dû exécuter ce travail pendant la mauvaise saison et dans une localité qui a un territoire très étendu, et qu'ils espéraient que la rémunération à accorder de ce chef par l'Etat serait en proportion des peines qu'ils s'étaient données et que ce salaire ne se ferait pas attendre.

Votre commission demande qu'il soit fait droit à ces réclamations dans le plus bref délai possible et, à cette fin, vous propose, messieurs, de renvoyer cette pétition à MM. les ministres des finances et de l'intérieur.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition datée d'Herstal, te 28 septembre 1867, les membres du conseil communal d'Herstal prient la Chambre de s'occuper, pendant la session actuelle, du projet de loi sur le temporel des cultes.

Même demande d'habitants de Liège, de Bruxelles.

En présence des conflits qui s'élèvent si fréquemment entre l'autorité civile et l'autorité ecclésiastique et dont l'écho a si fort retenti dans cette assemblée, pour éviter les difficultés sur l'interprétation des décrets des 23 prairial an XII, 12 septembre 1806, 30 décembre 1809, les membres du conseil communal d'Herstal prient la législature de s'occuper dans sa prochaine session de la loi sur le temporel des cultes, conformément aux décisions prises antérieurement par la Chambre, qui a seule autorité pour régler son ordre du jour.

Votre commission a l'honneur de vous proposer le dépôt sur le bureau de la pétition du conseil communal d'Herstal pendant la discussion du projet de loi sur le temporel des cultes.

- Ces conclusions sont mises aux voix et adoptées.


(page 534) M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition datée de Gosselies, le 22 octobre 1867, des habitants de Gosselies demandent la révision de la loi du 23 septembre 1842, sur renseignement primaire.

La commission propose le dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de l'intérieur.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition datée de Virton, le 8 novembre 1867, le sieur Bechet propose des moyens de pourvoir à l'augmentation du budget de la guerre sans augmenter les charges des contribuables.

La commission propose le dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur l'organisation militaire.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition datée de Ville-en-Hesbaye, le 28 octobre 1867, les membres du conseil communal de Ville-en-Hesbaye réclament l'intervention de la Chambre pour obtenir l'exécution du chemin de fer de Landen à Aye, par Hannut et Huy.

Les pétitionnaires ont l'honneur d'exposer à la Chambre que par arrêté royal en date du 15 mars 1864, des entrepreneurs dont ils indiquent les noms ont été déclarés concessionnaires du chemin de fer de Landen à Aye par Hannut et Huy ; que la première section de cette voie ferrée, comprise entre Landen et Huy, devait être achevée le 15 mars 1867, conformément au paragraphe premier de l'article 15 du cahier des charges ; que les travaux commencés ont été abandonnés ; que cet état de choses, si préjudiciable aux riverains, doit avoir un terme ; ils prient, en conséquence, la législature d'intervenir auprès de M. le ministre des travaux publics pour qu'il prenne des mesures énergiques en frappant de déchéance la compagnie concessionnaire.

Votre commission a l'honneur de vous proposer le renvoi à M. le ministre des travaux publics.

M. de Macarµ. - Je recommande la pétition dont l'analyse vient d'être présentée à la bienveillance particulière de M. le ministre des travaux publics. Le chemin de fer de Hesbaye-Condroz est destiné à satisfaire des intérêts très sérieux, particulièrement dans les arrondissements de Huy et de Waremme. Il y a déjà très longtemps que les espérances que l'exécution de ce chemin de fer avait fait concevoir se trouvent déçues. Les pétitionnaires prient à bon droit la Chambre d'intervenir auprès du gouvernement pour qu'il prenne les mesures nécessaires afin d'empêcher l'état de choses actuel de se perpétuer.

Messieurs, les espérances qu'on avait fondées sur cette entreprise étaient, en effet, parfaitement légitimes ; de l'avis de tous, la ligne de Landen à Aye offrait des chances très réelles de succès. Les besoins des populations avoisinantes s'affirmaient dans de nombreux meetings, et la ligne faisait partie du réseau complet et direct reliant la Hollande avec le Luxembourg par Eyndhoven, Huy et Marche. Aussi dès le principe, des capitalistes se présentaient et des demandeurs en concession sérieux s'adressaient à M. le ministre.

Ceux auxquels l'honorable M. Vanderstichelen a donné la préférence méritaient sans doute à tous égards la confiance que l'honorable ministre avait en eux ; ils offraient, sous le rapport de la fortune et de la considération, les garanties nécessaires pour qu'on dût croire qu'ils exécuteraient leurs engagements. Cependant, il faut bien le constater, rien ne se fait ; la compagnie concessionnaire, après avoir travaillé pendant très peu de temps, s'est vue forcée d'abandonner les travaux.

Je conviens que la crise financière que nous venons de traverser et des démêlés avec l'entrepreneur général ont pu motiver cet état de choses. Mais je crois qu'il est temps que les concessionnaires soient mis dans l'obligation de s'expliquer. Je sais que l'honorable M. Vanderstichelen les a déjà mis judiciairement en demeure ; mais jusqu'ici cette mise en demeure n'a produit aucun résultat. Je n'insiste pas pour que la déchéance soit proclamée dans un bref délai ; mais je crois qu'il est bon que la compagnie soit prévenue qu'elle doit faire preuve évidente de ses efforts et de sa bonne volonté. C'est dans ce sens surtout que je m'adresse à M. le ministre des travaux publics.

Je crois que si l'on reste indéfiniment dans le vague on peut compromettre gravement des intérêts sérieux ; d'abord certaines industries peuvent s'établir en prévision du voisinage prochain d'un chemin de fer, ensuite d'autres concessionnaires peuvent se présenter, s'il était reconnu que les concessionnaires actuels ne veulent pas exécuter leurs engagements.

Cependant, je ne veux pas dire que le moment de l'extrême rigueur soit venu ; je me borne, pour aujourd'hui encore, à réclamer la bienveillante sollicitude de M. le ministre des travaux publics pour la question soulevée ; je la lui demande égale à celle que nous a accordée son honorable prédécesseur, je n'en désire pas davantage.

M. De Lexhy. - Je me joins à l'honorable préopinant pour exprimer le désir que le travail dont il s'agit puisse être promptement exécuté. Je forme les vœux les plus vifs pour l'achèvement du chemin de fer de Landen à Aye dont je puis revendiquer jusqu'à un certain point l'initiative.

Toutefois il ne faut pas aggraver les fautes qu'on impute aux concessionnaires. Les circonstances financières dans lesquelles nous nous sommes trouvés constituaient une circonstance suffisante pour expliquer les retards qu'on a apportés à l'exécution de ce travail. Il faut tenir largement compte de ces circonstances.

Je sais personnellement que les concessionnaires cherchent à se mettre en mesure pour exécuter leurs engagements. Toute discussion sur cette question, qui du reste est très importante, surtout au point de vue de l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter, serait inopportune en ce moment.

L'honorable chef du département des travaux publics n'a pas encore eu le temps d'examiner, je pense, cette question d'une manière aussi approfondie que son honorable prédécesseur l'avait fait, et je crois qu'il vaudrait mieux renvoyer cette discussion au moment où l'on examinera le budget des travaux publics.

L'idée d'une déchéance qu'on vient d'émettre est très grave et elle ne peut avoir d'autre portée que celle d'une menace à l'adresse des concessionnaires.

Il ne peut être question de déchéance que s'il est démontré péremptoirement qu'il y a faute lourde de la part des concessionnaires.

Si le mauvais vouloir de ceux-ci était constaté, je serais le premier à réclamer l'exécution du cahier des charges de la concession.

Mais je sais que les concessionnaires ont fait et continuent à faire tous leurs efforts pour aboutir, et la déchéance, dans, les circonstances actuelles, serait une mesure désastreuse, fatale, non seulement pour les concessionnaires, mais surtout pour les contrées qui doivent profiter de ce grand travail.

En effet, les concessionnaires sont des hommes importants qui ont le plus grand intérêt à conduire cette affaire à bonne fin, et si la déchéance était prononcée, je crains fort qu'il se passerait un long temps avant qu'on trouvât de nouveaux concessionnaires.

Un débat utile ne peut donc s'établir en ce moment, et je crois qu'il faut réserver cette question, lorsque nous examinerons le budget des travaux publics.

M. de Macarµ. - Je n'insiste nullement pour avoir en ce moment une réponse de M. le ministre des travaux publics ; je me borne à recommander à sa sollicitude la question soulevée par le pétitionnaire.

Je comprends parfaitement que l'honorable M. Jamar, qui vient d'entrer au ministère, ne peut pas avoir étudié cette question et je consens très volontiers à ce que cet objet soit renvoyé à la discussion du budget des travaux publics.

M. Bouvier, rapporteur. — Messieurs, s'il est fait mention de la déchéance dans le rapport que nous venons de faire, ce ne serait que pour le cas où il serait parfaitement établi que la compagnie concessionnaire se trouverait, par des circonstances indépendantes de son fait, dans l'impossibilité de remplir les obligations du cahier des charges.

MtpJµ. - Ainsi que vient de le dire l'honorable M. de Macar, les travaux du chemin de fer de Landen à Aye, à peine commencés, ont été abandonnés.

L'attention du gouvernement ayant été appelée sur ce fait il y a six mois, la compagnie a été mise en demeure de remplir ses obligations.

Le gouvernement en agissant ainsi a donné un premier avertissement très sérieux à la société concessionnaire.

Mais personne dans cette enceinte ne se dissimule l'intensité de la crise qui pèse si lourdement sur toutes les grandes entreprises industrielles et financières et particulièrement sur celles qui ont pour but la construction des chemins de fer. L'heure n'est donc pas venue de prendra la mesure grave à laquelle M. le rapporteur a fait allusion. Quand cette heure aura sonné, le gouvernement n'hésitera pas à agir.


M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition datée d'Oostham, le 3 novembre 1867, le sieur Vandeweyer demande un congé illimité pour son fils Arnold-Louis, soldat au 12ème régiment de ligne et milicien de la classe de 1865.

Le fils du pétitionnaire appartient à la classe de 1865 non encore libérée du service militaire, dont la durée est déterminée par la loi.

(page 535) La Chambre, d'ailleurs, incompétente pour statuer sur une pareille demande, n'a donc pas à intervenir. La commission a l'honneur de vous proposer l'ordre du jour.

- L'ordre du jour est adopté.


M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition datée d'Oostacker, le 28 octobre 1867, le sieur Cattéeu demande que son fils Félix, milicien de l'année 1865, soldat au 4ème régiment de ligne, soit renvoyé dans ses foyers.

Conclusions : Ordre du jour.

- Adopté.


M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition datée de Montzen, le 15 octobre 1867, le sieur Leclcrc, ancien militaire, congédié pour infirmité contractée par le fait du service, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir une pension.

Le pétitionnaire, par sa requête en date du 5 octobre 1867, s'est adressé .à M. le ministre de la guerre pour qu'il fût fait droit à sa demande. Ce haut fonctionnaire y répondit que la demande du pétitionnaire ne pouvait être prise en considération attendu que l'infirmité dont il se plaignait, bien que contractée par le fait du service, n'est pas de celles qui par leur gravité donnent lieu à l'application des lois sur les pensions.

En désespoir de cause, le pétitionnaire s'adresse à la Chambre, qui n'a pas dans ses attributions le pouvoir de statuer sur de pareilles demandes. La commission a l'honneur de vous proposer l'ordre du jour.

- L'ordre du jour est adopté.


M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition datée de Meix devant Virton, le 16 juin 1867, le sieur Rousselle, qui a été mis en liberté après avoir subi un interrogatoire devant le juge d'instruction d'Arlon, demande une indemnité pour avoir été arrêté par la gendarmerie de Virton et conduit à la maison de sûreté d'Arlon.

Le pétitionnaire allègue qu'il a été arrêté par la gendarmerie de Virton, le 8 juin dernier, sous l'inculpation d'avoir voté le tronc d'une chapelle à Sainte-Marie, qu'il a été dirigé sur la maison de sûreté à Virton, pour y être interrogé par M. le juge d'instruction qui, après son interrogatoire, a ordonné son élargissement.

Il réclame, de ce chef, une indemnité. La Chambre est incompétente pour statuer sur une pareille demande, dont les tribunaux ont seuls à connaître, si la législation accordait une indemnité pour une arrestation qu'il ne soutient pas même avoir été faite illégalement.

Votre commission a l'honneur de vous proposer l'ordre du jour.

- Adopté.


M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition datée de Frameries, le 13 août 1867, le sieur Duprez prie la Chambre de réviser la décision du conseil de milice qui a désigné son fils Alfred pour le service militaire.

La Chambre est incompétente pour statuer sur des réclamations de la nature de celles renfermées dans cette pétition. C'est à la députation permanente, à laquelle ressortit la commune de Frameries, lieu de son domicile, que le pétitionnaire aurait dû s'adresser dans les délais légaux pour établir le fondement de sa demande.

Votre commission a l'honneur de vous proposer l'ordre du jour.

- Adopté.


M. Vander Donckt, rapporteurµ. - Par pétition datée de décembre 1867, des habitants d'Esschen protestent contre les propositions de la commission militaire, et demandent que le gouvernement soit invité à présenter un projet de loi qui abolisse le tirage au sort pour la milice.

Par pétition datée de Lodelinsart, le 29 novembre 1867, des habitants de Lodelinsart protestent contre les propositions de la commission militaire et demandent que le gouvernement soit invité à présenter un projet de loi abolissant le tirage au sort pour la milice et les armées permanentes.

Même demande d’habitants de Laerne.

Messieurs, un nombre très considérable de pétitions protestant contre l'extension de charges militaires couvrent déjà le bureau de la Chambre et tous les jours il en arrive de nouvelles qui viennent augmenter ce volumineux dossier, et chose remarquable, ce n'est pas cette fois un pétitionnement factice s'agitant sous l'influence d'un parti quelconque, c'est un mouvement spontané émanant de toutes les localités du pays sans distinction d'opinion politique, ce qui prouve que le projet de loi n'a pas les sympathies du pays ; et ce qui en prouve l'impopularité et la réprobation générale dont il est frappé dans les villes et dans les campagnes, c'est que les pétitions à l'appui du projet sont en nombre infime en proportion des autres.

Votre commission, tout en appelant l'attention toute spéciale de la Chambre et du gouvernement sur ces pétitions, a conclu au dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. Vander Donckt, rapporteurµ. - Par pétition datée de Spire, le 18 décembre 1867, le sieur Kahn demande la concession d'un chemin de fer d'Adinkerke à Ostende par Furnes et Nieuport, et d'un embarcadère près du hameau de la Panne à Adinkerke.

Messieurs, le pétitionnaire commence par dire à la Chambre qu'il y a vingt ans qu'il a demandé cette concession sans l'avoir obtenue, et cela n'est pas étonnant, car de l'avis d'hommes très compétents ce projet est irréalisable, ses calculs sont erronés et surtout très exagérés.

Cette demande en concession doit être examinée très sérieusement par le gouvernement, avant qu'il puisse y donner suite.

Il s'agit d'un travail tout à fait extraordinaire.

D'abord il s'agit de savoir si, en cas de mauvais temps, un navire peut au milieu des brisants et avec un roulis comme nous avons sur notre côte, s'approcher d'une estacade ou débarcadère placés en pleine mer, pour y débarquer ses passagers et y rester 24 heures.

Tous ceux qui connaissent la mer pendant l'hiver ou qui ont habité le littoral, savent qu'il est impossible qu'un navire se place pendant les mauvais temps, contre une estacade à quelques mètres de la plage.

Pour le moment, la commission se borne à ces explications pour démontrer les difficultés qu'on rencontrera pour exécuter le projet d'établir un débarcadère à la Panne.

En ce qui concerne la partie financière, elle est d'avis que les revenus présumés par le demandeur en concession sont on ne peut plus élevés, tant pour le trafic vers Douvres que pour le trafic intérieur entre Ostende et Furnes.

Pour ne citer qu'un seul exemple, celui des voyageurs en destination de Douvres, le concessionnaire compte sur 80,000 voyageurs et le mouvement actuel entre Ostende et Douvres n'est que de 15,000 environ.

Sans préjuger en rien la demande du sieur Kahn, la commission en propose le renvoi à M. le ministre des travaux publics.

M. de Smedt. - Sans entrer dans les considérations critiques que vous a présentées l'honorable rapporteur sur la pétition demandant pour le sieur Kahn la priorité d'une concession de chemin de fer devant relier Ostende à Furnes, je dois cependant faire remarquer à la Chambre que l'établissement de ce chemin de fer est non seulement une œuvre sérieuse, mais éminemment utile au pays. Vous le comprendrez facilement, messieurs, quand vous saurez que ce chemin de fer doit compléter la grande ligne ferrée qui dans un avenir prochain reliera le Nord hollandais au Nord français en passant par le chef-lieu de notre province, la ville d'Ostende, la ville de Nieuport, et le chef-lieu de l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter.

Un chemin de fer de Furnes à Dunkerque est en voie d'exécution et un jour, tout le fait espérer, cette ligne se poursuivra par Gravelines jusqu'à Calais. C'est une ligne internationale de premier ordre.

J'ai donc l'honneur de recommander l'établissement de ce chemin de fer à l'attention bienveillante de l'honorable ministre des travaux publics.

J'ajouterai encore pour démontrer l'importance et l'utilité de cette voie ferrée, qu'il existe plusieurs demandes en concession d'établissement de chemin de fer dans les mêmes directions.

Si ma mémoire ne me fait pas défaut, il y en a au moins quatre qui ont pour objet de relier Furnes à Ostende ou à Bruges et qui sont déposés au département des travaux publics.

Je demande à M. le ministre des travaux publics que s'il se présente un concessionnaire sérieux offrant des garanties d'exécution prochaine, la concession lui soit accordée dans un bref délai.

M. le président. - La commission propose le renvoi à M. le ministre des travaux publics.

- Ce renvoi est ordonné.


M. Vander Donckt, rapporteurµ. - Par pétition datée de Bruxelles, le 17 décembre 1867, le sieur Masquelin demande l'établissement d'autant de collèges électoraux qu'il y a de membres à élire dans l'une et l'autre Chambre.

Messieurs, la question que le pétitionnaire traite dans sa requête n'est pas nouvelle. Effectivement, à plusieurs reprises, elle a été discutée dans cette enceinte.

Votre commission, tout en appelant l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur cette question, se borne à vous en proposer le renvoi à M. le ministre de l'intérieur.

- Adopté.


(page 536) M. Vander Donckt, rapporteurµ. - Par pétition datée de Namur, le 17 décembre 1867, le sieur Brenier demande que le juge de paix du canton sud de Namur cesse de cumuler ses fonctions avec celles d'inspecteur cantonal de l'enseignement primaire.

Messieurs, ce juge de paix est eu même temps inspecteur de cinq cantons pour l’enseignement primaire.

Le pétitionnaire fait valoir que le cumul de ces fonctions ne peut être rempli consciencieusement et convenablement par une seule personne.

L'inspecteur cantonal est obligé de faire au moins deux visites par an pour chaque école de ce canton. Or, il est inspecteur de cinq cantons et il est en outre juge de paix.

La commission a cru devoir signaler à MM. les ministres de l'intérieur et de la justice ce cumul qui est exceptionnel dans le pays. Elle espère qu'ils ne continueront pas de le tolérer. Elle propose le renvoi à MM. les ministres de la justice et de l'intérieur.

- Adopté.


M. Van Renynghe, rapporteur. - Par pétition, datée de Vedrin, le 17 décembre 1867, des propriétaires de cette commune réclament l'intervention de la Chambre pour que la compagnie du chemin de fer de Tamines à Landen achève promptement l'embranchement de Namur à Geest-Gérompont, ou leur restitue les terrains qu'ils lui ont cédés pour faire cet embranchement.

Votre commission vous propose, messieurs, le renvoi de cette pétition à M. le ministre des travaux publics.

- Adopté.

Projet de loi allouant des crédits au budget du ministère des travaux publics

Rapport de la section centrale

M. Thonissenµ. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi ouvrant un crédit de 485,000 francs au département des travaux publics.

- Impression et distribution.

Rapports sur des pétitions

M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition datée de Herve, le 9 janvier 1868, le sieur Cerfont, premier instituteur à l'école primaire communale de Herve, demande une augmentation du subside qu'il reçoit de l'Etat.

Le pétitionnaire se plaint de la concurrence qu'il qualifie de déloyale que fait aux instituteurs de l'enseignement primaire de la ville de Herve, le collège épiscopal adopté, subsidié par l'Etat, devenu pour certaines classes une véritable école primaire.

Il prie la Chambre d'examiner :

1° S'il n'y a pas lieu de retirer du subside alloué audit collège une somme qui serait l'équivalent du gain légitime que cette concurrence enlève aux instituteurs de l'enseignement primaire de la ville.

2° Que le subside qu'ils reçoivent de l'Etat soit augmenté.

En présence des allégations du pétitionnaire, dont votre commission n'a pus le pouvoir de vérifier l'exactitude, votre commission a l'honneur de vous proposer le renvoi de la pétition à M. le ministre de l'intérieur.

- Ces conclusions sont mises aux voix et adoptées.


M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition datée de Carnières, le 4 janvier 1868, des habitants de Carnières réclament l'intervention de la Chambre pour obtenir la construction d'une école dans la section des Trieux.

Les pétitionnaires font connaître à la Chambre que depuis plusieurs années ils réclament vainement la construction d'une école pour la section des Trieux dont la population s'élève à 2,700 habitants ; que cette section renferme un local trop exigu pour les besoins de l'enseignement ; que la nécessité d'élever des constructions nouvelles pour assurer ce service a été si bien comprise par l'administration communale que celle-ci s'est empressée de faire l'acquisition d'un terrain d'école pour servir à cette destination ; qu'un plan a été approuvé par la députation permanente et l'autorité supérieure, mais que tout reste en état ; qu'il est urgent de porter un prompt remède à cette situation qui expose gravement la santé des enfants par le manque d'air occasionné par l'exiguïté des locaux actuels.

En présence des considérations émises dans la pétition et des faits qui y sont allégués, votre commission a conclu à son renvoi à M. le ministre de l'intérieur avec demande d'explications.

- Ces conclusions sont mises aux voix et adoptées.


M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition datée de Looz, le 15 janvier 1868, la demoiselle Chevalier prie la Chambre d'autoriser le département des finances à lui restituer un droit d'enregistrement indûment perçu.

La pétitionnaire réclame l’intervention de la Chambre pour obtenir la restitution d'un droit d'enregistrement qui aurait été indûment perçu sur un acte de partage du 23 mai 1863. Sa réclamation n’a pu être admise par le département des finances, auquel elle s'était adressée, parce que le droit à la restitution en vertu des dispositions de la loi du 22 frimaire an VII, était prescrit, et il n'est pas permis au pouvoir exécutif de renoncer à une prescription acquise en matière d'impôt.

Il faudrait, pour que la restitution réclamée pût être validée par la cour des comptes, qu'une loi l'autorisât.

Dans cet état de choses, votre commission a l'honneur de vous proposer l'ordre du jour.

M. Julliot — La Chambre vient de renvoyer à M. le ministre de l'intérieur une pétition du sieur Cerfont qui réclame une faveur, c'est-à-dire une augmentation de subside.

Maintenant, on propose l'ordre du jour sur la pétition de la famille Chevalier, de Looz, qui réclame un droit ; je trouve cette conclusion trop sévère et je propose le renvoi de cette pétition à M. le ministre des finances.

Voici ce qui s'est passé : la famille Chevalier a fait en 1863 un partage qui n'était susceptible que d'un droit fixe d'enregistrement de cinq francs.

Mais le receveur a trouvé bon de percevoir un droit proportionnel de cent soixante francs ; donc, cent cinquante-cinq francs perçus injustement ; et je dirai qu'il est étrange que les inspecteurs de l'enregistrement sont toujours prêts à relever les droits payés quand ils sont insuffisants et qu'ils ne s'aperçoivent pas des droits payés qui ne sont pas dus.

Je sais qu'en fait d'enregistrement il y a prescription de deux ans pour le domaine comme pour le particulier et que M. le ministre des finances ne peut, de son chef, faire la restitution.

Mais à la place de l'honorable ministre, je préférerais de soulager la conscience du trésor en proposant un petit projet de loi sous forme de restitution. Je propose le renvoi à M. le ministre des finances.

M. Bouvier, rapporteurµ. - Comme j'ai eu l'honneur de le dire, la demoiselle Chevalier s'est déjà adressée à l'honorable ministre des finances.

Celui-ci a examiné sa réclamation avec beaucoup de soin et il est entré dans de longues considérations pour prouver à mademoiselle Chevalier que sa réclamation était prescrite.

Vous savez, messieurs, que, dans l'espèce, les réclamations sont prescrites, aux termes de la loi, au bout de deux ans, non seulement contre les contribuables, mais même contre le trésor public. Ainsi, par exemple, si le trésor ne réclame pas dans les deux ans les droits dus à l'Etat, les contribuables pourraient lui opposer la prescription.

Maintenant, que demande l'honorable préopinant ? De renvoyer la pétition dont nous nous occupons à M. le ministre des finances. Mais M. le ministre des finances ne pourra que répéter à Mlle Chevalier ce qu'il lui a déjà dit, que sa réclamation ne peut être admise.

M. Julliot. - Il pourrait présenter un petit projet de loi.

M. Bouvier, rapporteurµ. - Ah ! l'honorable membre demande que pour une réclamation de fr. 165-40 le gouvernement nous présente un projet de loi ?

Mais si le système de l'honorable membre pouvait être accueilli, il ne se passerait pas une semaine sans que nous ayons à statuer par des projets de loi sur des réclamations de la nature de celles qui nous occupent en ce moment, et, au lieu de siéger ici pendant cinq ou six mois, nous devrions rester ici en permanence pendant toute l'année.

Je ne pense donc pas que la proposition de M. Julliot puisse être adoptée par la Chambre, et je persiste plus que jamais à vous demander de prononcer l'ordre du jour.

M. Julliot. - L'idée de mettre en avant un projet de loi pour réparer une injustice m'est venue à la suite du souvenir d'un projet pareil.

Je crois me souvenir qu'il y a 4 ou 5 ans on a présenté un projet pareil pour des frais de justice qui étaient prescrits et dus à un avocat de Louvain.

Je pense donc qu'avant tout il ne faut pas vouloir que le trésor conserve ce qui ne lui appartient pas.

- L'ordre du jour est mis aux voix et prononcé.


M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition datée de Grapfontaine, le 30 juillet 1867, le conseil communal de Grapfontaine demande la reprise, par l'Etat, du chemin de grande communication de Neufchâteau vers Stenay.

Même demande des conseils communaux de Suxy et Les Bulles.

(page 537) Les conseils communaux sus-indiqués entrent dans des grands développements pour appuyer l'utilité de cette reprise. Votre commission a jugé que les motifs consignés dans ces pétitions méritent d'être prises en sérieuse considération. En conséquence, votre commission vous propose le renvoi à M. le ministre des travaux publics.

- Adopté.


M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition datée de Grupont, le 15 décembre 1867, le conseil communal de Grupont réclame l'intervention de la Chambre pour que le vicariat de cette commune soit érigé en cure.

La pétition fait ressortir, dans des considérations largement motivées, cette nécessité.

Votre commission a l'honneur de vous proposer le renvoi à M. le ministre de la justice.

- Adopté.


M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition datée de Wasmes, le 19 décembre 1867, le conseil communal de Wasmes prie la Chambre de rapporter la loi du 23 septembre 1842, sur l'enseignement primaire.

Déjà, messieurs, à plusieurs reprises la Chambre a eu à statuer sur des demandes de même nature, et elle en a décidé le dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de l'intérieur. La commission des pétitions vous propose de prendre la même décision à l'égard de celle-ci.

- Adopté.


M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition, datée de Lodelinsart, le 23 octobre 1867, des habitants de Lodelinsart demandent la révision de la loi du 23 septembre 1842, sur l'enseignement primaire.

Même demande d'habitants d'Anvers, Bruxelles, Bruges, Ixelles.

De même que pour la pétition précédente, la commission vous propose d'ordonner le dépôt de celles-ci sur le bureau pendant la discussion du budget de l'intérieur.

- Adopté.


M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition, datée de Bruxelles, le 16 décembre 1867, des habitants de Bruxelles demandent le prompt achèvement des travaux de la nouvelle gare du Midi.

Le gouvernement ayant subordonné l'achèvement de ces travaux aux ressources du trésor, votre commission a pensé que celles qui doit lui procurer l'emprunt nouvellement souscrit, permettront de faire droit aux justes et légitimes réclamations renfermées dans les nombreuses pétitions parvenues à la Chambre. Elle vous en propose en conséquence le renvoi à M. le ministre des travaux publics.

M. Vleminckxµ. - La Chambre sait que plusieurs pétitions du même genre lui ont été adressées déjà et ont été renvoyées par elle à M. le ministre des travaux publics et des finances.

Lors d'une première discussion qui a eu lieu sur cet objet, M. le ministre des finances nous avait promis qu'aussitôt que la situation du trésor serait établie, il présenterait un projet de loi tendant à allouer les fonds nécessaires pour l'achèvement de la station du Midi.

M. Carlierµ. - Et la station de Mons.

M. Vleminckxµ. - Evidemment, je ne crois pas me tromper sur ce point. La situation du trésor doit être connue aujourd'hui ; et d'ailleurs il a été dit aussi que les crédits seraient demandés assez tôt pour qu'on pût reprendre les travaux dès le commencement de la bonne saison ; ce qui est extrêmement désirable dans un moment surtout où la classe ouvrière est généralement privée de travail. Je demande donc que le projet de loi soit présenté le plus tôt possible.

MfFOµ. - Ce que j'ai dit à la Chambre, il y a peu de temps, je le confirme et j'ajoute que, dans un délai très bref, dans quelques jours sans doute, le projet de loi sera déposé.

- Le renvoi de la pétition à M. le ministre des travaux publics est ordonné.


M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition datée de Longvilly, le 24 décembre 1867, le conseil communal de Longvilly prie la Chambre d'accorder à la société Forcade la garantie d'un minimum d'intérêts pour la construction de son chemin de fer qui doit traverser la province de Luxembourg du S.-O. au N.-E.

Méme demande des conseils communaux de Wibrin, Lutremange, Hompré, Fauvillers, Tailles, Wardin, Flamierge, Bihain, Nives, Longchamps, Mont-le-ban, Morhet, Grand-Halleux, Beho, Bovigny, Tavigny, Hollange, Houffalize, Sibret, Mont, Tinlange, Bertogne, Arbrefontaine.

Déjà la Chambre a eu à statuer sur une semblable demande. Conformément à la discussion qui a été prise dans cette circonstance, la commission, messieurs, vous propose le renvoi de la pétition à M. le ministre des travaux publics.

- Adopté.

Projet de loi sur l’organisation militaires

Motion d’ordre (suite)

M. de Theuxµ. - Il me semble qu'il y aurait un moyen bien simple de mettre un terme à la discussion qui s'est engagée hier sur la proposition de l'honorable M. Coomans ; ce serait de rattacher cette proposition à la loi en discussion dont elle formerait l'article premier ainsi conçu :

« Le tirage au sort est aboli. »

Je ne pense pas qu'on puisse repousser cette proposition par la question préalable, attendu que l'organisation de l'armée est fondée sur le tirage au sort.

Si le tirage au sort était aboli, il faudrait évidemment un nouveau projet d'organisation de même qu'une nouvelle loi du contingent.

D'ailleurs, je dirai qu'il est de l'intérêt de la Chambre et du pays de se prononcer sur cette question qui est agitée depuis longtemps ; je crois que les opinions sont généralement formées à cet égard ; mais mieux vaut un vote explicite que de rester toujours dans le vague.

On ne pourrait pas, je pense, opposer aux auteurs de l'amendement la question préalable, s'ils formulent leur proposition dans les termes suivants :

« Les lois sur la milice sont abolies. »

Cette forme simplifierait beaucoup la question réglementaire dont on s'est occupé hier.

Je profite de l'occasion pour dire un mot des amendements relatifs au remplacement et à la substitution. Je ne sais si le gouvernement s'est définitivement expliqué à cet égard vis-à-vis de la section centrale, et si nous aurons tout à la fois l'opinion de la section centrale et celle du gouvernement. Ce serait un point extrêmement important. Il a été convenu, il y a quelques jours, que cette proposition serait déposée avant le vote de la loi sur l'organisation militaire.

MfFOµ. - Messieurs, je réponds d'abord à la dernière observation de l'honorable M. de Theux. Les intentions du gouvernement, en ce qui concerne le remplacement et la substitution, sont parfaitement connues ; ces intentions se trouvent formulées dans un projet de loi qui est déposé depuis 1862. Ce projet est en section centrale, et il a été convenu, il y a quelques jours, que le travail de cette section sur le titre relatif à la substitution et au remplacement, serait communiqué à la Chambre, sans attendre le rapport complet sur la loi concernant la milice. La partie du rapport qui concerne ces dispositions est actuellement à l'impression, et ce document pourra être distribué très prochainement.

Si le gouvernement jugeait nécessaire de modifier les propositions de la section centrale, il déposerait, dans ce cas, des amendements.

M. de Theuxµ. - On pourrait s'expliquer immédiatement sur l'exonération.

MfFOµ. - Mais nous avons déjà déclaré trois ou quatre fois que nous n'admettions pas le système de l'exonération ; nous conservons le remplacement et la substitution, sauf à introduire, dans la loi actuelle, des modifications quant à ces deux modes de libération.

En ce qui concerne le système d'exonération, nous l'avons écarté dès 1862, bien qu'à cette époque on le trouvât extrêmement favorable à l'armée ; depuis il a été condamné hautement dans un pays voisin, comme étant nuisible aux intérêts militaires.

Maintenant, en ce qui touche la motion qui a été faite hier, l'honorable M. de Theux dit qu'il est un moyen de se mettre d'accord assez facilement ; c'est qu'au lieu de poser une question de principe, les auteurs de la motion formulent un amendement qui formerait l'article premier du projet de loi d'organisation, et qui serait ainsi conçu :

« Les lois sur la milice sont abolies. » (Interruption.)

Ou : « Le tirage au sort est supprimé. »

Cela ne serait pas plus admissible que la question de principe même, puisque l'objection que nous vous avons opposée subsiste toujours : Quel système mettra-t-on à la place ?

Ce ne serait donc pas là une véritable proposition ; ce serait la même question de principe plus ou moins déguisée ; on n'aurait fait que remplacer la forme interrogative par une forme affirmative, en disant : « Le tirage au sort est supprimé. »

Celte disposition, dit-on, formerait l'article premier du projet (page 538) d'organisation militaire ; mais la loi d'organisation militaire ne peut contenir cela ; et la preuve, c'est que la loi, ainsi formulée, ne pourrait dire qu'un non-sens. Ce serait un acte qui ne serait pas digne de la Chambre.

On peut faire autre chose et arriver parfaitement au résultat que l'on poursuit. Pourquoi ne le fait-on pas ? Que l'on présente une proposition complète, que l'on formule un système, et nous nous prononcerons sur ce système quand on le voudra ; mais vouloir faire décider simplement que le tirage au sort est supprimé, ce n'est pas là assurément un moyen d'organisation, ce n'est pas un moyen de constituer une armée.

M. le président. - La parole est à M. Coomans.

M. Coomans. - Je cède la parole à l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu, qui a une communication à faire en son nom et au mien.

M. le président. - La parole est à M. Le Hardy de Beaulieu, qui prend la place de M. Coomans.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - L'honorable ministre des finances, qui vient de se rasseoir, empiète, me parait-il, sur les droits de la Chambre, en décidant qu'un amendement relatif au recrutement ne peut pas être rattaché au projet de loi que nous discutons. En effet, qu'est-ce que cette loi ? C'est une loi destinée à modifier l'organisation de notre armée.

Or, n'est-il pas évident que la première base de cette organisation est le recrutement ? Or, si nous ne réglons pas tout d'abord ce premier point, et qu'on adoptât plus tard le principe de l'amendement que je vais avoir l'honneur de déposer sur le bureau, on aurait à défaire après, ce qu'on aurait fait avant.

Voici l'amendement que je vais faire parvenir à M. le président ; il deviendrait l'article premier de la loi en discussion.

« Le recrutement par voie de tirage au sort est aboli.

« L'armée active, en temps de paix, se compose de volontaires. »

M. le président. - L'amendement est présenté par M. Le Hardy de Beaulieu seul.

M. Coomans. - J'y adhère, M. le président.

- L'amendement est appuyé ; il fera partie de la discussion.

M. le président. - Maintenant que la proposition est formulée en amendement, elle ne pourra venir que lors de la discussion des articles.

MfFOµ. - Messieurs, la formule qu'on nous propose maintenant revient à peu près à ceci :

« Art. 1er. Il n'y aura pas d'armée.

« Art. 2. Les cadres seront organisés de la manière suivante : »

M. le président. - Réservons cela pour la discussion des articles.

MfFOµ. - Pardon, monsieur le président, je désire caractériser dès à présent cette étrange proposition.

Ce n'est pas un amendement, car elle ne se rattache en rien au projet de loi, dont elle est, au contraire, la négation. (Interruption de M. Delaet.)

MfFOµ. - Je désire ne pas être interrompu par M. Delaet. (Interruption.) J'ai le droit constitutionnel de parler quand je le désire, et j'entends en user.

M. le président. - La parole est maintenue à M. le ministre.

MfFOµ. - Ce n'est pas à dire que je m'oppose à ce qu'on statue ultérieurement sur cette proposition, pourvu qu'elle soit présentée en temps opportun.

El puis, comment est conçue cette proposition ? D'abord, le premier paragraphe et évidemment inutile : puisque vous dites que l'armée sera composée de volontaires, il est évident qu'il n'y aura pas de tirage au sort.

D'un autre côté, on ne prévoit la composition de l'armée que sur le pied de paix ; mais on ne dit pas ce que l'on ferait s'il fallait passer au pied de guerre. Vous le voyez, tout cela est fort peu sérieux.

Sans doute, on peut, ainsi que cela a été convenu, examiner tous les systèmes dans la discussion générale : le maintien ou la suppression du tirage au sort ; le maintien d'une armée permanente, ou la création d'une armée de volontaires.

Mais quant à ce qui touche les motions du genre de celle-ci, nous nous réservons formellement le droit qui résulte du règlement de les faire écarter, soit par la question préalable, soit par tout autre moyen légitime.

M. Dumortier. - J'avais demandé la parole pour faire l'observation présentée par l'honorable M. Frère, qu'admettre la proposition c'est voter qu'il n'y aura pas d'armée, et qu'il y aura des cadres pour l'armée.

Au surplus, quand on en viendra au vote, je désire que ce soit le second paragraphe de la proposition qui soit mis le premier aux voix. Il ne faut pas de malentendu.

M. de Brouckere. - Nos deux honorables collègues qui avaient soumis, hier, à la Chambre une sorte de motion, ont bien fait d'en changer la forme. Car, bien certainement elle eût donné lieu à la question préalable.

Maintenant ils formulent sous forme d'amendement une proposition qui ne se rattache en aucune manière au projet que nous discutons. Le' projet en effet a pour but de déterminer le chiffre, la force, la composition de l'armée et la proposition des honorables MM. Coomans et Le Hardy de Beaulieu se rattache nécessairement à la loi qui décrétera la manière dont on recrutera l'armée. Cette proposition devra donc être remise jusqu'au jour où nous nous occuperons de la loi sur la milice.

Quoi qu'il en soit, il est incontestable qu'elle doit être ajournée jusqu'au moment où nous discuterons les articles du projet de loi actuel. Mais je déclare dès à présent que quand nous en viendrons à nous occuper de la proposition des honorables MM. Coomans et Le Hardy de Beaulieu, je demanderai la question préalable avec le renvoi de la proposition à ce moment où nous nous occuperons de la loi sur la milice.

M. le président. - Il est donc entendu que toutes les questions de vote sont réservées pour le moment où nous nous occuperons des articles.

Reste le droit à chacun de présenter toutes ses observations dans la discussion générale, comme cela a été primitivement entendu.

M. Coomans. - Il devient de plus en plus clair de minute en minute qu'on ne veut pas discuter la question de l'abolition de la loterie militaire et encore moins voter là-dessus. (Interruption.) Ceci est mon appréciation ; chacun en pensera ce qu'il voudra.

Je me lève pour répondre à la prétention de l'honorable ministre des finances qui, du reste, a déjà été repoussée par l'honorable M. de Brouckere.

D'après l'honorable ministre, notre proposition c'est la suppression de l'armée, et d'après l'honorable M. de Brouckere, notre proposition est complètement étrangère de la loi d'organisation de l'armée.

Je vous prie, messieurs, de vous mettre d'accord, la matière en vaut la peine, de la part d'avocats dévoués à la même cause.

Si notre proposition ne touche pas à votre projet, elle ne peut pas l'abolir, elle ne peut pas équivaloir à sa suppression. Mais notre proposition touche si bien au projet, que, selon vous, elle y touche trop. Voilà la vérité. (Interruption.)

Et puis, quelle singulière prétention de M. le ministre de dire que notre proposition est simplement la suppression de l'armée, en d'autres termes qu'il est impossible d'avoir une armée sans loterie. Mais est-ce que l'Angleterre a la loterie militaire ? Est-ce que la Suisse a la loterie militaire ? Est-ce que la Prusse et les Etats-Unis ont la loterie militaire ?

MfFOµ. - Oui, la Prusse l'a.

MgRµ. - Et l'Angleterre aussi.

M. Coomans. - Ne jouons pas sur les mots. Voulez-vous de la loterie militaire comme en Angleterre ? Je l'accepte. Comme en Prusse ? Je m'y résignerai encore, au point de vue de l'égalité.

Il n'est donc pas exact de dire que la conscription est la base indispensable d'une armée. Cela est tellement faux, que beaucoup de membres de cette Chambre qui veulent l'armée plus forte que je ne la désire moi-même, sont cependant favorables à l'abolition de la conscription.

Je me réserve, un de ces jours, de montrer de très près que la proposition de mon honorable collègue et ami M. Le Hardy de Beaulieu est très pertinente, très en situation et qu'elle doit venir en première ligne. Je me réserve de vous le démontrer, avant et pendant la discussion des articles, d'une manière complète.

Pour le moment, je me borne à déclarer que nos intentions, à nous, adversaires de la loterie militaire, sont aussi patriotiques, aussi généreuses, aussi nationales que quelques intentions que vous puissiez avoir. Nous voulons le progrès, la prospérité, la vérité et la justice et nous verrons quels sont les meilleurs moyens d'atteindre ces buts. Je me réserve de prendre plus tard la parole.

Rapport de la section centrale

M. le président. - La parole est à M. Van Humbeeck, pour faire rapport sur les amendements proposés par le gouvernement au projet de loi d'organisation de l'armée.

(page 539) M. Van Humbeeck. - Messieurs, au nom de la section centrale chargée d'examiner le projet de loi sur l'organisation de l'armée, je viens faire rapport sur les amendements déposés par M. le ministre de la guerre dans la séance du 22 janvier dernier.

Pour éviter un échange de correspondance qui pouvait traîner en longueur, la section centrale à cru devoir inviter M. le ministre de la guerre à se rendre auprès d'elle. Elle a d'abord pris acte de ce que le gouvernement renonce à la création d'une section de disponibilité pour les officiers généraux. Toutefois, elle a de nouveau exprimé l'opinion que le désir de soustraire aux rigueurs de la limite d'âge certaines sommités militaires était parfaitement légitime ; elle a fait observer encore que la loi de 1838 sur les pensions militaires, et même l'arrêté royal de 1855, laissaient à cet égard au pouvoir royal la latitude la plus étendue.

Si cependant la prérogative royale rencontrait dans la pratique des obstacles insurmontables, il serait bon que des mesures fussent prises par la Chambre pour remédier à cette situation. La section centrale n'a pas cru devoir prendre l'initiative de mesures semblables ; un de ses membres pourtant s'est réservé le droit d'en présenter pendant la discussion.

Le département de la guerre, dans les amendements déposés le 22 janvier, proposait d'abord une simplification de rédaction qui aurait permis de réunir en un seul les trois premiers articles du projet de loi. Cette modification s'éloignait d'une manière assez notable des termes de la loi de 1853, termes dont la signification était connue et ne pouvait donner lieu à aucune controverse.

Désireuse d'éviter des débats inutiles, la section centrale a cru devoir inviter M. le ministre de la guerre à ne pas insister sur ce changement, qui n'avait d'ailleurs qu'une importance de style.

M. le ministre s'est rendu à cette observation. Il a renoncé à ce changement de rédaction, comme à celui qu'il avait proposé à l'article 6 du projet.

Restait à discuter les chiffres que l'on proposait de substituer, dans l’article 2 à ceux qui avaient été primitivement adoptés par la section centrale.

En premier lieu, le département de la guerre modifiait la composition du personnel de l'intendance, que la section centrale avait maintenu dans l'état où l'avait placé la loi de 1853. S'il conservait le nombre d'officiers supérieurs tel que l'admettait la section centrale, il proposait une autre répartition de grades, meilleure selon lui. Ce changement a' été adopté à la majorité de 6 voix contre une ; il ne pouvait pas avoir de conséquences financières importantes et les raisons invoquées en sa faveur ont paru sérieuses.

On se fonde d'abord sur l'intérêt du service, ensuite sur la convenance de donner un avancement légitime à des fonctionnaires qui, pendant de longues années, ont rendu des services au pays et à l'armée. . Le gouvernement proposait ensuite une augmentation du nombre des officiers subalternes du corps de l'intendance. Cette proposition s'expliquait par la création d'un sixième régiment d'artillerie ; elle devait suivre le sort de la proposition principale à laquelle elle se rattachait et c'est à propos de l'artillerie que nous aurons à nous en occuper.

Enfin, aux chiffres indiqués pour le personnel de l'intendance dans la loi de 1853, dont les termes ont été reproduits par la section centrale, M. le ministre de la guerre voulait ajouter un officier supérieur d'administration ayant le grade de major et 56 officiers subalternes.

La section centrale a fait remarquer que malgré le silence de la loi de 1853, l'administration des hôpitaux et celle des boulangeries ont pu être organisées par un arrêté royal pris dans le courant de l'année 1854 ; rien n'empêche de suivre la même marche en ce qui concerne l'organisation du personnel chargé de l'administration des fourrages. On y trouvera le grand avantage de pouvoir chaque année apporter dans cette administration les modifications dont la nécessité serait démontrée par l'expérience, qui ne permet pas encore de considérer aucune forme d'organisation comme définitive et immuable.

Le ministre de la guerre n'a pas insisté en présence des observations de la section centrale, qui a saisi aussi cette occasion de s'assurer qu'elle est en parfaite conformité d'idées avec ce haut fonctionnaire sur les principes qui devront présider désormais au recrutement du corps de l'intendance.

Les changements à la composition du service de santé sont subordonnés au vote d'un régiment d'artillerie en plus.

La section centrale s'est occupée ensuite de la cavalerie.

Vous savez, messieurs, que la section centrale avait admis en principe le maintien des dépôts de cavalerie. Cependant, elle n'avait pas voulu revenir au chiffre d'officiers porté dans la loi de 1853 et avait adopté seulement celui que contenait le premier projet du gouvernement et qui était calculé sur l'hypothèse de la suppression des dépôts.

Ces votes, étranges jusqu'à un certain point, sont le résultat de la coalition involontaire de deux minorités, l'une qui consentait à la suppression des dépôts sans vouloir toucher aux escadrons actifs, l'autre qui voulait le maintien des dépôts, mais avec réduction des escadrons de guerre.

Des explications nouvelles, plus précises que celles qui avaient été précédemment données, sont venues autoriser les membres qui avaient accepté la suppression des dépôts, moyennant le maintien au complet des escadrons actifs, à modifier leur opinion et à adhérer à la proposition nouvelle du gouvernement, qui a réuni ainsi la majorité des voix de la section centrale.

Voici en substance ces quelques explications nouvelles.

Les dépôts de cavalerie, tels qu'ils existaient avant la loi de 1853, tels qu'on proposait de les rétablir, par le projet primitif, n'ont qu'une mission purement administrative et une action restreinte au matériel du régiment.

Cette combinaison entraîne comme conséquence l'impossibilité de détacher les magasins des corps de troupes et la nécessité de verser immédiatement dans les escadrons actifs les chevaux de remonte et les recrues.

Le moindre déplacement sérieux devient impossible à un régiment, qui doit voyager avec tous ces impedimenta. S'il doit se déplacer cependant, on sera obligé d'expédier les magasins sur un lieu déterminé et de laisser derrière soi un cadre suffisant pour recevoir les chevaux de remonte et les recrues, pour les exercer, les instruire et les envoyer aux escadrons actifs aussitôt qu'ils seront en état d'en faire le service.

Le personnel chargé de ce rôle important en temps de paix et indispensable en temps de guerre forme ce qu'on appelle l'escadron de dépôt, qu'il ne faut pas confondre avec le dépôt administratif, le seul que maintenait le projet primitif. Il en résulte que dans le cas de prompte mobilisation, la suppression des sept escadrons de dépôt équivaudrait au sacrifice de sept escadrons actifs.

C'est ce qu'a démontré l'expérience acquise dans d'autres pays.

Ainsi, avant la guerre de Bohême, la Prusse n'avait pas d'escadrons de dépôt. Mais la première mesure qu'elle a prise au lendemain de cette guerre a été d'en créer un dans chaque régiment. La France n'a pas non plus d'escadrons de dépôt, mais cette puissance ne mobilise jamais que quatre ou cinq escadrons par régiment de six. C'est à un semblable parti que la Belgique devrait s'arrêter, si elle supprimait ses dépôts.

La suppression des escadrons de dépôt présentant les inconvénients que je viens d'indiquer, serait contraire au système général, que la section centrale a voulu faire prévaloir et qui a pour but de rendre les corps mobilisables aussi promptement que possible.

Si les escadrons de dépôt n'existaient pas, l'enseignement des dernières guerres en rendrait la création nécessaire ; mais, puisque nous les possédons, la section centrale croit que ce serait une faute grave de les supprimer.

Les propositions nouvelles du gouvernement relatives à la cavalerie ont donc été adoptées par la section centrale.

En ce qui concerne l'artillerie, le gouvernement a demandé d'abord à la section centrale de modifier les propositions qui concernent les commandants d'artillerie en résidence.

La Chambre se souviendra que la section centrale, en proposant la suppression de l'emploi spécial des commandants d'artillerie en résidence, avait été guidée surtout par la considération que, moins que jamais, il y avait lieu de craindre qu'un major de troupe eût un travail trop considérable en réunissant à ses fonctions celles de commandant du matériel de la place où il tenait garnison. Dans ces dernières, il devait être aidé par des officiers subalternes faisant partie de l'état-major particulier de l'artillerie et à qui le gouvernement confiait cette mission spéciale.

Mais la nouvelle proposition du gouvernement ramène le nombre des officiers subalternes de l'état-major particulier de l'artillerie au chiffre indiqué dans les propositions de la commission mixte.

Alors disparaît la raison qui avait surtout déterminé la section centrale à considérer comme utile et possible la réunion dans les mêmes mains d'un commandement de troupes et de la direction du matériel de la place.

(page 540) Une autre raison avait influé sur la résolution de la section centrale ; de celle-là il fallait continuer à tenir compte.

Je veux parler des circonstances qui rendaient essentiellement injuste la position faite aux commandants d'artillerie en résidence. L'avancement de l'officier qui arrivait à cette position était à jamais arrêté ; ajoutons que, du jour où il était nommé à ce poste, il touchait souvent une solde moindre que celle du grade inférieur qu'il venait d'abandonner.

Le gouvernement, dans ses propositions nouvelles, a tenu à remédier aux inconvénients signalés par la section centrale. Il donne aux commandants d'artillerie en résidence la faculté de conserver l'uniforme de leur arme, faculté qui ne leur est pas accordée aujourd'hui ; il fixe leur traitement à 5,500 fr., c'est-à-dire qu'il est désormais égal à celui d'un major d'infanterie.

Ce sont là deux améliorations notables à la position antérieure de ces officiers.

Mais une question importante, celle de leur avancement, restait indécise.

Devaient-ils à l'avenir rouler avec leurs pairs pour l'avancement ? Sur ce point le gouvernement ne s'était pas prononcé. La présence de M. le ministre de la guerre dans la section centrale nous a permis de recevoir à cet égard des explications nouvelles.

Le gouvernement estime, d'accord avec la section centrale, que les commandants d'artillerie et les autres majors de l'état-major particulier de l'arme doivent avoir tous les mêmes droits à l'avancement. Afin qu'il ne puisse plus y avoir d'équivoque sur la situation nouvelle faite à ces officiers, la section centrale a proposé de ne pas en faire mention dans un paragraphe spécial, comme l'avait proposé M. le ministre de la guerre, mais de les comprendre simplement dans une augmentation du nombre des majors de l'état-major particulier de l'arme.

C'est à quoi le gouvernement s'est rallié. Cette nouvelle rédaction ne permet pas le moindre doute sur la situation parfaitement équitable qui sera faite à ces officiers.

M. le ministre de la guerre proposait également une augmentation du nombre des conducteurs d'artillerie et de l'effectif des batteries. Les considérations que l'on faisait valoir ont paru suffisantes à la section centrale pour faire adopter ces amendements, dont le second n'est d'ailleurs que le complément d'une décision antérieure due à l'initiative de la section centrale elle-même et rétablissant dans les batteries de campagne les attelages de réserve que le gouvernement avait eu d'abord l'intention de supprimer.

Venait l'amendement le plus important, celui qui était relatif à la création d'un nouveau régiment.

Quelques chiffres soumis à la section centrale lui ont donné la conviction que cet amendement était parfaitement justifié.

Eu France les régiments d'artillerie montée comptent dix batteries. C'était également le chiffre qu'on voulait adopter pour ces régiments en Belgique. Mais, en France, chaque batterie ne compte que six pièces, tandis qu'en Belgique elle en compte huit.

Il en résulte que tandis que le régiment français d'artillerie montée aurait compté 60 pièces, le régiment belge en aurait compté 80.

Un pareil commandement aurait surchargé un colonel. La section centrale croit que par cette comparaison de la situation primitivement proposée avec celle qui existe dans l'armée française, la proposition du gouvernement se trouve suffisamment justifiée.

La création de ce nouvel état-major de régiment aura, en cas de guerre, le grand avantage de nous dispenser d'une augmentation nouvelle de l'état-major particulier de l'artillerie.

Les officiers supérieurs, qui ne devront pas suivre le régiment divisé en batteries auprès des divers détachements de l'armée, pourront aller occuper, dans les places fortes, les emplois dont la nécessité ne se fait pas sentir en temps de paix, mais qui deviennent immédiatement nécessaires en temps de guerre.

L'adoption de la création de ce régiment nouveau entraîne celle des propositions laissées en suspens lors des votes relatifs à l'intendance et au service de santé. Les considérations par lesquelles on demandait une augmentation du nombre des majors d'artillerie de siège nous paraissent indiscutables.

Dans l'organisation qui était proposée, un major d'artillerie de siège aurait eu sous son commandement 540 bouches à feu et près de 4,000 hommes. C'était évidemment un commandement trop considérable pour un seul officier supérieur.

Le rétablissement des batteries de dépôt a été également adopté par la section centrale. Elle s'était, dans son premier rapport, prononcée pour la suppression ; elle avait invoqué surtout des considérations qu'avaient fait valoir les officiers supérieurs de l'artillerie dans la commission mixte de 1851. Mais des raisons analogues à celles qui lui ont fait accepter le maintien des dépôts de cavalerie l'ont décidée à revenir ici sur son appréciation.

En France, il n'y a pas de batteries de dépôt. Mais en temps de guerre les batteries qui restent à l'intérieur sont converties en batteries de dépôt pour celles qu'on emploie dans les armées actives, il s'établit à cet effet un tour de service entre les différentes batteries d'un même régiment ; néanmoins, ce sont autant de batteries considérées actives comme en temps de paix et qui, en temps de guerre, sont réduites à l'immobilité.

Or, il résulte des considérations exprimées par la section centrale dans son premier rapport, que le chiffre de 152 bouches à feu est un minimum en dessous duquel on ne peut descendre et qui doit toujours être immédiatement mobilisable.

Etant démontré que la suppression des batteries de dépôt avait ce résultat, de diminuer considérablement, au moment du danger, le nombre des bouches à feu disponibles, d'amener par conséquent ce que la section centrale voulait surtout éviter, il ne restait à celle-ci qu'à revenir sur une résolution dont on lui démontrait ainsi les inconvénients.

Le système proposé d'abord établissait cinq batteries de réserve ; le système nouveau n'en crée plus que trois, deux des batteries de réserve anciennes devant être converties en batteries de dépôt. La section centrale accepte ce terme moyen proposé par le gouvernement.

Les différents amendements proposés par le gouvernement relativement à l'artillerie se trouvaient ainsi adoptés, sauf la modification que j'ai eu l'honneur de signaler à la Chambre en ce qui concerne les commandants d'artillerie en résidence.

Pour le corps du génie le gouvernement vous proposait l'organisation qui avait été préconisée au sein de la commission mixte ; il se fondait sur les raisons relatées au recueil des procès-verbaux.

Le projet primitif du gouvernement ne créait que deux compagnies spéciales, l'une devant avoir certains emplois particuliers qui ont été énumérés dans notre premier rapport, l'autre devant servir de compagnie d'école.

Dans le système de la commission mixte, la compagnie spéciale demandée par le projet primitif du gouvernement existe également. La compagnie d'école était créée aussi, mais elle devenait en même temps compagnie de dépôt, ce que le projet primitif du gouvernement ne voulait pas.

La grande importance de la modification nouvelle proposée par le gouvernement, réside dans la création de deux compagnies en plus : l'une de pontonniers et l'autre d'ouvriers du génie ; toutes deux exigeaient un supplément de personnel, non seulement pour les cadres, mais aussi en soldats.

La section centrale avait d'abord cru trouver, dans certaines considérations émises au sein de la commission mixte, la preuve qu'aux yeux mêmes du rapporteur du comité militaire ces deux compagnies n'étaient pas indispensables. On lit en effet dans un discours de cet honorable officier général que l'on pourra, pour ce qui concerne le service des pontonniers de l'Escaut, faire appel aux marins qui se trouveront à Anvers pendant le siège, qu'on pourra également tirer de la garnison et de la garde civique mobilisée un grand nombre d'ouvriers d'état. Mais la compagnie de pontonniers et la compagnie d'ouvriers, à la création desquelles l'honorable rapporteur du comité militaire s'opposait par les raisons que nous venons de rappeler, n'étaient, ni la compagnie de pontonniers du génie, ni celle d'ouvriers du génie.

Un examen plus attentif a démontré qu'il avait voulu parler de deux compagnies, l'une de pontonniers, l'autre d'ouvriers, que l'inspecteur général de l'artillerie proposait d'ajouter au personnel de cette arme. En ce point, l'opinion de l'inspecteur général n'était pas partagée par ses collègues du comité militaire.

Mais ce débat était indépendant de celui qui pouvait s'engager sur la création de compagnies nouvelles dépendant de l'arme du génie.

Cédant à ces considérations, la section centrale n'a pas hésité à se rallier ici encore aux propositions nouvelles du gouvernement.

Le premier rapport de la section centrale ne s'était pas occupé des différentes pétitions qui lui ont été renvoyées.

Comblant cette lacune ; elle vient vous proposer le dépôt de ces pétitions sur le bureau pendant la suite de la discussion.

Discussion générale

(page 554) M. Lambertµ. - Si j'avais eu l'honneur de prendre la parole avant l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu, j'aurais commencé mon discours en affirmant qu'il n'était plus possible de discuter que notre situation d'Etat neutre nous impose de défendre le sol de la Belgique contre tout venant.

Hier, messieurs, dans un discours qui attestait une énergie et un talent très grands, cet honorable membre a contesté une proposition qui pour moi était une vérité et qui avait été développée avec un talent et un sentiment, de patriotisme aussi émouvants que remarquables par l'honorable M. Thonissen.

Il n'entre pas dans la carrière que je me propose de parcourir, de rencontrer toute l'argumentation de mon honorable voisin M. Le Hardy. Ce rôle incombe à celui qui a été principalement attaqué, il saura le remplir complètement. Pour moi, si je parle sur le discours de M. Le Hardy, c'est parce que, n'y adhérant point, je puis le résumer en des termes excessivement courts, avant d'entamer le véritable objet sur lequel je veux prendre la parole.

Je pense, messieurs, que l'on peut résumer surtout la première partie du discours de M. Le Hardy, par ces termes : Ou bien vous avez foi dans le traité de 1839 et dans ce cas, vous n'avez pas besoin d'une armée ; ou bien vous n'avez pas foi dans l'efficacité du traité de 1839 et, en ce cas, l'armée que vous voulez organiser, quelque forte qu'elle soit, sera toujours insuffisante pour remplir la tâche que vous voulez lui imposer.

Je crois, messieurs, que la vérité ne se trouve pas dans ces deux propositions, mais qu'elle se trouve sur le terrain milieu.

L'an dernier j'examinais déjà la valeur des traités et je disais : Les traités n'ont qu'une valeur relative, les événements qui s'accumulent peuvent en détruire la force. Mais on doit se tenir en garde pour tâcher de maintenir autant que possible l'efficacité des traités, par la voie du droit soutenue au besoin par les armées.

Ce que je disais l'an dernier a reçu une consécration solennelle et je suis persuadé plus que jamais que, quoique ayant foi dans la justice et l'efficacité des traités, il convient de tenir compte des événements humains qui ne cessent de s'accomplir.

Dernièrement dans un ouvrage périodique, je lisais un écrit d'un publiciste éminent, d'un publiciste doué d'une rare sagacité politique. A propos d'un événement tout récent, de l'invasion des bandes garibaldiennes sur le territoire papal, cet éminent écrivain disait dans la Revue des deux mondes :

a On voit aussi ce que sont devenus les traités à notre époque : de simples et courts expédients transitoires, de minces masques derrière lesquels se cachent un instant l'indolence, la timidité et l'impuissance d'esprit ; ils n'assurent plus aux intérêts de garanties solides et durables de sécurité. Un grand élément d'ordre et de prospérité est enlevé à l'Europe contemporaine par ces maladroits replâtrages qu'il faut sans cesse recommencer. »

Ainsi, messieurs, plus de sécurité proprement dite ; les faits nous ont appris qu'il fallait avoir la force pour faire appel aux traités et les défendre au besoin.

Vous, le voyez, messieurs, comme j'ai eu l'honneur de le dire en commençant, (page 553) la vérité ne se trouve pas dans les deux propositions par lesquelles j'ai résumé le discours de M. Le Hardy, mais elle se trouve sur le terrain milieu, où nous devons nous placer, ayant d'une main le traité qui proclame notre nationalité, et de l'autre indiquant les sacrifices que nous avons faits pour le maintien de notre indépendance.

Donc nous devons nous attacher à remplir les devoirs que les traités nous imposent ; nous devons toujours être en position, dans la mesure de nos forces, de pouvoir repousser ceux qui nous attaqueraient en violation du droit, en violation de la justice.

Messieurs, je puis aborder maintenant l'objet du discours que je me proposais de prononcer sur l'organisation de l'armée.

Hier, vers la fin de la séance, j'ai entendu ces mots adressés à M. le ministre des finances : Vous ferez voter le projet de loi par votre bataillon ministériel.

J'avoue, messieurs, que je ne crains pas de déclarer que j'appartiens au bataillon ministériel ; mais parce que je suis un humble soldat de ce bataillon, je n'abdique pas ma pensée, je n'abdique pas mon indépendance et, comme le disait tout à l'heure l'honorable M. Coomans, nous poursuivons tous le même but, un but honorable, un but patriotique : celui d'être à la hauteur des circonstances dans lesquelles nous nous trouvons. Notre devoir est de rechercher ce que nous croyons être la vérité et de travailler à la faire triompher.

Messieurs, je ne suis pas enthousiaste du projet de loi qui est soumis à vos délibérations ; je le considère comme une de ces nécessités auxquelles il faut obéir, devant lesquelles il faut se courber. Je crois même qu'en m'exprimant de la sorte je ne fais que rendre une pensée qui est généralement partagée.

J'ai examiné ce projet, messieurs, en âme et conscience, je me suis appliqué surtout à rechercher s'il n'allait pas peser trop lourdement sur nos populations, si cette organisation n'allait pas encore surexciter des populations qui, il faut bien le reconnaître, n'ont déjà que trop de charges à supporter.

Ma conviction est qu'on peut les réduire ; et c'est ce que je me propose de démontrer.

On savait généralement que notre armée, organisée en 1838 pour l'accomplissement des événements de 1831, avait une base qu'on peut qualifier de fausse. On savait qu'elle avait été créée sur le modèle d'une armée qui avait pour rôle principal, non la défense du territoire, mais la conquête à l'extérieur.

Le gouvernement, avant le dépôt du projet de loi dont nous nous occupons, s'était préoccupé de cette organisation défectueuse et avait recherché les moyens de corriger cette base fausse que je viens d'indiquer. C'est à cette fin que, tout d'abord, on avait modifié le système de défense générale du pays, en démantelant successivement partie des forteresses disséminées sur le territoire. C'est ainsi qu'ensuite on avait modifié l'organisation de la cavalerie, qu'on avait transformé l'artillerie, qu'on avait enfin muni l'infanterie de fusils nouveaux. Le gouvernement, messieurs, profitait, et avec raison, des changements dans les engins de guerre pour modifier un état de choses qui ne devait pas se perpétuer.

Pour arriver, messieurs, à la transformation complète, il a créé, en 1866, cette commission mixte dont nous avons pu apprécier les longs labeurs ; et la mission dont il chargeait cette commission était parfaitement déterminée. Par la nomination de cette commission, messieurs, le gouvernement corroborait ce fait que j'ai énoncé, à savoir que l'organisation de l'armée n'était pas telle que la situation du pays la réclamait.

Il s'est produit, messieurs, au sein de la commission des faits qui corroborent tout ce que j'ai déjà dit quant à l'organisation de l'armée.

C'est ainsi qu'une de nos sommités militaires, M. le général Eenens, disait :

« L'armée belge a été organisée à une époque où l'on ne se rendait pas compte du rôle militaire qui nous incombait, ni des obligations que nous impose l'observation de la neutralité, qui nous fut garantie par les grandes puissances... C'est ainsi que l'armée belge s'est trouvée représenter en petit l'armée d'une grande puissance, organisée en vue de l'offensive ; l'armée française, par exemple.

« Pénétrés de nos devoirs internationaux, nous comprenons aujourd'hui que nous ne pouvons jamais nous laisser entraîner à une agression contre nos voisins, soit isolément, soit en compagnie de quelque autre puissance. La conclusion de ceci c'est que notre armée ne doit pas être organisée en vue de porter la guerre dehors. »

Une autre autorité militaire, messieurs, précisait l'idée de M. le général Eenens, et après l'avoir développée, il ajoutait :

« Résumons ce qui précède en disant que, pour avoir une armée dont l'organisation doit répondre à toutes les éventualités, il y a lieu de modifier l'état actuel des choses, et que l'armée appelée à garantir notre défense nationale devrait comprendre. :

« 1° Une armée permanente avec adjonction de corps de volontaires et éventuellement de gardes civiques.

« 2° Une armée de réserve, avec adjonction éventuelle de gardes civiques. »

J'ai tenu, messieurs, à vous citer textuellement les paroles de ces autorités militaires, parce qu'elles ont pour moi une importance excessive. Je ne puis pas comprendre qu'elles auraient tenu ce langage sans en comprendre toute la portée. Il faut donc, d'après ces autorités, d'abord une armée permanente pour défendre, le cas échéant, notre territoire, et ensuite une armée de réserve.

Si j'ai bien analyse les travaux de la commission, cette idée a été le germe de ses conclusions que l'on peut résumer de la sorte : Il faut une armée permanente et active de 60,000 hommes au moins, et il faut une armée de réserve de 40,000 hommes.

Ces conclusions deviennent mes prémisses à moi, et je dis : Comment se fait-il qu'au lieu de nous présenter un projet de loi portant organisation d'une armée permanente et active de 60,000 combattants, au lieu de nous présenter un projet de loi créant une armée de réserve de 40,000 hommes, on nous propose un projet d'organisation qui ne comporte qu'une armée active et permanente de 10 levées annuelles de 11,000 à 12,000 hommes.

Vous comprenez, messieurs, à l'instant même l'importance de mon observation ; c'est que si vous créez une armée permanente et active composée de 10 levées de 11,000 à 12,000 hommes, vous allez augmentez considérablement les charges du pays quant au service militaire ; tandis que si, suivant la ligne de conduite qui est tracée dans les travaux de la commission, vous créez une armée active, et permanente destinée à défendre énergiquement le territoire, avant de se renfermer dans le réduit d'Anvers, vous pouvez alors créer une armée de réserve de 40,000 hommes, astreinte à un service bien moins long.

En effet, dans une de nos séances précédentes, l'honorable ministre de la guerre, interrogé, a répondu : je prends 2,000 hommes de plus par année, 1,000 hommes pour l'armée active, et 1,000 hommes pour la réserve, ne servant que 7 mois.

Eh bien, je crois qu'en créant une armée de cette façon, nous arrivons précisément à maintenir et même à renforcer le vice originel signalé au sein de la commission.

Nous sommes exactement aujourd'hui dans la position qui avait été signalée par l'honorable général Eenens dans la grande commission mixte, c'est-à dire que nous aurons encore une armée constituée plutôt pour l'offensive que pour la défensive, et que les charges à résulter de cette organisation seront plus lourdes pour le pays que celles que la nouvelle organisation française elle-même imposera à nos voisins, organisation qui a cependant suscité tant d'alarmes, tant d'inquiétudes et tant de réclamations.

Messieurs, de quoi se compose l'armée active française créée par la nouvelle loi ? Elle se compose de levées formant 800,000 hommes, c'est-à-dire que si vous donnez à la France une population de 40,000,000, c'est beaucoup moins que 20,000 hommes par million d'habitants, tandis que nous allons prendre 10 levées consécutives de 11,000 à 12,000 hommes sur une population de 5 millions d'âmes ; nous prendrons, par conséquent, chaque année à la partie virile de la population, des classes laborieuses ; nous enlevons à la famille, au travail, plus de 100,000 hommes pour en former l'armée, soit 20,000 hommes par million d'habitants.

Eh bien, c'est contre ce système que je m'élèverai, s'il n'est pas prouvé que je me trompe dans mon appréciation, s'il n'est pas établi que le sacrifice demandé par le gouvernaient est indispensable.

Ne pouvons-nous satisfaire à tous les besoins de la défense du pays, tels qu'ils ont été exposés par les sommités militaires de la Belgique, tels qu'ils ont été appréciés par la grande commission ? Ne pouvons-nous satisfaire à ces besoins au moyen d'une armée double, et ainsi nous dispenser de grever d'une façon si lourde le pays par ses levées annuelles ?

Messieurs, je disais tout à l'heure que rien n'empêchait de créer une forte réserve, au moyen du contingent annuel, même en n’exigeant de cette réserve qu'un service momentané.

C'est une vérité attestée pour moi par le gouvernement lui-même, je n'ai pas la prétention de me poser en organisateur d'armée ; mais je demande tout au moins qu'on m'explique pourquoi, lorsqu'on dit ; Je prends (page 554) 1,000 hommes par année qui ne serviront que 6 ou 7 mois, et cela pour former ma réserve ; pourquoi on ne pourrait pas constituer de cette façon, non pas 1,000 hommes, mais 10,000, 20,000, 30,000 hommes, enfin toute l'armée de réserve dont on a besoin ?

J'avoue que je ne m'explique pas pourquoi on n'emploie pas ce mode. Ce qui est bon pour mille hommes doit être également bon pour une quotité double, triple, quadruple, etc.

Messieurs, j'aborde maintenant la discussion, en ce qui concerne les divers systèmes qui se sont fait jour jusqu'à présent dans cette enceinte.

Je me propose d'examiner si les exemples qu'on a cités sont applicables à notre pays.

Il me semble, messieurs, qu'en matière de défense d'un territoire, il n'y a pas de principes absolus ; il n'y a que des applications aux besoins de la défense particulière de chaque Etat. La raison en est simple : c'est que chaque pays diffère essentiellement. L'un a des aspects montagneux accidentés ; l'autre, au contraire, présente des plaines fertiles largement ouvertes ; dès lors on conçoit qu'il n'est pas possible d'appliquer d'une manière absolue les règles qui sont adoptées pour la défense de tel ou tel pays.

Aussi je m'élève, malgré moi, contre l'exemple de la Suisse qu'on nous convie à suivre.

Messieurs, la position des deux pays est-elle comparable ? Le passé ne nous enseigne-t-il pas qu'il y a une différence énorme entre la Suisse et la Belgique.

La Suisse peut, à l'aide d'une armés quasi citoyenne, défendre facilement ses montagnes, ses glaciers, ses lacs, ses torrents.

On vous a montré un exemple des combats qui pouvaient avoir lieu dans des pays aussi accidentés.

Lorsque les troupes russes, qui avaient remporté.de nombreuses victoires dans les plaines italiennes, ont pénétré en Suisse en 1799, elles ont succombé contre les soldats épars de Masséna et de Lecourbe.

On conçoit parfaitement bien qu'il n'y ait pas besoin d'une organisation militaire complète, de celle nécessaire pour lutter en plaine, lorsqu'il ne s'agit que de se mettre à l'abri des rochers et des arbres pour tirer sur l'ennemi et le faire tomber dans les torrents.

Mais nous, sommes-nous dans cette position ? N'avons-nous pas appris au contraire à nos dépens que notre pays, largement ouvert, a été presque toujours le lieu où l'on s'est rendu pour vider les luttes sanglantes ? L'histoire ne nous l'a enseigné que trop souvent !..

Est-ce que la Suisse a été l'objet des convoitises dont la Belgique a été sans cesse la victime ? La Suisse est un pays que personne n'ambitionne comme possession, comme conquête. Consultez encore l'histoire : depuis la folle tentative de Charles le Téméraire, qui a songé à conquérir, la Suisse ? Quelles sont les armées qui y ont pénétré ?

On citera deux exemples ; j'en ai déjà rapporté un, et c'était un véritable accident de guerre. Les troupes qui ont pénétré en Suisse en 1799 avaient uniquement pour but de gagner le territoire français ; et si, en 1814, une partie de l'armée des alliés y a pénétré, c'est encore par un accident de guerre, qui était précisément une violation d'un traité auquel Napoléon s'était témérairement fié, croyant encore à la puissance de son nom.

Mais nous, quelle différence ? Est-ce que toujours nous n'avons pas été l'objet de toutes les convoitises ? et cela s'explique ; c'est que, par une faveur providentielle, nous avons un pays qui fait l'envie de tous ; nous avons un littoral, nous avons de grands fleuves ; nous avons des plaines fertiles ; nous avons des richesses immenses enfouies dans la terre, et l'on comprend très bien que nous soyons convoités, puisque nous serions un complément bien désiré pour les puissances auxquelles manquent tant d'avantages.

C'est ce qui explique tout naturellement la différence de situation entre nous et la Suisse.

Nous avons donc à soigner de beaucoup plus très nos intérêts ; nous avons à veiller bien davantage ! et il s'agit de savoir si, dans les conditions que je viens de décrire, une année constituée comme celle de la Suisse suffirait aux besoins de notre défense. Voilà le point à examiner lorsqu'on invoque le système suisse.

D’ailleurs où ce système a-t-il fait ses preuves ? Il n'a pas eu jusqu'ici occasion de se montrer. Mais il est de toute évidence, c'est un point qu'on ne peut pas sérieusement contester qu'une armée constituée comme celle de la Suisse se trouvant, dans nos plaines, l'objet d'une attaque furieuse d'une grande armée, quelle que fût sa valeur native, ne tarderait pas à succomber.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Et Neuchâtel.

M. Lambertµ. - Vous me citez le fait de Neuchâtel. Il est malheureux, permettez-moi de vous le dire.

Le fait de Neuchâtel n'a pas fait brûler une charge de poudre, et nous discutons la valeur d'une armée se battant ou pouvant se battre. L'événement de Neuchâtel a été une véritable échauffourée, rien de plus. On a évoqué une espèce de droit sur ce qu'on appelait la principauté de Neuchâtel. Des rassemblements commandés par un officier prussien se sont précipités sur cette partie de la Suisse. La Suisse s'est émue, la diplomatie s'est émue et les Prussiens se sont retirés.

Ce fait ne prouve absolument rien quant à la force de l'armée suisse. Je ne dis pas que celle-ci ne vaut rien, qu'elle ne remplirait pas sa tâche au jour du danger. Je discute la question de savoir si son organisation est suffisante pour nous et je réponds négativement.

On a parlé aussi du système prussien, je repousse également ce système que je considère comme très dur pour les populations.

S'il était implanté chez nous, je crois qu'il élèverait de bien plus vives plaintes que n'en suscite le système de la conscription. C'est alors seulement que nous arriveraient les plaintes des mères et des enfants. C'est alors seulement qu'il faudrait tâcher de trouver du pain pour les familles qui en manqueraient par la privation de leurs soutiens.

Le système prussien a pour nous les mêmes inconvénients que le système suisse, puisqu'il appelle toutes les populations sous les armes. Nous répudions le système français qui est moins dur et nous voudrions adopter le système prussien, qui écraserait toutes nos populations.

Et pourquoi réclamerait-on ce système ? Le système prussien est organisé au point de vue de la conquête, les faits le prouvent. Nous, nous voulons une armée qui défende notre territoire et rien de plus, et l'on nous sollicite d'adopter le système prussien qui vient de faire des rudes preuves dans les champs de la Bohême et à Sadowa. Ce serait reculer au lieu d'avancer, au point de vue des désirs de nos populations.

Nos populations consentent à faire des sacrifices pour la défense du territoire. Mais il faut que la somme de ces sacrifices ne dépasse pas la force du pays ; il faut les renfermer dans une juste mesure, et la mesure serait dépassée si l'on adoptait le système prussien.

Mais, messieurs, nous avons notre système ; nous avons le système belge ; restons-y fidèles, sauf à y apporter les améliorations dont il est susceptible. L'honorable M. Van Overloop nous a parfaitement prouvé que cette infâme loterie dont on parle était en définitive le meilleur moyen possible de former notre armée. Et pourquoi ? C'est que, contrairement au système prussien, s'il y a loterie, il y a de bons numéros, tandis qu'avec le système prussien il n'y en a que de mauvais ; et les bons numéros se distribuent en faveur des classes laborieuses comme en faveur des classes riches ; chacun y vient puiser et paye ensuite sa dette à la patrie.

Je ne vois pas ce qu'il y a d'injuste dans ce système. Qu'on le réduise, qu'on l'allège le plus possible ; voilà le vrai. Mais il est de toute évidence que ce système n'a rien d'exorbitant. Les nombreuses pétitions qui nous arrivent ne prouvent pas, à mes yeux, que les populations voudraient changer de système. Messieurs, on fait toujours des pétitions, et l'on en fait faire tant qu'on veut. Ici, comme on l'a dit souvent dans cette enceinte, on demande par le pétitionnement l'abolition de la conscription. Mais certainement il y a des gens qui y souscriraient bien volontiers comme beaucoup de gens souscriraient volontiers à l'abolition des impôts. Ce sont de ces mouvements qui ne doivent pas influencer sur nos libres délibérations. Nous devons rester le mandataires du pays et apprécier ce que ses besoins demandent avec justice et avec sévérité.

C'est pour cela, comme je le disais tout à l'heure, que nous devons nous employer autant que possible à améliorer le projet de loi que nous discutons. Pour moi, je verrais une grande amélioration dans la création d'une armée de réserve à côté d'une armée active et permanente. Je voudrais que cette armée fût formée à l'aide du tirage au sort. Je voudrais que cette armée contînt des miliciens qui ne serviraient que l'espace de temps fixé par le gouvernement. Faut-il donc absolument qu'un fantassin serve au minimum deux à trois ans ? Faut-il absolument cinq ans pour former un cavalier, quatre à cinq ans pour former un artilleur ? Mais j'invoquerai ici le système prussien.

Cette fameuse campagne de Bohême, cette victoire de Sadowa, qui l'a remportée ? Précisément des soldats qui en majeure partie n'avaient pas plus de deux ans de service.

- Un membre. - C'est une erreur.

M. Lambert. — Oh ! je sais fort bien que la durée du service dans l'armée active est de sept ans, mais en Prusse, c'est comme en Belgique ; (page 555) de ce que nos miliciens peuvent être appelés pendant dix ans sous les armes, il n'en résulte pas qu'ils y restent pendant dix ans.

La grande manifestation des chambres prussiennes, d'où provenait-elle ? De ce que la durée du service était portée de 2 à 3 ans. Mais il reste vrai que cette fameuse bataille de Sadowa, on l'a livrée avec des soldats qui n'avaient que 2 ou 3 ans de service actif.

Si en Prusse on a pu accomplir une conquête aussi immense c'est avec des soldats ayant 2 ou 3 ans de service actif, rentrant, il est vrai, dans l'armée active, en cas de guerre, mais la conséquence certaine est que nous pouvons nous contenter de retenir nos soldats pendant le temps réglé par la Prusse, puissance conquérante.

Il doit donc étre prouvé que nous, simple Etat neutre, nous pouvons ramener la durée du service actif à 18 mois comme maximum, ainsi que le disait l'honorable M. de Maere. Soyez-en bien persuadés, messieurs, si nous apportions à nos populations une loi dans le sens de ce que je viens d'indiquer, à l'instant même on verrait cesser toutes ces pétitions par lesquelles on demande la suppression du tirage au sort.

Messieurs, je réserve mon appréciation. Je n'entends pas me lier, je veux examiner les réponses qui me seront données et alors je prendrai de nouveau la parole.

Toutefois et pour finir, je répéterai : Je ne suis pas un organisateur d'armée. J'ai émis mon opinion en âme et conscience. S'il est prouvé qu'elle est erronée, je ne la maintiendrai point.

Cette preuve je la sollicite.

(page 540) - La séance est levée.