Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Documentation Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 18 décembre 1867

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1867-1868)

(Présidence de M. Dolezµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 351) M. de Moor, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à 2 1/4 heures.

M. Van Humbeeck, secrétaireµ, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Moor, secrétaireµ, présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« La veuve Vercleren se plaint d'être en butte à des tracasseries de la part de la police de Bruxelles. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Masquelin demande l'établissement d'autant de collèges électoraux qu'il y a de membres à élire dans l'une et l'autre Chambre. »

- Même renvoi.


« Le sieur Brenier demande que le juge de paix du canton sud de Namur cesse de cumuler ses fonctions avec celles d'inspecteur cantonal de l'enseignement primaire. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal de Mabompré prie la Chambre d'accorder à la compagnie Forcade la garantie d'un minimum d'intérêt pour la construction d'un chemin de fer traversant la province de Luxembourg du S.-O. au N.-E. »

« Même demande du conseil communal de Cherain. »

- Même renvoi.


« Des habitants de Bruxelles demandent le prompt achèvement de la station du Midi. »

- Même renvoi.


« Des propriétaires de la commune de Vedrin réclament l'intervention de la Chambre pour que la compagnie du chemin de fer de Tamines à Landen achève promptement l’embranchement de Namur à Geest-Gérompont ou bien qu’on restitue les terrains qui lui ont été cédés pour cet embranchement. »

- Même renvoi.

M. Moncheurµ. - J'appuie cette pétition qui est parfaitement fondée, et afin que des pétitions semblables n'affluent pas trop à la Chambre, je crois utile de déclarer ici que, depuis le rapport que j'ai eu l'honneur de faire à la Chambre la semaine dernière, des habitants d'Eghezée concernant l'achèvement du chemin de fer de Namur à Geest-Gérompont, j'ai acquis la conviction que si la nouvelle administration de la société de Tamiues à Landen n'a rien produit jusqu'à présent en fait de travaux matériels sur la ligne, elle s'est livrée à un travail aussi actif qu'ardu au point de vue de la situation financière de cette société. C'est même à ce travail qu'on devra la reprise prochaine des ouvrages entrepris.

Je crois donc, messieurs, que les populations intéressées peuvent se rassurer et attendre l’effet de ce travail.


« Des habitants d'Oostnieukerkc prient la Chambre de rejeter le projet de loi sur la milice et de ramener le chiffre du budget de la guerre à vingt-cinq millions. »

- Renvoi aux sections centrales chargées d'examiner le projet de loi sur la milice et le budget de la guerre.


< Le sieur Du jardin Lummens propose de réduire à cinq centimes la taxe des lettres du poids de dix grammes et moins, originaires et à destination de la même commune ou de ses faubourgs et d'étendre à dix lieues le rayon fixé pour les lettres simples. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi concernant le régime postal.


« La chambre de commerce de Roulers adresse deux exemplaires du rapport général sur la situation de l'industrie, du commerce et de l'agriculture de son ressort. »

- Dépôt à la bibliothèque.

Projet de loi régularisant des crédits ouverts d’office et d’urgence au budget du ministère de la guerre

Rapport de la section centrale

M. Vleminckx. — J'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la commission qui a examiné le projet de loi relatif à la régularisation des crédits supplémentaires et extraordinaires qui ont été ouverts d'office et d'urgence au département de la guerre sur les exercices 1867 et 1868.

- Ce rapport sera imprimé et distribué.

M. le président. - Je propose à la Chambre de mettre ce projet à la suite de l'ordre du jour.

- Adopté.

Projet de loi d’organisation judiciaire

Motion d’ordre

M. Orts. - Après le vote des premiers articles du projet de loi de réorganisation judiciaire, la Chambre a été saisie d'un grand nombre de pétitions émanées de greffiers de justice de paix qui réclament contre les dispositions de l'article 14, voté par la Chambre. Ces pétitionnaires demandent qu'ils soient autorisés à faire des ventes non seulement au comptant, comme le porte le projet, mais encore à terme.

Ces pétitions ont été renvoyées à la commission d'organisation judiciaire par différents votes de la Chambre à mesure qu'elles se présentaient ; d'un autre côté, un grand nombre de notaires et notamment la chambre des notaires de Nivelles et d'autres ont adressé des pétitions en sens inverse, et le même renvoi a été prononcé.

Au nom de la commission d'organisation judiciaire, je propose le dépôt de ces pétitions sur le bureau pendant la discussion et le second, vole du projet de loi d'organisation judiciaire.

M. Maghermanµ. - Lors de la discussion de l'article 14, j'ai signalé à la Chambre l'inconvénient d'insérer les mots : « au comptant » en ce qui concerne...

M. Bouvierµ. - C'est le fond, cela.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je demande la parole pour une motion d'ordre.

M. Maghermanµ. - L'honorable M. Orts, rapporteur du projet de loi...

M. le président. - Vous discutez le fond, M. Magherman.

M. Maghermanµ. - Je ne parle du fond qu'incidemment. Mais...

M. le président. - Il s'agit maintenant de décider si l'on déposera sur le bureau, pendant la discussion et le second vote, les pétitions sur lesquelles M. Orts vient de faire rapport.

M. Maghermanµ. - Il faut cependant que la conclusion de l'honorable rapporteur ait quelque chose de pratique. M. le ministre de la justice a annoncé, si je ne me trompe, l'intention de revenir sur cet article.

Effectivement, le vote que la Chambre a émis était fondé sur une erreur de fait et sur une erreur de droit ; erreur de fait, en ce que l'honorable rapporteur alléguait que l'insertion des mois « au comptant » ne consacrait que ce qui existait en réalité ; erreur de droit en ce qu'il invoquait, en faveur de son soutènement, la loi du 12 pluviôse au VII.

- Plusieurs membres. - Cet le fond.

M. Maghermanµ. - Je vais conclure. L'honorable ministre a annoncé l'intention de revenir sur cet article... (Interruption.)

M. le président. - Veuillez conclure, M. Magherman.

M. Maghermanµ. - Nous allons aborder le second vote.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Attendez que nous y soyons.

(page 352) M. Maghermanµ. - Je demanderai si M. le ministre proposera la suppression des mots « au comptant ».

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Quand nous serons au second vote, vous verrez.

Projet de loi fixant provisoirement le chiffre du contingent et de la levée de la milice pour l’année 1868

Rapport de la section centrale

M. Van Humbeeck. - Au nom de la section centrale qui est chargée d'examiner le projet de loi sur le contingent de l'armée, j'ai l'honneur de déposer un premier rapport tendant à soumettre à la Chambre la proposition de voter provisoirement une disposition qui fixe, pour l'année 1868,1e chiffre du contingent de l'armée et celui de la levée de la milice aux chiffres adoptés pour les années précédentes.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et le met à l'ordre du jour de demain.

Projet de loi allouant un crédit au budget du ministère des finances

Rapport de la section centrale

M. Jonetµ. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale sur le projet de loi ouvrant un crédit de 75,000 francs au ministère des finances destiné au service de l'administration de la caisse générale d'épargne et de retraite.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et met le projeta l'ordre du jour.

Projet de loi ouvrant des crédits provisoires

Discussion générale

M. le président. - La discussion générale est ouverte.

M. Coomans. - Le crédit qui nous est demandé pour le département de la guerre est supérieur à celui qui a été proposé et voté l'année dernière.

Je crois que si nous acceptons la décision qui vient de nous être proposée au nom de la section centrale qui a examiné le projet de loi sur le contingent de l'armée, nous ne devons rien préjuger non plus pour le budget de la guerre. Je pense donc qu'il faut réduire le chiffre de 9 millions à celui qui a été voté comme crédit provisoire pour 1868.

M. Vleminckxµ. - Messieurs, je pense qu'au lieu de réduire le crédit provisoire sollicité pour le service du département de la guerre, on peut demander au gouvernement s'il est bien entendu que les dépenses qui seront faites pendant le premier trimestre de 1868 seront réglées purement et simplement d'après le budget voté pour l'année 1867.

M. Coomans. - C'est, au fond, ma pensée.

M. Vleminckxµ. - Si le gouvernement fait cette déclaration, il n'est pas nécessaire de réduire le chiffre qui nous est proposé.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Messieurs, je crois pouvoir répondre affirmativement à la question que vient de poser l'honorable M. Vleminckx. Il est évident que le département de la guerre ne créera pas de nouvelles dépenses pendant le premier trimestre de 1868, et qu'il se renfermera dans les limites du budget voté pour l'exercice 1867.

Ce crédit provisoire est du reste demandé sous toutes réserves des décisions qui pourront être prises ultérieurement par la législature.

M. Coomans. - L'honorable ministre de l'intérieur dit que cela est évident ; j'aime à l'apprendre de sa bouche ; antérieurement cela n'était pas évident ; le gouvernement s'est permis pendant deux ans de dépenser plus de sept millions sans l'autorisation de la Chambre. Il est donc entendu que cette dépense arbitraire ne se reproduira pas pendant les premiers mois de 1868.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Messieurs, il n'y a rien de commun entre le crédit provisoire demandé et les dépenses extraordinaires dont parle M. Coomans et qui ont été faites par le gouvernement, en vue des événements qui se sont produits à l'extérieur, alors que le budget de la guerre était voté. Si je ne me trompe, c'est là une affaire toute différente et sur laquelle le gouvernement s'expliquera, lors de la discussion des crédits extraordinaires auxquels l'honorable M. Coomans a fait allusion.

- La discussion générale est close. La Chambre passe aux articles.

Discussion des articles

Articles 1 et 2

« Art. 1er. Des crédits provisoires à valoir sur les budgets des dépenses de l'exercice 1868, sont ouverts :

« 1° Au département de l'intérieur : fr. 4,000,000. »

- Adopté.

« 2° Au département des travaux publics : fr. 10,000,000. »

- Adopté.

« 3° Au département de la guerre : fr. 9,000,000. »

- Adopté.

« L'ensemble de l'article (au total de 23,000,000 de francs) est mis aux voix et adopté, »


« Art. 2. La présente loi sera obligatoire le 1er janvier 1868/ »

- Adopté.

Vote sur l’ensemble

Il est procède au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi.

88 membres répondent à l'appel nominal.

79 répondent oui.

8 répondent non.

1 (M. Le Hardy de Beaulieu) s'abstient.

En conséquence, le projet de loi est adopté.

Il sera transmis au Sénat.

Ont répondu oui :

MM. Moncheur, Moreau, Mouton, Muller, Nélis, Orban, Orts, Pirmez, Royer de Behr, Sabatier, Tack, Thonissen, T'Serstevens, Valckenaere, Van Cromphaut, Alphonse Vandenpeereboom, Ernest Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vander Maesen, Van Hoorde, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Overloop, Van Renynghe, Vermeire, Vilain XIIII, Vleminckx, Warocqué, Wasseige, Watteeu, Allard, Ansiau, Bara, Beeckman, Bouvier-Evenepoel, Braconier, Bricoult, Broustin, Bruneau, Carlier, Crombez, de Baillet-Latour, de Brouckere, De Fré, de Kerchove de Denterghem, Eugène de Kerckhove, Delcour, d'Elhoungne, de Liedekerke, de Macar, de Maere, de Moor, de Muelenaere, de Naeyer, de Rossius, Descamps, de Smedt, de Terbecq, de Theux, Dethuin, de Vrière, Dewandre, de Woelmont, de Zerezo de Tejada, Dumortier, Elias, Funck, Hagemans, Jacquemyns, Jamar, Jonet, Jouret, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Lambert, Lange, Lippens, Magherman et Dolez.

Ont répondu non :

MM. Reynaert, Coomans, David, de Coninck, Delaet, Gerrits, Hayez et Jacobs.

M. le président. - Le membre qui s'est abstenu est invité à faire connaître les motifs de son abstention.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Messieurs, je n'ai pas voté le projet de loi, parce que je considère les crédits provisoires comme inconstitutionnels ou tout au moins comme très irréguliers.

Je n'ai pas voulu voter contre le projet, parce que je suis obligé de reconnaître que ce n'est pas dans l'état où se trouve l'étude de la question militaire qu'il était possible de voter le budget de la guerre.

Projet de loi d’organisation judiciaire

Second vote des articles

M. le président. - L'ordre du jour appelait en second lieu la suite de la discussion sur le régime postal. Mais M. le ministre des travaux publics, dont la Chambre avait déjà pu constater l'état de souffrance à la séance d'hier, m'a écrit qu'il lui était impossible d'assister à vos travaux aujourd'hui.

Il demande que, provisoirement, la continuation de la discussion de ce projet soit remise à demain.

Nous avons maintenant à procéder au vote définitif du projet de loi d'organisation judiciaire.

Article 14

M. Thonissenµ. - Je demande la parole pour une motion d'ordre.

Tout à l'heure, l'honorable M. Orts a fait un rapport sur plusieurs pétitions de notaires et de greffiers, parvenues à la Chambre. Il me semble que les conclusions de ce rapport sont susceptibles d'être discutées immédiatement. Avant donc qu'on aborde la discussion des articles, je demande un instant la parole pour les examiner.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Il a été entendu, lors du premier vote, qu'au second vote on pourrait revenir sur l'article 14.

Je viens proposer de supprimer les mots : « au comptant », de telle sorte que les greffiers pourront faire des ventes au comptant et des ventes à crédit.

M. Thonissenµ. - Il me semble que nous ferions bien d'aller plus loin que l'honorable ministre de la justice. Il demande la suppression des mois « au comptant. » Je crois qu'il vaudrait mieux supprimer purement et simplement l'article 14 ; et voici les raisons sur lesquelles j'appuie mon opinion.

D’abord, je ne vois pas le motif pour lequel on parle de ventes mobilières dans une loi d'organisation judiciaire. La matière des ventes mobilières est aujourd'hui réglée par une législation spéciale, passablement compliquée, et notamment par les lois du 21 juillet 1790, du 7 septembre 1793 et du 22 pluviôse an VII. D'après ces trois lois, les ventes mobilières peuvent se faire concurremment par les notaires, par les greffiers et par les huissiers.

La loi que nous discutons s'occupe des greffiers des justices de paix, des greffiers des tribunaux de première instance, des greffiers des tribu-aux de commerce, des greffiers des cours d'appel et même des (page 353) greffiers de la cour de cassation. Or, on ne parle, par rapport mx ventes mobilières, que des seuls greffiers attachés aux justices de paix.

Je voudrais savoir dans quel but on fait une exception pour ces fonctionnaires seuls. Si l'on veut maintenir purement et simplement les lois existantes, l'article 14 est inutile. Si, au contraire, il est question de changer la législation actuelle, je prierai M. le ministre de la justice de vouloir bien m'indiquer avec précision quelles modifications on désire y apporter par le texte de l'article 14.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Aucune.

M. Thonissenµ. - Mais alors l'article est complètement inutile. Bien plus, son maintien pourrait produire des inconvénients. Comme, ainsi que je viens de le dire, l'article 14 ne parle que des seuls greffiers des justices de paix, on se demandera quel changement on a voulu faire subir à la position des autres greffiers qui, d'après la législation existante, se trouvent exactement, par rapport aux ventes mobilières, sur la même ligne.

Il serait infiniment préférable, messieurs, de ne point parler des ventes mobilières dans la loi actuelle. La législation sur les ventes mobilières, passablement compliquée, comme je l'ai dit, a donné lieu à de nombreuses controverses ; elle divise les cours d'appel, et elle a même produit, sur plus d'un point, deux jurisprudences diamétralement opposées, devant les cours de cassation de Belgique et de France. Si l'on voulait y toucher, on pourrait résoudre des difficultés bien plus sérieuses que celle prévue à l'article 14, et notamment les deux questions suivantes :

1° Les greffiers peuvent ils vendre les récoltes sur pied, les bois taillis, les arbres encore debout, les constructions à démolir, etc. ?

2° Quelle est la foi due aux procès-verbaux des actes de vente d'effets mobiliers dressés par les greffiers ?

Supprimons complètement l'article 14. Laissons provisoirement debout ce qui existe, et que le gouvernement, dans la plénitude de sa liberté et de sa responsabilité, examine s'il convient ou non de modifier les lois qui régissent actuellement les ventes mobilières. Je le prierai seulement d'enlever aux greffiers, à tous les degrés de la hiérarchie, le droit de faire des ventes mobilières. Je puis faire valoir à cet égard des motifs de droit et des motifs de fait.

En droit, cette attribution donnée aux greffiers constitue une véritable anomalie dans l'ensemble de notre législation. Suivant les lois du 20 mars 1791, du 24 vendémiaire an III, du 25 ventôse an XI, les fonctions de greffier sont radicalement incompatibles avec celles de notaire, et la même règle est consacrée par l'article 174 de la loi que nous discutons. Or, messieurs, les trois lois que j'ai citées au début de mon discours rangent formellement parmi les fonctions des notaires les ventes de meubles et d'effets mobiliers. Il y a là au moins une incohérence à faire disparaître.

En fait, il y a, messieurs, des considérations d'un ordre très élevé qui s'opposent à ce que les greffiers puissent faire des ventes d'une nature quelconque.

Consacrant une règle à laquelle j'applaudis hautement, l'article 224 de la loi que nous examinons porte que désormais les émoluments des greffiers seront recouvrés par les receveurs de l'enregistrement.

Pourquoi adopte-t-on cette modification ? C'est évidemment pour sauvegarder la dignité des greffiers, dignité qui touche à celle des juges et qu'il importe de protéger, dans l'intérêt même du prestige dont la justice doit, être entourée.

Or, n'est-il pas clair comme le jour, que votre but ne sera jamais atteint, aussi longtemps que les greffes des justices de paix continueront à être, comme aujourd'hui, dans une foule de cantons, de véritables cabinets d'affaires ?

D'après l'article 157 de la loi actuelle, comme d'après les lois antérieures, il faut que le greffier soit présent à tous les actes du ministère du juge de paix. Il n'y a d'exception que pour les lois d'urgence.

Ne convient-il pas à tous égards, que ce greffier, obligatoirement présent à tous les actes du juge de paix, soit désintéressé à l'égard de toutes les personnes qui se présentent devant le tribunal ? N'y a-t-il aucun inconvénient à ce qu'il puisse voir dans les uns des clients, des bienfaiteurs, des hommes qui lui font gagner de l'argent, et dans les autres des personnes qui ne lui procurent aucun bénéfice ?

C'est un sujet délicat, je le sais. Je ne veux rien insinuer, je ne veux formuler aucune espèce d'accusation directe ou indirecte. Je me borne à dire que le prestige de la justice demande que tous ceux qui participent à l'exercice du pouvoir judiciaire soient toujours complètement désintéressés.

Je conclus en demandant de nouveau la suppression de l'article 14, en laissant au gouvernement le soin de procéder à une révision complète des lois aujourd'hui applicables aux ventes mobilières.

Je prie, dans tous les cas, M. le ministre de me dire pourquoi, dans le texte de l'article 14, on ne parle que des greffiers de justice de paix et qu'on passe sous silence les greffiers des autres tribunaux, qui tous, remarquez-le bien, ont le droit de faire des ventes mobilières.

M. Broustinµ. - Messieurs, l’article 14 renferme encore une autre disposition ; c’est celle qui autorise les greffiers de justice de paix à faire les prisées.

Ce droit a toujours appartenu aux greffiers, aux notaires et aux huissiers. En France, il appartient exclusivement, dans certains cas, aux commissaires-priseurs.

Je me demandais également comment il se faisait que cette attribution de faire les prisées était introduite dans cette loi à propos des greffiers de justice de paix, alors que ce droit préexistait pour eux. Je ne vois pas pourquoi l'on ferait une disposition toute spéciale pour les greffiers de justice de paix, tandis qu'on ne parle pas des huissiers dont s'occupe cependant la loi d'organisation judiciaire.

L'introduction de l'article 14, comme l'a très bien dit l'honorable préopinant, tend à établir un droit unique en faveur de ces officiers et semble exclure de ce droit les notaires et les huissiers. Je suis parfaitement de l'avis de l'honorable préopinant qu'il vaudrait mieux distraire cette disposition de la loi que de la laisser subsister. Elle ne pourrait que provoquer des conflits. L'opinion de l'honorable membre que les greffiers en général ont ce droit, me paraît erronée en ce sens que toujours les greffiers de justice de paix seuls, et non les greffiers de première instance et d'appel, ont été appelés à user de ce droit. Mais le droit est en faveur des tribunaux de commerce et ils en usaient largement.

Depuis les modifications apportées au code de commerce français, ils n'ont plus exercé ce droit.

M. d'Elhoungneµ. - C'est une erreur.

M. Broustinµ. - Je ne reviendrai pas sur les motifs donnés par l'honorable préopinant contre l'introduction d'une disposition exceptionnelle dans la loi actuelle. Je m'y réfère.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Du moment que tout le monde est d'accord, je ne vois pas de raison de maintenir l'article 14.

Les greffiers de justice de paix avaient autrefois le droit de faire des veilles au comptant, et à crédit. Ce droit résultait, je le veux bien, d'un article dont on a contesté la portée. Mais il y avait une jurisprudence qui leur permettait de faire les ventes mobilières. Cette jurisprudence est basée sur un arrêt de la cour d'appel de Gand de 1845. Les greffiers ont donc réclamé lorsqu'on a inséré dans la loi les mots « au comptant », ce qui rend leur droit de procéder à des ventes mobilières complétement illusoire ; ils ont demandé le rétablissement de l'ancien état de choses.

Le gouvernement a vérifié si réellement l'article 14, tel qu'il est modifié, maintenait l'ancien état de choses et il s'est convaincu qu'il n'en était rien, qu'une erreur avait été commise à cet égard, erreur que la section centrale avait partagée.

M. Orts. - Parce que le gouvernement l'avait faite.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - .... Ou plutôt parte que la commission d'organisation judiciaire l'avait commise.

M. Bouvierµ. - Peu importe.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Il y avait donc erreur. Eh bien, si l’on est d’accord pour maintenir l’ancien état de choses, je ne m’oppose pas à la suppression de l’article 14.

- L'article 14 est supprimé.

Article 2

M. le ministre de la justice (M. Bara). - A l'article 2 la Chambre a réservé son vote sur le tableau qui se rattache à cet article.

Depuis la première impression du tableau, des modifications sont survenues ; il y a lieu de les y consigner.

A la page 43 il faut remplacer Ellezelles par Flobecq ; à la page 45, au lieu d’Ingelmunster c'est Iseghem qu'il faut lire ; à la page 40, au heu de Rodegnies, c'est Jehay-Bodegnée, et à la page 47, au lieu de D’huy c'est Eghezée qu'il faut mettre.

- Ces modifications sont adoptées.

Article 18

M. le président. - Nous arrivons à l'article 18. On a introduit à cet article, au premier vote, l'amendement suivant :

« Nul ne peut être nommé substitut du procureur du roi, s'il n'est âgé de 22 ans accomplis, s'il n'est docteur en droit et s'il n'a suivi le barreau au moins deux ans. »

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Il a été entendu dans la discussion que le gouvernement pourrait, au second vote, faire des (page 354) propositions pour rétablir l'âge tel qu'il était fixé dans l'ancienne organisation.

J'ai donc l'honneur de proposer, par amendement, de rédiger l'article 18 de la manière suivante :

« Nul ne peut être nommé juge, ou juge suppléant, ou procureur du roi, s'il n'est âgé de 25 ans accomplis, s'il n'est docteur en droit et s'il n'a exercé des fonctions judiciaires, suivi le barreau ou enseigné le droit dans une université de l'Etat pendant au moins deux ans. Nul ne peut être nommé substitut du procureur du roi s'il n'est âgé de 21 ans et s'il ne réunit les autres conditions énumérées ci-dessus. »

- L'article 18, ainsi modifié, est adopté.

Article 19

M. le président. - L'article 19 a été adopté sous réserve d'y revenir au second vote. Cet article est ainsi conçu :

« Pour pouvoir être nommé président, vice-président ou procureur du roi, il faut être âgé de trente ans accomplis, être docteur eu droit et avoir exercé des fonctions judiciaires ou avoir suivi le barreau pendant au moins cinq ans. »

M. Thonissenµ. - Je crois que l'article 19 doit disparaître.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - L'article 19, par suite des modifications qui ont été proposées et adoptées à l'article précédent, doit être rédigé comme suit :

« Pour pouvoir être nommé président ou vice-président, il faut être âgé de 27 ans accomplis, être docteur en droit et avoir exercé des fonctions judiciaires, suivi le barreau ou enseigné le droit dans une université de l'Etat pendant au moins cinq ans. »

- L'article 19 ainsi rédigé est adopté.

Article 26

M. le président. - Nous passons à l'article 37.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Avant d'arriver à l'article 37, je prierai la Chambre de revenir sur l'article 26. C'est là que la Chambre devra décider sur la dénomination qu'il y a lieu de donner aux commis greffiers. La Chambre sait que pour les cours d'appel et pour la cour de cassation, les commis greffiers sont devenus des greffiers.

L'article 26 s'occupe des greffiers de première instance. Va-t-on conserver la dénomination de commis greffier pour les tribunaux de première instance, alors qu'il n'y a plus de commis greffiers ni pour la cour d'appel ni pour la cour de cassation ?

M. Orts. - Il vaut mieux mettre les greffiers partout.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Mais alors il y aura un inconvénient ; il sera difficile, dans un grand nombre d'articles, de distinguer le greffier en chef des greffiers.

Si la Chambre n'y voyait pas d'obstacle, on pourrait pour les tribunaux de première instance, les cours d'appel et la cour de cassation appeler les commis greffiers, greffiers adjoints.

M. Thonissenµ. - Conservez l'article tel qu'il est.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Evidemment, l'affaire n'est pas d'une haute gravité ; mais il est certain que dans l'état de choses actuel, la qualification de commis ne désigne pas convenablement des fonctionnaires qui ont un traitement de 3,000 à 4,000 fr. Les commis greffiers des cours d'appel ont 4,000 fr. de traitement, les commis greffiers de la cour de cassation ont 4,500 fr. Ils ont autant qu'un substitut et un juge.

Pour n'avoir pas à distinguer constamment entre le greffier en chef et les greffiers, je propose d'admettre pour les commis greffiers de cassation, des cours d'appel et des tribunaux de premier instance, le titre de greffiers adjoints.

M. le président. - M. le ministre de la justice propose donc de rédiger ainsi l'article 26 :

« Le greffier est assisté d'un ou de plusieurs greffiers adjoints, dont le nombre est déterminé par le Roi, selon les besoins du service. »

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je ne crois pas que la Chambre veuille faire ce travail fastidieux de substituer les mots « greffiers adjoints » partout où se rencontrent les mots « commis greffiers ». Il serait donc entendu que pour les justices de paix et pour les tribunaux de commerce ou conservera la dénomination de commis greffiers, mais que pat tout ailleurs on substituera aux mots « commis greffiers » ceux de « greffiers adjoints ».

- La proposition de M. le ministre de la justice, ainsi entendue, est adoptée.

Article 28

M. le ministre de la justice (M. Bara). - J'appelle l'attention de la Chambre sur l'article 28. Il porte :

« Les commis greffiers sont nommés par le tribunal auquel ils sont attachés sur une liste triple de candidats, présentée par le greffier.

« Ils peuvent être révoqués par le tribunal qui les a nommés. »

Lorsqu'il s'est agi des cours d'appel et de la cour de cassation, la Chambre a adopté un autre système qui consiste à faire nommer les greffiers par le Roi sur deux listes doubles présentées l'une par le premier président de la cour et l'autre par le greffier en chef. Je crois qu'il faut adopter le même système pour les tribunaux de première instance et alors l'article 28 serait ainsi rédigé :

« Les greffiers adjoints sont nommés par le Roi, sur deux listes doubles, l'une présentée par le président et l'autre par le greffier du tribunal.

« Ils peuvent être révoqués par le Roi. »

M. d'Elhoungneµ. - Le système présenté par M. le ministre delà justice me semble inacceptable. On ne peut accepter pour le Roi une pareille position. Une nomination déférée au Roi ne peut être limitée par des présentations faites par un simple greffier de tribunal de première instance. Il me semble que c'est tout au plus M. le ministre de la justice qui devrait faire ces nominations et que le pouvoir royal n'a rien à y voir.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Si la Chambre entra dans les vues de l'honorable M. d'Elhoungne, il faudrait aussi modifier les articles relatifs aux greffiers des cours d'appel et de la cour de cassation. Le gouvernement ne s'oppose pas au cadeau qu'on veut lui faire.

M. Moncheurµ. - Mauvais cadeau.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Mauvais cadeau ! pas plus mauvais que celui que vous faisiez auparavant aux cours et tribunaux qui se trouvaient liés par la présentation du greffier. Si l'on veut conférer la nomination au ministre de la justice, je n'y vois pas d'inconvénient.

M. le président. - Le gouvernement a proposé de remettre la nomination au Roi. La proposition de M. d'Elhoungne, à laquelle paraît se rallier le gouvernement, donnerait cette nomination au ministre de la justice.

Je mets aux voix la rédaction proposée par M. d'Elhoungne.

- Deux épreuves par assis et levé sont douteuses.

M. le président. - Il y a doute ; 37 membres se sont levés pour et 37 contre. Il va être procédé à l'appel nominal.

M. de Naeyerµ. - En cas de parité des suffrages, la proposition est rejetée.

M. le président. - La parité des suffrages ne se constate que par l'appel nominal ; or, nous venons de voter seulement par assis et levé, et pour ce cas le règlement ne statue pas. il reste donc à procéder au vote par appel nominal.

- Il est procédé à l'appel nominal.

87 membres répondent à l'appel.

39 répondent oui.

48 répondent non.

En conséquence la Chambre n'adopte pas.

Ont répondu oui :

MM. Moreau, Mouton, Orban, Preud'homme, Thonissen, Valckenaere, Ernest Vandenpeereboom, Vander Maesen, Van Humbeeck, Van Iseghem] Warocqué, Watteeu, Allard, Anspach, Bara, Bouvier-Evenepoel, Braconier, Bricoult, Crombez, David, de Baillet-Latour, de Brouckere, De Fré, de Kerchove de Denterghem, de Lexhy, d’Elhoungne, de Macar, de Maere, de Moor, de Rossius, Elias, Funck, Hagemans, Hymans, Jacquemyns, Julliot, Lange, Lippens et Dolez.

Ont répondu non :

MM. Moucheur, Muller, Nélis, Orts, Pirmez, Reynaert, Sabatier, T'Serstevens, Van Cromphaut, Vander Donckt, Van Hoorde, Vau Overloop, Van Renynghe, Vermeire, Vilain XIIII, Vleminckx, Wasseige, Ansiau, Beeckman, Broustin, Bruneau, Carlier, Eugène de. Kerckhove Delcour, de Liedekerke, de Muelenaere, de Naeyer, de Smedt, de Terbecq, de Theux, Dethuin, de Vrière, Dewandre, de Woelmont, de Zerezo de Tejada, Dumortier, Guillery, Hayez, Jacobs, Jamar, Jouet, Jouret, Kervyn de Lettenhove, Lambert, Le Hardy de Beaulieu, Liénart, Magherman et Snoy.

M. le président. - Nous nous trouvons dès lors en présence de l'article 28 primitif, qui est maintenu, tel qu'il a été adopté au premier vote.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Pardon, M. le président ; je me suis rallié subsidiairement à l'amendement de l'honorable M. d'Elhoungne ; cet amendement n'ayant pas été adopté, je reprends ma (page 355) proposition ; il est nécessaire de la voter, sinon la Chambre se trouverait avoir adopté deux systèmes complètement disparates.

- La nouvelle rédaction de l'article 28, proposée par M. le ministre de la justice, est mise aux voix et adoptée.

Article 36

« Art. 36. Tout commerçant ou tout ancien commerçant peut être nommé juge ou juge suppléant, s'il est âgé de vingt-cinq ans accomplis et s'il exerce ou a exercé le commerce avec honneur et distinction pendant cinq ans.

« Le président doit être âgé de trente ans accomplis et ne peut être choisi que parmi les anciens juges. »

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Messieurs, il y a lieu d'introduire dans le deuxième paragraphe de cet article une modification, consistant à y mentionner l'âge qui existait dans l'ancienne organisation.

Ce paragraphe serait ainsi rédigé :

« Le président doit être âgé de 27 ans accomplis et ne peut être choisi que parmi les anciens juges. »

- L'article 36, ainsi modifié, est mis aux voix et adopté.

Article 33

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Messieurs, a l'article 33 il y aura à modifier le tableau. Cette modification est la conséquence d'un arrêté royal qui augmente le nombre de juges du tribunal de commerce de Liège.

M. le président. - Il est entendu que le tableau sera mis en harmonie avec l'arrêté royal dont parle M. le ministre de la justice et considéré comme ayant été voté par la Chambre avec cette modification.

Article 37

« Art. 37. Les membres des tribunaux de commerce sont élus dans une assemblée composée de commerçants payant au trésor de l'Etat, du chef de leur patente, la somme de 42 fr. 32 c.

M. le président. - M. Liénart a proposé une disposition additionnelle à l'article 37, ainsi conçue :

« La patente ne sera comptée au commerçant qu'autant qu'il fait payée pour l'année antérieure à celle dans laquelle l'élection a lieu. »

M. le ministre de la justice (M. Bara). - L'amendement proposé par l'honorable M. Liénart est inutile. Une semblable garantie est déjà donnée. En effet, l'article 38 du projet porte ce qui suit :

« Art. 38. La liste des électeurs est dressée sur tous les commerçants de chaque arrondissement, par la députation permanente du conseil provincial, avant le 15 juillet de chaque année.

« L'électeur doit être inscrit sur la liste électorale pour la nomination des conseillers communaux.

« Le double de la liste des électeurs est transmis au greffe du tribunal avant le 1er août. »

Or, l'article 10,paragraphe premier, de la loi communale porte :

« Les contributions et patentes ne sont comptées à l'électeur qu'autant qu'il ait payé le cens électoral, pour l'année antérieure à celle dans laquelle l'élection a lieu. »

M. Liénartµ. - Messieurs, lorsque j'ai rédigé mon amendement, j'ai cru aussi un instant que l'article 38 était de nature à prévenir l'inconvénient auquel je voulais obvier. Mais je ferai remarquer à M. le ministre de la justice que, pour être porté sur la liste électorale communale, on peut acquitter le cens non seulement au moyen de l'impôt-patente, mais encore au moyen d'autres impôts.

L'inscription sur la liste électorale communale prouve seulement que l'électeur a payé pendant l'année antérieure 42 fr. 32 cent, d'impôt, mais elle n'établit nullement le payement d'une patente de 42 fr. 32 c. pendant cette année.

Or précisément c'est ce payement du la patente pendant l'année antérieure que j'exige du commerçant pour qu'il puisse prendre part à l'élection des membres du tribunal de commerce.

La disposition de l'article 38 ne fait donc pas double emploi avec mon amendement ; celui-ci conserve toute son utilité.

Si vous alliez ne pas l'adopter, voici ce qui pourra arriver :

Supposons un commerçant payant une patente de 38 ou 39 francs depuis plusieurs années et qui se trouve porté sur la liste électorale communale, grâce à un supplément d'impôt foncier ou de personnel. Il pourra, par le fait d'un calcul frauduleux et en prévision de l'élection pour les juges consulaires, devenir électeur en ajoutant à la patente normale qu'il paye une petite patente de circonstance de trois ou quatre francs.

C'est à cette fraude que mon amendement a pour but de former obstacle, en exigeant que le commerçant ait payé la patente pendant l'année antérieure à l'élection.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je ne crois pas que l'amendement ainsi expliqué puisse être adopté.

Que veut l'honorable membre ? Il veut empêcher des fraudes qui n'existent pas. Si l'on se plaint d'une chose, c'est que les commerçants n’assistent pas aux élections des juges des tribunaux de commerce. Or, que demande l'honorable membre ? Il ne suffira pas d'avoir payé 42 fr. 32 l'année précédente, il faudra avoir payé cette somme exclusivement en droit de patente ; de telle sorte que si un commerçant avait payé une patente de 30 francs pendant dix ans, il ne pourrait être inscrit sur les listes des électeurs. Je trouve que c'est se montrer trop rigoureux et que quand on se trouve en présence de négociants qui ont payé l'année précédente 42 fr. 32 d'impôt, on doit admettre qu'ils présentent des garanties suffisantes pour nommer les juges d'un tribunal de commerce.

M. Vleminckxµ. - On exige des commerçants qui prennent part à l'élection des membres des tribunaux de commerce le payement d'une patente de 42 fr. 52 c. Je demanderai à M. le ministre de la justice s'il tient à ces trente-deux centimes et si l'on ne pourrait adopter un chiffre rond.

M. Bouvierµ. - C'est pour la concordance ; on doit payer 42 fr. 52 c, pour être électeur pour les Chambres.

M. Vleminckxµ. - Il ne s'agit pas ici du cens à payer pour prendre part aux élections générales, mais simplement de la patente. Il me semble qu'on pourrait admettre le chiffre de 40 francs au lieu de celui de 42 fr. 52 c.

M. Mullerµ. - Je tiens à faire remarquer que le chiffre de fr. 42.32, proposé pour la patente des commerçants, a été emprunté à la Constitution. C'est en effet le minimum du cens électoral général, et je ne trouve pas qu'il y ait un motif bien grave pour adopter ici un autre chiffre. On compliquerait peut-être le travail de la formation de la liste des commerçants, surtout si l'on exigeait, non plus seulement qu'on eût été électeur l'année précédente, mais qu'il eût, en outre, payé, pour cette année, une ou plusieurs patentes, à concurrence de 40 francs.

M. Delcourµ. - Il me semble qu'une confusion complète s'établit par suite de la discussion qui vient de s'ouvrir.

Pour être électeur dans le cas dont nous parlons, il faut payer une patente de 42 fr. 32 ; on n'est électeur qu'à cette condition.

Mais le projet va plus loin ; il détermine d'autres conditions et le paragraphe dont parlait tout à l'heure M. le ministre de la justice porte que l'on doit être inscrit sur les listes électorales pour la nomination des conseillers communaux, etc.

Que résulte-t-il de l'ensemble de ces deux textes ? Que deux conditions sont requises : 1° être porté sur les listes électorales, 2° payer une patente de 42 fr. 52.

L'amendement de l'honorable M. Liénart a pour objet d'exiger la possession de la patente pendant un certain temps et de ne pas se contenter d'une patente de l'année courante ; il exige qu'elle ait été payée pour l'année antérieure.

M. le ministre de la justice répond : L'amendement est inutile. Je ne le pense pas. En effet, on est inscrit sur les listes électorales si on paye un cens de 42 fr. 32 c. Mais ce cens est formé non seulement par l'impôt de patente, mais au moyen de toutes les autres contributions directes qui servent à former le cens électoral.

Ainsi l'amendement de l’honorable M. Liénart est parfaitement fondé ; je dis qu'il est nécessaire si vous voulez arriver à la condition nouvelle de la possession du cens pendant un certain temps.

L'amendement me paraît très juste et je lui donne mon approbation. Je crois que M. le ministre de la justice s'est trompé lorsqu'il l'a combattu en s'appuyant sur les listes électorales.

Encore une fois, pour être porté sur les listes électorales, il suffit de payer 42 fr. 32 c. en impôts directs, tandis que le projet de loi exige des commerçants le payement d'une patente de 42 fr. 32 c. pour prendre part à l'élection des juges des tribunaux de commerce,

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je ne puis admettre fa thèse de l’honorable M. Delcour. Il n'a pas bien compris l'observation que j'ai faite. L'amendement de l’honorable M. Liénart a pour base la croyance qu'il a qu'on va créer des électeurs au dernier moment, à l'aide du payement d'une patente de 42 fr. 32 c. Or, je dis à l'honorable M Liénart qu'il n'y a aucune crainte à avoir de ce chef.

D'abord il y a l'obligation de payer 42 fr. 32 c. du chef seul de la patente ; ensuite il y a l'obligation, qui garantit suffisamment contre la fraude, de figurer sur les listes électorales communales, ce qui exige le payement des impôts pendant l'année précédente.

M. Delcourµ. - Ce sont deux choses différentes.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je veux bien que ce (page 356) soient deux choses différentes, mais je dis qu'il y a là des garanties suffisantes.

M. Delcourµ. - Vous pouvez être électeur en payant 10 ou 15 francs.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Dans les petites communes, oui, mais dans les villes où il y a un tribunal de commerce, le cens est en général de 42 fr. 32 c. et le cens des communes est au surplus censé égaler l'impôt dans les villes.

L'amendement irait beaucoup trop loin. Voila un homme qui payera, du chef de ses propriétés, énormément d'argent et qui, parce que l'année précédente, il n'a pas payé 42 fr. 32 c. du chef de la patente, ne pourra prendre part à l'élection des juges du tribunal de commerce.

Nous avons travaillé à augmenter le nombre des votants et vous voulez le diminuer. Il faut entendre les choses d'une manière raisonnable. S'il s'agissait de prévenir un moyen de fraude bien certain, je serais le premier à applaudir à l'amendement de l'honorable membre. Mais je ne crois pas qu'on s'impose volontairement le payement d'une patente de 42 francs, ni même de dix francs, pour le plaisir de pouvoir participer à la nomination des juges consulaires. Au surplus, le commerçant notable qui a payé une patente de 42 francs pendant quinze mois, vaut-il plus que celui qui a payé cette patente pendant huit mois ?

Je le répète, en présence des conditions qu'exige la loi, l'amendement de l'honorable M. Liénart ne me paraît pas pouvoir se justifier.

M. Liénartµ. - J'ai grand sujet de m'étonner que M. le ministre de la justice s'oppose à l'adoption de mon amendement. Il semblait en reconnaître lui-même l'utilité puisqu'il a débuté par vous dire que les avantages de cet amendement se trouvaient déjà obtenus par l'article 38. Il n'en est rien, puisque à l'article 38 il s'agit d'électeurs atteignant le cens requis à l'aide de toute espèce d'impôts et non par la patente seulement.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je trouve la garantie suffisante et par conséquent je crois votre amendement inutile.

M. Liénartµ. - Quelle est la qualité qui seule fixe ici l'attention du législateur et à laquelle il attache la jouissance du droit électoral ? Evidemment c'est la qualité de commerçant. En introduisant dans la loi la limite de fr. 42 32, vous avez décidé qu'on ne pouvait être commerçant notable qu'en payant une patente de cet import.

Or, il peut se faire ici, comme en toute autre espèce d'élection, surtout maintenant que vous avez adopté le système électif pur, que les passions politiques se mêlent à la nomination des membres des tribunaux de commerce. (Interruption.)

Je ne le désire pas, mais je le crains, et j'ai pour moi l'expérience du passé. N'est-il pas vrai, par exemple, que dans plusieurs villes ou s'est plaint de la partialité qui présidait à la formation de la liste des notables ? Et c'est, en partie, à cause des abus possibles que vous avez modifié la législation en ce point.

M. le ministre de la justice, en combattant mon amendement, fait le procès à des dispositions que nous avons toujours regardées comme très utiles, à des dispositions qui se trouvent dans toutes nos lois électorales. Les législateurs qui nous ont précédés ont pensé avec raison que pour éviter l'immixtion d'électeurs improvisés dans les corps électoraux, il fallait exiger le payement du cens pendant l'année antérieure, comme preuve que l'électeur possédait bien réellement la base du cens. C'est en s'inspirant de cette idée qu'ils ont introduit dans les lois électorales des dispositions en tout semblables à celle que je propose.

Pourquoi pareille disposition ne serait-elle pas utile dans l'espèce ? Que si la fraude ne se pratique pas, tant mieux ; mais si elle se produit comme je le crains, mon amendement et mon amendement seul vous permettra d'y obvier.

Eu présence de ces considérations, je vous le demande, messieurs, quel inconvénient y a-t-il à introduite mon amendement dans la loi ? Véritablement je n'en vois aucun. Nous y avons beaucoup à gagner, et rien à perdre.

Si M. le ministre de la justice a commencé par le combattre, c'est uniquement, j'en suis convaincu, parce qu'il s'est trompé sur la portée de l'article 38, car il me répugne de croire que le gouvernement soit moins décidé que moi à prévenir la fraude, où qu'elle puisse se présenter.

M. Vleminckxµ déclare ne pas insister pour son amendement.

- L'article 57 est mis aux voix et adopté.

Le paragraphe additionnel proposé par M. Liénart est mis aux voix par appel nominal,

91 membres sont présents.

37 adoptent.

54 rejettent.

En conséquence la proposition n'est pas adoptée.

Ont voté l'adoption :

MM. Moncheur, Snoy, Tack, Thibaut, Thienpont, Thonissen, Van Cromphaut, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Humbeeck, Van Overloop, Van Renynghe, Vermeire, Wasseige, Beeckman, Braconier, de Coninck, Eugène de Kerckhove, Delcour, de Liedekerke, de Macar, de Moor, de Muelenaere, de Naeyer, de Smedt, de Terbecq, de Theux, de Zerezo de Tejada, Dumortier, Hayez, Jacobs, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Landeloos, Liénart, Magherman et Dolez.

Ont voté le rejet :

MM. Moreau, Mouton, Muller, Nélis, Orban, Orts, Preud'homme, Sabatier, Tesch, T'Serstevens, Valckenaere, Alp. Vandenpeereboom, Ernest Vandenpeereboom, Vander Maesen, Van Iseghem, Vleminckx, Warocqué, Watteeu, Allard, Ansiau, Anspach, Bara, Bouvier-Evenepoel, Bricoult, Broustin, Bruneau, Crombez, David, de Baillet-Latour, de Brouckere, De Fré, de Kerchove de Denterghem, de Lexhy, d'Elhoungne, de Maere, de Rongé, de Rossius, Descamps, Dethuin, de Vrière, Dewandre, Elias, Funck, Guillery, Hagemans, Hymans, Jacquemyns, Jamar, Jonet, Jouret, Lambert, Lange, Le Hardy de Beaulieu et Lippens.

Article 50

M. Jamarµ. - Messieurs, à l'article 43 on a supprimé les mots : « par scrutin individuel » de sorte que l'élection se fera par scrutin de liste et dès lors il est nécessaire de supprimer à l'article 50 le mot : « deux » : « .... il est procédé à un scrutin de ballottage entre les deux candidats.... » .Il faut mettre : « .... entre les candidats.... »

M. Dumortier. - Messieurs, l'amendement ne lève pas la difficulté ; on se bornerait à dire que le ballottage a lieu entre les candidats qui ont obtenu le plus de voix, mais entre combien de membres ?

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je crois effectivement, messieurs, qu'il faut une nouvelle rédaction ; il est certain que le mot « deux » doit disparaître.

Je demande à la Chambre de vouloir bien remettre l'article à demain.

- Cette proposition est adoptée.

Article 38

M. De Fré

M. De Fréµ. - J'appellerai l'attention de l'honorable ministre de la justice sur la rédaction de l'article 58 : « La liste des électeurs est dressée sur tous les commerçants, etc...»

Je propose de dire :

« La liste des électeurs se compose de tous les commerçants, etc. «

M. le président. - M. De Fré propose de dire, à l'article 38 :

« La liste des électeurs se compose de tous les commerçants » au lieu de « La liste des électeurs est dressée sur tous les commerçants.3

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je ne crois pas qu'il faille changer la rédaction. C'est celle de l'article 619 du code de commerce.

M. Guillery. - C'est une mauvaise rédaction.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je crois que celle que propose l'honorable M. De Fré n'est pas acceptable non plus. Si l'on veut une nouvelle rédaction, il faut la faire à tête reposée.

M. De Fréµ. - De ce que cette rédaction soit la reproduction d'un article du code de commerce, il ne résulte pas qu'elle ne soit pas vicieuse. Mais je n'insiste pas.

- L'article est définitivement adopté.

Article 57

« Art. 57. Les membres des tribunaux de commerce ne peuvent rester plus de deux ans en place ni être réélus, même comme suppléants, qu'après un an d'intervalle. »

M.. Liénartµ. - J'avais proposé à la Chambre de remplacer les mots : « Les membres des tribunaux », par ceux-ci : « Les présidents et juges des tribunaux. »

M. le ministre de la justice (M. Bara). - L'honorable M. Liénart a en effet proposé cette modification, qui a été votée. Je m'y suis rallié.

La pièce que nous avons entre les mains est inexacte.

- L'article ainsi amendé est définitivement adopté.

Article 64

« Art. 64. Nul ne peut être nommé greffier d'un tribunal de commerce s il n'est âgé de vingt-cinq ans accomplis et s'il n'est docteur eu droit ou s'il n'a rempli pendant dix ans les fonctions de greffier adjoint d'une cour ou d'un tribunal de première instance ou de greffier d'une justice de paix.

(page 357) « Nul ne peut être nommé commis greffier d'un tribunal de commerce s'il n'a vingt et un ans accomplis. »

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Messieurs, je crois qu'il faut exiger, pour les tribunaux de commercer, la condition d'être docteur en droit et ne pas permettre que des personnes qui n'ont pas ce grade, puissent être nommées greffiers.

L'organisation des tribunaux de commerce nécessite la présence d'un docteur en droit, le greffier dans ces tribunaux collabore à la rédaction du jugement.

Je propose de terminer le premier paragraphe après les mots : « Et s'il n'est docteur en droit. »

- L'article ainsi modifié est définitivement adopté.

Article 68

« Art. 68. Nul ne peut être président ou procureur général s'il n'a trente ans accomplis, s'il n'est docteur en droit et s'il n'a suivi le barreau, occupé des fonctions judiciaires ou enseigné le droit dans une université de l'Etat pendant au moins cinq ans.

« Les conseillers et avocats généraux peuvent être nommés à l'âge de vingt-sept ans accomplis, s'ils réunissent les conditions énumérées ci-dessus.

« Les substituts du procureur général peuvent être nommés lorsqu'ils ont vingt-quatre ans accomplis s'ils réunissent les mêmes conditions. »

- L'article est définitivement adopté.

Article 69

« Art. 69. En exécution de l'article 99 de la Constitution, l'ordre de présentation des conseils provinciaux aux places de conseillers qui deviennent vacantes est réglé de la manière suivante :

« Cour de Bruxelles.

« Le conseil provincial d'Anvers présente à six places, celui du Brabant à onze places, celui du Hainaut à onze places.

« La première présentation appartient à la province de Hainaut, la deuxième à celle de Brabant, la troisième à celle d'Anvers, les quatrième, cinquième, sixième et septième alternativement aux provinces de Hainaut et de Brabant, la huitième à celle d'Anvers, les neuvième, sixième, onzième et douzième alternativement aux provinces de Hainaut et de Brabant, la treizième à celle d'Anvers, les quatorzième, quinzième, sixième et 17ème alternativement aux provinces de Hainaut et de Brabant, la dix-huitième à celle d'Anvers, les dix-neuvième, vingtième, vingt-et-unième et vingt-deuxième alternativement aux provinces de Hainaut et de Brabant, la vingt-troisième à celle d'Anvers, les vingt-quatrième, vingt-cinquième, vingt-sixième et vingt-septième alternativement aux provinces de Hainaut et de Brabant et la vingt-huitième à celle d'Anvers.

« Cet ordre sera observé après l'épuisement de la série des présentations en cours d'exécution.

« Cour de G and.

« Le conseil provincial de la Flandre orientale présente à huit places, celui de la Flandre occidentale à sept places.

« La première présentation appartient à la Flandre orientale, la deuxième à la Flandre occidentale.

« Cet ordre est suivi jusques et y compris la quatorzième présentation ; la quinzième est attribuée à la Flandre orientale.

« Cet ordre sera observé après les présentations à la quinzième place de la série en cours d'exécution.

« Cour de Liège.

« Le conseil provincial de Liège présente à neuf places, celui de Namur à cinq, celui de Limbourg à trois et celui de Luxembourg à trois et ces deux derniers alternativement, par série, à une quatrième place.

« La première présentation appartient à la province de Liège, la deuxième à celle de Namur, la troisième à celle de Limbourg et la quatrième à celle de Luxembourg.

« Cet ordre est suivi jusques et y compris la huitième présentation.

« Les neuvième et dixième sont attribuées à la province de Liège, la onzième à celle de Namur, la douzième à celle de Limbourg, la treizième à celle de Luxembourg, les quatorzième et quinzième à la province de Liège, la seizième à celle de Namur, la dix-septième à celle de Luxembourg, les dix-huitième et dix-neuvième à la province de Liège, la vingtième à celle de Namur et la vingt et unième à celle de Liège.

« Cet ordre sera observé après l'épuisement de la série des présentations en cours d'exécution.

« Dans la troisième série, la dix-septième place est attribuée au Limbourg, dans la quatrième série, au Luxembourg et ainsi alternativement par série, entre ces deux provinces. »

- L'article est définitivement adopté.

Article 72

« Art. 72. Le procureur générai transmet au gouverneur de la province à laquelle appartient la présentation une expédition de la liste.

« Le conseil provincial procède ensuite à la formation de la liste double, dont la présentation lui est attribuée par l’article 99 de la Constitution.

« Expédition de cette liste est adressée par le gouverneur au procureur général près la cour d'appel qui a fait la présentation.

« Les listes respectives sont transmises au ministre de la justice par le procureur général et par le gouverneur. »

- L'article est définitivement adopté.

Articles 76 à 78

« Art. 76. Le greffier en chef est assisté d'un ou de plusieurs greffiers, dont le nombre est déterminé par le Roi, selon les besoins du service. »

- L'article est définitivement adopté.


« Art, 77. Nul ne peut être nommé greffier en chef d'une cour d'appel, s'il n'est âgé de vingt-sept ans accomplis et s'il n'est docteur en droit, ou s'il n'a rempli, pendant dix ans, les fonctions de greffier d'un tribunal de première instance ou de commerce, ou de greffier d'une cour.

« Nul ne peut être nommé greffier d'une cour d'appel, s'il n'a vingt et un ans accomplis, s'il n'est docteur en droit, ou s'il n'a rempli, pendant cinq ans, les foncions de greffier d'une justice de paix ou de commis greffier d'un tribunal de première instance ou de secrétaire du parquet. »

- L'article est définitivement adopté.


« Art. 78, Les greffiers sont nommés par le roi sur deux listes doubles présentées l'une par le premier président de la cour, l'autre, par le greffier en chef.

« Ils peuvent être révoqués par le roi. »

- Cet article est définitivement adopté.

Articles 80 à 82

« Art. 80. Les chambres correctionnelles peuvent s'occuper des affaires civiles qui leur sont envoyées par le premier président. »

M. le président. - La Chambre au premier vote a décidé la suppression des mots : « réputées sommaires » qui se trouvaient après le mot « civiles ».

- Cette suppression est maintenue.


« Art. 81. Les chambres civiles sont composées de sept conseillers, y compris le président, d un avocat général et d'un greffier.

« Les chambres correctionnelles sont composées de six conseillers, y compris le président, d'un avocat général et d'un greffier. »

- Cet article est définitivement adopté.


« Art. 82. Lorsque le besoin momentané du service l'exige, la cour d'appel, soit d'office, soit sur le réquisitoire du procureur général, constitue une chambre temporaire composée des conseillers qu'elle désigne. »

- Cet article est définitivement adopté.

Article 89

« Art. 89. Le jour où les assises doivent s'ouvrir est fixé par le premier président de la cour d'appel.

« Elles ne peuvent être closes qu'après que toutes les affaires qui y sont renvoyées y auront été portées.

« Néanmoins, les affaires qui n'étaient pas en état lors de leur ouverture ne pourront être jugées que du consentement de l'accusé. »

- Cet article est définitivement adopté.

Article 95

« Art. 95. Si le nombre des affaires le requiert, le président les divise en plusieurs séries, de manière que chacune d'elles, pour autant que possible, n'occupe pas les jurés plus de quinze jours.

« Lorsqu'il y a plusieurs séries, la cour d'assise pourra, dans les cas où la loi autorise le renvoi à une prochaine session, ordonner le renvoi d'une série à une autre, si l'accusé en forme la demande. »

- Cet article est définitivement adopte.

Article 97

« Art. 97. Les jurés sont pris :

« 1° Parmi les citoyens portés sur les listes électorales et versant au trésor de l'Etat, en contributions directes, la somme indiquée ci-après :

« Province d’Anvers : Chef-lieu : 250 fr. ; autres communes : 170 fr.

« Province de Brabant : Chef-lieu : 250 fr. ; autres communes : 170 fr.

« Province de Flandre occidentale : Chef-lieu : 250 fr. ; autres communes : 170 fr.

« Province de Flandre orientale : Chef-lieu : 250 fr. ; autres communes : 170 fr.

« Province de Liége : Chef-lieu : 200 fr. ; autres communes : 170 fr.

« Province de Hainaut (Mons et Tournai) : Chef-lieu : 250 fr. ; autres communes : 170 fr.

« Province de Namur : Chef-lieu : 140 fr. ; autres communes : 120 fr.

« Province :de Luxembourg Chef-lieu : 120 fr. ; autres communes : 90 fr.

« Province de Limbourg : Chef-lieu : 110 fr. ; autres communes : 90 fr.

« 2° Indépendamment de toute contribution, parmi les classes de citoyens ci-dessous désignées ;

« a. Les membres de la Chambre des représentants ;

« b, Les membres des conseils provinciaux ;

(page 358) « c. Les bourgmestres, échevins, conseillers communaux, secrétaires et receveurs des communes de 4,000 âmes et au-dessus ;

« d. Les docteurs en droit, en médecine, chirurgie, sciences et lettres ; les ingénieurs porteurs d'un diplôme régulier délivré par un jury d'examen, organisé conformément à la loi ;

« e. Les notaires et avoués ;

« f . Les pensionnaires de l'Etat jouissant d'une pension de retraite de 1,000 fr. au moins.

« Ces citoyens remplissent les fonctions de jurés près la cour d'assises dans le ressort de laquelle est établi leur domicile. »

M. Delcourµ. - Au sujet de cet article, je poserai une question à M. le ministre de la justice.

Quelle est, dans sa pensée, la naturalisation nécessaire pour pouvoir être juré ? Le texte est conçu de manière à faire croire que la naturalisation ordinaire suffit. J'y vois :

Les jurés sont pris : 1° Parmi les citoyens portés sur les listes électorales versant au trésor de l'Etat ; 2°, vient ensuite une seconde catégorie : les bourgmestres, échevins, conseillers communaux, etc.

Or, il est évident qu'il suffit de la naturalisation ordinaire pour être bourgmestre, échevin ; j'en conclus que, dans la pensée du gouvernement, la naturalisation suffit pour remplir les fonctions de jurés.

Je pose la question, car elle s'est présentée et a soulevé de sérieuses difficultés. Un étranger qui avait obtenu la naturalisation ordinaire fut appelé à faire partie du jury du jugement. M. le procureur général hésitant sur le point de savoir si cet individu réunissait les conditions voulues pour pouvoir siéger, le fit récuser, afin d'éviter les nullités de procédure qu'on aurait pu élever.

Aujourd'hui nous faisons une loi ; et il convient de dissiper les doutes. Je voudrais donc une déclaration formelle de M. le ministre de la justice à cet égard. Quant à moi, je pense qu'en présence du projet de loi, la naturalisation ordinaire suffit.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Il m'est impossible de me prononcer en ce moment sur ce point, et d'ailleurs ma déclaration n'aurait aucune espèce de valeur ; ce serait une déclaration à côté de la loi ; je ne puis dire de manière à lier la justice : Tel est le sens de la loi. Cet article a été emprunté à la loi de 1839. (Interruption.) Si l'honorable membre veut présenter un amendement pour en changer le sens, c'est son droit, mais si un amendement n'est pas présenté, l'article devra recevoir l'interprétation que la loi comporte.

M. Delcourµ. - L'article laisse le doute.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - L'honorable M. Delcour est professeur de droit, il sait bien que je ne puis pas, par une simple déclaration, lever un doute.

M. Delcourµ. - Soit, mais la Chambre peut se prononcer.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Il faudrait alors une nouvelle rédaction.

M. Delcourµ. - On pourrait réserver l'article.

M. Thonissenµ. - Il est arrivé, en effet, que, devant la cour d'assises du Brabant, un tableau du jury déjà formé a été annulé par le motif qu'un des jurés n'avait reçu que la naturalisation ordinaire.

A la suite de cet arrêt, j'ai passé en revue les textes qui règlent la matière, et je n'ai trouvé nulle part que la grande naturalisation fût expressément exigée pour exercer les fonctions de juré. Un autre professeur de droit a fait les mêmes recherches et il n'a pas été plus heureux que moi.

Il n'est donc pas clairement prouvé que, d'après la législation existante, la naturalisation ordinaire soit insuffisante.

M. le ministre de la justice, à l'article 96 du projet, demande que, pour exercer les fonctions de juré, on jouisse des droits civils et politiques. Celui qui a reçu la naturalisation ordinaire jouit de ces droits, sauf quelques exceptions, et je crois dès lors que la rédaction actuelle suffit pour résoudre les doutes.

M. Guillery. - J'appuie volontiers l'idée de M. le ministre de la justice d'examiner la question. Mais qu'il me soit permis d'en signaler à la Chambre toute l'importance.

Les fonctions de juré sont les plus importantes qui puissent être confiées à un citoyen ; le jury statue en matière politique et de presse ; il importe donc que les jurés soient Belges dans l'acceptation la plus large du mot.

Pour être électeur aux Chambres, il faut avoir obtenu la grande naturalisation ; les fonctions de juré ne sont-elles pas plus importantes encore que celles d'électeur ? L'électeur à la Chambre représente un millième, un dix millième du collège auquel il appartient, tandis qu'un ou deux jurés peuvent décider de la majorité eu matière politique.

L'honorable M. Thonissen vient de citer un arrêt de la cour de cassation qui exige la grande naturalisation. Je comprends que la cour, même sans se trouver devant un texte formel comme celui de la loi de 1838, se soit prononcée en ce sens, uniquement par application des principes consacrés par la Constitution.

Je suis convaincu que l'examen auquel se livrera M. le ministre de la justice aura pour conséquence que la grande naturalisation doit être exigée du juré, comme de l'électeur pour les Chambres législatives.

MpVµ. - On paraît d'accord de réserver l'article.

- De toutes parts - Oui ! oui !

- L'article est réservé.

Article 115

« Art. 115. Le vote du jury aura lieu au scrutin secret sur les questions posées en exécution de la loi. »

- Adopté.

Articles 120

« Art. 120. Les fonctions du ministère public sont exercées à la cour par un procureur général et deux avocats généraux, dont le plus ancien porte le titre de premier avocat général. »

M. le président. - L'amendement consiste dans l'adjonction proposée par M. Orts des mots : « dont le plus ancien porte le titre de premier avocat général ». M. le ministre de la justice a fait remarquer que cette adjonction était inutile, puisque déjà le principe était consacré par l'article 150 du projet.

M. Orts insiste-t-il pour le maintien de ces mots ?

M. Orts. - Non, M. le président.

- Ces mots sont supprimés.

Articles 121 et 122

« Art. 121. Il y a près la cour un greffier en chef et deux greffiers adjoints. »

- Adopté.


« Art. 122. Nul ne peut être président ou procureur général s'il n'a trente-cinq ans accomplis, s'il n'est docteur en droit et s'il n'a suivi le barreau, occupé des fonctions judiciaires ou enseigné le droit dans une université de l'Etat, pendant au moins dix ans.

« Les conseillers et avocats généraux peuvent être nommés à l'âge de trente ans, s'ils réunissent les conditions énumérées ci-dessus. »

- Adopté.

Article 125

« Art. 125. Le procureur général transmet au Sénat une expédition de la liste de présentation.

« Le Sénat procède ensuite à la formation de la liste double dont la présentation lui est attribuée par l’article 99 de la Constitution.

« Expédition de cette liste est adressée par le Sénat au procureur général près la cour de cassation.

« Les listes respectives sont transmises au ministre de la justice, par le procureur général et par le Sénat. »

- Adopté.

Articles 128 et 129

« Art. 128. Le greffier en chef est nommé et peut être révoqué par la Roi. »

- Adopté.


« Art. 129. Les greffiers adjoints sont nommés par le Roi sur deux listes doubles, présentées, l'une par le premier président de la cour, l'autre, par le greffier en chef.

« Ils peuvent être révoqués par le Roi. »

- Adopté.

Articles 133 et 134

« Art. 134. Chaque chambre de la cour de cassation est composée de huit conseillers, y compris le président.

« Le premier président préside la chambre à laquelle il veut s'attacher ; il préside l'autre chambre quand il le juge convenable, il préside les chambres réunies et les audiences solennelles.

« Dans tous les cas où la cour doit juger chambre réunies, elle siège en nombre impair et doit être composée de treize membres au moins. Dans le cas de l’article précédent, lorsqu’il s’agira du jugement d'un ministre, ce nombre est de quatorze au moins. »

M. le ministre de la justice (M. Bara). - La rédaction de arts 133 et n'est pas bien claire.

Dans l'article 133 on parle des accusations admises contre les ministres et du nombre de membres qui doivent siéger dans ces affaires. A l'article 134, on parle encore une fois des accusations dirigées contre les ministres.

Je pense qu'il vaudrait mieux adopter une nouvelle rédaction pour les articles 133 et 134 et voici celle que je propose :

(page 359) « Art. 133. Chaque chambre de la cour de cassation est composée de huit conseillers, y compris le président.

« Le premier président préside la chambre à laquelle il veut s'attacher, il préside l'autre chambre quand il le juge convenable ; il préside les chambres réunies et les audiences solennelles.

« Art. 134. Les accusations admises contre les ministres sont, en exécution de l'article 90 de la Constitution, jugées par les chambres réunies, qui devront siéger en nombre pair, de quatorze membres au moins.

« Dans tous les autres cas, où la cour doit juger chambres réunies, elle siège en nombre impair et doit être composée de treize membres au moins. »

- Les articles 133 et 134, rédigés comme le propose M. le ministre de la justice, sont adoptés.

Article 135

« Art. 135. Il y a des tribunaux militaires et des conseils de prud'hommes, dont l'organisation et les attributions sont réglées par des lois spéciales. »

- Adopté.

- La séance est levée à quatre heures et demie.