(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1867-1868)
(Présidence de M. Moreau, premier vice-présidentµ.)
(page 173) M. Reynaert, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
Il donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.
- La rédaction en est approuvée.
M. de Moor, secrétaireµ, présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.
« Des habitants d'Eghezée demandent l'achèvement du chemin de fer de Namur à Ramillies.
M. Wasseige. - Des habitants d'Eghezée demandent l'achèvement du chemin de fer de Namur qui doit se raccorder à celui de Tamines à Landen ; plusieurs autres communes de la province de Namur et du Brabant se sont déjà adressées à la Chambre pour le même motif ; les travaux sont, en effet, interrompus et paraissent abandonnés sur cette ligne ; rien ne fait prévoir qu'ils soient repris prochainement. L'importance de ce chemin de fer est cependant généralement reconnue ; de grands capitaux y sont déjà employés et restent enfouis sans bénéfice pour personne, et il est réellement déplorable d'en voir l'achèvement suspendu depuis aussi longtemps. Je prie donc la Chambre de vouloir bien demander à la commission des pétitions un prompt rapport sur celle-ci, afin que nous puissions aviser aux moyens qu'il y aurait à employer pour faire cesser un état de choses si nuisible à l'intérêt public.
- Adopté.
« Des habitants de Wyneghem protestent contre les propositions de la commission militaire et demandent que le gouvernement soit invité à présenter un projet de loi qui abolisse le tirage au sort pour la milice. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Par trois pétitions, des habitants de Gand et des environs protestent contre les propositions de la commission militaire et demandent l'abolition du tirage au sort pour la milice et de l'armée permanente. »
- Même renvoi.
« Des habitants d'Anderlecht demandent le prompt achèvement des travaux de la nouvelle gare du Midi à Bruxelles. »
- Renvoi à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.
« Des habitants de Liège demandent que l'armée permanente soit réduite de moitié et que le contingent annuel, qui est actuellement de 10,000 hommes, ne soit plus que de 5,000 hommes. »
- Renvoi aux sections centrales chargées d'examiner les projets de loi relatifs à la réorganisation de l'armée et au contingent.
« Le recteur de l'Université de Gand adresse à la Chambre 125 exemplaires du rapport sur la situation de cette université pendant l'année académique 1866 à 1867. »
- Distribution et dépôt.
« M. Dubois, obligé de s'absenter, demande un congé. »
- Accordé.
M. le président. - Le premier objet à l'ordre du jour est la discussion du rapport sur les pétitions suivantes :
Par pétition, datée d'Anvers, le 21 décembre 1866, la députation permanente de la province d'Anvers demande la suppression des barrières provinciales et communales.
Même demande de la députation permanente des provinces de Flandre occidentale, Flandre orientale, Hainaut, Limbourg, Namur.
La commission conclut au renvoi à MM. les ministres des finances et de l'intérieur.
M. Moncheurµ. - Messieurs, vous avez reçu de six députations permanentes des conseils provinciaux des pétitions identiques, tendant à l'abolition des barrières sur les routes provinciales et communales.
Ces pétitions démontrent d'abord une vérité qui est incontestable d'ailleurs, c'est que la suppression des barrières de l'Etat entraîne nécessairement la suppression des barrières provinciales et communales, et que, sans celle-ci, la mesure serait incomplète et injuste !
Ces pétitions démontrent en outre une autre vérité non moins incontestable, c'est que la plupart des provinces et des communes ne sauraient supprimer leurs barrières sans l'aide du gouvernement.
Messieurs, immédiatement après l'abolition des barrières de l'Etat, tous les conseils provinciaux du pays ont chargé leur députation permanente de rechercher, avant la session suivante, les moyens de supprimer les barrières des provinces et des communes, mais, sauf la province de Luxembourg, qui est parvenue à ce résultat, les efforts des députations sont restés stériles.
Aussi, avant d'aviser à la création de nouveaux impôts à cette fin, chose à peu près impossible, en présence de tous ceux qui ont déjà été frappés depuis peu, six députations permanentes demandent à la législature d'intervenir, en cette circonstance, en faveur des provinces et des communes, et, comme mode d'intervention à cet égard, elles proposent l'abandon à leur profit du produit de la taxe sur les débits de boissons distillées, c'est-à-dire que cette taxe, au lieu d'être un impôt payé au profit du trésor public, deviendrait un impôt provincial.
Le produit de cette même taxe aurait deux destinations ; il servirait d'abord à rembourser aux provinces et aux communes des sommes égales à celles auxquelles elles auraient renoncé par l'abolition de leurs barrières, et il aiderait en outre les provinces et les communes à faire face à deux dépenses d'une extrême importance, mais qui actuellement dépassent réellement leurs forces ; je veux parler de celles de l'enseignement et de la voirie. Je suis bien obligé de commencer par vous dire, messieurs, que dans le moment actuel, et alors que le trésor publie éprouve des difficultés sérieuses, je ne viens pas demander qu'il renonce de suite à une recette d'environ 1,400,000 fr.
Je conçois que la situation actuelle du trésor ne le permette pas, mais ce que je désire, appuyant en cela les idées que semble émettre, quant au fond, votre commission des pétitions, c'est que la Chambre reçoive et conserve une impression favorable et sympathique à la proposition des députations permanentes, sauf avoir appliquer les mesures qu'elles réclament dès que les circonstances le permettront ; j'espère que cela ne tardera guère.
J'ai dit, messieurs, que le produit de la taxe sur les débits de boissons distillées, auquel l'Etat renoncerait en faveur des provinces et des communes, serait d'environ l,400,000 fr.
D'après les propositions des députations permanentes, sur cette somme de 1,400,000 fr., celle de 900,000 fr. (somme ronde) serait affectée à la compensation du revenu des barrières, et l'excédant, c'est-à-dire environ 500,000 francs, formeraient pour les provinces et les communes une ressource devenue bien nécessaire aujourd'hui pour l'entretien de la petite voirie et pour l'enseignement primaire.
M. le ministre des finances, dans les explications écrites qu'il a fournies dernièrement au Sénat sur cette proposition, a déclaré ne pas l'accueillir.
Mais il est évident que le motif principal de l'opposition de M. le ministre est que, comme il le dit lui-même, page 4 de ses explications, « le gouvernement a besoin de toutes ses ressources pour faire face à ses engagements, et que le trésor se trouve en présence de difficultés qui sont dues surtout à l'influence de la crise que nous venons de traverser et qui sont telles, qu'il a fallu ajourner une grande partie des travaux publics en cours d'exécution. »
Je fais d'abord remarquer à la Chambre que ce motif d'opposition de la part de M. le ministre, motif qui, sans aucun doute, est le principal, n'affecte en rien le principe même de la proposition des députations permanentes.
En effet, nous admettons qu'il soit vrai que la situation du trésor ne permette pas que l'Etat renonce à la recette dont il s’agit, nous (page 174) admettons que les excédants des recettes sur les dépenses de l'Etat ne soient pas assez considérables en ce moment, et par suite de circonstances tout accidentelles, pour que celui-ci consente à les voir diminuer même dans un intérêt public aussi grave que celui dont il est question ; mais n'est-ce donc pas à dire, messieurs, que si les excédants étaient à présent ce qu'ils sont d'ordinaire, ce qu'ils étaient avant la crise de l'an dernier, avant les nouveaux tarifs du chemin de fer et ce qu'ils reviendront, du reste, infailliblement bientôt et si nous étions dans une situation parfaitement normale, il y aurait lieu de prendre en sérieuse considération la demande des députations permanentes et même d'y faire droit ? Il résulte de là, messieurs, que le motif le plus puissant que le gouvernement ait de s'opposer à l'objet de cette demande est sans importance quant au fond de la question, car les faits sur lesquels il s'appuie sont essentiellement transitoires, temporaires et accidentels.
Dès lors, messieurs, aussitôt que ces faits seront disparus, le premier et principal motif qui soit allégué par M. le ministre des finances s'évanouira également, et nous nous trouverons alors uniquement devant la seconde raison donnée par lui pour s'opposer à la demande dont il s'agit cette raison, la voici : C'est aux provinces et aux communes, dit-il, de pourvoir aux dépenses provinciales et communales et non à l'Etat ; et il serait injuste que l'Etat fît des sacrifices plus considérables au profit de certaines provinces qu'au profit de certaines autres.
Mais, messieurs, quelques observations détruiront facilement ce second motif.
Pourquoi, en effet, certaines provinces ont-elles fait plus de dépenses que certaines autres pour la construction de routes sur leur territoire ? C'est parce qu'elles ont pris courageusement et généreusement l'initiative à cet égard, et cela à une époque oh l'Etat restait en retard de satisfaire même aux besoins les plus urgents sous ce rapport.
Plusieurs provinces ont donc alors contracté des emprunts pour construire des routes provinciales, elles ont excité les communes à en faire autant, elles ont été forcées d'établir des barrières pour pourvoir, du moins en partie, au payement des intérêts de ces emprunts. Eh bien, messieurs, si la situation actuelle des choses est maintenue, et si la législature n'aide pas les provinces à supprimer les barrières sur les routes qu'elles n'ont construites qu'à défaut du gouvernement, une grave injustice se perpétuera et une inégalité choquante continuera à exister entre les différentes parties du pays.
Ainsi parce que telles ou telles provinces ont résolument emprunté des millions pour devancer le gouvernement dans l'accomplissement d'un devoir, celui de faire des routes là où elles étaient le plus nécessaires, non seulement ces provinces resteront perpétuellement chargées de ces emprunts, mais le public en général, et surtout les particuliers resteront aussi perpétuellement grevés des droits de barrière, tandis que là où les autorités provinciales se sont croisé les bras, là où elles ont attendu patiemment l'action du gouvernement, là où elles sont restées inertes jusqu'à ce que le gouvernement construisît sur leur territoire les routes qui y étaient attendues depuis longtemps, là non seulement aucune dette n'aura été contractée de ce chef par ces dernières provinces prudentes à l'excès, mais encore l'abolition des barrières sur les routes de l'Etat les affranchit aujourd'hui complètement de ce lourd impôt, puisque chez elles il n'existe point ou il n'existe que peu d'autres routes que des routes de l'Etat ; ainsi dans la province de Limbourg, il n'y a pas un mètre de route provinciale.
Messieurs, la justice distributive exige donc que l'Etat fasse quelque chose aujourd'hui en faveur des provinces qui se sont obérées pour construire des routes.
Il doit les aider à supprimer leurs barrières et à faire cesser ainsi une cause d'inégalité réelle, non seulement entre les provinces, mais encore entre les citoyens.
Je dis, messieurs, entre les citoyens et, en effet, cette inégalité est frappante surtout au point de vue industriel.
Ainsi je suppose deux établissements industriels similaires, situés tous deux à une égale distance du lieu d'approvisionnement de leurs matières premières, ou d'expédition de leurs produits, mais le hasard a placé un de ces établissements à portée d'une route de l'Etat, et l'autre à portée d'une route provinciale.
Eh bien, le premier s'est vu affranchi tout à coup du lourd impôt des barrières, tandis que le second en reste encore grevé. Or, pour des transports par axe, l'impôt des barrières seul peut établir une différence d'un franc ou même de deux francs par tonne de charbon, par exemple, au détriment de l'un et au profit de son heureux concurrent. Evidemment, messieurs, comme c'est par le fait de l'Etat que cette situation nouvelle des choses a été subitement établie, vous concevez tous parfaitement qu'il y a pour lui une obligation tout au moins morale de faire cesser cette perturbation notable, produite dans les conditions respectives des industriels et qu'il doit chercher l'occasion de rétablir l'équilibre et l'égalité compromis par son propre fait.
Donc, lorsque M. le ministre des finances objecte que les barrières provinciales et communales constituent des intérêts provinciaux et communaux et qu'il n'appartient pas à l'Etat de s'immiscer dans de semblables intérêts, cette objection porte à faux dans le cas particulier qui nous occupe. Il serait, au contraire, impossible que l'Etat fît un meilleur et plus équitable usage d'une faible partie de ses revenus, que d'aider à mettre toutes les parties du pays dans les mêmes conditions d'affranchissement complet des entraves connues sous le nom de droits de barrières.
J'ai dit, messieurs, que dans le système des députations permanentes, lorsque le produit de la taxe sur le débit de boissons, dans chaque province, aurait d'abord servi à rembourser à la province et aux communes une somme égale au produit supprimé des barrières, l'excédant serait entièrement consacré aux services si importants de la voirie et de l'enseignement.
Quant à ce point, M. le ministre des finances, dans sa réponse au Sénat, signale une inégalité qui, selon lui, existerait entre les provinces, si l'on suivait à la lettre le système des députations.
Il en donne l'exemple que voici :
Dans la Flandre occidentale, le produit de la taxe sur les débits de boissons est de (chiffres ronds) 138,000 fr., tandis que la somme totale des barrières provinciales et communales à supprimer, somme qui devrait être prélevée sur le produit de la taxe ci-dessus, serait de 123.000. Donc il ne resterait pour cette province qu'un excédant de 15,000 fr.
Pour la voirie et l'enseignement primaire, tandis que dans la Flandre orientale, le produit de la taxe étant de 180,000fr., et la somme totale des barrières à supprimer étant de 71,000 fr., il resterait à cette dernière province un excédant de 109,000 fr. pour l'amélioration de la voirie et de l'enseignement primaire ; donc 15,000 francs pour la première et 109,000 francs pour la seconde.
Cette objection qui n'a, d'ailleurs, trait qu'à un détail est fondée, et je pense, quant à moi, qu'il peut y avoir une répartition plus égale à faire entre les provinces de l'excédant dont il s'agit que celle proposée par la pétition des députations ; mais, je le répète, ce n'est là qu'un détail, un mode d'exécution de la mesure, et la solution de cette difficulté est d'ailleurs très facile.
En effet, il suffira que les provinces établissent entre elles un syndicat pour la répartition de la totalité de la taxe sur les débits de boissons et l'administration centrale pourra parfaitement leur servir de syndicat à cet égard ; ce syndicat ou l'administration centrale elle-même distribuera d'abord à chaque province une somme égale à celle des barrières abolies, et puis elle partagera l'excédant entre toutes les provinces au marc le franc, d'après la double base combinée de la population et de l'étendue du territoire de chacune d'elles. De cette manière, toute inégalité, toute injustice cesseront dans la répartition de l'excédant et l'objection tombe.
Mais il est, messieurs, un point de vue très important, auquel les députations permanentes se sont placées pour étayer leur proposition et dont M. le ministre des finances n'a nullement fait mention dans sa lettre à M. le président du Sénat, c'est la question morale et sociale, c'est la nécessité de faire cesser les effets désastreux et les abus nombreux de la multiplication exagérée des débits de boissons.
Tout a été dit sur cette matière dans cette enceinte et hors de cette enceinte.
Tout le monde sait et tout le monde déplore que le caractère d'impôt direct au profit de l'Etat, caractère que revêt, à tort ou à raison, la taxe des débits de boissons, est une des principales causes de la multiplication excessive des cabarets, parce qu'il excite les partis à cette multiplication, et leur donne même le moyen de créer frauduleusement des électeurs ; j'estime, messieurs, que notre devoir le plus strict, le plus sacré, est de couper, si nous le pouvons, le mal dans sa racine, non seulement dans l'intérêt de la sincérité et de la loyauté des élections, mais encore dans l'intérêt de la moralité et de l'hygiène publiques. C'est là un motif (page 175) bien puissant, le plus puissant, je n'hésite pas à le dire, pour adopter la proposition des députations permanentes. En effet, si l'on raye l'impôt des débits de boissons du nombre des impôts perçus au profit du trésor, l'on obtient immédiatement ce premier résultat que tout le monde doit rechercher et désirer.
Je conclus en exprimant l'espoir que vous serez tous favorables en principe à l'idée émise et développée dans le mémoire que vous avez sous les yeux.
C'est la province de Namur qui a pris l'initiative de cette idée, et vous n'en serez pas étonnés, messieurs, lorsque vous saurez, d'une part, qu'elle est une des provinces qui a relativement fait les plus grands sacrifices pour ses routes provinciales, et, d'autre part, qu'elle est de toutes les provinces la mieux dotée au point de vue de cette intéressante institution qu'on appelle débits de boissons.
Savez-vous quelle est la proportion des débits de boissons par habitant dans la province de Namur ? Elle est de 1 débit sur 37 habitants. Déduisez les enfants, les infirmes et les femmes, et vous aurez une proportion d'un débit par 7 ou 8 hommes adultes et valides.
Messieurs, en rassemblant tous les éléments du mémoire remarquable auquel six députations ont adhéré et qu'elles ont fait leur après mûre délibération, l'honorable M. de Mévius, membre du conseil provincial de Namur. délégué par la députation permanente de cette province, a fait preuve d'autant de talent que de connaissance des faits.
La députation du Luxembourg ne s'est pas fait représenter dans les conférences qui ont donné lieu à ce travail, parce qu’elle s’est vue désintéressée dans la question, ayant supprimé ses barrières.
Si le délégué de la province de Liège n'a pas adhéré aux conclusions de la conférence, le mémoire constate que c'est seulement parce qu'il les a crues inopportunes, à cause du déficit prévu dans les recettes du chemin de fer de l'Etat.
Enfin le délégué du Brabant, tout en n'adhérant pas à ces conclusions, émettait l'avis de porter au régime actuel des cabarets un remède plus énergique et p'us radical encore, en supprimant complètement le droit de débit de boissons distillées et en augmentant les droits d'accise sur ces boissons.
Votre commission des pétitions semble être également favorable en principe à la proposition des députations permanentes, car, après avoir analysé les considérations émises par un de ses membres, considérations toutes favorables à la proposition des députations permanentes, l'honorable rapporteur ajoute «qu'il est bien d'autres motifs encore qui militent en faveur de cette proposition.» Enfin, les conclusions de la commission consistent dans le renvoi des pétitions à M. le ministre des finances et à M. le ministre de l'intérieur.
Eh bien, c'est dans ces termes favorables que j'appuie ce double renvoi, espérant qu'il résultera de l'étude que le gouvernement fera ultérieurement de ces pétitions et des considérations qu'elles renferment, que l'intérêt général exige l'adoption du système proposé par les députations permanentes.
M. Thonissenµ. - Tout à l'heure, l'honorable M. Moncheur a parlé de certaines provinces que l'Etat couvre généreusement de routes gouvernementales, et parmi ces provinces, il a cité celle de Limbourg. Le fait est exact. L'Etat a construit chez nous beaucoup de routes gouvernementales et nous lui en sommes très reconnaissants. Mais il y a un autre fait que l'honorable orateur n'a pas cité et que, pour ma part, je tiens à constater, c'est que chaque fois que le gouvernement construit une route dans le Limbourg, cette province intervient pour un tiers dans la dépense.
Je ne pense pas qu'il en soit de même dans toutes les autres provinces.
MfFOµ. - Messieurs, j'admire avec quelle facilité l'on met en avant les plus beaux principes, et comment on a bien soin de ne jamais les appliquer.
Un des principes qui a été défendu par la plupart des honorables membres de la droite, c'est celui de la décentralisation.
On avait, selon eux, beaucoup trop restreint l'autonomie des provinces et des communes. Il fallait leur laisser une plus grande somme de liberté ! En un mot, il fallait décentraliser.
Nous sommes, quant à nous, très partisans de la décentralisation : nous avons donc applaudi aux idées que l'on préconisait, et nous avons même propose des mesures dans le sens de ces idées. Mais nous avons voulu une application sérieuse du principe.
Pour les honorables membres, il en est tout autrement. Pourvu que l'on adore le principe d'une manière platonique, cela suffit. Quant à l'appliquer, à le mettre en pratique, c'est-à-dire, quant à consentir à en subir les charges pour en recueillir les avantages, c'est tout différent. En fait donc, on abandonne le principe, on le repousse, on n'en veut pas !
Dans la matière qui nous occupe, celle des barrières, qu'avons-nous dit ? Lorsque nous avons proposé la suppression des barrières sur les routes de l'Etat, nous avons déclaré que l'existence des barrières n'est pas une chose tellement mauvaise et condamnable en soi, qu'il faille la proscrire par mesure législative. Seulement, l'Etat pouvant se passer de ce revenu, supprimons les barrières sur les routes de l'Etat, en laissant aux communes et aux provinces, conformément aux principes constitutionnels et aux dispositions organiques des lois provinciale et communale, laissons aux provinces et aux communes le soin d'apprécier par elles-mêmes s'il leur convient de maintenir les barrières ou de les supprimer. Cette déclaration me paraît être parfaitement en harmonie avec le principe de la décentralisation.
Eh bien, au lieu de cela, on vient nous dire aujourd'hui : Que l'Etat s'empare de cet intérêt communal et provincial, qu'il en décide en souverain ; provinces et communes nous sommes prêtes à vendre notre droit pour un plat de lentilles. Si l'Etat veut bien nous dispenser des charges, nous lui abandonnons tous nos droits ; il sera souverain maître de nos routes provinciales et communales, qu'il régira comme il l'entendra.
Quant à moi, messieurs, je persiste à penser qu'il faut procéder autrement ; qu'il faut avoir un principe plus sage, plus viril en cette matière. Il faut dire aux communes et aux provinces : Restez en possession des droits et privilèges dont vous jouissez : n'abandonnez aucun des intérêts dont le soin vous est confié. Voulez-vous des barrières, ayez des barrières ; n'en voulez-vous pas, supprimez-les ; faut-il pour les supprimer faire un sacrifice, faites ce sacrifice. En un mot, décidez vous-mêmes tout ce qui se rattache à cette question, dans la plénitude de vos prérogatives constitutionnelles.
Ce qu'il y a d'étrange, ce qui est à peine croyable, c'est qu'il s'agit ici de sommes véritablement insignifiantes.
En effet à combien s'élève le produit des barrières pour toutes les communes de la Belgique ? A moins de 500,000 francs ; il s'agit de 400,000 francs environ. Et pour ces misérables 400,000 fr., il faut qu'on vienne mendier le secours de l'Etat, et qu'on vienne le mendier dans quelles circonstances ? Lorsque les communes sont en possession du fonds communal et que, depuis sa création, ce fonds s'est accru eu moyenne par année de 500,000 fr., c'est à dire, d'une somme égale au produit annuel des barrières communales. Est-ce que cela est raisonnable ?
Pour toutes les provinces de la Belgique, de quelle somme s'agit-il ? D'une somme à peu près égale, et par conséquent insignifiante. Y a-t-il donc à vaincre des difficultés insurmontables pour parvenir à la suppression de ces barrières dans chaque province ? D'abord il est des provinces qui ont déjà décidé cette suppression, et qui l'ont fait sans avoir aucunement besoin de recourir à l'intervention de l'Etat.
M. Bouvierµ. - Le Luxembourg.
MfFOµ. - Oui, le Luxembourg, et aussi la province de Liège. Que faudrait-il donc pour remplacer le produit des barrières dans chaque province ? Faudrait-il, pour y parvenir, imposer des charges nouvelles bien lourdes aux contribuables ? Vous allez en juger. Les provinces pourraient supprimer leurs barrières au moyen de quelques centimes additionnels au principal des contributions directes. En voici l'indication pour chacune d'elles : Anvers 2,8, Brabant 2,52., Flandre occidentale 2,5, Flandre orientale 1,42, Hainaut 1,77, Liège 0,92, Luxembourg 3,67 et Namur 3,11.
Ainsi, en décrétant trois centimes et onze centièmes additionnels au principal des contributions directes, la province de Namur conserverait toute sa liberté, tous ses droits, parmi lesquels le plus essentiel est, sans contredit, celui de s'imposer. Et c'est pour se soustraire à une pareille imposition, c'est-à-dire pour une véritable bagatelle, que l'on vient demander que l'Etat se substitue à la province, en absorbant une partie de ses prérogatives !
Je ne pense pas que, dans de telles conditions, il se trouve dans la Chambre beaucoup de membres qui soient disposés à appuyer la proposition défendue tout à l'heure par l'honorable M. Moncheur.
Ayant ainsi exposé la question, de manière à permettre à chacun d'en (page 176) apprécier parfaitement le principe, ai-je besoin de réfuter des objections de détail qui ont été produites par l'honorable membre, et de m'occuper, entre autres, des inégalités de condition résultant de ce que les barrières sont aujourd'hui supprimées sur les routes de l'Etat, tandis qu'elles existent encore sur certaines routes concédées, etc., etc. ?
Il me suffira, je pense, de faire remarquer que ces inégalités existaient précédemment à un degré non moins prononcé qu'aujourd'hui, et que c'est aux provinces et aux communes à apprécier s'il convient à leurs intérêts, à ceux de leurs habitants, de se soustraire à ces inégalités.
Mais, dit l'honorable membre, ces inégalités sont telles, qu'elles peuvent donner lieu, dans certains cas, à une différence d'un franc sur la valeur d'une tonne de charbon, par suite de l'augmentation des frais de transport résultant du droit de barrière maintenu sur certaines routes.
Je demanderai à l'honorable membre si de pareilles inégalités, produites par d'autres causes, n'existent pas également aujourd'hui ? Est-ce que ces inégalités ne sont pas dans la nature des choses ? Est-ce qu'une usine, un établissement quelconque qui se trouve au bord d'un canal, à proximité d'une station de chemin de fer, n'est pas dans une position privilégiée comparativement à tel établissement situé plus ou moins loin, et qui, pour faire arriver ses produits au canal ou à la station de chemin de fer, doit s'imposer les frais d'un transport par axe ? Est-ce que cela cause la moindre perturbation dans l'industrie ? Dans tous les cas, je le répète, c'est aux provinces et aux communes à apprécier ce qu'il leur convient de faire en cette matière.
Le système proposé a encore ceci de bien étrange, qu'alors qu'on vient demander le concours de l'Etat pour l'abolition des barrières provinciales et communales, on ne se borne pas à lui dire : Indemnisez-moi de la charge qui pèse aujourd'hui sur moi ! Non : on va beaucoup plus loin : on lui propose une opération qui doit procurer un notable bénéfice aux provinces, au détriment du trésor public.
Les barrières provinciales et communales donnent un produit moyen estimé à 899,000 francs, et on demande à l'Etat d'abandonner, pour le rachat de ce produit, un impôt qui rapporte 1,372,000 francs.
M. Bouvierµ. - Le Dieu-Etat !
MfFOµ. - C'est en effet au Dieu-Etat, comme le dit mon honorable interrupteur, que l'on demande de verser dans la caisse des provinces et des communes une somme notablement supérieure à la charge dont elles voudraient se débarrasser. Mais, dit-on, on fera un excellent usage de cet excédant ; on pourra, par exemple, l'appliquer aux besoins de l'instruction primaire, etc. Messieurs, je suis parfaitement convaincu que cet argent pourrait être fort utilement employé. Seulement, je ferai remarquer que c'est aux provinces et aux communes qu'il incombe de pourvoir à ces besoins et que l'Etat n'est point tenu de te substituer à elles sous ce rapport.
L'honorable membre s'est trompé quand il a dit que le principal motif invoqué par le gouvernement, contre le système de la députation permanente de la province de Namur, auquel se sont facilement ralliées les autres députations permanentes, ce qui se conçoit sans peine, puisqu'il s'agit de demander de l'argent à l'Etat ; il s'est trompé, dis-je, quand il a dit que l'opposition du gouvernement provenait principalement de la situation du trésor.
Pas le moins du monde : l'opposition du gouvernement est basée sur des motifs de principe, de raison et de justice.
M. Coomans. - Oui, il s'agit de maintenir les cabaretiers sur les listes électorales.
MfFOµ. - J'allais y venir. — Après toutes les considérations que je viens de présenter et qui, je le croyais du moins, auraient dû trouver pour défenseur l'honorable membre qui m'interrompt, lui, le défenseur par excellence des libertés communales, lui l'adversaire résolu du Dieu-Etat, cet honorable membre aurait dû, plus que tout autre, combattre la proposition de l'honorable M. Moncheur.
Eh bien, pas du tout : nous le trouvons parfaitement d'accord avec l'honorable député de Namur ; pourquoi ? Mais, messieurs, n'est-ce pas-toujours la même malice qui reparaît sous des formes diverses ?
On présente la mesure comme devant avoir une grande portée morale et sociale, sous prétexte qu'elle donnera le moyen de réprimer l'ivrognerie.
Je dis le prétexte, parce que le motif principal, réel, mais que l'on n'avoue pas, est tout différent ; on propose d'exonérer les provinces et les communes de l'impôt des barrières, pour arriver toujours au même résultat : « Supprimons des électeurs ; ce sont ces électeurs qui nous gênent. Faisons donc un impôt communal ou provincial du droit qui est aujourd'hui payé à l'Etat pour le débit des boissons alcooliques. Alors on ne pourra plus dire que c'est un impôt direct. »
- Un membre. - Ce n'est pas un impôt direct.
MfFOµ. - C'est le législateur qui lui-même a décidé que l'impôt sur le débit des boissons distillées était un impôt direct...
- Un membre. - Il s'est prononcé en différents sens.
MfFOµ. - Le législateur, à mon avis, a décidé selon le sens commun en déclarant que c'était un impôt direct, et qu'il devait, à ce titre, compter pour la formation du cens électoral.
Encore une fois, je ne puis que m'étonner de tous ces moyens détournés qu'on emploie pour arriver à un but qu'il est impossible d'atteindre de cette manière. Dernièrement nous avons démontré que les moyens que l'on indiquait alors étaient tout à fait inefficaces à cet effet. Aujourd'hui, atteindrait-on mieux le but, par l'abandon aux provinces du produit de l'impôt sur le débit des boissons distillées ? Est-ce que le nombre de cabarets que signale l'honorable M. Moncheur va diminuer, quand l'impôt sera payé à la province ou à la commune au lieu de l'être à l'Etat ? Evidemment non. En prétendant que le nombre des cabarets sera restreint, on se fonde sur cette considération que, dans l'état actuel des choses, les partis profitent de la taxe établie sur le débit des boissons distillées pour créer de faux électeurs, et partant des cabarets.
Je crois, messieurs, que l'on donne aux faits regrettables qui ont été signalés, des proportions par trop exagérées, en prétendant que l'augmentation du nombre des cabarets résulte presque exclusivement des manœuvres électorales. Les cabarets ont augmenté ; comme toutes choses ont augmenté. Ainsi que vous l'avez vu, dans la lettre que j'ai eu l'honneur d'adresser au Sénat, lorsqu'il y a été question de cette affaire, produit du droit de débit s'est accru de 40 p. c. Mais le produit des patentes s'est également accru de 40 p. c, et celui des autres contributions s'est élevé également dans des proportions qui se rapprochent de cette quotité. Voilà ce qui est la vérité. Or, à l'aide des moyens que vous indiquez, il n'y aura aucun changement.
Si vous supprimez quelques centaines, j'irai même jusqu'à dire quelques milliers d'électeurs qui le sont à l'aide de l'impôt sur le débit de boissons distillées, quel résultat aurez-vous obtenu, alors qu'il existe aujourd'hui environ 100,000 débitants de boissons distillées dans le royaume ?
Ce sont là de mauvais moyens. Si vous voulez vous attaquer à l'impôt, en tant qu'impôt électoral, faites-le directement ; saisissez la Chambre d'une proposition formelle. A quoi bon tous ces expédients qui n'ont aucune valeur, et qui ne peuvent vous faire aboutir au but que vous désirez si ardemment d'atteindre ?
M. de Theuxµ. - Messieurs, je crois que le but qu'on cherche à atteindre, c'est de supprimer la fabrication des faux électeurs. Pour moi tout ce qui conduira à ce but aura mon approbation. Je suis étonné que M. le ministre des finances, qui a proposé la loi sur les fraudes électorales, ne se soit pas occupé de cette fraude-là qui, d'après les résultats de l'expérience, est une des principales fraudes qui se pratiquent dans le pays.
MfFOµ. - L'honorable M. de Theux oublie que la loi dont il vient de parler punit précisément les faits de ce genre, c'est-à-dire les fausses déclarations qui sont faites en vue de s'attribuer indûment le droit électoral.
Ce n'est pas seulement à l'aide de l'impôt sur le débit des boissons distillées que de faux électeurs peuvent être créés ; ou peut en créer également à l'aide du droit de patente, et c'est en réalité ce qui se pratique.
Maintenant, veuillez remarquer qu'indépendamment du droit de débit, il y a une patente pour les cabaretiers, de telle sorte que la fraude que l'on signale pourrait être pratiquée avec la patente, comme elle peut l'être à l'aide du droit de débit sur les boissons distillées ; or, le droit de patente, on n'en parle pas, on le maintient. Il est inattaquable.
En effet, ou ne peut pas prétendre que ce n'est pas là l'impôt direct dont parlent nos lois fondamentales, puisqu'elles expriment au contraire que le droit électoral s'acquiert par le payement d'une certaine somme de contribution directe, patentes comprises.
M. Coomans. - La loi électorale, pas la loi fondamentale.
MfFOµ. - La Constitution (page 177) le dit, sinon pour le cens électoral, au moins pour le cens d'éligibilité au Sénat.
Mais n'importe, vous n'oseriez pas attaquer cet impôt. Or, la patente permet exactement de faire ce que vous considérez, avec raison du reste, comme mauvais à l'aide du droit de débit.
Je l'ai déjà dit plusieurs fois : personne n'est plus opposé que moi à la fabrication de faux électeurs. J'ai fait des propositions que la Chambre a approuvées en vue d'amener la plus grande sincérité possible en matière électorale, et j'ai dit spécialement, pour ce qui concernait le droit de débit, que je rechercherais encore bien volontiers s'il n'y aurait pas quelques moyens de rendre plus difficiles les manœuvres qui se pratiquent à l'aide de cet impôt, comme à l'aide d'autres impôts ; si, par exemple, on ne pourrait pas exiger une possession plus longue, un payement plus long du cens, afin de rendre plus difficiles, plus onéreuses les manœuvres frauduleuses que je suis le premier à condamner.
M. Dumortier. - Je suis très heureux d'entendre M. le ministre des finances nous dire que personne n'est plus opposé que lui à la fabrication de faux électeurs. Mais je désirerais que les actes fussent mis en harmonie avec les paroles. Il est un fait qui a été démontré cent fois, qui est à l'abri de toute espèce de contestation : c'est que rien ne prête à faire de faux électeurs comme l'impôt d'accise sur le débit des boissons devenu impôt électoral. Plusieurs fois, des députations permanentes, saisies de réclamations très vives sur ce point, ont envoyé des commissaires dans les communes pour voir si l'abus signalé existait, oui ou non, s'il y avait, oui ou non, de faux électeurs. Mais pour constater que l'on est électeur, il faut avoir la base de l'impôt, et qu'est-ce que la base de l'impôt du droit de débit ? C'est une bouteille de genièvre et deux petits verres... (Interruption.)
- Plusieurs membres. - La question est épuisée.
M. Dumortier. - ... Et sur sa porte une enseigne, une branche de genévrier, avec ces mots : « Au Bouchon ». Au moyen de cela, on est électeur.
MfFOµ. - Et le droit de débit de tabac ?
M. Dumortier. - C'est la même chose ; ce sont des impôts de consommation.
MfFOµ. - Et les cinq sixièmes des patentes ?
M. le président. - J'engage à revenir à la question. Il s'agit des conclusions de la commission relatives à des pétitions.
M. Dumortier. - L'impôt sur le genièvre en particulier, qu'est-ce que c'est, en définitive ? Mais c'est un droit d'accise. (Interruption.)
- Plusieurs membres. - Vous l'avez déjà dit.
M. Dumortier. - Cela vous gêne ; mais s'il ne vous plaît pas de l'entendre, il me plaît de le dire... (Nouvelle interruption.) Vous n'aimez pas qu'on mette le doigt sur la plaie. Il n'y a rien qui fasse crier le malade comme de mettre le doigt sur la plaie, et comme je mets directement le doigt sur la plaie, le malade crie.
M. Bouvierµ. - Nous ne nous sentons pas du tout malades.
M. Dumortier. - Je dis donc que cet impôt n'est autre chose qu'un impôt d'accise et rien n'est plus facile que de créer de faux électeurs au moyen de cet impôt. Je le répète, quand les députations permanentes ont envoyé des commissaires pour voir si dans une commune il y avait de faux électeurs, ou a toujours trouvé, chez les personnes indiquées, une bouteille de genièvre et deux petits verres, et elles avaient la base électorale.
Mais, dit l'honorable M. Frère, on peut faire de faux électeurs au moyen de la patente. Oui, mais ce qu'on ne dit pas, c'est que pour avoir la base électorale en matière de patente, il faut avoir une maison de commerce ouverte, et vous ne faites pas une maison de commerce à si peu de frais que vous ouvrez un débit de boissons. Avec un franc cinquante vous pouvez ouvrir un débit de boissons et créer un électeur ; pouvez-vous faire la même chose avec la patente ?
Ainsi donc quand vous voyez la droite revenir sur cette question, c'est qu'elle sait parfaitement qu'elle met le doigt sur la plaie de la gauche, c'est qu'elle sait parfaitement que ce système est diamétralement opposé à la Constitution. Le droit de patente fait légitimement partie du cens électoral, le Congrès s'en est expliqué, mais je ne confondrai jamais le droit de patente, établi sur tous les citoyens, avec une fabrication d'électeurs par catégories, ce qui est la pire des choses. Fabriquer des électeurs par catégories, c'est un système tout à fait contraire à la Constitution,
MfFOµ. - Messieurs, il me paraît que le vrai motif de la discussion n'était pas la question des barrières, mais bien, encore une fois, l'affaire des débitants de boissons. (Interruption.) L'honorable M. Moncheur s'en est occupé et il a déclaré très nettement que l'un des buts de sa proposition était la suppression d'un certain nombre d'électeurs.
M. Moncheurµ. - Sans doute.
MfFOµ. - On finira peut-être un jour par lasser la patience de la Chambre en mettant en question, pour ainsi dire chaque semaine, cette partie de la législation électorale.
L'honorable M. Moncheur a dit tantôt, avec vérité, que les partis s'emparent des moyens que présente l'impôt sur le débit des boissons alcooliques pour fabriquer, de part et d'autre, de faux électeurs. Mais pour l'honorable M. Dumortier, il ne s'agit pas du tout ici de faux électeurs fabriqués de part et d'autre au moyen de l'impôt sur le débit des boissons ; tous ces faux électeurs sont des libéraux, fabriqués par l'opinion libérale exclusivement. (Interruption.) De ce que nous soutenons que le droit de débit est un impôt direct, vous induisez avec une grande perspicacité que nous soutenons cette opinion uniquement parce que nous y trouvons un moyen de créer de faux électeurs libéraux. Or, il résulte de ce qu'a dit l'honorable M. Moncheur que vous fabriquez aussi de faux électeurs cléricaux ! (Interruption.)
Vous n'avez rien à m'apprendre sous ce rapport ; je sais parfaitement ce qui se passe ; je pourrais citer des communes où la fraude s'est pratiquée sur la plus large échelle, et vous dire quels sont ceux qui ont fabriqué de faux électeurs. Pour peu que vous y ayez intérêt, je vous dirai... (Interruption.)
Je ne m'adresse pas précisément à l'honorable M. Moncheur, qui a reconnu qu'on fabrique de faux électeurs des deux côtés ; mais je m'adresse à ceux qui viennent dire : En maintenant le droit de débit comme impôt direct au profit de l'Etat, vous montrez l'intérêt électoral que vous avez dans cette question. Vous ne maintenez cet impôt dans ces conditions, que parce qu'il vous est nécessaire pour vous assurer la majorité dans les comices, à l'aide des faux électeurs que cet impôt vous donne le moyen de créer. Voilà la prétention que je combats et je démontre qu'elle n'est pas soutenable.
Je pourrais le démontrer de beaucoup plus près, si j'avais à vous signaler les localités dans lesquelles la fraude se pratique, pourquoi elle se pratique et dans quel intérêt.
M. Wasseige. - Vous n'avez rien démontré jusqu'à cette heure.
- Une voix. - Parlez.
MfFOµ. - Je pourrais vous indiquer des communes dans lesquelles on a réalisé le rêve de M. Coomans, non pas seulement à l'aide du droit de débit des boissons, mais surtout à l'aide des patentes. On y a réellement établi le suffrage universel. Il y a des communes en Belgique où tous les chefs de famille, ou peu s'en faut, se trouvent ainsi électeurs.
M. Coomans. - Eh bien ?
MfFOµ. - De quoi vous plaignez-vous ?
M. Coomans. - Cela vous scandalise.
MfFOµ. - Cela me scandalise, mais cela ne devrait pas vous scandaliser.
M. Coomans. - Si c'est le suffrage universel.
MfFOµ. - Je dis maintenant que si vous voulez être conséquents, si vous attaquez le principe de cet impôt direct comme mauvais, puisqu'il sert à fabriquer de faux électeurs, il ne faut pas vous arrêter là. Je vous ai dit tout à l’heure que si vous voulez vous attaquer à la patente des cabaretiers, il fallait vous attaquer aux autres patentes à l’aide desquelles on arrive exactement aux même résultats.
- Une voix. - Non.
MfFOµ. - On dit non.
M. Thonissenµ. - La patente des cabaretiers est moins élevée.
MfFOµ. - Sans doute, mais il n'y a pas que celle-là, il y en a d'autres. S vous vous donniez la peine d'ouvrir le tableau des patentables annexé à la loi de 1819, vous y trouveriez un grand nombre de professions pour lesquelles il n'est pas nécessaire de posséder plus de base d'impôt qu'en matière de débit.
M. Thonissenµ. - Pour trois ou quatre.
MfFOµ. - Je vous demande bien pardon. Il y en a un grand nombre. Vous avez, par exemple, (page 178) des patentes de chiffonniers. Pourriez-vous me dire quel doit être pour les chiffonniers la hase de l'impôt ?
Eh bien, je pourrais vous indiquer une commune dans laquelle il y a beaucoup de faux électeurs créés à l'aide de la patente de chiffonnier.
- Une voix. - Oui ! oui !
MfFOµ. - C'est précisément une commune de la province de Namur.
La patente s'applique à une masse de petites industries, de petites professions pour lesquelles la base est tout aussi discutable que lorsqu'il s'agit de débits de boissons. Sauriez-vous bien indiquer une base d'impôt pour le commis voyageur, pour le colporteur, pour le commissionnaire ?
Pour vous montrer comment la patente s'applique à une multitude de petites professions et de petits commerces pour lesquels la base d'impôt est plus ou moins difficilement appréciable, je vous dirai qu'au moins 80 p. c. des patentes sont inférieures à 10 fr.
M. de Naeyerµ. - Pour les débits de boissons, le minimum est de 12 francs.
MfFOµ. - Je concède cela à l'honorable M. de Naeyer. Je sais parfaitement que le droit de débit est plus élevé que la patente ordinaire. Mais de quoi nous occupons-nous ? Il s'agit de savoir si nous n'avons pas d'autres impôts que le droit de débit de boissons, qui donnent un moyen facile de compléter le cens électoral à ceux qui veulent figurer sur les listes. Or, il y a des individus qui payent 2, 3 et 4 patentes pour diverses professions qu'ils exercent cumulativement, et, s'il s'agit de fraude, pour des professions qu'ils sont simplement censés exercer.
Vous êtes donc à la poursuite d'une chimère, lorsque vous vous imaginez qu'en faisant disparaître le droit de débit de boissons, vous aurez supprimé les fraudes électorales.
M. Coomans. - Pas toutes.
M. de Naeyerµ. - Vous les aurez diminuées.
MfFOµ. - Malheureusement, il restera d'autres moyens. Le résultat sera le même. Rien ne sera changé. Il faut empêcher autant que possible que les fraudes ne se commettent à l'aide de ces moyens. Mais quant à prétendre que l'on peut, par la suppression du droit de débit, faire disparaître les fraudes électorales, cela est aussi sensé, permettez-moi de le dire, que de prétendre que c'est un moyen de réprimer l'ivrognerie.
M. de Theuxµ. - Messieurs, il faut bien se rendre à l'évidence. Pourquoi y a-t-il une quantité si grande de cabaretiers électeurs et tout à fait en disproportion avec d'autres professions ? Le motif paraît évident. C'est parce que les cabaretiers, outre la patente, sont assujettis à un droit de débit. Il n'y a que les cabaretiers, les marchands de liqueurs et les débitants de tabac qui se trouvent dans cette position.
Il est impossible de le contester, le nombre des cabaretiers électeurs augmente considérablement d'année en année. Tantôt pour l'élection communale, tantôt pour l'élection provinciale, tantôt pour l'élection générale, on a intérêt à créer des électeurs.
Je dis que le système qui consiste à faciliter la création d'électeurs qui n'ont pas la fortune que la Constitution suppose pour être électeur, est un système faux qui vicie toutes nos institutions communales, provinciales et législatives.
Je dis que, plutôt que de maintenir un pareil système, je préférerais condamner complètement le droit de débit, car il est certain que dans un Etat représentatif il n'y a pas de vice plus grand que celui qui a pour objet de falsifier le système électoral.
L'honorable ministre des finances dit que beaucoup de patentes peuvent prêter à la même fraude. Mais le moyen n'est pas aussi facile que pour le débit de boissons. Pour le débitant de boissons il y a un tarif fixe.
On sait ce qui manque à un contribuable pour devenir électeur. Il existe aussi une lacune dans la loi des patentes, qu'il faut combler ; si le comité des patentes veut écarter un électeur, il peut diminuer un tant soit peu le chiffre de la patente, et celui qui se trouve ainsi éliminé de la liste n'a pas le droit de se pourvoir contre cette décision.
C'est là un très grand vice et il est de toute nécessité que les honorables ministres des finances et de l'intérieur présentent un projet de loi à cet égard.
Il faut que le droit électoral soit garanti pour tous les patentables ; il ne faut pas qu'ils soient abandonnés à l'arbitraire d'un comité qui peut avoir un but politique.
C'est un droit trop sacré pour qu'il soit livré à l'arbitraire. Je ne veux pas, messieurs, prolonger cette discussion qui se présente d'une manière accidentelle, mais je continuerai de protester contre un système qui permet de vicier le corps électoral à ses trois catégories.
M. le ministre des finances se plaint de ce que l'on revienne trop souvent sur cette question. Mais qu'il veuille bien se rappeler que, dans tous les pays où de grandes réformes électorales ont eu lieu, ce n'est qu'à la suite d'une longue persistance et de discussions souvent répétées qu'elles ont été obtenues. Voyez combien de temps l'Angleterre a recherché cette réforme ; le Parlement l'a enfin accordée. Il en est ainsi partout, il en sera ainsi en Belgique.
Chaque fois que dans une loi il y aura un vice, on aura le droit de réclamer, et on fera bien de réclamer jusqu'à ce que le mal ait été supprimé.
M. Coomans. - Je veux remplir l'engagement que j'ai pris envers moi-même, de ne laisser passer aucune occasion de protester de toutes mes forces contre le principal vice de notre organisation électorale.
Il me semble que l'honorable ministre des finances vient de faire de notre régime électoral la critique la plus amère, la plus décisive, et en même temps la plus juste que l'on ait jamais faite.
A l'en croire, les fraudes seraient tellement nombreuses dans notre régime électoral, qu'il n'y a pas lieu de s'occuper exceptionnellement de la fraude cabaretière.
Mais, messieurs, nous avons démontré, et l'honorable ministre est en aveu sur ce point, que sur 100,000 électeurs pour la Chambre il y en a 11,000 qui ne seraient pas électeurs sans le droit de débit. (Interruption.)
Voilà donc 11,000 faux électeurs, comme nous les appelons... (Nouvelle interruption.) Appelez-les autrement si cela vous plaît, donnez-leur des épithètes plus agréables, vous le leur devez bien, mais moi je les appelle de faux électeurs.
Eh bien, messieurs, s'il y a, comme le dit l'honorable ministre des finances, autant d'autres fraudes que nous en signalons de cette nature-là, notre régime électoral doit être réformé et réformé immédiatement.
Le discours de l'honorable ministre des finances a singulièrement confirmé ma conviction à cet égard ; je suis effrayé, je dois le dire, de la promesse que vient de nous faire l'honorable ministre, d'examiner les moyens de diminuer les fraudes que nous signalons, c'est-à-dire le moyen de diminuer le nombre de cabaretiers électeurs ; je suis effrayé de cette promesse, parce que je suis bien sûr que c'est une de celles que l'honorable ministre tiendra ; j'en suis effrayé, car lorsqu'elle se réalisera, le mal dont nous nous plaignons prendra des proportions beaucoup plus graves : en effet, parmi les cabaretiers qui sont déjà choisis dans la catégorie la moins électorale de la population belge, on fera un choix partial et c'est ce que nous ne voulons pas.
Il me paraît impossible d'empêcher d'inscrire comme électeur un cabaretier dès qu'il a payé la somme requise par le fisc ; cela est impossible pour diverses raisons qu'on vient de vous dire et pour cette raison-ci qu'alors le favoritisme sévirait avec un scandale inouï.
Il serait très facile de prétendre qu'un cabaretier ne possède pas les bases du cens, c'est-à-dire qu'il n'a pas assez de bouteilles, qu'il ne verse pas assez de schnick... (interruption), tous détails dans lesquels un gouvernement devrait avoir la dignité de ne pas entrer ; il serait facile de le rayer des listes ! Et qui dit que, je ne dis pas vous, mais des amis trop zélés n'appliqueront pas votre loi d'élimination dans un sens très partial et très inique ?
Dès qu'un individu déclare prendre une patente de cabaretier, vous devez l'inscrire sur la liste électorale. (Interruption.) Comment l'empêcherez-vous d'y figurer ; quel est le minimum de genièvre que vous le forcerez à verser ? Il faudra un minimum. Car si, conformément à la morale, vous l'autorisez à verser le moins possible, la fabrication de faux électeurs sera très facile ; et si vous fixez un minimum, je vous le demande, dans quelles énormes difficultés n'allez-vous pas vous jeter ?
Les bases, comme on l'a dit, ne sont pas autres qu'une bouteille et des verres. (Interruption.) Il y a les buveurs, dit-on. Mais quelles sentinelles mettrez-vous à la porte des cabarets pour compter le nombre des ivrognes et mesurer les bouteilles vides ?
Il n'y a pas de remède a ce mal, il n'y a que la suppression. Encore une fois donc j'appelle l'attention de la Chambre sur l'impossibilité de réprimer cette fraude électorale. On pourra la modifier, mais ce sera en l'aggravant.
On nous dit que la patente ordinaire donne lieu aux mêmes inconvénient. Cela est inexact ; il est plus difficile de frauder avec la patente (page 179) qu'avec le droit de débit. Pour le métier de négociant en quoi que ce soit, il faut dépenser un certain capital, avoir une maison de commerce, avoir enfin quelques éléments visibles pour les agents du fisc ; il n'en est pas ainsi pour les cabaretiers. Du reste, en fait, la patente n'a pas donné lieu aux abus dont on parle.
Elle ne me plaît pas, à moi, comme base électorale ; il est même fort douteux que la patente soit un impôt direct, les meilleurs esprits sont divisés à cet égard. La patente est réellement un droit de consommation ; il ne suffît pas que la loi dise que la patente est un impôt direct pour qu'elle le soit en effet. Pour ma part, je suis d'avis que la patente est un impôt indirect, mais comme les dissentiments sont très faciles en cette matière, je n'insiste pas ; je me borne à constater que la patente ne donne pas lieu à autant d'inconvénients que le prétend l'honorable ministre.
Après cela s'il avait raison, il n'en aurait que d'autant plus tort de maintenir le régime électoral que la Belgique subit.
La base de ce régime, qui est déjà sujet à discussion, est viciée ; la base, c'est l'argent ; or, il n'est pas vrai qu'en Belgique les plus fortunés soient électeurs. Il y a des milliers de Belges qui ont plus de fortune que les cabaretiers et qui ne sont pas électeurs. J'ai cité naguère les fermiers, par exemple.
Puisqu'on parle de bases politiques, voici ce que j'en pense : Je le dis franchement : le pouvoir ministériel a pour bases des baes d'estaminet. (Interruption.)
MfFOµ. - Je croirais, messieurs, au-dessous de moi, et contraire à la dignité de la Chambre de suivre le préopinant sur le terrain des mauvaises plaisanteries où il lui convient d'ordinaire de se placer.
- Voix à gauche. - Très bien !
MfFOµ. - Je ne veux que relever ce qu'il a dit et répété à satiété dans son discours, à savoir que je serais fait l'aveu du fait que le corps électoral est gangrené par l'existence d'une multitude de faux électeurs.
A propos d'un argument qu'il présentait, il a fait appel au bon sens de la Chambre et à la loyauté des hommes impartiaux.
Je fais, à mon tour, appel au bon sens de la Chambre et à la loyauté de tous les membres qui la composent, et je demande qu'un seul d'entre eux se lève à côté de M. Coomans, pour affirmer avec lui que j'aurais exprimé une pareille opinion !
J'ai dit précisément le contraire. J'ai dit que je pouvais consentir à faire la concession, pour les élections communales, de l'existence d'un certain nombre de faux électeurs ; mais j'ai déclaré en même temps, ce que j'affirme encore, que la situation était bien différente en ce qui concerne les élections législatives ; que, là, le mal était beaucoup moins grand qu'on ne le prétend avec une exagération manifeste.
Je n'ai point dit, comme vous voulez me le faire dire, que les 11,000 électeurs qui complètent le cens électoral à l'aide du droit de débit de boissons étaient autant de faux électeurs.
M. Coomans. - Moi je l'ai dit.
MfFOµ. - Vous l'avez dit ! Que n'avez-vous pas dit ! Que n'avez-vous pas inventé ! Quelles sont les choses vraies que vous avez pu produire et défendre ! (Interruption.)
M. Coomans. - Insultez-moi tant que vous voudrez, cela prouvera tout bonnement que j'ai raison.
M. Mullerµ. - C'est vous qui insultez.
M. Allard. - Il ne fait pas autre chose.
M. le président. - Pas d'interruption, messieurs.
MfFOµ. - Qui donc adresse les plus violentes injures au corps électoral ? Qui donc vient encore de lancer à ceux qui sont assis au banc ministériel cette ignoble et grossière injure, que le pouvoir ministériel a pour base les baes de cabarets !
M. Coomans. - Je n'en puis rien ; c'est mon opinion.
MfFOµ. - C'est votre opinion. Eh bien, votre opinion est ignoble et injurieuse pour nous. (Interruption.)
M. Verwilghenµ. - Est-ce qu'il est permis de dire des choses pareilles dans un parlement ? (Interruption.)
MfFOµ. - Est-ce que vous trouvez convenables les paroles de votre collègue ? Vous êtes-vous levés pour protester contre celles que je viens de qualifier comme elles le méritaient ?
M. Coomans. - Les baes sont des électeurs ; c'est vous qui insultez les cabaretiers, ce n'est pas moi.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Vous les avez traités de faussaires.
M. le président. - Je vous en prie, messieurs, pas d'interruption ; mais du calme.
M. Wasseige. - Recommandez-le à tout le monde.
MfFOµ. - Il faut le recommander à ceux qui provoquent, et non à ceux qui se défendent.
M. Wasseige. - A ceux qui ne l'observent pas, fussent-ils au banc ministériel.
M. le président. - M. Wasseige, vous n'avez pas la parole.
MfFOµ. - J'ai dit, messieurs, ce qui est vrai, qu'à l'aide de cet impôt de débit comme de beaucoup d'autres on peut fabriquer de faux électeurs, et j'ai dit aussi qu'on n'en fabrique pas plus à l'aide de ce moyen qu'avec d'autres.
M. de Naeyerµ. - Allons donc !
MfFOµ. - Mais j'ai, moi, dans les mains des preuves à opposer à vos affirmations. Je répète qu'en matière électorale générale il y a peu d'électeurs résultat de la fraude et pourquoi ? Mais parce que l'intérêt n'existe pour ainsi dire pas en cette matière, à raison du nombre considérable d'électeurs dans chaque collège électoral. Le nombre d'électeurs faux à l'aide de ce moyen et d'autres se rencontre principalement en matière d'élections communales et dans les campagnes. Et cela se conçoit, messieurs ; là, le nombre des électeurs est minime et quelques voix ont beaucoup de valeur ; c'est surtout dans les communes rurales que les influence locales s'exercent facilement ; mais ces influences disparaissent dans les élections générales. Dans les cinq sixièmes des corps électoraux pour les Chambres, il n'y a pas d'intérêt réel, par des causes diverses, à faire de faux électeurs à l'aide du droit de débit de boisson ou par d'autres moyens.
Maintenant, j'ai dit qu'il faut chercher à empêcher les fraudes, et je suis tout disposé à m'y prêter. Je crois l'avoir prouvé déjà. Mais pour certains honorables membres, le but qu'ils poursuivent, sous prétexte de réprimer la fraude, c'est de réduire le corps électoral. Or, messieurs, je l'ai déjà énoncé dans une autre circonstance, ces honorables membres ne savent pas où ils vont ; ils ne savent pas qu'un très grand nombre et de beaucoup le plus grand nombre de ceux qui sont électeurs à l'aide du droit de débit de boissons sont, non pas des cabaretiers proprement dits, mais des citoyens dans une position très honorable, des cultivateurs, des propriétaires, de petits industriels, qui complètent le cens au moyen de ce droit de débit, comme ils pourraient le compléter à l'aide de tout autre impôt.
Quels sont les moyens d'arriver à empêcher la fraude ? Si c'était de cela que vous vous occupiez, si, au lieu de proposer, vous les démocrates, de réduire le nombre des électeurs, tout en faisant appel au suffrage universel, si vous proposiez tel ou tel moyen d'arriver à la sincérité des listes électorales, à la bonne heure ; je vous applaudirais ; je vous dirais : Agitez dans ce but, parlez souvent dans ce sens. (Interruption.)
L'honorable M. de Theux reconnaît qu'une des fraudes qui se pratiquent, c'est de chercher le complément de ce qui peut manquer à tel ou tel citoyen pour parfaire le cens électoral ; il suffit souvent d'une petite somme d'un franc ou de deux francs. Mais l'honorable membre sait parfaitement que mille moyens sont praticables pour arriver à ce but.
M. de Theuxµ. - Oui, mais celui dont nous nous plaignons est le plus facile de tous.
MfFOµ. - Il est bien plus facile, par exemple, de déclarer un foyer de plus que le nombre réel dont on fait usage. (Interruption.) Mais c'est encore là ce qui se pratique. Il y a aussi les fausses déclarations de patente. Il est arrivé que des comités de répartiteurs, comme l'a dit M. de Theux, - et l'on sait que ce ne sont pas des agents du gouvernement, - ont jugé que des individus avaient fait des déclarations inexactes, qui n'ont point été admises.
Mais quel moyen légal y aurait-il d'empêcher les déclarations supplémentaires comme celles dont je viens de parler ? Je convie l'honorable M. de Theux à me l'indiquer.
M. de Theuxµ. - Si vous me le permettez, je dirai que, dans l'état actuel des choses, le comité des répartiteurs peut priver des citoyens de leur droit électoral, en réduisant, par exemple, leur droit de patente. Or, je voudrais que, dans ce cas, les citoyens qui se croiraient lésés (page 180) eussent un moyen de réclamer, par exemple en leur accordant un recours auprès de la députation permanente.
MfFOµ. - Je sais parfaitement ce qu'a indiqué l'honorable M. de Theux ; mais je retourne l'argument et je dis : Celui qui, pour se faire électeur, déclare un foyer de plus que le nombre dont il fait réellement usage, n'atteint-il pas le même but que celui qui fait une déclaration de patente pour une profession qu'il n'exerce pas ? Je vous montre ainsi que ce n'est pas seulement à l'aide du droit de débit, ni même à l'aide de la patente que l'on peut tenter de pratiquer les fraudes électorales.
Que ferez-vous pour les prévenir ? Voilà à quoi il faudrait porter remède. Recherchez des moyens, indiquez-en au gouvernement ; mais cessez de réclamer aujourd'hui la suppression du droit de débit sur les boissons distillées pour la formation du cens électoral ;cessez surtout de la demander à l'aide du moyen proposé par l'honorable M. Moncheur, c'est-à-dire en privant le trésor d'un revenu considérable, qu'il entend bien conserver.
M. Moncheurµ. - Messieurs, je dois d'abord rectifier une erreur dans laquelle est tombé M. le ministre des finances, quand il a commencé à me répondre.
L'honorable ministre m'a dit ceci : « Que faites-vous donc du principe de la décentralisation ? Vous avez un amour platonique pour ce principe ; mais vous l'abandonnez dès qu'il s'agit de demander de l'argent à l'Etat ; vous vendez vos prérogatives et vos droits provinciaux et communaux pour un plat de lentilles. »
C'est là une erreur profonde. Les propositions des députations permanentes n'impliquent pas une apparence de l'aliénation d'un droit quelconque au profit du gouvernement.
De quoi s'agit-il ? Il existe actuellement des droits de barrière sur les routes provinciales et communales. Eh bien, les provinces, agissant dans la sphère de leurs attributions et usant de leur droit d'initiative, disent : « Nous désirons supprimer toutes les barrières actuelles, mais nous sommes, à cet égard, en présence d'une impossibilité financière réelle et nous demandons que le gouvernement nous aide ; mais nous ne déclarons pas que nous ne ferons plus de routes avec droit de barrière, s'il nous convenait d'en faire ; nous ne nous lions nullement pour l'avenir ; nous n'abandonnons rien, absolument rien de nos droits ; le gouvernement, qui a aboli les droits de barrière sur les roule de l'Etat voisines des routes provinciales ou communales, a causé par là une perturbation réelle dans les conditions industrielles des provinces. En supprimant les barrières sur les routes de l'Etat, il aurait dû, en même temps, prendre des mesures pour la suppression simultanée des barrières provinciales et communales, car, l'une est la conséquence nécessaire de l'autre. Quoi qu'il en soit, nous désirons suivre l'impulsion donnée par l'Etat et débarrasser les provinces de l'entrave du droit de barrière ; mais la situation de notre budget ne nous le permet pas et elle ne nous le permet pas, parce que, malgré les impôts nouveaux que nous avons créés, nous pouvons à peine faire face à nos dépenses sans cesse croissantes, notamment aux dépenses pour l'enseignement primaire et pour la voirie ; abandonnez-nous un de vos impôts qui deviendra ainsi un impôt provincial ; abandonnez-nous l'impôt sur le débit des boissons distillées : une partie du produit de cet impôt servira d'abord à indemniser les provinces et les communes des droits de barrières auxquelles elles auront renoncé, et l'excédant les aidera à pourvoir un peu plus largement aux services si importants de l'enseignement et de la voirie. Tout ne sera pas perdu pour vous, gouvernement, car vous pourrez alors, si cela vous convient, donner directement un peu moins de subsides pour ces services. »
Il n'y a donc là, messieurs, aucune espèce d'abdication des droits des provinces et des communes.
M. le ministre des finances a dit ensuite : Il s'agit de sommes peu importantes, il s'agit de 500,000 francs pour les communes et de 400,000 francs pour les provinces ; imposez-vous quelques centimes additionnels de plus et vous vous procurerez les ressources nécessaires pour subvenir à vos dépenses et pour combler le déficit du produit des barrières auquel vous aurez renoncé.
Mais, messieurs, il ne s'agit certes pas de sommes insignifiantes pour des budgets provinciaux. C'est ainsi que les droits de barrières rapportent dans le Hainaut environ 250,000 fr., dans la Flandre orientale 128,000 fr., dans la province de Namur 92,000 fr. Les provinces peuvent-elles renoncer à des ressources relativement si importantes ?
N'oubliez pas que les impôts provinciaux et communaux sont constamment augmentés.
Les centimes additionnels provinciaux varient de 12 à 20 et 25 p. c. Souvent les centimes additionnels communaux sont plus élevés encore ; de sorte qu'on arrivera bientôt, si cela continue, à doubler les impôts de l'Etat. M. le ministre en parle à son aise, mais les mandataires de la province et de la commune doivent y regarder à deux fois avant de frapper de nouveaux impôts sur leurs administrés.
J'ai dit que le Luxembourg avait supprimé le droit des barrières ; mais il faut ajouter que le Luxembourg ne percevait, du chef des barrières, qu'un peu plus de 25,000 francs. Or, si les autres provinces ne s'étaient trouvées qu'en présence d'un chiffre semblable, il leur aurait été facile aussi d'y renoncer.
M. le ministre des finances n'a pas répondu à un point de mon discours que je regarde comme essentiel : c'est celui où j'ai dit que certaines provinces avaient fait des dépenses très considérables pour la construction de routes sur leur territoire, alors que l'Etat restait en défaut de pourvoir, sous ce rapport, aux besoins les plus urgents de l'agriculture, du commerce et de l'industrie ; ces dépenses sont de véritables avances que ces provinces, qui ont pris généreusement l'initiative, ont faites à l'Etat ; je citerai les provinces de Hainaut, de Namur et de Liège, qui ont créé des routes en nombre considérable et qui ont dû emprunter de forts capitaux pour cet objet. Aujourd'hui elles sont victimes de leur zèle, à comparaison d'autres provinces chez lesquelles l'Etat est venu postérieurement construire, à ses frais, toutes les routes nécessaires, et où les droits de barrières sont supprimés, car elles restent chargées de leurs emprunts, et leurs routes restent grevées des barrières forment la dotation des intérêts.
J'aborde le côté moral et social de la question.
Ainsi que je l'ai dit, un des principaux mérites de la proposition des députations permanentes, le principal même, je le déclare franchement, est de faire disparaître, en partie du moins, un abus grave, celui de la multiplication exagérée des débits de boissons distillées. Je le dis hautement, et le mémoire des députations permanentes que vous avez entre les mains ne le cache certes point ; il met au contraire en lumière les services que l'adoption du système proposé rendrait à la loyauté et à là sincérité électorale, non moins qu'à la moralité et à la santé des citoyens.
M le ministre des finances m'objecte que l'on peut abuser et que l'on abuse en effet, dans tous les partis, de la taxe sur le débit des boissons dans un but de fraude électorale.
Je réponds que cela est possible, que, quant à moi, je ne connais aucun fait particulier ; mais qu'il y a cette différence très remarquable, entre le parti de la droite et celui de la gauche, c'est que nous faisons, nous, tous nos efforts pour supprimer ce moyen de fraude électorale, tandis que vous faites, vous autres, tous vos efforts pour le maintenir.
En résumé, messieurs, je dis que la proposition des députations permanentes est une proposition parfaitement juste et qu'il n'y a qu'une objection à lui opposer, c'est l'inopportunité au point de vue de l'état actuel du trésor ; je crois, en outre, qu'un des grands mérites de cette proposition, si elle était adoptée, serait de mettre, dans de certaines limites, un frein à la multiplication des débits de boissons et d'empêcher un des moyens frauduleux, employés au point de vue électoral.
MfFOµ. - Messieurs, je n'entends pas revenir sur les dernières considérations qu'a présentées l'honorable membre et que je crois avoir déjà suffisamment rencontrées, je veux seulement dire un mot de la remarque qu'il a faite, à savoir que si la fraude se pratique dans les deux camps, il y a cette différence que d'un côté, on demande la suppression du moyen qui donne lieu à la fraude, tandis que, de l'autre côté, il se trouve qu'on en désire le maintien. Je dirai qu'il y a une très bonne raison pour qu'il en soit ainsi, c'est que vous savez parfaitement bien qu'au point de vue électoral, il n'y aura rien de changé dans la situation, et que les partis pourront toujours pratiquer leurs fraudes à l'aide d'autres moyens.
Seulement, et voilà où est la véritable différence, vous aurez atteint ce but constant que vous poursuivez, la réduction du nombre des électeurs... (Interruption.) Voilà précisément ce que vous voulez.
- Des membres. - Non ! non !
M. Coomans. - Il faut les décupler.
M. Moncheurµ. - C'est le nombre des faux électeurs que nous voulons réduire.
MfFOµ. - Mais puisque l'on aura d'autres moyens de fabriquer de faux électeurs...
M. Beeckman. - Pas aussi faciles.
MfFOµ. - Exactement de la même manière. (Interruption.)
(page 181) Je ferai un jour un relevé de ce qui est à ma connaissance quant aux moyens employés pour fabriquer de faux électeurs, en complétant le cens électoral d'un certain nombre d'individus par une fraction d'impôt dont ils n'ont point la base. Vous verrez si c'est avec les débits de boisson qu'on en fabrique le plus.
M. Coomans. - Ce sera très curieux.
MfFOµ. - Nous possédons déjà quelques éléments ; nous les compléterons, et ce sera un tableau très édifiant.
Mais je répète que je n'ai pas pris la parole pour revenir sur ces considérations. Je veux principalement détruire une erreur grave qui a échappé à l'honorable préopinant. J'ai dit qu'à l'aide du système qu'il préconisait, on arriverait à la centralisation administrative à sa plus haute puissance, et que l'on détruirait l'autonomie provinciale et l'autonomie communale. Il trouve qu'il n'en est rien du tout. Les provinces et les communes ne perdront rien de leur droit, dit-il ; leur liberté sera par la suite ce qu'elle était auparavant.
Je convie l'honorable membre à lire l'histoire des communes : et il y apprendra que les communes ont perdu leur liberté, précisément à cause des subsides qu'elles recevaient du pouvoir central. Est-ce que l'honorable membre s'imagine que si l'Etat se substitue aux provinces et aux communes pour les barrières, provinces et communes vont rester dans les mêmes conditions qu'aujourd'hui ? Elles seront d'abord privées, incontinent, d'une liberté qu'elles possèdent sans conteste actuellement, celle de s'imposer de ce chef. Il leur sera apparemment interdit de s'imposer à l'avenir, au moyen d'une taxe de cette nature.
Mais supposons pour un instant que, suivant le système de l'honorable membre, les communes et les provinces viennent nous dire : Donnez-nous, vous Etat, ce qui nous est nécessaire pour assurer le service de la voirie ; donnez-nous pour satisfaire au service de l'enseignement primaire ; donnez-nous pour satisfaire aux besoins de notre police locale. L'honorable membre s'imagine-t-il que le pouvoir central donnera les fonds sans intervenir le moins du monde dans les affaires de la commune, sans imposer ses conditions, aujourd'hui ou demain, à une heure donnée ? Mais il sera le maître de la commune, il sera le maître de la province, parce que c'est lui qui payera !
Ce qui est la condition essentielle de la liberté communale et de la liberté provinciale, ce qui en est à la fois la sanction et la garantie, c'est le droit de s'imposer, et le jour où elles abdiquent ce droit, elles ont, en réalité, abdiqué leur liberté.
M. Moncheurµ. - Elles n'abdiquent rien.
MfFOµ. - Je sais très bien qu'elles ont la prétention de ne rien abdiquer. Les conseils communaux et provinciaux resteraient là pour faire de la politique, s'ils le trouvaient bon, pour faire de l'opposition, si cela leur paraissait convenable ; mais ils n'auraient plus souci des affaires de la province et de la commune ; ils n'auraient plus besoin de s'imposer pour assurer les services qui touchent aux intérêts communaux et provinciaux ; en un mot, ils n'auraient plus de motifs pour s'occuper des affaires de la commune et de la province.
M. Thibautµ. - Vous avez commencé ce système avec le fonds communal.
MfFOµ. - Vous vous trompez encore. Je n'ai pas mis ce système en pratique en créant le fonds communal.
Répondant, dans la discussion de la loi du 18 juillet 1860, à d'honorables membres, et l'honorable M. Thibaut était du nombre, qui tiraient contre le principe de la loi une objection de la prétendue absorption des communes par le pouvoir central, par la création du fonds communal, je leur ai dit que nous poursuivions, dans cette matière, un but d'intérêt public, un but d'intérêt supérieur, qui était celui de l'abolition des octrois ; j'ai fait remarquer qu'il s'agissait d'une expropriation pour cause d'utilité générale, qui nécessitait des mesures exceptionnelles, qui, telles qu'elles étaient combinées, ne touchaient en rien à la liberté, à l'autonomie des communes.
J'ai dit comment, en créant ce fonds communal, bien loin de porter la moindre atteinte au principe de la liberté communale, les communes les plus importantes, précisément celles pour lesquelles cette liberté présentait l'intérêt le plus considérable, allaient se trouver dans l'obligation de s'imposer pour faire face aux charges que créerait pour elles, dans l'avenir, l'abolition des taxes d'octroi, et d'user ainsi très largement de la liberté communale. Une exception, commandée par l'intérêt général, était faite seulement quant au mode d'imposition. J'ai ajouté qu'il pouvait y avoir certains inconvénients à cet égard ; mais j'ai fait remarquer en même temps que, grâce au mode proposé pour la création et la répartition du fonds commun, le pouvoir central n'avait aucune espèce d'action sur les communes.
Et en effet, messieurs, il en a si peu que, si une commune se trouvait en conflit avec le gouvernement, se trouvait même constituée en dette envers le gouvernement, celui-ci ne pourrait pas compenser la dette par ce qu'il devrait payer à la commune du chef du fonds communal.
L'honorable M. Moncheur a dit que je n'avais pas répondu à ce qu'il considérait comme un des arguments principaux qu'il avait fait valoir : c'est qu'il y a des provinces qui ont fait autrefois de grands sacrifices, qui ont même emprunté pour construire des routes, et que de pareils sacrifices n'ont pas été faits, dans la même proportion tout au moins, par d'autres provinces. Les provinces de Namur, de Hainaut et de Liège seraient celles qui auraient le plus à se plaindre sous ce rapport.
Que signifie cet argument ? Je ne le comprends réellement pas. Si ces provinces ont fait des sacrifices pour construire des routes, elles ont agi sagement, elles ont rempli leur mission ; en faisant des routes provinciales, elles ont servi les intérêts provinciaux ; ce sont elles qui, les premières, ont retiré les avantages de ces améliorations de la voirie provinciale. Il n'y a donc pas à leur accorder, de ce chef, une indemnité ou une compensation.
M. Moncheurµ. - Les barrières persistent dans ces provinces, tandis que, dans les provinces où l'Etat a fait les routes, il n'y a plus de barrières.
MfFOµ. - L'Etat n'a pas fait de routes provinciales dans les autres provinces dont vous parlez ; il y a fait, comme partout, des routes de grande voirie. Je sais très bien qu'il y a une certaine limite où les deux choses se confondent. Mais la vérité est que les routes de l'Etat ont généralement été créées d'après les mêmes principes dans toutes les parties du pays.
Les routes provinciales ont un autre caractère. Elles ont été faites par les provinces, comme les routes vicinales ont été faites par les communes, ici, dans un intérêt communal, là, dans un intérêt provincial. Il n'y a aucune espèce d'argument à tirer de ce chef. Si vous me disiez : L'Etat a fait des routes provinciales, spécialement provinciales, dans certaines provinces, il n'en a pas fait dans d'autres, je concevrais la réclamation d'une indemnité équitable qui vînt rétablir l'équilibre. Mais il n'en est pas ainsi. Le fait que vous supposez, et dont vous prétendez vous prévaloir, n'existe pas.
Maintenant vous dites : « La province de Luxembourg, en sacrifiant ses droits de barrière, n'a sacrifié qu'une somme de 25,000 fr. » Mais ce sacrifice était, pour la province de Luxembourg, aussi considérable que celui que devrait faire la province de Namur pour abolir ses barrières provinciales. De combien devrait s'imposer la province de Luxembourg pour arriver à cette suppression ? Je vous l'ai dit tantôt, de 3,67/100 centimes additionnels ; et de combien devriez-vous vous imposer dans la province de Namur ? De 3,11/100 centimes.
Vous voyez donc bien que, si le produit de vos barrières est plus considérable que le produit des barrières du Luxembourg, vous avez aussi une province plus riche, où les impôts sont plus productifs, et où la proportion des centimes additionnels à établir serait mémo inférieure à celle qui est nécessaire pour le Luxembourg.
- Les conclusions de la commission sont mises aux voix et adoptées.
La séance est levée à 4 heures et demie.