(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1866-1867)
(Présidence de (M. E. Vandenpeereboom.)
(page 1009) M. Thienpont, secrétaire., procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. de Florisone, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.
- La rédaction en est approuvée.
M. Thienpont,. présente l'analyse suivante des pièces qui ont été adressées à la Chambre.
« Le sieur Auguste Rossmann, hôtelier à Gand, né à Selheim (Grand-Duché de Hesse), demande la naturalisation ordinaire. »
- Renvoi au ministre de la justice.
« M. De Fré, obligé de s'absenter pour affaires de famille, demande un congé d'un jour. »
- Accordé.
M. Hymans dépose les rapports de la commission qui a examiné :
1° La demande d'un crédit de 100,000 fr. pour le département de l'intérieur ;
2° La demande de crédits supplémentaires au budget de l'intérieur de 1866 et 1867.
M. de Kerchove de Denterghemµ dépose le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi sur la liberté du travail des matières d'or et d'argent.
- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ces rapports et les met à la suite de l'ordre du jour.
M. De Lexhy. - Messieurs, après les nombreux discours que vous avez entendus, il serait difficile de présenter des arguments nouveaux : aussi me bornerai-je à motiver le plus brièvement possible mon vote, qui sera défavorable au projet de loi.
Je ne prendrais point la parole si la propriété foncière ne me paraissait menacée par l'application du système du projet de loi soumis à nos délibérations et si les craintes que j'avais exprimées lors de la discussion du projet qui est devenu la loi du 10 octobre 1860 ne s'étaient réalisées.
Le but que la loi s'est proposé, de rétablir une répartition plus équitable de l'impôt foncier entre les différentes provinces, est certes très louable, mais il n'a pas été atteint.
On va ouvrir la porte à de nombreuses et criantes inégalités. L'injustice ne sera que déplacée et multipliée à l'infini : les inégalités relatives seront aggravées. Pour arriver à un système plus juste, plus vrai, il faudrait un travail plus complet que celui qui a été fait. Je disais dans la séance du 23 novembre 1859 qu'en voulant corriger des abus, on tomberait peut-être dans des plus grands abus encore.
L'exagération des évaluations est manifeste. La commission provinciale de Liège l'a reconnu et cherche à le démontrer.
Celte exagération résulte de plusieurs causes : d'abord de l'insuffisance des baux ventilés, environ 2 neuvièmes pour la province de Liège.
On n'a pas non plus tenu assez compte de l'élément propriétaire dans les études préparatoires : on n'a pas assez consulté les intéressés.
Une autre cause, c'est l'élévation exceptionnelle du prix des denrées pendant la période qui a servi de base d'appréciation aux opérations de révision.
Cette période prospère a été suivie d'années où le prix de la terre et son revenu ont subi une notable dépréciation. Je n'insisterai pas sur cette démonstration qui a été parfaitement faite, notamment par MM.de Macar, Bricoult et Ansiau.
La commission provinciale de Liège, en présence de cette exagération, a proposé une réduction de 1/10, sur les évaluations indiquées par les agents, du cadastre, et elle me paraît avoir sagement agi. On fait un reproche général à cette manière de procéder qui consiste à demander la réduction par dixième, par quinzième, par vingtième. Mais on a bien dû procéder par quotités approximatives, parce que les commissions provinciales n'avaient pas suffisamment d'éléments d'appréciation par devers elles. C'est ainsi que quand un ancien membre de cette Chambre, l'honorable M. Grandgagnage, qui représentait si dignement le canton de Bodegnée, s'est avisé de vouloir entrer dans de grands développements pour prouver mathématiquement l'exagération et les inégalités qui se présentaient dans son canton et faire valoir les réclamations locales, il en a été empêché :1a plupart des autres délégués n'avaient pu le suivre sur ce terrain faute de renseignements précis, faute de données complètes, et on a dû se borner à constater une exagération générale de ces évaluations, sans pouvoir le préciser mathématiquement.
L'exagération est flagrante non seulement pour les propriétés non bâties, mais surtout en ce qui concerne l'évaluation des maisons de ferme annexées aux bâtiments ruraux.
On a procédé à cette évaluation comme pour toutes les catégories de propriétés bâties, sans tenir compte d'un fait général et incontestable, que les maisons de ferme ne peuvent guère se louer séparément qu'à un prix très minime. Il en résulte qu'au lieu de frapper un revenu qui n'existe pas, on frappe un capital improductif et qui, tous les jours, se détruit et diminue par suite des frais d'entretien.
C'est là une injustice et une anomalie économique. Cette injustice sera encore plus criante lorsqu'on réformera l'impôt personnel.
Cette évaluation exagérée du prétendu revenu locatif des maisons de ferme et autres maisons rurales servira par établir la base de la valeur locative pour la contribution personnelle.
Et ainsi il arrivera que les maisons de ferme, qui ne produisent aucun ou qu'un infime revenu, seront surtaxées deux fois : d'abord par l'impôt foncier et ensuite par l'impôt personnel.
Je relèverai ici une critique très judicieuse qui a été formulée dans la sein de la commission provinciale par l'honorable sénateur M. de Sélys-Longchamps qui a pris une très large part aux travaux de cette assemblée.
Cette critique porte sur ce que, pour l'évaluation des maisons, on s'est basé sur la valeur vénale au lieu de s'en rapporter à la ventilation des baux.
Je ne parlerai pas de l'exagération des évaluations des châteaux et maisons de campagne.
J'ai dit que les inégalités actuelles seront aggravées par la loi nouvelle.
Il serait fastidieux de refaire le travail de MM. Ansiau, Bricoult, T'Serstevens et autres honorables collègues. En prenant d'autres termes de comparaison j'arriverais à la même conclusion. En effet, il est inadmissible de prétendre que toutes les communes d'un même canton ont progressé dans la même mesure. Mille choses influent sur les valeurs vénales et locatives. Les moyens de transport, l'industrie et le commerce ont créé et créent des inégalités incessantes.
Le niveau de la moyenne cantonale que l'on fait passer sur toutes les (page 1010) communes est une injustice qui frappe surtout les propriétés portées aux anciennes premières classes.
Avant de terminer, je dirai quelques mots d'une question que je croyais oubliée et enterrée depuis la discussion qui a eu lieu dans cette Chambre dans la séance du 23 septembre 1859, discussion soulevée par l'honorable M. Hymans à propos de la conversion de l'impôt foncier en impôt de quotité.
L'honorable M. Hymans préconisa cette étrange théorie, qui fut combattue par les honorables et regrettés MM. Deliége et comte de Renesse et par moi.
L'honorable ministre des finances fit, à cette occasion, deux déclarations très importantes ; c'est que si, en principe, cette conversion était désirable, elle n'était pas opportune et qu'il n'y avait pas lieu d'augmenter l'impôt foncier. Ces déclarations ont été accueillies avec bonheur et reconnaissance par le pays.
Si je reviens sur cette discussion, c'est que dans la séance du 9 mai, M. de Macar, en combattant l'exagération des évaluations cadastrales, émettait la crainte de voir cette exagération préjudicier à la propriété foncière, dans l'hypothèse malheureuse de cette conversion de l'impôt.
L'honorable M. Orts, interrompant M. de Macar, dit : « Je l'espère bien ! »
A mon tour, je viens répondre, et je crois être l'organe de tous les propriétaires, grands et petits : Au lieu de l'espérer, nous n'en voulons à aucun prix, et nous défions tout ministère, quelque fort qu'il puisse être, de le tenter.
J'ai hâte de déclarer toutefois que je ne combats en ce moment qu'une pure hypothèse, après les déclarations si rassurantes faites par l'honorable M. Frère-Orban. Mais enfin il faut bien protester contre certains appétits, contre certaines convoitises qui se sont révélés surtout en dehors de cette enceinte ; car, je suis bien persuadé que MM. Hymans et Orts ont parlé de cette conversion au point de vue des principes purement théoriques et nullement dans le but de chercher à amener cette idée dans le domaine des faits.
L'idée de conversion de l'impôt de répartition en impôt de quotité semble toujours receler dans ses flancs l'augmentation éventuelle des charges foncières.
La propriété foncière est l'assise de la fortune publique. La nation où la propriété foncière est bien organisée, où elle est largement divisée et dans les mains de tous les citoyens, cette nation est forte, libre, attachée aux principes d'ordre et de progrès.
Il faut donc favoriser la prospérité de la propriété foncière, en ne la surchargeant pas d'impôts, parce que c'est elle qui procure les ressources les plus sûres, les plus stables, surtout dans les mauvais jours.
Les impôts que la propriété foncière paye sont suffisamment élevés : en effet, en tenant compte des centimes additionnels provinciaux et communaux, de la redevance des mines, des droits d'hypothèque et d'une partie de la contribution personnelle, d'une notable partie des droits de mutation entre vifs et par suite de décès, de la totalité de l'impôt de succession en ligne directe, etc., on arrive certainement aux 2/5 du revenu national, défalcation faite des péages.
Voilà ce que paye la fortune immobilière !
Que paye la fortune mobilière ?
C'est elle qu'il faudra frapper, si des ressources nouvelles doivent être créées, car elle n'intervient pas dans les charges publiques, en raison de son importance.
Nous avons donc la ferme confiance de ne pas voir la conversion de l'impôt de répartition. L'impôt de répartition produit, en effet, une fixité qui est indispensable à la sécurité de la propriété.
D'ailleurs, l'impôt foncier est un impôt de répartition dans tous les pays voisins, en France, en Hollande et eu Angleterre.
Dans ce dernier pays, la landtax, comme impôt de répartition, a été établi, en 1692, et l'évaluation du revenu imposable n'a pas varié depuis cette époque.
En 1836, la taxe produisait 1,135,220 livres sterling. Il faut, à la vérité, y ajouter une partie de l'income-tax. Le landtax n'est donc que d'environ 28 millions de francs, tandis qu'elle est chez nous de 19 millions.
J'espère, messieurs, avoir démontré surabondamment la nécessité de conserver à l'impôt foncier son caractère d'impôt de répartition et surtout de ne pas l'augmenter.
Tels sont les motifs de mon vote négatif.
MpVµ. - Dans la séance d'hier, il a été présenté un projet de loi portant échange de terrains entre la ville de Tournai et l'Etat. Ce projet a été renvoyé aux sections. Je propose, à cause du caractère d'urgence de ce projet, de le renvoyer à une commission spéciale qui serait nommée par le bureau.
- Cette proposition est adoptée.
MpVµ. - La commission sera composée de MM. Crombez, Bricoult, J. Jouret, Tack et Lippens.
MfFOµ. - Messieurs, au début de cette discussion, un honorable orateur, examinant le projet de loi soumis en ce moment aux délibérations de la Chambre, vous a dénoncé l'esprit de fiscalité qui, prétendument, aurait présidé aux opérations cadastrales qui en forment la base. Il a accusé les agents de l'Etat de s'être montrés trop avides, de s'être exclusivement préoccupés de l'intérêt du trésor.
L'indignation qu'exprimait l'honorable membre semblait très sincère et, par cela même, me paraissait d'autant plus singulière. En effet, messieurs, l'opération actuelle n'intéresse le trésor à aucun point de vue ; le trésor est parfaitement désintéressé dans cette affaire.
Que les anciennes évaluations soient maintenues, que d'autres leur soient substituées, qu'on admette le projet de loi, qu'on le rejette, la situation sera exactement la même pour le trésor public. Il aura toujours apercevoir la même somme. On ne réclame rien au delà de l'impôt foncier actuel, maintenu par la loi elle-même au chiffre qui existe depuis un si grand nombre d'années. Les opérations prescrites par la loi du 10 octobre 1860 n'ont eu d'autre but que d'amener une meilleure répartition de l'impôt, dont l'équilibre se trouvait rompu.
Chacun sait, en effet, que si toutes les parties du pays se sont, en quelque sorte, transformées depuis 30 ou 40 ans, toutes n'ont pas progressé dans la même mesure. L'accroissement général de la prospérité publique n'a pas étendu son heureuse influence dans une égale proportion sur chacune de nos provinces.
Les Flandres, notamment, qui, depuis longtemps déjà, sont arrivées à un haut degré de perfection agricole, n'ont pu nécessairement réaliser de nouveaux progrès dans la même mesure que d'autres parties du pays, beaucoup plus arriérées sous ce rapport, et dont la richesse a pris, dans ces dernières années surtout, un essor rapide, grâce aux progrès considérables accomplis par l'agriculture, par le commerce et par l'industrie.
En présence d'une pareille situation, il était équitable d'établir une nouvelle répartition de l'impôt foncier, en tenant compte des faits nouveaux dont l'évidence était devenue manifeste. Tel était le but du projet de loi qui vous a été soumis en 1860, et que la Chambre à voté à l'unanimité.
Comme vous le savez, messieurs, le cadastre a un double objet : d'abord, de constater la division du sol, et ensuite le revenu des diverses propriétés.
Les opérations relatives à la constatation de l'état du sol, une fois terminées, ne doivent plus être refaites. Il suffit de tenir les plans au courant par l'indication des modifications qui surviennent dans la consistance des propriétés.
En ce qui touche le revenu, au contraire, comme il ne saurait avoir un caractère de fixité absolue, qu'il se modifie par l'influence de circonstances aussi nombreuses que variées, il faut que l'on procède de temps à autre à de nouvelles évaluations. Mais, de nos jours surtout, les grands changements qui s'opèrent partout, les nouvelles industries qui naissent, le développement des industries anciennes, la création sur tous les points du pays de roules, de canaux, de chemins de fer, les améliorations de tout genre qui se produisent pour ainsi dire de jour en jour, ont pour résultat d'amener incessamment des modifications plus ou moins profondes dans le revenu du sol et d'en accroître la valeur dans une mesure plus ou moins considérable.
Pour présenter un caractère suffisant de vérité, cette partie de l'opération devrait donc être renouvelée très fréquemment. Malheureusement elle nécessite des travaux très longs et très coûteux.
Les premières opérations du cadastre, entreprises en 1815 et terminées en 1835, complétées ensuite pour deux provinces en 1845 ont exigé ce long temps que je viens d'indiquer, et ont absorbé une somme de 13 millions de francs.
Ces opérations étaient à peine achevées, que l'on faisait entendre des réclamations fort vives, répétées d'année en année, signalant des inégalités réelles, indéniables, à ce point qu'il était impossible de les repousser et qu'une révision des bases de l'impôt était dès lors reconnue nécessaire.
(page 1011) Comme il n'y avait plus de travaux d'arpentage à faire, cette révision n'eût pas exigé une dépense aussi considérable que celle qui avait été occasionnée par les opérations primitives. Néanmoins, il aurait fallu y appliquer encore une somme de 6 ou 7 millions de francs.
Dans cette situation, nous nous sommes demandé si la dépense qu'il aurait fallu faire était suffisamment justifiée par les résultats que l'on pouvait espérer ; si les changements rapides qui s'opèrent dans l'état des revenus ne rendraient pas une nouvelle opération, entreprise dans toute son étendue, fort inexacte encore au moment où elle serait achevée, car les travaux devaient avoir une durée de six ou sept ans au moins ?
C'est en présence de. ces considérations que nous avons proposé à la Chambre de décréter une révision partielle, réalisable au moyen d'une dépense beaucoup moindre, et qui aurait pour résultat certain de faire disparaître les inégalités qui existent de province à province, ainsi que de canton à canton et même, dans une certaine mesure, de commune à commune, mais qui, à la vérité, laisserait subsister des inégalités individuelles, si je puis m'exprimer ainsi.
La Chambre a pensé que cette opération serait suffisante et elle a voté la loi de 1860, comme je viens de le rappeler, à l'unanimité.
Aujourd'hui, quelles sont, en réalité, les objections qui se produisent contre les résultats des opérations auxquelles on s'est livré ? Ce sont des objections qui attaquent précisément le principe qui a été consacrée par la loi de 1860. Ces mêmes objections ont été présentées à l'époque où cette loi a été proposée, et elles n'ont pas été accueillies par la Chambre.
Je disais dans l'exposé des motifs de ce projet de loi :
« Depuis longtemps des plaintes vives, incessantes, se sont produites dans le public et dans les Chambres sur la péréquation générale de la contribution foncière, telle qu'elle est décrétée par la loi du 9 mars 1848. Pour atténuer tout au moins les inconvénients sur lesquels on fonde ces réclamations, il y a deux partis à prendre : ordonner la révision complète d'après l'une ou l'autre des bases que nous avons indiquées, ou bien se contenter d'une révision partielle, telle que nous avons l'honneur de vous la proposer. Le premier moyen, qui exigerait 5 ou 6 ans de travail au moins et qui coûterait 6 à 7 millions de francs, rétablirait une situation que le mouvement continu de la civilisation, les fluctuations du revenu de la propriété foncière, affecteraient du jour au lendemain.
« Par le second moyen, on ne fera cesser, il est vrai, qu'une partie des inconvénients de l'état actuel des choses. En ne procédant pas à une révision générale par parcelle, on ne rétablira l'égalité proportionnelle que par masse de propriétés, de province à province, de canton à canton et de commune à commune, et on laissera subsister les inégalités résultant de ce que la valeur de toutes les parcelles d'une même commune n'a pas varié dans la même proportion. »
Comme vous le remarquerez, ce sont bien les objections qui sont aujourd'hui formulées. On ne se plaint pas des résultats de l'opération en ce qui touche le rapport entre les provinces. (Interruption.) Il est impossible de nier cela : cette partie des opérations n'est pas critiquable ; l'opération prouve manifestement qu'il y a surcharge pour certaines provinces, et que d'autres ne payent pas assez.
M. Thibautµ. - Sur le quantum nous pouvons ne pas être d'accord.
MfFOµ. - La ventilation opérée vous indique le rapport qui doit exister entre les diverses provinces, et il est incontestable que ce rapport est aujourd'hui rompu. Cela ne peut être nié. Donc le but que s'est proposé le législateur en 1860 a été complètement atteint.
Vous dites aujourd'hui : « Faisons la révision parcellaire ! » C'est précisément ce que le législateur de 1860 n'a pas admis. Je ne dis pas que les Chambres ne peuvent aujourd'hui décréter la révision parcellaire. Si elles jugeaient, après avoir examiné les opérations qui viennent d'être terminées, que la révision parcellaire doit produire des résultats plus rationnels et plus équitables, les Chambres, sans doute, pourraient l'ordonner.
Mais si elles l'ordonnaient aujourd'hui, elles suspendraient par cela même l'application des dispositions qui leur sont actuellement soumises, car elles ne pourraient prendre une pareille décision qu'en reconnaissant que l'application qu'on en voudrait faire serait injuste, et elles ne pourraient pas, pour faire disparaître une injustice, en créer une nouvelle. Il faudrait donc ordonner de nouvelles opérations complètes, car il serait impossible d'appliquer la loi proposée et d'ordonner en même la révision parcellaire.
Au surplus, nous sommes amenés a répéter, pour réfuter les objections que l'on reproduit aujourd'hui, les mêmes arguments que nous leur avons opposés en 1860.
Sans doute, il y a des inégalités de parcelle à parcelle ; mais si, pour les faire disparaître, nous n'opérons pas après une période beaucoup plus longue que celle qui s'est écoulée depuis les dernières opérations cadastrales, nous nous trouverons encore incontinent dans la même situation. (Interruption.)
Est-ce que l'on va cesser d'améliorer la culture ? Est-ce que l'on va cesser de déroder les bois, de créer des routes, des canaux, des chemins de fer ? Evidemment non ! Et si nous nous occupons des propriétés bâties, pour lesquelles la révision parcellaire a eu lieu, nous pouvons tous constater dès maintenant que cette opération est encore fort imparfaite, car la valeur des propriétés bâties se modifie constamment par suite des changements, des innovations qui s'opèrent notamment dans les villes.
Ainsi, nous avons fait la révision parcellaire à Bruxelles. Mais on décrète par exemple l'érection d'un palais de justice dans certain quartier de la ville. Eh bien, il est incontestable que la valeur des propriétés, dans un rayon fort étendu autour de ce palais de justice, va être complètement modifiée, de même qu'elle le sera dans les environs du palais de justice actuel.
Ainsi encore, on va exécuter des travaux d'amélioration à la Senne. Si cette opération s'achève, si l'on exécute cette grande voie de communication qui fera disparaître une masse de masures dans des quartiers infects, il est évident que la valeur des propriétés dans cette partie de la ville va subir de profondes modifications.
Il est donc impossible d'arriver, en pareille matière, à une perfection telle qu'il faille, pour essayer d'obtenir un résultat peut-être un peu plus satisfaisant, et cela seulement au moment où il sera obtenu, employer encore un grand nombre d'années et dépenser quatre millions ; car il faudrait ajouter quatre millions au moins à la dépense faite jusqu'à présent, pour arriver à une révision parcellaire plus étendue.
L'honorable M. Moncheur a très bien compris qu'on devait tirer du vote de la loi de 1860 un argument très puissant contre les critiques qu'il adressait aux opérations qui vous sont soumises. Aussi, vous a-t-il dit que la loi de 1860 n'avait pas été exécutée, et c'est là, ajoutait-il, le motif qui lui permettait, quoiqu'il eût voté la loi de 1860, de demander quelque chose de plus que ce qu'elle a prescrit,
L'honorable membre a prétendu que la loi de 1860 n'avait pas reçu son exécution, quant à deux points principaux : d'abord on ne devait pas faire la révision parcellaire des propriétés bâties dans les communes rurales, et cependant cette révision a été faite ; en second lieu, les résultats de la ventilation devaient être appliqués par commune, et on ne les a appliqués généralement que par canton.
Voilà les deux objections de l'honorable membre.
Eh bien, en ce qui concerne le premier point, je demande quelle est la valeur de l'objection ? Elle est complètement nulle : il est vrai que la révision parcellaire des propriétés bâties dans les campagnes n'avait pas été décrétée par le projet de loi de 1860 ; mais en quoi cela peut-il infirmer les résultats constatés par les opérations qui ont eu lieu ?
Sans doute l'honorable M. Moncheur n'entend pas critiquer ces opérations parcellaires, puisqu'il demande lui-même qu'elles soient plus étendues ; il voudrait, en effet, qu'on les appliquât aussi aux propriétés non bâties. Quel argument peut-il donc tirer de ce que ces opérations parcellaires ont été faites pour les propriétés bâties ? Mais il y a plus : c'est que des lois ont formellement autorisé cette révision. Ce sont, à la vérité, des lois de crédits, comme l'a dit l'honorable membre ; mais ces crédits out été sollicités des Chambres précisément pour faire cette opération, et les Chambres ont voté ces mêmes crédits pour en permettre la réalisation.
Les Chambres ont donc sanctionné l'extension donnée sous ce rapport à la loi de 1860.
Sur le second point, l'honorable membre s'est quelque peu mépris. Il est vrai qu'à ne consulter que le texte de la loi, on pourrait croire que l'intention primitive était de suivre, pour la révision des opérations cadastrales, la voie de la ventilation par commune ; mais l'honorable membre n'a pas pris garde à une chose : c'est que, en l'absence de toute explication, il aurait fallu que cela fût au moins possible. Or, si dans une commune on ne peut obtenir de baux en nombre suffisant pour opérer une ventilation sérieuse, si les propriétaires se refusent à les donner...
M. Moncheurµ. - On ne les leur demandait pas.
MfFOµ. - Mais si ! Les (page 1012) propriétaires ont été priés, sollicités de toutes les manières de vouloir communiquer tous leurs baux ; on leur avait même garanti qu'ils n'encourraient aucune pénalité, si les baux n'étaient pas enregistrés...
M. Moncheurµ. - Mais on a éliminé toute une catégorie de baux, ceux qui concernaient des fermes où se trouvaient quelques hectares de bois défrichés !
MfFOµ. - Sans doute ! Et si l'on eût agi autrement, on eût soulevé de légitimes réclamations. Il fallait nécessairement faire une distinction entre les baux recueillis. Tous n'étaient pas admissibles ; et vous-même vous ne demandiez pas que tous les baux fussent admis.
C'est ainsi que l'administration était en possession de tous les baux enregistrés ; eh bien, nous n'avons pu admettre tous ces baux dans la ventilation ; nous avons dû éliminer ceux qui étaient manifestement exagérés, comme ceux qui portaient un prix évidemment atténué, par suite de circonstances locales.
Or, ces baux, triés avec soin, avec impartialité, car les agents du cadastre n'étaient la que de véritables arbitres, n'ayant aucune espèce d'intérêt au point de vue du trésor public, ces baux ainsi triés nous donnent ce qu'on peut considérer comme la vérité, surtout si l'on compare les baux enregistrés avec ceux qui ont été produits volontairement par les particuliers.
Il a été répondu déjà à l'objection de l'honorable membre, qu'il avait été parfaitement entendu que la ventilation par commune ne se ferait qu'exceptionnellement.
Le texte de l'article 3 du projet de loi de 1860 était primitivement rédigé comme il suit :
« Les résultats de la révision seront appliqués :
« (...) Par commune, exceptionnellement pour celles des communes rurales où l'on pourra recueillir des actes de location en nombre suffisant pour établir le revenu moyen des propriétés foncières dans la localité. »
Cette rédaction a donné lieu à une demande d'explication de la part de la section centrale chargée de l'examen du projet de loi.
Elle disait :
« Au quatrième paragraphe, on voit figurer le mot « exceptionnellement », qui laisse supposer qu'en fait la révision des évaluations cadastrales s'exécutera généralement par canton. Le gouvernement croit-il que les communes rurales où l’on pourra recueillir des actes de location en nombre suffisant, formeront la grande minorité, et s'il y a de l'incertitude à cet égard, ne convient-il pas de supprimer dans ce paragraphe l'adverbe « exceptionnellement » ? »
« Le gouvernement a résolu cette question dans les termes suivants :
« Il croit, en effet, que l'application du quatrième paragraphe de l'article 3 sera exceptionnelle, et c'est pour qu'on ne se méprît pas sur la portée de cette disposition qu'il s'est servi de l'adverbe « exceptionnellement ». Mais il n'y a nulle nécessité de le conserver, attendu qu'en réalité il n'ajoute rien au sens de l'article. »
Voilà quelle était la véritable pensée : règle générale, faire la ventilation par canton, et par commune exceptionnellement. Cette mesure n'a pu être appliquée, parce qu'il a été reconnu impossible d'opérer une ventilation par commune à l'aide des actes qui ont été fournis à l'administration. Ainsi, je crois pouvoir dire que, nonobstant les objections de l'honorable M. Moncheur, la loi de 1860 conserve toute sa force.
Que reproche-t-on maintenant aux opérations du cadastre ?
D'abord l'exagération dont les évaluations sont empreintes ;
Les vices qui résultent de ce qu'on a appliqué la proportion cantonale aux communes ;
La surtaxe appliquée aux bois et à certains prés ;
Les évaluations des immeubles et des machines dépendant des charbonnages. L'honorable M. de Macar a seul indiqué ce point.
Enfin et surtout, et c'est ce que vient de dire encore l'honorable M. De Lexhy, qui y a particulièrement insisté, l'exagération dans l'évaluation des maisons situées à la campagne et particulièrement des châteaux.
Voilà les griefs qui sont dirigés contre les opérations cadastrales, et que je vais examiner aussi brièvement que possible.
MpVµ. - La parole est à M. le ministre des affaires étrangères pour une communication.
(page 1021) MpVµ. - La parole est à M. le ministre des affaires étrangères pour une communication.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - La Chambre connaît les circonstances dans lesquelles s'est produite la question du Luxembourg. Cet incident menaçait de dégénérer en un conflit violent, lorsque les grandes puissances, non directement engagées dans le différend, sont, grâce à la modération des Etats plus particulièrement intéressés, parvenues à réunir une conférence chargée d'aviser aux moyens de maintenir la paix, en établissant la situation du grand-duché sur de nouvelles bases.
La Belgique, signataire des traités de 1859 qu'il s'agissait de modifier, quant au Luxembourg, devait naturellement être appelée à assister à la conférence ; et le Roi Grand-Duc nous ayant adressé la même invitation qu'aux autres Etats, le gouvernement du Roi s'est empressé de transmettre à son représentant à Londres les pleins pouvoirs nécessaires.
L'indépendance et la neutralité de la Belgique étant entièrement hors de cause, notre plénipotentiaire avait pour instruction spéciale de concourir dans la mesure de ses forces et de son influence à toute solution pacifique qui se concilierait avec nos intérêts et nos droits.
Nous avons la satisfaction d'annoncer que réunie le 7 mai, la conférence avait terminé ses travaux dès le 11, en signant un traité qui atteint le but désiré.
Je crois pouvoir dès aujourd'hui faire connaître la substance de cet acte international.
Le Grand-Duché reste sous la souveraineté de la maison d'Orange-Nassau ; il est déclaré Etat neutre, et sa neutralité est placée sous la sanction de la garantie collective des puissances signataires.
La Belgique, en sa qualité d'Etat neutre, demeure en dehors de cette stipulation.
La ville de Luxembourg cessera d'être une ville fortifiée ; le Roi de Prusse déclare que ses troupes recevront l'ordre de procéder à l'évacuation de la place ; le Roi Grand-Duc ne pourra y entretenir que le nombre de troupes nécessaire à l'ordre public.
Ce traité fait disparaître de graves difficultés qui avaient inopinément surgi entre nos deux puissants voisins ; il augmente par là même la sécurité de la Belgique.
Il n'est pas non plus sans intérêt pour notre pays, la Chambre le comprendra, d'avoir été pour la première fois représenté à un congrès politique qui a eu cette rare fortune de conserver à l'Europe les bienfaits de la paix, ce bien suprême des nations.
Aux termes de l'article 68 de la Constitution, le gouvernement du Roi mettra sous les yeux des Chambres le texte même du traité, aussitôt après l'échange des ratifications pour lequel un délai de quatre semaines a été convenu. (Marques d'adhésion.)
(page 1012) MpVµ. - Il est donné acte à M. le ministre des suaires étrangères de cette communication.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Je dépose en même temps sur le bureau une convention littéraire qui vient d'être conclue avec la Suisse.
Si la Chambre avait le temps de s'en occuper avant sa séparation, il y aurait lieu de s'en applaudir. Je propose donc le renvoi à une commission.
- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation de ce projet de loi. Il sera imprimé et distribué et renvoyé à l'examen d'une commission qui sera nommée par le bureau.
M. Dumortier. - Messieurs, le rapport dont M. le ministre des affaires étrangères vient de nous donner lecture a certainement un côté avantageux et honorable pour la Belgique. Les craintes de guerre qui planaient sur l'Europe et qui pouvaient devenir menaçantes pour notre nationalité ont disparu, et dans une conférence qui, cette fois, n'a pas suivi les effets militaires, mais les a précédés, on a pu pacifier l'Europe et assurer une ère de paix.
Nous avons vu le plénipotentiaire belge appelé à siéger dans cette conférence.
Tout cela est certes très satisfaisant pour le pays. Mais il est une observation cependant qu'il m'est impossible de ne pas vous soumettre.
Vous savez que le grand-duché de Luxembourg est une partie intégrante de la Belgique depuis plus de 450 ans. Donné en engagère en 1388, il fut, quelques années après, réuni au duché de Brabant, sous le duc Antoine, puis, plus tard, sous Philippe le Bon, d'une manière perpétuelle, aux provinces belgiques,
On a dit que le Luxembourg appartenait à l'Allemagne, c'est possible aux époques antérieures, mais ce qui est certain c'est que la pragmatique sanction de l'empereur Charles V, ratifiée par l'Allemagne tout entière, faisait des provinces belgiques, y compris le Luxembourg un tout inaliénable et inséparable. Elles représentaient une royauté fédérative qui était la couronne des 18 provinces belges.
(page 1013) Les événements de 1830 sont venus enlever à la Belgique la moitié de cette province et vous savez, messieurs, combien a été grande la peine que nous avons tous éprouvée, tant ceux qui ont repoussé le traité, que ceux qui ont cru, dans leur conscience, devoir l'accepter. Je me rappelle encore les débats qui ont eu lieu dans cette circonstance solennelle et historique et la douleur profonde que cette perte a causée au pays.
J'avais conçu l'espoir que dans les circonstances actuelles nous aurions vu nos frères du Luxembourg réunis à la Belgique comme ils l'ont été pendant quatre à cinq siècles, et leurs représentants venir siéger de nouveau parmi nous.
La chose me paraissait d'autant plus faisable que l'on parlait d'une vente et ensuite d'une neutralisation. Il est incontestable que le Luxembourg réuni à l'Allemagne paraissait une menace pour la France et que s'il avait été réuni à la France, l'Allemagne y aurait vu un danger.
Il fallait donc neutraliser le Luxembourg, et alors quoi de plus simple que de le réunir à la Belgique qui est neutre sous la garantie de l'Europe ?
J'avais donc le ferme espoir de voir nos frères du Luxembourg rentrer dans la famille belge, dont ils n'auraient jamais dû être séparés. Je dois, messieurs, exprimer ici le regret profond que j'éprouve comme tous les patriotes, que ce but n'ait pu être atteint. J'ignore et je ne demande pas à savoir quelles sont les circonstances qui sont venues y mettre obstacle. Je sais combien il serait délicat d'adresser à cet égard des interpellations à M. le ministre des affaires étrangères, mais dans l'hypothèse que quelque jour le Luxembourg doit faire retour à l'une des puissances, je forme les vœux les plus ardents pour qu'il fasse retour à la mère-patrie.
MfFOµ. - Messieurs, je disais donc, au moment où s'est ouverte la parenthèse qui vient de se fermer, que le premier grief contre les opérations de la révision cadastrale, est celui-ci : exagération dans l'évaluation des revenus ; et pour donner plus de force à ce grief, on pour faire naître plus de craintes sur les conséquences de cette prétendue exagération, on ajoute qu'elle va exercer son influence sur d'autres impôts, par exemple, sur la contribution personnelle et sur les droits de succession en ligne directe. Quelques honorables membres ont demandé à être rassurés sur ce point ; je puis, en effet, les rassurer très facilement. D'abord, je ne parviens pas à découvrir le rapport qui peut exister entre les évaluations cadastrales et les déclarations pour la contribution personnelle. Lorsque les Chambres auront à s'occuper de la loi sur la contribution personnelle, si elles prennent comme l'une des bases de l'impôt la valeur locative, et qu'elles admettent que cette valeur sera déterminée par l'évaluation cadastrale de la propriété, elles auront à décider si la quotité de l'impôt doit rester la même, mais ce ne sont pas les opérations actuelles qui pourront exercer la moindre influence.
En ce qui touche l'impôt sur les successions en ligne directe, il n'y a également aucune espèce de relation avec les évaluations cadastrales. A la vérité on a établi, pour la facilité des déclarations, un multiple du revenu cadastral ; mais nul n'est tenu de s'arrêter à ce multiple. C'est sur la valeur vénale que le droit est établi, et si le multiple ne convient pas au déclarant, il choisit d'autres bases à son gré. Si, par suite des opérations nouvelles, il y a lieu de modifier ce multiple, on le fera, de manière à déterminer, pour un revenu cadastral donné, quelle est la valeur vénale des biens.
Par conséquent les choses resteront exactement dans la même situation qu'aujourd'hui.
Mais messieurs, quelle est la valeur de ce reproche d exagération ? On n'apporte aucune espèce de preuve à l'appui. On se borne a affirmer ; on dit d'une manière générale : les évaluations sont empreintes d'une grande exagération. Dans les commissions provinciales cette même idée a été énoncée, mais toujours sans rien préciser, sans donner aucune espèce de raison pour la justifier. On a dit : Réduisez vos évaluations !
Or de deux choses l'une : ou bien ces évaluations seront réduites partout dans la même proportion, et alors rien ne sera changé dans la situation relative des divers cantons et des diverses provinces ; ou bien elles seront réduites dans une proportion inégale, et alors ce sera tout bonnement de l'arbitraire, et rien de plus ; l'arbitraire viendra détruire l'effet des résultats obtenus par la ventilation des baux.
On nous a dit que, pour établir ces évaluations, on s'était arrêté à de pures hypothèses ; c'est l'honorable M. Ansiau qui s'est exprimé de la sorte.
Des hypothèses ! Mais ce sont les faits les plus positifs, ce sont les baux qui ont donné ces résultats.
Or, il est notoire, et il a été avoué que les baux sous seing privé n'avaient été produits que lorsqu'ils contenaient l'indication de prix de fermage peu élevés. Quant aux baux présentant des prix se rapprochant davantage de la réalité, on a eu soin de ne pas les produire. Mais enfin ceux que nous possédons, que représentent-ils ? Sont-ce de pures hypothèses ? Ils représentent, en contenance, plus du quart des propriétés de la Belgique, et en revenu une somme de 52 1/2 millions. Comment peut-on dire que des évaluations fondées exclusivement sur des baux aussi nombreux et représentant une somme de revenu aussi élevée, sont des évaluations établies sur de pures hypothèses et empreintes d'une évidente exagération ?
La deuxième objection, c'est le prétendu vice résultant de l'application de la proportion cantonale aux communes d'un même canton.
En thèse générale, il faut bien le reconnaître et personne ne le niera, les communes d'un même canton se trouvent dans des conditions à peu près les mêmes. Je concède certainement des exceptions, mais, en thèse générale, il en est ainsi.
On cite à la vérité des anomalies, ou plutôt de prétendues anomalies, car nous allons voir en quoi elles consistent.
L'honorable M. Landeloos dit que, dans la commune de Cappellen, canton de Glabbeek, la ventilation donne une augmentation de 142 1/2 p. c., et à Meensel, même canton, une augmentation de 48 1/4 p. c.
Or, dit-il, on applique à toutes les communes la moyenne cantonale qui est de 91 p. c. Est-ce de la justice ? s'écrie-l-il. Non c'est de l'absurdité !
Messieurs, ce qui est absurde, c'est de ne pas rechercher comment on a obtenu les chiffres de 142 1/2 et de 48 1/4.
Pour Cappellen, on n'a eu que 51 baux comprenant 74 hectares sur 429. Eh bien, cette proportion était trop peu considérable pour qu'on pût l'admettre commentant la réalité.
De même à Meensel, on n'a eu que 24 baux seulement, comprenant 130 hectares sur 527.
Il s'agissait, dans la première de ces communes, de baux de petite tenue exclusivement, qui surélevaient ainsi considérablement le taux des revenus, et dans la seconde, de baux de grande tenue qui les atténuaient et faisaient de l'exception la règle.
En opérant sur la masse des baux du canton, au contraire, on a fait une chose qui, manifestement, est des plus justes, et qui doit détruire les inégalités résultant des causes que je viens d'indiquer.
Il en est de même partout.
Ainsi à Genck et à Sutendael, deux communes citées par l'honorable M. de Macar, à l'égard desquelles il a vivement insisté parce que les rapports sont aussi très discordants, les mêmes raisons viennent justifier l'opération qui a été faite.
Dans la première commune, on a ventilé 10 baux seulement comprenant 112 hectares sur 1984, et donnant 152 p. c. d'augmentation. Dans la seconde, que l'on compare à la première pour démontrer la prétendue injustice, l'anomalie, l'absurdité de l'opération, on a ventilé seulement 2 baux comprenant 2"7 hectares sur 1147, et donnant 1 p.c. d'augmentation.
Que signifie donc cette argumentation de l'honorable membre, qui vous dit : Dans ces deux communes, dont l'une a 152 p. c. et l'autre 1 p. c. seulement d'augmentation, on applique la moyenne cantonale qui est d'autant ?
Mais cela ne signifie absolument rien. Ce n'est pas par deux baux représentant 27 hectares sur 1147 que nous pouvons connaître la vérité sur une commune, et nous sommes plus près de la vérité lorsque nous prenons un grand nombre de baux de grande, de moyenne et de petite tenue, et que nous appliquons le résultat de la ventilation à tout le canton.
L'honorable M. de Macar s'est plaint particulièrement des résultats de la ventilation pour son arrondissement. Eh bien, je regrette qu'il y ait là une augmentation si considérable ; mais ce n'est pas un résultat arbitraire ; ce n'est pas parce qu'on le veut ainsi. Cela résulte de la ventilation des baux. Pourquoi avez-vous des baux si élevés dans votre arrondissement ?
(page 1014) Mon honorable ami a d'autant moins à se plaindre que les baux produis sont en majorité de grande tenue.
En effet, sur 5,163 hectares compris dans la ventilation, 4,136 hectares sont affermés en grande tenue.
Les baux enregistrés, dont l'honorable membre s'est fait un argument, ne représentent pas même le tiers de la contenance des baux sous seing privé dans son arrondissement. Il y a là 1,232 hectares d'un côté, et 3,931 hectares de l'autre.
Je ne puis faire que ces faits n'existent point.
Il faut bien que j'offre les résultats comme ils se présentent, et ce n'est pas ma faute s'il y a une augmentation si considérable dans le prix des baux.
A la vérité, l’honorable membre a produit une série d'actes qui lui ont été communiqués par un notaire très respectable, et il en a induit que, dans son arrondissement, la moyenne du prix des terres n'était que de 2,400 fr. l'hectare.
M. de Macarµ. - J'ai présenté cela comme un élément d'appréciation. Je n'ai pas dit que ce fût exact d'une manière absolue.
MfFOµ. - Vous avez dit qu'il résulte de ces actes de vente, que le produit n'était que de 2,400 francs, et capitalisant à 2 1/2 p. c, vous avez conclu que le revenu cadastral était exagéré !
J'ai dit à l'honorable membre après la séance qu'une société s'était immédiatement constituée pour acheter tous les biens de son arrondissement au prix de 2,400 fr.
M. Dolezµ et plusieurs membres. - Nous demandons des actions.
MfFOµ. - Je crois que beaucoup de membres de cette Chambre s'y intéresseront.
Maintenant, messieurs, examinons les objections faites quant aux bois. Ils sont, dit-on, surtaxés. On n'a pas trouvé d'éléments propres à en fixer la valeur. On leur a appliqué l'augmentation constatée pour les terres ; et l'on trouve qu'il y a là quelque chose d'assez injuste et d'assez anomal.
Messieurs, je ne veux pas essayer de justifier, en quelque sorte théoriquement, l'application qui a été faite aux bois de la proportion admise pour les terres ; je veux seulement examiner ce que cela représente en chiffres.
Voyons si, en opérant de la sorte, on arrive à commettre une énormité.
Le cadastre primitif de la province de Namur renseigne 121,838 hectares de bois évalués à l,831,036 fr. soit en moyenne 15 fr. 13 c. par hectare, supportant un contribution de 209,470 fr. Voyons l'état actuel des choses qui est le résultat de la révision. Il porte le revenu de ces mêmes bois à 3,536,663 fr. et l'impôt à 236,955 fr. soit une augmentation de 27,485 fr., c'est-à-dire un centime et demi par franc de l'ancien revenu !
Eh bien, je demande si pour savoir si l'on payera un centième et demi en plus de l'ancien revenu, ou quelque chose de moins, il faut faire une opération parcellaire qui exigera cinq ou six ans et qui coûtera 4 ou 5 millions.
Je demande s'il ne vaut pas mieux, s'il n'est pas plus sage, plus raisonnable d'ajourner la révision parcellaire à une époque où les changements seront devenus beaucoup plus considérables sur toute la surface du pays ? Toute la question est là.
Il y a de plus cette observation à faire, spécialement pour les bois de la province de Namur, là où l'objection a été formulée, c'est qu'il y a eu beaucoup de défrichements. La surface des bois défrichés ne s'élève pas à moins de 30,000 hectares. Ces 30,000 hectares sont et resteront cependant considérés comme bois d'après la révision proposée.
Eh bien, il est constaté que les revenus de ces propriétés ont les uns quintuplé, les autres décuplé. Et pourtant l'impôt restera le même. Je ne pense pas que les honorables membres qui provoquent une révision parcellaire seraient fort satisfaits du résultat auquel elle aboutirait, car toutes ces propriétés, dans l'hypothèse d'une pareille révision, seraient très notablement augmentées. Or, il ne s'agit pas d'une bagatelle, il s'agit de 30,000 hectares. Des résultats analogues se produiraient dans d'autres provinces. Je me borne à citer des chiffres ; ils valent mieux que tous les raisonnements.
Pour le Hainaut, quelle était la situation lors de la révision cadastrale en 1835 ?
La contenance était de 60,398 hectares, le revenu imposable de 1,472,700 fr. en moyenne donc 24 fr. 38 c. par hectare. La contribution foncière était de 166,120 fr. pour 1866. Quel est le résultat de la révision ? Le revenu serait porté à 2,936,790 fr., la contribution à 190,765 francs ; augmentation de 30,645 fr., c'est-à-dire, en moyenne, deux centimes par franc de l'ancien revenu.
Pour la province de Liège, la contenance était, en 1835, de 45,831 hectares, le revenu imposable de 627,395 fr., la moyenne, par hectare, de 13,69. La contribution, en 1866, s'élevait à 68,597 fr. Le résultat de la révision sera : Revenu nouveau 1,207,886 francs, l'impôt de 80,928 fr., augmentation 12,331 francs, soit, en moyenne, deux centimes par franc. du revenu ancien.
Pour le Luxembourg, lors des opérations de 1845, la contenance était de 96,181 hectares, le revenu de 637,294 fr. ; moyenne, par hectare, 11,61. L'impôt s'est élevé, en 1866, à 128,063 fr. Quels seront les résultats de la révision ? Le revenu nouveau sera de 1,773,824 fr., le contingent de 118,813 fr. ou une diminution de 9,220 fr., soit 1 1/2 centime par franc de l'ancien revenu.
Voilà les résultats en ce qui concerne les bois. Eh bien, messieurs, sans entrer dans les détails, et à ne consulter que ce qui est apparent, n'est-il pas évident que l'on ne peut en tirer un grief contre le projet de loi qui vous est soumis ?
Les bois, a-t-on dit, ont été plus ou moins atteints parla suppression de la forgerie au bois. cette objection a déjà été faite en l'an de grâce 1835 ; mais dans certaines provinces, il y a eu des compensations.
Ainsi, dans le Hainaut et dans la province de Namur, si la forgerie au bois n'a plus employé du taillis pour le charbonnage, on a transformé ces bois en perches à houillère ; eh bien, dans le Luxembourg, cela n'a pas pu avoir lieu.
M. Teschµ. - Le sol ne s'y prête pas.
MfFOµ. - Il faut tenir compte d'ailleurs de l'éloignement. des houillères.
M. Wasseige. - Et les écorces.
M. Teschµ. - Il n'y en a pas...
MfFOµ. - Je dis, messieurs, que la suppression de la forgerie au bois n'a pas opéré partout de la même façon ; dans certaines provinces on a pu utiliser les bois transformés. Dans le Luxembourg cela n'a pas pu avoir lieu, ou du moins ce n'est que dans des proportions fort minimes qu'on a pu le faire.
L'honorable M. Wasseige a cité notamment la situation des bois de Dave ; il vous a dit que là on peut fournir la preuve, par les ventes de 18 années, que le produit des taillis est même inférieur au revenu cadastral primitif. L'honorable membre s'est étonné de ce fait, et il a prétendu qu'il était inique, dans de pareilles circonstances, d'augmenter la contribution de celle propriété.
Je ne connais pas les bois de Dave dont l'honorable membre nous a entretenus. Mais je suis quelque peu au courant de l'exploitation des bois. Dans ceux de Dave, il y avait une futaie sur taillis ; comme les taillis, par les causes que j'ai indiquées, ne se vendent plus ou se vendent mal, que fait-on ? On transforme le bois, et au lieu d'avoir du taillis, on fait de la futaie ; on laisse beaucoup d'arbres sur le sol, et on a dès lors, tout naturellement, un taillis moindre, et un beau jour on produit les actes de vente constatant que le revenu des taillis est devenu insignifiant, mais en laissant ignorer, bien entendu, ce que la propriété vaut en haute futaie. Voilà l'explication très simple du fait qu'a signalé l'honorable M. Wasseige.
Ce qui a été dit des prés se réfute de la même manière. Je ne prétends pas qu'il n'y ait pas quelques anomalies ; mais ce sont des exceptions, et d'ailleurs nous ne parviendrons pas à les faire disparaître, mème avec la révision parcellaire.
On a dit aussi que le Luxembourg s’est développé depuis 30 ans, voit son contingent réduit, et l’on s'en étonne. Déjà hier on a répondu en partie à ce grief ; mais rien n'est plus facile à comprendre.
Les revenus ont progressé dans le Luxembourg comme partout ailleurs, mais pas dans la même proportion ; voilà tout.
On nous a dit : Mais vous avez arbitrairement fixé une quotité pour l'augmentation ; vous augmentez seulement de 50 p. c, bien que des baux authentiques vous eussent donné une proportion plus forte.
Sans doute ; mais voyons encore les faits.
Il s'agit des cantons ardennais proprement dits ; eh bien pour les douze cantons ardennais, la ventilation des baux ne comprend que 284 actes se rapportant à 6,100 hectares sur 131,973 hectares livrés à la culture, soit 1/20. cette ventilation était tout à fait insuffisante ; il a fallu chercher d'autres éléments.
Ils étaient très difficiles à obtenir dans le Luxembourg, parce qu'il y a là peu de propriétés louées ; en général ce sont les propriétaires eux-mêmes qui exploitent.
(page 1015) Eh bien, on s'est livré à des investigations de tout genre, fort attentives, fort scrupuleuses, fort impartiales, et on a acquis la conviction que, dans cette contrée, le prix moyen de location de l'hectare a pu varier entre 18 et 20 francs pendant la période décennale de 1849 à 1858. Je crois que cela sera admis par tous ceux qui connaissent plus particulièrement le Luxembourg.
Or, en admettant ces chiffres, nous sommes arrivé à une augmentation de 50 p. c. sur l'évaluation ancienne, ce qui a été admis. Voilà pourquoi on a agi de la sorte pour le Luxembourg, et je crois qu'on s'est ainsi maintenu dans des conditions parfaitement équitables.
Pour ne rien omettre, je dirai un mot aussi de l'évaluation des immeubles dépendant des charbonnages, et des machines d'exhaure dont a parlé l'honorable M. de Macar.
Jusqu'à présent, ces immeubles avaient, au moins en partie, échappé à l'évaluation cadastrale. Nous nous sommes demandé si cela était juste, si cela était autorisé par la loi ; et il nous a paru qu'il n'y avait pas lieu de faire une exception ; la loi veut qu'on évalue tout ce qui constitue un revenu, propriétés bâties et non bâties ; elle exige donc que l'on applique la même règle aux habitations destinées aux exploitations houillères ou aux dépendances de ces exploitations ; et l'on ne m'a donné que des raisons tout à fait inadmissibles pour prouver qu'on faisait ici un double emploi.
II n'y a pas de double emploi : pour le produit de la mine, on paye la redevance sur les mines ; pour le produit des immeubles, on paye la contribution foncière. Quant aux machines d'exhaure, il a fallu les évaluer également. Il est bien vrai, messieurs, que certaines exploitations, qui peuvent marcher sans le secours de ces machines, sont placées dans une situation beaucoup plus avantageuse que d'autres, qui sont dans l'obligation de recourir à ces puissants auxiliaires et de dépenser des sommes considérables. Mais la règle est que ces instruments de travail, ces machines, sont estimés et soumis à l'impôt foncier. Comment aurait-on pu faire une exception de ce chef ?
On nous dit : Mais il en coûte beaucoup plus pour exploiter avec des machines, et dès lors il n'est pas juste d'asseoir l'impôt sur des instruments de travail qui, par eux-mêmes, sont une cause de dépenses plus considérables. Mais, messieurs, le produit n'en existe pas moins ; si l'exploitation était devenue impossible par suite de l'emploi de ces machines, on y aurait renoncé. Or, les exploitations continuent dans des conditions parfaitement fructueuses, et on ne peut évidemment pas avoir à s'enquérir, pour établir l'impôt, si tel ou tel industriel profite, dans une proportion plus ou moins forte, des machines qu'il emploie.
Enfin j'arrive au grand grief :
Les maisons situées à la campagne, particulièrement les châteaux, qui, dit-on, ont été surtaxés. Pour avoir dit quelque part dans l'exposé des motifs qu'on avait évalué trop bas ces maisons de campagne en 1835, et qu'on était arrivé, cette fois, à quelque chose qui paraissait plus équitable, j'ai été très sérieusement accusé de provoquer à la guerre des pauvres contre les riches.
Nous allons encore examiner ceci en rapprochant les chiffres ; vous verrez que nous arrivons à des résultats extrêmement concluants.
L'expertise a porté sur 880,987 maisons. 358,410 ou 40 p. c. sont situées dans des communes inférieures à 2,000 habitants ; 522,577 ou 60 p. c. sont situées dans des communes plus importantes. Les évaluations varient de 6 francs, minimum du revenu, à 27,900 francs maximum ; voilà les deux degrés extrêmes du tarif.
Combien de maisons sont évaluées de 6 à 30 francs ? Il y en a 380,274 ou 45 p. c. Combien de 360 à 60 francs ? 235,942 ou 27 p. c. Combien de 66 à 96 ? 94,768, ou 11 p. c.
Ainsi, sur 880,987 maisons, 710,984, ou 81 p. c., ont un revenu cadastral inférieur à cent francs, et payeront par conséquent moins de 6 fr. 70 c. d'impôt.
Voilà, messieurs, ce qui a été signalé comme constituant une exagération déplorable. Il reste maintenant 170,003 maisons. Elles se divisent comme il suit :
75,965 maisons sont évaluées de 102 à 171 francs, 62,389 de 201 à 486 fr., 21,566 de 513 à 999 fr., 5,519 de 1,029 à 1,485 fr., 1,920 de 1542 à 1,944 fr., 1,641 de 2,001 à 2 ,856 fr., 779 de 3,144 à 4,857 fr. et 226 de 5,142 à 27,900 fr.
Ces chiffres démontrent, je pense, à l'évidence, que les évaluations nouvelles sont loin d'être exagérées.
J'ai dit tout à l'heure qu'il y a 358,410 maisons situées dans des localités dont la population n'atteint pas 2,000 habitants. De ce nombre, 205,005 maisons ou 57 p. c. sont évaluées au-dessous de 30 fr. ; 94,470 ou 17 p. c, de 36 à 60 fr. ; 30,879 ou 8 1/2 p. c, de 66 à 96 francs. Ainsi, 350,354 maisons ou 92 p. c. ont un revenu cadastral qui n'atteint pas cent francs ; 20,609 ou 5 1/2 p. c. sont évaluées de 102 fr. à 171 francs ; 6,380 oui 1/2 p. c. sont évaluées de 201 à 486 fr., enfin, 1,067 ou moins de 1/2 p. c. sont évaluées à un revenu dépassant 500 francs.
Il me semble que de pareils résultats réfutent toutes les exagérations auxquelles on s'est livré, particulièrement au sujet des châteaux, puisque ceux-ci figurent parmi les 1,067 maisons qui sont évaluées, dans les communes rurales, à une somme supérieure, à 300 fr., et la plus grande partie est rangée dans la catégorie de 500 à 1,000 fr., qui en comprend 721.
La contribution varie pour ces propriétés de 35 fr. 50 c. à 67 francs. Voilà tout : ni plus ni moins. Il reste donc, dans les communes ayant moins de 2,000 âmes, 346 habitations ayant un revenu cadastral supérieur à 1,000 fr. et payant quelque chose de plus que 67 fr. d'impôt foncier. Et même pour 188 de ces maisons, le revenu n'atteint pas 1,500 fr., et la contribution, 100 francs.
Je crois que de pareils faits en disent plus que tous les raisonnements.
Eh bien, c'est en présence de ces résultats qu'on insiste pour avoir une révision parcellaire, en ce qui touche les propriétés non bâties.
On croit que la révision parcellaire fera tomber toutes les objections. On se trompe très fort. Si l'on veut se donner la peine de relever les discussions qui ont eu lieu en 1835, après la révision complète et parcellaire, discussions mémorables où l'honorable M. Eloy de Burdinne prononça un discours qui se prolongea pendant trois séances, on verra que les mêmes objections faites contre la révision, qui n'est pas entièrement parcellaire, se sont produites alors. C'est absolument le même débat.
Ceux qui demandent la révision parcellaire se trompent sur un autre point. Ils s'imaginent que la ventilation qui a été faite va tomber ; il n'en sera rien ; toute la ventilation reste ce qu'elle est ; elle est acquise ; si vous ordonniez la révision parcellaire, les objections ne ea reproduiront pas moins. Quelle serait l'opération à laquelle on se livrerait ? A un nouveau classement des propriétés ; voilà tout. On aurait des diminutions ou des augmentations de parcelle à parcelle ; c'est tout ce que vous obtiendriez.
Sans doute, il serait désirable que l’on procédât comme on le demande, si cela était praticable ; je l'admets ; j'admets encore qu'il faudrait procéder de la sorte, surtout si l'on arrivait à un résultat fixe et permanent ; mais il n'en est pas ainsi.
Cependant, l'honorable M. Moncheur a annoncé une proposition, et je crois même qu'il l'a déposée...
M. Moncheurµ. - Pardon ; je n'ai pas déposé ma proposition ; je l'ai discutée devant la Chambre, pour qu'elle voulût bien l'examiner.
MfFOµ. - Nous allons donc l'examiner.
L'honorable M. Moncheur demande qu'on procède à la révision parcellaire, et qu'en attendant on dégrève les Flandres de la surtaxe dont elles sont frappées (ceci est un moyen d'avoir leur concours pour l'adoption de sa proposition), mais qu'on applique jusque-là l'augmentation aux autres provinces, d'après le revenu cadastral ancien.
Traduisons en chiffres cette proposition.
La province d'Anvers, au lieu d'être augmentée de 10,656 fr., le serait de 120,559, c'est-à-dire 12 fois autant.
M. Wasseige. - C'est le moyen d'avoir les Anversois pour votre projet de loi.
MfFOµ. - Le Brabant subirait une augmentation de 262,702 fr. au lieu de 239,459 fr., ou 10 p. c. en plus.
Le Limbourg serait augmenté de 61,210 fr. au lieu de 19,836 fr., soit une augmentation de plus de 200 p. c. Cela plaira peu, je pense, aux honorables députés de cette province.
Le Luxembourg dans ce système, loin d'être dégrevé de 52,016 fr., serait augmenté de 49,588 fr., ce qui fait une différence de 200 p. c.
(page 1016) Les trois autres provinces recevraient une diminution ; le Hainaut, de 105,448 fr., la province de Liège, de 106,575 fr. ; et la province de Namur, de 87,872 ou près de 100 pour cent de moins de ce qu'elle doit payer d'après la révision : le chiffre de 176,267 serait remplacé par 88,395 fr.
Je demande comment l'honorable membre pourrait justifier une pareille proposition.
II est hors de doute, d'après le résultat du projet de loi, que de province à province l'égalité sera rétablie ; eh bien, l'honorable membre rejette cette partie du projet qui, précisément, est incontestée. Et pourquoi ne l'admet-il pas ? Parce que, selon lui, il y aurait lieu de procéder à une révision parcellaire., uniquement pour faire disparaître les inégalités de parcelle à parcelle. Il n'y aurait rien de plus inique que le procédé indiqué par l'honorable membre.
Je bornerai là mes observations. Je pense avoir suffisamment justifié le projet de loi. Si, plus tard, on juge utile de procéder à une nouvelle révision cadastrale, basée sur une autre période, la Chambre sera toujours maîtresse de l'ordonner, lorsqu'elle aura vu l'application de l'opération qui vient de se faire. Celle-ci n'est pas de nature à amener, sauf certaines exceptions dans quelques cantons, des changements bien considérables dans la situation actuelle des propriétaires fonciers.
M. Vander Doncktµ. - Messieurs, tous les orateurs qui m'ont précédé ont critiqué le projet de loi plus ou moins vivement ; quelques-uns ont reconnu le bien fondé des réclamations incessantes de quelques provinces, et notamment la surcharge qui pèse sur les Flandres. Je les en remercie sincèrement.
Les honorables préopinants se sont attachés surtout à signaler les difficultés d'appliquer le nouveau système aux communes et aux cantons, tandis que le législateur de 1860 a eu surtout en vue d'établir l'égalité proportionnelle entre les provinces.
L'honorable M. Wasseige disait :
« Des injustices étaient depuis longtemps signalées dans la répartition de l'impôt foncier entre les diverses provinces du royaume ; les Flandres avaient gravement à se plaindre de cet état de choses, nous avons été unanimes pour déclarer qu'il fallait leur rendre justice, et voilà ce qui a donné lieu à la loi de 1860. Nous sommes toujours du même avis, et nous voulons encore que justice soit rendue aux Flandres. »
Et l'honorable M. Bricoult disait : Le projet de loi qui nous est soumis par le gouvernement doit donc être accepté en principe.
Eh bien, acceptons le principe de la loi, et nous chercherons avec vous le meilleur moyen de l'appliquer avec équité et justice. Mais si l'on croit que les Flandres sont bien satisfaites du projet de loi tel qu'il est, on se trompe ; les Flandres ont aussi des griefs à faire valoir, et de très sérieux, ce n'est pas un million, mais un dégrèvement de deux à trois millions auquel les Flandres ont droit, et je tâcherai de vous le prouver, et à ce propos, je dirai surtout quelques mots à propos d'une observation présentée par l'honorable M. Wasseige au sujet du bois de Dave. Voici ce qu'en dit l'honorable membre :
« Il existe, dans le canton de Namur Sud, une commune qui se nomme Dave et dans cette commune une grande propriété contenant un ensemble de bois de 750 hectares environ, situés dans de bonnes conditions, à 6 kilomètres de Namur, sur les bords de la Meuse. Cet ensemble est à peu près tel encore qu'il était il y a 40 ans, bien peu d'hectares ont été défrichés, 20 à 25 tout au plus.
« Eh bien, j'ai eu l'honneur de fournir moi-même à l'administration les moyens de faire le ventilation complète de ce domaine ; c'est-à dire que je lui ai remis 18 actes de ventes authentiques des bois de Dave, comprenant la révolution intégrale de tous ses bois, dont le taillis se vend à l'âge de 18 ans. Cette période de 18 ans comprenait de bonnes et de mauvaises années commerciales, plusieurs correspondaient à une époque où la forgerie au bois avait encore un semblant d'existence sur les bords de la Meuse.
« Eh bien, savez-vous, messieurs, quel a été le résultat de cette ventilation faite dans des conditions réellement parfaites ?
« Le voici :
« L'ancien revenu cadastral du bois de Dave était de 14,690 francs, et le revenu réel constatée par 18 actes de ventes authentiques n'a été que de 13,175 francs !! C'est-à-dire qu'il y a eu dépréciation constatée de plus de 10 p. c.
« Et savez-vous, messieurs, à combien le revenu imposable du bois de Dave va être porté par suite du chiffre d'augmentation attribué, par la loi que nous discutons, au canton de Namur sud, c'est-à-dire 106 p. c. ? Eh bien, ce revenu imposable va être porté à la somme de 30,261 fr., au lieu de 13,175 revenu réel provenant d'actes authentiques fournis par moi.
« Et voulez-vous savoir en chiffre de contribution quel sera le résultat fiscal de cette opération pour le propriétaire des bois de Dave ?
« Le voici :
« Le multiplicateur à appliquer au revenu imposable étant de 6,70, le propriétaire des bois de Dave payera pour ses bois une contribution annuelle en principal de 2,027 fr. au lieu de 882 fr. qu'il aurait payés, si ce multiplicateur avait été appliqué au revenu réel.
« Et tous ces résultats sont de la plus grande exactitude. Le gouvernement, frappé lui-même de ces faits, les a fait contrôler avec le plus grand soin par ses agents ; j'ai vu de mes propres yeux l'inspecteur du cadastre parcourir les lieux, prendre les informations les plus minutieuses, et je puis affirmer que rien n'est venu contredire ce que je viens d'avoir l'honneur d'exposer devant vous. »
Eh bien, après avoir examiné ce que l'honorable membre a dit du bois de Dave, je me suis posé la question de savoir ce que payerait ce bois, s'il était situé dans les Flandres.
M. Wasseige. - C'est ce qu'il produirait, qu'il faudrait savoir.
(page 1030) M. Vander Doncktµ. - Eh bien, ces 750 hectares de bois situés dans les Flandres, à raison d'un revenu cadastral de 57 fr. par hectare, chiffre de l'ancien cadastre, donneraient en réalité un revenu de 42,750 fr. Or, le revenu actuel du bois de Dave est de 14,690 fr. II y aurait donc une différence de 14,690 à 42,750, et on se plaint !
Prenons maintenant l'impôt.
A raison de onze cents francs et une fraction, ce serait 4,692 fr. 50 c. que ce bois devrait payer, s'il était situé dans les Flandres. Or il paye actuellement en totalité, y compris les hectares dérodés, 882 fr.
D'après le nouveau projet de loi, s'il est adopté, je prends le revenu (page 1031) de 42,750 fr., j'y ajoute les 50 p. c. d'augmentation, et j'arrive à un revenu de 64,125 fr. a raison de 6 centimes 70 millièmes, ce bois produirait 4,316 fr. 37 c.
Je vous demande, messieurs, ce que les bois, dans nos Flandres, payeront encore, quand le nouveau système sera appliqué, et ce qu'ils payeront dans le Namurois... Evidemment il y aura encore entre les deux parties du pays une différence de plus de 100 p. c. Il n'y a donc pas lieu, pour cette province de Namur, de se plaindre sous ce rapport du nouvel impôt.
L'honorable M. Wasseige vous dit que le nouveau revenu augmenté sera porté à 30,261 fr. Eh bien, si ce bois était situé dans les Flandres, le revenu serait élevé à 64,125 fr. 75 c. soit 4,316 fr. 37 c. d'impôt.
Il y a donc encore une énorme différence entre l'évaluation des bois dans les Flandres et les évaluations de bois dans les autres provinces, et ainsi des autres catégories de propriétés.
Messieurs, il en est de même pour les prairies.
Le revenu de l'hectare de prairie sur l'Escaut est évalué aujourd'hui à 257 francs.
Je vous le demanda, y a-t-il un seul hectare dans les provinces de Namur, de Luxembourg et autres provinces où le revenu de l'hectare soit porté à 257 fr. ? Nulle part ; cela est exceptionnel pour les Flandres ; et c'est une surtaxe dont nous avons souffert depuis l’établissement de l'ancien cadastre.
Cet hectare, dont le revenu est évalué à 257 fr., paye 28 fr. 27 c. de contribution. Le nouveau système augmente le revenu de 50 p. c. Le revenu de l'hectare de prairie dans les Flandres sera donc porté à 385 fr. et ces 385 fr. donneront un impôt de 25 fr. 79 c.
La diminution sera donc de 28 à 25, soit de 2 fr. et des centimes et cela pour des parcelles de prairie, qui sont aujourd'hui dépréciées à un haut degré. Car ces prairies qui étaient autrefois des premières prairies du pays sont aujourd'hui réduites à l'état de terres agricoles de troisième et quatrième classe.
Voilà où nous en sommes réduits par suite des travaux hydrauliques que le gouvernement a fait opérer sur l'Escaut. Vainement vous avez réclamé. L'honorable M. Dumortier a exposé la situation de ces prairies d'une manière très claire, d'une manière incontestable. Nous avons sollicité des diminutions ; nous avons espéré dans la mesure de la révision cadastrale. Et voilà à quoi aboutit cette énorme diminution !
(page 1016) Mais, dit-on, les Flandres sont dégrevées d'un million, et ce million se résoudra en une réduction de 3 à 4 francs par hectare ; de manière que ces prairies qui donnaient jadis un revenu considérable et qui ne sont plus aujourd'hui que des terres agricoles de troisième et quatrième classe, payeront un impôt qui sera de plus de la moitié du revenu réel. Car, en (page 1017) définitive, il n'y a pas de terre de cette classe qui puisse rapporter 257 fr. par hectare ; cela ne s'est vu nulle part.
Je crois donc devoir avertir les honorables collègues qui s'opposent aujourd'hui à l'adoption du projet, que nous, représentants des Flandres, nous ne demandons pas la révision parcellaire, mais que nous ne la craignons pas. Au contraire, nous désirons que vous parveniez à triompher ; nous n'avons qu'à y gagner et nous y gagnerons encore plus de moitié. Sans doute les Flandres seront dégrevées ; mais je dis que ce n'est pas d'un million qu'elles devraient être dégrevées, mais de deux à trois millions ; il n'y aurait à cela qu'équité et justice.
Je dis donc que si ces messieurs persistent à exiger une révision parcellaire, je le leur concède volontiers ; dans mon opinion le projet de loi, tel qu'il est, maintient une surtaxe considérable sur les Flandres, et je crois que les Flandres n'ont qu'à gagner à une révision parcellaire ; mais vu le temps qui devrait encore s'écouler d'ici à cette révision parcellaire, nous commencerons par nous prononcer pour le principe du projet de loi ; nous l'adopterons comme pis aller en attendant une justice plus complète.
J'ai dit.
M. Wasseige. - En écoutant l'honorable M. Vander Donckt, j'ai cru d'abord rencontrer un soutien et que c'en était fait du projet de loi. Il a commencé par réclamer aussi l'expertise parcellaire qui devait procurer beaucoup plus d'avantage aux Flandres que le projet actuel ; il vous a dit que les Flandres seraient dégrevées de 2 ou 3 millions au lieu d'un ; je m'applaudissais d'avoir rencontré un tel allié. Mais hélas ! par un retour subit, l'honorable membre s'est souvenu de ce proverbe qu'un tiens vaut mieux que deux tu l’auras et s'est décidé à voter le projet de loi tel qu'il est. C'est bien fâcheux pour moi, je l'avoue.
Quant à M. le ministre des finances, je lui répondrai quelques mots seulement.
L'honorable ministre paraît avoir reconnu le fondement de la plupart des griefs que nous opposons à son projet et n'a, en réalité, plaidé que les circonstances atténuantes. En effet, il n'a fait que répéter ce qui se trouvait déjà dans l'exposé des motifs de la loi de 1860 et dans celui de la loi de 1867, à savoir que l'expertise parcellaire est certainement plus juste, plus équitable ; mais il a ajouté que les résultats n’en seraient exacts que pendant un temps assez court. J'ai déjà répondu à cette objection ; j'ai dit qu'il est impossible de prétendre que la Belgique fera d'ici à cent ans des progrès comparables à ceux qu'elle a réalisés depuis les premières évaluations cadastrales ; j'ai ajouté qu'il est impossible que, dans le même espace de temps, l'on continue à progresser en matière de construction de chemins de fer, de routes, de canaux, en matière d'améliorations agricoles de tous genres autant qu'on l'a fait depuis 1835.
Si donc l'honorable ministre n'a que cette objection a faire a notre demande qu'il reconnaît juste, il me paraît qu'il doit se joindre à nous pour voter l'expertise parcellaire.
L'honorable ministre a parlé de temps et d'argent, mais il paraît qu'à chaque discours qu'il prononce, le temps s'allonge et que la somme augmente.
L'expertise parcellaire est déjà faite pour les propriétés bâties et des lors la dépense serait diminuée d'autant. J'ai pris aussi des renseignements chez des hommes très compétents et ils m'ont assuré que deux millions et deux ou trois ans seraient plus que suffisants.
MfFOµ. - On vous a induit en erreur. Les chiffres que j'ai cités n'ont pas été inventés pour les besoins de la cause ; ils ont été indiqués à toutes les époques.
M. Wasseige. - Mais depuis que ces chiffres ont été indiqués, 1'expertise parcellaire a été faite en partie.
MfFOµ. - La révision parcellaire générale des propriétés bâties et des propriétés non bâties est estimée à 6 ou 7 millions. Ce chiffre a été indiqué assez souvent avec les devis à l'appui. Maintenant, vous dites que l'opération parcellaire a été faite pour les propriétés bâties. C'est exact, mais nous arrivons de ce chef à une dépense qui sera d'environ 1,900,000 francs. Vous voyez donc que je n'exagère pas en disant que nous devrions encore dépenser 4 millions.
M. Wasseige. - Bien, je constate que nous avons déjà gagné un million. Mais enfin la question d'argent n'est pas pour moi la plus importante, j'ai eu l'honneur de le dire ; s'il s'agit de faire une révision cadastrale juste et équitable pour tout le monde, qu'on la paye, rien de mieux.
L'honorable M. Moncheur vous a dit que la loi de 1860 n'a pas été exécutée. Ici encore M. le ministre, tout en prétendant qu'elle a été exécutée, est cependant forcé de convenir, 1° que l'estimation parcellaire des propriétés bâties à la campagne a été faite contrairement à la loi et que l'évaluation par commune, quoique exigée chaque fois que la chose était possible, n'avait été qu'une rare exception. C'est là une singulière manière d'exécuter la loi.
Mais, dit l'honorable membre, vous êtes au moins forcé de convenir que l'égalité de province à province ressort des opérations auxquelles les agents du gouvernement viennent de se livrer ? Pas le moins du monde ! L'égalité de province à province, mais c'est précisément le contraire de ce que nous soutenons, surtout pour la province de Namur.
Quanta la question des bois, qui est celle dont je me suis le plus occupé, et qui est sans contredit la plus importante, nous pouvons dire : habemus confitentem reum, l'honorable ministre a passé condamnation ; il a dit : C'est vrai, on a appliqué aux bois la ventilation faite pour les terres ; cela ne devait pas être, la loi exigeait autre chose ; mais cette autre chose je ne l'avais pas ; je me suis servi de ce que j'avais, que peut-on exiger de plus ? D'ailleurs, la différence qui en résulte est si peu de chose, la province de Namur, entre autres, ne sera surtaxée que de 27,000 fr., c'est 1 1/2 centime par franc.
Messieurs, pour une province qui a une si grande partie de sa superficie en bois, c'est déjà quelque chose, mais encore si cette surcharge était répartie équitablement sur tous !
Mais, au contraire, comme j'ai déjà eu l'honneur de vous le dire, messieurs, ce sont les meilleurs bois qu'on a défrichés. Les propriétaires de ces nouvelles terres ne payeront qu'un centime et demi en plus sur le revenu attribué à leurs propriétés alors qu'elles étaient encore bois, mais quels seront les pincés ? Permettez-moi cette expression un peu vulgaire. Ce sont ceux qui n'ont pas défriché, c'est-à-dire ceux qui ont les bois les plus médiocres.
Cela est parfaitement injuste, et quand nous réclamons l'expertise parcellaire, nous ne craignons pas qu'elle s'applique aux bois dérodés ; si les résultats de cette opération ont pour effet de faire payer (une dizaine de mots sont illisibles) M. le ministre des finances a semblé nous en menacer, nous la payerons sans murmurer ; j'en prends, en ce qui me concerne, l'engagement formel. Mais je crains peu ce résultat, pour les raisons que j'ai déjà exposées devant vous.
Mais, dit-on, dans votre province de Namur, on a défriché 30,000 hectares.
Je suis convaincu qu'il y a exagération dans les renseignements donnés à M. le ministre. Il n'y a pas eu 20 mille hectares de forêts défrichés.
Ce sont surtout des forêts de l'ancien syndicat qui se trouvent dans l'Entre-Sambre-et-Meuse et cette opération n'a pas généralement bien réussi.
Mais, dit l'honorable ministre, vous avez changé votre système d'exploitation ; il n'existe plus un seul fourneau au bois. C'est vrai, cela a dû diminuer la valeur de vos taillis, mais vous avez fait de ces taillis des perches à houillères.
Cela est facile à dire, mais cela est impossible à réaliser dans la plupart des bois de la province de Namur. Le sol n'y est pas assez fertile. Cela peut s'appliquer tout au plus à quelques bois des cantons avoisinant le Brabant et le Hainaut.
Mais pour la grande partie de nos bois situés sur la rive droite de la Meuse et dans l'Entre-Sambre-et-Meuse, il n'en est réellement pas ainsi. Savez-vous ce que nous devons faire de nos bois ? Nous devons les vendre comme fagots pour les boulangers, et là encore depuis que le chemin de fer existe, le Luxembourg, où l'on fait beaucoup de fagots, vient nous faire une concurrence ruineuse, de sorte que ce qui a appauvri une province a enrichi l'autre. Voilà donc, messieurs, pour les perches à houillères. Quant aux chiffres que j'ai fixés pour le revenu de la forêt de Dave, ils ont excité la colère de l'honorable ministre et de l'honorable M. Vander Donckt ; ils sont cependant d'une exactitude irréfutable.
L'honorable ministre a beau nous dire : Vos bois de Dave sont des bois de futaie sur taillis, et vous n'avez pas tenu compte du prix de la futaie, et d'ailleurs s'ils diminuent de valeur pour le taillis, vous allez changer vos bois taillis en bois de futaie. Maïs cela n'est pas possible. La somme que j'ai citée, comme formant le revenu réel des bois de Dave comprenait, d'ailleurs, l'évaluation des taillis et de la futaie, Savez-vous comment se fait celle évaluation ?
(page 1018) D’abord la futaie n’est pas un revenu.
La futaie peut être une valeur considérable ou bien médiocre selon la qualité des bois, mais elle ne peut se vendre périodiquement comme le taillis ; lorsqu'elle a été abattue, elle n'existe plus ; pour la refaire, il faut plusieurs centaines d'années.
Personne ne prétendra que c'est un revenu ordinaire. Or, pour évaluer le revenu réel de bois, on majore de 30 p. c. la somme obtenue pour les taillis.
MfFOµ. - C'est ce que vous faites.
M. Wasseige. - C'est ce que vos agents ont fait et ce que tout le monde fait et c'est ce qu'il est juste de faire, tout autre mode de procéder serait inique.
Si donc l'hectare de taillis a rapporté 300 fr., on porte le chiffre à 400 fr. pour la place occupée par la futaie dans cet hectare ; mais, dit encore l'honorable ministre, vous supprimez vos taillis et vous les remplacez par des bois de futaie. Je répondrai que cette opération est tout bonnement impossible dans le plus grand nombre de nos forêts.
J'ai déjà dit que nos bois dépérissent, ils ont porté trop longtemps les mêmes essences. C'est surtout pour la futaie que cela est vrai.
J'en appelle à tous mes honorables amis qui sont au courant de la chose, les baliveaux se couronnent, c'est le terme technique, ils se dessèchent et nous sommes obligés de vendre nos futaies de chênes au blanc et de les remplacer par des sapins, des mélèzes et autres essences résineuses qui donneront un revenu Dieu sait quand !
L'honorable M. Vander Donckt nous a dit : Je voudrais bien que la forêt de Dave fût. en Flandre.
Moi aussi je le voudrais bien, et si je pouvais d'un coup de baguette la transporter à Cruyshautem, sous l'administration éclairée de mon honorable ami, j'en serais enchanté.
Si en Flandre, les bois de Dave payaient une contribution de double plus élevée, ils produiraient bien certainement un revenu six fois plus (quelques mots illisibles) faire pour les bois des Flandres de l’aveu même de l’honorable M. Vander Donckt, et le propriétaire ne se plaindrait nullement, dans ce cas, de son surcroît de contributions.
MfFOµ. - Messieurs, je puis édifier la Chambre sur la manière de plaider de l'honorable membre, en ce qui touche les bois. Il dit : La futaie ne compte pas, ce n'est pas un revenu. (Interruption.)
Voici, par exemple, l'estimation qui a été faite de 594 hectares de bois de Rochefort.
Ce sont des futaies sur taillis.
Il s'agissait d'estimer la valeur de la propriété pour voir ce qu'elle peut donner de revenu,
On y a trouvé 47,533 francs pour les taillis.
D'après l'honorable M, Wasseige, c'est là le véritable revenu de la propriété.
M. Wasseige. - Plus 30 p. c.
MfFOµ. - Je vais vous dire ce qu'il y avait sur ces 594 hectares : Il s'y trouvait 80,309 arbres ; le fonds a été estimé à 441,041 fr. Le taillis a été, comme je l'ai dit, évalue à 47,533 fr.. la futaie a été portée à 467,283 francs, soit dix fois la valeur du taillis, et autant que le sol. La valeur totale est de 955,858 francs.
Faisons une opération semblable pour les bois de Dave, et alors les calculs de l'honorable membre seront singulièrement rectifiés.
M. Wasseige. - Cela ne fait pas le revenu.
MfFOµ. - Est-ce que vous ne tirez aucun parti des bois de haute futaie ? Et si vous les tenez pour votre agrément, est-ce une raison de ne pas vous faire payer pour cette valeur que vous possédez ? En vérité, cela n'est pas sérieux.
M. Moncheurµ. - Messieurs, je n'abuserai pas des moments de la Chambre, qui paraît 1res désireuse de clore la discussion. Je ne pourrais que répéter ce que j'ai dit hier, car M. le ministre n'a nullement fait disparaître les griefs que j'ai exposés.
La réponse que vient de lui faire mon honorable ami M. Wasseige me dispenserait même de prendre la parole, si je ne tenais à m'expliquer. Je tiens seulement à répondre à un point auquel l'honorable ministre n'a fait que toucher, c'est relativement à l'idée que j'ai émise hier en finissant mon discours, et dont M. le ministre vous a entretenus en terminant le sien.
Je veux parler de l'idée de dégrever les deux Flandres de toute la somme indiquée au tableau littera B annexé au projet, mais de ne rien changer aux bases actuelles de la répartition de l'impôt foncier et de répartir la somme ci-dessus sur les autres provinces du pays, au marc le franc d'après ces mêmes bases.
Après avoir établi assez clairement, je pense, que la manière dont la loi du 10 octobre 1860 a été exécutée a amené les résultats les plus injustes, et que ces résultats, si la loi était votée par la Chambre, produiraient dans le pays les plus vives réclamations, j'ai dit que le meilleur moyen, selon moi, d'atteindre le but principal de la loi qui est de dégrever les Flandres, c'était d'accepter ce dégrèvement tel qu'il était proposé par le gouvernement et de le faire peser sur le reste du royaume. Je pense que c'est en effet la chose la meilleure qu'on puisse faire parce que, de cette manière, on ne substituerait pas des injustices nouvelles à celles qui peuvent exister aujourd'hui. Les mêmes revenus imposables seraient conservés en attendant la révision parcellaire de toutes les propriétés non bâties.
L'honorable ministre des finances prétend qu'en faisant cette proposition, je serais en contradiction avec moi-même et avec les faits acquis puisque je diminuerais d'une certaine somme la surcharge qui résulte de la loi pour certaines provinces, alors qu'il est pourtant hors de doute, dit-il, que la révision à laquelle on s'est livré a rétabli l'égalité de province à province.
Mais, messieurs, il n'est rien moins que hors de doute pour nous, que le projet de loi rétablit l'égalité entre les provinces ; ainsi si l'on n'avait pas appliqué aux bois la proportion de l'augmentation des terres, on ne serait certainement pas arrivé à une surcharge de 176,266 fr. pour la province de Namur.
C'est le contraire que l'égalité de province à province que la révision nouvelle a établi.
J'ai émis hier une idée qui a paru sourire à beaucoup de membres de la Chambre, pour (un mot illisible) son chemin, mais je ne l’ai pas pas formulée, vu qu'elle se produit un peu tard et qu'elle a besoin d'être comprise.
En attendant, j'ai l'honneur de déposer, de commun accord avec mon honorable collègue, M. de Macar, un amendement qui formerait un article additionnel à la loi.
Voici cet amendement :
« Il sera procédé, dans le plus bref délai possible, à la révision par parcelle du revenu cadastral des propriétés non bâties. »
- Cet amendement est appuyé, il fait partie de la discussion.
M. Dumortier. - J'ai suivi cette discussion avec beaucoup d'attention et j'ai été très étonné, je dois le dire, du discours de l'honorable ministre des finances.
Chacun reconnaît que les Flandres étaient surtaxées et qu'il fallait les dégrever ; cela est aujourd'hui hors de doute ; vous avez vu de tous les côtés de cette Chambre des réclamations fondées s'élever contre le projet. Eh bien, en présence de ces faits qui ne résultent pas de l'esprit de parti, mais de l'observation que chacun de nous a pu faire de la situation de son district, de sa province, de son canton, que vous dît M. le ministre des finances ? Il vous dit : Tout cela est exagération ! Ainsi les honorables membres de la droite et de la gauche qui sont venus combattre le projet de loi n'ont produit ici que des exagérations.
Moi, j'avais cru entendre des faits, des faits sérieux, des faits souvent, admirablement présentés, admirablement discutés ; tout cela était exagération ! Eh bien, je crois, moi, que ce qui résulte de la discussion,, c'est que s'il y a exagération, elle est dans les opérations des experts ; car jamais on ne pourra expliquer comment la province de Luxembourg, c'est-à-dire la province qui, d'après l'exposé des motifs même, a le plus, prospéré depuis trente ans...
M. Teschµ. - Je demande la parole.
M. Dumortier. - ... jamais on ne pourra expliquer que cette province doive être dégrevée d'une somme considérable.
MfFOµ. - Considérable !...
M. Dumortier. - ... Considérable sans doute. Quant à moi, je l'avoue, je ne comprends rien à votre répartition ou je comprends trop, s'il est vrai que ceux qui ont fait le travail définitif étaient Luxembourgeois. (Interruption.)
(page 1019) - Voix à gauche. - Oh ! oh !!
M. Dumortier. - Il y a des agents responsables devant la Chambre et ce ne sont pas seulement les ministres, mais, aux termes de la Constitution, les agents du gouvernement.
Le projet qui nous est présenté et qui est destiné à faire disparaître une injustice ne fera en réalité que la déplacer et je crois qu'il n'y a qu'un seul moyen...
MfFOµ. - C'est de rejeter le projet...
M Dumortierµ. - Non, mais de l'amender en adoptant la proposition de M. Moncheur, la révision parcellaire...
MfFOµ. - C'est l'ajournement cela...
M. Dumortier. - ... et en attendant de faire ce qu'indiquait également M. Moncheur, ce que j'ai entendu indiquer également par plusieurs membres de la gauche, de répartir la somme que les Flandres payent en trop, entre les autres provinces dans une proportion qu'il serait facile de déterminer.
MfFOµ. - Oh !
M. Dumortier. - Il ne s'agit pas de dire oh ! vous ne voulez pas mettre le doigt sur la plaie. Rien au monde ne serait plus facile que de déterminer la part de chacun. Les provinces comme le Limbourg qui n'ont pas d'augmentation de revenus ne payeraient rien.
MfFOµ. - Mais si ; je vous ai donné des chiffres.
M. Dumortier. - Vos chiffres reposent sur une distribution égale, mais ce que je veux, moi, c'est une distribution proportionnelle, ce qui est tout différent.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Le Hainaut supportera tout alors.
M. Dumortier. - Avec une répartition proportionnelle, vous ferez disparaître l'injustice qui pèse sur les Flandres, sans faire peser sur le pays une injustice permanente et pour des nombreuses années.
M. Wasseige vient de faire une réflexion que certainement vous avez tous dû saisir. Les progrès réalisés en Belgique depuis trente ans sont considérables, on a introduit dans presque toute la Belgique la pratique de l'agriculture flamande, on a créé partout des chemins de fer, des canaux, des routes pavées, on a défriché presque tout ce qui pouvait être défriché, enfin, on a, depuis quarante ans, réalisé des améliorations telles, que d'ici à un siècle on n'en réalisera pas de pareilles.
Dès lors, pourquoi retarder l'expertise parcellaire ?
Mais, messieurs, n'est-ce donc rien que toutes ces injustices qui vous ont été signalées dans le cours de la discussion ; n'est-ce donc rien que toutes ces autres injustices commises à l'occasion de l'évaluation des propriétés bâties et que j'ai pu, dans d'autres occasions, qualifier à bon droit de scandaleuses ?
Ainsi, messieurs, si j'examine le tableau qu'on nous a soumis, je trouve, par exemple, que pour Mons, ville située au centre des bassins houillers, dans laquelle la propriété bâtie a une valeur considérable, où on trouve très difficilement à se loger, il n'y a qu'une augmentation de 45 p. c. sur les contributions des propriétés bâties, tandis que pour Tournai, ville qui est restée stationnaire depuis des années, où la valeur des propriétés bâties n'a pas augmenté à beaucoup près dans la même proportion qu'ailleurs, l'augmentation est de 75 p. c. Voilà ce qui résulte de ce tableau.
MfFOµ. - C'est ce qui résulte des baux.
M. Dumortier. - Des baux ! Mais, messieurs, savez-vous comment les évaluations ont été faites ? Je vais vous le dire.
On a envoyé de Bruxelles un monsieur, employé du gouvernement, qui n'avait peut-être jamais mis les pieds à Tournai, et qui est venu estimer la valeur des 16, 17 ou 18 premières catégories de maisons. Or, comme il ne connaissait pas la valeur réelle des propriétés à Tournai, savez-vous ce qu'il a fait ? Il a procédé à peu près comme s'il s'était agi de maisons situées dans la capitale. Et voilà comment on est arrivé à des résultats vraiment incroyables, parmi lesquels je me bornerai à en citer un seul.
Deux ans, je pense, avant les opérations cadastrales, avait eu lieu publiquement la vente aux enchères de l'hôtel du baron Lefèvre ; cet immeuble s'est vendu 63,000 fr. et savez-vous ce qu'ont fait les experts ? Ils l'ont évalué 120,000 ou 130,000 fr. ! Et vous appelez cela recourir aux baux ! Non, messieurs, on a laissé les baux de côté, on a dédaigné la réalité pour ne s'appuyer que sur des appréciations purement fictives.
Pour les châteaux, on a opéré de la même manière et c'est ainsi qu'on est venu à évaluer le revenu des châteaux des environs de Tournai à 6,000, 8,000 et jusqu'à 10,000 francs.
Pour les fabriques, les évaluations passent toutes les bornes, mais ce sont particulièrement les couvents qui ont été l'objet des exagérations des agents du cadastre ; on en a estimé le revenu à des sommes qui pour certains d'entre eux s'élèvent jusqu'à 10,000 francs.
Aussi, messieurs, qu'avons-nous vu ? De toutes parts les réclamations les plus vives et les plus justes ont surgi ; la Belgique entière est devenue un vaste foyer de réclamations ; mais en voyant le cas que l'on en fait, je me rappelle ce que disait le Morning Chronicle, à propos du droit de pétition au parlement anglais. « John Bull, disait-il, a le droit de faire des pétitions ; mais le président du parlement a le droit, à son tour, de les déposer sur le bureau, et quand le président est sorti, le balayeur a le droit de les balayer. »
Voilà, messieurs, ce qu'on a fait ici des réclamations que le projet de loi a provoquées. Et c'est vraiment une chose incroyable, fabuleuse que de voir que ceux-là mêmes qui ont fait le travail ont été juges en dernier ressort de ces réclamations ! Il est évident qu'ils ne pouvaient pas se déjuger et que leurs premiers jugements, si mauvais qu'ils fussent, devaient inévitablement être maintenus.
Mais ce n'est pas tout, messieurs. Au moyen de cette augmentation fabuleuse attribuée au revenu de telles et telles propriétés, qu'arrivera-t-il ? C'est que l'impôt de succession en ligne directe va nécessairement s'accroître dans la même proportion et que telle propriété vendue 60,000 francs, je suppose, en vente publique donnera lieu, en cas de décès de son propriétaire, à la perception d'un droit de succession basé sur un chiffre fictif de 100,000 francs et peut-être davantage encore. Il en sera de même pour la perception de la contribution personnelle, en un mot de tous les impôts qui reposent sur la valeur de la propriété.
Certes, messieurs, il importait de réparer l'injustice dont la Flandre se plaignait à bon droit ; et je crois, comme l'honorable M. Vander Donckt, que la réparation proposée est loin d'être complète. Je suis persuadé que si l'on procédait à une révision parcellaire dans toute la Belgique, la Flandre serait encore bien plus dégrevée qu'on ne le propose. (Interruption.)
Je ne veux pas du tout grever les petites maisons au profit des grandes ; je veux que toutes soient grevées en raison de leur valeur réelle, établie, non pas arbitrairement, mais d'une manière sérieuse et sincère.
Ainsi n'est-il pas incroyable de voir que les bois défrichés sont estimés absolument comme si c'étaient encore des bois ? Peut-on s'imaginer (c'est l'honorable M. Ansiau qui a signalé ce fait) qu'un bois défriché depuis 10 à 15 ans et dont la terre se loue 150 francs l'hectare payera 10 centimes par hectare ?
Vous le voyez, messieurs, il y a ici défaut absolu de justice, depuis le commencement jusqu'à la fin de l'opération. On veut dégrever la Flandre injustement surtaxée, mais on ne la dégrève pas suffisamment, et pour arriver à ce résultat incomplet, au lieu de répartir sur les autres provinces le montant du dégrèvement accordé à la Flandre en maintenant les baux actuels, jusqu'à ce qu'on eût procédé à une nouvelle évaluation parcellaire, on propose une répartition dans laquelle toutes les règles de la justice distributive ont été méconnues.
Et quant au mode à suivre pour réaliser l'idée de l'honorable M. Moncheur, vous pouvez parfaitement répartir, au moyen du cadastre actuel, la somme dont les Flandres doivent être dégrevées.
Ce dont vous dégrevez les Flandres, vous devez le reporter sur les autres provinces. Eh bien, faites cette opération d'après le cadastre (page 1020) actuel, et non pas d'après des opérations fallacieuses qui ne sont qu'un leurre et une série d'injustices. Voilà le seul moyen de procéder, et si un amendement était proposé dans ce sens, j'y donnerais mon plein et entier assentiment. Si vous n'opérez pas de cette manière, savez-vous ce qui va arriver ?
C'est que vous aurez de toutes les parties de la Belgique des réclamations tellement nombreuses, tellement pressantes, que vous en serez accablés, et alors vous n'aurez plus qu'une seule ressource, ce sera de faire de mauvaise grâce ce que vous pouvez faire aujourd'hui de bon gré.
- La séance est levée à 4 heures 3/4.