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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 4 avril 1867

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1866-1867)

(Présidence de (M. E. Vandenpeereboom.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 795) M. Thienpont, secrétaire., procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Van Humbeeck, secrétaireµ, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction du procès-verbal est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Thienpont,. présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la Chambre.

« Des habitants du canton de Templeuve demandent que les concours entre les écoles primaires aient lieu chaque année dans tout le royaume et que les diplômes de capacité soient accordés aux élèves qui auront obtenu la moitié du total des points. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« L'administration communale de Waterloo prie la Chambre d'autoriser la concession d'un chemin de fer de Bruxelles à Marbais et à Corbeek-Dyle. »

« Même demande de l'administration communale de Silenrieux et de celle de Sart-Dames-Avelines, qui réclame l'établissement d'une station ou point d'arrêt en cette commune. »

M. le Hardy de Beaulieuµ. - Je proposerai le renvoi de cette requête à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.

- Adopté.


MpVµ. - J'ai reçu la lettre suivante :

« Monsieur le président,

« Obligé de m'absenter pour remplir un douloureux devoir de famille, j'ai l'honneur de vous prier de solliciter pour moi de la Chambre un congé de quelque durée.

« Je regrette de' ne pouvoir continuer à appuyer de mon vote et de quelques observations nouvelles les propositions que j'ai formulées avec plusieurs de mes collègues, en faveur d'une extension du droit électoral pour la province et la commune. Je tiens ces propositions pour opportunes, modérées, dégagées de calcul de parti, sagement progressives, conformes à l'esprit de nos institutions comme à l'intérêt du pays.

« J'aurais peut-être été amené, pour rallier à notre système plusieurs de nos amis politiques et dissiper des alarmes que je ne crois cependant pas fondées, à porter à 25 fr. le cens exigé pour l'électoral provincial, maintenant ainsi, aux trois degrés de l'élection, une gradation que l'on peut justifier par des raisons plausibles.

« Agréez, M. le président, l'assurance de ma haute et affectueuse considération.

« Alp. Nothomb.

« Bruxelles, jeudi 4 avril 1867. »

- Ce congé est accordé.

M. Van Overloopµ. - Je demande l'insertion de cette lettre aux Annales parlementaires.

MpVµ. - C'est de droit.

Projet de loi modifiant plusieurs dispositions des lois électorales

Discussion générale

M. Dumortier. - Messieurs, j'ai démontré, hier, les dangers des deux systèmes principaux qui nous sont présentés, au point de vue de l'ordre public. J'ai démontré que, par ces abaissements considérables du cens sans garanties d'ordre public, nous nous exposons, principalement dans les grandes villes, à l'une de ces deux choses : ou bien à voir le conseil communal envahi par les agents de désordre, ou bien à voir les grandes villes privées de la liberté communale, à laquelle nous devons attacher le plus grand prix.

Quel est donc, messieurs, le nombre des électeurs communaux en Belgique ? Il y a en Belgique, pour les communes, 225,000 électeurs.

- Un membre. - 228,000.

M. Dumortier. - Eh bien, messieurs, qu'est-ce que 228,000 électeurs ? Nous avons une population d'environ 5 millions d'habitants, c'est donc un électeur pour 22 habitants, un électeur pour 11 hommes et 1 électeur pour 6 hommes majeurs. Or, je le demande, existe-t-il beaucoup de pays au monde, sauf ceux où l'on a le vote universel ; existe-t-il beaucoup de pays où vous trouvez un pareil chiffre d'électeurs ? Je crois qu'il en existe bien peu où il y ait un électeur pour 6 hommes (page 796) majeurs. C'est pousser le droit électoral extrêmement loin, et je crois qu'aller au delà sans des garanties solides et fortes, ce serait s'exposer à de véritables catastrophes.

Croyez-le bien, messieurs, je ne reculerais pas devant la plus grande extension du cens électoral si vous vouliez admettre le régime de la loi communale germanique. Dans ce système, je conçois l’abaissement du cens électoral et je conçois qu'on puisse aller extrêmement loin dans cette voie. En Allemagne, quiconque paye un thaler de contributions et n'est point sur la liste des pauvres, est électeur, mais à quelle condition ?

Il y a là dans la loi une immense garantie, La loi allemande considère le corps social dans son entier ; comme le disaient mes honorables amis MM. Kervyn et Schollaert, on ne considère pas, en Allemagne, la société comme uniquement formée d'individus ; on la considère aussi comme formée d'intérêts, d'intérêts qui ont le droit d'être représentés.

Il en est de la société politique comme de la société civile. La société civile se compose, cela est connu, de trois classes : la classe riche, la classe moyenne, la classe peu fortunée. Eh bien, c'est cette considération qui a servi de base à la loi germanique.

En abaissant le cens aux dernières limites, en admettant au droit électoral quiconque paye un thaler, c'est-à-dire 3 fr. 75 c. d'impôt, on a posé en principe qu'il n'était pas possible qu'une classe de la société absorbât les deux autres, qu'il n'était pas possible que la classe la plus nombreuse fît disparaître des administrations communales les deux autres classes de la société. Et qu'a-t-on fait ? On a fait, non pas des catégories, non pas, comme on l'a dit, des élections à deux degrés pour la commune, il ne s'agit pas de cela dans les élections communales germaniques, et si on l'a dit, c'est qu'on ne connaît pas le mécanisme de ces élections ; on a fait trois bureaux électoraux dans chaque village et dans chaque ville. Le premier de ces bureaux se compose de personnes les plus imposées, qui payent entre elles un tiers de l'impôt versé dans la commune, et ces personnes nomment un tiers des électeurs ; le second bureau, composé de ceux qui payent le second tiers des impôts, nomme également un tiers des électeurs et le troisième bureau, formé du reste des électeurs, nomme l'autre tiers des électeurs. Par cette combinaison, qui a quelque rapport avec les lois de Servius Tullius, qu'arrive-t-il ? C'est que vous pouvez impunément abaisser le cens électoral, parce que vous avez la certitude que jamais la multitude ne pourra empêcher les classes supérieures d'arriver aux affaires publiques dans la commune, parce que toujours chacune des classes de la société aura ses représentants, la classe élevée, la classe moyenne et la classe inférieure. A mes yeux, il n'y a pas de régime qui soit mieux combiné et mieux en rapport avec les exigences de notre époque.

II empêche les classes supérieures d'écarter impunément les classes inférieures, les classes inférieures d'écarter impunément les classes supérieures ; il empêche la bourgeoisie moyenne de devenir la maîtresse de la situation et de dominer la classe élevée et la multitude.

Il y a dans ce régime une part pour tout le monde, une part proportionnée et raisonnée d'après les exigences réelles, d'après les bases de la société moderne, et quant à moi, je le répète, dans un pareil système j'irais bien plus loin que les auteurs des amendements et je serais prêt à admettre que quiconque paye 3 francs, 2 francs, 1 franc même, pût être électeur.

M. de Haerneµ. - Cela n'est pas général en Prusse.

M. Dumortier. - Cela est général.

M. de Haerneµ. - C'est une erreur.

M. Dumortier. - Il n'y a pas une loi en Prusse qui fasse ce que vous voulez, qui fixe un cens de 10 fr., de 135fr. sans compensation, sans garantie, parce que, dans ce pays du pouvoir fort, on n'admettra jamais que la multitude puisse dominer tous les pouvoirs et toutes les administrations.

Dans le système de l'Allemagne, je conçois l'abaissement du cens, mais ce que je ne conçois pas, c'est l'abaissement du cens sans garantie chez l'élu et en supprimant la réelle garantie chez l'électeur.

J'ai suivi avec beaucoup d'attention ce qui s'est dit dans les meetings de Bruxelles, qui sont, il faut bien le dire, l'origine principale et essentielle de ces débats.

Qu'est-ce que j'y ai lu ? J'y ai lu ceci : Nous voulons arriver au vote universel ; mais, pour nous, le vote universel n'est qu'un moyen, le moyen d'arriver au socialisme.

Voilà, messieurs, la maxime ; et c'est précisément de cette maxime que je ne veux pas ; c'est cette maxime que je dois combattre. (Interruption.)

M. Coomans. - Alors nous sommes des socialistes sans le savoir et sans le vouloir. Pour moi, je suis simplement réformiste et progressiste.

M. Dumortier. - Je déplore amèrement, mon cher collègue, que vous serviez de caudataire à un pareil système ; je le déplore et j'aurais vivement désiré que jamais aucun membre de parti conservateur ne consentît à servir de porte-traîne aux hommes qui professent de pareilles maximes.

Quant à moi, fidèle au vieux drapeau conservateur sous lequel je marche depuis 36 ans, je ne consentirai jamais à m'en séparer pour m'enrôler sous la bannière des partisans du suffrage universel, et je déplore, je le regrette, d'avoir rencontré, jusque dans cette enceinte, des apologistes de ce système ; je le déplore, d'une part, parce que le suffrage universel est, chez nous, constitutionnellement impossible ; d'autre part, parce que c'est l'éloge d'une législation étrangère et convoiteuse qui, en aucun temps et surtout dans les circonstances actuelles, n'aurait dû se trouver dans la bouche d'aucun de nous.

Messieurs, je viens d'avoir l'honneur de vous dire à quelles conditions, quant à moi, je consentirais à un abaissement du cens. Ce que je désire, avant tout, ce sont des garanties, parce que, plus vous abaissez le cens, plus vous devez augmenter les garanties attachées à l'électorat, sous peine de vous exposer à l'inconnu et souvent même au désordre.

Maintenant, on viendra me dire : Mais, toujours, dans le cours de votre longue carrière, vous vous êtes constitué le défenseur du peuple et il semble que maintenant vous l'abandonniez.

Je m'attends à cette objection ; mais ma réponse est bien facile : Oui, certainement, j'aime le peuple, je l'ai toujours défendu et je le défendrai toujours. Mais quand nous faisons des lois de nature à exercer une grande influence sur les conditions de notre existence politique, j'ai le devoir de me demander quelles conditions doivent réunir les citoyens appelés à exercer la souveraineté nationale.

Quand j'examine l'humanité, j'arrive à cette pensée : sentir, est le fait de la multitude ; choisir, est le fait des hommes privilégiés. Sentir, est le fait de la multitude ; la multitude sent parfaitement ce qu'elle ne veut pas, et quand il y a quelque chose dont elle ne veut pas, elle ne recule pas devant l'emploi des moyens les plus énergiques pour le renverser : nous en avons eu un exemple glorieux en 1830. Mais choisir est tout autre chose que sentir : choisir suppose une combinaison, un calcul, et pour faire cette combinaison, ce calcul, il faut avoir assez de discernement pour comprendre ce qui est bon et ce qui est mauvais.

Or, rien n'est plus facile que de mener la multitude avec des placards promenés dans les rues des villes ; et tout partisan que je suis du peuple ou plutôt parce que j'ai toujours été son défenseur, je ne veux pas exposer mon pays à des catastrophes, et c'est pour cela qu'avant tout j'exige certaines garanties.

Je vous disais, messieurs, que j'avais encore deux points à traiter devant vous ; ce sont les deux points qui ont particulièrement excité la colère de mon honorable et brillant collègue, M. le ministre des finances. Je veux parler des cabaretiers et des fermiers. Je viens soutenir ici une opinion diamétralement opposée à celle de mon honorable contradicteur ; c'est-à-dire défendre les fermiers et combattre les cabaretiers.

Que s'est-il passé, depuis 1830, dans la condition des fermiers locataires ?

Les fermiers locataires, qui forment la classe la plus nombreuse de la population, et certes non la moins honorable, sont-ils représentés dans les élections générales et même dans les élections communales en raison de toutes les autres professions ?

J'examine d'abord le tableau de nos impôts directs.

Je vois que l'impôt foncier fournit les 6/10 des impôts directs, que le personnel fournit 3/10 et que la patente ne fournit que 1/10.

Or, comme l'impôt est la base électorale, si les choses se passaient avec une souveraine justice, l'impôt foncier fournirait 6/10 du corps électoral, le personnel 3/10 et la patente 1/10.

M. Coomans. - Voilà un excellent raisonnement.

MfFOµ. - Les choses ne sont pas précisément comme vous le dites.

M. Dumortier. - Je prends les chiffres en gros.

MfFOµ. - Très gros.

M. Dumortier. - S'il y a une différence d'une fraction de dixième, cela ne fait pas l'affaire. Je ne pense pas que la différence soit plus grande.

(page 797) MfFOµ. - Elle est énorme.

M. Dumortier. - Je vous prierai de vouloir bien rectifier mes chiffres. Je vous en serai reconnaissant.

MfFOµ. - Additionnez l'impôt foncier d'une part, de l'autre l'impôt personnel, les patentes, les débits de boissons et de tabacs et vous verrez que l'impôt foncier ne représente ni neuf dixièmes ni huit dixièmes de nos impôts directs, mais environ la moitié.

M. Dumortier. - L'impôt des débits de boissons n'est pas un impôt direct. Je n'admets pas votre prémisse.

MfFOµ. - Je vous dis de le retrancher. Cela ne fait que 1,500,000 fr. et vous ne serez pas encore loin de 50 p. c. pour l'impôt foncier.

M. Dumortier. - Je suppose qu'il n'y ait que 50 p. c. pour l'impôt foncier.

Cela prouverait qu'il doit figurer alors pour 5/10, le personnel pour 3/10 et la patente pour 2/10 au maximum.

Eh bien, dans la composition du corps électoral, c'est l'impôt de patente, la moindre des trois bases, qui emporte la masse des électeurs, et l'impôt foncier ne compte pas au fermier locataire pour arriver à l'urne électorale.

MfFOµ. - Où avez-vous trouvé cela ? C'est complètement inexact.

M. Dumortier. - Nous allons voir tout à l'heure.

Est-il vrai, oui ou non, que le fermier, qui paye sa cote à la décharge du propriétaire, n'acquiert par la aucun droit électoral, tandis que le locataire urbain, qui paye sa contribution sur la valeur locative et sur les portes et fenêtres de la maison qu'il habite, devient par là même électeur ?

Qu'est-ce que la terre pour le fermier ? Mais c'est la même chose que la maison et le magasin pour le citadin. C'est l'instrument de son existence.

Pourquoi donc voulez-vous que l'instrument de l'existence du citoyen urbain lui compte pour faire le cens électoral et que l'instrument de l'existence du citoyen rural ne lui compte pas ?

Là est l'injustice. D'où cela vient-il ? Messieurs, pour le savoir il faut recourir aux lois qui ont réglé la matière.

Messieurs, en ce qui concerne l'impôt direct des propriétés arables, nous vivons encore sous l'empire de la loi du 3 frimaire an VII. Or, que porte l'article 147 de cette loi :

' « Tous fermiers ou locataires sont tenus de payer, à l'acquit des propriétaires ou usufruitiers, la contribution foncière pour les biens qu'ils ont pris à ferme ou à loyer, et les propriétaires de recevoir le montant des quittances de cette contribution pour comptant sur le prix des fermages ou loyers, à moins que le fermier ou locataire n'en soit chargé par le bail. »

Messieurs, c'est en vertu de cette disposition législative, qui régit encore la matière aujourd'hui, que ce que paye le fermier ne lui compte pas pour le cens électoral. Veuillez ne pas perdre de vue que ce n'est pas une disposition constitutionnelle ; ce n'est qu'une disposition d'une loi de l'an VII de la République française.

Maintenant quelle est la loi qui règle la contribution des habitations ? C'est la loi du 28 juin 1822. Elle porte :

« La contribution (valeur locative) est due par tous ceux, propriétaires ou non, qui occupent des habitations ou bâtiments. »

Voyez donc la différence. Pour la contribution de la valeur locative, des maisons et des portes et fenêtres, elle est due par celui qui est l'occupeur ; pour la contribution de la valeur locative des terres, elle est due par le propriétaire et payée par l'occupeur. N'est-ce pas là une souveraine, j'allai dire une monstrueuse injustice ? Quoi ! la Constitution proclame l'égalité de tous les citoyens devant la loi ; voilà un individu qui occupe une maison, en voilà un autre qui occupe une terre ; ni l'un ni l'autre n'est le propriétaire ; ce que paye le premier, lui compte pour faire le cens électoral ; ce que paye le second, ne lui compte pas pour faire le cens électoral.

Je ne puis assez le répéter ; ce n'est pas la Constitution qui a dit cela, c'est la loi de l'an VII.

Dans une pareille situation, qu'arrive-t-il ? C'est que le fermier est naturellement exclu de l'urne électorale, payât-il 1,000 francs d'impôts, et que le Congrès a dû impérieusement prendre des mesures pour que les campagnes ne fussent pas écrasées par les villes dans les élections législatives.

Voyons, messieurs, ce qui s'est passé dans le Congrès au sujet de l'article 47 de la Constitution. Au Congrès, c'est l'honorable M. Defacqz qui est venu proposer, comme j'ai eu l'honneur de le dire hier, d'établir l'impôt comme base du cens électoral ; mais tout en faisant cette proposition, cet homme éminent et souverainement juste demandait au Congrès d'inscrire dans la Constitution un maximum et un minimum, afin de proportionner le cens électoral, suivant les localités.

Permettez-moi, messieurs, de vous citer ses paroles ; elles sont bien courtes :

« J'ai établi par mon amendement un maximum et un minimum pour que la loi électorale ait la latitude nécessaire afin de fixer le cens d'après les localités.’

Messieurs, par quel motif l'honorable M. Defacqz proposait-il de fixer le cens d'après les localités ? Mais c'est qu'il connaissait parfaitement la loi de l'an VII, qu'il savait fort bien que, sans un cens différentiel, les campagnes, l'élément agricole, se trouveraient absorbées par les villes. C'est pour cela qu'au Congrès il proposait un cens différentiel ; et veuillez-le remarquer, cela n'a pas fait question, cela n'a fait l'objet d'aucune contestation ; l'amendement de l'honorable M. Defacqz, avec le cens différentiel, a été admis par le Congrès dans la Constitution ; et lorsque ensuite le Congrès a fait la loi électorale, le tableau du cens, que vous connaissez, a établi un cens différentiel pour les villes et pour les campagnes. Dans les villes, il allait jusqu'à 100 florins ; dans les campagnes, il descendait jusqu'à 25 ou 30 florins, suivant les localités, suivant la pauvreté du pays auquel le cens devait s'appliquer.

Existe-t-il, dans cette condition, un privilège en faveur des campagnes ? Etait-il même vrai de dire, comme on l'a dit, que les campagnes, à cette époque, absorbaient les villes ? C'est là une chose complètement inexacte. Au moyen de la loi du Congrès, lors des élections de 1831, faites en vertu de ce décret, il y a eu pour les villes, qui comprenaient un million d'habitants à peu près, 14,835 électeurs et pour les campagnes, qui comprenaient 3 millions d'habitants, il y avait 33,018 électeurs. Ainsi si quelqu'un des deux n'arrivait pas à son contingent, comme population, évidemment c'étaient les campagnes. Or, comme cela serait dans le cens universel, s'il pouvait être admis, il faut qu'il y ait une proportionnalité dans le nombre de gens qui arrivent à l'urne électorale. Eh bien, malgré la proportionnalité admise par le Congrès, les communes étaient encore froissées.

Mais plus tard, cette disposition a été modifiée. C'est le congrès libéral qui est venu demander un abaissement du cens. Comme l'honorable M. Frère a parlé hier du congrès libéral, je prendrai la confiance de vous parler un peu aussi de cette assemblée et de vous rappeler ce qu'ont dit alors l'honorable membre et son honorable ami M. Forgeur, et vous verrez que ces messieurs reconnaissaient eux-mêmes que, par suite des lois existantes, il y aurait eu injustice envers les campagnes à les placer au même cens que les villes.

« Nous avons pensé qu'il serait dangereux de déclarer que l'abaissement successif du cens ne doit avoir lieu que dans les villes. Nous sommes profondément convaincus que l'on doit procéder par l'abaissement du cens des villes, mais comme nous ne voulons pas, dans un programme, frapper à jamais d'ostracisme une fraction du pays, nous disons que l'abaissement du cens, qui doit commencer par les villes, ne peut avoir lieu que graduellement avec les garanties que nous avons indiquées. »

Que disait l'honorable M. Frère ?

Voilà la vérité que proclamait l'honorable M. Frère, d'accord en cela avec l'opinion que je professe.

M. Barthels persistant à réclamer l'égalité du cens entre les villes et les campagnes, que dit M. Forgeur ?

« Je maintiens que jamais l'égalité du cens ne pourra être établie entre les villes et les campagnes. Je veux une réforme très large, mais je pense que le jour viendra où il faudra que le cens des campagnes descende. »

Vous le voyez, messieurs, ces honorables citoyens, dont l'un est aujourd'hui ministre des finances et dont l'autre est un des plus brillants orateurs du Sénat, ces deux honorables citoyens déclaraient que ce (page 798) serait une véritable injustice envers les campagnes que d'établir l'uniformité du cens, avec le système d'impôts qui nous régit.

Je dois dire que l'honorable M. Frère a résisté autant qu'il l'a pu, dans l'ordre de ces idées, et j'aime à lui rendre hommage sous ce rapport ; mais un événement grave est survenu, qu'il avait été impossible de prévoir, la révolution française, et lorsque la Belgique était presque la seule puissance de l'Europe qui conservât sa position, lorsqu'on voulait lui éviter les catastrophes qui venaient de frapper d'autres nations, il a fallu admettre des mesures qu'on aurait repoussées dans d'autres circonstances.

Je n'adresse donc aucun reproche d'inconséquence à l'honorable M. Frère, je me borne à constater un fait, c'est que son opinion formelle et celle de M. Forgeur était qu'il y avait injustice à rendre le cens uniforme et qu'il n'a admis ce système que sous la pression des événements.

M. Coomans. - Les événements ne peuvent pas changer la justice.

M. Dumortier. - Je dis qu'il faut tenir compte des situations dans lesquelles se trouve le pays.

Il n'en est pas moins vrai, messieurs, que l'adoption du cens uniforme était une atteinte très vive à la Constitution. La proportionnalité du cens que le Congrès avait voulu établir, cette proportionnalité ayant été supprimée, je ne dirai pas que c'est une violation de la Constitution, mais c'était une atteinte profonde au principe électoral, qui est, remarquez-le bien, celui qui donne vie à la Constitution.

On est donc arrivé au cens uniforme pour les villes et les campagnes. Eh bien, messieurs, quel en a été le résultat ?

Nous avons vu tout à l'heure qu'aux élections pour le Congrès, les campagnes, qui forment les trois quarts de la population, avaient 33,000 électeurs, tandis que les villes, qui forment un quart de la population, en avaient environ 15,000 ; après le nivellement du cens, la position était renversée ; le nombre des électeurs des villes, de 15,000 était porté à 33,000, c'est à-dire que le chiffre était plus que doublé, et le nombre des électeurs des campagnes, qui était de 33,000, ne se trouvait porté qu'a 45,000, c'est-à-dire qu'il était augmenté d'un tiers seulement.

Ajoutez à cela le droit de débit des boissons distillées, qui n'existait pas encore à cette époque, et vous verrez comment il se fait qu'aujourd'hui les campagnes sont tout à fait anéanties au profit des villes.

Un honorable membre, qui est aujourd'hui vice-président du Sénat, comprenait très bien le danger de cette situation. Que disait l'honorable M. de Tornaco ?

« Jamais je n'ai admis la réforme électorale telle qu'elle est proposée subitement. J'ai toujours craint que le nivellement du cens des villes et des campagnes n'entraîne pour ainsi dire l'asservissement des campagnes. »

Voilà l'opinion de l'honorable M. de Tornaco : c'était l'asservissement des campagnes.

Maintenant, messieurs, la proportionnalité établie par le Congrès est donc renversée : l'impôt foncier ne compte pas au locataire et pourquoi ? La justice obligerait de proclamer ce principe d'éternelle vérité : « L'impôt compte à celui qui le paye. » L'impôt compte à celui qui le paye ; voilà la base réelle de toute bonne loi électorale. Il m'importe peu que celui qui paye l'impôt, le paye au profit d'un autre ; il suffît qu'il le paye. C'est là le seul moyen de rentrer dans la pensée qui a prévalu au Congrès et dont on est sorti en 1848.

Pour les propriétés bâties, l'impôt compte au locataire, et il n'y a aucun motif pour que les propriétés arables ne soient pas dans la même condition. Ce n'est là qu'une fiction de la loi, car en fait, c'est le fermier qui paye et la loi sur la division des cotes est venue affirmer la validité de ce payement.

Ceci posé, j'arrive aux bases de la loi électorale et à l'amendement présenté par mon honorable ami M. Kervyn, d'autres membres et moi, amendement qui a été attaqué si vivement par l'honorable ministre des finances. C'est, dit-il, un violent acte de parti, une atteinte à la Constitution, c'est un privilège. Eh bien, oui, il y a un privilège ; il y a un privilège contre le fermier. C'est un violent acte de parti. Mais, s'il y a ici un acte de parti, c'est bien celui qui écarte le fermier de l'urne électorale. Est-ce que, par hasard, ce fermier n'est, à vos yeux, comme on l'a dit, qu'une charrue qui croit en Dieu ? est-ce que ce fermier doit être écarté lorsque vous appelez au droit de suffrage tous vos mandarins et vos employés à 1,500 fr., qui ne possèdent peut-être ni sou ni maille, taudis que le fermier possède toujours un capital proportionné à l'importance de son exploitation ?

La proposition est contraire à la Constitution. Je ne vois pas en quoi. Je conçois que l'on pût faire une objection tirée du cens d'éligibilité au Sénat, s'il s'agissait des élections aux Chambres ; mais il s'agit uniquement des élections pour la province et pour la commune, et dès lors le cens d'éligibilité au Sénat est tout à fait en dehors de la question.

Lorsque nous fîmes la loi communale, nous avons introduit un amendement partant que le tiers de l'impôt foncier payé par le fermier compterait au fermier pour le cens électoral sans préjudice du droit du propriétaire. Pourquoi cet amendement ? Le rapport de la section centrale le dit bien clairement.

C'est parce que la loi financière met l'impôt sur la propriété cultivée à la charge du propriétaire et que, dès lors, dans les communes rurales aucun fermier n'aurait été électeur.

Dans la loi actuelle le plus riche fermier n'est point électeur s'il n'est point propriétaire, et un de mes honorables collègues qui siège sur ces bancs me disait ces jours derniers : J'ai 5 fermiers qui me payent 50,000 francs de revenus et pas un n'est électeur.

M. Mullerµ. - Ils ne payent pas de contributions alors.

M. Dumortier. - Est-ce que le bourgeois qui paye la contribution à la décharge de son propriétaire la paye mieux que le fermier ?

C'est parce qu'il y a dans vos lois une fiction qui met l'impôt à la charge de l'un et pas à la charge de l'autre. C'est une fiction de la loi, et pas autre chose.

M. Coomans. - Beaucoup de fermiers ont plus de fortune que leurs propriétaires.

M. Dumortier. - Plusieurs fois on a fait cette remarque, profondément vraie, que tout fermier doit avoir une fortune égale à 1,000 fr. par hectare. Un fermier qui cultive 50 hectares a 50,000 francs de fortune.

Eh bien, ce fermier, qui aura 50,000 francs de fortune, ne sera pas électeur, parce que les 500 francs d'impôt qu'il paye sont censés payés par le propriétaire.

M. Bouvierµ. - C'est parce qu'il ne paye pas de contributions.

M. Dumortier. - Mais l'avocat ne paye pas de patente.

Pourquoi voulez-vous encore que l'avocat, qui a le privilège de la parole dans les tribunaux, ait encore le privilège d'être électeur sans payer le cens ?

Mais c'est accumuler privilège sur privilège. Nous ne sommes plus sous le régime du privilège, et s'il y a encore un privilège de profession, il ne devrait du moins plus y avoir de privilèges d'élection.

Les médecins et les pharmaciens payent la patente, les avocats ne la payent pas, eux qui gagnent si facilement leur argent par des paroles et sans mise de fonds.

C'est que ce sont les avocats qui font les lois, et comme ils ont la main dans le bénitier, ils commencent par se bénir eux-mêmes.

Et maintenant, de toutes les professions quelle est celle qui a toujours été entourée de la plus grande vénération ? N'est-ce pas l'agriculture ? N'est-ce pas elle qui vous donne du pain, qui fait vivre les habitants ?

L'agriculteur est le producteur le plus utile de la société. Eh bien, que faites-vous dans la loi que vous avez présentée ? Vous donnez le privilège à tout le monde ; mais les agriculteurs, vous les déclarez indignes du privilège d'approcher de l'urne électorale.

Nous autres, au contraire, nous avons proposé une extension de la loi communale. Cette loi attribue le tiers de l'impôt foncier au fermier. Nous demandons, nous, que ce tiers devienne la moitié.

Voilà, messieurs, notre amendement. Ainsi tout ce système de colère n'est rien vis-à-vis des faits.

Comme vous le savez fort bien, messieurs, dans les baux actuels on inscrit partout la condition que les contributions sont à la charge du fermier, non seulement les contributions mises, mais encore les contributions à mettre, de quelque nature qu'elles puissent être.

Ainsi lorsque les baux authentiques disent que c'est le fermier qui paye et lorsque vous-mêmes par votre loi de répartition des cotes, vous avez sanctionné ces actes en permettant la division des cotes et en donnant aux receveurs l'ordre de recevoir sur le fermier, vous ne voulez pas que l'impôt lui soit compté et vous venez parler d'électeurs supposés.

S'il s'agissait, messieurs, d'une question qui n'était pas en cause et que M. le ministre des finances a seul introduite dans le débat ; s'il s'agissait d'introduire dans la loi de l'an VII une modification analogue à celle de la loi du roi Guillaume, relativement à la contribution locative des propriétés bâties ; si l'on venait dire par une loi : La contribution foncière est due par tous ceux, propriétaires ou non, qui occupent la (page 799) terre, que diriez-vous ? La loi serait-elle inconstitutionnelle ? Evidemment non ; et la question serait tranchée.

Si la loi du 28 juin 1822 s'appliquait à la propriété arable comme à la propriété bâtie, la question serait tranchée, et la Constitution ne serait évidemment pas violée.

M. De Fréµ. - Et le Sénat.

M. Dumortier. - C'est une autre manière d'argumenter. C'est un argument qui n'a qu'un but, celui d'exclure l'agriculteur de l'urne électorale, tandis qu'on y fait entrer les cabaretiers.

M. Bouvierµ. - Nous y voilà !

M. Dumortier. - Je dois encore rencontrer un argument de l'honorable M. Frère.

Il nous a dit qu'au moyen de l'amendement que nous avons l'honneur de proposer, l'impôt pourra se déléguer et que le propriétaire pourra faire autant d'électeurs qu'il le voudra.

Ce sont là de véritables chimères, et je ne conçois pas comment elles ont pu être produites par un homme aussi supérieur que l'honorable ministre des finances.

Voilà 30 ans que la loi de 1836 existe, que le tiers de l'impôt foncier est compté au locataire.

Est-ce que par hasard on a fait ce que vous imaginez ? A-t-on créé de faux électeurs ?

L'honorable M. Kervyn vous l'a démontré hier de la manière la plus évidente, on ne saurait en faire un mauvais usage. Permettez-moi de vous le dire, dans votre système ministériel, vous prêtez singulièrement à la création de faux électeurs. Le reproche que vous nous adressez tombe perpendiculairement sur votre loi.

Vous avez fait lever un lièvre que j'ai beaucoup de bonheur à tuer dans ce moment-ci.

MfFOµ. - Vous tirez mal. Il faut payer, dans un cas, tandis qu'on ne paye pas dans l'autre.

M. Dumortier. - Au contraire, il faut que le fermier paye, tandis que l'employé ne paye pas. Un chef d'établissement dira : Tel de mes employés a 1,500 fr., il est électeur.

Quand vous dites dans votre projet de loi que tout employé de commerce au traitement de 1,500 fr. sera électeur de plein droit et sans rien payer, n'ouvrez-vous pas la porte aux plus graves abus ? Car tout négociant, tout industriel pourra créer des électeurs à son gré en supposant des employés qu'il n'a pas. Voilà le moyen légal de créer à volonté de faux électeurs, et le gouvernement, que fait-il ? Est-ce qu'il ne crée pas aussi des électeurs en nommant des employés ?

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Vous votez le budget.

M. Dumortier. - Est-ce que le budget a rien de commun avec les nominations ? Et quand je ne voterais pas le budget, est-ce que vous ne feriez pas moins des électeurs ? Si votre loi passe, ce sera le gouvernement qui créera les électeurs.

M. Coomans. - Un simple commerçant peut faire dix électeurs.

MfFOµ. - Et la patente ?

M. Coomans. - Il payera la patente.

MfFOµ. - Mais dans votre système, en créant des fermiers on n'aura pas de payement à faire.

M. Dumortier. - En créant des fermiers, dit-on, on n'a pas de payement à faire.

Est-ce donc que l'impôt foncier ne sera plus payé ? Mais encore une fois depuis 30 ans que la loi existe, peut-on citer l'exemple d'un seul électeur créé par ce procédé ?

M. Mullerµ. - Certainement, il y a eu des électeurs rayés par la députation, parce qu'on avait disséminé des cotes et qu'on avait attribué ces cotes à des gens qui n'étaient pas locataires.

MfFOµ. - Voilà la fraude.

M. Dumortier. - Si vous avez écarte les faux électeurs qui ne cultivaient pas la terre, vous avez bien fait, mais vous ne prouvez pas que la loi que nous avons faite soit vicieuse.

M. Coomans. - On n'a pas rayé des cabaretiers.

M. Mullerµ. - Certainement, en masse.

M. Dumortier. - Jamais on n'a divisé la propriété pour la répartir par 5 hectares. Quel est le propriétaire qui irait mutiler sa propriété pour donner à quelques fermiers le cens électoral, et s'il divise sa propriété en vue de l'améliorer, il n'y a pas là de fraude, il n'y a qu'un simple fait d'exploitation.

Jamais on n'a fait de la division des cotes un mauvais usage, tandis que, par la loi que vous nous présentez, vous donnez à tous les commerçants la faculté de faire des électeurs autant qu'il veut ; vous donnez au gouvernement la faculté de créer des électeurs en créant des employés. Eh bien, je dis que c'est là un abus criant, le plus criant de tous les abus.

Il faut que la loi fixe d'une manière nette, précise, les conditions du droit électoral, de telle manière que celui qui paye le cens entre de plein droit dans le corps électoral.

En est-il ainsi des cabaretiers ? Examinons cette question, puisqu'elle a été soulevée. M. le ministre des finances nous disait hier que l'impôt sur les cabaretiers était complètement légal, qu'il avait été voté à deux reprises et à l'unanimité...

MfFOµ. - Je n'ai pas dit à l'unanimité.

M. Dumortier. - Vous l'avez dit hier.

MfFOµ. - Du tout. J'ai dit à la presque unanimité au Sénat et à un très grand nombre de voix à la Chambre.

M. Dumortier. - Peu importe. Comme cette discussion est sérieuse, comme les cabaretiers, surtout dans les communes ont vicié considérablement nos institutions communales, comme il n'y a plus aujourd'hui de police communale en Belgique par le fait de l'accession des cabaretiers dans le corps électoral, je tiens à donner mon opinion sur la question et à prouver que ce qu'a dit M. le ministre des finances n'est pas, suivant moi, je lui en fais mes excuses, conforme aux faits.

Que s'est-il passé ?

C'est en 1838 que le gouvernement est venu présenter le projet de loi sur le droit de débit qu'on appelait alors, veuillez bien le remarquer, l'abonnement pour débit de boissons.

Ce n'était pas une patente, ce n'a jamais été une patente, car tout cabaretier paye sa patente en vertu de la loi sur la patente ; c'était un impôt accessoire, destiné à deux choses : d'abord à la diminution du nombre des cabarets, on espérait y parvenir par là ; ensuite, à subvenir au déficit qui était résulté pour le trésor de la réduction de l'impôt sur les distilleries. C'est le 8 février 1838 que la discussion s'engagea sur cette question, et dès l'ouverture des débats, l'honorable ministre des finances d'alors, M. d'Huart, déclara, au nom du cabinet, que si l'impôt qu'il proposait devait être considéré comme comptant pour le cens électoral, il retirait immédiatement son projet et il engageait la Chambre à examiner, d'abord et avant tout, cette question.

Il y a encore assez bien de membres parmi nous qui siégeaient alors dans la Chambre, ils pourront confirmer la vérité de ce que je dis.

M. de Theuxµ. - Certainement.

M. Dumortier. - Le gouvernement déclarait que, dans son opinion, il y avait danger à introduire les cabaretiers dans le corps électoral à raison de l'impôt nouveau dont on voulait les frapper, et il ajoutait que si la Chambre estimait que cet impôt devait être considéré comme impôt direct et compter au cabaretier pour le cens électoral, il retirerait son projet.

Le gouvernement soutenait, d'ailleurs, et avec beaucoup de raison, selon moi, que l'impôt était un impôt indirect. La discussion dura plusieurs jours sur cette question ; permettez-moi de vous citer l'opinion de deux personnes dont certainement la gauche ne récusera pas le témoignage, de deux des hommes les plus illustres et les plus éminents, M. Devaux et M. Dolez.

Que disait M. Devaux ?

« Quelle est la base de notre système électoral ? C'est d'admettre une certaine fortune comme présomption d'aptitude électorale et le cens comme mesure de cette fortune. Or, l'impôt des boissons distillées est-il une présomption d'aptitude électorale ? Ce serait tout le contraire. En second lieu, cet impôt suppose-t-il, chez celui qui le subit, une aptitude à exercer certaines fonctions publiques ? Non, car on l'établit précisément parce que le débit de boissons est une profession qui amène des résultats immoraux. Loin de vouloir récompenser cette profession par des pouvoirs politiques, c'est une restriction et presque une punition que vous voulez lui imposer ; loin qu'elle soit une présomption d'aptitude électorale, elle serait plutôt une présomption d'inaptitude. Ainsi, vous avez le droit de faire la distinction ; la justice et la convenance sont également hors de doute. »

Ces paroles sont excessivement remarquables, elles expriment profondément la pensée de la Chambre d'alors, quant au fait qui était en discussion, et je crois qu'elles sont restées encore aujourd'hui la pensée de l'immense majorité d'entre nous.

(page 800) Que disait mon honorable et savant collègue, M. Dolez, répondant à M. Gendebien :

« Je ne puis partager l'opinion de l'honorable membre (Gendebien), non que je répugne à étendre le nombre des électeurs, mais parce que je ne pense pas qu'il faille l'étendre par catégories, et particulièrement par celle des débitants de boissons. Je ne verrais pas dans cette extension un progrès, mais un danger électoral. »

Voilà, encore une fois, des paroles prophétiques, comme celles que j'ai eu l'honneur de vous citer hier, car tout le monde reconnaît aujourd'hui combien étaient profondes les vues de l'honorable membre qui parlait de la sorte. Le danger électoral est aujourd'hui manifeste pour tout le monde, tout au moins en ce qui concerne la commune.

Des objections étaient soulevées par MM. Gendebien et Doignon ; elles reposaient sur ceci : Que dans la loi présentée par M. d'Huart l'impôt était le même pour toutes les localités, quel que fût le débit de chaque détaillant ; et ils en concluaient que cet impôt avait, dans ce système, tout le caractère de l'impôt direct, parce que la loi ne variait pas en raison de l'importance du débit.

Si la loi avait varié en raison de l'importance du débit, l'objection n'eût point été présentée à la Chambre ; mais l'impôt étant le même pour tout le pays, que le débit fût grand ou petit, les honorables membres dont je viens de rappeler les paroles craignaient qu'il n'y eût là une atteinte à la Constitution, le caractère de l'impôt direct.

Cependant, le ministre des finances d'alors, M. Mercier et beaucoup d'autres membres sont venus prouver à l'assemblée et cela dans des termes qui n'ont pas été réfutés, que l'impôt sur le débit des boissons distillées ne rentrait pas dans la catégorie des impôts directs quand le Congrès avait fait la Constitution.

Lorsque le Congrès fit la Constitution, il était sous l'empire d'une loi votée quelques années auparavant, la loi principe de 1821. Cette loi principe, messieurs, n'établissait aucun impôt, mais il les caractérisait ; elle déterminait quels étaient les impôts directs et quels étaient les impôts indirects.

Or la loi principe établissait comme impôt direct les quatre bases suivantes : le foncier, le personnel, la valeur mobilière, les domestiques et la patente. Voilà, messieurs, les bases de l'impôt direct. Quant à l'accise, c'était un impôt indirect et remarquez que le droit sur le débit des boissons distillées n'était qu'une forme de l'accise, puisqu'il était destiné à subvenir au défaut de l'accise. Sous le gouvernement hollandais il y avait aussi des impôts qui se percevaient comme on perçoit aujourd'hui l'impôt sur les distilleries : il y avait notamment le droit de mouture, il y avait aussi l'abonnement ou l'amodiation, comme on l'appelait, qui se percevaient tout à fait comme se perçoit aujourd'hui l'impôt sur le débit des boissons distillées.

Mais était-ce là un impôt direct ? Evidemment non, messieurs, c'était une forme de perception de l'impôt indirect, de même qu'en France, toutes les communes et jusqu'aux plus petites ont l'abonnement pour les droits réunis. Cet abonnement est considéré comme un impôt indirect et, je le répète, cet abonnement n'est pas autre chose que l'impôt sur le débit des boissons distillées.

Dans cette situation, la Chambre n'hésita pas un instant à adopter l’amendement de M. Devaux et il fut écrit dans la loi que cet impôt ne comptait pas dans le cens électoral.

Maintenant, après les événements de 1848, ce vote fut abrogé, comme nous l’allons voir, mais ce vote ne restera pas moins dans nos annales comme raison écrite, il ne perdra pas ce caractère.

Plus tard, l'honorable M. Frère, voyant que l'impôt sur le débit des boissons distillées était mal établi dans sa répartition, est venu présenter une répartition nouvelle, et veuillez-le remarquer, messieurs, car ceci est très sérieux, cette répartition nouvelle faisait précisément disparaître le grief d'inconstitutionnalité soulevé par MM. Gendebien et Doignon.

Au lieu d'établir l'impôt dans chaque commune, sans tenir compte de la catégorie du débit, ces honorables membres diminuaient l'impôt en proportion de l'importance du débit. Ici l'objection d'inconstitutionnalité soulevée à cette époque disparaissait donc complètement par le fait de la nouvelle répartition.

Je sais que, dans l'exposé des motifs de la loi de 1849, l'honorable ministre déclarait que, dans son opinion, cet impôt était un impôt direct ; mais cette opinion, que je respecte infiniment comme j'espère que l'honorable ministre respecte la mienne, cette opinion, dis-je, est toute personnelle, tout individuelle ; la loi ne portait point qu'à l'avenir l'impôt compterait dans le cens électoral ; elle ne disait point que l'impôt était un impôt direct, deux choses que la Chambre de 1846 avait votées dans un sens complètement différent.

Le projet de loi fut envoyé en section centrale ; la section centrale était présidée alors également par un des hommes le plus éminents de la gauche, M. Verhaegen. L'honorable M. Verhaegen voulait que l'impôt comptât dans le cens ; mais il comprenait parfaitement bien qu'il fallait une disposition formelle de la loi et non une simple déclaration dans un exposé des motifs, pour donner à cet impôt une valeur électorale. Que fit-il ? Il introduisit à la section centrale un amendement ainsi conçu ;

« Le droit de débit dont il s'agit dans la présente loi sera compris dans le cens électoral. Néanmoins, l'électeur ne pourra se prévaloir, pour la formation du cens, de ce qu'il a payé en vertu de la loi du 18 mars 1838. »

Et la section centrale, après avoir exprimé l'opinion que, dans sa pensée, l'impôt devait entrer dans la formation du cens électoral, ajoutait ceci :

« Cependant la section centrale a cru nécessaire, pour faire disparaître tout doute, d'insérer dans la loi une disposition transitoire qui tranchât toute difficulté tant sur la nature du droit à établir que sur les effets des sommes perçues jusqu'à ce jour. »

On arrive à la Chambre ; c'était à la séance du 11 mars 1849. L'honorable M. Frère déclarait que l'article était inutile, parce qu'il s'agissait là d'une contribution directe et je trouve, pour ma part, cette déclaration passablement drôle. Comment ! l'impôt ne devait compter que deux ans après et c'était une contribution directe !

Mais s'il en était ainsi, les sommes payées auparavant devaient servir à former l'électeur ; par le fait même qu'on ne comptait pas les deux années antérieures, on reconnaissait que le caractère d'impôt direct attribué à l'impôt sur le débit de boissons distillées n'était rien moins que clair, si ce n'était pas un impôt indirect auparavant. On n'était donc pas alors du même avis qu'aujourd'hui.

Mais M. Verhaegen, qui n'était pas homme à céder facilement, ne voulut pas retirer l'amendement de la section centrale, et voulut que son amendement fût mis aux voix'; et que fit alors la Chambre ?

Ouvrez le Moniteur, et vous y trouverez que la Chambre a rejeté l'amendement en 1849.

Maintenant on viendra vous dire que le rejet de l'article par la Chambre équivaut à l'affirmation que l'impôt dont il s'agit est compris dans le cens électoral. C'est trop fort ! Tout ce que vous pourriez soutenir, c'est que la question est restée indécise. Que l'honorable M. Frère ait prétendu que l'amendement était inutile, je le conçois parfaitement bien. Inutile, parce qu'il fallait compter avec tous les membres de cette assemblée qui avaient voté pour l'article en 1838 ; inutile, parce qu'il fallait surtout compter avec le Sénat, qui aurait incontestablement rejeté l'article.

Est-ce que, par hasard, on fait des lois de cette manière ? devient-on électeur d'une telle façon ? Oui, l'amendement était inutile en ce sens qu'il fallait prévenir, de la part des membres de cette Chambre qui avaient voté contre l'article en 1838, l'objection qu'ils auraient faite au gouvernement ; oui, l'amendement était inutile, pour empêcher la Chambre de rejeter l'article ; mais la Chambre a voté sur l'article et elle l'a rejeté.

Comment, dès lors, peut-on avancer, comme on l'a fait hier ou avant-hier, que la mesure a été votée à l'unanimité par les deux Chambres ? Peut-on dire que la Chambre a adopté la disposition alors qu'elle l'a rejetée ? Le Moniteur le dit.

- Un membre. - Et l'arrêt de la cour de cassation ?

M. Dumortier. - Je sais que la cour de cassation a professé une jurisprudence contraire.

Mais, malgré tout le respect que nous devons aux arrêts de la cour de cassation, ses arrêts sont susceptibles d'être examinés.

J'ai usé de ce droit, et j'ai établi, je pense, à la dernière évidence, que c'est simplement un mal jugé, et je suis convaincu que si la cour de cassation examinait les faits, elle reconnaîtrait que c'est un mal-jugé, que jamais la Chambre n'a décidé que l'impôt dont il s'agit faisait partie du cens électoral.

Mais, dira-t-on, cela est indiqué dans l'exposé des motifs. Messieurs, qu'est-ce que l'exposé des motifs ? C'est uniquement l'opinion du ministre qui a présenté te projet de loi. Or, depuis quand l'opinion d'un ministre peut-elle remplacer la loi ?

Je reconnais que cette opinion à une grande valeur ; mais elle n'a pas assez de valeur pour imprimer à une décision négative de la Chambre le caractère d'un vote affirmatif. Si la Chambre n'avait pas émis un vote, (page 801) on pourrait invoquer l'exposé des motifs, mais la Chambre a voté en sens inverse ; elle a rejeté l'article. En présence de ce rejet, je crois que la question est nettement tranchée, et qu'il y a mal-jugé dans l'arrêt de la cour de cassation rendu en cette matière.

Maintenant, quel a été le triste résultat de cette interprétation de la loi sur l'abonnement pour débit de boissons distillées ? C'est qu'il a surgi une foule de réclamations de la part des administrations communales.

L'honorable M. Kervyn vous a lu hier quelques passages du rapport d'un commissaire d'arrondissement (de Namur), qui est un des vôtres, au sujet des abus qui se commettent, par le fait que les cabaretiers sont électeurs communaux ; la vérité est qu'il n'existe plus de police dans une foule de communes rurales ; la vérité est que ce sont les cabaretiers qui font les élections.

M. Bouvierµ. - C'est une exagération.

M. Dumortier. - C'est l'exacte vérité ; elle est connue de tous ; il y a des villages où le nombre des cabaretiers est plus considérable que celui des électeurs appartenant à toutes les autres professions.

Maintenant, veuillez-vous rappeler ce que je vous ai dit dans une autre circonstance. : n'est-il pas vrai qu'avec un système si fatal on peut très facilement créer une foule de faux électeurs ? Il suffit que le cabaretier prenne une licence ; je ne dis pas une patente, car ce n'est pas une patente, car le cabaretier paye sa patente en vertu de la loi commune, patente qui est calculée sur les bénéfices qu'il peut retirer de sa profession.

En vertu de cette licence, il suffit que le cabaretier ait une bouteille de genièvre et un verre à goutte ; l'impôt qu'il paye de ce chef fait de lui un électeur.

Il est impossible aux députations permanentes d'anéantir ces faux électeurs. Un gouverneur qui a longtemps siégé sur vos bancs et plusieurs fois au banc ministériel me disait un jour : « Nous avons été saisis d'une foule de réclamations ; j'ai envoyé un membre de la députation permanente avec deux employés pour vérifier de maison en maison si la base électorale existait ; on a trouvé une bouteille de genièvre et un verre à goutte ; et je n'ai pu faire annuler ces électeurs. »

Voilà, messieurs, des électeurs qui compromettent la chose publique. Si maintenant vous allez ajouter à ces énormes abus un abaissement de cens considérable, si vous y ajoutez cette fournée d'électeurs qui sera la conséquence de l'adoption du projet du gouvernement, que deviendra notre régime électoral ?

L'honorable M. Frère a dit que ce projet de loi maintenait les principes de la Constitution. Non, messieurs, rien n'est plus opposé aux principes de la Constitution que le projet du gouvernement, parce qu'il crée des électeurs qui ne doivent pas payer le cens, parce qu'il donne au gouvernement le droit de vérifier et de refaire les listes électorales. L'amendement de l'honorable M. Guillery est dans le même sens, avec la condition de savoir lire et écrire.

Et vous direz que ces amendements sont constitutionnels ? Je prétends, moi, que ces deux systèmes amèneraient la destruction rapide de nos institutions. Le jour où le pouvoir pourra faire les élections à son gré, ce jour il n'y aura plus de liberté dans le pays.

Le jour où vous aurez abaissé le cens électoral sans garanties, ce jour il n'y aura plus d'ordre dans les conseils communaux des grandes villes. C'est pourquoi je suis l'adversaire de toutes ces propositions.

Messieurs, en présence de la situation actuelle de l'Europe, la Chambre aurait, selon moi, une résolution bien sage à prendre. Quand le gouvernement a présenté son projet de loi et quand l'honorable M. Guillery a déposé sa proposition, l'Europe était calme et tranquille ; nous pouvions, sans préoccupation aucune, nous livrer à toutes ces discussions. Nous pouvions modifier nos lois comme nous l'entendions.

Les événements sont changés, et aujourd'hui, messieurs, vous le savez, l'orage se prépare dans le lointain et peut-être le jour n'est-il pas éloigné où il grondera sur nos têtes. Nous avons donc un grand devoir à remplir : c'est de nous unir tous pour la défense de la patrie, c'est de nous unir tous dans l'intérêt national, c'est de ne pas nous diviser par de pareilles lois. Nous avons besoin de nous unir intimement et de montrer à l'Europe que lorsqu'il s'agit de patriotisme, il n'y a pas de division entre nous. Mais écartons ces discussions stériles qui n'aboutissent à rien.

Je viens donc vous proposer de renvoyer tous les amendements à la section centrale, afin qu'elle nous fasse un rapport dans la session prochaine.

M. de Brouckere. - Messieurs, je ne pense pas qu'après trois semaines de délibérations, nous puissions aborder un autre objet sans avoir pris une décision relativement à la matière que nous discutons depuis si longtemps.

La discussion générale me paraît arrivée à son terme. Avant-hier déjà, beaucoup de membres désiraient qu'on en prononçât la clôture. Mais on a fait observer qu'un ministre avait parlé, qu'il fallait qu'un membre pût lui répondre. C'est après cette observation que la discussion a été continuée aujourd'hui.

Je pense donc qu'avant de nous séparer, nous pourrons fermer la discussion générale et que nous pourrons aborder demain la discussion des articles.

Je ne viens donc pas, messieurs, prolonger cette discussion générale. Je sais les objets importants dont nous avons encore à nous occuper. Nous n'avons plus guère que cinq semaines à siéger et nous devons nécessairement voter le projet de loi sur la péréquation cadastrale, le projet de loi sur l'expropriation pour cause d'utilité publique, les différents budgets qui nous ont été présentés et, s'il est possible, l'organisation judiciaire.

- Des membres. - Et le code pénal.

M. de Brouckere. - Je n'ai donc demandé la parole que pour présenter un renseignement à la Chambre, et ce renseignement, je crois qu'il est parfaitement opportun.

On a parlé de beaucoup de choses dans la longue discussion dont nous ne sommes pas encore sortis. Mais tout le monde reconnaîtra que les frais en ont été, pour une grande partie, faits par les cabaretiers et les débitants de boissons. Ils ont été encore aujourd'hui l'objet de la principale partie du discours de l'honorable M. Dumortier ; ils en ont fait en quelque sorte le post-scriptum.

Selon une fraction de la Chambre, les cabaretiers et les débitants de boissons figurent en beaucoup trop grand nombre dans le corps électoral ; ils en détruisent l'équilibre ; ils le vicient ; ce sont, je me sers de l'expression de l'honorable membre, ce sont, dans beaucoup de communes, les cabaretiers qui font les élections, et selon l'expression d'un autre membre, la Constitution avait supprimé les privilèges, mais les cabaretiers sont aujourd'hui devenus la classe privilégiée.

Il faut porter remède à ce mal non pas seulement dangereux, mais à ce mal dont le pays souffre, car les élections sont viciées.

Pour cela, il y a deux moyens. Ou bien il faut que nous déclarions par une loi que l'impôt sur le débit des boissons, tout direct qu'il est bien positivement, est un impôt indirect ; il faut que nous déclarions que l'impôt sur le débit des boissons, qui est une véritable patente, n'est pas une patente. En un mot, il faut que nous déclarions législativement, en dépit de tous les principes sur la matière, en dépit des arrêts de la cour de cassation, que ce qui est, n'est pas et que ce qui n'est pas, est.

M. de Naeyerµ. - Pas du tout.

M. de Brouckere. - C'est un moyen indiqué par certains honorables membres de porter remède au mal.

Il en est un autre, et je crois que c'est celui que les honorables membres préfèrent. L'équilibre du corps électoral est détruit ; il faut le rétablir en créant un certain nombre de nouveaux électeurs appartenant à d'autres catégories que celles des cabaretiers.

Quelles sont ces catégories ? On s'en est expliqué dans la discussion ; ce sont les cultivateurs, les petits industriels, les boutiquiers, les contre-maîtres, les ouvriers ayant une certaine intelligence, s'étant fait, par leur bonne conduite et leur travail, une position aisée.

Voilà les nouveaux électeurs que l'on nous convie à introduire dans le corps électoral pour faire en quelque sorte la balance à cette énorme quantité de cabaretiers et de débitants de boissons qui vicient au suprême degré le corps électoral.

Dans une précédente séance, M. le ministre des finances a répondu aux honorables membres que beaucoup de ces cabaretiers et de ces débitants de boissons, qui leur sont si désagréables, exercent une des professions qu'ils patronnent et dont ils voudraient grossir le nombre au corps électoral. Mais il n'a guère insisté sur cette assertion.

J'ai voulu, messieurs, m'assurer jusqu'à quel point elle était fondées et voici comment je m'y suis tout naturellement pris.

J'habite la campagne une partie de l'année et j'ai même l'honneur d'être bourgmestre de ma commune. J'ai un autre honneur encore, c'est de compter parmi mes administrés un excellent collègue et ami, M. Van Humbeeck, qui pourra vous déclarer si les renseignements que je vais vous donner sont exacts.

(page 802) J'ai fait dresser un tableau des cabaretiers et des débitants de boissons de ma localité et j'ai fait indiquer dans une colonne quels étaient ceux qui exerçaient en même temps une autre profession et quelles étaient ces professions. Et, remarquez-le bien, le tableau qu'on m'a envoyé est officiel ; il a été formé sans que j'aie fait connaître quel usage je comptais en faire. Je le déclare authentique.

il y a dans ma localité 34 cabaretiers et débitants de boissons.

- Un membre. - Sur quelle population ?

M. de Brouckere. - On me demande sur quelle population ; sur une population de 1,700 habitants.

Il y a donc dans ma commune 34 cabaretiers et débitants de boissons. Savez-vous combien, sur ces 34, il y en a qui n'exercent pas d'autre profession ?

Un seul, mais ce cabaretier est une cabaretière, et le fils aîné de ce cabaretier, qui est une cabaretière, est maître-maçon, et j'affirme de plus que, abstraction faite de leur état de cabaretier, ils payeraient le cens voulu pour être électeur.

Maintenant, messieurs, quelles sont les professions exercées par ces cabaretiers ?

Ce sont des industriels, des contre-maîtres de fabrique, de petits négociants, des boulangers, des bouchers, des marchands de bois, des marchands de charbons, des charrons, des jardiniers, des maîtres-ouvriers et il y en a sept ou huit qui sont de simples ouvriers, mais des ouvriers d'élite.

A ceci, j'ajouterai deux remarques, c'est que plus de la moitié de ces cabaretiers débitants de boissons sont des cultivateurs et qu'il y en a un certain nombre qui sont propriétaires. Pouvez-vous dire que les élections sont faussées par l'introduction de ces cabaretiers dans le corps électoral ? Mais ils exercent précisément les professions que vous prenez sous votre patronage et pour beaucoup d'entre eux leur principale profession n'est pas celle de cabaretier ; c'est une autre profession qui leur fournit les principaux moyens d'existence, et celle de cabaretier n'est que secondaire.

Messieurs, dans les communes on ne juge pas les cabaretiers aussi sévèrement qu'on le fait ici ; pour ne pas sortir de la commune dont je viens de vous parler, son premier échevin est un cabaretier, et savez-vous à quelle opinion il appartient ? Il appartient à l'opinion catholique, et il est aussi estimé par les libéraux que par les catholiques. Un autre membre du conseil communal, qui est également cabaretier et qui jouit d'une grande considération, est président du bureau de bienfaisance et remplit ces fonctions de la manière la plus honorable.

On pourra me répondre : Vous apportez un renseignement, mais qui ne concerne qu'une seule commune ; je puis vous dire, messieurs, que si un pareil tableau était fait pour les communes qui avoisinent la mienne, il donnerait à peu près les mêmes résultats. (Interruption.) J'entends un honorable membre qui dit : Non, mais cet honorable membre habite une partie d'un arrondissement qui est, sous le rapport des cabaretiers dans une position exceptionnelle. On a un jour fait le dénombrement des cabarets dans certaines communes, et l'on est arrivé à un chiffre énorme.

- Un membre. - Effrayant.

M. de Brouckere. - Heureusement ce sont là des exceptions, mais je parle de la généralité des communes rurales du pays.

Messieurs, je bornerai là les renseignements que je voulais donner à la Chambre parce que mon désir est, comme je le disais en commençant, que la Chambre puisse clore la discussion générale avant qu'on ne lève la séance.

Je pense aussi que ce que j'ai dit démontrera que les effets de la loi qui a permis, comme la logique l'ordonnait, aux cabaretiers de faire compter la patente supplémentaire qu'ils payent comme débitants de boissons, dans le cens électoral, que cette loi ne présente ni les dangers ni les inconvénients qu'on a signalés, qu'elle n'a pas les résultats que l'on s'obstine à présenter comme réels. J'espère donc que les honorables membres renonceront à l'idée de noyer ces pauvres cabaretiers.

M. Sabatierµ. - Messieurs, vous aurez remarqué que l'honorable M. de Brouckere, dans le discours qu'il vient de prononcer, a tenu à constater que la question des débitants de boissons distillées a pris une place assez importante dans le débat qui nous est soumis ; il a trouvé que les honorables orateurs qui se sont occupés depuis près de trois semaines de la réforme électorale, ont introduit dans la discussion, avec une certaine insistance, la question dite des cabaretiers. Ces honorables membres, dit-il, cherchent à faire déclarer que l'impôt sur le débit des boissons distillées est un impôt indirect, afin, de faire disparaître des listes électorales bon nombre de débitants, ou bien, désespérant de faire revenir la Chambre sur le vote qu'elle a émis, en 1849, sur ce point, veulent créer d'autres catégories d'électeurs en vue de contrebalancer l'influence des cabaretiers. Avant d'aller plus loin, je tiens à dire que je ne suis pas d'accord avec l'honorable M. Dumortier, sur l'interprétation qu'il a donnée à ce vote. Je déclare bien catégoriquement qu'ayant pris connaissance de la discussion qui s'est ouverte au sujet de la loi de 1849, j'ai la conviction que la Chambre a décidé que l'impôt dont je m'occupe était un impôt direct. Je ne dis pas que la Chambre ait eu raison de prendre cette décision, loin de là ; mais telle a été la résolution de la Chambre, et la cour de cassation, dans l'arrêt dont a parlé l'honorable M. Dumortier, s'est inclinée devant un vote qui ne pouvait laisser aucun doute, sans chercher à savoir si la Chambre avait bien ou mal fait de considérer comme impôt direct ce que d'aucuns prétendent être un impôt de consommation.

J'ajouterai que s'il convenait à la Chambre de décider que le droit de débit, dans l'espèce, est un impôt indirect, l'arrêt de la cour de cassation ne pourrait en aucune façon y faire obstacle.

Je reprends mon sujet et je dis que l'honorable M. de Brouckere a constaté que l'on voulait, ou bien faire déclarer que l'impôt sur le débit des boissons distillées est un impôt indirect, ou bien créer, à côté des cabaretiers électeurs, d'autres électeurs pour contrebalancer l'influence des premiers. Je ne vois pas précisément qu'il soit impossible de faire les deux choses à la fois.

Je n'ai pas à me prononcer en ce moment sur les projets ou les amendements mis en discussion ; mais une chose que je tiens à constater à mon tour, c'est que l'honorable M. de Brouckere aussi bien que les divers orateurs qui ont fait connaître déjà leur opinion, tous ont passé sous silence cette question dont l'importance ne saurait échapper à personne, de l'augmentation de la consommation des boissons distillées. On s'est occupé des cabaretiers au point de vue électoral exclusivement ; on a recherché combien de cabaretiers sont devenus électeurs par le fait de l'application de la loi de 1849, mais s'est-on occupé des conséquences de cette loi au point de vue de la consommation des boissons distillées ? Non, messieurs, et c'est là cependant le point essentiel.

Mais, dira-t-on, pourquoi introduire dans le débat cette question d'une consommation plus ou moins élevée des boissons alcooliques ?

Ma réponse est celle-ci : c'est qu'à mon sens il y a un rapport très direct entre la loi de 1849 et l'accroissement de consommation des boissons distillées. Voyons les faits.

La Chambre en 1838 a voté l'impôt sur le débit des boissons distillées précisément pour mettre un frein à la consommation. On supposait que le premier effet de la loi serait de restreindre le nombre de débitants et partant les occasions de boire, et l'on avait raison.

En 1849, cette même pensée domine, et la loi n'avait d'autre but que de répartir plus équitablement l'impôt, mais en même temps on décide, ainsi que je l'ai rappelé il n'y a qu'un instant, que cet impôt était un impôt direct et que, contrairement à ce qui avait prévalu en 1838, il entrerait conséquemment dans la formation du cens électoral.

Quant au rapport qui existe entre la loi de 1849 et le chiffre de consommation des boissons distillées, je vais l'établir.

De 1838 à 1849, alors que le droit de débit était considéré comme impôt indirect, la consommation ne s'est pas sensiblement développée, et le nombre des débitants de boissons non seulement n'a pas augmenté, mais si j'en crois un relevé qui a été fourni il y a quelques années par l'honorable ministre des finances, il aurait plutôt diminué.

L'honorable ministre fait un signe de dénégation. Eh bien, j'ai trouvé ce renseignement dans les annexes au budget des voies et moyens de l'exercice 1866. II y est écrit qu'il y avait 45,000 débitants de boissons distillées en 1838 et qu'en 1849 il y en avait 2,000 de moins.

Je dois ajouter cependant, pour rester dans la vérité des faits, que dans les développements donnés par six députations permanentes au mémoire qu'elles viennent de nous adresser en vue de nous engager à abandonner aux provinces le produit de l'impôt de débit des boissons alcooliques, il est dit que dans la période de 1840 à 1850 le nombre des débits de boissons s'est augmenté de 814 par année.

Supposons que de 1838 à 1849 le chiffre n'ait pas varié, c'est-à-dire que nous nous placions entre les renseignements donnés par les députations permanentes et ceux fournis par le gouvernement ; autrement dit, constatons, et c'est là un fait important, que, sous l'empire de la loi de 1838, le nombre des débits de boissons distillées a peu ou point varié.

La loi de 1849 paraît, attribuant désormais l'impôt sur les débits de boissons à la formation du cens. Que se passe-t-il ?

(page 803) C'est que dès lors le nombre des débits augmente dans une proportion considérable ainsi que la consommation.

MfFOµ. - Allons donc !

M. Sabatierµ. - C'est exactement ainsi, M. le ministre. Je ne voulais pas entrer dans des détails, mais M. le ministre des finances m'y oblige.

M. Coomans. - Parlez.

M. Sabatierµ. - Je ne voulais pas entrer dans des détails, par la raison que voici. C'est que la question de savoir s'il fallait désormais porter comme impôt direct ou indirect le droit sur les débits de boissons distillées, s'il fallait faire une étude spéciale sur le rapport qu'il y a entre la loi de 1849, le nombre des débits de boissons distillées et la hauteur de la consommation, a été soumise à la section centrale du budget des voies et moyens.

J'ai l'honneur d'être rapporteur de ce budget et j'ai adressé à M. le ministre des finances la question suivante :

Combien d'électeurs disparaîtraient des listes électorales, si l'impôt, au lieu d'être direct, était indirect ? Je ne sache pas que la réponse à cette question soit parvenue à l'honorable président de la section centrale. Quoiqu'il en soit et pour rester uniquement dans ce qui touche à la consommation, je dirai qu'il est important de prouver que tant que l'impôt a été considéré comme impôt direct, les droits qui frappaient le genièvre ont eu de l'influence dans la consommation, ce qui répondait à la pensée du législateur de 1838 ; tandis que ces droits, bien qu'ils aient été augmenté assez notablement, n'ont plus exercés d'influence dès l'instant où la question électorale a été mise en jeu, c'est-à-dire, dès l'instant où l'impôt de débit a pu entrer dans la formation du cens.

Voilà, messieurs, ce qui s'est passé de 1833 à 1843, c'est-à-dire, pendant la période où l'impôt d'accise était peu élevé et se bornait à une moyenne de 8 à 9 fr. par hectolitre de matière fabriquée. La consommation moyenne pendant ces dix années a été de 300,000 hectolitres par an.

De 1845 à 1850, période pendant laquelle l'impôt de débit n'est pas considéré comme direct et l'impôt d'accise est porté à 1 franc par hectolitre de cuve matière, soit de 14 à 15 francs par hectolitre de genièvre produit, la consommation diminue et descend à 260,000 hectolitres environ. Notez que le droit de débit était de 4 francs par hectolitre fabriqué, ce qui portait l'impôt total à 20 francs environ,

Jusque-là, la question de consommation semblait répondre aux vœux de la Chambre.

Mais pendant la période de 1850 à 1860, les choses ont complètement changé de face.

L'impôt est désormais direct, il entre donc dans la formation du cens et le nombre de débitants, loin de rester à peu près stationnaire, s'accroît d'une manière inquiétante ; il augmente dans cette période de 15 années de 2,500 à peu près par année, et la consommation s'en ressent au point de vue d'une augmentation également.

L'honorable M. de Vrière me dit que la consommation plus grande provient de l'accroissement des salaires.

Evidemment il faut tenir compte de cette circonstance, mais elle permet de dire que ce serait une raison pour que l'impôt de consommation fût augmenté. Prenons une autre période. Que s'est-il passé de 1850 à 1860 ?

Le droit d'accise était en 1850 de 1 franc, toujours par hectolitre de matière. A partir de 1851, il est porté à fr. 1-50, soit, avec le droit de débit, environ 25 francs par hectolitre fabriqué, et la consommation s'élève de nouveau à 300,000 hectolitres, et même un peu au delà (le chiffre exact est de 307,000). En 1860, l'impôt est porté de fr. 1,50 à fr. 2,45, en vertu de la loi qui supprime les octrois. Cette élévation de 63 p. c. sur l'impôt n'arrête point la consommation ; elle augmente au contraire dans une proportion considérable et atteint une moyenne, de 1860 à 1866, de 360,000 hectolitres. Quant au nombre des débits de boissons distillées, il s'est accru pendant ces 6 années de 3,500 par année.

J'ai interrompu l'honorable M. de Brouckere en me servant du mot : inquiétant, et vous voyez, messieurs, que ce n'était pas sans raison.

Ce n'est certes pas le nombre des électeurs qui m'inquiète. Je suis au contraire disposé à étendre, dans une certaine mesure, le droit de suffrage. Mais qu'on me permette de le dire : nous nous occupons très consciencieusement d'une réforme qui doit améliorer notre système électoral. Jusqu'à présent j'entends parler beaucoup des moyens d'accroître d'une manière plus ou moins considérable le nombre d'électeurs. J'ai cherché, moi, à établir que la loi de 1849, qui elle aussi a fait un grand nombre d'électeurs, a été fatale à la santé du peuple. J'ai établi le rapport qui existe entre cette loi et l'augmentation de consommation du genièvre. Il faut mettre un terme à cet état de choses ; il faut se dire qu'améliorer ne doit pas consister exclusivement dans l'augmentation du nombre des électeurs ; les mots améliorer et augmenter ne sont pas synonymes.

Voici, messieurs, quelle est ma conclusion. Plusieurs solutions se présentent à l'esprit pour restreindre la consommation des boissons alcooliques : transformer l'impôt sur le débit de boissons en impôt indirect, augmenter cet impôt ou faire usage des deux moyens à la fois. Je répète que l'augmentation, dans une certaine mesure, du nombre des électeurs ne me rencontrera pas comme adversaire, mais nous devons examiner la question de savoir si la création d'une certaine catégorie d'électeurs n'a pas eu pour conséquence l'abus excessif des liqueurs alcooliques. Ma conviction est faite sur ce point.

Quant à l'impôt du débit, je ne le trouve pas assez élevé ; il ne répond pas à ce que le législateur de 1838 en attendait. Je ferai même remarquer qu'en somme il s'est trouvé réduit en 1849. (Interruption.) Je vais le prouver : en 1838 l'impôt de débit de boissons était de 20 fr. 25 c. et 30 francs, répartis dans le pays, par importance de communes, et cette importance a été indiquée dans un tableau joint à la loi ; vous pourrez le consulter si bon vous semble. En 1849 que fait-on ? On se rapproche d'un impôt de consommation par une répartition plus équitable, c'est ce que l'honorable M. Dumortier a dit avant moi, et l'on abaisse le droit, puisque l'impôt de 1838 à 1849 avait rapporté de 20 à 25 fr., mettons 22 fr. 50 c. en moyenne par débit et qu'aujourd'hui il n'en rapporte que 15. (Interruption.)

Vous voyez que je suis en droit de dire qu'on a abaissé l'impôt.

La conclusion que je proposerai ou plutôt que j'eusse proposée au sein de la section centrale du budget des voies et moyens, si nous avions obtenu les renseignements demandés, cette conclusion est complexe.

Examiner très sérieusement la question de savoir si l'impôt de débit est un impôt direct ou un impôt indirect et dans tous les cas augmenter le droit de débit.

Je dois ajouter que si une augmentation considérable de ce droit devait avoir pour conséquence de réduire d'une manière notable le nombre de débitants, tout en conservant à l'impôt le caractère d'impôt direct, je pencherais vers cette solution et ne demanderais pas de revenir à la loi que la Chambre a votée en 1838.

Je ne fais pas en ce moment de proposition formelle parce que certains renseignements me manquent pour asseoir nettement mes idées, quant au dernier point que je viens d'indiquer, et c'est pour cette raison aussi que je terminerai ici mes observations, bien que beaucoup de choses encore pourraient être dites sur le sujet que j'ai traité ; mais je ne veux pas abuser des moments de la Chambre.

- Voix nombreuses. - Parlez.

M. Sabatierµ. - Pardon, la question n'est pas complètement élucidée, et si j'ai été appelé à prendre la parole, c'est que je n'ai pas voulu laisser sans réponse le discours de l'honorable M. de Brouckere.

J'avais interrompu cet honorable orateur par un mot qui protestait contre le peu d'importance qu'il semblait attacher à la question des débitants de boissons alcooliques et j'ai tenu à expliquer de suite mon interruption.

J'espère, en tout cas, que chacun a compris que des améliorations doivent être introduites dans la loi de 1849, et si une bonne solution pouvait intervenir dès maintenant, j'y souscrirais de grand cœur, mais quant à moi, je ne suis pas prêt pour une proposition formelle à soumettre à la Chambre.

MfFOµ. - Messieurs le ne comprends pas qu'un homme aussi judicieux que l'honorable membre qui vient de se rasseoir, ait pu tomber dans les erreurs prodigieuses qu'il vient d'énoncer. (Interruption). Il vous a dit : Sous l'empire de la loi de 1838, nous n'avions qu'un nombre relativement restreint de débitants de boissons, ce nombre ne grandissait que faiblement d'année en année, et même à certaines époques, on constate des diminutions. Mais survient la loi de 1849, qui a pour effet d'attribuer le droit électoral à ceux qui paient la patente pour le débit de boissons et immédiatement le nombre des débitants s'accroît dans une proportion considérable, et ne cesse d'augmenter chaque année !

Ce serait peu, ajoute l'honorable membre, que cette augmentation du nombre des débitants ; mais le grand mal, c'est que les débitants créent les consommateurs, et que la consommation des boissons distillées (page 804) va sans cesse en grandissant ; il signale certaines années dans la période qu'il a choisie où il y a eu des réductions, mais c'était sous l’empire de la loi de 1838, alors que le droit dit d'abonnement ne comptait pas pour la formation du cens électoral. C'est le contraire dans la législation de 18-4. Depuis 1860, la consommation ne fait que progresser.

Mais, messieurs, l'honorable membre n'a donc pas réfléchi que la loi de 1838, qui avait établi un droit élevé presque uniforme, en vue d'arriver, on l'espérait du moins, à une restriction de la consommation des boissons alcooliques, a eu pour effet d'augmenter dans une proportion énormissime les débits clandestins de ces boissons ! Les débits clandestins existaient dans une proportion des plus considérables.

M. Sabatierµ. - Ce sont les moins dangereux.

M. Dumortier. - Cela prouve que vos agents ne faisaient pas leur devoir.

MfFOµ. - Eh quoi ! Les délits clandestins sont les moins dangereux ? Mais c'est le contraire qui est vrai ! Comment pouvez-vous admettre que ces réunions d'artisans qui se cachent pour se livrer à leur passion pour les liqueurs fortes, sans contrôle, sans surveillance quelconque, n'offrent pas un immense danger pour la moralité du peuple ?

Pour répondre à l'interruption de l’honorable M. Dumortier, je lui déclare que tout le monde faisait parfaitement son devoir ; on recherchait les débits clandestins avec la plus louable activité, et la preuve s'en trouve dans les nombreuses contraventions qui ont été constatées.

Comment a-t-on essayé de porter remède à une situation si fâcheuse à tant de titres ? En forçant les débitants de boissons à se déclarer, en cessant d'offrir une prime à la fraude, en ne les obligeant plus à se cacher pour se soustraire à l'obligation de payer un droit trop élevé. Et de là l'augmentation que vous avez découverte. Du jour où ils ont pu éviter une contravention en acquittant un droit qui était modéré, qui était établi dans une proportion plus juste avec les bénéfices que le débit pouvait leur procurer, les débitants se sont déclarés, et les débits clandestins sont venus s'adjoindre à ceux qui étaient connus de l'administration. Voilà la cause vraie de l'augmentation qui vous a frappé...

- Une voix. - ... Et la consommation.

MfFOµ. - ... Et si vous vous étiez donné la peine d'étudier la question, si vous aviez lu les documents relatifs à cette matière, vous y auriez trouvé, au grand complet, tous les renseignements relatifs à cette affaire, et que je ne fais qu'indiquer aujourd'hui sommairement à la Chambre.

La consommation des boissons distillées, dit-on. Mais elle a augmenté dans le temps de prospérité, avec l'accroissement des salaires ; elle a diminué pendant les crises ; elle a suivi, d'ailleurs, le développement de la population. Et il est assurément bien étrange de la faire dépendre du droit électoral. Cette question de la consommation des boissons distillées est, au surplus, étrangère au débat. Qu'a-t-elle de commun avec la question de savoir si le droit de débit est, ou non, un impôt direct ?

M. Coomans. - C'est le fond de la loi... (Interruption.) C'est l'esprit de la loi.

MfFOµ. - J'ai d'abord eu l'honneur de dire à la Chambre, et ceci n'a pas été contesté et ne le sera pas, que la proposition du gouvernement aura précisément pour effet d'empêcher un grand nombre, un très grand nombre de cabaretiers d'entrer dans le corps électoral, puisqu'elle leur impose la condition d'avoir fait trois années d'études moyennes.

M. Sabatierµ. - Mais dans les communes où l'on ne paye que 15 francs ?

MfFOµ. - Il faudra la condition d'avoir fait trois années d'études et cette conditio...

M. Sabatierµ. - Mais non, puisque le minimum est de 15 francs. (Interruption.)

MfFOµ. - Ne propose-t-on pas de réduire le cens à dix francs ? Mais, soit, votre observation est vraie, si elle s'applique à ceux qui sont déjà actuellement dans le corps électoral. (Interruption.) Mais elle ne l'est pas si elle s'applique à ceux qui entreraient ultérieurement dans le corps électoral, non pas dans toutes les communes, mais dans un grand nombre de communes. Voilà sur quoi porte mon observation : Seront repoussés du corps électoral, ceux qui, même payant le cens réduit, ne rempliront pas les conditions des trois années d'études moyennes.

Et c'est en quoi la proposition du gouvernement devrait être accueillie par la grande majorité de cette assemblée.

Je dis, messieurs, que cette question de la consommation des boissons distillées qu'on vient d'introduire dans ce débat, n'a rien à y faire.

Nous pourrons l'examiner à son temps, à son heure... (Interruption.) Est-ce que l'honorable membre s'imagine, par hasard, que nous sommes indifférents à cette situation ? qu'il nous importe peu qu'il y ait une consommation abondante ou restreinte des boissons alcooliques ?

Je suis tout autant que lui disposé à rechercher le moyen de diminuer cette consommation ; mais croire qu'on y parviendra en privant des censitaires du droit électoral, c'est trop se complaire dans des illusions ; s'imaginer qu'on parviendra à ce résultat en augmentant le droit, soit sur la fabrication (à supposer qu'il puisse être plus élevé qu'il ne l'est sans engendrer la fraude), soit sur le débit des boissons distillées, ce qui ne ferait que créer des débits clandestins, je dis que c'est là une pure chimère. Le prix de la denrée est beaucoup trop peu élevé pour qu'il soit affecté d'une manière sensible par le droit qui la frappe. En aucun pays, d'ailleurs, on n'a réussi par de pareils moyens.

Savez-vous, messieurs, ce que produit, une augmentation du droit ? On ajoute quelques gouttes d'eau au verre de genièvre et le droit se trouve payé.

M. Sabatierµ. - Vous avez des meilleurs moyens.

MfFOµ. - Eh bien, non, je n'en ai malheureusement pas ; si j'en connaissais, malgré la recette considérable que produit cet impôt, j'en proposerais immédiatement l'application. Et si l'honorable membre veut passer dans mon cabinet, je lui montrerai des études faites depuis longtemps dans le but de rechercher les moyens de restreindre la consommation des boissons distillées.

Mais j'ai cherché vainement, et j'avoue mon impuissance. (Interruption.)

On me dit que dans certains pays on est arrivé à ce résultat ? NB. Coomans. — En Hollande, le droit est bien plus élevé que chez nous.

MfFOµ. - Et on n'y consomme pas de boissons alcooliques, par hasard ? Mais c'est le pays où l'on consomme le plus de genièvre !

M. Jacobsµ. - Question de climat.

MfFOµ. - Qu'importe la cause ? Je constate |e fait.

Je répète donc que, quand on le voudra, dans un moment opportun, nous discuterons cette question ; mais ce n'est pas évidemment à l'occasion d'une discussion relative à la loi électorale qu'on peut rechercher le moyen de restreindre la consommation des boissons distillées ; et j'ajoute que ce serait volontairement fermer les yeux à l'évidence, que de prétendre qu'on atteindra un pareil but en enlevant le droit électoral à ceux qui peuvent légitimement l'exercer, aux termes de la Constitution.

M. de Naeyerµ. - M. Devaux connaissait la Constitution aussi bien que nous, je suppose.

MfFOµ. - Ce n'est pas en violant la Constitution que. vous parviendrez à diminuer la consommation des boissons distillées.

M. Dumortier. - La violation de la Constitution consiste à faire d'un impôt indirect un impôt direct.

MfFOµ. - On me permettra, j'espère, de conserver ma conviction.

M. de Naeyerµ. - Nous vous demandons les mêmes égards pour la nôtre.

MfFOµ. - Je laisse à chacun son opinion, sa liberté complète et entière et je demande, à titre de réciprocité, qu'on me laisse la mienne

Je soutiens que l'impôt sur les boissons distillées est établi dans les mêmes conditions et qu'il a absolument les mêmes effets que l'impôt patente, et qu'aux termes de la Constitution il doit compter pour la formation du cens électoral. Voilà ce que je soutiens. J'ajoute, nonobstant les affirmations contraires de l'honorable M. Dumortier, que c'est ainsi que la Chambre l'a décidé à la presque unanimité de ses membres, parmi lesquels je trouve les noms de MM. Coomans, de Liedekerke, de Mérode, etc.

M. Coomans. - C'est que nous ne savions pas au juste ce que nous faisions. (Interruption.)

M. Dumortier. - Vous savez fort bien que la Chambre a rejeté l'amendement de M. Verhaegen, qui voulait que l'impôt sur les boissons distillées fût compté dans le cens électoral.

MfFOµ. - Encore une (page 805) fois, vous maintenez donc des affirmations si souvent réfutées ! El» bien, j'ai le regret de vous dire qu'elles sont complètement inexactes.

M. Dumortier. - Oh ! oh ! ceci est par trop fort !

MfFOµ. - J'ai le regret de vous dire que, dans tout ce que vous avez affirmé, il n'y a pas un mot qui soit exact.

M. Dumortier. - C'est vraiment trop fou ! Huissier, apportez-moi le Moniteur !

MfFOµ. - C'est inutile, je l'ai sous la main (Interruption), et je vais vous lire ce qui s'y trouve.

M. Dumortier. - Je demande la parole.

MfFOµ. - A l'article 16 et dernier du projet de loi de 1849, la section centrale, et non M. Verhaegen, comme le prétend M. Dumortier, proposait une disposition ainsi conçue :

« Le droit de débit dont il s'agit dans la présente loi sera compris dans le cens électoral. Néanmoins l'électeur ne pourra se prévaloir, pour la formation du cens, de ce qu'il a payé en vertu de la loi du 18 juin 1838. »

M. le président ayant annoncé cette disposition, je prends la parole en ces termes :

« Le gouvernement a formellement déclaré que l'impôt dont sont grevés les débitants de boissons distillées entrerait dans la formation du cens électoral ; sous ce rapport, la disposition présentée par la section centrale exprime la pensée du gouvernement ; mais je la trouve inutile ; il s'agit d'une contribution directe et, aux termes de la Constitution, toutes les attributions directes concourent à la formation du cens.

« La loi de 1838 ayant déclaré que les contributions payées de ce chef ne feraient pas partie du cens, il est clair qu'on ne pourra pas se prévaloir, pour la fixation du cens, des contributions payées sous l'empire de cette loi ; la seconde disposition de la section centrale est donc inutile. »

Et M. Moreau, rapporteur, ajoute : « En effet, elle n'est pas nécessaire. »

Les Annales parlementaires constatent ensuite que : « La disposition transitoire est mise aux voix et qu'elle n'est pas adoptée. »

M. Dumortier. - Ah ! ah ! nous y voilà. Elle est donc rejetée ; c'est ce que j'ai dit.

- Un membre. - Parce qu'elle était considérée comme inutile.

MfFOµ. - Ne l’ai-je pas rejetée moi-même ? Mais vous me permettrez encore un petit mot.

Il y avait dans ce projet de loi un article 16 ainsi conçu :

« La présente loi est obligatoire à partir du..... ; à cette époque la loi du 18 mars 1838 cesse ses effets. »

Je prends de nouveau la parole, et je dis :

« Cet article est inutile. Le gouvernement choisira le moment opportun pour promulguer la loi ; et elle sera obligatoire dans les délais légaux. »

M. de Brouckere ajoute : « Je crois qu'il faut dire que la loi de 1838 est abrogée ; sans cela les dispositions qui ne sont pas explicitement supprimée resteront, notamment celle relative au cens électoral. Je propose de dire :

« La loi du 18 mars 1838 est abrogée. »

Et cet article est adopté ! Est-ce clair ? (Interruption.)

M. Dumortier. - On n'en avait pas moins rejeté l'amendement de M. Verhaegen. Je demande la parole.

MfFOµ. - Et c'est après cette discussion, bien claire et bien précise, qu'on procède au second vote, et la Chambre tout entière, à l'exception de MM. Faignart, Vermeire, Allard, Anciaux et de Broux qui votent contre, et de MM. Rousselle, Toussaint et Dequesne, qui s'abstiennent, adopte le projet de loi qui est ensuite porté devant le Sénat et voté, je pense, à l'unanimité ou à l'unanimité moins une voix seulement.

M. Coomans. - Cela prouve qu'on s'est trompé, et voilà tout.

MfFOµ. - Maintenant, messieurs, que j'ai la parole, je demande à la Chambre la permission de dire un mot des statistiques qui ont servi de base au discours et aux conclusions de l'honorable M. Kervyn.

Je n'avais pas d'abord examiné ces statistiques, comme je le lui ai dit ; mais depuis j'ai consulté ce fameux tome X des documents, imprimés par le département de l'intérieur, où l'on trouve les électeurs répartis par profession.

Que fait l'honorable M. Kervyn ? Il ne compte comme électeurs propriétaires que ceux qui sont simplement renseignés comme tels ; mais il considère les électeurs appartenant aux autres professions comme n'étant pas propriétaires, et il trouve ainsi que les électeurs propriétaires sont dans une proportion beaucoup moindre que les autres.

Messieurs, je ne comprends vraiment pas que l'on ait pu commettre une pareille erreur. Comment ! il n'y a presque pas de propriétaires sur les listes électorales ! mais la moitié ou les trois quarts des électeurs sont des propriétaires ! (Interruption.)

Savez-vous comment cette statistique est faite ? On prend les listes électorales, et on en fait le dépouillement d'après les qualifications attribuées aux individus qu'elles comprennent. Tel qui s'y trouve porté comme propriétaire, est classé dans la statistique parmi les propriétaires, tel autre qui est porté comme notaire, y entre comme notaire ; et ainsi des avocats, des avoués, des négociants, et de toutes les autres professions.

En acceptant les résultats obtenus de cette manière pour ranger les électeurs par catégories absolues et exclusives, ainsi que l'a fait l'honorable membre, on en vient à prétendre qu'il n'y a ni avocats, ni notaires ni avoués, ni médecins, ni, en un mot, aucun citoyen exerçant une profession quelconque, qui soit en même temps propriétaire ! Voilà où l'on en arrive, en se bornant à prendre des chiffres dans une statistique. Or, messieurs, je le demande, cela est-il sérieux, et n'est-ce pas commettre la plus étrange des erreurs que de raisonner, comme le fait l'honorable membre, pour justifier sa proposition et pour arriver à augmenter encore l'influence des propriétaires dans le corps électoral ?

Quant à moi, après cet examen j'ai la ferme conviction que l'élément de la propriété est très largement représenté dans les collèges électoraux.

On a dit, messieurs, que la proposition ayant pour objet la division de l'impôt foncier entre le propriétaire et le locataire ou le fermier, ne pouvait avoir les conséquences que j'ai indiquées à la Chambre, que nous n'avions pas lieu d'en redouter les abus, d'autant moins que nous avions, pour nous rassurer, l'exemple de ce qui se passe actuellement sous l'empire de la loi communale.

Déjà l'honorable M. Muller a rectifié les assertions de l'honorable M. Dumortier ; des fraudes ont été pratiquées sur le terrain communal et elle sont très faciles à commettre. Si l'abus existe pour les élections communales, sans présenter des inconvénients extrêmement sérieux, parce que là les passions ne sont pas toujours très vives, cet abus deviendrait formidable sur le terrain des élections législatives.

Voulez-vous savoir, messieurs, ce que disait l'honorable M. de Theux, lui-même, de la disposition qui a été introduite dans la loi communale ? Voici comment s'exprimait l'honorable membre, alors ministre de l'intérieur, non pour combattre la proposition qu'il adoptait, mais pour en montrer les effets combinés avec un cens peu élevé :

« Un propriétaire qui aura des propriétés considérables, les répartira de manière à donner un bonnier à l'un, un demi-bonnier à l'autre, afin de compléter le cens. Avec la faculté de compter au cultivateur la contribution du bien exploité, vous donnez à chaque grand propriétaire le moyen de créer autant d'électeurs qu'il juge à propos. »

Voilà la justification de l'amendement qui a été déposé par l'honorable M. Kervyn !

Je vous laisse, messieurs, méditer ces paroles.

M. Bouvierµ. - Voilà la condamnation de l'amendement de M. Kervyn par M. de Theux.

- La clôture est demandée.

M. Dumortier. - Je demande la parole pour un fait personnel.

MpVµ. - Vous avez la parole pour un fait personnel ; mais renfermez-vous dans le fait personnel.

M. Dumortier. - L'honorable ministre des finances m'a reproché d'avoir dénaturé la discussion ; mais il n'en est rien ; je ne dirai qui deux mots pour l'établir.

Lors de la présentation du projet de loi, l'honorable M. Frère a dit, dans l'exposé des motifs, qu'à son avis l'impôt dont il était question comptait pour faire partie du cens électoral. Mais l'honorable M. Verhaegen n'entendait pas cela ; il était du même avis que M. le ministre des finances ; mais il voulait le faire consacrer par la loi ; il avait donc rédigé un amendement ; il trouvait que cela était indispensable, et vous savez que quand l'honorable M. Verhaegen, avait quelque chose dans la tête, il n'était guère possible de l'en faire sortir. Malgré l'opinion exprimée par M. le ministre des finances, il a voulu que l'amendement fût mis aux voix ; l'article a été mis aux voix, et la Chambre l'a rejeté.

(page 806) Maintenant que dit l'honorable M. Frère ? Il dit que l'article a été rejeté, parce que la disposition était inutile ; mais il y avait dans la loi un article, je ne sais plus lequel, je crois le 15ème qui était réellement inutile, et cet article a été alors retiré. Maïs, quant à l'article dont il s'agit, l'honorable M. Verhaegen n'a pas voulu qu'il fût retiré ; l'article a été mis aux voix et rejeté. Il n'est donc pas possible de soutenir que lorsqu'un article est rejeté, ce rejet équivaut à l'affirmation de l'article.

- La clôture de la discussion générale est mise aux voix et prononcée.

- Des membres. - A demain !

M. Hymans, rapporteur. - Nous venons de clore la discussion générale ; il s'agira maintenant de discuter les articles ; mais il faut décider, avant tout, sur quoi la discussion s'ouvrira.

- Des membres. - Nous déciderons cela demain au début de la séance.

M. Hymans, rapporteur. - Nous ne pouvons pas discuter d'abord le projet du gouvernement, il faut commencer par les propositions plus radicales qui sont soumises à la Chambre.

Dans cet ordre d'idées, viendrait d'abord la proposition de l'honorable M. Van Humbeeck, qui est la plus radicale de toutes, puisqu'elle supprime complètement le cens ; puis viendrait la proposition de l'honorable M. Nothomb ; puis celle de l'honorable M. Guillery ; et enfin le projet de loi du gouvernement. C'est, à mon avis, la seule marche rationnelle à suivre

M. Guillery. - La Chambre se prononcera demain à cet égard.

M. Hymans, rapporteur. - Je n'insiste pas pour le moment ; je reproduirai demain ma proposition.

- La séance est levée à 5 heures.