(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1866-1867)
(Présidence de M. Moreau, premier vice-présidentµ.)
(page 637) M. de Florisone, secrétaire, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. de Moor, secrétaireµ, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.
- La rédaction du procès-verbal est adoptée.
M. de Florisone présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la Chambre.
« Le sieur Charles-Frédéric Fritz, glacier, à Bruxelles, né dans cette ville, demande la grande naturalisation avec exemption du droit d'enregistrement. »
- Renvoi au ministre de la justice.
« Des bijoutiers, à Bruxelles, prient la Chambre d'aborder le plus promptement possible l'examen de la réforme électorale et d'étendre le droit électoral.’
« Même demande d'habitants d'Havelange. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif à la réforme électorale.
« Le sieur Harnequau demande que. la commune de Willaupuis, qui se trouve à l'avance dans le contingent pour la milice, soit dispensée cette année de fournir un homme à l'armée. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
M. Thibautµ (pour une motion d’ordre). - La Chambre, a renvoyé hier à la commission des pétitions, sans que je m'en aperçusse, une pétition par laquelle le conseil communal de Serinchamps demande que les trains express du Luxembourg fassent arrêt à la station d'Haversin.
J'ai l'honneur de proposer que la commission soit invitée à faire un prompt rapport sur cette pétition.
- Adopté.
M. Jacquemynsµ (pour une motion d’ordre-. - Depuis de longues années, les Flandres se font plaintes d'être surtaxées.
Le fait est aujourd'hui mis en dehors de toute contestation. Il est prouvé que les deux Flandres payent un million au delà de leur part d'impôt foncier.
Le grand travail auquel M. le ministre des finances a bien voulu se livrer a mis l'injustice en évidence
Je parle d'injustice, et M. le rapporteur de la section centrale l'appelle une criante injustice.
Et pourtant je n'en accuse pas les hommes, elle est plutôt le résultat des faits, elle est plutôt le résultat d'un heureux concours de circonstances qui ont développé la prospérité de certaines provinces, pendant que nos Flandres étaient empêchées, par d’immenses crises, de profiter, dans une aussi large mesure, de la paix publique et de la prospérité qu'elle entraînait comme conséquence.
Loin d'accuser les hommes, je saisis avec bonheur l'occasion de rendre hommage aux sentiments d'équité de l’honorable M. Frère-Orban ; en se chargeant lui, député d'une province wallonne, de réclamer justice en notre faveur, il a montré une fois de plus que les Belges des diverses provinces n'ont que des prénoms différents, et que, si les uns s'appellent Wallons, les autres Flamands, ils n'en sont pas moins frères.
Mais il est un moment où l'injustice deviendrait le fait des hommes.
La question de la révision cadastrale se dresse devant vous, messieurs, comme une question de justice et d'équité.
Rien dans le règlement de la Chambre ne s'oppose à ce qu'elle figure en tête de votre ordre du jour dès demain.
Si elle est votée pendant la session actuelle du Sénat, les Flandres pourront, dès 1868, être dégrevées d'un million par an.
Si l'on tarde, le temps nécessaire au gouvernement pour faire la nouvelle répartition s'écoule, et les Flandres payeront en 1868, comme en 1867, un million de trop.
Tel est le motif sur lequel je base ma proposition.
La voter, c'est saisir l'occasion sinon de réparer, du moins de faire cesser ce que le rapport de la section centrale appelle une criante injustice.
La repousser, c'est imposer un million de plus aux deux Flandres, qui en ont tout au moins payé vingt de trop.
MfFOµ. - Messieurs, lorsque la Chambre a été saisie de la question de savoir à quel jour on fixerait la discussion des propositions relatives à la réforme électorale, j'ai averti que, bien certainement, on serait obligé, si l'on fixait cette discussion au 19 mars, d'écarter de l'ordre du jour des projets très importants, ayant un caractère d'urgence incontestable. La Chambre a néanmoins accepté cette date du 10 mars, et elle l'a acceptée en pleine connaissance de cause. Dès lors, je ne saurais appuyer, pour ce qui me concerne, la proposition de l'honorable préopinant, quelque juste qu'elle me paraisse au fond.
La Chambre est actuellement saisie d'un projet sur l'organisation judiciaire. Il y a dans cette loi des dispositions essentielles et qui ont également un caractère d'urgence, notamment celles qui sont relatives à la mise à la retraite des magistrats. La question qui a été soulevée ne peut rester sans solution, et il y aurait de grands inconvénients à l'ajourner. On ne peut,pas frapper en quelque sorte de déchéance dans leurs droits éventuels, un grand nombre de magistrats auxquels ces dispositions seraient applicables. Il est absolument impossible de les laisser dans une situation équivoque.
Si donc il y avait lieu de ne pas tenir compte de la décision de la Chambre, il faudrait néanmoins, et avant tout autre objet, continuer la discussion du projet de loi d'organisation judiciaire.
Ce ne serait qu'après le vote de ce projet, que l'on pourrait s'occuper des autres propositions, par exemple, du projet de loi sur la péréquation cadastrale, et du projet de loi sur l'expropriation par zones.
Mais, je le répète, c'est en parfaite connaissance de cause que la Chambre s'est prononcée et qu'elle a fixé au 10 mars l'examen des propositions de réforme électorale. Je ne pense donc pas qu'elle puisse revenir sur cette décision.
M. Coomans. - C'est cela !
M. Jacquemynsµ. - Messieurs, lorsque la Chambre a fixé au 19 de ce mois la discussion sur la réforme électorale, nous avions l'espoir que le rapport sur la révision des opérations cadastrales aurait été déposé quelques jours, huit à dix jours au moins avant le 19. Le rapport aurait pu à la rigueur, si la section centrale n'avait pas eu besoin de demander quelques renseignements à M. le ministre des finances, être déposé il y a quelques jours déjà. Dans ce cas, on aurait pu voter le projet de loi avant le 19.
Je n'entre pas dans l'examen des circonstances qui ont retardé la présentation du rapport. Mais voici une question que je poserai à la Chambre et je fais appel à vos consciences.
Le gouvernement reconnaît que les Flandres payent un million de trop par an. La section centrale appelle ce fait une criante injustice.
Or, si la Chambre tarde à voter le projet de loi sur les opérations cadastrales jusqu'après la discussion du projet de loi sur la réforme électorale, le Sénat sera séparé au moment où le vote de la Chambre (page 638) interviendra, et il pourra s'écouler plusieurs semaines avant que le Sénat soit appelé à voter sur le projet de loi relatif à la révision des opérations cadastrales.
Il est à remarquer, comme l'a dit l'honorable ministre des finances, qu'il faut un temps considérable après le vote de la loi, pour préparer toutes les pièces nécessaires à la répartition des impôts. Ainsi le vote d'aujourd'hui décidera cette question.
M. Delaetµ. - Pas du tout.
MfFOµ. - Si ! si !
M. Jacquemynsµ. - Réparerez-vous, dès 1867, l'injustice dont souffrent les Flandres, ou ajouterez-vous un million pour 1868 aux 20 millions qu'elles ont déjà payés en trop ? Je pense que la Chambre n'a pas à hésiter sur cette question.
La Chambre a décidé qu'on s'occuperait, le 19, de la réforme électorale, mais elle n'a pas décidé quand on l'appliquerait, et il est moralement impossible qu'on applique la réforme électorale, en supposant qu'elle soit votée, avant deux à trois ans d'ici.
D'ailleurs il y a une question d'équité, et en présence d'une question d'équité je concevrais mal qu'un représentant de la nation belge hésitât.
Je demande le vote sur ma proposition et je réclame l'appel nominal.
M. Delaetµ. - Je suis heureux, parce que le cas est rare, de me trouver parfaitement d'accord avec l'honorable ministre des finances. Lui et moi nous sommes d'accord sur le respect dû au vote par lequel la Chambre a fixé au 19 de ce mois la discussion de la réforme électorale.
J'ai écouté avec infiniment d'attention l'honorable M. Jacquemyns et je vous assure que l'espèce de blâme qu'il semble faire peser ou vouloir faire peser sur ceux qui tiennent au respect du vote de la Chambre, de faire payer le maintien de ce vote par un million qui sortirait des poches des habitants des Flandres, ne m'effraye guère.
Il y a là, qu'il me permette de le dire, une simple apparence, une ombre chinoise, dont nos populations flamandes, si sérieuses et si intelligentes, ne s'effrayeront pas plus que moi.
Je ne m'oppose pas du à ce que le projet de révision des évaluations cadastrales soit discuté avant l'organisation judiciaire ; du reste le Sénat ne paraît pas se préoccuper beaucoup de ce dernier projet de loi, puisque, d'après les bruits qui courent, il doit se séparer après avoir voté plus ou moins rapidement les derniers articles du projet sur les fraudes électorales.
MfFOµ. - Il n'a pas encore voté le budget des travaux publics.
M. Delaetµ. - Il votera ce budget et le budget de la guerre, puis il se séparera, à moins que le Sénat n'ait le patriotisme, dont je le crois du reste très capable, de donner quelques jours de plus à la chose publique, et par conséquent de discuter le projet de révision des évaluations cadastrales.
S'il n'en était pas ainsi, si le Sénat voulait se séparer avant l'époque opportune, c'est-à-dire avant le milieu du mois de mai, ce ne serait pas nous, mais le Sénat qui aurait reculé le dégrèvement des Flandres.
Mais, messieurs, il ne s'agit pas seulement d'intérêts financiers qui, comme je viens de le prouver, ne sont pas compromis le moins du monde ; il s'agit aussi d'intérêts politiques et moraux. On nous disait que le pays ne s'émeut pas de la réforme électorale ; or, messieurs, les pétitions qui vous arrivent tous les jours, la presse, les meetings, tout vous prouve que le pays se préoccupe de cette question et s'en préoccupe très vivement.
Ainsi que je l'ai déclaré, lorsque l'on a demandé la mise à l'ordre du jour, il est bon de discuter la question, avant que le pays s'en préoccupe trop, avant qu'il se passionne, avant qu'il vienne peser d'un poids plus lourd sur nos décisions.
Le sentiment d'amour-propre parlementaire a beau se révolter, il est de fait que nous subissons l'influence de l'air ambiant. Nous ne saurions pas nous dispenser d'être influencés au moral par l'air ambiant, pas plus que nous ne pourrions nous dispenser de subir l'influence de la chaleur, de l'humidité ou du froid de l'atmosphère.
Il est donc de l'intérêt de tout le monde, il est de l'intérêt des partisans comme des adversaires de la réforme électorale de ne pas reculer indéfiniment cette discussion.
Encore une fois, et pour en finir, je crois qu'il n'y a pas péril en la demeure pour le projet de révision des évaluations cadastrales. Je suis heureux d'avoir vu M. le ministre des finances professer un respect entier pour la décision de la Chambre et j'espère que la Chambre n'aura pas pour elle moins de respect que lui.
M. Jacquemynsµ. - Messieurs, je regrette de devoir insister. Je remplis ici un devoir des plus impérieux. Ma position de représentant d'un arrondissement important des Flandres exige que je mette encore en quelque sorte la patience de la Chambre à l'éprouve.
M. le ministre des finances montre un très grand respect pour la décision de la Chambre. L'honorable ministre a montré aussi un très grand respect pour la question d'équité qu'il s'agit de résoudre en faveur des Flandres, et je crois qu'il n'est pas disposé à abandonner ce respect.
Personnellement je pense manifester ici le sentiment qui domine tous les membres de la Chambre : c'est que l'équité l'emporte sur une décision réglementaire.
Maintenant, puisque l'honorable ministre des finances est intervenu, contre mon attente, dans cette discussion, je lui poserai cette question : En supposant, comme le dit l'honorable M. Delaet, qu'on recule jusqu'au 15 mai le vole du projet de révision des évaluations cadastrales dans cette Chambre...
M. Delaetµ. - Je n'ai pas dit cela ; j'ai dit que si le Sénat restait jusqu'au 15 mai, on pourrait voter le projet de révision en temps utile...
M. Jacquemynsµ. - Quand ?
M. Delaetµ. - Le 1er avril.
M. Jacquemynsµ. - Peu importe. On a fait entendre à diverses reprises à la Chambre que la discussion sur la réforme électorale prendrait un mois.
- Des membres. - Non ! non !
M. Hymans. - Au moins.
M. Coomans. - Ce ne sera pas notre faute.
M. Jacquemyns. — Si la Chambre retarde la discussion sur la péréquation cadastrale jusqu'après la discussion sur la réforme électorale, on n'abordera pas la péréquation cadastrale avant le 1er mal. Par conséquent, nous arriverons au 15 mai avant que la loi soit promulguée.
L'honorable ministre des finances se fait-il fort, après cette date, de faire tous les travaux nécessaires pour que le nouveau système de péréquation soit appliqué pour 1868 ? Si M. le ministre des finances prend l'engagement que la loi de péréquation étant votée par la Chambre et le Sénat au 15 mai, les Flandres seront dégrevées pour 1868, je retire ma proposition. Sinon, je la maintiens, et je suis persuadé que la Chambre me donnera raison.
M. de Brouckere. - La Chambre maintiendra sa résolution.
M. Jacquemynsµ. - J'en doute très fort. J'en doute même pour le cabinet ; car je vois sur les bancs ministériels un député des Flandres et j'espère qu'il sera avec moi.
L'honorable M. Delaet nous dit que les journaux et les meetings nous pressent de vider la question de la réforme électorale. C'est très vrai ; il y a à Bruxelles un meeting qui nous presse de résoudre la question de la réforme électorale. Mais précisément les meetings que l'on a faits pour presser la solution de la question de réforme électorale doivent être pour vous tous une preuve que cette question n'émeut pas la population. Les meetings ont fait ce qu'ils ont pu, les journaux ont fait ce qu'ils ont pu, et les populations sont demeurées indifférentes.
M. Coomans. - Pas du tout.
M. Jacquemynsµ. - Et je pose en fait que les Flandres ne demeurent pas indifférentes lorsqu'il s'agit de porter les impositions à un taux équitable.
M. Coomans. - Je croirais manquer à mon premier devoir de représentant de la nation, si je ne protestais pas contre le dernier argument produit par l'honorable M. Jacquemyns, à savoir que la nation belge est complètement indifférente à la réforme électorale.
Quoi ! la nation belge est indifférente à la question de savoir si elle jouira de ses droits politiques, et elle serait très impressionnée par la question de savoir si la moitié du pays payera un million de plus ou de moins. Ainsi la nation belge se passionnera pour une question de pot-au-feu pour un million et elle ne se passionnera pas pour une question de principe et de dignité aussi importante que celle de la réforme électorale.
- Un membre. - Et hier vous disiez qu'elle se passionnait pour le prix du sel et du café. (Interruption.)
M. Coomans. - L'honorable M. Hagemans, qui n'a pas l'habitude...
M. Hagemansµ. - Je n'ai pas dit un seul mot.
(page 639) M. Coomans. - Messieurs, j'ai entendu une voix qui disait ; « et le sel », j'ai cru que c'était M. Hagemans. M. Hymans dit que c'était lui, je m'en rapporte à sa déclaration.
M. Hymans. - Je vous ai interrompu en disant : le sel et le café. Je voulais dire qu'hier, lorsqu'il s'agissait de la défense nationale, vous avez mis une question de pot-au-feu au-dessus des intérêts généraux du pays.
M. Coomans. - Comment ! vous osez accuser un de vos collègues, que vous devez tenir pour honorable dans tous les sens, de placer l'intérêt du pot-au-feu au-dessus des intérêts généraux du pays ! Mais c'est une insulte à sa conscience ! Il s'agit de savoir où est l'intérêt général du pays. Vous croyez que l'intérêt général du pays est dans la formation et l'entretien dispendieux d'une armée énorme et inutile, mais nous croyons, nous, que cette armée est aussi inutile qu'elle est énorme et nous pensons, par conséquent, que développer les dépenses militaires ce n'est pas servir les intérêts généraux du pays, c'est les compromettre. Cela aurait dû vous suffire pour m'épargner le reproche que vous m'avez adressé.
L'intérêt général est de faire aimer et chérir la patrie et de ne pas lui imposer des charges complètement inutiles et souvent iniques ou vexatoires.
Voilà pourquoi j'ai parlé du sel, de la bière, du café, de la conscription, etc., voilà pourquoi je reste dans la justice et la logique en répondant à l'honorable M. Jacquemyns comme je viens de le faire.
M. le président. - Veuillez rentrer dans l'objet de la discussion. Il s'agit de savoir si on mettra à l'ordre du jour la révision des évaluations cadastrales.
M. Coomans. - Eh bien, je proteste contre cette assertion que la nation belge est complètement indifférente à la réforme électorale. Ce serait la honte de la nation belge, si l'allégation était vraie. Il n'est pas de question plus importante, et il n'en est pas de plus opportune.
Je suis de l'avis de l'honorable M. Jacquemyns, que les Flandres sont surtaxées, et qu'il serait inique de faire durer cette surtaxe, en 1868.
Mon vote sympathique est acquis au projet de loi ; il passera, du reste, à la presque unanimité et les Flandres ne continueront pas à payer un million de trop. Wallons et Flamands seront d'accord, j'espère. Mais je prétends que la réforme électorale est plus urgente et surtout que la nation belge n’est pas indifférente à cette question ; j'ajoute qu'il n'est guère que celle-là qui puisse la passionner en ce moment.
M. Dumortier. - Je crois que mon honorable ami qui vient de se rasseoir voit les choses un peu trop à travers le prisme des meetings de Bruxelles. Quand je parcours le pays, quand je le consulte, je ne lui trouve pas du tout ce sentiment si exalté en faveur de la réforme électorale. Je crois que l'honorable membre a grand tort de condamner comme il le fait l'opinion émise par M. Jacquemyns. Non, le pays ne s'occupe pas avec passion de la réforme électorale. Ce qui le prouve, c'est que tous les efforts du meeting et des journaux qui l'appuient ne parviennent pas à faire naître dans le pays les sentiments qu'on lui attribue.
Messieurs, il est deux points sur lesquels j'appelle votre attention.
Il est un fait incontestable, c'est que, dans la répartition de l'impôt foncier des terres cultivées, les Flandres ont le droit d'être dégrevées. Député de la Flandre occidentale, je manquerais au plus sacré de mes devoirs si je ne réclamais pour l'arrondissement que je représente, pour la province à laquelle j'ai l'honneur d'appartenir par mon mandat, le dégrèvement qu'ils ont le droit d'exiger. Comment ! depuis 35 ans les Flandres sont surtaxées...
MfFOµ. - Pas depuis si longtemps.
M. Dumortier. - L'erreur a été commise dans le principe.
MfFOµ. - Non, du tout.
M. Dumortier. - Je vous le prouverais si vous le vouliez, mais ce n'est pas le moment d'aborder cette discussion.
Il est un fait incontestable, c'est que lorsque en 1834 nous avons dégrevé de 10 p. c. la quote-part des Flandres et de la province d'Anvers, nous savions bien que nous ne rendions pas encore à ces provinces la justice qui leur est due.
Voilà donc 35 ans qu'une surtaxe pèse sur ces provinces ; le moment arrive où l'on peut enfin faire une répartition juste et équitable de l'impôt foncier des terres arables et au lieu de s'occuper avec empressement de cette question importante, on veut s'occuper d'une question qui, au fond, ne peut recevoir d'application que dans deux ans peut-être. Ce n'est pas là qu'est l'urgence ; l'urgence est de rendre justice aux habitants des Flandres.
Il est une autre considération dont il faut tenir compte.
L'Europe n'est pas dans une situation où il faille désirer et rechercher des discussions passionnées. Et à mon avis ce serait une grosse faute que d'aborder en ce moment dans le parlement des discussions politiques.
Que faisons-nous depuis le commencement de la session ? Des deux côtés nous avons fait taire les luttes de partis, des deux côtés nous avons mis nos colères en poche.
M. Coomans. - Et le refus de l'indemnité ?
M. Dumortier. - Nous avons fait taire nos rancunes, nous avons ajourné nos griefs dans un grand intérêt national, dans un intérêt qui nous honore ; eh bien, lorsque nous donnons ce sublime exemple à l'Europe, est-il convenable de faire surgir une question de parti ?
M. Coomans. - La réforme électorale n'est pas une question de parti.
M. Dumortier. - Pour vous, c'est possible ; mais je ne suis pas de votre avis. (Interruption.)
M. le président. - Je prie de ne pas interrompre.
M. Dumortier. - La réforme électorale, dit-on, n'est pas une question de parti. Il y a des questions de parti de plusieurs sortes ; il y a des questions de parti qui divisent la Chambre en deux par le milieu, mais il y a aussi des questions de parti qui la divisent en travers et où les extrêmes se rejoignent.
Eh bien, messieurs, je dis que dans la situation où se trouve l'Europe, il est prudent, il est utile de ne nous occuper que d'affaires, d'améliorer la situation, de faire cesser les griefs. Nous en avons une occasion magnifique dans la proposition de l'honorable M. Jacquemyns ; j'adjure donc la Chambre d'accepter cette proposition et d'écarter une discussion dangereuse qui ne peut pas faire les affaires du pays.
M. Delaetµ. - Je ne suivrai pas l'honorable M. Dumortier dans la discussion qu'il vient de soulever sur la péréquation cadastrale, où il a commis des erreurs de chiffres d'après M. le ministre des finances, qui est dans le vrai, je le crois.
M. Dumortier. - Votre province est dans le même cas.
M. Delaet. — Pas depuis 35 ans ; vous vous trompez sur la durée du temps, comme vous vous trompez en bien d'autres choses.
L'honorable M. Dumortier a discuté la loi électorale, cette loi mauvaise, a-t-il dit, cette loi détestable dont il ne veut pas la discussion et que, dans son impatience, il discute avant le 19.
L'honorable membre craint que l'extrême droite et l'extrême gauche ne se jettent dans les bras l'une de l'autre. Dans ce cas, M. Dumortier, qui est dans l'extrême droite, et la constitue presque à lui seul, va se jeter dans les bras de l'extrême gauche ministérielle !
M. Guillery. - Il l'a déjà fait.
M. Delaetµ. - Nous, qui ne sommes d'aucun parti extrême, qui sommes plus gouvernementaux que certains prétendus modérés, nous ne nous jetterons pas dans les bras de nos adversaires, mais nous ferons ensemble le bien qu'il y a à faire pour le pays, et ce sera un honneur pour ce parlement d'avoir osé, à un moment donné, ne pas tenir compte de ces vieilles questions de parti usées, questions usées et partis usés, pour reconnaître la justice là où elle était et marcher en avant là où le progrès était possible, nécessaire.
Mais lorsque tout à l'heure j'ai demandé la parole, ce n'était pas pour répondre à mon honorable ami, c'était pour dire un mot encore de la fin du discours de M. Jacquemyns.
Je ne sais pas quelle est l'opinion de M. Jacquemyns sur la réforme électorale, ni si, comme l'honorable M. Dumortier, il est décidé à avoir recours à tous les moyens honnêtes pour en retarder le plus possible la discussion. Mais le fait est qu'il nous a signalé aux Flandres, nous partisans de la réforme électorale, comme gens qui sont prêts à leur faire payer d'un million par an notre envie de discuter immédiatement la réforme.
Et pour cela qu'a-t-il fait ? Il a avancé que nous discuterions pendant un mois avant d'arriver à la solution de cette question.
S'il faut discuter pendant un mois, nous discuterons, mais je crois que, malgré tous nos efforts, on ne nous donnera pas l'occasion de discuter si longtemps. (Interruption.) Oh ! il y aura des amendements ; il y aura les petites tactiques parlements, les renvois à la section centrale, les cent fins de non-recevoir et moyens de procédure que la Chambre, comme les tribunaux, possède pour faire traîner en longueur un (page 640) procès. Je crains bien qu'on n'ait recours à ces moyens-là ; car alors évidemment la question ne pourrait pas être vidée.
Quant à moi, je m'opposerai à tout ce qui serait moyen dilatoire. Je ne dis pas que je sortirai triomphant de la lutte ; mais dans tous les cas, je pense que si la discussion de la réforme électorale dure quinze jours, ce sera là le summum des forces de la Chambre. Nous en aurons donc fini au 10 avril, et du 10 au 20 il nous restera certes assez de temps pour discuter la loi sur la péréquation cadastrale. (Interruption.)
La loi sur la péréquation cadastrale ne prendra pas 4 jours à la Chambre. (Nouvelle interruption.)
Si le budget de la guerre était voté aujourd'hui, nous pourrions aborder demain le projet sur la péréquation ; seulement il devrait être bien entendu que si demain la discussion de ce projet n'est pas terminée, elle sera interrompue...
- Une voix. - On peut se réunir lundi.
M. Jacobsµ. - On peut siéger le soir.
M. Delaetµ. - Mais il n'y a pas une connexion tellement intime entre les deux projets, qu'il ne soit possible de postposer sans danger la péréquation à la réforme.
Encore un mot : On a ri à gauche quand M. Coomans a parlé de pot-au-feu, quand il vous a dit qu'une question purement matérielle ne devait pas servir de prétexte à un refus de discuter une question politique.
Mais quand nous vous disons qu'une chose coûte trop cher, qu'elle ne vaut pas ce qu'elle coûte, vous nous dites que nous sommes des hommes d'argent, des gens de pot-au-feu. C'est l'éternel argument que la gauche ministérielle nous oppose chaque fois que nous trouvons qu'un service public ne rapporte pas ce qu'il coûte. Je ne vous en fais pas un reproche, vous usez de votre droit ; mais alors soyez conséquents avec vous-mêmes et ne trouvez pas ridicule, chez nous, ce que vous trouvez pertinent et convenable chez vous.
M. Moncheurµ. - Messieurs, l'honorable M. Jacquemyns propose de placer à l'ordre du jour, immédiatement après la discussion du budget de la guerre, c'est-à-dire demain, la loi sur la péréquation cadastrale. Je dis, messieurs, que l'adoption de cette proposition est impossible. D'abord, ainsi que l'a dit l'honorable ministre des finances, il y a à opposer à cette proposition une fin de non-recevoir, c'est que la Chambre ne doit pas, ne peut pas se déjuger. Je tiens ensuite à déclarer à la Chambre que, selon moi, la loi sur la péréquation cadastrale est hérissée de beaucoup de difficultés, et donnera lieu à de sérieuses et peut-être à de longues discussions.
L'honorable M. Coomans se trompe donc gravement lorsqu'il pense que cette loi sera votée à l'unanimité dans cette Chambre, car je suis du nombre de ceux, et ce nombre sera considérable, je suis, dis-je, du nombre de ceux qui voteront contre cette loi, si elle n'est pas profondément modifiée. En effet, quoiqu'elle ait nécessité un labeur de 6 ou 7 ans, la loi qui ordonne la révision de la péréquation cadastrale datant de 1860, elle a remplacé les injustices qui pouvaient exister par des injustices plus grandes encore. Je me fais fort de le démontrer à la Chambre.
Je crois donc, messieurs, que la proposition de l'honorable M. Jacquemyns ne peut être adoptée.
M. le président. - Voici la proposition de M. Jacquemyns.
« Le projet de loi relatif à la révision des évaluations cadastrales est porté à l'ordre du jour après la discussion du budget de la guerre. »
- Il est procédé à l'appel nominal.
97 membres y prennent part.
83 répondent non.
14 répondent oui.
En conséquence, la Chambre n'adopte pas.
Ont répondu non :
MM. de Terbecq, de Theux, Dethuin, Dewandre, de Woelmont, d’Hane-Steenhuyse, Dolez, Elias, Frère-Orban, Funck, Gerrits, Guillery, Hagemans, Hayez, Hymans, Jacobs, Janssens, Jamar, Jonet, Jouret, Landeloos, Lebeau, Le Hardy de Beaulieu, Liénart, Mascart, Moncheur, Mouton, Muller, Nélis, Notelteirs, Nothomb, Orban, Orts, Reynaert, Rogier, Sabatier, Schollaert, Snoy, Tack, Thibaut, T'Serstevens, Valckenaere, Vander Maesen, Vanderstichelen, Van Hoorde, Van Humbeeck, Van Overloop, Van Wambeke, Vleminckx, Warocqué, Wasseige, Watteeu, Wouters, Ansiau, Anspach, Beeckman, Braconier, Bricoult, Broustin, Coomans, Couvreur, Crombez, David, de Brouckere, de Coninck, De Fré, de Haerne, Eugène de Kerckhove, Delaet, Delcour, de Lexhy, d'Elhoungne, de Liedekerke, de Macar, de Maere, de Mérode, de Moor, de Muelenaere, de Naeyer, de Rongé, de Rossius, Descamps et Moreau.
Ont répondu oui :
MM. Dumortier, d'Ursel, Jacquemyns, Lippens, Magherman, Tesch, Van Cromphaut, Vander Donckt, Van Iseghem, Vermeire, Allard, Bouvier, de Baillet-Latour et de Florisone.
« Art. 1er. Traitement du ministre : fr. 21,000. »
M. Couvreurµ. - Messieurs, l'honorable ministre des affaires étrangères a prononcé hier quelques paroles que je n'avais pas saisies dans la vivacité des débats et dont j'ai retrouvé ce matin l'impression dans les comptes rendus des journaux, les Annales parlementaires, n'ayant pas encore été distribuées. Je demande à la Chambre de pouvoir saisir l'occasion de la discussion de l'article premier du budget pour répondre à ces paroles, qui, pour moi, renferment une accusation que je considère comme injuste.
M. le président - La discussion générale a été close. Cependant, si la Chambre ne s'y oppose pas, je continue la parole à M. Couvreur.
M. Couvreurµ. - Si ma mémoire et les indications qui m'ont été données sont exactes, l'honorable ministre des affaires étrangères a dit que si le gouvernement m'avait offert de faire partie de la commission mixte pour la réorganisation militaire et que j'eusse accepté ce mandat, j'aurais trouvé fort inconvenant qu'un de mes collègues fût venu, en termes désobligeants, blâmer mon acceptation et révoquer en doute mon indépendance ; je n'ai entendu qu'une partie de ces assertions, et j'ai immédiatement répondu (j'ignore si la réponse est actée aux Annales parlementaires) que je n'eusse pas pu accepter. Au moment où j'ai prononcé ces paroles, j'en ai entendu d'autres, plus blessantes à coup sûr pour moi que toutes celles que j'avais prononcées dans le cours de la séance. J'ai entendu dire : S'il parle comme il vient de parler, c'est parce qu'il ne fait pas partie de la commission. Les raisins sont trop verts.
Messieurs, il me suffit de dénoncer ces paroles à la Chambre pour être assuré de sa protection. Celui ou ceux qui les ont prononcées méconnaissent bien peu ou ont bien peu de mémoire. Qu'ils veuillent bien relire le discours que j'ai prononcé l'année dernière dans la discussion générale du budget de la guerre. Ils y retrouveront, développées en partie ou en partie indiquées en germes, les idées que j'ai exposées encore avant-hier et hier.
Ils pourront se convaincre par la lecture de ce discours que le gouvernement, à moins de me tenir pour l'homme le plus léger, le plus inconséquent, le plus vaniteux, ne pouvait pas m'offrir l'honneur de devenir son coopérateur et que je ne pouvais pas accepter cet honneur.
Mais ce sont là des misères et sauf l'impression du moment, ce n'est pas cet incident qui m'a laissé des impressions pénibles.
Ce qui m'a ému, ce que je veux relever, c'est l'accusation portée contre moi par l'honorable ministre des affaires étrangères, que j'aurais blâmé la conduite de certains membres de cette assemblée, que j'aurais révoqué en doute leur indépendance, que je l'aurais fait en termes désobligeants, en termes peu convenables. Je crois que ce sont les expressions dont l'honorable ministre s'est servi. Cette accusation a été reprise par l'honorable M. Pirmez, au moins quant au fond de ma pensée, sinon quant aux paroles dont je l'avais revêtue.
Messieurs, lorsque je crois à la vérité d'un principe et lorsque pour la cause que je sers dans des situations quelquefois difficiles, parce que je suis obligé d'éclairer un sentiment légitime et puissant pour le cœur de l'homme, le sentiment du patriotisme, lorsque, dis-je, je crois nécessaire de proclamer ce principe, il n'y a pas de considération humaine qui puisse m'imposer silence.
Mais est-ce à dire qu'en parlant comme je l'ai fait, j'aie entendu blâmer les opinions contraires à mon opinion. Est-ce à dire que j'aie entendu établir mon opinion comme indiscutable et irréfutable ? Est-ce à dire que j'aie voulu donner à cette opinion le caractère d'un règle de conscience qu'on ne pouvait franchir sans manquer à l'honneur ? Personne n'a pu le croire sérieusement.
Chacun de nous ici agit dans la plénitude de la conscience, de sa liberté, et de même que je ne reconnaîtrais à personne le droit de juger ma conduite, de même je ne veux pas m'arroger le droit de juger la conduite d'autrui.
(page 641) Ce que j'ai dit, ce que je maintiens c'est que je ne crois pas que l'action du gouvernement et le contrôle des Chambres puissent s'entremêler, puissent se confondre. Ce que je dis, c'est que je ne crois pas que le gouvernement puisse réfugier sa responsabilité derrière la responsabilité du parlement ou derrière la responsabilité des membres les plus éminents de cette assemblée. Voilà tout ce que j'ai soutenu.
On peut trouver cette thèse fausse, moi je la crois plus constitutionnelle que la thèse contraire ; on peut me traiter de puritain, on peut m'appelle économiste, puisque ce terme devient l'équivalent d'homme dénué de sens commun ; mais je demande qu'au moins on n'incrimine pas des intentions que je n'ai pas et que je n'ai jamais eues.
Quant aux précédents nombreux qui ont été invoqués et qui remontent tous ou presque tous à une époque où je n'avais pas encore l'honneur de siéger dans cette assemblée, je puis les regretter, mais je n'admets pas qu'ils puissent prescrire ce que je crois être le droit.
L'honorable M. Pirmez a essayé également de me mettre en contradiction avec moi-même en rappelant que, l'année dernière, j'avais demandé l'institution d'une commission d'enquête parlementaire.
Une commission pareille, messieurs, désignée par la Chambre, qui aurait eu le droit de procéder par voie rogatoire, aux délibérations de laquelle les membres de cette assemblée eussent pu assister, dont tous les actes, tous les travaux eussent été sténographiés et publiés ; une commission pareille ne peut se comparer à une commission mixte, nommée par le gouvernement, dont les délibérations ne nous seront connues que lorsque ses travaux seront achevés et qui délibère en secret. La différence est si palpable que je n'ai pas besoin d'insister. D'ailleurs, je ne veux pas rentrer dans le fond du débat.
J'ai soutenu une thèse. Est-elle fausse ? Est-elle vraie ? L'avenir en décidera. Ce que j'ai voulu en prenant en ce moment la parole, c'est protester contre l'assertion que j'aurais blâmé la conduite de mes honorables collègues, contre l'assertion que j'aurais révoqué en doute l'indépendance de leur opinion, et que je l'aurais fait en termes désobligeants.
Il est évident que les membres de la commission délibéreront dans la plénitude de leur liberté, et je ne sais pas où l'on pourrait trouver, dans les paroles que j'ai prononcées hier, le soupçon même que je fusse capable de penser le contraire.
Cependant, si dans un mot échappé à l'improvisation, si dans une phrase mal tournée, il pouvait se trouver la justification d'un soupçon pareil, je n'hésiterais pas à les désavouer, comme je n'hésite pas en ce moment à protester très énergiquement contre toutes les interprétations erronées qu'où a données à ma pensée.
Voilà, messieurs, ce que les égards que je dois à cette Chambre ; voilà ce que l'estime que j'ai pour tous mes honorables collègues, et la considération que je crois mériter me faisaient un devoir de déclarer.
-- L'article premier est mis aux voix et adopté.
« Art. 2. Traitements des employés civils : fr. 153,910.
« Charge extraordinaire : fr. 900. »
- Adopté.
« Art. 3. Supplément aux officiers et aux sous-officiers employés au département de la guerre : fr. 16,000. »
M. Hayezµ. - Messieurs, à la page 10 des développements du budget, nous trouvons une allocation de 10,000 francs pour les officiers employés au département de la guerre, et une autre de 6,000 fr. à distribuer entre les sous-officiers attachés au même département.
J'ai déjà dit, dans la discussion générale, les raisons pour lesquelles ces allocations devraient être supprimées ; elles se résument ainsi : c'est un avantage nouveau et non justifiable accordé à des officiers qui ont déjà, par leur position au ministère, beaucoup d'autres avantages sur leurs collègues employés avec la troupe.
Je ne puis admettre que l'on paye un travail extraordinaire à l'officier, à tout militaire ; lorsqu'on impose aux troupes des corvées extraordinaires à l'occasion de réjouissances publiques, par exemple, leur donne-t-on-une indemnité ? Et les travaux extraordinaires qui se renouvellent chaque année dans les régiments, les rétribue-t-on ? En aucune manière et l'on a parfaitement raison. Tous les moments du militaire sont acquis à l'Etat qui en dispose en bon père de famille, j'aime à le croire, mais qui a le droit d'en disposer.
Quant aux sous-officiers, doivent-ils recevoir une indemnité en sus de leur solde ? Je ne le pense pas. Leur vie à Bruxelles ne peut entrer en comparaison avec celle qu'ils auraient à leur régiment ; quiconque a servi dans les grades subalternes a pu voir que le sous-officier n'a pour ainsi dire pas un moment de libre ; que le soir il est harassé de fatigue et que son logement, dans la plupart des casernes, laisse tellement à désirer qu'il lui est pour ainsi dire impossible de s'adonner aux études qui le conduiraient au grade d'officier.
Son collègue du ministère, par contre, est libre à 4 heures ; il peut alors, suivant ses goûts, se livrer à l'étude ou aux distraction, ce qui, dans la capitale, est probablement le plus ordinaire, et se trouve, jusqu'au lendemain, affranchi de toute surveillance, ou à peu près. Autre avantage dont ils jouissent, et c'est le plus grand : au bout de quelques années de ce stage si agréable, ils reçoivent les épaulettes d'officier, car presque toujours c'est en prévision de ce dénouement qu'ils ont été détachés dans les bureaux.
Les officiers comme les sous-officiers ne devraient rester que peu de temps dans les bureaux ; ils y perdent presque toujours l'activité physique si indispensable au vrai militaire ; ils y oublient les besoins de la troupe ou bien ne sont jamais à même de les connaître, car quelques-uns y ont pour ainsi dire commencé leur carrière et semblent devoir l'y finir.
Les indemnités se distribuent-elles également aux employés civils ? C'est probable et cependant ces employés reçoivent un salaire plus élevé que leurs collègues des établissements militaires.
Le moindre employé du ministère touche de 1,200 à 2,000 francs ; à l'arsenal de construction d'Anvers, par exemple, le plus fort appointement est de 1,600 fr., le plus faible de 1,200, et tous ces employés ont leur bâton de maréchal.
Il est probable qu'il en est de même pour nos trois autres établissements militaires. Est-ce juste que des indemnités soient accordées à des employés civils pour travaux extraordinaires ? On peut l'admettre jusqu'à un certain point, parce que les heures de bureaux sont déterminées en quelque sorte par l'usage ; mais il vaudrait mieux qu'il n'en fût pas ainsi et qu'en prenant un employé on lui dit, comme engagement : Vous travaillerez aussi longtemps qu'il y aura de la besogne. Ce serait peut-être le meilleur moyen de diminuer la masse énorme des paperasses inutiles qui tendent à se multiplier tous les jours, car on crée quelquefois un travail pour avoir l'occasion de nommer un employé.
Je pense donc qu'il est de toute justice de supprimer du budget les 10,000 francs destinés aux indemnités.
Avant d'abandonner cet article, j'appellerai l'attention de l'honorable ministre sur le chiffre du personnel employé sous ses ordres.
L'Annuaire à la main, j'ai trouvé 120 officiers de tout grade, tant pour le ministère que pour le dépôt de la guerre ; les employés civils sont au nombre de 47 de sorte que voilà 167 fonctionnaires pour ce département. Est-il étonnant que les locaux soient trop resserrés ?
Je sais qu'au dépôt de la guerre on confectionne la carte du pays, mais il est probable que la division est composée avec le même luxe de personnel que l'on remarque ailleurs. On y distribue aussi des salaires et des indemnités, comme on peut le voir dans le compte rendu par les ministres en 1864, où une somme de 15,618 francs figure en dépense de ce chef.
Dans l'Annuaire de 1836, on voit que 23 officiers étaient employés au département de la guerre avec 16 employés civils ; total 39, pas le quart de ce qu'il est aujourd'hui, et l'armée était alors sur le pied de guerre.
Je désirerais qu'à la page 11 du budget on trouvât inscrite, dans la colonne d'observations, la liste nominative des employés du ministère tant civils que militaires, avec l'indication des appointements qu'ils reçoivent, indemnités comprises.
Ce renseignement, qui n'augmenterait en aucune façon le volume du budget, serait fort utile pour éclairer les Chambres sur les dépenses réelles occasionnées par l'administration de la guerre.
Aujourd'hui ce renseignement ne s'obtient et en partie encore que par des recherches assez laborieuses dans l’Annuaire militaire, document qui n'est pas distribué aux Chambres.
Ce que je dis pour le ministère s'applique également à l'état-major des provinces et des places (page 10), à l'école d'équitation (page 23) où elle est confondue avec le régiment des guides, à l'école militaire (page 38), aux établissements militaires (page 40).
Le budget est, messieurs, une demande de fonds ; les développements doivent renseigner clairement la législature et la mettre en position de juger de l'opportunité des dépenses, c'est à ce titre que je réclame les renseignements indiqués plus haut. Je ne pense pas qu'ils soient refusés, car je ne puis admettre que le chef du département autorise des dépenses qu'il n'oserait avouer.
(page 642) MgGµ. - Messieurs, il y a, en effet, beaucoup d'officiers employés au ministère de la guerre ; mais un grand nombre d'entre eux sont occupés aux travaux de la carte. Ils passent la plus grande partie de l'année sur le terrain et ne reviennent que l'hiver au dépôt de la guerre pour mettre au net leurs croquis topographiques.
Quant aux autres employés du ministère, je ne puis les suivre de près dans leurs travaux ; tout ce que je sais, c'est que depuis trois mois, le ministre travaille dès huit heures du matin jusque bien avant dans la soirée et que des chefs de division travaillent même. Or, je doute que leurs subordonnés soient soumis à un régime plus doux.
Il est possible qu'au ministère de la guerre, comme dans toutes les autres administrations, l'un ou l'autre employé laisse faire une partie de sa besogne par des collaborateurs, comme, dans un attelage, un cheval laisse son voisin faire plus d'efforts que lui. Je crois que c'est un mal très difficile à détruire.
Quoi qu'il en soit, les indemnités accordées aux officiers du ministère me paraissent méritées et justifiées ; elles ne sont pas très élevées et on ne pourrait les supprimer sans détruire l'émulation et léser certaines positions acquises.
L'honorable M. Hayez a demandé qu'on renseignât au budget, dans les développements, les noms des fonctionnaires qui sont attachés au département de la guerre. J'examinerai jusqu'à quel point il pourra être satisfait, dans le prochain budget, au désir exprimé par l'honorable membre.
- L'article 3 est mis aux voix et adopté.
« Art. 4. Matériel : fr. 40,000. »
- Adopté.
« Art. 5. Dépôt de la guerre : fr. 19,000.
« Charge extraordinaire : fr. 175,000. »
- Adopté.
« Art. 6. Traitement de l’état-major général : fr. 851,896 80. »
- Adopté.
« Art. 7. Traitement de l'état-major des provinces et des places : fr. 357,225 70. »
- Adopté.
« Art. 8. Traitement du service de l'intendance : fr. 165,928 50. »
- Adopté.
« Art. 9. Traitement des officiers de santé : fr. 244,910. »
M. Coomans. - Messieurs, au sujet du service de santé, je renouvellerai avec un certain espoir de succès, devant un ministre de la guerre dont les sentiments d'équité et d'humanité ne sont révoqués en doute par personne, une observation que j'ai infructueusement faite dans une autre occasion, je veux parler de l'usage abusif du droit du département de la guerre, de déterminer le nombre des factionnaires.
Il m'a toujours paru que le nombre des sentinelles est beaucoup trop considérable surtout dans la saison hivernale et pendant la nuit.
Ce sentiment est partagé par vous tous, j'en suis persuadé. Quant à moi, dans les rares occasions où je retournais au logis la nuit et pendant l'hiver, j'ai vu avec beaucoup de peine, lorsqu'il neigeait ou gelait comme on dit à pierre fendre ; j'ai vu de malheureux factionnaires transis de froid comme des chiens mis à la porte, devant des maisons fermées où leur présence était absolument inutile.
Je n'ai pas même compris la nécessité de placer, la nuit et pendant l'hiver, des sentinelles devant le premier établissement politique du royaume, devant le palais des deux Chambres ; je ne m'en croirais pas moins honoré du titre de représentant de la nation, s'il n'y avait pas à la porte du palais des deux Chambres 4 ou 5 malheureux qui font là le pied de grue. Notre dignité ne consiste pas dans le malheur de nos semblables.
J'apprends avec plaisir, ce qui confirme la vérité de mon observation et en assure le succès ; j'apprends que M. le ministre de la guerre, un de nos meilleurs et plus respectables généraux, a supprimé les sentinelles devant sa porte ; qu'il les supprime partout, et personne ne se plaindra.
En vérité, il y a abus en cette matière. L'honorable ministre des affaires étrangères semble le nier ; mais vous ne le pouvez pas...
M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Vous faites beaucoup de bruit pour peu de chose.
M. Coomans. - Pour peu de chose !... Mais le millier de malheureux qui souffrent chaque jour en Belgique devant des guérites, n'est pas de votre avis. Ce n'est pas peu de chose, c'est beaucoup que d'obliger un simple milicien envers lequel vous avez déjà tant de loris, à souffrir inutilement à la porte d'hôtels fermés et bien chauffés.
Que le commandant en chef d'une place ait sa sentinelle, que le Roi en ait, que la Chambre en ait une ou deux, ce qui me paraîtrait suffisant pour maintenir le principe, je le conçois ; mais qu'on place des sentinelles à la porte des moindres chefs ou commandants, qu'on mette des sentinelles devant les banques, qui sont assez riches pour défendre elles-mêmes leurs écus, ce qui est du reste le devoir de la police locale, voilà ce que je ne conçois pas. Quel intérêt avez-vous à défendre la bourse de nos banquiers ? Que la police le fasse.
On abuse des factionnaires, et j'en dirais davantage, si je n'étais sûr que M. le ministre me donne raison et qu'il prouvera par le fait que j'ai raison.
M. Vleminckxµ. - Messieurs, si l'honorable M. Coomans a lu le rapport de la section centrale, il doit y avoir trouvé la réponse à la demande qu'il vient de faire. M. le ministre de la guerre a répondu de la façon la plus positive à la section centrale que la question des factionnaires avait attiré son attention et qu'il en diminuerait le nombre dans la mesure du possible.
Mais ce n'est pas pour répondre à l'honorable M. Coomans que j'ai demandé la parole. Je crois devoir répondre quelques mots à l'honorable M. Couvreur.
Dans le discours qu'il a prononcé avant-hier, il a appelé l'attention de la Chambre sur l'écart considérable qui existe en Prusse et en France, quant à la mortalité, entre la population civile et la population militaire.
L'honorable membre a parfaitement raison, cet écart a été signalé et justement signalé.
Mais il a ajouté qu'il croyait pouvoir affirmer, quoiqu'il n'est pas vu les documents, que le même écart existe pour la Belgique. Je crois à mon tour que l'honorable membre est un peu dans l'erreur ; non pas que l'écart n'existe pas, mais très certainement il n'existe pas dans la même proportion.
Messieurs, l'écart existât-il, encore faudrait-il chercher les causes de cette situation ailleurs que là où l'honorable membre croit l'avoir trouvée. L'honorable membre a accusé les casernes. Je ne sais si je donne à ce mot « caserne » l'interprétation qu'il a voulu donner par ce mot, je ne sais s'il a voulu dire la vie militaire, ou s'il l'a pris dans son acception ordinaire.
M. Couvreurµ. - J'ai entendu dire : la vie de caserne.
M. Vleminckxµ. - C'est bien ; mais ailleurs on pourrait lui donner une autre signification. Or, je crois devoir dire à la Chambre que tous les ministres de la guerre qui se sont succédé au pouvoir ont fait tout ce qu'il est possible de faire pour assainir les casernes. J'ai d'autant plus le droit de le dire, que c'est moi qui ai eu l'honneur de proposer les mesures qui ont été adoptées et de surveiller leur application.
Je pense donc devoir prémunir la Chambre et le pays contre la crainte qu'aurait pu produire l'observation de l'honorable M. Couvreur, à savoir que les casernes seraient une grande cause de mortalité dans l'armée.
M. Guillery. - Il y a des casernes très malsaines.
M. Vleminckxµ. - Je voudrais que l'honorable M. Guillery les signalât. Quant à moi, je dois déclarer que les casernes les plus malsaines ont été assainies dans la mesure du possible, et si l'honorable membre veut accepter d'en faire la visite avec moi, je lui montrerai tout ce qu'on y a fait dans l'intérêt du soldat.
M. Coomans. - C'est souvent la faute des communes.
MgGµ. - Je ne sais pas si l'honorable M. Coomans désire d'autres explications quant aux sentinelles. Je crois que la déclaration de l'honorable M. Vleminckx doit lui donner satisfaction.
M. Coomans. - J'aimerais mieux la recevoir de votre bouche.
MgGµ. - Le rapport de la section centrale vous indique mes intentions. Non seulement je désire diminuer les sentinelles autant que possible, mais comme je ne veux froisser aucun amour-propre, la mesure qui sera prise sera une mesure générale et non une mesure exceptionnelle applicable à une seule ville.
(page 643) M. Coomans. - C'est parfait.
M. Couvreurµ. - Je dois une explication à la Chambre à la suite de la question que vient de m'adresser l'honorable M. Vleminckx.
Je n'ai pas en ce moment en ma possession les documents propres à établir mes assertions, mais ce que je crois pouvoir affirmer de mon côté, c'est que la proportion de la mortalité dans l'armée belge n'est pas de beaucoup inférieure à la proportion dans l'armée française, les deux armées étant sur le pied de paix.
J'ajoute que lorsque j'ai parlé de l'influence des casernes sur la mortalité, il n'est pas entré dans ma pensée de faire allusion à l'état plus ou moins hygiénique des locaux.
J'ai voulu dire que ce qui contribue puissamment à augmenter la mortalité dans l'armée, ce sont les exercices hors de proportion avec les forces de natures affaiblies, c'est la nostalgie qui s'empare souvent des soldats éloignés de leurs foyers, de leurs occupations, de leurs affections ; c'est la vie inutile, contre nature qu'on leur impose, l'alimentation insuffisante, les rigueurs de la discipline, toutes les misères enfin de la vie militaire dans une armée condamné à l'inaction par notre neutralité et qui pèsent si lourdement sur l'état moral et physique de nos miliciens.
M. Vleminckxµ. - Je crois pouvoir rassurer l'honorable M. Couvreur quant à la nostalgie qui, suivant lui, s'emparerait de nos soldats. Je déclare à la Chambre que c'est ce que j'ai le moins observé dans l'armée. Il peut en exister des cas, mais ils sont très rares.
L'honorable membre a affirmé que l'écart signalé quant à la mortalité dans l'armée française et dans l'armée prussienne, existe également dans l'armée belge ; je me permets de faire observer à l'honorable membre que ses renseignements ne sont pas officiels. Comme inspecteur du service de santé de l'armée, j'ai dressé pour le département de la guerre des documents officiels et je déclare de la manière la plus positive que l'écart est moins considérable pour la Belgique que pour la France et pour la Prusse.
Du reste, je saisis cette occasion pour demander à l'honorable ministre de la guerre s'il ne serait pas possible qu'il demandât au service de santé de l'armée de dresser annuellement des états statistiques officiels de mortalité, comprenant tous les détails possibles concernant les causes de cette mortalité, indiquant les maladies auxquelles les soldats ont succombé, la proportion de la mortalité dans l'armée comparée à la mortalité dans la population civile, non pas pour garder ces documents dans les archives du département de la guerre, mais pour les rendre publics. Ce sont des documents importants, non seulement pour l'administration mais pour la science.
MgGµ. - Les documents dont parle l'honorable M. Vleminckx existent au ministère de la guerre.
M. Vleminckxµ - Je voudrais qu'ils fussent publiés.
- L'art. 9 est adopté.
« Art. 10. Nourriture et habillement des malades ; entretien des hôpitaux : fr. 574,750. »
- Adopté.
« Art. 11. Service pharmaceutique : fr. 120,000. »
- Adopté.
« Art. 12. Traitement et solde de l'infanterie : fr. 13,313,175.
« Les crédits qui resteront disponibles, à la fin de l'exercice, sur les chapitres II, III, IV et VIII, concernant le personnel, pourront être réunis et transférés, par des arrêtés royaux, à la solde et autres allocations de l'infanterie, ce qui permettra le rappel sous les armes, pendant un temps déterminé, d'une ou de deux classes de miliciens, qui appartiennent à la réserve. »
M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Messieurs, je demande la parole pour obtenir de l’honorable ministre de la guerre une explication que je ne trouve pas dans les développements de son budget.
A la page 2 de l'exposé des motifs, je lis :
« Le budget du ministère de la guerre, pour l'exercice 1867, est établi sur une force moyenne de 40,133 hommes et 8,802 chevaux. »
A la page 36, au contraire, je trouve dans la récapitulation de l'effectif, que le nombre d'hommes ne s'élève qu'à 37,810,
Il y a là une différence de 2,323 hommes.
Pour les chevaux, les tableaux donnent, pour la cavalerie 4,502 chevaux et pour l'artillerie 1,595 chevaux. Total, 6,097 chevaux.
Je féliciterai de tout mon cœur l'honorable ministre, si ces chiffres sont le résultat d'économies faites sur son budget, mais je ne comprends pas le défaut de concordance que je viens de signaler entre les chiffres que je viens de citer. Je désirerais une explication à cet égard.
MgGµ. - Je crois que le chiffre de 37,810 hommes est la moyenne générale des corps de troupes. Le chiffre de 40,133 hommes représente l'effectif général, comprenant, outre les troupes, la gendarmerie, les états-majors et les fonctionnaires et employés civils de toute nature.
- L'article 12 est adopté.
« Art. 13. Traitement et solde de la cavalerie : fr. 3,818,590. »
- Adopté.
« Art. 14. Traitement et solde de l'artillerie : fr. 3,217,606 25. »
- Adopté.
« Art. 15. Traitement et solde du génie : fr. 873,410. »
- Adopté.
« Art. 16. Traitement et solde des compagnies d'administration : fr. 285,200.
« Les hommes momentanément en subsistance près d'un régiment d'une autre arme compteront, pour toutes leurs allocations, au corps où ils se trouvent en subsistance. »
- Adopté.
« Art. 17. Etat-major, corps enseignant et solde des élèves : fr. 184,672 27. »
M. Hayezµ. - Messieurs, je suis, comme j'ai eu l'honneur de vous le dire, contraire à toute espèce d'indemnité, non motivée par un surcroît de dépense.
Je sais que la loi qui détermine l'organisation de l'école (18 mars 1838, Journal militaire officiel) alloue des indemnités aux professeurs et inspecteurs des études.
Mais faut-il modifier celle loi ou la laisser subsister ? Voilà la question.
Quant à moi, je pense que l'officier qui donne un cours n'est pas plus méritant qu'un autre ; il fait un service qu'il a choisi. Si, la première année qu'il professe, il se livre à un travail plus assidu, il n'en est pas de même des années suivantes, pendant lesquelles il jouit de tous les avantages de la position, et n'a aucun des inconvénients attachés au service des régiments.
D'ailleurs le nombre des leçons à donner chaque année est fort restreint pour plusieurs cours, comme l'honorable ministre peut le voir d'après les tableaux qui lui sont remis.
La loi de 1838 laisse, pour la répartition des indemnités, une latitude dont il est probable qu'on abuse ; ce qui m'autorise à le croire, c'est la comparaison du chiffre de l'indemnité avec le nombre de ceux qui doivent la partager.
Le commandant de l'école, d'après la loi, touche une indemnité qui ne peut dépasser 4,000 fr.
On lui alloue 3,000 fr. aujourd'hui, mais il jouit en outre d'un logement, d'un mobilier fourni et entretenu aux frais de l'Etat, comme pour un ministre, de trois rations de fourrages ; de plus il est dans la section d'activité.
Les fonctions de directeur des études ont, pendant longtemps, été remplies par le commandant de l'école, ainsi que le permet la loi. Aujourd'hui les fonctions sont divisées.
Le commandant en second, dont le poste a été longtemps vacant, reçoit une indemnité plus élevée que la loi ne le permet et, de plus, le logement.
La loi autorise quatre inspecteurs des études, l'Annuaire en accuse neuf. Une indemnité de 1,500 fr. leur est allouée, et quelles sont en définitive les fonctions qu'ils remplissent sous un titre pompeux ? Celles de maître d'étude, de surveillant.
Voici une anomalie qu'il me paraît bon de signaler : l'indemnité d'après la loi ne peut s'élever au delà de 1/3 des appointements.
(page 644) Un lieutenant d'infanterie reçoit 2,100 fr. d'appointements. Indemnité d'inspecteur d'étude : 1,500 fr. Total : 3,600 fr.
S'il est professeur il touche 2,100 fr. d'appointements. Indemnité 2,100/3, 700 fr. Total : 2,800 fr. Soit 800 fr. de moins qu'au maître d'étude.
Combien n'y a-t-il pas de professeurs civils qui ne jouissent que de 1,500 fr. d'appointements pour travailler beaucoup et toute l'année !
Le budget demande 6,000 fr. pour 4 inspecteurs des études ; comment sont indemnisés les 5 autres, puisque la loi attribue une indemnité de 1,500 fr. ces fonctions ?
Pourquoi les inspecteurs des études sont-ils, en très grande majorité, tirés de l'infanterie ? Il me semble qu'il n'en devrait pas être ainsi.
Pourquoi ne pas mettre, comme inspecteurs des études, les lieutenants qui sortent de la classe des sous-officiers et qui demandent à être mis à même d'acquérir les connaissances exigées pour le grade de capitaine ? Ils ne recevraient pas l'indemnité et au bout de deux ans seraient soumis à l'examen, pour être remplacés par d'autres officiers de la même catégorie. Les sections d'études réclamées seraient rétablies de fait par cette disposition.
J'en reviens à la comparaison de ce qui existe à l'école avec ce que la loi prescrit.
D'après la loi, le nombre des professeurs ne peut dépasser de 18. Il est de 19.
Le nombre des maîtres ne peut dépasser 6 ; il est aujourd'hui de 8, dont 5 militaires.
A la vérité, on a établi un manège spécial pour l'école, et le manège emploie : 1 capitaine et 1 lieutenant (soit 2 maîtres militaires), 1 surveillant, 1 brigadier, 10 soldats.
La location du manège coûte 3,000 francs ; des chevaux, je ne sais combien il y en a.
Ce luxe est-il nécessaire, et ne vaudrait-il pas mieux, comme cela se faisait jadis, s'arranger avec le propriétaire d'un manège civil, pour les leçons et les chevaux.
Je trouve encore parmi le personnel attaché à l'école un employé appelé vaguemestre conservateur des bâtiments. J'avoue que je ne m'explique pas ses fonctions, car dans toutes les places il y a un officier du génie préposé à l'entretien des bâtiments de l'Etat, et je pense que l'école militaire est de ce nombre.
En 1836 il y avait à l'école : 11 officiers et 13 professeurs civils ; 26 en tout. Aujourd'hui il y en a 06, dont 40 officiers.
En 1863 le corps enseignant tout entier se composait de 49 membres. La moyenne des études s'est-elle élevée depuis ces époques ? Je ne le pense pas ; l'honorable ministre est plus à même que moi de le savoir d'une manière précise.
Messieurs, le mot « indemnité » signifie, je crois, réparation d'un dommage reçu ; est-il dû des indemnités à ceux qui, par leur position spéciale, ont déjà des avantages de toute nature ? Je ne le pense pas, et je prie M. le ministre d'examiner s'il n'y a pas lieu d'apporter des modifications à la loi.
Il peut être persuadé que l'abolition des indemnités ne diminuera pas le nombre des aspirants aux emplois de l'école militaire et du ministère de la guerre ; en outre, justice sera rendue à ce qui est réellement la partie laborieuse, besogneuse de l'armée, je veux dire les officiers employés avec la troupe. Si l'on trouve juste d'accorder une indemnité à celui qui donne quelques leçons, ne serait-il pas bien plus juste d'en accorder, et de beaucoup plus fortes, à celui qui est mutilé au service ?
Messieurs, si je me suis si longuement étendu sur les dépenses occasionnées par l'école militaire, c'est que je les crois susceptibles d'être diminuées de beaucoup sans nuire à l'établissement ; c'est que je crains, au contraire, que leur élévation progressive ne conduise à la suppression d'une institution que je regarde comme utile à l'armée et au pays. L'abus amène toujours la réforme.
MgGµ. - Messieurs, je crois que dans les observations que vient de faire l'honorable colonel Hayez, il en est quelques-unes à prendre en considération. Quant à l'école militaire, elle est établie en vertu d'une loi qui règle le nombre des professeurs et qui fixe le chiffre des indemnités à leur allouer. Ce chiffre n'est pas atteint, car les professeurs qui reçoivent des indemnités ne touchent pas le maximum de ce que la loi accorde.
L'école militaire est un de nos établissements les plus remarquables ; c'est une pépinière de bons officiers, et M. le colonel Hayez, qui a servi longtemps dans l'artillerie, ne contestera pas que les élèves qu'elle a produits font honneur à l'institution comme ils font honneur à l'armée.
La renommée de notre école militaire s'est étendue au loin.
Les étrangers viennent y puiser l'instruction qu'ils ne peinent pas trouver dans leur pays. Il serait donc bien regrettable d'amoindrir cet établissement.
L'honorable colonel Hayez considère comme un adoucissement de ne pas faire le service actif dans l'armée, Tout le monde n'est pas de son avis.
En général le militaire aime mieux la vie active et si je pouvais parler de moi, je dirais que j'aimerais mieux commander une division que de m'enfermer au ministère pendant 8 heures par jour. Il est juste de récompenser les officiers qui se consacrent à l'enseignement. Les hommes capables d'enseigner sont rares ; entre savoir et répandre ses connaissances il y a une grande différence. Les officiers qui enseignent ont un mérite de plus que les autres, et ce mérite il faut le récompenser quand on le peut.
- L'article est adopté.
« Art. 18. Dépenses d'administration : fr. 29,003 73. »
- Adopté.
« Art. 19. Traitement du personnel des établissements : fr. 48,500. »
- Adopté.
« Art. 20. Matériel de l'artillerie : fr. 800,000. »
- Adopté.
« Art. 21. Matériel du génie : fr. 700,000. »
M. Hayezµ. - A plusieurs reprises, messieurs, j'ai eu l'honneur de vous faire observer que les demandes de fonds pour l'entretien des places fortes et les nouvelles constructions dans ces places, demandes formulées dans un tableau spécial du chapitre VII du budget, article 21, constituaient une espèce de dérision, parce que, dans l'exécution, il n'est tenu aucun compte des demandes partielles ; le total seul semble important, le département de la guerre tient à avoir annuellement 606,000 fr. à sa disposition et il en use comme bon lui semble.
Je vais, par des chiffres vous prouver ce que j'avance.
En 1861 il a été demandé pour la ville d'Ostende 57,000 fr., il n'en a été dépensé que 49,000 (chiffre rond) ;
Pour Termonde on demande 42,000 fr., on dépense 61,000 fr.
Pour le camp de Beverloo on demande 179,000 fr., on dépense 140,000 fr.
Pour la place d'Anvers on demande 27,000 fr., on dépense 46,000 fr.
Pour l'ancien camp retranché on demande 5,000 fr., on dépense 13,000 fr.
Pour le polygone de Brasschaet on demande 7,000 fr., on dépense 23,000 fr.
Pour Lierre, Louvain et Malines, on dépense seulement la moitié des sommes demandées.
Je n'abuserai pas des moments de la Chambre en énumérant les chiffres consignés dans les comptes rendus par les ministres pour les trois années suivantes : 1862, 1863, 1864.
Je me bornerai à faire mention des écarts considérables que l'on rencontre relativement à la place de Termonde.
Pour les quatre années dont je m'occupe, il a été demandé un crédit de 251,000 fr. en chiffres ronds et il a été dépensé 452,000 fr. c'est-à-dire 200,000 fr. de plus que la somme accordée, ou 50,000 fr. par année.
Cette manière de faire donne lieu de penser, ou bien que le commandant du génie de cette place n'établit pas bien ses devis, ou bien, ce que je suis plus porté à croire, que le département de la guerre veut cacher à la Chambre les projets qu'il a formés sur Termonde.
(page 645) Je ne crois pas que cette manière de faire puisse convenir à la Chambre car elle constitue un véritable abus. Il est facile d'en empêcher le retour en décidant que les demandes de crédit pour les différentes places ne se résumeront plus en une somma globale, mais que chacun de ces crédits formera un article séparé dans le chapitre VII.
Ainsi les différentes catégories de dépenses désignées, à la page 44, par des lettres seulement, le seront par des articles ; la lettre a deviendra l'article 21, la lettre b l'article 22, et l'on suivra cette marche jusqu'à la fin du tableau de la page 43, dans lequel la place de Vilvorde, mentionnée la dernière, deviendra l'article 32.
Cette demande, qui paraîtra peut-être oiseuse au premier abord, a cependant son importance, car elle a pour but d'empêcher que l'on ne dépense à l'exécution de travaux qui n'ont pas été l'objet de réflexions assez mûries, une partie notable de la somme assez ronde (fr. 606,000) allouée chaque année pour les travaux dans les places. Que l'expérience acquise depuis quelques années, au détriment du trésor, nous serve au moins pour l'avenir.
Les journaux se sont occupés de certains projets à l'égard de la place de Termonde. Si ces projets sont réels, je crois, messieurs, qu'ils ne peuvent être mis à exécution sans l'assentiment des Chambres, je. crois qu'il est de la dignité du gouvernement de faire connaître, ses intentions.
MgGµ. - Messieurs, la somme globale portée au budget de la guerre, à la page 44, chapitre VII, est appliquée à l'entretien et aux réparations des fortifications et des bâtiments militaires ; elle peut être, affectée à des constructions neuves, mais elle n'est pas employée à la construction de places nouvelles.
Il est du reste impossible de prévoir exactement quelle dépense exigera chaque place. Le budget est établi longtemps d'avance.
Les directeurs du génie font tous les ans une inspection des places qu'ils ont dans leur direction, et ils envoient au ministère de la guerre des propositions motivées. Il peut arriver que les prévisions ne se réalisent pas ; certaines dépenses dépassent le chiffre fixé d'abord, d'autres ne l'atteignent pas.
Enfin, et c'est le cas qui amène le plus de modifications dans le tableau, telle circonstance de force majeure rend urgent un travail qui n'avait pas été prévu et oblige d'ajourner des ouvrages qu'on comptait pouvoir exécuter.
On transfère alors les sommes d'une place à l'autre. C'est ce qui est arrivé. Mais lorsqu'il s'agit de fortifications nouvelles, les Chambres en sont toujours informées.
Je ne demande pas mieux, messieurs, que de donner plus d'extension aux développements du budget, mais je crois que ce serait compliquer énormément l'administration sans bénéfice aucun pour le trésor.
M. Vermeireµ. - Messieurs, l'honorable M. Hayez a fait à M. le ministre de la guerre une seconde demande, à savoir si les ouvrages nouveaux qu'on ferait à Termonde, d'après la version de certains journaux, le seraient sans l'assentiment de la Chambre.
Je crois que l'extension que l'on donne, déjà, à ces travaux, et celle qu'on y donnera encore à l'avenir devraient faire l'objet d'une loi spéciale et ne point être imputés sur les crédits alloués par le budget.
MgGµ. - J'aurai l'honneur de dire à l'honorable M. Vermeire qu'on ne fait rien de nouveau à Termonde. Ce sont les anciennes fortifications qu'on améliore pour les mettre en état de résister à la nouvelle artillerie.
M. Vermeireµ. - Il y a des extensions. Les opérations que l'on fait aux fortifications de Termonde sont considérables.
MgGµ. - On a élargi les remparts et renforcé les parapets dont l'épaisseur n'était pas suffisante, mais on n'a pas fait de nouvelles fortifications proprement dites.
M. Hayezµ. - Messieurs, je comprends très bien qu'il soit impossible à un officier du génie commandant dans une place de dresser, à quelques francs près le devis des réparations nécessaires pendant l'année qui doit suivre un exercice courant. Je suis donc très tolérant sous ce rapport peur les écarts qui peuvent se produire et que la nature même des choses rend inévitables ; mais je ne puis admettre une différence de 50,000 fr. dans les prévisions.
Je crois qu'il doit y avoir là quelque chose d'anomal et qu'une explication devrait être donnée à la Chambre.
Je sais qu'il paraissait urgent de faire, à la place de Termonde, certaines modifications. Ainsi, une grande partie du terre-plein du rempart est vue de la route de Bruxelles.
Si l'on exhausse les remparts, ce travail exige des dépenses assez fortes parce que les terres ne peuvent se tirer des fossés à cause de la nature même du sol ; il faut donc les amener de l'extérieur, et les transports nécessitent de grandes dépenses.
Cependant, encore une fois, je ne pense pas qu'un devis n'ait pu prévoir cette différence de 50,000 francs.
M. Beeckman. - Messieurs, de tout temps on a autorisé la construction de bâtiments provisoires dans la zone réservée des fortifications militaires.
Depuis l’établissement du chemin de fer d'Anvers vers Hasselt, il est arrivé que la station de Diest s'est trouvée dans le rayon réservé des fortifications. On a demandé dès l'origine, l'autorisation de construire des magasins provisoires sur les terrains de la station, et jusqu'à ce jour aucune autorisation n'a été accordée.
Je demanderai à M. le ministre de guerre s'il n'y aurait pas moyen de lever cette interdiction et de permettre ces constructions pour lesquelles on veut prendre l’engagement de démolir aussitôt que le département de la guerre le voudra. D'après moi, il n'y aurait à cela aucune difficulté pratique, attendu qu'à un moment donné le département de la guerre n'aurait qu'à donner l'ordre de démolir et qu'il rentrerait immédiatement en possession des terrains.
MgGµ. - Je demanderai à l'honorable préopinant la permission d'examiner cette, question, et s'il y a moyen de la résoudre conformément à sa demande, je le ferai.
M. Beeckman. - Je remercie M. le ministre de la guerre de ce qu'il veut bien me dire.
- L'article est adopté.
« Art. 22. Pain : fr. 1,903,351 36. »
- Adopté.
« Art. 23. Fourrages en nature : fr. 3,096,587 10. »
- Adopté.
« Art. 24. Casernement des hommes : fr. 652,506 36. »
M. Vleminckxµ. - Messieurs, l'honorable ministre de la guerre a bien voulu me répondre qu'il était parfaitement de mon avis en ce qui concerne la mauvaise influence des cachots. Il a même ajouté que lui aussi croyait qu'il était utile d'y substituer le système cellulaire. Toutefois, l'honorable ministre recule un peu devant les difficultés, parce qu'il va des casernes appartenant à l'Etat et d'autres appartenant aux villes.
Dans celles qui appartiennent aux villes, les cellules devraient être installées aux frais des villes.
Eh bien, j'adjure l'honorable ministre d'insister auprès des villes pour que le système cellulaire soit installé dans leurs casernes le plus tôt possible.
- Une voix. - A leurs propres frais.
M. Vleminckxµ. - A leurs propres frais, certainement ; c'est un grand devoir qu'elles ont à remplir. (Interruption.) Permettez ; il n'est pas possible que l'Etat maintienne dans les cachots actuellement existants, les soldats qui sont arrachés à leurs foyers pour le service de l'Etat, et, s'il le faut, je ne me refuserai pas, quant à moi, à allouer des subsides à cet effet. (Interruption.)
J'en appelle à l'humanité de tous les membres de cette Chambre ; qu'ils visitent ces cachots et ils seront convertis à la cause que je défends. C'est au nom de la moralité publique que je demande la suppression des cachots.
Il ne s'agirait pas, suivant moi, d'installer des cellules dans toutes les casernes des villes qui en ont plusieurs. Un seul cellulaire suffirait pour une garnison, s'il était bien administré et bien organisé.
Si le régime que je préconise était adopté, vous seriez bientôt à même de constater son heureuse influence, car en peu de temps vous verriez disparaître un grand nombre de soldats de la compagnie de discipline. Or, l'honorable ministre de la guerre sait ce que sont les hommes qui (page 646) ont été un grand nombre de fois dans ces malheureuses salles de punition et qui enfin sont envoyés aux compagnies de discipline. Ce sont de véritables démons, qu'il est impossible de dompter, et ils sont arrivés à cet état par les mauvaises punitions qu'ils ont subies.
- L'article est adopté.
« Art. 25. Renouvellement de la buffleterie et du harnachement : fr. 100,000. »
- Adopté.
« Art. 26. Frais de route et de séjour des officiers : fr. 100,000. »
- Adopté.
« Art. 27. Transports généraux : fr. 75,000. »
- Adopté.
« Art. 28. Chauffage et éclairage des corps de garde : fr. 70,000. »
- Adopté.
« Art. 29. Remonte : fr. 526,840. »
M. Coomans. - L'intention de l'honorable ministre de la guerre serait-elle d'employer, cette année, cette somme de 526,840 fr. à l'achat de chevaux alors que la commission militaire et nous aurons à examiner bientôt s'il n'y a pas lieu de réduire la cavalerie ? Ne craignez-vous pas qu'en dépensant cette somme, nous nous trouvions dans le cas où votre prédécesseur s'est trouvé l'an dernier ? Après avoir acheté beaucoup de chevaux, il n'a plus su qu'en faire et a été obligé de s'en débarrasser à perte.
Je crois que dépenser aujourd'hui 526,840 francs pour la remonte, ce serait préjuger le vote à intervenir au sujet des cadres de la cavalerie. (Interruption.) Vous vous exposeriez ainsi à avoir sur les bras une masse de chevaux dont vous ne sauriez que faire. Il me semble qu'avant-de faire une dépense il faut s'assurer de son utilité (Interruption.) Je sais que nous votons le budget pour 1867 et que les chevaux que l'on achèterait figureraient au budget de 1867 ; mais après avoir figuré au budget de 1866 pour l'achat, ils devront figurer au budget de 1868 pour l'entretien. Il me paraît qu'il serait plus sage de n'en pas acheter du tout jusqu'à ce que le sort de la cavalerie soit décidé. (Interruption.) En logique militaire, je ne suis pas compétent, mais quand je ne sais pas si je puis employer utilement des chevaux demain, je n'en achète pas aujourd'hui.
MgGµ. - L'honorable M. Coomans, exprime l'opinion qu'il serait bon d'ajourner la remonte de cette année ; peut-être cela serait-il possible pour les chevaux de trait, mais pour les chevaux de selle il y aurait des inconvénients à le faire.
On n'achètera cette année que ce qui sera nécessaire à l'armée. Si les réductions dont parle l'honorable M. Coomans devaient être effectuées, on pourvoirait aux nécessités de la situation nouvelle, en ne faisant pas de remonte ou simplement une. remonte partielle l'année prochaine.
- L'article 29 est adopté.
« Art. 30. Traitements divers et honoraires : fr. 108,392 77.
« Charge extraordinaire : fr. 773 80. »
- Adopté.
« Art. 31. Frais de représentation : fr. 30,000. »
- Adopté.
« Art. 32. Pensions et secours : fr. 103,150.
« Charge extraordinaire : fr. 2,975,86. »
M. Coomans. - L'honorable ministre s'opposerait-il à une proposition que je suis très tenté de lui faire et qui est d'augmenter de 50,000 fr. le budget de la guerre ?
- Des voix à gauche : Ah ?
M. Coomans. - Je m'explique ; nous sommes au chapitre des pensions et secours ; or, tous tant que nous sommes, particulièrement les anciens nous savons de quelle avarice légale, pourtant excusable, le département de la guerre se montre envers les nombreux miliciens qui, sans avoir un strict droit à la pension, ont au moins des titres à la reconnaissance, à coup sûr à la bienveillance de l'Etat.
Une foule de miliciens malheureux, qui ont quitté l'armée pour l'une ou l'autre raison (je ne suppose que des raisons honorables) s'adressent à chaque instant au gouvernement pour obtenir quelque secours ; et invariablement la réponse du gouvernement est conçue en ce sens ; Vous avez raison, ce sujet est digne de quelques égards, mais nous n'avons pas d'argent. Telle est la réponse qui nous a été faite par plusieurs ministres de la guerre, et je suis sûr que cette réponse serait particulièrement pénible à l'honorable général Goethals s'il devait se trouver dans la nécessité de nous la faire.
Je trouve qu'il ne serait que juste de pouvoir donner de temps en temps, ne fût-ce que 20 à 50 fr., à un malheureux qui a des titres et des titres sérieux à la reconnaissance publique.
Je pourrais ici entrer dans des développements qui justifieraient pleinement ma thèse ; mais je m'en abstiens, parce que votre expérience suppléera à mon silence.
Je propose donc d'ajouter à l'article 32 une somme de 50,000 fr. dont l'honorable ministre de la guerre fera l'usage que je viens d'indiquer. Et remarquez, messieurs, que je ne l'oblige même pas à le dépenser. S'il le juge inutile, il économisera la somme, et nous en rendra compte l'année prochaine, si bon lui semble.
Tout ce que je veux, c'est mettre le département de la guerre à même de réaliser le vœu qu'il a souvent exprimé lui-même de pouvoir venir au secours d'une centaine de malheureux, dont la position est d'autant plus respectable, qu'elle n'est pas leur fait.
Et ici, je parle uniquement des miliciens forcés. Je veux bien que vous exceptiez de ma recommandation non seulement les remplaçants, mais aussi les volontaires,
J'espère qu'on ne fera pas d'objection à mon amendement.
M. Jouretµ. - Voterez-vous le budget ?
M. Coomans. - Je voterai cet article. (Interruption.)
M. Bouvierµ. - Et vous rejetterez le tout.
M. Coomans. - Je trouve cette objection étrange.
M. Hymans. - Si tout le monde faisait comme vous, on serait généreux à bon marché.
M. Coomans. - Vous voudriez avoir mon vote favorable au budget ? Vous ne l'aurez dans aucun cas.
Je propose une augmentation de 50,000 fr. pour cette année.
M. Bouvierµ. - Je suis cette fois d'accord avec l'honorable M. Coomans. Je pense qu'il y a lieu non pas d'augmenter actuellement ce chiffre, mais d'examiner la proposition qu'il nous fait et de l'examiner avec une grande bienveillance. Il y a, selon moi, quelque chose à faire. Mars la différence entre l'honorable M. Coomans et moi, c'est qu'en votant le budget de la guerre l'année prochaine, si l'honorable ministre adopte cette proposition, mon vote aura un résultat réel, efficace, tandis que les sympathies de l'honorable M. Coomans sont purement platoniques.
M. Coomans. - En écus sonnants.
M. Bouvierµ. - Je m'étonne réellement de votre interruption. .
Vous voulez vous donner d'un côté le bénéfice d'avoir proposé quelque chose d'utile et d'humain, et d'un autre côté vous voterez contre le budget de la guerre, de manière que vous parlez en faveur d'une proposition, sans donner ces écus sonnants dont vous faites un si grand étalage puisque en votant contre le budget vous n'accorderez rien en dernier résultat. Si c'est là votre logique, je n'y comprends plus rien.
Quant à moi, je demande à M. le ministre de la guerre, je le répète, d'examiner la proposition de l'honorable M. Coomans. Elle mérite de fixer sa sérieuse attention, et j'espère que l'année prochaine s'il nous propose-le chiffre de 50,000 fr. que j'adopterai, s'il le croit indispensable, je n'aurai pas la satisfaction de me trouver en société de l'honorable M. Coomans puisqu'il votera systématiquement contre le budget où se rencontrera probablement le crédit de 50,000 fr. dont il propose l'adoption à la Chambre,
MgGµ. - Je remercie beaucoup l'honorable M. Coomans de la proposition qu'il vient de faire. J'examinerai si elle peut être admise, et puisqu'il est dans d'aussi bonnes dispositions, je le prierai de m'appuyer l'année prochaine, si je crois utile de la formuler de nouveau, au nom du gouvernement.
M. Coomans. - J'ai l'honneur de répéter à M. le ministre de la guerre qu'il sera toujours libre de faire ou de ne pas faire usage des 50,000 fr. que je lui offre. Si l'honorable ministre, ce qui m'étonnerait beaucoup, car ce serait donner un démenti au langage de tous ses prédécesseurs, ne trouve pas l'occasion d'employer ces 50,000 fr., ils resteront en boni, et nous verrons l'année prochaine ce que nous aurons à dire.
MfFOµ. - Messieurs, les budgets de tous les ministères portent un article semblable à celui qui se trouve au budget de la guerre, Il s'agit de certaines sommes à (page 647) distribuer en secours à de malheureux fonctionnaires, à des veuves ou à des orphelins qui n'ont pas droit à la pension. Mes collègues et-moi, nous sommes tous les jours appelés à statuer sur des réclamations de ce genre, qui nous sont adressées par des personnes se trouvant dans une position extrêmement fâcheuse. Il nous serait bien agréable de pouvoir faire, à l'aide du trésor public, de larges libéralités à toutes ces personnes, mais le budget y suffirait difficilement.
M. Coomans. - Les fonctionnaires sont des volontaires ; les miliciens sont des esclaves.
MfFOµ. - Les fonctionnaires sont des hommes qui se sont consacrés au service de l'Etat.
M. Coomans. - Librement.
MfFOµ. - Dans l'une ou l'autre condition, il s'agit de malheureux, de veuves, d'orphelins bien dignes de commisération. Nous sommes donc très disposés à faire quelque chose en leur faveur, mais nous ne pouvons le faire que dans de justes limites.
Pour toute proposition de ce genre, je crois qu'il faut attendre l'initiative du gouvernement. Ainsi, voilà une demande d'augmentation de 50,000 fr. que personne n'a examinée, qui est faite sans qu'on sache si réellement il y a des besoins bien constatés, et dans quelle mesure il faut y satisfaire. Il suffirait qu'un membre présentât une pareille proposition, pour que le budget de l'Etat fût augmenté d'autant. Evidemment, ce n'est pas là une marche qui puisse être adoptée par la Chambre. Si le gouvernement, usant de son initiative, venait vous faire une proposition de ce genre, elle serait renvoyée aux sections, elle serait examinée en section centrale, elle ferait l’objet d’un rapport, on disputerait probablement l'allocation au gouvernement centime par centime, parce que comme c'est le droit et le devoir de la Chambre, elle doit chercher à maintenir autant que possible l'économie dans les dépenses, et ne voter que celles qui peuvent être parfaitement justifiées.
Je dis que la proposition de l'honorable M. Coomans est faite sans aucune espèce de justification, et je ne pense pas que la Chambre puisse l'accueillir.
M. Coomans. - Je l'ai justifiée.
- Le chiffre proposé par M. Coomans est mis aux voix ; il n'est pas adopté.
Le chiffre du gouvernement est adopté.
« Art. 33. Dépenses imprévues non libellées au budget : fr. 17,068 50. »
M. Allard, rapporteur. - Je demande à la Chambre d'ajourner le vote sur le chapitre XI, parce que j'ai une proposition à faire au chapitre XII, et qui.si elle était adoptée, devrait nécessairement faire changer le chiffre des dépenses imprévues, pour arrondir celui du budget.
j'ai, messieurs, à signaler à la Chambre une proposition qui vous est faite par M. le ministre de la guerre et qui m'a échappé ainsi qu'à mes honorables collègues lors de l'examen du budget de la guerre en sections et en section centrale.
A la page 4 de la note préliminaire du budget, nous trouvons :
« Art. 34. Gendarmerie. Diminution 1,592 fr. résultant de la création de capitaine de 2ème classe. »
Je vous avoue, messieurs, que lorsqu'il s'agit de diminution, il m'arrive parfois de ne pas examiner quelles en sont les causes ; j'accepte la diminution ; mais dernièrement en parcourant le rapport de la section centrale de 1855, dont j'avais l'honneur d'être l'organe, je relisais ceci :
« Lors de l'examen en section centrale du chapitre XII, l'on a fait observer qu'après trente et un ans, il était plus que temps de satisfaire aux prescriptions formelles que le Congrès national a insérées dans l'article 120 de la Constitution.
« La gendarmerie, a-t-on dit, instituée principalement pour maintenir l'ordre et la tranquillité, rechercher les infractions aux lois et livrer les coupables à la justice, rend de véritables services à la société.
« Le gouvernement doit porter au moins le même intérêt à ce corps qui s'en rend digne, que celui qu'il témoigne à toute autre partie de la force publique, et ne pas le laisser dans un état d'infériorité. »
Messieurs, l'organisation de la gendarmerie est tout autre que l'organisation de l'armée, Pour l'armée, la loi organique détermine le nombre des colonels, des lieutenants-colonels, des majors ; puis elle ajoute : pour le génie, par exemple, 47 officiers subalternes ; pour la cavalerie, tant d'officiers subalternes ; ici, la loi ne détermine donc pas le nombre de capitaines, de lieutenants et de sous-lieutenants.
Il en est tout autrement dans l'organisation de la gendarmerie. Cette organisation date du 26 décembre 1830 ; c'est un décret du gouvernement provisoire qui a force de loi.
Je vous rappellerai d'abord l'article 120 de la Constitution, aux termes duquel l'organisation et les attributions de la gendarmerie font l'objet d'une loi. Aussi longtemps que cette loi, que nous avons déjà maintes fois réclamée depuis 1830 n'aura pas été votée, aussi longtemps que l'organisation actuelle sera maintenue, je crois qu'il n'y pas lieu de nommer des capitaines de seconde classe.
Je me permettrai de donner à la Chambre lecture des trois premiers articles du décret du gouvernement provisoire. Ils sont ainsi conçus :
« Art. 1er. Le corps de la gendarmerie nationale est et demeure composé, comme il suit, savoir : un colonel commandant, un lieutenant-colonel, un capitaine chargé de l'administration centrale du corps, un lieutenant adjoint à l'administration centrale, un capitaine-adjudant, quatre adjudants sous-officiers, trois majors, neuf capitaines, neuf lieutenants, dix-neuf -sous-lieutenants, neuf maréchaux des logis chefs, cinquante-trois maréchaux des logis, cent vingt et un brigadiers, sept cent quarante-huit gendarmes à cheval, onze maréchaux des logis à pied, vingt-six brigadiers à pied, cent quatre-vingt-quatre gendarmes à pied. Total général : douce cent un officiers, sous-officiers, brigadiers et gendarmes, et mille vingt-neuf chevaux.
« Art. 2. Le service général de la gendarmerie est partagé en trois divisions territoriales, composée chacune de trois provinces, savoir : première division comprenant le Brabant méridional, le Hainaut, la province de Namur, deuxième division comprenant la Flandre orientale ,la Flandre occidentale, la province d'Anvers ; troisième division comprenant la province de Liège, le Limbourg, la province de Luxembourg.
« Art. 3. Chacune de ces divisions est commandée par un major, ayant sous ses ordres trois capitaines, trois lieutenants et six sous-lieutenants, la division qui renferme le Luxembourg ayant seule un sous-lieutenant de plus, vu le nombre des arrondissements. »
Vous remarquerez, messieurs, que pour commander chacune des neuf provinces, il y a un capitaine commandant ; il n'y a pas de capitaine en second.
Un capitaine commandant une compagnie a les mêmes pouvoirs sur sa compagnie que ceux du colonel sur le régiment, mais sous les ordres médiats de celui-ci, et sous les ordres immédiats du chef de bataillon.
Le capitaine en second est subordonné au capitaine commandant, il est en définitive son premier lieutenant, il le remplace au besoin dans le commandement de la compagnie, il a alors les mêmes pouvoirs que le capitaine commandant.
Je me demande pourquoi créer des capitaines en second là où la loi ne parle pas de cette espèce de capitaines ; je dis la loi ; en effet, le décret du gouvernement provisoire, en date du 26 décembre 1830, a certainement force de loi.
Les officiers de la gendarmerie occupent tous 10 ou 12 ans le même grade.
On veut donc qu'un officier de gendarmerie, un lieutenant, par exemple, ait accompli 20 années de service pour être nommé capitaine commandant.
Lorsque en 1863 on a créé une nouvelle classe de capitaines dans l'armée, on a alloué aux capitaines de troisième classe le traitement que les capitaines en second avaient alors.
Eh bien, dans le cas dont je m'occupe, un capitaine de gendarmerie avait en 1863 5,050 francs ; on crée maintenant des capitaines de seconde classe, et on leur donnera 4,700 francs ! Cela n'est pas raisonnable.
Les capitaines commandants des provinces et tous les officiers de gendarmerie, ont une responsabilité beaucoup plus grande que les capitaines et les autres officiers subalternes de la cavalerie. Nous avons, dans nos villes, un sous-lieutenant, chef de corps, commandant qui doivent s'assumer parfois de terribles responsabilités.
J'ai fait un petit relevé comparatif concernant la position d'officiers qui au 1er janvier 1866 étaient en possession du même grade avant le 1er janvier 1856.
Je demande à la Chambre la permission de lui mettre ce tableau sous les yeux.
(page 648) Le 1er janvier 1866, le plus ancien capitaine de la gendarmerie datait du 19 septembre 1855.
Trois mois avant sa nomination, le 24 juin, 8 capitaines en second de cavalerie avaient été nommés capitaines commandants ; le 1er janvier 1866, trois de ces capitaines ne figuraient plus sur les contrôles, soit par suite de décès ou de mise à la retraite ; des 3 autres, un était major depuis le 11 novembre 1859, et quatre étaient lieutenants-colonels depuis le 1er juillet 1805.
Quatre capitaines en second de cavalerie, nommés à ce grade, le 3 septembre 1854, par conséquent un an avant le plus ancien capitaine de gendarmerie, commandant une province, avait non seulement franchi le grade de capitaine-commandant, mais encore étaient tous majors depuis le 27 septembre 1865.
Le 1er janvier 1866, le plus ancien lieutenant de gendarmerie avait obtenu ce grade, le 19 septembre 1855.
Le 1er août de la même année, six sous-lieutenants de cavalerie avaient été promus au grade de lieutenant ; un de ces lieutenants était capitaine en second, le 24 décembre 1861, et les 3 autres le 19 juin 1862.
Voici maintenant ma conclusion.
En 1863, le gouvernement a remis à la section centrale du budget de la guerre un tableau indiquant la solde de tous les officiers de l'armée et de la gendarmerie. Dans ce tableau figure un grade de capitaine de gendarmerie de seconde classe. Depuis lors, quelques mois après l'adoption du budget de la guerre, en mars 1855, on a nommé un capitaine de gendarmerie sans désignation de capitaine commandant ou de capitaine en second, et il a touché toujours le traitement de 5,500 francs alloué aux capitaines de la gendarmerie. Pourquoi changer cet état de choses ? A mon avis, ce serait commettre une injustice ; aussi je fais à la Chambre la proposition de porter le traitement de tous les capitaines de gendarmerie à 5,500 francs.
La Chambre a dans mainte circonstance manifesté toute sa bienveillance pour le corps de la gendarmerie, qui a toujours accompli sa mission avec dévouement ; elle s'associera, je l'espère, à moi, pour lui témoigner toute sa sympathie en votant la proposition que j'ai l'honneur de lui faire.
M. le président. - Voici les amendements proposés par M. Allard :
« Chapitre XI. Dépenses imprévues.
« Art. 33. Dépenses imprévues non libellées au budget : fr. 16 ;765 58.
« Chapitre XII. Gendarmerie.
« Art. 34. Traitement et solde de la gendarmerie : fr. 2,144,270. »
Comme le chiffre proposé à l'article 33 par le gouvernement est le plus élevé, c'est celui que je dois mettre le premier aux voix.
M. Allard. - J'ai demandé qu'on mît d'abord aux voix le chapitre XII, c'est-à-dire l'article 54.
M. le président. - S'il n'y a pas d'opposition, je mets aux voix le chiffre proposé à l'article 54 par M. Allard ; il est de 2,144,270 fr.
- Ce chiffre n'est pas adopté.
M. le président. - L'amendement de M. Allard venant à tomber, je mets aux voix l'article 33 avec le chiffre proposé par le gouvernement.
- Cet article est adopté.
« Art. 34. Traitement et solde de la gendarmerie : fr. 2,142,678. »
- Adopté.
M. Mouton. - Je demande la permission à la Chambre de pouvoir motiver très brièvement le vote que je me propose d'émettre.
Le principal motif de mon opposition au budget provenait d'un dissentiment qui s'était élevé avec l'honorable ministre de la guerre et que je considérais comme assez grave au point de vue des prérogatives parlementaires. Mon vote négatif avait, dans ma pensée, le caractère d'une protestation contre la direction et les tendances imprimées au département de la guerre par l'honorable général Chazal.
Sa retraite du ministère m'enlève ce grief et me permet de reprendre, à l'égard du budget de la guerre, la position que j'avais antérieurement aux circonstances dans lesquelles j'avais cru devoir le repousser.
Je voterai donc aujourd'hui le budget, d'autant plus que nous sommes dans une période transitoire et que l'étude de la nouvelle organisation, à laquelle on se livre en ce moment, est une preuve manifeste du désir du gouvernement de rechercher une solution qui concilie les intérêts du trésor avec les exigences de la défense nationale.
M. le président. - La Chambre passe à la discussion des articles du projet de loi.
« Art. 1er. Le budget du ministère de la guerre est fixé, pour l'exercice 1867, à la somme de trente-quatre millions neuf cent mille francs (34,900,000 francs), conformément au tableau ci-annexé. »
- Adopté.
« Art. 2. Le gouvernement est autorisé à prélever, sur les crédits ouverts aux articles 10, 12, 13, 24, 28 et 32 du budget, les sommes nécessaires pour pourvoir à l'insuffisance du crédit, qui pourrait résulter du renchérissement du blé et des denrées fourragères, sur les articles 6, 7, 8, 9, 14, 15, 22, 23 et 34.
- Adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du budget.
98 membres répondent à l'appel nominal.
73 votent pour le budget.
18 votent contre.
7 s'abstiennent.
En conséquence le budget est adopté ; il sera transmis au Sénat.
Ont voté l'adoption :
MM. de Terbecq, de Theux, Dethuin, Dewandre, de Woelmont, Dolez, Dumortier, d'Ursel, Elias, Frère-Orban, Funck, Hagemans, Hymans, Janssens, Jacquemyns, Jamar, Jonet, Jouret, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Landeloos, Lebeau, Lippens, Mascart, Moncheur, Mouton, Muller, Notelteirs, Nothomb, Orban, Orts, Preud'homme, Rogier, Sabatier, Schollaert, Snoy, Tack, Tesch, Valckenaere, Van Cromphaut, Vander Maesen, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Overloop, Verwilghen, Vleminckx, Warocqué, Wasseige, Wouters, Allard, Anspach, Bouvier-Evenepoel, Braconier, Bricoult, Broustin, Crombez, de Baillet-Latour, de Brouckere, de Florisone, De Fré, de Haerne, Delcour, d'Elhoungne, de Liedekerke, de Macar, de Maere, de Mérode, de Moor, de Naeyer, de Rongé, de Rossius, Descamps et Moreau.
Ont voté le rejet :
MM. d'Hane-Steenhuyse, Gerrits, Guillery, Rayez, Jacobs, Le Hardy de Beaulieu, Liénart, Thibaut, Vander Donckt, Van Wambeke, Beeckman, Coomans, Couvreur, David, de Coninck, E. de Kerckhove, Delaet et de Muelenaere.
Se sont abstenus :
MM. Magherman, Reynaert, Van Hoorde, Vermeire, de Lexhy, Desmet et Moreau.
M. Maghermanµ. - Messieurs, depuis plusieurs années déjà il m'a paru que le budget de la guerre avait pris des développements peu proportionnés aux ressources du pays et j'attendais avec impatience le rapport qui nous avait été promis par l'ancien ministre de la guerre ; ce rapport n'a point paru et par conséquent il n'a pu dissiper mes doutes.
Maintenant une commission est instituée pour examiner tout ce qui concerne notre état militaire ; j'attends ses propositions pour me former une opinion. Jusque-là je me tiens sur la réserve.
M. Reynaertµ. - Messieurs, je n'ai pas voté pour le budget de la guerre parce que ce vote eût été en contradiction avec tous mes votes antérieurs, qui ont été négatifs ; je n'ai pas voté contre le budget parce que je n'ai pas voulu émettre un vole impliquant la moindre idée de défiance envers l'honorable chef du département de la guerre.
Je me suis encore abstenu par ce motif qu'avant de donner à mon vote un caractère définitif, j'ai voulu attendre le résultat des travaux de la commission militaire.
M. Van Hoordeµ. - Messieurs, je n'ai pas émis un vote affirmatif, parce qu'il m'a toujours paru qu'un budget de 35 millions est hors de proportion avec les ressources du pays, et les exigences de la défense nationale, dans les conditions où je la crois possible. D'autre part, je n'ai pas voulu voter négativement, comme les années précédentes, parce que l'époque à laquelle l'honorable ministre de la guerre a été appelé à la direction de ce département est trop récente pour qu'il ait pu remplacer par un projet nouveau le projet de budget qui avait été élaboré par son honorable prédécesseur, el, en outre, parce que je lui suis reconnaissant de la résolution qu'il a prise immédiatement de soumettre la question de nos dépenses militaires à un examen approfondi et impartial.
M. Vermeireµ. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs que l'honorable préopinant.
M. De Lexhy. - Depuis que j'ai l'honneur de siéger dans cette Chambre, je n'ai jamais émis un vote approbatif sur le budget de la guerre, parce que je considérais l'organisation militaire comme exagérée (page 649) et peu en harmonie avec les besoins de la défense nationale et avec nos ressources.
D'autre part, je tiens compte des graves événements européens qui se sont accompli l'année dernière et aussi du caractère transitoire du budget.
J'exprime le vœu sincère que la nouvelle organisation militaire que l'on élabore puisse recevoir l'assentiment de tous ceux qui veulent assurer notre existence nationale et la conservation de nos institutions.
Tels sont les motifs de mon abstention.
M. de Smedt. - Messieurs, depuis que je siège sur ces bancs j'ai presque constamment voté contre le budget de la guerre et cela pour les motifs indiqués par les honorables MM. Van Hoorde et De Lexhy, mais entre autre, parce qu'il m'a toujours semblé que nos charges militaires ne pesaient pas d'une manière équitable sur toutes les classes de la population. J'espère que ces griefs viendront à disparaître à la suite du travail de la commission.
M. Moreauµ. - Je me suis abstenu, parce que n'ayant pas adopté la loi sur l'organisation de l'armée, je n'ai pu voter le budget de la guerre qui en est l'application. D'un autre côté, ne voulant pas désorganiser un service si important, je n'ai pas voté contre le budget.
- La séance est levée à 5 heures et un quart.