(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1866-1867)
(Présidence de (M. E. Vandenpeereboom.)
(page 399) M. de Moor, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.
M. de Florisone, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.
- La rédaction en est approuvée.
M. de Moorµ présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la Chambre.
« Des habitants de Bruxelles demandent la révision de la loi sur la garde civique. »
« Même demande, d'habitants de Lodelinsart. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Jammeng, Antoine, marchand tailleur à Arlon, né à Differdange (grand-duché de Luxembourg), demande la naturalisation ordinaire. »
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
« Art. 269. Est qualifiée rébellion, toute attaque, toute résistance avec violences ou menaces envers les officiers ministériels, les gardes champêtres ou forestiers, les dépositaires ou agents de la force publique, les préposés à la perception des taxes et des contributions, les porteurs de contraintes, les préposés des douanes, les séquestres, les officiers ou agents de la police administrative ou judiciaire, agissant pour l'exécution des lois, des ordres ou ordonnances de l'autorité publique, des mandats de justice ou jugements. »
M. Coomans. - Je demanderai si les agents des chemins de fer jouissent de la protection accordée à ceux qui sont chargés de maintenir l'ordre, il me paraît que, dans beaucoup de circonstances, l'obéissance aux agents des chemins de fer est tout aussi nécessaire qu'aux agents, employés ou officiers auxquels elle est formellement assurée.
M. Lelièvreµ. - Les agents des chemins de fer ont eu général un caractère public ; ils peuvent dresser des procès-verbaux. Les chefs de station sont même des officiers de police judiciaire, justiciables de la cour d'appel. La plupart des agents des chemins de fer ont un caractère légal.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Il y a, dans l'administration des chemins de fer, des agents qui n'ont pas le caractère d'officiers de police ; mais il en est qui ont cette qualité et qui sont spécialement assermentés.
M. Coomans. - Ce n'est pas de ceux-là que je parle, mais spécialement des conducteurs de convoi.
M. Dumortier. - L'observation de mon honorable ami, M. Coomans, est parfaitement juste. Les commissaires de police attachés à l'administration des chemins de fer sont à poste fixe ; mais il peut se produire des faits d'une gravité extrême dans un convoi en marche, des vols, des attentats aux mœurs, etc. ; il est donc indispensable que, dans le personnel accompagnant chaque convoi, il y ait au moins un agent qui soit chargé de représenter la force publique. Il me semble donc que les chefs-gardes devraient être compris dans l'article en discussion
M. Snoy. - Ils ont qualité pour dresser procès-verbal.
M. Dumortier. - S'il en est ainsi, il faudrait les indiquer dans l'article.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Ils y sont implicitement.
M. Lelièvreµ. - Plusieurs agents des chemins de fer peuvent dresser des procès-verbaux.
En ce cas, ils sont officiers ou agents de la police administrative ou judiciaire.
M. Pirmezµ. - La question qui vient d'être soulevée ne peut pas être résolue d'une manière absolue ; il faut nécessairement distinguer. Tous les employés des chemins de fer ne sont pas des agents de l'autorité jouissant de la protection de l'article 269. Mais il y a une loi spéciale sur la police des chemins de fer, qui permet de faire des agents du chemin de fer des agents de la police judiciaire on administrative.
Il faut donc distinguer si un agent du chemin de fer est investi de fonctions de police ou s'il ne l'est pas : dans le premier cas, il jouit, de la protection accordée par l'article en discussion ; dans le cas contraire, l'article ne lui est pas applicable.
L'article doit nécessairement rester comme il est ; s'il n'y a pas assez d'agents du chemin de fer investis des fonctions de police, il faut en augmenter le nombre en vertu de. la loi spéciale.
Mais il est absolument impossible de considérer d'une manière générale tous les agents des chemins de fer, quels qu'ils soient, comme des agents de l'autorité publique.
Ce n'est donc pas dans l'article en discussion qu'il faut introduire, le cas échéant, un changement ; mais c'est dans l'application de la loi sur la police du chemin de fer.
M. Coomans. - Messieurs, j'avais fait particulièrement allusion aux conducteurs des trains, qui, me semble-t-il, ont besoin d'une protection égale à celle des capitaines et des lieutenants de navires. Dans beaucoup de circonstances, comme le fait remarquer l'honorable. M. Dumortier, le maintien de l'ordre est parfaitement nécessaire sur les convois, soit au départ, soit pendant le trajet, soit à l'arrivée. Or, si tout au moins les chefs des convois ne sont pas assimilés aux agents officiels que nous protégeons d'une manière spéciale dans l'article en discussion, il pourra en résulter un grand inconvénient.
Certes, il n'est pas entré dans ma pensée, comme l'honorable M. Pirmez me l'a attribué, de faire considérer tous les agents quelconques des chemins de fer de l'Etat et surtout des compagnies comme des agents officiels, contre lesquels tout acte de résistance pourrait être qualifié de rébellion. Il n'en est rien.
Je demande, dans l'intérêt des voyageurs, dans l'intérêt du gouvernement lui-même et dans celui des compagnies qui sont responsables d'une foule d'accidents, je demande que les conducteurs des trains, tout au moins, soient, pendant l'exercice de leurs fonctions, assimilés, sous le rapport qui nous occupe, aux gardes champêtres.
M. Pirmez, rapporteurµ. - Messieurs, l'honorable M. Coomans n'a pas bien compris l'observation que j'ai présentée tout à l'heure. Je ne conteste pas qu'il ne faille, dans les convois, des agents de police ; certains gardes-convois doivent jouir de la protection attachée à ces fonctions. Aujourd'hui, les chefs de convois sont souvent investis, en vertu de la loi sur la police des chemins de fer, des fonctions d'agent de la police judiciaire, et ils jouissent, en vertu de cette délégation, de la protection dont il s'agit dans l'article en discussion. Si l'on croit qu'il faut étendre le nombre des agents des chemins de fer ayant un caractère public, il ne faut pas le faire, en modifiant l'article en discussion, mais en étendant l'application de la loi sur la police des chemins de fer.
- Personne ne demandant plus la parole, l'article 269 est mis aux voix et adopté.
« Art. 272. Si la rébellion a été commise par plusieurs personnes, et par suite d'un concert préalable, les rebelles, porteurs d'armes, seront condamnes à la réclusion, et les autres à un emprisonnement d'un an à cinq ans.
(page 400) « Si la rébellion n'a pas été le résultat d'un concert préalable, les coupables armés seront punis d'un emprisonnement d'un an à cinq ans, et les autres, d'un emprisonnement de trois mois à deux ans. »
- Adopté.
« Art. 273. En cas de rébellion avec bande ou attroupement, l'article 139 du présent code sera applicable aux rebelles sans fonctions ni emploi dans la bande, qui se seront retirés au premier avertissement de l’autorité publique, ou même depuis, s’ils ont été saisis hors du lieu de la rébellion, sans nouvelle résistance et sans armes. »
- Adopté.
« Art. 274. Dans tous les cas où il sera prononcé, pour fait de rébellion, la peine d'emprisonnement, les coupables pourront être condamnés, en outre, à une amende de vingt-six francs à deux cents francs.
« Les chefs de la rébellion et ceux qui l'auront provoquée pourront de plus être condamnés à la surveillance spéciale de la police pendant cinq ans au moins et dix ans au plus, et à l'interdiction, conformément à l'article 33. »
- Adopté.
« Art. 275. Sera puni d'un emprisonnement de quinze jours à six mois et d'une amende de cinquante francs à trois cents francs, celui qui aura outragé par faits, paroles, gestes ou menaces un membre des Chambres législatives dans l'exercice on à l'occasion de l'exercice de son mandat, un ministre ou un magistrat de l'ordre administratif ou judiciaire, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions.
« Si l'outrage a eu lieu à la séance d'une des Chambres ou à l'audience d'une cour ou d'un tribunal, l'emprisonnement sera de deux mois à deux ans, et l'amende de deux cents francs à mille francs.
« Les outrages adressés à un membre des Chambres ne peuvent, sauf le cas de flagrant délit, être poursuivies que sur la plainte de la personne outragée ou sur la dénonciation de la Chambre dont elle fait partie. »
M. Lelièvreµ. - Il m'est impossible de me rallier aux dispositions du projet qui assimilent les ministres et les membres des Chambres législatives aux magistrats et répriment les outrages qui peuvent leur être adressés à l'occasion de leurs fonctions.
Les membres des Chambres ont un mandat électif, temporaire. Ils sont responsables de leurs actes vis-à-vis de leurs commettants. Je ne vois aucun motif sérieux de les placer sur la même ligne que les magistrats.
C'est encore là une aggravation de la législation en vigueur que je ne puis approuver.
Ne perdons pas de vue que les dispositions proposées pourraient être rendues applicables aux discussions peut-être trop vives qui se produiraient dans le parlement. C'est, à mon avis, dépasser toutes les bornes de la légitime répression.
Pourquoi veut-on considérer comme magistrat un membre de l'une des deux Chambres, qui n'a pas même un caractère permanent d'homme public et dont les actes sont soumis à la censure de la presse et du corps électoral ? En dehors de l'enceinte législative, le sénateur ou le représentant n'a pas droit à une protection spéciale ; il est trop rigoureux de mettre les paroles qui lui seraient adressées, même après la clôture des Chambres législatives, à l'égal de celles qui seraient proférées contre un magistral, qui représente la justice. Du reste, ce sont là des aggravations de la législation en vigueur qui ne me paraissent nullement justifiées.
On aggrave également les dispositions du code pénal, en ce qui concerne les outrages adressés aux officiers ministériels et aux dépositaires de la force publique, tandis que le code de 1810 a toujours été considéré comme suffisant sous ce rapport. L'article 224 du code actuel a toujours été une répression efficace de semblables faits.
- L'article est adopté.
« Art. 276. L'outrage par paroles, faits, gestes ou menaces, dirigé, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions, contre un officier ministériel, un agent dépositaire de l'autorité ou de la force publique, ou contre toute autre personne ayant un caractère public, sera puni d'un emprisonnement de huit jours à un mois et d'une amende de vingt-six francs à deux cents francs. »
- Adopté.
« Art. 277. Les outrages commis envers les corps constitués seront punis de la même manière que les outrages commis envers les membres de ces corps, d'après les distinctions établies aux deux articles précédents. »
- Adopté.
« Art. 278. Sera puni d'un emprisonnement de deux mois à deux ans et d'une amende de cinquante francs à cinq cents francs, quiconque aura frappé un membre des Chambres législatives dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice, de son mandat, un ministre ou un magistrat dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions.
« Si les coups ont été portés à la séance d'une des Chambres ou à l'audience d'une cour ou d'un tribunal, le coupable sera puni d'un emprisonnement de trois mois à trois ans et d'une amende de deux cents francs à mille francs. »
- Adopté.
« Art. 279. Si les coups portes ont été la cause d'effusion de sang, de blessures ou de maladie, le coupable sera condamné à un emprisonnement de six mois à cinq ans et à une amende de deux cents francs a quinze cents francs. »
- Adopté.
« Art. 280. Quiconque aura frappé, dans l'exercice de leurs fonctions, un officier ministériel, un agent dépositaire de l'autorité ou de la force publique ou toute autre personne ayant un caractère public, sera puni d'un emprisonnement d'un mois à un an et d'une amende de cinquante francs à trois cents francs. »
- Adopté.
« Art. 281. Si les coups ont été la cause d'effusion de sang, de blessures ou de maladie, la peine sera un emprisonnement de trois mois à deux ans et une amende de cent francs à cinq cents francs, sans préjudice de l'application des articles 400, paragraphe 2, et 402 le cas échéant.
- Adopté.
« Art. 282. Les peines portées par les articles 275, 278 et 279 seront applicables dans le cas où l’on aura outragé ou frappé des jurés ou des témoins à raison de leurs fonctions ou de leurs dépositions. »
- Adopté.
« Art. 285. Si les scellés brisés étaient apposés sur des papiers ou effets d'un individu inculpé, prévenu ou accusé d'un crime emportant la peine de mort, des travaux forcés à perpétuité ou de la détention perpétuelle, ou d'un individu condamné à l'une de ces peines, le gardien négligent sera puni de trois mois à un an d'emprisonnement. »
- Adopté.
« Art. 289. Quiconque, par voies de fait, se sera opposé à l'exécution des travaux ordonnés ou autorisés par le pouvoir compétent, sera puni d'un emprisonnement de huit jours à trois mois. »
- Adopté.
« Art. 290. Ceux qui, par attroupement et violences, voies de fait ou menaces, se seront opposés à l'exécution de ces travaux, seront condamnés à un emprisonnement de trois mois à deux ans.
« Les chefs ou moteurs seront punis d'un emprisonnement de six mois à trois ans. »
- Adopté.
« Art. 291. Dans les cas prévus par les articles précédents, les coupables pourront de plus être condamnés à une amende de vingt-six francs à cinq cents francs. »
- Adopté.
« Art. 292. Les personnes chargées de fournitures, d'entreprises ou régies pour le compte de l'armée ou de la marine, qui auront volontairement fait manquer le service dont elles sont chargées, seront punies de la réclusion et d'une amende de deux cents francs à trois mille francs.
(page 401) « Les mêmes peines seront appliquées aux agents des fournisseurs, si ces agents ont volontairement fait manquer le service. »
- Adopté.
« Art. 293. Les fonctionnaires publics ou les agents préposés ou salariés du gouvernement, qui auront provoqué ou aidé les coupables à faire manquer le service, seront condamnés à la réclusion pour sept ans au moins, et à une amende de trois cents francs à trois mille francs. »
- Adopté.
« Art. 294. Lorsque la cessation du service sera le résultat d'une négligence de la part des fournisseurs, de leurs agents, des fonctionnaires publics ou des agents, préposés ou salariés du gouvernement, les coupables seront punis d'un emprisonnement de trois mois à deux ans et d'une amende de cent francs à mille francs. »
- Adopté.
« Art. 295. Quoique le service n'ait pas manqué, si les livraisons ou les travaux ont été volontairement retardés, les coupables seront punis d'un emprisonnement de six mois à deux ans et d'une amende de deux cents francs à mille francs.
« Ils seront punis d'un emprisonnement d'un mois à un an et d'une amende de cinquante francs à cinq cents francs, si le retard est le résultat d'une négligence. »
- Adopté.
« Art. 296. - Dans les divers cas prévus par les articles 294 et 295, paragraphe 2, la poursuite ne pourra être faite que sur la dénonciation du ministre que la chose concerne. »
« Art. 299. Toute personne qui aura sciemment contribué à la publication ou distribution d'imprimés quelconques dans lesquels ne se trouve pas l'indication vraie du nom et du domicile de l'auteur ou de l'imprimeur, sera punie d'un emprisonnement de huit jours à deux mois, et d'une amende de vingt-six francs à deux cents francs.
« Toutefois, l'emprisonnement ne pourra être prononcé lorsque l'imprimé, publié sans les indications requises, fait partie d'une publication dont l'origine est connue par son apparition antérieure. »
M. Pirmezµ. - Une omission a été commise dans cet article, qui est emprunté au projet de la Chambre ; il faut ajouter à la fin du premier paragraphe les mots : « ou d'une de ces peines seulement. »
M. Lelièvreµ. - Je me proposais de déposer un amendement analogue à celui qui vient d'être indiqué par l'honorable M. Pirmez. Il doit être bien entendu qu'en règle générale l'emprisonnement ne sera pas prononcé lorsqu'il ne s'agira que d'une simple contravention commise sans intention criminelle. La peine corporelle sera réservée pour le cas où l'infraction aurait eu pour but de celer le nom de l'auteur d'un écrit calomnieux ou criminel. En ce dernier cas, l'inculpé est complice de la calomnie, de la diffamation ou de tout autre méfait, et il est juste de le frapper d'une peine d'emprisonnement. Je pense que tel est l'esprit de l'article que nous discutons et que c'est en ce sens que la disposition est soumise à notre vote.
M. Pirmezµ. - C'est une simple omission ; le rapport de la commission indique que l'emprisonnement devait être facultatif.
M. Coomans. - Il résulte bien de cet article que l'indication du nom et du domicile de l'imprimeur n'est plus nécessaire et que celle du nom et du domicile de l'auteur peut être suffisante. (Interruption.)
L'article porte :
« Toute personne qui aura sciemment contribué à la publication ou distribution d'imprimés quelconques dans lesquels ne se trouve pas l'indication vraie du nom et du domicile de l'auteur ou de l'imprimeur, sera punie, etc. »
Il est donc entendu que lorsque l'indication du nom et du domicile de l'auteur se trouvera sur un écrit, l'indication du nom et du domicile de l’imprimeur n'est plus nécessaire. Je constate que c'est une innovation. (Interruption.)
La loi sur la presse a toujours exigé jusqu'à présent le nom de l'imprimeur.
M. Pirmezµ. - Lisez l'article 293 du code actuel.
M. Coomans. - Je soulève une difficulté. Le nom de l'auteur suffit, mais il faut encore que l'auteur soit Belge. Vous ne le dites pas ; or, il y aurait quelque inconvénient à innocenter toutes les publications par le fait de l'impression du nom de l'auteur, car s'il est étranger, il échappe à cet article.
J'appelle sur ce point l'attention de M. le ministre de la justice.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Le nom de l'imprimeur doit se trouver sur tout ce qui sort de ses presses. Mais l'honorable M. Coomans confond la loi sur les délits commis par la voie de la presse avec l'article du code pénal que nous discutons en ce moment.
S'il s'agit d'un auteur étranger, l'article de la Constitution, d'après lequel l'imprimeur échappe à la condamnation lorsque l'auteur est connu, ne peut recevoir d'application.
L'éditeur aura beau mettre le nom de l'auteur, si l'auteur ne vient pas répondre devant la justice du délit qu'il a commis, l'éditeur sera condamné.
L'article dont nous nous occupons prévoit la distribution ou la publication d'imprimés qui ne porteraient pas le nom de l'auteur ou le nom de l'imprimeur.
M. Coomans. - D'après l'article, il suffit du nom de l'auteur.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Un mot maintenant sur l'article tel qu'il a été modifié par la commission. La commission n'a pas partagé l'avis du Sénat, qui avait supprimé la peine d'emprisonnement. Je me rallie à l'amendement de la commission par la raison péremptoire que, dans certains cas, il peut arriver que l'imprimeur soit très coupable.
Dans les cas qui offriront de la gravité, le juge pourra prononcer la peine de l'emprisonnement.
Quant à la presse, périodique ou autre, elle est complètement désintéressée dans le débat, puisque, d'après le projet actuel, lorsque l'indication vraie du nom de l'éditeur ne se trouve pas sur l'exemplaire d'une publication connue, il n'y a lieu à l'application d'aucune peine.
M. Coomans. - Je demande la permission d'insister sur ce point. Il me semble que l'article n'est pas en concordance avec l'article 14 du décret sur la presse. Cet article 14 porte : « Chaque exemplaire du journal portera, outre le nom de l'imprimeur, l'indication de son domicile en Belgique, sous peine de cent florins d'amende par numéro du journal. » Le législateur de 1831 a donc exigé le nom de l'imprimeur. Or, que dites-vous dans l'article qui est maintenant en discussion ? Vous dites que le nom de l'imprimeur ne sera pas nécessaire, puisque le distributeur sera absous ou tout au moins excusable si le nom de l'auteur se trouve sur l'écrit imprimé. Vous voyez donc bien qu'il n'y a pas de concordance entre les deux dispositions.
Il y a délit d'après le décret sur la presse et il n'y a plus de délit d'après l'article en discussion. Encore une fois, messieurs, j'appelle votre attention sur ce point.
M. Pirmezµ. - Il y a aujourd'hui deux dispositions qui régissent la matière dont nous nous occupons : c'est l'article 283 du code pénal et l'article 14 du décret sur la presse.
L'article 283 du code pénal est général, il s'applique à tous les écrits possibles.
Dans le décret sur la presse, on a inséré une disposition relative aux écrits périodiques, aux journaux.
Que signifie cette disposition du décret sur la presse ? C'est, messieurs, ce qu'on a eu beaucoup de peine à déterminer : des systèmes fort opposés se sont fait jour sur le sens de cet article.
Les uns ont pensé que, quand il s'agissait de la presse périodique, il fallait cumuler les dispositions des deux articles et ajouter à l'emprisonnement comminé par l'article 283 l'amende stipulée dans le décret sur la presse.
D'autres ont cru, au contraire, que la disposition du décret sur la presse n'était relative qu'au domicile réel de l'imprimeur des journaux.
Enfin, une troisième opinion s'est produite : on a prétendu que l'article 14 du décret sur la presse avait abrogé l'article 283 du code.
En présence de ce conflit d'opinions, il a fallu adopter un système net, et voici celui auquel la Chambre s'est arrêtée.
Ou a d'abord remarqué que l'indication du nom de l'imprimeur ou de l'éditeur est beaucoup moins importante quand il s'agit d'un journal que quand il s'agit d'un autre écrit. Et, en effet, comme un journal a une certaine durée, il n'est pas à craindre qu'on ne connaisse point l'origine de ce journal et qu'on ne parvienne ainsi à réprimer un délit dont ses rédacteurs se seraient rendus coupables.
Je raisonne, bien entendu, dans l'hypothèse où il s'agit d'un véritable journal et non pas de ces feuilles fugitives qui ne paraissent qu'un jour (page 402) et prennent mensongèrement un titre de journal. C'est ce qu'on voyait surtout avant la création du timbre d'avis : on publiait alors une foule de prétendus journaux qui n'avaient d'autre but que la publication de certaines annonces.
Les faits les plus graves sont évidemment ceux qui peuvent être commis par des écrits isolés, par des écrits calomnieux comme ceux qu'on glisse parfois clandestinement dans les petites villes sous les portes, et dans lesquels on commet lâchement les plus viles calomnies.
La commission a donc pensé qu'il fallait punir d'un emprisonnement facultatif, d'une manière générale, les écrits sans nom d'imprimeur ou d'auteur.
Les tribunaux apprécieront s'il y a lieu de se contenter d'une simple amende ou si, à raison de la gravité du fait, il y a lieu de comminer la peine de l'emprisonnement.
J'arrive maintenant à la question posée par l'honorable M. Coomans ; et je dis que dès l'instant où l'auteur est désigné conformément à la loi, il ne peut pas y avoir de peine, quand même il serait domicilié à l'étranger parce qu'on peut distribuer en Belgique des écrits émanant de pays étrangers. Ainsi, pour les journaux qui s'impriment à Paris, par exemple, et qui sont distribués en Belgique, il n'y a pas de nom d'auteur ou d'imprimeur domicilié en Belgique. Nous ne pouvons donc pas exiger la mention du domicile en Belgique.
Mais en résulte-t-il que les publications d'imprimés avec le nom d'un étranger par des presses belges et contenant des infractions seront impunies ? C'est là, comme l'a dit M. le ministre de la justice, une tout autre question. L'imprimeur qui aura fait connaître un auteur domicilié à l'étranger, l'éditeur qui aura fait paraître un écrit avec le nom de l'auteur domicilié à l'étranger, ne tombera pas sous le coup de notre article ; mais quand il s'agita d'une publication coupable et pouvant entraîner une peine, il est évident que l'imprimeur ne jouira pas de l'exemption constitutionnelle pour le cas où l'auteur est domicilié en Belgique.
M. Coomans. - Au criminel, oui.
M. Pirmezµ. - Il s'agit ici d'une simple contravention relative à une industrie ; c'est une prescription spéciale pour une industrie déterminée.
Je reconnais que cette disposition ne s'appliquera pas au cas signalé par l'honorable M. Coomans. Mais en même temps, je constate qu'il y a une garantie très importante, à savoir que, dans ce cas, l'imprimeur s'exposera toujours à être puni pour le fond de l'écrit, en vertu de la disposition de la Constitution qui n'accorde d'exemption pour l'imprimeur que quand l'auteur est domicilié en Belgique.
Nous pouvons donc parfaitement voter l'article tel qu'il est rédigé, sans qu'il y ait à craindre les inconvénients que l'honorable membre paraît redouter.
- L'article, amendé par M. Pirmez, est adopté.
« Art. 300. Seront exemptés de la peine portée par l'article précédent :
« Ceux qui auront fait connaître l'imprimeur ;
« Les crieurs, afficheurs, vendeurs ou distributeurs, qui auront fait connaître la personne de laquelle ils tiennent l'écrit imprimé. »
- Adopté.
« Art. 301. Sont réputées loteries, toutes opérations offertes au public et destinées à procurer un gain par la voie du sort. »
- Adopté.
« Art. 302. Les auteurs, entrepreneurs, administrateurs, préposés ou agents de loteries non autorisées légalement, seront punis d'un emprisonnement de huit jours à trois mois et d'une amende de cinquante francs à trois mille francs.
« Seront confisqués les objets mobiliers mis en loterie, et ceux qui sont employés ou destinés à son service.
« Lorsqu'un immeuble a été mis en loterie, la confiscation ne sera pas prononcée. Elle sera remplacée par une amende de cent francs à dix mille francs. »
M. Coomans. - J'ai voté contre la loi sur les loteries, et, bien que je fusse seul de mon avis, je m'en suis souvent félicité, car j'ai eu maintes occasions de constater l'abus qu'on fait de cette loi, puérilement draconienne.
Ici on commine trois mois de prison contre les auteurs, entrepreneurs, administrateurs, préposés, agents de loteries non autorisées.
Cette peine me paraît tout à fait superflue, et je viens proposer de nous contenter de l'amende.
Dans la plupart des cas, messieurs, c'est un bien petit délit que le fait de mettre en loterie des bagatelles ; et ne laissons pas dire que les Belges ne sont pas assez libres pour mettre en loterie quelques petits objets, sans être exposés à une condamnation.
M. Pirmez, rapporteurµ. - Messieurs, la commission du code pénal d'abord et la Chambre ensuite n'ont fait que transcrire exactement une loi qui avait été votée deux ans auparavant ; on a fait une œuvre de codification, et non une nouvelle loi.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Messieurs, pour ma part, je ne suis nullement de l’avis de l’honorable M. Coomans, et je suis loin de trouver cette disposition trop sévère.
Les loteries sont des choses excessivement mauvaises.
Je suppose, ce qui n’est pas, que les emprunts des villes soient une loterie ; mais si le système de ces emprunts est défectueux, encore y a-t-il un but d’intérêt public qui les légitime.
Si les entrepreneurs de loteries non légalement autorisées ne sont punis que d'une simple amende, il est évident que vous aurez la liberté de la loterie.
Or, je dis qu'il faut protéger les citoyens contre les loteries, parce que, d'abord, ce sont des exactions commises à l'égard des citoyens, souvent dans un but très peu louable, et que, d'autre part, il faut garantir, aussi les citoyens contre l'appât du lucre, qui est une mauvaise passion.
M. Jacobsµ. - Messieurs, je suis réellement étonné du langage que vient de tenir M. le ministre de la justice, car dans une circonstance qui n'est pas bien éloignée, le 19 novembre 1864, il a soutenu en sens inverse une discussion contre son honorable collègue des finances sur cette question. Il s'agissait des jeux de Spa ; que disait M. le ministres des finances ?
« C'est le grand principe démoralisateur des jeux de hasard ; il détourne les populations du travail et il faut, au contraire, prêcher et enseigner toujours la loi si salutaire du travail. »
Que répondait M. Bara ?
« L'honorable ministre a répliqué :
« Il est du domaine du législateur d'interdire le jeu, parce que c'est une immoralité. L'honorable ministre se trompe ; il n'est pas plus immoral que la boisson ou la loterie, ou plutôt il n'est pas plus dangereux, car le mot immoral ne se trouve pas ici à sa place. »
Voilà ce que l'on disait à cette époque, et la discussion s'échauffait entre les deux collègues d'aujourd'hui.
Je m'étonne vraiment de voir l'honorable M. Bara, qui voulait laisser le peuple se diriger lui-même dans les voies de la moralité, réclamer des dispositions sévères contre les loteries et s'engager dans la voie où M. le ministre des finances cherchait en vain à l'entraîner en 1864.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Messieurs, lorsque je me suis occupé des jeux de Spa, je n'ai pas dit exactement ce que m'attribue l'honorable membre. J'ai posé deux hypothèses ; j'ai dit : « Ou bien vous fermerez les jeux de Spa, ou bien vous autoriserez tontes les villes à ouvrir de semblables jeux, » J'ai préféré la seconde hypothèse. J'ai dit qu'au point de vue de la théorie, la seconde hypothèse était préférable.
Le jeu n'est pas une loterie ; le jeu est une affaire individuelle, tandis que les entrepreneurs de loteries viennent exercer leur action sur les individus, et viennent les violenter en vue d'un but qu'ils prétendent utile ; dans le jeu, il n'y a que l'appât du lucre personnel, tandis que dans la loterie il y a l'exploitation, par un tiers, des sentiments de l'individu.
Il y a une loi sur les loteries. Si l'autorité communale, ou la députation permanente, ou le gouvernement refuse l'autorisation d'établir une loterie, c'est qu'il est reconnu que le but n'en est pas utile ; tandis qu'avec ce que demande l'honorable M. Coomans, vous déclareriez d'avance que le but que poursuit toute personne, en organisant une loterie, est bon. Messieurs, il faut une répression, il faut prémunir les citoyens contre l'exploitation dont ils pourraient être l'objet.
On se présente chez les particuliers et on obtient d'eux des sommes importantes, sur la recommandation de Pierre ou de Paul. Il y a là un moyen très facile de se procurer de l'argent. Il faut protéger les citoyens contre de pareilles obsessions.
Le jeu et la loterie n'ont pas le même caractère. On peut admettre, non pas sans doute au point de vue de la morale, on peut admettre qu'un individu risque sa fortune à une table de jeu ; mais ce qu'on ne peut pas admettre, c'est qu'on permette à des individus d'aller sonner aux portes, (page 403) et d'importuner les citoyens pour leur extorquer de l'argent dans un but qui n'est ni utile, ni louable.
M. Coomans. - Messieurs, l'argumentation de M. le ministre de la justice est au moins surprenant, autant pour le fond que pour la forme. Il dit que ne pas punir les entrepreneurs de loteries non autorisés, c'est déclarer que toutes les loteries ont un but moral et utile. Mais quand nous demandons la liberté île la presse, disons-nous que tous les livres imprimés ont un but moral et utile ? Certes, telle ne peut être la pensée de M. le ministre de la justice. La liberté, c'est l'abstention et non l'approbation ; si le gouvernement était censé approuver tout ce qu'il laisse faire, ce serait l'être le plus monstrueusement immoral qui fût dans le monde entier.
Messieurs, il y a une foule d'immoralités que la loi ne punit pas. Punissez-vous l'ivresse, la débauche, la prostitution ? Approuvez-vous tout ce que vous ne punissez pas ? Mille fois non.
Je sais qu'il y a beaucoup de mauvaises loteries ; mais l'intérêt social n'est pas suffisant pour que le gouvernement intervienne dans de pareilles minuties.
M. le ministre de la justice, qui se livre à de si vertueuses et si belles tirades contre les loteries, n'est pas conséquent ; il maintient la loterie de Spa ; il maintient l'immoralité la plus affreuse qu'on puisse imaginer : je. veux parler de la loterie militaire (qualifiée de tirage au sort), où les enjeux sont autrement considérables et très inégaux selon la qualité des joueurs forcés. Voilà une iniquité flagrante ! Voilà des loteries que vous maintenez !.Et moi, je passe pour révolutionnaire, parce que je veux les abolir.
Il1 y a une foule d'excellentes petites loteries de village qui n'ont pas été autorisées, tandis qu'il en est d'autres qui l'ont été, bien qu'elles n'offrissent pas ce caractère. Je suis très loin d'être le partisan de vos loteries municipales... (Interruption.) Oui, les emprunts de vos villes sont toutes loteries ; 2 p. c. des épargnes des classes laborieuses, c'est une véritable loterie ; à moins de jouer sur les mots.
Et, messieurs, ce qui m'étonne dans un pays de liberté, c'est ce soin excessif qu'a toujours le gouvernement de s'occuper de deux choses qui sont assez sauvegardées par leurs propriétaires, de la bourse et de la peau des citoyens. Je voudrais que vous intervinssiez beaucoup moins en faveur des médecins pour ou contre les malades et en faveur du public que vous dites volé par les organisateurs de loteries. Laissez faire le public ; avec la liberté de la presse, on ne parviendra pas à lui endosser beaucoup de mauvais lots et si quelques imbéciles se laissent attraper c'est le cas de dire : « De minimis, de imbecillibus non curat praetor » (Interruption.) Ce n'est pas du beau latin, mais c'est du bon sens.
Eh ! messieurs, dans beaucoup de sociétés dites honnêtes, ne se commet-il pas de très graves abus ?
« Mais, dit l'honorable ministre, je conçois qu'on se ruine à l'écarté.» Ah ! vous le concevez ! et vous ne concevez pas que je prenne, soit par complaisance, soit par bêtise, un billet de loterie de 25 centimes.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - On ne punit pas celui qui prend des billets ; on ne punit que les organisateurs de la loterie.
M. Coomans. - Vous ne me permettez pas de prendre des billets, puisque vous empêchez l'organisation de la loterie. Eh bien, je dis que cela est absurde, je lâche le mot ; le gouvernement doit se renfermer dans sa grande mission sociale, se borner aux grandes fonctions sociales ; il doit protéger les droits des citoyens lorsque sa protection est nécessaire, mais hors de là il doit se renfermer, je le répète, dans un rôle d'abstention et de liberté.
Je suis honteux que les gouvernants de mon pays s'occupent matin et soir de loteries dont le capital n'atteint souvent pas cent francs et qui sont presque toujours organisées en faveur d'œuvres charitables. Je suis le seul qui ait voté contre la loi des loteries et je m'en félicite beaucoup.
Je demande la suppression de l'emprisonnement.
M. Jacobsµ. - D'après l’honorable ministre de la justice, ce ne sont pas les loteries que l'on punit, ce sont les importunités ; mais alors il faut généraliser la mesure : on vient vous importuner pour des souscriptions, on vous demande une pièce de cinq francs sans rien vous offrir en échange ; il faut punir comme lorsqu'on vous donne en retour la chance de gagner une pendule ou une paire de pantoufles.
C'est ce que vous ne faites pas, et c'est ce qui démontre que vous punissez la loterie et non l'importunité.
Or, de la part de M. le ministre de la justice qui défendait la liberté du jeu, j'ai peine à concevoir l'opposition qu'il fait à la liberté de la loterie.
II est vrai que, quand il s'agissait du jeu, c'était, il vient de nous le dire, le théoricien qui parlait ; aujourd'hui, c'est le praticien. Toujours la distinction entre la théorie et la pratique !
M. Teschµ. - Messieurs, je suis d'avis qu'il faut punir les loteries et qu'il faut les punir aussi sévèrement que le projet le propose. Je trouve qu'on tombe ici dans d'étranges confusions.
L'honorable M. Coomans et l'honorable M. Jacobs ont d'abord comparé le jeu et les loteries et ont dit que c'était une seule et même chose. C'est une erreur évidente.
M. Coomans. - Le jeu est pis.
M. Teschµ. - C'est une erreur très grande, surtout quand on parle des jeux de Spa.
MfFOµ. - C'est tout différent.
M. Teschµ. - C'est différent, et je vais vous le montrer. Si vous voulez aller jouer à Spa, vous devez vous déplacer et aller à Spa, tandis qu'une loterie va solliciter tout le inonde au foyer domestique, s'infiltre dans toutes les familles. Evidemment la différence est très grande. Tout le monde n'ira pas à Spa pour jouer, les populations des différentes parties du pays ne quitteront pas leurs foyers pour se rendre à Spa et jouer. Cette idée ne leur viendra pas.
Je n'ai pas envie de défendre les jeux de Spa....
MfFOµ. - La suppression en est décidée.
M. de Mérodeµ. - En principe.
MfFOµ. - A très court délai.
M. Teschµ. - ... mais je signale une différence qui doit frapper tout le monde.
D'un autre côté, chacun en jouant sait parfaitement les chances qu'il a pour lui et contre lui. Il sait les peser, même quand il joue à l'écarté. Mais cette chance ne lui apparaît pas aussi claire quand il joue à la loterie. Vous n'avez pas, pour le jeu, les prospectus ronflants, les prospectus très séduisants que vous avez pour les loteries et qui entraînent beaucoup de personnes à engager des sommes considérables.
M. de Mérodeµ. - Des imbéciles.
M. Teschµ. - Des imbéciles, soit ; mais il y en a tant.
II y a donc entre le jeu et les loteries une différence radicale, et je ne conçois pas que mes adversaires puissent s'y méprendre.
Après cela, l'honorable M. Coomans est venu comparer les loteries que la loi proscrit aux emprunts faits par les villes avec un tirage et certaines primes lors du remboursement.
Il y a encore ici une différence du tout au tout. Dans la loterie, comme on l'entend, qu'arrive-t-il ? On joue le capital qu'on y engage ; ou expose ce capital même. Pour les emprunts de villes, au contraire, d'après les règles adoptées par le gouvernement, quel est le résultat de ce que vous appelez ici loteries ? Mais le capital reste complètement sauf, et vous avez en outre un intérêt égal à celui que paye la caisse d'épargne.
M. Jacobsµ. - Sauf Ostende.
M. Teschµ. - Sauf Ostende, oui. Mais, après Ostende, le gouvernement a tracé des règles en vertu desquelles le minimum des intérêts est fixé au taux de celui admis pour la caisse d'épargne.
Je dis donc que ces emprunts, même dans les conditions de celui d'Ostende, ne présentent pas les dangers des loteries, telles que nous les entendons et telles que le public les entend en général. Je le répète, dans une loterie, le capital est perdu, si vous n'avez pas un lot, tandis, que, dans l'emprunt d'Ostende, il n'y a que les intérêts perdus ; le capital est sauf. Je reconnais cependant que c'est une combinaison qu'il aurait mieux valu ne pas adopter. Mais c'est la seule de ce genre dans le pays, et le gouvernement lui-même, comme je viens de le dire, a reconnu qu'il eût été préférable de ne pas l'autoriser. Il a admis immédiatement d'autres règles en vertu desquelles le capital prêté rapporte au moins 3 p. c.
M. Coomans. - Il y a 2 p. c. mis en loterie.
M. Teschµ. - Il y a un remboursement avec des primes, mais cela n'offre aucun des inconvénients de la loterie.
Je dirai en terminant que les loteries en elles-mêmes sont de très mauvaises combinaisons, parce qu'elles développent le goût du jeu et exposent les épargnes du pauvre qui sont sollicitées jusqu'au foyer domestique.
Voilà pourquoi il faut les proscrire et les proscrire très sévèrement.
- L'amendement de M. Coomans, consistant à supprimer l'emprisonnement, est mis aux voix ; il n'est pas adopté.
L'article est adopté.
(page 404) « Art. 303. Seront punis d'un emprisonnement de huit jours à un mois et d'une amende de vingt-six francs à mille francs, ou d'une de ces peines seulement :
« Ceux qui auront placé, colporté ou distribué des billets de loteries non autorisés légalement ;
« Ceux qui, par des avis, annonces, affiches ou par tout autre moyen de publication, auront fait connaître l'existence de ces loteries ou facilité l'émission de leurs billets.
« Dans tous les cas, les billets, ainsi que ces avis, annonces ou affiches, seront saisis et anéantis. »
M. Coomans. - Messieurs, de plus fort en plus fort. (Interruption.) Voici un mois d'emprisonnement à subir très souvent par des innocents, même au point de vue de la loi.
« Seront punis de huit jours à un mois ceux qui auront placé, colporté ou distribué des billets de loteries non autorisées... » Or il est impossible à une foule de pauvres diables, parfois illettrés, de s'assurer si les billets qu'ils consentent à colporter sont autorisés, oui ou non, par le gouvernement.
Je dis même que des gens instruits y sont trompés. Je vous demanderai la permission, modestie à part, de me citer à ce propos. Lorsque je m'occupais régulièrement de presse, mon journal a été condamné une ou deux fois, presque à mon insu, pour ce grand crime d'avoir laissé annoncer des loteries à la 4ème page du journal, que je ne vérifiais guère. J'avais assez de la première.
J'ai été fort surpris de ma criminalité, et M. le ministre de la justice en a probablement été surpris comme moi, car je ne sais comment cela se fait, on n'a jamais donné suite à ces condamnations. Je crois même qu'on a arrêté des poursuites officiellement commencées.
Plusieurs journaux de Bruxelles, même les journaux libéraux, je prie l'honorable M. Tesch de le croire, avaient commis le même délit. Je pense me rappeler que c'était sous l'administration de M. Tesch.
M. Teschµ. - Les journaux ont été poursuivis sans distinction de parti.
M. Coomans. - Je n'en doute pas. Seulement vous avez reculé devant l'absurdité de la peine. Car ni mes confrères ni moi nous n'avons jamais eu à subir les conséquences de ces poursuites et de ces condamnations. La loi est restée complètement inexécutée à la suite d'une petite protestation que nous avons faite.
M. Teschµ. - S'il y a eu, de votre part, recours en grâce.
M. Coomans. - Du tout.
MfFOµ. - S'il n'y avait pas eu de recours en grâce, les arrêts auraient été exécutés.
M. Coomans. - Je ne demande grâce que lorsque je suis coupable.
M. Teschµ. - Cela regarde M. le ministre des finances.
M. Bouvierµ. - Si vous n'avez pas payé, vous pouvez encore le faire.
M. de Brouckere. - Il n'est pas trop lard.
M. Coomans. - Eh bien, si vous faites appliquer impartialement votre justice, nous verrons.
Voilà donc un mois de prison contre un journaliste qui prend, dans la libre Belgique, la liberté excessive d'insérer une annonce de loterie, sans s'être fait exhiber l'arrêté autorisant cette loterie. Je vous demande si cela est raisonnable.
Les journalistes peuvent prendre beaucoup de licences ; ils ne s'en donnent pas mal, je le reconnais. Mais c'est un crime, c'est un délit, c'est une contravention sérieuse que d'imprimer une annonce de loterie, et vous enverrez en prison non seulement le journaliste parfaitement lettré que vous frappez pour cette bagatelle, mais le pauvre diable illettré dont je parlais tout à l'heure et qui aura cru qu'il ne commettait aucune espèce de délit en colportant des billets de loterie.
Encore une fois, je demande la suppression de l’emprisonnement. Si vous voulez absolument une peine, l'amende doit vous suffire.
Les papiers qui renferment une annonce de loterie non légalement autorisée seront confisqués. Comment confisquerez-vous les journaux ?
Messieurs, je propose la suppression de l'emprisonnement tout au moins.
M. Teschµ. - Messieurs, l'honorable M. Coomans a réellement raison de dire que c'est de plus fort en plus fort, mais je ne connais pas de pays où il n'y a pas de loi, et je ne comprends pas que dans une Chambre on vienne prêcher qu'il ne faut pas observer la loi. (Interruption.) Je ne sais pas pourquoi M. Coomans, journaliste ou pas journaliste, ne serait pas tenu, comme tous les autres citoyens, de se soumettre à la loi.
Les loteries sont une chose mauvaise, le législateur le décrète, il ne veut pas que ces loteries soient publiées, que les billets soient colportés ; il ne convient pas à M. Coomans de se soumettre à la loi, il ne lui convient pas d'examiner si les loteries sont autorisées ! Avec ce système, nous irions très loin.
Ce que vous dites des loteries, vous pouvez le dire de tout ce que vous insérez dans vos journaux ; vous pouvez dire : Je n'ai pas à m'occuper du point de savoir si tel article qu'on me communique est injurieux, calomnieux. (Interruption.) Je regrette très sincèrement qu'on n'ait pas exécuté la loi. Je n'ai pas eu à m'occuper de cela, sinon, soyez-en bien certains, j'aurais fait respecter la loi.
Du moment, messieurs, que la loi proscrit les loteries, du moment que la loi ne veut pas que le public soit sollicité par des spéculations de cette espèce, la loi, conséquente avec elle-même, doit empêcher que les billets ne soient annoncés dans les journaux, placés ou colportés dans les maisons ; quand la loi frappe ces faits d'une peine sévère, elle est parfaitement conséquente.
Maintenant, la peine est-elle déraisonnable ? Le cumul des peines est facultatif et le juge tiendra compte de toutes les circonstances. Mais si un journal se faisait, au mépris de la loi, une espèce de revenu ou moyen de l'annonce de loteries non autorisées, le juge aurait parfaitement raison de le condamner au maximum de la peine.
M. Moncheurµ. - Messieurs, comme l'article 302 punit de l'emprisonnement les auteurs, entrepreneurs, administrateurs, préposés de loteries non autorisées, je crois que cette disposition suffit amplement pour empêcher que des loteries abusives ne s'organisent. Je considère donc l'emprisonnement, même facultatif, qui serait, prononcé contre ceux qui simplement distribuent les billets ou qui en facilitent l'émission, je considère, dis-je, cet emprisonnement comme une peine excessive et d'ailleurs inutile.
Il est évident, en effet, que le paragraphe premier de cet article, qui commine une amende de vingt-six à mille francs, est plus que suffisant pour empêcher le colportage des billets.
MfFOµ. - Les spéculateurs tiendront compte de l'amende.
M. Moncheurµ. - Ils devront faire d'excellentes spéculations s'ils consentent à payer mille francs d'amende pour chaque fait d'annonce, de distribution ou de colportage qui serait constaté de leurs billets.
MfFOµ. - Cela dépend.
M Moncheurµ. - Je crois que cette amende, très considérable et qui pourrait, dans tous les cas, devenir énorme si l'entrepreneur insistait, est suffisante pour empêcher le colportage et la distribution des billets de loterie.
L'emprisonnement n'est donc nullement nécessaire. Les colporteurs sont souvent des gamins ou des femmes qui ne savent ni lire ni écrire. Je voterai donc contre cette peine écrite dans l'article en discussion.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Cet article 303 est extrait de la loi du 21 décembre 1852. Ce n'est donc pas une innovation ; c'est tout simplement la continuation d'un régime dont personne ne s'est plaint, parce qu'il est évident que les tribunaux ont appliqué l'article avec sagesse.
L'honorable M. Moncheur dit que l'article 302 suffit ; il suffirait, s'il était toujours possible d'atteindre les organisateurs de la loterie, mais s'il s'agit de loteries étrangères, de loteries d'Allemagne, par exemple...
M. Moncheurµ. - Qui payera l'amende de 1,000 francs ?
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je suppose qu'un organisateur d'une loterie étrangère s'adresse à un agent quelconque pour faire distribuer les billets, celui-ci répondra : Je puis être condamné à une amende de 1,000 fr. ; les organisateurs donneront les 1,000 fr., le distributeur placera les billets et il gagnera la commission attachée à cette distribution. Ainsi donc, si vous ne laissez que l'amende, la loi n'atteindra pas son but parce qu'il y a des intérêts plus considérables alors que l'amende que vous appliquez.
Maintenant, comme l'a dit l'honorable M. Tesch, il est certain que si une personne, qui a été induite en erreur, a distribué des bulletins de bonne foi, elle ne sera punie que d'une amende de 20 francs ; les tribunaux n'iront pas, d'une manière absurde, condamner à l'emprisonnement. L'emprisonnement ne sera appliqué qu'à ceux qui dans de mauvaises intentions s'en vont distribuer, dans un but de gain, des bulletins de loteries alors que les loteries sont prohibées.
M. Lelièvreµ. - Je fais observer à l'honorable M. Moncheur que l'article 303 en discussion peut encore être mitigé en cas de circonstances (page 405) atténuantes, puisque, dans cette hypothèse, il est libre au juge de n'appliquer que des peines de simple police, de sorte que le juge a la plus grande latitude pour proportionner la peine au délit d'après les circonstances diverses que l'affaire peut présenter.
Du reste, l'emprisonnement n'est pas obligatoire et son application n'est qu'une faculté pour le juge.
M. Moncheurµ. - L'observation de l'honorable M. Lelièvre était parfaitement inutile. Nous connaissons tous le système des circonstances atténuantes, mais nous savons aussi que lorsque le juge trouve une peine d'emprisonnement écrite dans la loi, il peut l'appliquer. S'il peut ne pas en faire usage, il peut aussi en faire usage. Nous devons donc, pour apprécier une loi pénale, nous placer dans l'éventualité de l'application possible de cette loi Or, c'est dans cette hypothèse que je me place pour apprécier l'article dont nous nous occupons, et je dis que la peine de l'emprisonnement qu'il contient est trop sévère.
Dans un nombre considérable de cas, des personnes qui auront très innocemment distribué des billets de loterie pourront être condamnées même à un mois d'emprisonnement, tandis que, par l'amende prononcée par l'article et dont le chiffre maximum est très élevé, puisqu'il est de mille francs, on peut atteindre le but qu'on se propose.
M. Teschµ. - Messieurs, je ne puis laisser passer l'expression de l'honorable M. Moncheur, qu'on expose des innocents à être punis.
La loi n'est pas faite pour les innocents, et il n'y a pas d'innocents qui puissent être punis. Un innocent ne sera pas même frappé de l'amende.
II y a toujours un coupable, à moins que vous n'admettiez que ceux qui transgressent la loi sont innocents, ce que je ne puis admettre.
Il y a un principe qu'il ne faut pas méconnaître. C'est que quand il s'agit d'un délit qui profite à un autre individu, il faut que la peine corporelle puisse être prononcée pour être sûr de la répression.
Il s'agit ici d'un délit de cette nature. C'est un délit qui se commettra non seulement au profil de son auteur, mais aussi au profit de ceux qui le font agir et qui peuvent le couvrir de l'amende. Il faut donc une peine corporelle, car sans cela il n'y aurait pas de répression.
- La discussion est close.
MpVµ. - Il est parvenu au bureau un amendement à l'article 303. Supprimer les mots :
« D'un emprisonnement de huit jours à un mois et »
« (Signé) Coomans. »
- Il est procédé au vote par assis et levé.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 303 est mis aux voix et adopté.
« Art. 305. Ceux qui, sans autorisation légale, auront tenu une maison de jeux de hasard, et y auront admis le public, soit librement, soit sur la présentation des intéressés ou affiliés, les banquiers, administrateurs, préposés ou agents de cette maison seront punis d'un emprisonnement de huit jours à six mois et d'une amende de cent francs à cinq mille francs.
« Les coupables pourront de plus être condamnés à l'interdiction, conformément à l'article 33.
« Dans tous les cas, seront confisqués les fonds ou effets qui seront trouvés exposés au jeu, ainsi que les meubles, instruments, ustensiles, appareils employés ou destinés au service des jeux. »
M. Coomans. - Je ferai remarquer, à propos de cet article, que, contrairement à l'assertion que produisait tantôt M. le ministre de la justice, les jeux de hasard sont plus pernicieux que les loteries, puisque l'abus en est puni beaucoup plus durement ; on va ici jusqu'à six mois de prison. Mais j'ai une autre observation à faire. Est-il entendu que sous l'application de l'article 305 tomberont les sociétés privées qui admettent aux jeux de hasard organisés dans leur sein des personnes étrangères à la société ? Il me semble que oui, d'après le texte de l'article.
« Ceux qui, sans autorisation légale, auront tenu une maison de jeux de hasard et y auront admis le public, soit librement, soit sur la présentation des intéressés ou affiliés... »
Je sais, je l'ai dit, qu'il résulte des abus plus ou moins graves des jeux de hasard qui sont à la mode dans beaucoup de sociétés dites littéraires.
Mais pourtant la peine me paraît un peu forte.
Ainsi, quand un membre de ces sociétés aura engagé une ou deux personnes qui y sont étrangères à venir participer au jeu (je ne sais à quels jeux plus ou moins ruineux on s'y livre ; au baccarat, au lansquenet, à l'écarté), il pourra être condamné à 6 mois de prison.
MfFOµ. - Cela n'est pas dans la loi.
M. Coomans. - Les sociétés auxquelles je fais allusion m sont pas comprises dans la loi ?
M. Teschµ. - Certainement non.
M. Coomans. - Alors mon observation tombe, mais j'en fais une autre, c'est que vous ne devriez pas innocenter complètement ces sociétés-là, sous prétexte qu'elles sont aristocratiques.
Je veux bien que vous réprimiez les jeux de hasard, mais alors soyez logiques, punissez-les partout où ils ont un certain caractère de publicité. Vous ne devez pas plus autoriser ces jeux dans certaines sociétés particulières que dans d'autres locaux.
Or, il est connu de nous tous que ce grave abus existe en Belgique, dans beaucoup de villes, à commencer par celle de Bruxelles. Il se perd parfois, en une soirée, des sommes très considérables. Eh bien, si cela est immoral, si le législateur doit s'immiscer dans ces choses-là, vous devez être logiques et vous devez promulguer des peines contre les organisateurs de ces jeux.
- La discussion est close. L'article 305 est adopté.
« Art. 306. Ceux qui, sans autorisation légale, auront tenu des maisons de prêt sur gages ou nantissement., seront punis d'un emprisonnement de huit jours à trois mois et d'une amende de vingt-six francs à mille francs. »
- Adopté.
« Art. 307. Ceux qui, ayant une autorisation, n'auront pas tenu un registre conforme aux règlements, contenant de suite, sans aucun blanc ni interligne, les sommes ou les objets prêtes, les noms, domiciles et professions des emprunteurs, la nature, la qualité, la valeur des objets mis en nantissement, seront punis d'un emprisonnement de huit jours à un mois et d'une amende de vingt-six francs à cinq cents francs, ou d'une de ces deux peines seulement. »
- Adopté.
« Art. 308. Seront punis d'un emprisonnement de huit jours à trois mois et d'une amende de vingt-six francs à mille francs :
« Les individus qui auront porté habituellement des effets aux bureaux du mont-de-piété pour autrui et moyennant rétribution ;
« Ceux qui auront acheté habituellement des reconnaissances du mont-de-piété ;
« Ceux qui auront cédé ou acheté les reconnaissances de ces établissements, constatant des prêts sur marchandises neuves. »
- Adopté.
« Art. 309. Celui qui aura méchamment ou frauduleusement communiqué des secrets de la fabrique dans laquelle il a été ou est encore employé, sera puni d'un emprisonnement de trois mois à trois ans et d'une amende de cinquante francs à deux mille francs. »
- Adopté.
« Art. 310. Sera puni d'un emprisonnement de huit jours à trois mois et d'une amende de vingt-six francs à mille francs ou d'une de ces peines seulement, toute personne qui, dans le but de forcer la hausse ou la baisse des salaires, ou de porter atteinte au libre exercice de l'industrie ou du travail, aura commis des violences, proféré des injures ou des menaces, prononcé des amendes, des défenses, des interdictions ou toute proscription quelconque, soit contre ceux qui travaillent, soit contre ceux qui font travailler.
« Il en sera de même de tous ceux qui, par des rassemblements près des établissements où s'exerce le travail ou près de la demeure de ceux qui le dirigent, auront porté atteinte à la liberté des maîtres ou des ouvriers. »
- Adopté.
« Art. 311. Les personnes qui, par des moyens frauduleux quelconques, auront opéré la hausse ou la baisse du prix des denrées ou marchandises ou des papiers et effets publics, seront punies d'un emprisonnement d'un mois à deux ans et d'une amende de trois cents francs à dix mille francs. »
- Adopté.
« Art. 314. Les personnes qui, dans les adjudications de la propriété, de l'usufruit ou de la locution des choses mobilières ou (page 406) immobilières, d'une entreprise, d'une fourniture, d'une exploitation ou d'un service quelconque, auront entravé ou troublé la liberté des enchères ou des soumissions, par violences ou par menaces, soit avant, soit pendant les enchères ou les soumissions, seront punies d'un emprisonnement de quinze jours à six mois et d'une amende de cent francs à trois mille francs. »
« Art. 315. Seront punis de huit jours à deux mois d'emprisonnement, ou d'une amende de vingt-six francs à trois cents francs :
« Ceux qui, sans l'autorisation préalable de l'officier public, auront procédé ou fait procéder à une inhumation ;
« Ceux qui auront contrevenu, de quelque manière que ce soit, aux lois et aux règlements relatifs aux lieux de sépulture et aux inhumations précipitées. »
- Adopté.
« Art. 319. Tout détenteur ou gardien d'animaux on de bestiaux soupçonnés d'être infectés de maladies contagieuses, déterminées par le gouvernement, qui n'aura pas averti sur-le-champ le bourgmestre de la commune où ils se trouvent, ou qui, même avant que le bourgmestre ait répondu à l'avertissement, ne les aura pas tous renfermés, sera puni d'un emprisonnement de huit jours à deux mois et d'une amende de vingt-six francs à deux cents francs. »
- Adopté.
« Art. 322. Toute association formée dans le but d'attenter aux personnes ou aux propriétés est un crime ou un délit, qui existe par le seul fait de l'organisation de la bande. »
- Adopté.
« Art. 323. Si l'association a eu pour but la perpétration de crimes emportant la pâme de mort ou les travaux forcés, les provocateurs de cette association, les chefs de cette bande et ceux qui y auront exercé un commandement quelconque, seront punis de la réclusion.
« Ils seront punis d'un emprisonnement de deux ans à cinq ans si l'association a été formée pour commettre d'autres crimes, et d'un emprisonnement de six mois à trois ans si l'association a été formée pour commettre des délits. »
- Adopté.
« Art 324. Tous autres individus faisant partie de l'association et ceux qui auront sciemment et volontairement fourni à la bande ou à ses divisions des armes, munitions, instruments de crime, logements, retraite ou lien de réunion, seront punis :
« Dans le premier cas prévu par l'article précédent, d'un emprisonnement de six mois à cinq ans ;
« Dans le second cas, d'un emprisonnement de deux mois à trois ans ;
« Et dans le troisième, d'un emprisonnement d'un mois à deux ans.
- Adopté.
« Art. 326. Seront exemples des peines prononcées par le présent chapitre ceux des coupables qui, avant toute tentative de crimes ou délits faisant l'objet de l'association et avant toutes poursuites commencées, auront révélé à l’autorité l'existence de ces bandes et les noms de leurs commandants en chef ou en sous ordre.
« Ils pourront néanmoins être mis, pendant cinq ans au plus, sous la surveillance spéciale de la police. »
- Adopté.
« Art. 327. Quiconque, par écrit anonyme ou signé, aura menacé, avec ordre ou sous condition, d'un attentat contre les personnes ou les propriétés punissable de la peine de mort on les travaux forcés, sera condamné à un emprisonnement de deux ans à cinq ans et à une amende de cent francs à cinq cents francs. »
M. Lelièvreµ. - Les articles 327-331 concernent les menaces d'attentat contre les personnes ou contre les propriétés. A cet égard, je pense que. les articles proposés par la commission doivent être préférés à ceux que le Sénat avait adoptés. J'estime même qu'on aurait pu borner la répression des menaces aux cas prévus par le code pénal de 1810.
L'expérience n'a pas démontré la nécessité de réprimer ce fait dans d'autres hypothèses.
On comprend la nécessité de punir les menaces, lorsque celles-ci concernent un attentat de haute gravité, par exemple, dans le cas de l'article 305 du code pénal de 1810. Mais la menace ne peut produire un trouble social suffisant pour légitimer l'application d'une peine publique, quand l'attentat annoncé a une gravité moindre, notamment lorsque l'attentat n'est punissable que de la peine de la réclusion.
II est même à remarquer que, d'ordinaire, en semblables hypothèses, la menace est sans aucune influence appréciable sur l'esprit de celui auquel elle s'adresse. Je pense donc que la commission est allée trop loin en renchérissant sur la sévérité du code pénal de 1810.
M. Pirmezµ. - Il suffit d'une simple observation pour répondre à ce que vient de dire M. Lelièvre ; il est très vrai que, d'après le code pénal de 18l0, on ne punit la menace que lorsque le crime même est puni d'une peine très grave, la mort, les travaux forcés à perpétuité ou la déportation ; il est très vrai aussi qu'aujourd'hui on punit la menace d'attentats qui sont punis d'une peine moindre. Mais il faut tenir compte de ce que les peines ont été abaissées. Si nous avions maintenu la disposition du code de 1810, nous n'aurions plus atteint les actes qui sont punis aujourd'hui.
La menace d'incendie, par exemple, est une menace des plus redoutables et des plus fréquentes. L'incendie étant puni de mort par le code pénal de 1810, il en résultait qu'on punissait la menace d'incendie. Comme, dans la plupart des cas, nous ne punissons plus l'incendie de mort, mais des travaux forcés à temps et de la réclusion, il s'ensuivrait que la menace d'incendie ne serait plus punie, si nous n'apportions le changement critiqué par l'honorable membre.
Je crois qu'il suffira de ces quelques observations pour convaincre M. Lelièvre que nous avons bien fait de modifier le code pénal.
M. Lelièvreµ. - Je comprends parfaitement qu'on réprime la menace d'un attentat punissable de la peine des travaux forcés, mais ce que je ne puis admettre, c'est qu'on punisse l'attentat, alors que la menace est relative à un fait délicieux que la loi frappe de la peine de la réclusion. En ce cas, il y a aggravation notable de la législation en vigueur, et c'est ce qui fait l'objet de mes observations critiques. Jamais la menace d'un attentai punissable de la réclusion n'a été jusqu'à ce jour l'objet de mesures répressives et jamais on n'a constaté la nécessité de semblable disposition.
- L'article 327, amendé, est mis aux voix et adopté.
« Art. 328. Si la menace n'a été accompagnée d'aucun ordre ou condition, la peine sera un emprisonnement de trois mois à deux ans, et une amende de cinquante francs à trois cents francs. »
- Adopté.
« Art. 329. Si la menace faite avec ordre ou sous condition a été verbale, le coupable sera puni d'un emprisonnement de deux mois à un an et d'une amende de vingt six francs à deux cents francs. »
- Adopté.
« Art. 330 La menace, faite par écrit anonyme ou signé, avec ordre ou sous condition, d'un attentat contre les personnes ou les propriétés punissable de la réclusion, sera punie d'un emprisonnement de trois mois à trois ans, et d'une amende de cent francs à cinq cents francs. »
- Adopté.
« Art. 331. Dans les cas prévus par les article 327, 328 et 329, le coupable pourra da plus être condamné à l'interdiction, conformément à l'article 35, et mis sous la surveillance spéciale de la police pendant cinq ans au moins et dix ans au plus. »
- Adopté.
« Art. 333. Si l'évadé était poursuivi ou condamné du chef d'un délit, ou s'il était prisonnier de guerre, ces préposés seront punis, en cas de négligence, d'un emprisonnement de huit jours à trois (page 407) mois, et en cas de connivence, d'un emprisonnement de six mois à deux ans. »
- Adopté.
« Art. 334. Si l'évadé était poursuivi ou condamné du chef d'un crime, ou s'il était arrêté en vertu de la loi sur les extraditions, ces préposés subiront un emprisonnement de quinze jours à un an en cas de négligence ; et un emprisonnement d'un an à cinq ans en cas de connivence. »
- Adopté.
« Art. 335. Ceux qui, n'étant pas chargés de la garde ou de la conduite du détenu, auront procuré ou facilité son évasion, seront punis, au cas de l'article 333, d'un emprisonnement de quinze jours à un an ; et au cas de l'article 334, d'un emprisonnement de trois mois à deux ans.
« Sont exceptés de la présente disposition les ascendants ou descendants, époux, et épouses même divorcés, frères ou sœurs des détenus évadés, ou leurs alliés aux mêmes degrés. »
- Adopté.
« Art. 336. Si l'évasion a eu lieu ou a été tentée avec violence, menaces ou bris de prison, les peines contre ceux qui l'auront favorisée en fournissant des instruments propres à l'opérer seront :
« Dans les circonstances énoncées à l'article 333, un emprisonnement de deux ans à cinq ans contre les préposés, et de trois mois à deux ans contre les autres personnes ;
« Dans les circonstances énoncées à l'article 334, la réclusion contre les préposés, et un emprisonnement de six mois à trois ans contre les autres personnes. »
- Adopté.
« Art. 337. Si l'évasion a eu lieu ou a été tentée avec violence, menaces ou bris de prison, les peines contre ceux qui l'auront favorisée par transmission d'armes seront :
« Dans les circonstances énoncées à l'article 333, la réclusion contre les préposés, et un emprisonnement de deux ans à cinq ans contre les autres personnes ;
« Dans les circonstances énoncées à l'article 334, les travaux forcés de dix ans à quinze ans contre les préposés, la réclusion contre les autres personnes. »
- Adopté.
« Art. 338. Le condamné placé sous la surveillance spéciale de la police qui contreviendra aux dispositions prescrites par l'article 35 du présent code, sera puni d'un emprisonnement de huit jours à un an. »
- Adopté.
« Art. 339. Ceux qui auront recelé ou fait receler des personnes qu'ils savaient être poursuivies ou condamnées du chef d'un crime, seront punis d'un emprisonnement de huit jours à deux ans, et d'une amende de vingt-six francs à cinq cents francs. »
- Adopté.
« Art. 340. Quiconque aura recelé ou fait receler, caché ou fait cacher le cadavre d'une personne homicidée ou morte des suites de coups ou blessures, sera puni d'un emprisonnement de trois mois à deux ans, et d'une amende de cinquante francs à six cents francs. »
- Adopté.
« Art. 342. Seront punis d'un emprisonnement de huit jours à un mois :
« Tout vagabond et tout individu qui, pour mendier, seront entrés, sans la permission du propriétaire ou des personnes de sa maison, soit dans une habitation, soit dans ses dépendances ;
« Tous ceux qui, en mendiant, feindront des plaies ou des infirmités ;
« Tous ceux qui mendieront en réunion, à moins que ce ne soit le mari et la femme, le père ou la mère et leurs jeunes enfants, l'aveugle ou l'invalide et leur conducteur. »
M. Thibautµ. - Je demanderai une explication sur cet article. D'après mon interprétation, le vagabond doit être puni lorsqu'il entre dans une habitation sans la permission du propriétaire, même lorsqu'il ne manifeste pas l'intention de mendier.
Si l'on exigeait l'intention de mendier, chez le vagabond, il faudrait supprimer ce mol dans le texte dont nous nous occupons. L'expression « tout individu » serait suffisante.
II serait donc bon de préciser le sens du paragraphe premier de l'article 342.
M. Pirmez, rapporteurµ. - Il me paraît que l'honorable M. Thibaut interprète parfaitement l'article : le vagabond est toujours puni, et l'individu qui entre dans une maison pour mendier l'est également.
- L'article 342 est mis aux voix et adopté.
« Art. 345. Tout individu qui, en mendiant, aura menacé d'un attentat contre les personnes ou les propriétés, sera puni d'un emprisonnement d'un mois à un an.
« Il sera condamné à un emprisonnement de six mois à trois ans, s'il a exercé des violences contre les personnes. »
- Adopté.
« Art. 348. Celui qui, par aliments, breuvages, médicaments, violences ou par tout autre moyen, aura, à dessein, fait avorter une femme qui n'y a point consenti, sera puni de la réclusion.
« Si les moyens employés ont manqué leur effet, l'article 52 sera appliqué. »
- Adopté.
« Art. 349. Lorsque l'avortement a été causé par des violences exercées volontairement, mais sans intention de le produire, le coupable sera puni d'un emprisonnement de trois mois à deux ans et d'une amende de vingt-six francs à trois cents francs.
« Si les violences ont été commises avec préméditation ou avec connaissance de l'état de la femme, l'emprisonnement sera de six mois à trois ans, et l'amende de cinquante francs à cinq cents francs. »
- Adopté.
« Art. 350. Celui qui, par aliments, breuvages, médicaments ou par tout autre moyen, aura fait avorter une femme qui y a consenti, sera condamné à un emprisonnement de deux ans à cinq ans, et à une amende de cent francs à cinq cents francs. »
- Adopté.
« Art. 351. La femme qui, volontairement, se sera fait avorter sera punie d'un emprisonnement de deux ans à cinq ans et d'une amende de cent francs à cinq cents francs. »
- Adopté.
« Art. 352. Lorsque les moyens employés dans le but de faire avorter la femme auront causé la mort, celui qui les aura administrés ou indiqués dans ce but sera condamné à la réclusion, si la femme a consenti à l'avortement, et aux travaux forcés de dix ans à quinze ans, si elle n'y a point consenti. »
- Adopté.
« Art. 353. Dans les cas prévus par les art. 348, 350 et 352, si le coupable est médecin, chirurgien, accoucheur, sage-femme, officier de santé ou pharmacien, les peines respectivement portées par ces articles seront remplacées par la réclusion, les travaux forcés de dix ans à quinze ans, ou de seize ans à vingt ans selon qu'il s'agit de l'emprisonnement, de la réclusion ou des travaux forcés de dix ans à quinze ans. »
- Adopté.
« Art. 354. Seront punis d'un emprisonnement d'un mois à un an et d une amende de vingt-six francs à cent francs ceux qui auront exposé ou fait exposer, et ceux qui auront délaissé ou fait délaisser, en un lieu non solitaire, un enfant au-dessous de l'âge de sept ans accomplis. »
- Adopté.
« Art. 355. Les délits prévus par le précédent article seront punis d'un emprisonnement de trois mois à deux ans et d'une amende de vingt-six francs à deux cents francs, s'ils ont été commis (page 408) par les père et mère légitimes ou naturels, ou par des personnes à qui l'enfant était confié.
- Adopté.
« Art. 356. Si, par suite du délaissement, l'enfant est demeuré mutilé ou estropié, les coupables seront punis :
« Dans le cas prévu par l'article 354, d'un emprisonnement de six mois à deux ans et d'une amende de vingt-six francs à deux cents francs ;
« Dans le cas de l'article 355, d'un emprisonnement d'un an à trois ans et d'une amende de cinquante francs à trois cents francs. »
- Adopté.
« Art. 357. Si le délaissement a causé la mort de l'enfant, la peine sera :
« Dans le cas de l'article 354, un emprisonnement d'un an à trois ans et une amende de cinquante francs à trois cents francs ;
« Dans le cas exprimé à l'article 355, un emprisonnement de deux ans à cinq ans et une amende de cinquante francs à trois cents francs. »
- Adopté.
« Art 358. Seront punis d'un emprisonnement de six mois à trois ans et d'une amende de cinquante francs à trois cents francs, ceux qui auront délaissé ou fait délaisser dans un lieu solitaire un enfant au-dessous de l'âge de sept ans accomplis. »
- Adopté.
« Art. 359. L'emprisonnement sera d'un an à cinq ans et l'amende de cent francs à cinq cents francs, si les coupables du délaissement sont les père et mère légitimes ou naturels ou des personnes à qui l'enfant était confié. »
- Adopté.
« Art. 360. Si, par suite du délaissement prévu par les deux articles précédents, l'enfant est demeuré mutilé ou estropié, les coupables seront punis de la réclusion.
« Si le délaissement a causé la mort, ils seront condamnés aux travaux forcés de dix ans à quinze ans. »
- Adopté.
« Art. 361. Toute personne qui, ayant assisté à un accouchement, n'aura pas fait la déclaration prescrite par les articles 35, 36 et 57 du code civil, sera punie d'un emprisonnement de huit jours à trois mois et d'une amende de vingt-six francs à deux cents francs ou d'une de ces peines seulement. »
- Adopté.
« Art. 363. Seront punis de la réclusion, les coupables de suppression d'un enfant, de substitution d'un enfant à un autre, ou de supposition d'un enfant à une femme qui ne sera pas accouchée.
« La même peine sera appliquée à ceux qui auront donné la mission de commettre les faits mentionnés au paragraphe précédent, si cette mission a reçu son exécution. »
- Adopté.
« Art. 364. Quiconque, aura enlevé ou fait enlever un enfant âgé de moins de sept ans accomplis sera puni de la réclusion, quand même l'enfant aurait suivi volontairement le ravisseur. »
- Adopté.
« Art. 365. Quiconque aura recelé ou fait receler un enfant au-dessous de cet âge sera puni d'un emprisonnement d'un an à cinq ans et d'une amende de cinquante francs à cinq cents francs. »
- Adopté.
« Art. 366. Ceux qui auront porté ou fait porter à un hospice un enfant au-dessous de l'âge de sept ans accomplis, qui leur était confié, seront punis d'un emprisonnement d'un mois à six mois et d'une amende de vingt-six francs à cent francs.
« Toutefois, aucune peine ne sera prononcée, s'ils n'étaient pas tenus ou ne s'étaient pas obligés de pourvoir gratuitement à la nourriture et à l'entretien de l'enfant, et si personne n'y avait pourvu. »
- Adopté.
« Art. 368. Sera puni d'un emprisonnement d'un an à cinq ans, et d'une amende de cinquante francs à cinq cents francs, celui qui, par violence, ruse ou menace, aura enlevé ou fait enlever des mineurs.
« Le coupable pourra être condamné, en outre, à l'interdiction, conformément à l'article 35. »
- Adopté.
« Art. 369. Si la personne ainsi enlevée est une fille au-dessous de l'âge de seize ans accomplis, la peine sera la réclusion. »
- Adopté.
« Art. 370. Celui qui aura enlevé une fille au-dessous de l'âge de seize ans accomplis, non émancipée, qui aura consenti à son enlèvement ou qui aura suivi volontairement le ravisseur, sera puni, s'il est majeur, d'un emprisonnement de deux ans à cinq ans, et d'une amende de cinquante francs à cinq cents francs, et pourra de plus être condamné à l'interdiction conformément à l'article 35.
« Il sera puni d'un emprisonnement de trois mois à un an et d'une amende de cinquante francs à trois cents francs s'il est mineur. »
- Adopté.
« Art. 374. L'attentat existe dès qu'il y a commencement d'exécution. »
- Adopté.
« Art. 375. Sera puni de la réclusion quiconque aura commis le crime de viol, soit à l'aide de violences ou de menaces graves, soit en abusant d'une personne qui, par l'effet d'une maladie, par l'altération de ses facultés ou par toute autre cause accidentelle, avait perdu l'usage de ses sens, ou en avait été privée par quelque artifice.
« Si le crime a été commis sur la personne d'un enfant au-dessous de l'âge de quatorze ans. accomplis, le coupable sera puni de la peine des travaux forcés de dix ans à quinze ans. »
M. Lelièvreµ. - Je pense que, d'après l'article en discussion, le viol ne se conçoit que quand il y a eu violence ou menace. En conséquence il n'y aurait pas viol dans le sens de notre article, s'il y avait eu seulement fraude. Ainsi le fait de cohabiter avec une femme mariée qui, induite en erreur par des manœuvres frauduleuses, croit avoir affaire à son mari, ne serait pas considéré comme viol. Un arrêt récent de la Cour de Bruxelles décidant le contraire ne me paraît pas conforme au droit. On pourrait réprimer ce fait par une disposition spéciale, mais d'après le code pénal que nous discutons, ce fait n'est pas puni.
M. Pirmez, rapporteurµ. - L'honorable M. Lelièvre est dans l'erreur. La Chambre a voté l'article dans un esprit précisément contraire. J'ai relu le rapport de l'honorable M. Lelièvre sur cet article, ce matin même, et j'ai, vu qu'il résolvait cette question dans un sens tout à fait contraire.
M. Lelièvreµ. - Remarquez bien que la rédaction a été changée ; c'est un autre article.
M. Pirmez, rapporteurµ. - La solution que vous venez de donner dans le sens de la non-existence de l'infraction, a été consacrée plusieurs fois par la jurisprudence française, et vous citiez, en note de votre rapport, les arrêts qui l'ont admise. Mais pour qu'il n'y ait pas de doute sur l'existence du viol, chaque fois que la femme ne consent pas, on a ajouté à l'article ces mots : « Soit en abusant d'une personne qui, par l'effet d'une maladie, par l'altération de ses facultés, ou par toute autre cause accidentelle, avait perdu l'usage de ses sens ou en avait été privée par quelque artifice. »
On a donc ajouté à l'article des faits qui évidemment ne supposent pas de violence. On les a ajoutés pour exclure l'interprétation de la jurisprudence française, qui exigeait un fait réel de violence.
Maintenant il est possible que la modification qui a été apportée à l'article à ce point de vue ne soit pas suffisante pour qu'il n'y ait plus aucune espèce de doute, quant au fait que vient d'indiquer l'honorable Lelièvre.
Pour écarter tout doute, je proposerai de rédiger ainsi l'article : « Sera puni de la réclusion quiconque aura commis le crime de viol, soit par ruse, soit à l'aide ... (comme à. l'article).
M. Lelièvreµ. - M. Pirmez est dans l'erreur ; l'article 375 ne serait pas applicable au cas que j'ai signalé. Il n'atteint que le viol commis en abusant d'une personne qui, par l'effet d'une maladie, par l'altération de ses facultés ou par toute autre cause accidentelle, avait perdu l'usage de ses sens ou en avait été privée par quelque artifice.
Or, tel n'est pas le cas auquel j'ai fait allusion. Les circonstances énoncées en l'article 375 font défaut ; il y a eu simplement fraude de la part de (page 409) l'agent qui, par des manœuvres frauduleuses, s'est fait passer pour le mari.
Je comprends facilement qu'on assimile cet acte à ceux réprimés par l'article 375, mais j'ai eu raison de dire que, pour cette assimilation, une disposition nouvelle est indispensable. M. Pirmez le comprend ainsi, puisqu'il propose une disposition additionnelle à laquelle je donne mon assentiment.
M. Coomans. - J'appuie volontiers l'amendement présenté par l'honorable M. Pirmez et j'espère qu'il voudra bien reconnaître, ainsi que l'organe du gouvernement, que les mots « causes accidentelles » comprennent également l'ivresse, surtout l'ivresse occasionnée par le séducteur, qui est une des plus communes ; et je crois qu'il y aggravation, lors que au moyen d'un breuvage, même non prohibé, on aura abusé de la personne,
M. Pirmez, rapporteurµ. - L'article parle de l'altération des facultés et des causes accidentelles qui privent de l'usage des sens ; il me paraît que le rapprochement indique que le texte comprend l'ivresse lorsqu'elle prive complètement des facultés.
Mais je dois faire une double réserve.
Il faut d'abord bien se garder de croire que toute ivresse, même légère suffit. Evidemment il ne peut être question que d'une ivresse tellement entière, qu'elle ôte la connaissance.
Il faut, en outre, se rendre compte des circonstances dans lesquelles elle se produit, et voir si les circonstances mêmes ne renferment pas un consentement plus ou moins formel, suffisant pour exclure l'idée d'un viol.
- L'article est mis aux voix et adopté tel qu'il est amendé par M. Pirmez.
« Art. 376. Si le viol a causé la mort de la personne sur laquelle il a été commis, le coupable sera puni des travaux forcés de seize ans à vingt ans. »
- Adopté.
« Art. 377. Le minimum des peines portées par les articles précédents sera élevé conformément à l'article 266 :
« Si les coupables sont les ascendants de la personne sur laquelle ou a l'aide de laquelle l'attentat a été commis ;
« S'ils sont de la classe de ceux qui ont autorité sur elle ;
« S'ils sont ses instituteurs ou ses serviteurs à gages, ou les serviteurs des personnes ci-dessus désignées ;
« Si l'attentat a été commis, soit par des fonctionnaires publics ou des ministres d'un culte qui ont abusé de leur position pour le commettre, soit par des médecins, chirurgiens, accoucheurs ou officiers de santé, envers des personnes confiées à leurs soins ;
« Enfin, si dans les cas des articles 373, 375 et 376, le coupable, quel qu'il soit, a été aidé, dans l'exécution du crime ou du délit, par une ou plusieurs personnes. »
- Adopté.
« Art. 378. Dans les cas prévus par le présent chapitre, les coupables seront condamnés à l'interdiction des droits énoncés aux n°1, 3, 4, 5 et 7 de l'article 31.
« Si l'attentat a été commis par le père ou la mère, le coupable sera, en outre, privé des droits et avantages à lui accordés sur la personne et sur les biens de l'enfant parle code civil, livre I, titre IX, de la Puissance paternelle. '
- Adopté.
La séance est levée à 4 heures.