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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 6 février 1867

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1866-1867)

(Présidence de (M. E. Vandenpeereboom.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 371) M. de Moor, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Van Humbeeck, secrétaireµ, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Moorµ présente l'analyse suivante des pièces qui ont été adressées à la Chambre.

« Des habitants de Bruxelles demandent le suffrage universel pour les élections communales et provinciales. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur la réforme électorale.


« Des habitants de Bruxelles présentent des observations relatives au projet de loi sur les expropriations pour cause d'utilité publique. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.

« Des membres du conseil communal de Watermael-Boitsfort demandent une école communale à Watermael. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des habitants d'une commune non dénommée demandent la révision de la loi sur la garde civique. »

- Même renvoi.


« Des habitants de Lokeren demandent le rachat, par le gouvernement, des canaux embranchements du canal de Charleroi à Bruxelles. »

« Même demande d'habitants de Malines, Anvers et Termonde. »

- Même renvoi.


« Le sieur Bogaert demande que la loi du 12 juin 1816 et l'arrêté royal du 12 septembre 1822 cessent d'être applicables aux ventes d'immeubles confiées aux soins d'exécuteurs testamentaires par des personnes ne laissant pas d'héritiers à réserve, et que la loi permette aux notaires de faire ces ventes publiquement, si les testateurs n'ont pas déterminé un autre mode de vente. »

- Même renvoi.


« MM. Dethuin et T'Serstevens, obligés de s'absenter pour un deuil de famille, demandent un congé de quinze jours. »

« M. Muller, obligé de s'absenter pour cause d'indisposition, demande un congé. »

- Ces congés sont accordés.

Projet de loi abrogeant l’article 1781 du code civil

Discussion des articles

Article 2 (amendement de la section centrale-

MpVµ. - La discussion est ouverte sur l'article 2.

M. de Theuxµ. - La Chambre a voté l'abrogation de l'article 1781 du code civil dans l'intérêt des gens de service et des ouvriers. Mais je ne crains pas de dire que si cet article n'est pas remplacé par les dispositions proposées par. la section centrale, la Chambre aura pratiqué un grand vide tant contre l'intérêt des domestiques que contre l'intérêt des maîtres.

En effet, messieurs, il est de notoriété que la plupart des gages des domestiques dans les villes et même la plupart des gages des domestiques ruraux s'élèvent à plus de 150 francs par an. Il est de notoriété publique que les engagements se font par année, et non par mois, ni par trimestre.

Si des payements se font par mois par trimestre ou à d'autres termes, cela dépend de la bonté, de la complaisance des maîtres, mais ce n'est pas par suite d'un engagement. Jamais un domestique ne demande, avant de s'engager, que le maître prenne l'obligation de le payer au mois ou par trimestre. Il abandonne cela à la générosité, à la complaisance de son maître.

D'autre part, il est notoire qu'il ne se fait jamais un engagement par écrit entre un maître et un domestique ni quant à la durée du temps de son service ni quant à la hauteur du gage et des accessoires du gage. Tout cela se fait verbalement, et cette pratique est fondée sur la raison. Elle est fondée sur l'intérêt du domestique comme sur l'intérêt du maître.

En effet, quel est le domestique ayant conscience de sa valeur personnelle qui acceptera un engagement au mois ou par trimestre ? Mais tout ce que demande le domestique, c'est de pouvoir compléter l'année de service chez un bon maître, pour qu'il puisse par son livret ou par un certificat prouver qu'il a loyalement servi un maître pendant un temps considérable. Un domestique qui arriverait avec un livret chargé de congés après quelques semaines, après quelques mois de service, ne trouverait plus à se placer. Il devrait accepter des conditions tout à fait défavorables et contraires à son intérêt.

Voilà la vérité des faits.

D'autre part, le maître a le plus grand intérêt à être servi le plus longtemps possible par le même domestique. Tout le monde sait que quand un domestique nouveau entre, il faut qu'il ait le temps de se former au service de son nouveau maître. En effet, quelle serait la position d'un maître qui changerait constamment de domestique après un mois, après un trimestre ? Cette position serait des plus ennuyeuses, des plus désagréables.

Il est donc certain qu'en droit et en fait les engagements des domestiques sont à l'année, sauf la preuve contraire. Cette remarque est d'autant plus importante, qu'il faut tenir compte aussi de la question de compétence.

Or, la compétence du tribunal soit de paix, soit de première instance, est déterminée par la durée de l'engagement annuel, de la hauteur de l'engagement, et non par des payements de complaisance au bout du mois ou du trimestre.

Messieurs, si l'on n'admet pas l'article 2 proposé par la section centrale, qu'arrivera-t-il ?

La preuve par témoins ne pourra pas se faire, puisqu'il s'agira de sommes supérieures à 150 francs ; la preuve par témoins ne pouvant pas être faite, le juge ne pourra, en aucun cas, déférer d'office le serment ni au maître, ni au domestique, parce qu'il ne peut pas le faire en matières où la preuve testimoniale n'est pas admissible.

Or, elle n'est pas admissible lorsqu'il s'agit de sommes supérieures à 150 fr. Quelle sera donc la position du maître et celle du domestique dans cette hypothèse ? Et je prierai de remarquer que c'est celle qui se produira le plus fréquemment. Le domestique prouvera par la notoriété qu'il a servi pendant un certain temps, mais il faudra que le domestique prouve encore la hauteur du gage et les conditions accessoires auxquelles le maître s'est obligé.

Quand il s'agira de sommes supérieures à 150 fr., il n'aura donc d'autre ressource que de déférer à son maître le serment décisoire ; mais respectivement le maître qui aura payé des à-compte sur les gages de plus de 150 fr. ne pourra rien prouver, s'il n'a pas de quittance ; il devra déférer à son domestique le serment décisoire qu'il n'a rien reçu, ou qu'il n'a pas reçu autant que le maître affirme.

Voilà quelle sera la position. Ainsi ce sera le serment décisoire qui sera le mode de preuve. Or c'est là un mauvais système. J'aime beaucoup mieux qu'on puisse, conformément au projet de la section centrale, laisser au juge la faculté d'apprécier les circonstances relatives au maître et les circonstances relatives au domestique et de déférer d'office le serment pour compléter sa conviction.

Le domestique n'aura jamais de preuve écrite, et en effet quel est le maître qui consentira à faire un contrat ? Si un domestique proposait à son maître de faire un contrat, il se présenterait sous des apparences (page 372) telles, que le maître l’éconduirait en termes probablement peu polis. Voilà les faits. Le domestique n'aura jamais de contrat et il ne pourra jamais apporter de preuves écrites ; il ne pourra pas non plus, pour des gages supérieurs à 150 fr., apporter la preuve testimoniale.

Quel est le maître, fût-ce le plus petit paysan, qui, lorsqu'il engagera un domestique, ira dans son voisinage faire constater qu'il a engagé son serviteur à telle on telle condition ? Personne. Dans toutes les classes, même dans la plus infime, les maîtres ont trop le sentiment de leur dignité pour procéder de cette manière. Le domestique n'aura donc jamais de preuve, même par témoins, de la hauteur des gages et des accessoires. Cela est clair. D'autre part, le maître ne recourra jamais à des témoins pour constater les payements qu'il aura faits ; ce serait ingérer les étrangers dans les affaires qui ne les regardent pas.

D'ailleurs, ces témoins peuvent faire défaut, ils peuvent mourir, et la preuve manquerait. Le maître aura encore un avantage sur le domestique, il pourra lui faire signer une quittance à chaque payement.

Le maître aurait donc une preuve écrite, le domestique n'en aurait pas. Mais tous les domestiques ne savent pas écrire, rédiger une quittance et signer une quittance, un grand nombre ne sauraient pas même lire la quittance que leur maître leur présenterait à signer, et voyez dans quelle position vous les placeriez s'ils devaient se mettre à épeler leur quittance et à peser la valeur des termes dans lesquels elle serait conçue.

Il n'y aurait plus d'entente possible entre le maître et son domestique, entre le patron et ses ouvriers si leurs relations réciproques étaient ainsi placées sous le coup d'une suspicion permanente.

Il faut donc, si l'on maintient l'abrogation de l'article 1781, le remplacer par les dispositions que la section centrale nous à soumises. En dehors de cela, vous n'avez que confusion, embarras, désorganisation des rapports entre maîtres et domestiques.

Je n'en dirai pas davantage sur cet article ; je me réserve de présenter aussi quelques observations pratiques sur l'article 3.

Je crois avoir suffisamment prouvé la nécessité d'adopter l'article 2, qui est le préambule de l'article 3 ; car si l'article 2 n'est pas adopté, l'article 3 n'aura plus de raison d'être.

Nous examinerons aussi la question de la prescription. Il peut être utile d'abréger les délais ; il faut quelques garanties dans l'intérêt des domestiques et l'amendement, dans tous les cas, devrait subir des modifications.

Je me suis exprimé avec une entière conviction. Je pense que les gens les plus aisés sont les moins intéressés dans la question ; mais il faut tenir compte de cette grande multitude de personnes peu familiarisées avec les écritures et qui agissent en toute simplicité, qui agissent de bonne foi, et qu'il faut également tenir compte de la bonne foi des gens de service.

Si l'on admettait les contrats écrits, je crois que ces contrats tourneraient, la plupart du temps, contre les domestiques, car on aurait soin d'y consigner l'obligation de servir un temps déterminé, sous peine d'une indemnité pour le maître ; on y stipulerait encore des indemnités pour le cas où les domestiques, par maladresse ou par méchanceté, auraient brisé ou détérioré les meubles, car il y a de ces hommes qui, obligés de quitter un service, ne se font pas scrupule de causer un préjudice considérable à leur maître.

Messieurs, l'usage est admis dans notre pays et en France de dénoncer les engagements quinze jours d'avance, afin que le domestique ait le temps de chercher un autre service et que le maître ait, de son côté, le temps de se pourvoir d'un autre domestique.

En Hollande, il n'en est pas de même ; il est admis dans ce pays que le domestique ne peut pas quitter son service sans être tenu de payer une indemnité à son maître ; de son côté, le maître ne peut pas congédier son domestique sans lui payer une indemnité, si ce n'est pour motifs justifiés.

Je considère nos usages comme beaucoup plus sages et plus conformes à la nature des choses et ce n'est qu'à la condition de maintenir de bonnes relations entre le maître et le domestique que nous ferons une œuvre acceptable et durable.

M. Preud'hommeµ. - Messieurs, je veux aussi motiver mon vote. Je me rallie complètement aux amendements de la section centrale.

Trois systèmes se présentent devant la Chambre : le maintien de l'article 1781 du code civil ; l'abrogation pure et simple de cet article, c'est-à-dire : le retour au droit commun ; l'abrogation avec un mode spécial de preuves excédant le droit commun, c'est-à-dire l'admission du maître et de l'ouvrier à prouver par témoins les contestations au-dessus de 150 fr.

Je ne me dissimule pas, messieurs, les dangers de la preuve testimoniale en matière de contestations au-dessus de 150 fr., non pas que je veuille douter de la moralité des classes ouvrières, moi-même je sais que la classe ouvrière est en général honnête et probe, mais il y a entre les ouvriers une espèce de communauté d'intérêts qui les portera, non pas à faire un faux témoignage, mais au moins à déposer d'une manière favorable à leurs camarades, quand ils seront appelés devant la justice.

J'en ai cité un exemple et je pourrais en citer plusieurs.

Ainsi il peut arriver qu'un ouvrier ait reçu une avance et qu'à la quinzaine il ne soit pas payé. Il pourrait alors appeler les autres ouvriers à venir déposer qu'il n'a pas été payé à la quinzaine.

Le juge, en présence de ces attestations, condamnerait le maître à payer à l'ouvrier le salaire de cette quinzaine. Il pourrait encore se faire qu'on ouvrier fût arrivé trop tard et qu'il eût subi une amende. Cet ouvrier pourrait encore prouver qu'il n'a pas été payé, et le maître serait condamné.

La preuve testimoniale offre encore un autre danger, selon moi ; c'est une arme que l'on met dans les mains de l'ouvrier et qui pourrait tourner contre lui.

L'ouvrier, ayant toujours à sa disposition la preuve testimoniale, se trouvera facilement entraîné dans des procès excessivement longs.

Il y aura enquête, contre-enquête. L'ouvrier ne saura pas supporter tous ces frais, et alors même qu'il gagnerait son procès, il sera ruiné.

Voilà les dangers de la preuve testimoniale. Je m'y rallie cependant et je vais plus loin que beaucoup d'honorables membres, je dis que vous devez admettre la preuve testimoniale pour les contestations au-dessus de 150 fr., que vous devez donner au maître tous les moyens possibles de preuve, afin de le tirer de cette position d'inégalité dans laquelle le place l'abrogation de l'article 1781.

En effet, cette abrogation vient intervertir complètement les rôles et mettre le maître dans la situation d'infériorité où se trouvait l'ouvrier, car l'ouvrier a sa preuve toute faite, il vient dire qu'il a travaillé pendant six mois et le maître, s'il est interrogé sur faits et articles, ou si on lui défère le serment, devra reconnaître que l'ouvrier a travaillé pour lui pendant six mois.

Le maître étant, dans tous les cas, forcé de fournir la preuve de sa libération, vous devez mettre à sa disposition, avec le plus d'extension possible, tous les modes de preuve.

Messieurs, pour prouver la condition d'infériorité dans laquelle se trouveront les maîtres, il me suffira de citer quelques exemples :

Le maître qui fait des avances à son ouvrier ne va jamais chercher de témoins, pour constater les avances qu'il effectue. Un ouvrier ou un domestique viendra demander à son maître une somme de 10 francs pour payer des souliers, des hardes qu'on lui apporte ; le maître lui fait l'avance, mais il n'ira pas chercher des témoins pour constater l'à-compte qu'il vient de donner à l'ouvrier ; au contraire, il fera l'avance à l'ouvrier, quand personne ne sera présent.

Donc le maître n'aura souvent aucune preuve testimoniale pour les sommes inférieures à 150 francs.

Maintenant pour les sommes de 150 francs ou supérieures à 150 fr., la position du maître sera encore moins favorable.

En effet, voici dans quelle condition il va se trouver. Il paye à son domestique 150 francs ; comme le disait tout à l'heure l'honorable M. de Theux, c'est le cas ordinaire que les gages des domestiques se payent par année, déduction faite des à-compte payés dans le courant de l'année.

Le maître paye donc à son serviteur 150 francs ou une somme supérieure à 150 francs ; le domestique, qui est ignorant et illettré, ne peut pas donner quittance. C'est donc par la faute de l'ouvrier que le maître est dans l'impossibilité absolue de fournir la preuve écrite ; le maître n'en peut mais. Maintenant si vous n'admettez pas la preuve au-dessus de 150 francs, le maître aura beau avoir deux témoins pour attester le fait du payement ; ces témoins ne pourront être entendus devant la justice en vertu du droit commun.

Le maître se trouvera donc dans l'impossibilité de fournir une preuve ; il ne pourra ni recourir à la preuve testimoniale, ni aux présomptions, ni au serment supplétoire vis-à-vis de son domestique.

Par ces divers motifs, je crois qu'il y a lieu de se rallier aux propositions de la section centrale, si l'on ne veut sacrifier le maître au serviteur, tout en faisant disparaître du code civil une disposition inconstitutionnelle et créant l'inégalité dans les rapports entre ouvriers et patrons.

(page 373) M. le ministre de la justice (M. Bara). - Messieurs, les discours des honorables MM. de Theux et Preud'homme ne font que répéter les objections qui ont été présentées antérieurement, absolument dans les mêmes termes. Les deux honorables membres cherchent à montrer l'impossibilité pour le maître de fournir la preuve de sa libération.

Or, j'ai prononcé trois ou quatre discours, d'autres membres en ont prononcé également pour prouver le contraire, c'est-à-dire la possibilité pour le maître d'établir sa libération.

Devons-nous recommencer la discussion ? Je le veux bien ; cependant je dois faire remarquer qu'hier la Chambre a prononcé la clôture sur le fond du débat. Je concevrais qu'on rentrât dans la discussion, si l'honorable M. de Theux avait apporté un nouveau système, ou proposé une modification quelconque à ce projet qui de sa nature est indivisible ; mais il n'en est rien ; la discussion est réellement épuisée ; tous les orateurs ont parlé, les uns pour un système, les autres pour l'autre système. Je demande ce que l'honorable M. de Theux a produit de nouveau.

Quant à l'honorable M. Preud'homme, il dit que les témoins qui auraient assisté au payement ne pourront pas déposer en justice. C'est une erreur. Un arrêt de la cour de Rennes du 8 avril 1816 déclare, de la manière la plus formelle, que les témoins qui ont assisté à l'acte et qui l'ont même signé, peuvent être entendus. (Interruption.)

Vous ne voulez pas prendre les garanties nécessaires, tant pis pour vous ; la loi vous donne le moyen de vous les procurer et, je vous le répète, les maîtres auront toujours tous les moyens possibles de ne payer l'ouvrier que de manière à se mettre à même de prouver leur libération.

M. Dumortier. - M. le ministre de la justice a reproché aux honorables préopinants d'avoir reproduit des arguments qui ont déjà été présentés. Je dirai d'abord avec que la plus belle figure de rhétorique est la répétition, mais ici la répétition était nécessaire, indispensable et je trouve que mes honorables collègues ont très bien fait de reproduire les observations qui avaient déjà été présentées et qu'ils ont reproduites sous un jour nouveau ; ils ont très bien fait parce que jusqu'ici M. le ministre n'a rien répondu à l'objection fondamentale.

M. Bouvierµ. - Pour ceux qui n'ont pas d'oreilles.

M. Dumortier. - Je crois que j'en ai ; je ne prétends pas les avoir aussi longues que d'autres, mais elles sont assez longues pour m'avoir permis de comprendre.

Quel est l'argument fondamental de tout le débat ?

Il a été développé dès l'origine par l'honorable M. Van Overloop, et le voici en deux mots : la loi actuelle donne devant la justice un privilège au maître sur le domestique, mais le jour où vous supprimez l'article 1781, purement et simplement, vous donnez un privilège bien plus considérable au domestique contre le maître. Or, que faites-vous pour parer à cet inconvénient ? L'honorable M. Preud'homme vient de vous le dire, et je le répéterai encore ; le domestique n'a pas fait son service,lJe domestique n'a pas fait seul son travail : il constate devant la justice qu'il est créancier du maître ; maintenant comment voulez-vous que le maître prouve qu'il a payé ? Il ne s'agit pas de faire des théories à perte de vue, nous faisons ici quelque chose de pratique.

Eh bien, l'honorable M. Bara, ministre de la justice, est devant la justice, je lui demanderai comment il prouvera qu'il a payé son domestique ? Oh ! il a un système très commode : « Faites-vous donner quittance. » Mais, messieurs, est-ce que cela est pratique ? Tout homme qui a vécu dans une famille sait très bien qu'on ne retire pas quittance en pareil cas. Est-ce que, par hasard, quand une dame paye sa femme de chambre ou un domestique, elle fera venir des voisins ? ou bien fera-t-elle venir un notaire ? Aucun de nous, croyez-le bien, ne tient à l'article 1781 du code civil, mais à quoi nous tenons, c'est que le système dont on se plaint ne soit pas retourné contre le maître et retourné dans des conditions beaucoup plus défavorables.

Encore une fois, le domestique a pour lui la preuve ; il arrive donc devant la justice avec la preuve qu'il lui est dû un payement et il dit : Je n'ai pas été payé. Comment le maître prouvera-t-il qu'il s'est libéré ?

Voilà ce que M. le ministre devrait commencer par nous dire, et alors nous voterons tous unanimement pour faire disparaître un article qui blesse certaines susceptibilités égalitaires, auxquelles je rends, pour mon compte, parfaitement hommage, bien que je ne les partage pas en cette matière.

Ainsi le domestique attraira son maître en justice, et soutiendra qu'il n'a pas été payé, vu qu'il n'a pas été payé intégralement ; comment le maître prouvera-l-il qu'il s'est libéré ? M. Bara dit : Vous n'avez qu'à prendre vos précautions. Eh bien, je dirai au domestique : Vous n'avez qu'à prendre vos précautions, et vous n'aurez pas à vous plaindre devant la justice. Ce n’est pas ainsi qu'un ministre de la justice devrait parler. Nous sommes, encore une fois dans une question pratique. Il y a de bons et de mauvais maîtres, de bons et de mauvais domestiques ; entre un bon maître et un bon domestique il n'y aura jamais de conflit, mais on peut tomber à un mauvais domestique.

A cela M. Bara répond : Prenez vos précautions, n'acceptez que de bons domestiques. Mais, messieurs, celui qui renvoie un mauvais domestique ne peut pas inscrire sur le livret de mauvais renseignements sans s'exposer à un procès en calomnie ; comment dès lors celui à qui ce domestique vient offrir ses services, comment pourra-t-il s'éclairer ? Voilà la position de celui qui engage un domestique. Je reconnais bien volontiers que la grande masse des domestiques et des ouvriers se compose d'honnêtes gens, mais il s'en trouve cependant d'autres. Or, la loi est faite précisément pour les malhonnêtes gens.

Eh bien, voilà soit un maître malhonnête, soit un ouvrier malhonnête ; dans ce dernier cas, le maître a refusé un certificat, que fera le domestique ? Il intentera un procès à son maître et il le fera passer pour un voleur afin de pouvoir se présenter dans une autre maison et dire : Je suis un brave et honnête domestique et j'ai dû quitter mon maître parce qu'il ne voulait pas me payer.

Ainsi, messieurs, si vous n'introduisez pas dans la loi des garanties sérieuses, vous remplacez le privilège actuel par un privilège bien plus odieux encore au profit du domestique et contre le maître.

Messieurs, il est une chose qui m'a frappé : ou nous parle beaucoup de l'opinion publique dans cette affaire ; en Belgique, l'opinion publique a un moyen très facile de se manifester ; le droit de pétition existe chez nous en son entier et si des griefs sérieux, incontestables venaient à se présenter dans le pays, vous verriez les pétitions arriver à cette Chambre pour demander le redressement de ces griefs.

Eh bien, vous avez reçu deux pétitions, signées précisément par des domestiques en grande partie, en presque totalité. J'ai eu ces pétitions eu main. Eh bien, qu'est-ce qu'elles demandent ? Elles demandent le maintien de l'article. 1781.

Je signale ce fait à l'assemblée. Le droit de pétition est quelque chose. Or, dans les deux seules pétitions arrivées à la Chambre, au lieu de se plaindre des griefs imaginaires dont on vous entretient depuis huit jours, les ouvriers, les domestiques demandent le maintien de l'article 1781. et pourquoi ? Parce qu'ils comprennent parfaitement bien toutes les persécutions, toutes les tracasseries que vous allez amener par votre système d'égalité fausse. Il est évident que, dans les fabriques, dans les manufactures où il y a un grand nombre d'ouvriers, il faudra à chaque instant faire signer chaque ouvrier sur des listes, appeler des témoins.

Lorsqu'un maître aura un domestique, il faudra qu'il lui fasse donner quittance, il faudra qu'il demande des témoins, et ce sera pour ces excellentes gens une véritable persécution.

Mais ce n'est pas tout. Quel est le régime actuel dans notre paternelle Belgique ? Quand on reçoit un domestique chez soi, on le place en quelque sorte dans la famille. Le domestique rend des services ; mais il est sur un pied de quasi-égalité avec le maître. Eh bien, vous allez détruire cet état de choses par votre loi, parce qu'au moyen de toutes ces formalités que vous allez introduire, le domestique ne sera plus un enfant de la maison ; ce sera un serviteur à gages ; ce sera un homme qui verra compromis le plus beau côté de sa position, c'est d'être en quelque sorte l'enfant de la maison.

Je maintiens qu'avant d'aller plus loin, il nous faut une explication précise ; il faut qu'on nous dise d'une manière formelle comment le maître, accusé par son domestique de ne pas avoir payé, alors qu'il a payé, pourra se justifier devant la justice.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Messieurs, il paraît que l'honorable M. Dumortier n'a pas assisté à la séance où j'ai répondu aux questions qu'il me pose.

M. Dumortier. - Si ! si !

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Eh bien, au lieu de faire un discours, je me bornerai à relire celui que j'ai prononcé.

M. Dumortier. - Ce n'est pas nécessaire.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Vous prétendez que je n'ai pas répondu. Je vais vous montrer, par la lecture de mon discours, que j'ai examiné, les unes après les autres, toutes les questions posées par l'honorable M. de Theux, par l'honorable M. Preud'homme, de même qu'à celles que vous avez vous-même posées.

« Voyons maintenant les difficultés qui vont naître.

« On demande surtout comment le maître prouvera sa libération. « II faudra, a-t-on dit, un écrit ; il faudra que le maître se fasse remettre des quittances par son domestique ; cela n'est pas possible ; une pareille (page 374) idée n'a pu germer que dans la tète d'un professeur. » C'est de l'honorable M. Dumortier que vient cette observation ; et je ferai remarquer en passant qu'il est bon que des professeurs s'occupent de ces choses-là ; car en les étudiant ils font progresser la science ; aussi, n'est-ce pas, selon nous attaquer bien gravement le projet de loi que de dire qu'il a été dicté par les idées d'un professeur.

« A ceux qui disent que la preuve de la libération est impossible, je réponds par la législation du droit romain, par la législation du droit coutumier, par la législation anglaise et par la législation italienne. Comment se fait-il que l'on ait pu se passer de l'affirmation du maître, que, nous-mêmes, nous ayons pu nous en passer ? Pour l'Italie, c'est incontestable. Vous direz ce que vous voudrez quant à la législation des autres peuples ; mais il est constant que l'Italie a joui des prétendus bienfaits de l'article 1781, et que, depuis le 1er janvier 1866, ces bienfaits ont disparu.

« Cela ne me suffit pas ; je veux examiner l'objection sous toutes ses faces,

« S'agit-il de l'ouvrier ? Je suppose une réclamation d'un ouvrier contre un maître. Il est important d'abord de noter que, comme l'a dit tout à l'heure l'honorable M. Guillery, l'article 1781 ne s'applique qu'aux rapports entre l'ouvrier et son patron ; ainsi, quand j'appelle un ouvrier chez moi pour faire un travail déterminé, si j'ai une contestation avec cet ouvrier, l'affirmation que je ferai en justice ne décidera point le procès.

« S'agit-il d'une réclamation de l'ouvrier contre son patron, le patron est-il désarmé pour prouver sa libération ? Mais il a ses livres, il a ses états de quinzaine ; il a ses états de huitaine, s'il paye à la huitaine, et en vertu de ces états, il peut être admis à prêter le serment supplétoire. Il y a mieux que cela, il peut avoir la preuve écrite, il peut faire faire un émargement par les ouvriers qui ont de l'instruction, ce qui est encore un encouragement pour les ouvriers, un stimulant qui les engagera à apprendre à lire et à écrire.

« Mais en outre le patron fait un commencement de preuve en présentant ses livres ; et le serment supplétoire peut lui être déféré. L'article 1329 du code civil est formel à cet égard, et comme je ne m'adresse pas seulement à des personnes familiarisées toutes avec les études juridiques, je me permettrai, pour leur donner tous apaisements, de leur lire l'article que j'invoque.

« Voici ce que dit l'article 1329 : « Les registres des marchands ne font pas, contre les personnes non marchandes, preuve des fournitures qui y sont portées, sauf ce qui est dit à l'égard des marchands. »

M. Dumortier. - Il ne s'agit pas de domestiques ici.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je parle en ce moment des ouvriers. Tout à l'heure je parlerai des domestiques. J'examinerai toutes les hypothèses.

L'honorable M. Preud'homme a dit tout à l'heure qu'il était impossible au maître de prouver qu'il a payé. Je dis que quand le maître produira ses éttls de quinzaine, ses livres, il sera admis au serment supplétoire.

M. Preud'hommeµ. - J'ai dit que la preuve testimoniale devait être admise dans tous les cas.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Alors le maître pourra faire la preuve.

(M. le ministre continue sa lecture.)

« Or, l'article 1367 du code autorise le juge à déférer le serment lorsque la demande ou l'exception n'est pas pleinement justifiée et qu'elle n'est pas totalement dénuée de preuves. Le patron qui, pour établir sa libération, produit les livres sur lesquels les payements ont été inscrits ne prouve pas complètement sa libération, mais le juge peut compléter la preuve en lui déférant le serment et il recourra à ce moyen à moins que l'ouvrier ne fournisse des preuves contraires, cas dans lequel l'ouvrier doit triompher.

« Donc, messieurs, pour les relations entre patrons et ouvriers, il n'y a rien à redouter de la suppression de l'article 1781, et je ferai remarquer à ce sujet qu'à l'assemblée nationale législative, il n'y a pas eu une seule opposition en ce qui concerne les ouvriers. Tout le monde a admis que les ouvriers devaient jouir du droit commun. L'opposition n'a existé que pour les domestiques.

« Eh bien, voyons si, pour les domestiques, des dispositions exceptionnelles sont nécessaires. Comment le maître prouvera-t-il sa libération vis-à-vis de son domestique ?

« Il pourra d'abord la prouve par écrit. Si ce domestique a des gages supérieurs à. cent cinquante francs, il sait lire et écrire, dès lors la preuve écrite peut très bien être exigée ; ce qui montre, par parenthèse, que l'amendement de l'article. 2 n'a pas d'importance, et que, quand je ne m'oppose pas à la preuve testimoniale pour des gages d'au delà de 150 fr., je propose une disposition qui n'aura pas d'application. Un gage de 150 fr. par trimestre donne 600 fr. par an. Or un gage de 600 fr. avec la nourriture ne se paye pas ordinairement à un domestique qui ne sait ni lire, ni signer,

« Mais, dit-on, c'est gênant. Nous allons donc devoir retirer des quittances des domestiques qui savent lire et écrire ? Je ne veux pas de cela. » C'est à peu près ce que vient de dire l'honorable M. de Theux. « Ainsi parce qu'il y aurait une gêne pour une certaine classe de citoyens, il faudrait que les droits d'un autre classe fussent abandonnées à leur arbitraire ! Parce que certaines personnes ne voudraient pas demander une quittance à leurs domestiques lorsqu'elles les payent, il faut laisser ces domestiques soumis aux caprices des maîtres ! Cela est inadmissible ; cela n'est plus de notre temps. Les gênes ne sont rien auprès du respect des droits. On parle de gêne. Mais tontes les lois sont gênantes. Est-ce que la loi sur la milice n'est pas gênante ? Est-ce que le service militaire imposé à tous les citoyens n'est pas gênant ? Est-ce que le payement de l'impôt n'est pas gênant ? Est-ce que le règlement de police qui m'oblige à faire nettoyer mon trottoir n'est pas gênant ? Et plutôt que de devoir exiger douze fois par an une quittance d'un domestique, mieux vaut l'injustice, mieux vaut la supériorité du maître, mieux vaut que le maître triomphe toujours. Non ! Cela n'est pas possible. Ce n'est pas ainsi que nous pouvons raisonner.

« Nous en avons fini avec les domestiques qui savent écrire ou qui savent signer. Prenons ceux qui ne savent ni écrire ni signer. Ici, l'on dit : Vous le voyez, il faut une disposition spéciale. Je réponds non. Vous n'avez qu'à faire votre payement en présence d'un domestique voisin et à faire signer celui-ci, et vous aurez le commencement de preuve exigé par l'article 1367 pour qu'il y ait lieu à la délation du serment supplétoire.

« M. Pirmez. - C'est un peu violent !

« M. Bara, ministre de la justice. - Cela vous paraît un peu violent ; cela est comme cela. Quand vous aurez un pareil papier signé par des témoins, vous pourrez faire entendre ces personnes.

« M. Pirmez. - C’est le contraire. C’est ce certificat qui les empêchera d’être entendus. Voyez le code de procédure.

« M. Bara, ministre de la justice. - Cette pièce ne sera pas considérée comme un certificat, lorsque ces personnes seront citées comme témoins, et c'est moi qui vous renvoie à la lecture du code de procédure.

« Les témoins, dans les actes notariés, ne sont-ils pas entendus en justice ? Les témoins, pour les actes sous seing privé, sont-ils proscrits par le code ? En aucune manière ; ces témoins sont entendus. Le code de procédure ne récuse que les témoins qui ont fourni des certificats depuis l'intentement du procès. Au surplus, ne les faites point signer si vous voulez, faites les payements en leur présence.

« La grande gêne sera donc de devoir demander douze fois par an à quelqu'un de bien vouloir assister au payement d'un salaire. Je prends l'hypothèse la plus défavorable. Et parce que vous trouvez là une gêne, vous voulez que je vous donne des droits, à vous exclusivement, et que je proscrive les droits du domestique ! Evidemment ce n'est plus de la justice.

« Au surplus, comment se fait-il que vous craigniez tant de pareilles contestations ? Comment se fait-il que ce soit vous que je doive protéger plutôt que le domestique ? Mais vous êtes libre de ne pas délier les cordons de votre bourse. C'est vous qui pouvez régler vos rapports avec vos domestiques, qui demandez à être protégé contre ces domestiques ; c'est vous, l'homme intelligent, patron ou maître, qui pouvez ne payer qu'à des conditions que vous avez imposées, que vous avez déterminées, qui venez me dire : Il m'est impossible de régler mes rapports avec mes domestiques. »

- Plusieurs voix. - Assez ! assez !

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je ne demande pas à continuer, c'est M. Dumortier qui m'y force ; mais la Chambre le voit, toutes les questions que MM. de Theux, Preud'homme et Dumortier ont agitées ont été discutées de la manière la plus complète. L'honorable M. Pirmez m'a répondu mieux que l'honorable M. Dumortier ne l'a fait et le débat est épuisé. Si l'on veut recommencer, je ne pourrai répondre que par mes premiers discours.

- Plusieurs membres. - La clôture !

- La discussion est close.

(page 375) « Art. 2. A défaut de preuve écrite et si la somme ou valeur réclamée excède 150 francs, les contestations entre maîtres et domestiques ou ouvriers :

« Sur la quotité du gage,

« Sur le payement du salaire de l'année échue,

' Sur les à-compte donnés pour l'année courante,

« Seront décidées sur les preuves admises lorsque l'objet ne dépasse pas 150 francs. »

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je dois faire remarquer à la Chambre que le gouvernement ne s'est pas rallié à cet amendement de la section centrale.

- Il est procédé au vole par appel nominal.

99 membres y prennent part.

33 répondent oui.

66 répondent non.

En conséquence, la Chambre n'adopte pas.

Ont répondu oui :

MM. Liénart, Magherman, Moncheur, Pirmez, Preud'homme, Snoy, Tesch, Thonissen, Van Cromphaut, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Wambeke, Warocqué, Wasseige, Wouters, Ansiau, Beeckman, de Brouckere, Delcour, de Liedekerke, de Macar, de Mérode, de Moor, de Muelenaere, de Terbecq, de Theux, de Vrière, Dewandre, de Woelmont, Dumortier, Julliot, Kervyn de Lettenhove et Landeloos.

Ont répondu non :

MM. Le Hardy de Beaulieu, Lesoinne, Lippens, Mascart, Moreau, Mouton, Nothomb, Orban, Orts, Reynaert, Rogier, Rover de Behr, Schollaert, Tack, Thienpont, Alp. Vandenpeereboom, Vander Maesen, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Verwilghen, Vilain XIIII, Vleminckx, Allard, Anspach, Bara, Bouvier-Evenepoel, Braconier, Bricoult, Broustin, Carlier, Couvreur, Crombez, David, de Baillet-Latour, de Coninck, de. Florisone, De Fré, de Haerne, de Kerchove, Delaet, de Maere, de Naeyer, de Rongé, de Rossius, Descamps, d'Hane-Steenhuyse, Dotez, Dubois d'Aische, Dupont, Elias, Frère-Orban, Funck, Gerrits, Guillery, Hagemans, Hayez, Hymans, Jacobs, Janssens, Jacquemyns, Jamar, Jonet, Jouret, Lange et Ernest Vandcnpeereboom.

Article 3 (amendement de la section centrale)

MpVµ. - Nous passons à l'article 3 des amendements de la section centrale.

M. Dumortier. - Ce qu'il plaît à M. le. président d'appeler des amendements, c'est un projet de loi composé de quatre articles.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Vous avez dit le contraire hier.

M. Dumortier. - Du tout.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je vous assure.

M. Dumortier. - Soit ; eh bien, je pense que chaque article de la section centrale correspond à un article du projet du gouvernement ; ainsi, l'article 2 de la section centrale est une modification à l'article 2 du projet du gouvernement. Je demande donc qu’on mette maintenant aux voix l'article 2 du projet du gouvernement.

MpVµ. - Il a été convenu qu'on voterait sur les amendements de la section centrale, sauf à procéder ensuite à un vote d'ensemble.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Cela reviendra au même. (Interruption.) Le système de M. le président consiste à en finir avec les amendements de la section centrale et à procéder ensuite au vote des amendements du gouvernement.

MpVµ. - C'est ce qui a été convenu hier.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - M. Dumortier demande qu'on vote maintenant sur l'article 2 du projet du gouvernement. C'est la même chose.

MpVµ. - Evidemment. M. Dumortier, insistez-vous sur votre proposition ?

M. Dumortier. - Non, M. le président.

MpVµ. - Nous allons donc procéder au vote de l'article 3 de la section centrale, qui est ainsi conçu :

« En cas d'absence complète de preuve et par dérogation au n°2 de l'article 1367 du code civil, le juge pourra, d'office, déférer le serment à l'une ou à l'autre des parties. »

- Des voix. - L'appel nominal !

- Il est procédé à cette opération.

100 membres prennent part au vote.

65 répondent non.

35 répondent oui.

En conséquence, la Chambre n'adopte pas.

Ont répondu non ;

MM. Le Hardy de Beaulieu, Lesoinne, Lippens, Moreau, Mouton, Nothomb, Orban, Orts, Reynaert, Rogier, Royer de Behr, Schollaert, Tack, Thienpont, Alp. Vandenpeereboom, Vander Maesen, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Verwilghen, Vilain XIIII, Vleminckx, Allard, Anspach, Bara, Bouvier-Evenepoel, Braconier, Bricoult, Broustin, Carlier, Couvreur, Crombez, David, de Baillet-Latour, de Connink, de Florisone, De Fré, de Haerne, de Kerchove, Delaet, de Lexhy, de Maere, de Naeyer, de Rongé, de Rossius, Descamps, d'Hane-Steenhuyse, Dubois d'Aische, Dupont, Elias, Frère-Orban, Funck, Gerrits, Guillery, Hagemans, Hayez, Hymans, Jacobs, Janssens, Jacquemyns, Jamar, Jonet, Jouret, Lange et Ern. Vandenpeereboom.

Ont répondu oui :

MM. Liénart, Magherman, Mascart, Moncheur, Pirmez, Preud'homme, Snoy, Tesch, Thonissen, Van Cromphaut, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Wambeke, Warocqué, Wasseige, Wouters, Ansiau, Beeckman, de Brouckere, Delcour, de Liedekerke, de Macar, de Mérode, de Macar, de Muelenaere, de Terbecq, de Theux, de Vrière, Dewandre, de Woelmont, Dolez, Dumortier, Julliot, Kervyn de Lettenhove et Landeloos.

Article 4 (de la section centrale)

M. le ministre de la justice (M. Bara). - L'article 4 de la section centrale entre dans un autre ordre d'idées, et il conviendrait de ne la voter qu'après les amendements du gouvernement, parce que sa rédaction doit dépendre du vote de la Chambre sur ces amendements.

Si la Chambre ne votait que l'article premier, les mots : « ... dans les contestations de cette nature, » ne conviendraient plus ; il faudrait mettre : «dans les contestations entre maîtres et ouvriers ou domestiques. »

Je propose donc de différer le vote de l'article du projet de la section centrale.

MpVµ. - S'il n'y a pas d'opposition, l'article 4 sera tenu en réserve.

Articles 1 et 2 (amendements du gouvernement)

MpVµ. - Il y a lieu maintenant de procéder au vote par appel nominal sur l'ensemble des amendements.

- Voix diverses. - Non, non ; votons les amendements du gouvernement.

MpVµ. - La Chambre entend-elle voter d'abord les amendements du gouvernement ?

- Voix nombreuses. - Oui ! oui !

MpVµ. - Il en sera ainsi.

L'article premier portant abrogation de l'article 1781 du code civil a été voté.

Nous passons à l'article 2 ; il est ainsi conçu :

«Art. 2. A défaut de preuve écrite et si la somme ou valeur excède 150 francs, les contestations entre maîtres et domestiques ou ouvriers :

« Sur le payement du salaire de l'année échue,

« Sur les à-compte donnés pour l'année courante,

« Seront décidées sur les preuves admises lorsque l'objet ne dépasse pas 150 francs. »

- Des voix. - L'appel nominal !

- Il est procédé à cette opération.

100 membres prennent part au vote.

46 répondent oui.

54 répondent, non.

En conséquence, la Chambre n'adopte pas.

Ont répondu oui :

MM. Lesoinne, Liénart, Magherman, Mascart, Moncheur, Orban, Pirmez, Preud'homme, Rogier, Snoy, Tack, Tesch, Thonissen, Van Cromphaut, Alp. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Hoorde, Van Iseghem, Van Wambeke, Warocqué, Wasseige, Wouters, Allard, Ansiau, Bara, Braconier, Broustin, de Brouckere, Delcour, de Lexhy, de Liedekerke, de Macar, de Mérode, de Moor, de Muelenaere, de Terbecq, de Theux, de Vrière, Dewandre, de Woelmont, Dumortier, Frère-Orban, Jonet, Julliot et Ern. Vandenpeereboom.

Ont répondu non :

MM. Le Hardy de Beaulieu, Lippens, Moreau, Mouton, Nothomb, Orts, Reynaert, Royer de Behr, Schollaerl, Thienpont, Vander Maesen, Van Humbeeck, Verwilghen, Vilain XIIII, Vleminckx, Anspach, Beeckman, Bouvier, Bricoult, Carlier, Couvreur, Crombez, David, de Baillet-Latour, de Coninck, de Florisone, De Fré, de Haerne, de Kerchove, Delaet, de Maere, de Naeyer, de Rongé, de Rossius, Descamps, d'Hane-Steenhuyse, Dolez, Dubois d'Aische, Dupont, Elias, Funck, Gerrits, Guillery, Hagemans, Hayez, Hymans, Jacobs, Jacquemyns, Janssens, Jamar, Jouret, Kervyn de Lettenhove, Landeloos et Lange.

Article 3 (amendement du gouvernement)

« Art. 3. En cas d'absence complète de preuve, le juge peut, dans les (page 376) mêmes contestations, déférer d'office le serment à l'une ou l'autre des parties, conformément à l'article 1366 du code civil. »

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Par suite du vole qui vient d'être émis, je relire cet amendement.

Article 4 (amendement du gouvernement)

MpVµ. - Nous passons donc à l'article 4 des amendements de M. le ministre de la justice.

« Art. 4. Par dérogation aux articles 2271 et 2272 du code civil, l'action des ouvriers et gens de travail, pour le payement de leurs journées, fournitures et salaires, se prescrit par deux mois, et celle des domestiques qui se louent à l'année, pour le payement de leur salaire, se prescrit par trois mois. »

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je retire également cet amendement.

Article 4 (amendement de la section centrale)

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Maintenant, messieurs, la Chambre n'ayant admis que l'article premier, portant abrogation de l'article 1781 du code civil, il reste à statuer sur l'article 4 des amendements de la section centrale, qui est l'amendement proposé par l'honorable M. de Naeyer.

Cet amendement, par suite des votes qui viennent d'avoir lieu, doit subir une modification.

Voici la nouvelle rédaction que j'ai l'honneur de proposer à la Chambre :

« Dans les contestations entre maîtres et domestiques ou ouvriers relatives à la quotité des gages ou au payement des salaires, les écrits sous seing privé produits comme moyens de preuve sont exempts des droits et formalités du timbre et de l'enregistrement. »

- Plusieurs membres. - Et les patrons ?

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Le mot « patrons » est inutile ; la jurisprudence a interprété le mot « maîtres » en ce sens qu'il s'applique également aux patrons. Ma rédaction est d'ailleurs conforme aux termes employés par le code civil.

M. Carlierµ. - Je crois que la disposition proposée devrait s'appliquer également à la durée du travail et au temps de service ; il n'y a pas de raison pour que les preuves produites pour faire apprécier ces points ne soient pas également exemples des droits de timbre et d'enregistrement.

MpVµ. - Si vous présentez un amendement, veuillez le rédiger et le faire parvenir au bureau.

M. de Naeyerµ. - Ne suffirait-il pas de dire simplement : « Dans les contestations entre maîtres et domestiques ou ouvriers, » sans ajouter : « relatives à la quotité des gages ou au payement des salaires. »

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je n'oserais pas me prononcer à priori sur cette question. En définitive, quand on produit en justice un contrat dans lequel on dit que les gages sont d'autant, la durée de l'engagement est comprise dans le contrat. Durée et gages sont évidemment compris dans les termes que nous avons employés. La disposition n'est point limitative, elle n'est qu'indicative, c'est pourquoi je crois qu'il y aurait quelque inconvénient à adopter l'amendement indiqué tout à l'heure par l'honorable M. Carlier, puisqu'il tendrait à donner à la disposition un caractère limitatif.

M. Carlierµ. - M. le ministre vient de formuler sa pensée de manière à faire disparaître le différend qui nous divisait ; mais, comme cette pensée n'est pas écrite dans la loi, je crois qu'il est nécessaire de l'y formuler. C'est dans ce but que je viens de faire passer un amendement au bureau.

MpVµ. - Voici l'amendement de M. Carlier :

« Dans les contestations entre maîtres et domestiques, patrons ou ouvriers... »

- Un membre : « Et » ouvriers.

MpVµ. - Non « ou », je lis ce que j'ai sous les yeux. (Interruption.) Je répète :« Dans les contestations entre maîtres et domestiques, patrons ou ouvriers, relatives aux gages ou aux salaires, les actes sont dispensés de la formalité du timbre et des droits d'enregistrement. »

- Des membres. - « Et » ouvriers !

M. Carlierµ. - Soit ! J'admets la substitution de « et » à « ou ».

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je me rallie à l'amendement de l'honorable M. Carlier.

Second vote et vote sur l’ensemble

MpVµ. - Il y a eu un amendement ; à quand la Chambre veut-elle fixer le second vote ?

- De toutes parts. - Immédiatement.

MpVµ. - Il en sera donc ainsi.

- La Chambre confirme d'abord l'amendement qui a été adopté au premier vote et qui forme l'article 2.


Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi.

Voici le résultat de cette opération :

101 membres ont répondu à l'appel nominal.

07 ont répondu oui.

30 ont répondu non.

4 se sont abstenus.

En conséquence, le projet de loi est adopté. Il sera transmis au Sénat.

Ont répondu oui :

MM. Le Hardy de Beaulieu, Lesoinne, Lippens, Mascart, Moreau, Mouton, Nélis, Nothomb, Orban, Orts, Preud'homme, Reynaert, Rogier, Royer de Behr, Thienpont, Thonissen, Van Cromphaut, Alphonse Vandenpeereboom, Vander Maesen, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Verwilghen, Vilain XIIII, Vleminckx, Anspach, Bara, Bouvier-Evenepoel, Braconier, Bricoult, Carlier, Couvreur, Crombez, David, de Coninck, de Florisone, De Fré, de Haerne, de Kerchove, Delaet, de Lexhy, de Maere, de Naeyer, de Rongé, de Rossius, Descamps, Dewandre, d'Hane-Steenhuyse, Dolez, Dubois d'Aische, Dupont, Elias, Frère-Orban, Funck, Gerrits, Guillery, Hagemans, Hayez, Hymans, Jacobs, Janssens, Jacquemyns, Jamar, Jonet, Jouret, Lange et Ernest Vandenpeereboom.

Ont répondu non :

MM. Liénart, Magherman, Moncheur, Pirmez, Schollaert, Snoy, Tesch, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Wambeke, Waroqué, Wasseige, Wouters, Allard, Ansiau, Beeckman, Broustin, de Baillet-Latour, Delcour, de Liedekerke, de Mérode, de Moor, de Muelenaere, de Terbecq, de Theux, de Vrière, Dumortier, Julliot, Kervyn de Lettenhove et Landeloos.

Se sont abstenus :

MM. Tack, de Brouckere, de Macar et de Woelmont.

MpVµ. - Les membres qui se sont abstenus sont priés, aux termes du règlement, de faire connaître les motifs de leur abstention.

M. Tack. - Messieurs, j'aurais voté volontiers l'abrogation de l'article 1781 du code civil, si cet article avait été remplacé par de nouvelles dispositions. Comme cela n'a pas eu lieu, et dans la prévision des inconvénients graves qui, selon moi, doivent résulter de l'abrogation pure et simple de l'article, j'ai cru devoir m'abstenir.

M. de Brouckere. - Messieurs, je voulais l'abrogation de l'article 1781 du code civil, et je m'en suis expliqué dès la première séance où nous nous sommes occupés du projet de loi. Mais je considérais comme indispensable l'adoption des amendements présentés par la section centrale.

La majorité ayant adopté l'abrogation de l'article 1781, et rejeté les amendements de la section centrale, je n'ai pu me prononcer ni pour, ni contre le projet de loi.

M. de Macarµ. - Messieurs, je me suis abstenu exactement pour les mêmes motifs que l'honorable M. de Brouckere.

M. de Woelmontµ. - Messieurs, je n'ai pas voté pour, parce que je ne voulais pas l'abrogation pure et simple de l'article 1781 ; je n'ai pas voulu voter contre, parce que je trouve que le maintien de l'article 1781 blesse une certaine classe de citoyens.

Projet de loi modifiant les dispositions relatives au service de la dette publique

Dépôt

MfFOµ. - Messieurs, d'après les ordres du Roi, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre :

1° Un projet de loi qui autorise le gouvernement à modifier les dispositions qui régissent le service de la dette publique ;

Projets de loi allouant des crédits aux budgets des ministères de la justice et des finances

Dépôt

2° Un projet de loi qui alloue au département de la justice des crédits supplémentaires à concurrence d'une somme de 180,633 fr. 83 c ;

3° Un projet de loi qui ouvre au département des finances un crédit de 229,213 fr. 55 c., dus à la province de Hainaut, en exécution d'un arrêt rendu par la cour d'appel de Gand.

- Ces projets de loi seront imprimés et distribués. La Chambre les renvoie à l'examen des sections.

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l’exercice 1867

Rapport de la section centrale

M. Descampsµ. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre le rapport de la section centrale qui a été chargée d'examiner le budget des travaux publics pour l'exercice 1867.

- Ce rapport sera imprimé et distribué.

Ordre des travaux de la chambre

(page 377) MtpVSµ. - Je demande à la Chambre de vouloir bien décider qu’elle discutera, mardi prochain, le budget des travaux publics, comme premier objet à l’ordre du jour.

- Cette proposition est adoptée.

- Des membres.- A demain.

M. Bouvierµ. - Je demande que la séance continue et que la Chambre discute le projet de loi ouvrant un crédit de 300,000 francs au département des finances. Ce sera probablement un simple appel nominal.

- Cette proposition est adoptée.

Projet de loi ouvrant un crédit au budget du ministère des finances

Discussion des articles

Articles 1 à 3

Personne ne demandant la parole dans la discussion générale, la Chambre passe à la délibération sur les articles.

« Art. 1er. Il est alloué au département des finances un crédit de cinq cent mille francs (fr. 500,000) destiné à couvrir les frais :

« A. De fabrication des trente-deux millions de francs, en espèces d'argent, au titre de huit cent trente-cinq millièmes, dont parle l'article 9 de la convention monétaire du 25 décembre 1865,

« B. De retrait des anciennes monnaies divisionnaires d'argent. »

- Adopté.


« Art. 2. Ce crédit sera disponible pendant les exercices 1866, 1867 et 1868. Une somme équivalente sera portée aux budgets des voies et moyens correspondants. »

- Adopté.


« Art. 3. Le. gouvernement est autorisé à. faire cesser le cours légal des espèces divisionnaires d'argent fabriquées en vertu de la loi du 5 juin 1852, de l'article 6 de la loi du 31 mars 1847 et de la loi du 24 avril 1850.

« Il fixera le délai et déterminera les conditions de l'échange de ces monnaies contre des espèces divisionnaires nouvelles. »

- Adopté.

Vote sur l’ensemble

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet ; il est adopté à l'unanimité des 78 membres présents.

Ce sont :

MM. Le Hardy de Beaulieu, Lesoinne, Lippens, Magherman, Mascart, Moreau, Mouton, Nélis, Orban, Orts, Pirmez, Preud'homme, Reynaert, Schollaert, Tack, Thienpont, Van Cromphaut, Alp. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vander Maesen, Vanderstichelen, Van Hoorde, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Wambeke, Verwilghen, Vleminckx, Warocqué, Wasseige, Wouters, Allard, Anspach, Bara, Beeckman, Bouvier-Evenepoel, Braconier, Bricoult, Broustin, Couvreur, Crombez, David, de Brouckere, de Coninck, de Florisone, De Fré, de Haerne, de Kerchove, Delaet, de Lexhy, de Maere, de Mérode, de Moor, de Muelenaere, de Naeyer, de Rossius, Descamps, de Terbecq, de Theux, de Vrière, Dewandre, de Woelmont, Dolez, Elias, Frère-Orban, Funck, Guillery, Hagemans, Hayez, Hymans, Jacobs, Janssens, Jacquemyns, Jamar, Jonet, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Landeloos et Ernest Vandenpeereboom.

- La séance est levée à 4 heures et demie.