(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1866-1867)
(Présidence de (M. E. Vandenpeereboom.)
(page 269) M. Thienpont, secrétaire, procède à l'appel nominal è 1 heure et un quart.
M. de Moor, secrétaireµ, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.
- La rédaction en est approuvée.
M. Thienpont,. présente l'analyse suivante des pièces qui ont été adressées à la Chambre.
« Le sieur Anatole-Pierre Dubois, commerçant à Bruxelles, né à Paris, demande la naturalisation. »
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
« Le sieur Pardon se plaint du retard qui est mis dans la distribution des Annales parlementaires à Louvain. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Borre, commissaire de police à Furnes, demande une indemnité pour les commissaires de police qui remplissent les fonctions de ministère public près des tribunaux de simple police. »
« Même demande du commissaire de police de Vilvorde. »
- Renvoi à la commission chargée d'examiner le projet de loi sur l'organisation judiciaire.
« Des habitants d'Anvers demandent la révision de la loi sur la garde civique. »
« Même demande d'habitants de Bruxelles. «
- Renvoi à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport.
« Le sieur Edouard Bigot, employé à Bruxelles, né dans cette ville, demande la grande naturalisation. »
- Renvoi au ministre de la justice.
« Les sieurs Fontaine, Philippe et autres membres de la société centrale de tir et d'exercice de la garde civique de Saint-Josse-ten-Noode, demandent que la garde civique soit comprise dans la nouvelle organisation de la force nationale. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Les sieurs Van Geem et Lorge, président et secrétaire du Cercle musical de Bruxelles, demandent qu'il soit interdit aux artistes militaires d'exercer leur art dans la ville. »
- Même renvoi.
« M. le gouverneur du Hainaut adresse à la Chambre 117 exemplaires du complément du rapport annuel de la députation permanente sur la situation administrative de la province de Hainaut pendant l'année 1864. »
- Distribution aux membres et dépôt à la bibliothèque.
MpVµ. - J'ai reçu la lettre suivante :
« Monsieur le président,
« Retenu à demeure par une indisposition, permettez-moi d'exprimer le vif regret que j'éprouve de ne pouvoir assister aux séances de la Chambre et prendre part aux débats qui s'agitent en ce moment relativement à la question de l'abolition de la peine de mort.
« Je suis un de ceux qui désirent celle réforme de notre code pénal,, et mon vote, dans cette occasion, eût été favorable à l'amendement présenté par MM. Guillery et quelques autres honorables collègues.
« Je vous serais reconnaissant, M. le président, d'avoir la bonté de donner lecture à la Chambre de cette déclaration et vous prie de vouloir agréer l'assurance de ma haute et respectueuse considération,
« Baron Le Bailly de Tilleghm. »
- Le congé demandé par M. Le Bailly de Tilleghem est accordé.
MpVµ. - Je viens de recevoir la lettre suivante :
Bruxelles, 29 janvier 1867,
« Monsieur le président,
« J'ai l'honneur de vous faire part de la perte douloureuse que je viens d'éprouver dans la personne de mon époux, le comte Louis Goblet d'Alviella, membre de la Chambre des représentants, décédé le 17 de ce mois.
« Veuillez avoir la bonté, M. le président, d'en informer messieurs les membres de la Chambre des représentants et agréez l'expression de ma haute considération.
« Comtesse Louis Goblet d'Alviella. »
Je propose à la Chambre d'adresser à la famille du défunt une lettre de condoléance. (Appuyé ! appuyé !) La lettre sera adressée.
Notification du décès sera faite à M. le ministre de l'intérieur.
MpVµ. - Il s'agit du vote de l'article 7.
Dans la séance d'hier, la Chambre a statué sur le numéro premier de cet article. Il s'agit de mettre aux voix le restant de cet article, ainsi conçu :
« Art. 7. Les peines applicables aux infractions sont :
« En matière criminelle :
« 1° La mort ;
« 2°' Les travaux forcés ;
« 3° La détention ;
« 4° La réclusion.
« En matière correctionnelle et de police :
« 1° L'emprisonnement.
« En matière criminelle et correctionnelle :
« 1° L'interdiction de certains droits politiques et civils ;
« 2° Le renvoi sous la surveillance spéciale de la police.
« Pour les trois espèces d'infraction.
« 1° L'amende ;
« 2° La confiscation spéciale. »
M. Kervyn de Lettenhove. - Je demande la parole sur tout l'article.
MpVµ. - La discussion a été close sur l'article premier. Si la Chambre ne s'y oppose pas... (Non !) je vous accorde la parole.
(page 270) M. Kervyn de Lettenhove. - Messieurs, je désire présenter quelques observations touchant de fort près à l'article 7.
Au mois de mai 1802, l'honorable M. Devaux a déposé une proposition pour saisir la commission de l'examen de la question de savoir s'il n'y aurait pas lieu, dans certains cas, de rétablir la peine du bannissement. J'ai l'intention de me placer à un point de vue tout différent de celui de l'honorable M. Devaux, mais il me paraît que cette question mérite quelque attention.
Nous nous trouvons en présence d'un nouveau système pénitentiaire, du système de réclusion cellulaire, et en faisant le code pénal, nous ne devons pas perdre de vue le système qui présidera à son application. Or, messieurs, il est évident que le développement du régime cellulaire est subordonné à des règles dont il sera impossible de se départir.
Le Sénat et la Chambre ont compris qu'on ne pourrait pas prolonger la détention cellulaire au delà de certaines limites, et il faut prévoir le cas ou, à raison soit de certaines conditions morales, soit de certaines conditions physiques, on sera contraint à abréger la durée de la détention cellulaire.
Si on se place à ce point de vue, on reconnaîtra aisément qu'on aura à résoudre les difficultés les plus sérieuses. En effet, de deux choses l'une : ou il y aura libération du condamné, et dans ce cas la répression n'aura ni la sévérité, ni l'efficacité que nous voulons lui conserver ; ou bien on fera sortir le condamné de la cellule pour le réintégrer dans la détention en commun ; et là on se trouvera en présence d'un danger incontestable.
Car ce seraient les criminels incorrigibles qu'on réunirait ainsi les uns aux autres, ce qui entraînerait une menace permanente contre la sécurité de la société.
Quel est le remède à cet état de choses ? Il est évident, messieurs, que ce remède, il faut le chercher dans un ordre d'idées tout différent, et pour ma part je ne puis le voir que dans une peine qui obligerait le condamné à quitter le territoire, soit qu'on qualifie cette peine de bannissement, soit qu'on l'appelle la déportation.
Il y a à cet égard des faits qu'on ne peut perdre de vue. Il est certain que, dans beaucoup de cas, un condamné qui reste là où le crime a été commis, où il est entouré de mauvais conseils et de mauvais exemples, persiste dans la voie funeste où il est entré, tandis qu'on le verrait s'amender s'il se trouvait placé dans un pays où personne ne le connaît et où il peut se réhabiliter par le travail.
Au point de vue pénitentiaire, il est indispensable de prévoir le rétablissement de la peine du bannissement, quand un certain amendement se manifestera chez le condamné, ou de la déportation quand cet amendement fera complètement défaut.
La proposition de l'honorable M. Devaux a été renvoyée à la commission et à peu de jours d'intervalle elle a été l'objet de deux rapports de l'honorable M. Pirmez.
Dans l'un de ces rapports, l'honorable M. Pirmez soulevait des objections qu'il me paraît aisé de réfuter.
Il faisait remarquer que dans le cas de bannissement, il pourrait arriver que tous les pays étrangers fermassent leurs frontières et que, pour la déportation, il faudrait tout d'abord l'organiser, ce qui présenterait de sérieuses difficultés.
Messieurs, lorsque je parle de la peine de la déportation, il est évident que je l'entends comme peine subsidiaire, et dès lors cette peine ne serait appliquée que lorsque le gouvernement aurait pu prendre des mesures pour organiser la déportation.
Ce serait donc au gouvernement à apprécier la possibilité de la commutation de peine ; mais je n'hésite pas à dire qu'il faut sérieusement prévoir dès aujourd'hui l'organisation de la déportation. Cela me paraît une conséquence nécessaire de l'adoption du système cellulaire.
Dans un autre rapport l'honorable M. Pirmez ne va pas aussi loin. Il ne soulève pas d'objection ; mais il attribue au gouvernement le droit de poser des conditions à la libération, lors même que de ces conditions doit résulter la relégation perpétuelle ou temporaire hors du territoire.
Il m'est difficile de partager à cet égard l'opinion de l'honorable député de Charleroi. Je ne puis pas l'admettre au point de vue constitutionnel. En effet, si la Constitution impose aux tribunaux le devoir de n'appliquer les arrêtés royaux que lorsqu'ils sont conformes à la loi, il y a un autre article de la Constitution, bien plus formel encore, qui porte que le Roi peut remettre ou réduire les peines, mais qui ne prévoit pas du tout le cas où la prérogative royale substituerait à une peine indiquée par la loi pénale une autre peine dont le code pénal ne fait aucune mention. C'est ce qui me porte à penser que le système de l'honorable député de Charleroi ne peut être admis. Je voudrais pour ma part (et je me féliciterais que ce vœu fût partagé par quelques membres de la Chambre) qu'on prévît dès ce moment la nécessité du rétablissement de la déportation ou du bannissement, et qu'il en fut fait mention à l'article 7 comme peine subsidiaire.
Je désire, messieurs, rattacher à ces observations une autre question que j'adresserai à l'honorable rapporteur de la commission.
L'honorable rapporteur, qui admet que le pouvoir souverain a le droit de libérer de la peine en imposant certaines conditions, croit-il que le gouvernement puisse, sans remettre la peine, mais en en suspendant l'application, introduire le système de libération provisoire qui a été essayé en Angleterre et qui y a produit les meilleurs résultats ?
Je ne doute pas que cette question n'ait fixé l'attention de la commission et je serais heureux de connaître à cet égard l'opinion à laquelle elle s'est arrêtée.
M. Pirmezµ. - Messieurs, j'avoue que la question que soulève l'honorable M. Kervyn me prend un peu au dépourvu.
Nous avons examiné cette question, il y a plusieurs années. Je l'ai étudiée à cette époque et je l'ai traitée dans un rapport au nom de la commission. Je me rappelle bien comment nous avons résolu la question, mais ma mémoire n'est pas assez fidèle pour que je me rappelle avec précision les termes de cette solution.
Nous avons décidé qu'on pourrait faire une remise conditionnelle de peine et nous nous sommes basés sur ce qu'en général il est de droit commun que, quand on peut faire une chose purement et simplement, on peut la faire sous condition.
Je ne puis que renvoyer à ce rapport qui traite la question d'une manière plus complète, et si je me hasardais à rentrer dans les détails sans avoir réfléchi, je risquerais de ne pas donner une solution suffisamment méditée.
La Chambre comprendra que je n'ai pas pu m'attendre à cette question, car nous discutons pour la troisième fois le premier livre du code pénal. Les peines ont été déterminées, et il me paraît impossible de revenir encore sur cette question.
M. Teschµ. - Je n'étais pas ici quand l'honorable M. Kervyn a posé la question, mais mes souvenirs sont en tous points conformes à ceux de l'honorable M. Pirmez. L'honorable M. Kervyn a demandé, je pense, si le gouvernement croyait avoir le droit de faire des remises de peines conditionnelles.
M. Kervyn de Lettenhove. - J'ai demandé si le gouvernement pouvait introduire le système de la libération provisoire par arrêté royal.
M. Teschµ. - Dans ces termes, la question doit être résolue d'une manière négative.
Le gouvernement ne peut introduire d'une manière générale le système de la libération provisoire par un arrêté royal, mais lorsqu'un détenu demande que les portes de la prison lui soient ouvertes, à la condition de quitter le pays et à la seconde condition que les portes de la prison se rouvrent pour lui s'il n'exécute pas les obligations qu'il a acceptées, le gouvernement peut prendre une mesure individuelle. Ce principe était déjà admis sous la législation actuelle et consacré par la jurisprudence.
C'est ce principe qui a été de nouveau examiné et discuté par la Chambre et résolu dans le sens que l'honorable M. Pirmez vient d'indiquer.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Cela se fait tous les jours.
- L'article est adopté.
« Art. 9. L'exécution aura lieu publiquement dans la commune indiquée par l'arrêt de condamnation.
« Le condamné, accompagné du ministre du culte dont il aura réclamé ou admis le ministère, sera transporté au lieu du supplice dans une voiture cellulaire.
« Il en sera extrait au pied de l'échafaud, et immédiatement exécuté. »
M. Hagemansµ. - Messieurs, hier la peine de mort a été admise en principe : soit, je me soumets. Je me permettrai cependant une observation sur son application. La loi dit que tout condamné aura la tête tranchée. Plusieurs médecins célèbres doutent que ce système soit le plus humain. Ils croient qu'après la décollation, la vie persiste encore quelque temps et que les souffrances sont atroces. Je n'en sais rien.... j'en doute même, mais comme le sage dit : Dans le doute abstiens-toi, je m'abstiendrai de voter cet article.
MpVµ. - Je ferai remarquer à M. Hagemans que l'article X n'a pas été amendé et ne se truve pas en discussion.
M. Hagemansµ. - Soit, je n’insiste pas, M. le président.
- L’article 9 est adopté.
MpVµ. - La commission propose la réunion des articles 10 et 11, ainsi conçus ;
« Art. 10. Le corps du supplicié sera délivré à sa famille, si elle le réclame, à la charge pour elle de le faire inhumer sans aucun appareil. »
« Art. 11. Aucune condamnation ne peut être exécutée les jours de fêtes nationales ou religieuses, ni les dimanches. »
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je ne m'oppose pas au rétablissement de l'article 11. Je l'ai dit au Sénat, cet article m'est indifférent ; car il est évident pour moi qu'on n'exécuterait pas une femme enceinte. Mais je ne vois pas la nécessité de réunir les article 10 et 11, qui traitent de choses distinctes. Il vaut mieux les séparer. (Interruption.) Dans tous les cas, c'est fort peu important.
M. Pirmezµ. - Evidemment, il n'y a pas une grande importance à réunir ou à séparer les articles 10 et 11. Je crois cependant qu'il vaut mieux les réunir pour ne pas changer l'ordre des numéros. Ce sera une facilité, ne fût-ce que pour consulter les discussions.
J'ajoute que ces deux articles ne sont pas tout à fait distincts, puisqu'ils s'appliquent tous les deux au mode d'exécution.
- La réunion des deux articles est prononcée et l'article 10 de la commission adopté.
« Art. 11 (nouveau). Lorsqu'il est vérifié qu'une femme condamnée à mort est enceinte, elle ne subira sa peine qu'après sa délivrance. »
- Adopté.
« Art. 12. Les travaux forcés sont à perpétuité ou à temps.
« La condamnation aux travaux forcés à temps est prononcée pour une durée de dix ans à quinze ans ou de seize ans à vingt ans.
MpVµ. - La commission propose de dire : ou de 15 à 20 ans.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - La commission propose la substitution du chiffre 15 au chiffre 10. Je ne puis me rallier aux arguments qui sont présentés par l'honorable rapporteur de la commission.
En effet, messieurs, l'honorable M. Pirmez, dans son rapport, dit que, dans le système qui a été admis par le Sénat, il se trouve une année qui ne fait plus partie de l'échelle des peines. Ainsi, dit-il, pourquoi excluez-vous de la gradation la 11ème année et la 16ème année ?
Mais, messieurs, cette exclusion n'existe nullement dans le système adopté par le Sénat. La onzième année se trouve dans la gradation, puisque nous avons deux termes, 5 ans à 10 ans et ensuite 11 ans à 15 ans.
M. Pirmezµ. - La onzième année n'est donc pas dans la gradation.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Mais si, elle figure dans le second terme : 11 ans à 15 ans, puisque le premier terme comporte 5 ans à 10 ans, c'est-à-dire 10 ans accomplis.
M. Pirmezµ. - On ne peut pas condamner à 10 ans et demi.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Evidemment ; mais vous pouvez condamner de 11 ans à 15 ans. C'est une limite suffisante.
M. Pirmezµ. - Mais entre 10 ans et 11 ans il y aura une lacune d'une année.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Entre 10 ans et 11 ans il y a, en effet, une lacune d'une année. Mais dans le système de l'honorable M. Pirmez, qu'arrive-l-il ? C'est que le maximum du premier degré se confond ave le minimum du second.
M. Teschµ. - Il n'y a aucun inconvénient à cela.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Cela offre l'inconvénient de confondre les peines qui vont jusqu'à cinq ans avec celles qui vont de cinq ans à dix ans.
Au Sénat on a reconnu la parfaite justesse de l'observation.
Maintenant, il faut bien le reconnaître, ceci n'a aucune importance si ce n'est d'offrir l'inconvénient de changer, encore une fois tous les chiffres des peines ; de nécessiter, sans aucune utilité, selon moi, des changements à tous les articles fixant la durée des peines.
Je dis que cette modification n'offre aucune utilité ; et, en effet on sait parfaitement que les cours d'assises ont une marge suffisante pour proportionner la peine au crime, quand elles ont une échelle de 5 à 10 ans ou de 11 à 15 ans,
Je crois donc que, dans l’intérêt des travaux de la Chambre, il est désirable de ne pas adopter un amendement qui, je le répète, nécessiterait des modifications à tous les articles qui déterminent la durée des peines.
M. Liénartµ. - J'ai lu, avec beaucoup d'attention, le rapport de la commission chargée de la révision du code pénal ; et j'ai l'honneur de proposer à la Chambre un amendement qui me semble de nature à concilier l'opinion de l'honorable ministre de la justice et celle de l'honorable rapporteur de cette commission.
D'après cet amendement, l'échelle des peines serait établie de la manière suivante : Emprisonnement d'un jour à cinq ans ; réclusion de cinq ans à dix ans (jusqu'ici donc pas de changement). Puis viennent : les travaux forcés du premier degré, de 10 ans à 15 ans ; ensuite les travaux forcés du second degré, de 15 ans et un jour à 20 ans. Détention de cinq ans à dix ans (premier degré), de 10 ans et un jour à 15 ans (deuxième degré), de 15 ans et un jour à 20 ans (troisième degré).
Si la Chambre le permet, je vais développer en quelques mots cet amendement.
Dans la fixation de la durée des peines emportant privation temporaire de la liberté, il y a, ce me semble, deux écueils à éviter.
Le premier écueil, c'est d'établir les peines de telle façon que deux peines distinctes puissent arriver à se confondre dans l'application. Le second écueil, c'est d'introduire une interruption dans l'échelle pénale.
M. le ministre de la justice s'est préoccupé avec raison, selon moi, du premier inconvénient ; mais l'amendement qu'il a fait adopter par le Sénat dépasse le but et donne précisément naissance au second inconvénient que je viens d'avoir l'honneur de signaler à la Chambre, de sorte que, pour employer une expression familière qui rend parfaitement ma pensée, M. le ministre de la justice est tombé de Charybde en Scylla. Je m'explique.
Je conviens avec M. le ministre de la justice qu'aucun inconvénient ne peut se produire pour la fixation de la durée des peines, lorsque celles-ci sont différentes par leur nature, comme l'emprisonnement, la réclusion, les travaux forcés à temps. Ici, aucune confusion n'est à craindre, quelle que soit la durée respective de ces peines, parce que ces peines diffèrent entre elles de nature.
La difficulté commence lorsqu'il s'agit de subdivisions introduites dans la même peine, parce qu'alors toute la différence réside dans la durée.
Ainsi, par exemple, il importe peu que le maximum de la réclusion soit de 10 ans, et que le minimum des travaux forcés à temps du premier degré soit également de 10 ans ; ces peines diffèrent entre elles par leur nature même ; mais il importe plus que le maximum du premier degré des travaux forcés ne se confonde pas avec le minimum du second degré de cette même peine, parce qu'ici toute la différence réside dans la durée et que si la durée est la même, toute différence disparaît.
Je suis donc d'avis avec l'honorable M. Bara qu'il faut établir une ligne de démarcation entre les deux degrés des travaux forcés à temps, et ma remarque s'applique naturellement aux trois degrés de la détention.
Mais, à cet effet, faut-il aller aussi loin que M. le ministre de la justice ? Faut-il, comme le fait l'honorable ministre, quoi qu'il en ait dit tout à l'heure, laisser l'espace d'une année entière entre les divers degrés de ces deux espèces de peines ? Quant à moi, je ne le pense pas, et c'est sous ce. rapport que je me sépare de M. le ministre de la justice.
Le grief principal que je reproche à l'amendement qu'il a fait adopter par le Sénat, c'est que cet amendement introduit une interruption regrettable dans l'échelle des peines. En effet, d'après cet amendement, l'année entière qui s'écoulera entre les 15 ans, minimum du premier' degré, des travaux forcés à temps et les 16 ans, maximum du second degré, cette année tout entière est rayée de l'échelle pénale.
Ainsi, le juge pourra condamner à 10 ans, à 11 ans de travaux forcés ; mais le juge ne pourra pas condamner à 10 ans et l mois, à 10 1/2 ans ou à 10 ans 8 mois ; de sorte que cette année entière est complètement soustraite à la gradation du châtiment. Voilà donc une lacune considérable dans l'échelle pénale.
Mais ce qui, à mon sens, est plus grave encore, c'est que cette interruption dans l'échelle pénale conduit directement à l'aggravation des peines.
Dans ce système, quand un condamné aura mérité la peine des travaux forcés à temps du second degré, il devra nécessairement être condamné à 11 ans au moins, tandis que dans le système que je propose, le juge (page 272) pourra faire descendre la peine jusqu'à 10 ans et 1 jour, ce qui fait la différence d'une année tout entière.
C'est pour maintenir d'une part la différence entre les peines et les différents degrés de la même peine, différence tant désirée par M. le ministre de la justice, et, d'autre part, pour parer aux inconvénients de l'amendement adopté par le Sénat que j'ai eu l'honneur de proposer à la Chambre l'amendement dont elle a connaissance en ce moment. Cet amendement prévient à la fois les deux inconvénients. Pas de confusion à craindre, ni entre les peines, ni entre les différents degrés de la même peine ; d'autre part, aucune interruption dans l'échelle pénale.
Avant de terminer, je dois cependant déclarer à la Chambre que si l'amendement que j'ai eu l'honneur de proposer n'était pas adopté, je voterais plutôt le projet de la commission que le projet adopté par le Sénat, parce qu'à mon avis, le second inconvénient, c'est-à-dire l'interruption dans l'échelle pénale, est infiniment plus grave que le premier inconvénient signalé par M. le ministre de la justice, et que de deux maux, il faut choisir le moindre.
MpVµ. - L'amendement proposé par M. Liénart est ainsi conçu :
« Je propose d'établir l'échelle des peines de la façon suivante :
« Emprisonnement de 1 jour à 5 ans.
Réclusion de 5 ans à 10 ans.
Travaux forcés de 10 ans à 15 ans.
Travaux forcés de 15 ans et 1 jour à 20 ans.
Détention de 5 ans à 10 ans.
Détention de 10 ans et 1 jour à 15 ans.
Détention de 15 ans et 1 jour à 20 ans. »
- L'amendement est appuyé.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Messieurs, il est évident que cet amendement ne peut pas être accepté. En effet, il n'est pas admissible qu'on dise au juge : Vous prononcerez une peine de dix ans et un jour, ou de dix ans moins un jour ; ce n'est pas une différence sérieuse. On avait signalé un inconvénient au Sénat ; cet inconvénient avait frappé cette assemblée ; on y a donc adopté un autre système ; ce système présente une lacune, il est vrai ; mais dans l'autre système, il y a confusion.
Maintenant les circonstances atténuantes sont admises par le nouveau code ; donc le juge est armé contre la sévérité qu'on semble craindre, si l'article du Sénat est admis.
Quant à l'amendement de la commission, je n'y vois pas une assez grande différence avec celui du Sénat pour que je m'oppose à son adoption d'autant plus que ce n’est que reprendre l'échelle de l'ancien code à laquelle les juges sont habitués, et si la Chambre veut voter, une fois pour toutes, que cette gradation sera rétablie, pour ma part je n'y vois pas d'inconvénient. Si l'on devait, au contraire, voter sur chaque article, je préférerais maintenir la rédaction du Sénat.
MpVµ. - La parole est à M. Pirmez.
M. Pirmezµ. - J'y renonce, en présence de la déclaration faite par M. le ministre de la justice. Nous sommes d'accord.
M. Liénartµ. - Après la conversion imprévue de l'honorable M. Bara à la proposition pure et simple de la commission, je ne sais en vérité si je dois maintenir mon amendement ; il avait principalement pour but de convertir M. le ministre de la justice à l'opinion de la commission. M. le ministre de la justice avait dit au Sénat : Je veux de l'harmonie dans l'échelle pénale, je veux éviter la confusion. Cette confusion, je l'avais évitée à peu de frais, en ajoutant une légère modification à l'article ; je donnais ainsi satisfaction à M. le ministre de la justice et je lui frayais la voie vers l'adoption de l'amendement de la commission ; c'était mon but principal, je l'ai dit en commençant.
Maintenant que cette conciliation s'est opérée, maintenant que M. le ministre de la justice se déclare prêt à adopter le projet présenté par la commission, j'avoue que je n'attache plus la même importance à mon amendement, cependant je demande que la Chambre se prononce sur cet amendement.
- Plusieurs membres. - Retirez-le !
M. Liénartµ. - L'honorable ministre de la justice ne pourra pas m'en vouloir de ce que je mets quelque persistance à faire voter sur mon amendement, il a attaché lui-même une grande importance à maintenir une certaine gradation entre les peines et à éviter la confusion. Or, mon amendement, je le répète, n'était destiné qu'à lui donner satisfaction sur ce point.
M. Pirmez, rapporteurµ. - Je croyais que ce petit différend entre M. le ministre de la justice et la commission étant aplani, l'honorable M. Liénart, qui avait voulu proposer un moyen de transaction, le retirerait, parce qu'il n'a plus de raison d'être.
Mais, puisqu'il insiste, je dois déclarer que je ne puis me rallier au système de l'honorable M. Liénart. D'abord il me paraît que venir ajouter ce jour à 15 ans de travaux forcés, c'est une véritable puérilité. Cela n'a aucune espèce d'importance.
L'honorable membre aurait pu proposer avec autant de raison de dire : quinze ans et une heure, ou une minute ou une seconde.
Je ferai aussi remarquer à l'honorable M. Liénart que son système pèche par la régularité. Ainsi il voudra bien reconnaître que la réclusion ou les travaux forcés sont, sous des noms différents, des choses identiques.
Si vous dites que les travaux forcés seront de quinze ans et un jour, il faut dire que la réclusion sera de 5 ans et un jour à 10 ans. Il faudrait ajouter ce jour dans tous les cas où la loi indique l'application d'une peine.
Je demande s'il est nécessaire de faire figurer ce jour, qui ne signifie rien, dans tous les articles du code.
La réforme prendrait elle-même un jour tout entier.
M. Liénartµ. - En présence des explications réitérées et décisives qui viennent d'être échangées, je renonce à mon amendement. Je l'ai déclaré en commençant, mon but principal était d'éviter l'interruption dans l'échelle des peines. Puisque M. le ministre de la justice se rallie au système de la commission, je n'insisterai pas. Cependant je dois faire remarquer à l'honorable M. Pirmez que si j'ai dit « et un jour » c'est que l'emprisonnement d'un jour est la limite inférieure des peines emportant privation de la liberté.
- L'article 12, rédigé comme le propose la commission, est mis aux voix et adopté.
M. Teschµ. - Il serait donc décidé maintenant une fois pour toutes que partout où la rédaction doit être modifiée en ce sens, il faut dire 15 à 20 ans, au lieu de 16 à 20 ans, et 10 à 15 ans, au lieu de 11 à 15 ans ; la modification sera faite sans qu'il soit nécessaire de provoquer chaque fois un nouveau vote, de sorte que l'inconvénient signalé par M. le ministre n'existera pas.
MpVµ. - Cela s'est fait pour d'autres amendements ; par conséquent, cela peut se faire pour l'amendement de la commission.
« Art. 14. Les condamnés aux travaux forcés subissent leur peine dans des maisons de force.
« Les condamnes à la réclusion subissent leur peine dans des maisons de réclusion. »
La commission propose la rédaction suivante :
« Les condamnés aux travaux forcés subiront leur peine dans des maisons de force.
« Les condamnés à la réclusion subiront leur peine dans des maisons de réclusion. »
M. Thonissenµ. - Messieurs, la commission demande que, dans trois articles, on remplace le présent par le futur. La chose est en elle-même peu importante, d'autant plus que, dans le code de 1810, on a mis tantôt le présent et tantôt le futur dans les mêmes circonstances. Cependant, il faut reconnaître qu'au point de vue grammatical, le Sénat a eu raison d'employer le présent.
On emploie le présent pour désigner une chose qui se fait, et le futur pour désigner une chose qui doit se faire dans un temps qui n'est pas encore. Or, dès l'instant que le code nouveau sera mis en vigueur, la manière de subir la peine sera une chose on ne peut plus présente. Quand un individu est emprisonné, il subit la peine, et il n'est pas exact de dire qu'il la subira.
J'avoue que, sous le rapport grammatical, nous ne devons pas nous montrer trop sévères. Mais, d'autre part, quand on rédige un code en français, il n'y a aucun inconvénient à suivre les règles de la grammaire française.
L'honorable rapporteur a indiqué deux motifs. Il a dit d'abord que la commission avait pris la résolution d'employer toujours le présent pour désigner un principe permanent, et le futur pour indiquer un fait. Cela n'est pas entièrement exact, car, dans l'article 11, qu'on vient de voter et où l'on parle de l'exécution d’une femme enceinte, la commission emploie le présent. L'honorable rapporteur objecte ensuite que, dans l'art.icle26, on trouve à la fois le présent et le futur. Eh bien, arrivés là, nous mettrons une seconde fois le présent, et l'inconvénient disparaîtra.
M. Pirmez, rapporteurµ. - Voici la règle qui a été admise lorsque nous avons examiné une première fois le code ; c'est que tout ce qui est (page 273) déclaration de principe serait mis au présent, et que tout ce qui se rapporte à un fait serait mis au futur.
J'avoue qu'on aurait pu décider de mettre tout au présent ou tout au futur. Mais on a adopté cette règle, aussi bonne qu'une autre, et nous avons cru qu'il fallait la maintenir.
Maintenant, pourquoi avons-nous proposé la modification signalée au projet du Sénat ?
Parce que le Sénat, qui a toujours employé le futur, a, par une raison que je ne m'explique pas, remplacé ici le futur par le présent, mais a oublié de le faire exactement dans le même cas pour certains articles. Ici même et dans le même article, il emploie à la fois le présent et le futur. Eh bien, nous proposons de remplacer le présent, qui se trouvait là tout à fait isolé, par le futur.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Il est évident que c'est un lapsus de la part du Sénat. L'article a été modifié. Il y avait : « dans les maisons appelées des maisons de force » ; on a modifié ces termes, et probablement que le rédacteur de l'article a écrit, par mégarde, « subissent » au lieu de « subiront », puisque plus tard on a dit : « Les condamnés seront enfermés dans une forteresse du royaume ». C'est donc une erreur de rédaction et rien de plus.
M. Thonissenµ. - Du reste, je n'insiste pas.
- L'article, modifié comme le propose la commission, est adopté.
« Art. 16. La détention est à perpétuité ou à temps.
« La détention à temps est ordinaire ou extraordinaire.
« La détention ordinaire est prononcée pour un terme de cinq ans à dix ans ou de onze ans à quinze ans.
« La détention extraordinaire est prononcée pour seize ans au moins et vingt ans au plus. »
- La commission propose l'amendement suivant :
« Art. 16. Paragraphe 3 : ... ou de dix ans à quinze ans.
« Paragraphe 4 .... pour quinze ans au moins et vingt ans au plus. »
M. Teschµ. - C'est la conséquence du vote émis tout à l'heure.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Comme on l'a dit, il est, je crois inutile de revenir chaque fois sur ce point.
Le travail est déjà fait ; la modification aura lieu dans tous les articles sans que la Chambre doive encore s'en occuper.
- L'article est adopté.
« Art. 18. L'arrêt portant condamnation à la peine de mort, à la peine des travaux forcés ou de la détention à perpétuité, sera imprimé par extrait et affiché dans la commune où le crime aura été commis et dans celle où l'arrêt aura été rendu. L'arrêt portant condamnation à la peine de mort sera, en outre, affiché dans la commune où se fera l'exécution. »
- Adopté.
« Art. 19. Tous arrêts de condamnation à la peine de mort, des travaux forcés, de la détention perpétuelle ou extraordinaire et, de la réclusion prononceront, contre les condamnés, la destitution des titres, grades, fonctions, emplois et offices publics dont ils sont revêtus.
« La cour d'assises pourra prononcer cette destitution contre les condamnés à la détention ordinaire. »
- Adopté.
« Art. 21. Seront en état d'interdiction légale, pendant la durée de leur peine :
« 1° Les condamnés contradictoirement aux travaux forcés, à la réclusion ou à la détention perpétuelle ou extraordinaire ;
« 2° Les condamnés contradictoirement à la détention ordinaire soit dans le cas de récidive soit dans le cas de concours de plusieurs crimes. »
- Adopté.
« Art. 25. La durée de l’emprisonnement correctionnel est de huit jours au moins et de cinq années au plus, sauf les cas exceptés par la loi.
« La durée d’un jour d’emprisonnement est de vingt-quatre heures.
« La durée d'un mois d’emprisonnement est de trente jours. »
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Il y a dans cet article : « sauf dans les cas exceptés par la loi. » Je crois qu'il faut dira : « sauf les cas exceptés par la loi. »
L'article 40 du code pénal dit : « sauf les cas de récidive ou autres, où la loi aura déterminé d'autres limites. »
Je crois que le mot « dans » constitue un wallonisme et qu'il doit être supprimé ici, de même que dans l'article 28.
MpVµ. - M. le ministre de la justice propose la suppression du mot « dans ».
M Delcourµ. - J'avais demandé la parole pour obtenir une explication sur l'article 23. Je ne veux pas ouvrir un nouveau débat ; je ne présenterai pas d'amendement quoique j'en eusse eu l'intention, mais cet article laisse dans mon esprit un doute très sérieux.
L'article 23 est conçu de la manière suivante :
« Il sera nommé au condamné en état d'interdiction légale, un curateur pour gérer et administrer ses biens. Cette nomination aura lieu dans les formes prescrites par le code civil pour la nomination de tuteurs aux interdits. »
Cette disposition reproduit l'article 29 du code civil, mais avec un changement de rédaction qui est la cause de la difficulté que j'entrevois.
L'article 29 du code pénal était conçu de la manière suivante :
« Art. 29. Quiconque aura été condamné à la peine des travaux forcés à temps ou de la réclusion, sera de plus, pendant la durée de sa peine, en état d'interdiction légale ; il lui sera nommé un curateur pour gérer et administrer ses biens dans les formes prescrites pour la nomination des curateurs aux interdits. »
Ces mots « dans les formes prescrites » portent à la fois et sur le mode d'administration des biens du condamné et sur le mode de nomination. Aussi n'a-t-il donné lieu à aucune difficulté pratique. En soumettant le curateur aux obligations du tuteur de l'interdit, il est clair que les dispositions applicables à la tutelle devaient servir de règle à la gestion des biens du condamné.
Aujourd'hui que la rédaction est modifiée, les mots : « dans les formes prescrites par le code civil », au lieu de porter sur les deux éléments, sur le mode de gestion et sur le mode de nomination du curateur, ne s'appliquent plus qu'au mode de nomination.
En combinant les deux textes, on arrivera forcément à la conclusion suivante : les règles de la tutelle de l'interdit ne s'appliqueront plus à la gestion du curateur ; cette gestion restera sous l'empire des principes généraux qui régissent l'administration des biens d'autrui.
Ce changement serait des plus graves. Ainsi, par exemple, le compte de tutelle est soumis à des règles particulières, et spécialement pour la prescription.
Aux termes de l'article 475 du code civil, la prescription n'est que de dix ans, tandis qu'elle dure trente ans dans les autres cas ; ainsi, à la prescription spéciale, applicable aux actions qui naissent de la tutelle, succéderait la prescription de droit commun.
Si la rédaction de l'article 23 n'est pas modifiée, il y aura lieu à des difficultés sérieuses. Je sais bien qu'il a été dit dans les discussions que le curateur restait soumis aux obligations du tuteur, mais c'était en renvoyant aux dispositions du code pénal. Modifiées par la rédaction nouvelle, on en tirera la conséquence que le législateur a voulu innover, en ne renvoyant à la loi de la tutelle que pour le mode de nomination du tuteur.
Cette objection, messieurs, je me la suis faite ; je la soumets à la Chambre. Je ne fais pas de proposition ; il suffirait cependant d'un léger changement pour prévenir tout doute : il n'y aurait qu'à retrancher dans l'article 23 les mots : « Cette nomination aura lieu. »
Par cette suppression, l'article serait clair ; il resterait d'accord avec la discussion et la rédaction de l'article 29, qui n'a donné lieu à aucune difficulté.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je crois que l'observation de l'honorable membre est parfaitement fondée, mais ses craintes ne le sont pas. Il suffit de lire attentivement l'ancien article 29 du code pénal pour s'apercevoir qu'il n'y a pas de danger à craindre de la nouvelle rédaction qui a été adoptée par la Chambre. Voici ce que dit cet article : « Il lui sera nommé un curateur pour gérer et administrer ses biens (virgule), dans les formes prescrites pour la nomination des curateurs aux interdits. »
Vous le voyez, le code pénal ancien ne parlait des formes prescrites que pour la nomination, mais il est évident que quand on disait dans cet article que lorsque le condamné était en interdiction légale, il lui serait nommé un curateur dans les formes prescrites par le code civil, la nomination devait avoir toutes les conséquences qu'entraîne le code civil.
Le reproche que vous faites à l'article voté par la Chambre, vous pouvez le faire à l'ancien article, car dans le système de l'honorable M. Delcour, il aurait fallu dire : « dans les formes prescrites par le code civil pour la curatelle aux interdits. »
Je crois qu'en réalité il aurait mieux valu faire une rédaction qui comprenait l'application des principes du code civil, non seulement à la nomination, mais aussi à l'administration du tuteur ; mais en présence (page 274) de la jurisprudence et des termes du code pénal de 1810, il n'y a pas de doute possible sur la portée de l'article.
Cet article sera interprété par les tribunaux dans son sens véritable, qui est celui de l'application des principes du code civil à la tutelle du condamné.
Il est impossible, messieurs, d'arriver dans un code à une rédaction absolument parfaite, et je pense qu'il n'y a pas de danger à maintenir l'article.
M. Pirmezµ. - Je crois que l'observation de l'honorable M. Delcour est très fondée, mais je crois aussi que, après la déclaration de l'honorable ministre de la justice, à laquelle je crois pouvoir me joindre au nom de la commission et qui ne sera pas contredite par la Chambre, M. Delcour peut avoir la certitude qu'aucune difficulté ne pourra se présenter.
J'engage donc l'honorable membre à retirer son amendement.
M. Teschµ. - Je crois que l'amendement de l'honorable M. Delcour pourrait être admis, mais je demande si M. le ministre de la justice n'y voit pas d'inconvénient, qu'on tienne l'article 23 en suspens jusqu'à la prochaine séance. D'ici là l'on pourra proposer peut-être une rédaction qui vaudra mieux.
- L'article est tenu en suspens.
M. Delcourµ. - En présence des explications qui viennent d'être données, je déclare que je suis déjà à peu près satisfait. Je n'ai eu qu'un but : c'est de faire constater par la Chambre qu'on n'a pas entendu modifier l'article 29 de l'ancien code pénal. La proposition faite par l'honorable M. Tesch, me paraît de nature à tout concilier. D'ici au second vote on pourra revoir la rédaction et arriver à une formule plus complète, plus précise et qui prévienne toute difficulté.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - On pourrait dire : « conformément aux dispositions du code civil sur la tutelle des interdits ».
M. Thonissenµ. - Il faut dire : « le tout conformément, etc. »
MpVµ. - M. Tesch, insistez-vous pour qu'on tienne l'article en réserve ?
M. Teschµ. - Oui, M. le président.
MpVµ. - L'article sera tenu en suspens, mais rien n'empêche de voter sur l'amendement de M. le ministre de la justice.
- L'amendement de M. le ministre de la justice est mis aux voix et adopté.
« Art. 25. La durée de l'emprisonnement correctionnel est de huit jours au moins et de cinq années au plus, sauf les cas excepte par la loi.
« La durée d'un jour d'emprisonnement est de vingt-quatre heures. La durée d'un mois d'emprisonnement est de trente jours. »
- Adopté.
« Art. 26. Les condamnés à l'emprisonnement correctionnel subiront leur peine dans des maisons de correction.
« Ils y seront employés à l'un des travaux établis ou autorisés dans la maison, à moins qu'ils n'en soient dispensés par le gouvernement dans des cas exceptionnels. »
- Adopté.
« Art. 29. Les condamnés à l'emprisonnement pour contravention subiront leur peine dans les prisons déterminées par le gouvernement.
« Ils ne seront astreints à aucun travail. »
- Adopté.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - A l'article 28 il y a aussi : « sauf dans les cas » ; d'après ce qui a été fait pour l'article 25, il faut dire : « sauf les cas » c'est-à-dire supprimer le mot : « dans ».
MpVµ. - Cette modification sera faite chaque fois que les mêmes expressions se présenteront.
« Disposition commune aux sections II, III et IV.
« Art. 30. La durée de la peine des travaux forcés, de la détention, de la réclusion et de l'emprisonnement compte du jour du jugement ou de l'arrêt, si le condamné est détenu à cette époque, et du jour de l'écrou, s'il est écroué après sa condamnation.
« Si l'arrêt ou le jugement de condamnation est cassé ou réformé, le temps passé eu prison depuis la première condamnation sera imputé sur la durée de la peine à subir par suite de la condamnation définitive. »
La commission propose l'amendement suivant ;
« La durée des peines temporaires qui emportent privation de la liberté court du jour de la première décision qui les prononce.
« Elle ne court toutefois que du jour de l'arrêt définitif, lorsque l'appel ou le pourvoi a été formé par le condamné, et que la peine n'a pas été réduite par suite de l'appel ou du pourvoi.
« Si le condamné n'est écroué qu'après sa condamnation, la durée de la peine compte du jour de l'écrou. »
M. Thonissenµ. - Messieurs, il y a ici une question très importante et sur laquelle il ne faut pas glisser légèrement ; elle est en rapport avec la détention préventive.
En droit strict, la peine ne peut être exécutée, et par suite, elle ne commence à courir que du moment où le jugement qui la prononce a acquis force.de chose jugée. C'est une règle incontestable dont tous les condamnés peuvent se prévaloir.
Malheureusement le prévenu n'est pas toujours laissé en liberté jusqu'au jour où il est définitivement condamné. Quelquefois il subit des semaines et même des mois d'arrestation préventive. De là est venue la question de savoir s'il ne faut pas décompter de la durée de sa peine le temps pendant lequel il a subi la détention préventive.
A cet égard, nous sommes en présence de trois systèmes : le système du Sénat, le système de la commission et le système de l'honorable AI. Pirmez.
D'après le Sénat, la détention préventive ne doit être admise en compte que du jour de la première condamnation, quand même cette condamnation serait, plus tard, annulée et remplacée par une autre.
D'après la commission, la détention préventive compte également du jour de la première condamnation ; mais la commission prévoit le cas où il y a eu, de la part du condamné, appel ou pourvoi et où la peine n'a pas été réduite par les juges supérieurs ; dans ce cas, elle ne fait courir la peine que du jour de l'arrêt définitif.
Enfin, d'après l'honorable rapporteur, la peine court toujours à partir du jour de l'arrestation.
J'avoue, messieurs, qu'en principe, je préfère le système de l'honorable M. Pirmez, système qui est consacré par plusieurs codes modernes, entre autres par les lois pénales de la Russie.
Dès qu'on admet que la détention préventive doit être décomptée, je ne vois aucune raison de distinguer entre celle qui précède la première condamnation et celle qui la suit.
En droit strict, ni la première ni la seconde n'est une peine, et, en fait, la souffrance est égale. La détention préventive subie avant la première condamnation et celle qui est subie après cette condamnation, mais avant l'arrêt définitif, ne présentent aucune espèce de différence.
Mais, messieurs, la commission fait valoir, d'autre part, une considération très fondée ; elle suppose le cas suivant : Un individu est réellement coupable, il est justement condamné ; mais il n'accepte pas sa condamnation, il interjette un appel intempestif, il forme un pouvoir non fondé et, par conséquent, par sa propre faute, il prolonge sa détention préventive.
M. Pirmezµ. - On n'a qu'à le mettre, en liberté.
M. Thonissenµ. - Il ne s'agit pas de le mettre en liberté. Je crois que je n'ai pas été bien compris. J'ai dit que notre opinion me semble, en principe, préférable à celle de la commission, mais j'ai ajouté que la commission a raison de son côté au point de vue des condamnés qui interjettent un appel ou forment un pourvoi mal fondé.
Si vous admettez le système qui fait courir la peine, même à la suite d'un appel ou d'un pourvoi mal fondé, tous les condamnés auront recours à l'appel ou au pourvoi, parce qu'ils n'auront jamais rien à perdre. Vous verrez alors un grand nombre d'appels et de pourvois mal fondés, qui viendront inutilement entraver l'administration de la justice.
Je crois avoir trouvé le moyen de concilier d'une manière satisfaisante le système présenté par la commission avec celui de l'honorable M. Pirmez. On y parvient, me semble-t-il, par l'amendement suivant :
« Toute détention subie à raison du fait qui donne lieu à la condamnation sera imputée sur la durée des peines emportant privation de la liberté.
« Toutefois, lorsque l'appel ou le pourvoi a été formé par le condamné, sans amener une réduction de peine, on ne tiendra pas compte du temps écoulé entre le jour de l'appel ou du pourvoi et celui de l'arrêt définitif.
« Si le condamné n'est écroué qu'après sa condamnation, la durée de la peine compte du jour de l'écrou. »
M. Pirmezµ. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer un amendement ainsi conçu :
(page 275) « Toute détention subie avant que la condamnation soit devenue irrévocable par suite de l'infraction qui donne lieu à cette condamnation sera imputée sur la durée des peines emportant privation de liberté. »
Messieurs, vous êtes saisis de plusieurs systèmes sur la question très importante qui se pose devant vous.
Vous avez l'amendement du Sénat, l'ancienne rédaction votée par la Chambre et dont la commission propose le maintien, l'amendement de M. Thonissen et celui que je viens de proposer.
Je crois, messieurs, qu'il n'y a qu'une seule solution logique, c'est de déclarer que dans tous les cas possibles, la détention préventive s'imputera sur la peine.
Dans le système des lois en vigueur, rigoureusement appliqué, on ne devrait compter la durée de la peine que du jour où le jugement est devenu irrévocable.
Il en résulterait donc qu'en matière criminelle la peine ne devrait prendre cours qu'après le délai de cassation expiré, et en matière correctionnelle qu'après les délais d'appel et de cassation ou qu'après une décision inattaquable, en sorte que le détenu correctionnel qui n'appelle pas doit attendre en prison l'expiration du délai, avant que sa détention compte !
On a trouvé cela tellement absurde, que, malgré les principes, on a admis que les peines correctionnelles courraient, quand il n'y pas de recours, à partir du jugement qui les prononce.
En 1852 lorsqu'on a voté la première fois le code pénal, on a admis une dérogation plus nette encore aux principes ; on a admis qu'en matière correctionnelle la peine commencerait à courir du premier jugement si le ministère public ne formait qu'un recours sans fondement.
Mais si le recours du ministère public était admis le prévenu payait l'erreur des premiers juges par une prolongation de détention. Singulier principe !
On a modifié ce système en 1863, et on a admis que le recours du ministère public ne retarderait en aucun cas le cours de la peine ; mais la commission a maintenu le principe que lorsque le prévenu, qui est en prison, se pourvoit en appel ou en cassation et ne réussit pas, la peine est prolongée, c'est-à-dire qu'elle ne commence à courir qu'à partir de l'arrêt qui intervient.
Tel est le système de la commission.
C'est aussi le système que vous présente l'honorable M. Thonissen.
M. Thonissenµ. - Non.
M. Pirmezµ. - Vous pensez être avec moi, mais vous êtes contre moi.
M. Thonissenµ. - Je m'expliquerai.
M. Pirmezµ. - Le système de la commission consiste à soutenir que lorsque le prévenu se pourvoit et ne réussit pas, la peine ne commence à courir qu'à partir de l'arrêt. M. le ministre de la justice a signalé au Sénat, avec raison, ce que ce système a de vicieux.
Comment ! vous accordez au détenu la faculté de se pourvoir en appel ou en cassation et vous lui dites : Si vous ne réussissez pas, vous subirez un emprisonnement de ce chef.
Est-ce sérieux ? Vous voulez donc introduire une peine de fol appel ou de pourvoi téméraire ? (Interruption.) Vous ouvrez à l'individu un recours contre un jugement, mais vous punissez le recours téméraire d'un emprisonnement de 15 jours, un mois ou plus !
Il y a quelque temps, nous avons supprimé la peine de l'amende qui frappait l'appel ou le pourvoi interjeté sans fondement, et l'on maintiendrait ici l'emprisonnement contre celui qui intente un appel sans fondement ! S'il est une matière où le recours doit être libre, où l'on doit pouvoir user de toutes les voies de recours, c'est bien en matière pénale. Vous trouvez qu'il est absurde d'infliger l'amende pour un appel ou un pourvoi civil sans fondement, et vous infligeriez l'emprisonnement pour le même fait en matière pénale ! Ce serait monstrueux, et il suffit d'exposer ce système pour démontrer qu'il ne peut être maintenu.
Je viens de réfuter le système de la commission, et du même coup je réfuterai celui de M. Thonissen ; je ne sais si je l'ai bien compris, mais d'après le deuxième alinéa, il veut que lorsque le condamné se pourvoit, la peine ne commence à courir que du jour du second arrêt.
M. Thonissenµ. - S'il n'obtient pas gain de cause.
M. Pirmezµ. - Tout le monde est d'accord à cet égard.
M. Thonissenµ. - Me permettez-vous de m'expliquer ?
M. Pirmezµ. - Volontiers.
M. Thonissenµ. - Il y a un premier point où je m'écarte complètement du système de la commission. La commission formule ainsi le paragraphe premier de l’article 30 :
« La durée des peines temporaires qui emportent privation de la liberté court du jour de la première décision qui les prononce. »
La commission ne tient donc pas compte de l'arrestation préventive qui a existé avant le premier jugement de condamnation ; tandis que, d'après moi, il faut, en principe, décompter toute la durée de la détention préventive, depuis le jour de l'arrestation.
Supposons qu'un homme soit arrêté, qu'il reste quatre mois en prison avant de comparaître devant le tribunal. D'après la commission, ces quatre mois ne doivent pas être décomptés ; dans votre système, au contraire, ils doivent l'être, et vous avez raison.
Dans le deuxième paragraphe de mon amendement, je m'éloigne de vous et me mets d'accord avec la commission, parce qu'ici elle a raison. La commission prévoit le cas où un condamné interjette appel ou forme un pourvoi sans avoir, en aucune manière, le droit de se plaindre du jugement qui lui a été appliqué ; elle ne veut pas que, dans ce cas, l'appel ou le pourvoi étant rejetés, il puisse se prévaloir d'une détention préventive qu'il a indûment prolongée par sa faute.
Vous dites que ce système est monstrueux ; je vais vous prouver, par votre rapport même, que la commission et moi nous sommes ici dans la vérité. Voici ce que vous dites :
« Ce n'est que par une fiction que la détention préventive n'est pas considérée comme une peine. Dans la réalité des faits, elle est une souffrance que la loi impose, par suite d'une inexorable nécessité sociale sans doute, mais dont on ne peut méconnaître la rigueur, et à laquelle, par conséquent, il est, en raison, impossible de ne pas avoir égard dans le compte que celui qui la subit peut avoir à régler avec la justice répressive. »
II y a, dites-vous. une souffrance infligée par la loi et dont il faut tenir compte. Mais quand un homme est justement condamné et que cet homme réclame à tort le renvoi de la cause à une juridiction supérieure, ce n'est plus la loi, c'est lui-même qui prolonge sa détention. Sans doute, le système de la commission peut, dans un petit nombre de cas, présenter quelques inconvénients ; mais, en général, quand un condamné se pourvoit en appel ou en cassation, il le fait à ses risques et périls.
Voici donc quel est mon système.
J'admets votre opinion pour la détention qui existe avant le premier jugement, mais je préfère celui de la commission pour la détention préventive qui a lieu à la suite d'une première condamnation prononcée par les juges.
M. Pirmezµ. - Dans le point que j'ai traité, M. Thonissen est donc mon adversaire ; mais il m'apporte son concours, que je suis heureux d'avoir, sur un autre point. Il y a, dans le système commun à la commission et à M. Thonissen, quelque chose d'anti-juridique.
M. Thonissen vient de. le reconnaître. Ce système frappe d'un emprisonnement l'erreur du condamné. Le passage de mon rapport que M. Thonissen vient de lire confirme ce que j'avance. J'ai dit que la détention préventive est une peine, parce qu'elle est une souffrance ; l'individu qui se trouve en prison et qui interjette appel ne peut donc le faire qu'au risque de cette peine.
Si vous trouvez que ce soit une faute si grave que d'interjeter un appel sans fondement, il faut décider que tout individu qui, condamné par un tribunal correctionnel, interjettera un appel ou un pourvoi sans fondement, subira un emprisonnement.
Je ne vois pas pourquoi vous frapperiez le détenu d'une peine alors que vous permettez à celui qui est en liberté provisoire d'interjeter appel sans risque.
Si je venais vous proposer de frapper d'une amende de 10 francs le prévenu en liberté qui se pourvoit sans fondement, vous diriez que je propose une chose profondément inique, profondément anti-juridique.
El vous ne reculez pas devant cette conséquence de prononcer un emprisonnement indéfini contre le malheureux qui use de ce recours après arrestation !
Maintenant, messieurs, vous me dites : Mais vous allez multiplier à l'infini les appels et les pourvois. Je réponds que cela n'est pas à craindre, et cela pour deux raisons.
La première, et c'est un fait, c'est que les individus qui sont en liberté et qui peuvent interjeter cet appel ou ce pourvoi sans avoir à en subir aucun inconvénient, ne multiplient pas les appels et les pourvois. Les appels correctionnels ne sont pas nombreux ; les pourvois en cassation, ne le sont pas davantage et je ne vois pas que jusqu'à présent les cours aient été encombrées par ces recours.
Dans tous les cas, si vous avez peur de ces appels et de ces pourvois en cassation, décidez qu'on ne peut plus interjeter appel, qu'on ne peut (page 276) plus se pourvoir en cassation. Mais je dis que vous ne pouvez pas raisonnablement, la voie de l'appel et du recours en cassation étant maintenue, vous ne pouvez pas soumettre cet appel et ce recours en cassation à une pénalité.
La seconde raison qui empêche le condamné de chercher a retarder le jugement définitif au moyen de l'appel ou du recours en cassation, c'est qu'il n'y a pas intérêt.
D'abord, les frais qui résultent de l'appel ou du pourvoi en cassation sont un frein suffisant aux tentatives sans espoir ; mais, en outre, ils sont écartés par cette circonstance très décisive que nous déclarons que la peine subie en cellule diminue de moitié la durée de l'emprisonnement. Or, comme les prévenus ne sont pas soumis au régime cellulaire il résulte de la combinaison de ces deux circonstances que le détenu préventivement ne gagnera aucune réduction de temps, tandis que s'il acceptait son premier jugement et s'il subissait sa détention en cellule, son emprisonnement ne durerait que la moitié du temps fixé par le jugement.
M. Mullerµ. - Le détenu s'expose, en outre, à la chance d'être condamné, en appel, à une peine plus forte.
M. Pirmezµ. - L'observation est très juste et il est à remarquer que rien n'excite plus les juges à prononcer une peine plus forte que de voir un pourvoi ou un appel non fondé.
Vous pouvez donc être parfaitement certains que les appels et les pourvois en cassation ne se multiplieront pas. Si l'honorable M. Thonissen, qui a voté, je crois, comme moi la suppression de l'amende en matière civile, sans crainte de procédures prolongées, se rappelle ce vote, pour être conséquent, il supprimera toute entrave au droit d'appel et au droit de pourvoi en cassation en matière pénale.
Je suis, sur ce point, contre la commission et contre l'honorable M. Thonissen ; mais je suis avec M. le ministre de la justice. Nous sommes donc deux contre deux.
Maintenant, vient la seconde question ; ici nous sommes encore deux contre deux seulement. Je suis, cette fois, avec l'honorable M. Thonissen, contre M. le ministre de la justice et contre la commission qui sera sans doute représentée par l'honorable M. Tesch.
Faut-il compter la détention préventive subie avant tout jugement dans la durée de la peine ? Telle est la question.
Je dis avec l'honorable M. Thonissen : Vous ne pouvez pas hésiter à répondre affirmativement. Pourquoi ne compte-t-on pas la détention préventive dans la peine ? Parce que les jurisconsultes ont proclamé le principe que la détention préventive n'est pas une peine.
La détention préventive est une chose exigée par une nécessité sociale, une nécessité impérieuse, je le veux bien ; mais elle n'en est pas moins contraire au droit.
Et permettez-moi de le dire en passant : Si je suis bien décidé à faire tous mes efforts pour que la société soit armée pour maintenir au droit la force nécessaire, c'est la thèse que je soutenais encore avant-hier dans cette enceinte, je suis aussi décidé à repousser de toute mon énergie tout ce que je considère comme contraire au droit ; et s'il faut, dans une certaine mesure, subir par nécessité ces attentats au droit, il faut en atténuer autant que possible les effets.
La détention préventive n'est pas une peine ! Mais quelle différence y a-t-il en fait, pour l'individu en prison, entre une peine et cette détention ?
Vous aurez beau lui déclarer très savamment que sa détention préventive n'est pas une peine ; je doute fort qu'il parvienne à comprendre qu'il n'est pas puni quand il est en prison.
Autrefois des jurisconsultes très savants faisaient torturer les prévenus qu'ils soumettaient à la question pour leur arracher des aveux. Si nous leur avions dit : « Il serait juste de tenir compte aux prévenus des tortures que vous leur faites subir, » je crois que ces anciens jurisconsultes nous auraient considérés comme de profonds ignorants et nous auraient répondu : Mais vous ne savez donc pas que la torture préparatoire n'est pas une peine !
M. Thonissenµ. - Il en est qui ont tenu ce langage, Wynants entre autres.
M. Pirmezµ. - Nos contradicteurs trouveront Wynants absurde. Aujourd'hui que nous soutenons cette thèse que la détention préventive doit être imputée sur la peine, nous sommes exactement dans la position que je vous supposais en présence de ces anciens jurisconsultes, et nos contradicteurs répondent comme eux.
Nous disons, nous, que la prévention préventive est une souffrance infligée à raison du fait qui a été commis, et qu'en conséquence, il faut en tenir compte en la déduisant de la durée de la peine.
Et que nous répond-on ? Comme ces anciens jurisconsultes, on se renferme dans un principe abstrait de droit, dans une fiction judiciaire contraire à la réalité du fait, et en vertu de cette fiction, c'est-à-dire, d'un mensonge, on fait rester un individu en prison beaucoup plus longtemps qu'il ne le mérite !
Il faut en revenir à la réalité. Ces fictions juridiques sont le propre des législations barbares. Ce qu'il faut introduire dans la législation, c'est la vérité des faits, et la vérité, ici, c'est que la détention préventive est une peine et que, par conséquent, il faut en tenir compte au condamné.
Maintenant, quelles objections fait-on à ce système ? Il y en a de très étranges.
On nous dit, par exemple : Mais voyez un peu dans quelle position vous allez mettre la justice ! Je suppose qu'un individu ait été détenu pendant 4 mois en prison ; le juge trouve qu'il ne faut lui appliquer que 4 mois de prison ; il va donc le faire relâcher immédiatement !
M. Thonissenµ. - Cela se pratique en Russie et on n'y voit aucun inconvénient.
M. Pirmezµ. - Supposons que cela se présente ; qu'on relâche immédiatement cet individu en lui disant : Vous avez payé ce que vous deviez à la société ; y aurait-il à cela un bien grand mal ? Je trouve, moi, qu'il y en a un bien plus grand à dire à un prévenu : Nous reconnaissons que vous avez déjà subi un emprisonnement suffisant, mais malgré cela nous allons vous tenir encore en prison pendant quelque temps pour l'honneur du tribunal !
Mais un autre cas peut se présenter : ce même individu, qui aura subi une détention préventive de quatre mois, ne méritera qu'une condamnation de deux mois ; vous allez donc, nous dit-on, vous aller déclarer qu'il a subi deux mois de trop.
Mais certainement, messieurs, et je trouve vraiment plaisant qu'on vienne dire : Cet individu a été déjà pendant quatre mois en prison ; mais pour ne pas montrer qu'il y a été deux mois de trop, nous allons encore le retenir pendant deux autres mois, ce qui fera six mois !
Mais, nous dit-on encore, vous allez affaiblir la répression en ce que la détention préventive viendra ainsi absorber toute la peine.
Mais, messieurs, quand il y aura danger ou de voir absorber la peine ou de voir affaiblir la répression, le ministère public n'aura qu'à ne pas détenir.
Ce n'est pas le condamné qui choisit. Si vous trouvez de l'inconvénient dans la détention, relâchez le prévenu.
« Mais, dit-on encore, dans la détention préventive il n'y a pas de confinement cellulaire. » Je le reconnais ; mais, messieurs, n'oubliez pas que le système cellulaire n'est pas appliqué à la détention préventive et que par conséquent la réduction de moitié des peines, prononcée pour le système cellulaire, ne recevra pas d'application.
M. le ministre de la justice a fait une autre objection au Sénat : « La proposition, a-t-il dit, n'a plus d'objet, elle n'a plus d'importance, parce qu'on ne détient plus préventivement que pour des faits graves ; si le fait est peu grave, on ne détiendra pas préventivement ; si, au contraire, le fait est grave, qu'est-ce que quelques mois de prison de plus ou de moins pour un crime ? »
Je ne puis pas admettre un pareil raisonnement. On n'aura recours à la détention préventive que rarement et lorsque les faits sont graves ; je le veux bien, mais enfin si on y a recours, ne fût-ce qu'une fois par an, c'est toujours un individu détenu préventivement.
On dit qu'on ne détient presque plus préventivement. Cependant, messieurs, il y a en ce moment dans la prison de Bruxelles des individus détenus préventivement depuis six mois et huit mois.
Vous ne voulez pas qu'on impute la détention préventive sur la durée des peines emportant privation de la liberté ; vous dites que cela n'est pas conforme aux principes du droit.
Messieurs, j'ai aussi été nourri des principes du droit, tout comme mes honorables adversaires ; je les respecte comme jurisconsulte, mais quand ils sont iniques, je les attaque comme membre de la législature.
Je constate ce qu'ils ont de faux, je signale un remède simple ; je ne comprends pas qu'on hésite à revenir à la vérité.
Mais, dit-on, prenez garde : votre système conduit à l'allocation d'une indemnité au profit des individus acquittés et qui ont été détenus préventivement.
M. Orts. - C'est là l'objection capitale.
M. Pirmezµ. - Reconnaissez-vous, oui ou non, que le système que (page 277) propose, et dans les limites où je le présente, fasse cesser une injustice ?
Personne n'osera le nier. La seule chose que mon honorable interrupteur puisse m'objecter, c'est que mon amendement ne va pas assez loin, que mon remède n'est que partiel.
Eh bien, je vous offre le choix.
Voulez-vous guérir le mal à moitié, ou voulez-vous ne pas le guérir du tout ?
Voilà la différence entre moi et mes honorables contradicteurs. Je porte un remède partiel au mal. Ils n'apportent pas de remède du tout.
Je regrette de ne pas pouvoir aller plus loin ; mais je ne puis comprendre que vous rejetiez le bien partiel que je propose, alors que vous ne proposez rien du tout. Mieux vaut détruire la moitié du mal que de le laisser subsister entier.
Messieurs, pourquoi ne puis-je pas aller aussi loin ?
Pour le détenu préventif qui est condamné à m’emprisonnement, j'impute la durée de la détention préventive sur l'emprisonnement que le condamné doit subir, je ne puis pas l'appliquer aux prévenus acquittés et qui ont été détenus préventivement ; il faudrait pour cela que j'eusse recours à une indemnité pécuniaire, que je n'ai pas à ma disposition.
Mais, messieurs, il y a une autre raison à laquelle on ne réfléchit pas assez.
Dans le système que je propose, nous sommes parfaitement sûrs de ne pas aller trop loin.
Ce serait une très grande erreur de croire qu'il serait juste de donner toujours une indemnité à celui qui a été détenu préventivement, et qui est acquitté, et voici pourquoi :
Le jugement de condamnation affirme la culpabilité ; mais le jugement d'acquittement n'affirme pas l'innocence.
Sans doute au point de vue de la loi pénale, l'individu acquitté doit être considéré comme innocent ; mais dans la réalité des faits, un individu acquitté peut très bien être coupable.
Lisez la formule dont les tribunaux se servent pour prononcer les acquittements ; par cette formule les tribunaux ne disent pas que l'individu acquitté est innocent ; mais ils disent qu'il n'est pas prouvé qu'il est coupable.
Vous ne pouvez pas induire de là un droit à l'indemnité. Je comprendrais cette indemnité, mais seulement dans le cas où l'individu qui a. été détenu préventivement, et qu'on a acquitté, viendrait établir lui-même les preuves de son innocence, en se constituant demandeur. Je suppose qu'on aille jusque-là ; qu'on veuille allouer, dans ce cas, une indemnité aux individus acquittés. Cette réforme n'aboutirait pas ; pourquoi ? Parce que l'individu acquitté se bornerait au jugement d'acquittement, et qu'il ne se lancerait pas dans une nouvelle discussion des faits pour établir son innocence.
Voilà la grande raison qui empêchera toujours qu'une indemnité soit accordée à un individu poursuivi, sans que la poursuite soit suivie d'une condamnation.
Messieurs, je le répète en terminant, vous ne devez pas hésiter à adopter une réforme que vous devez reconnaître comme juste et qui sera un véritable progrès dans notre législation criminelle ; vous ne devez pas surtout la rejeter, parce que vous croiriez qu'elle n'est pas complète.
MpVµ. - Deux amendements sont parvenus au bureau. L'un de ces amendements est proposé par M. Thonissen ; il est ainsi conçu :
« Toute détention subie à raison du fait qui donne lieu à la condamnation sera imputée sur la durée des peines emportant privation de la liberté.
« Toutefois, lorsque l'appel ou le pourvoi a été formé par le condamné, sans amener une réduction de peine, on ne tiendra pas compte du temps écoulé entre le jour de l'appel ou du pourvoi et celui de l'arrêt définitif.
« Si le condamné n'est écroué qu'après sa condamnation, la durée de la peine compte du jour de l'écrou. »
Le second amendement est ainsi conçu :
« Toute détention subie avant que la condamnation soit devenue irrévocable, par suite de l'instruction qui donne lieu à cette condamnation, sera imputée sur la durée des peines emportant privation de liberté.
« E. Pirmez. »
M. Orts. - Messieurs, je disais tout à l'heure, interrompant l'honorable M. Pirmez, que l'objection capitale contre le système qu'il a présenté est celle-ci : dans ce système, le coupable condamné après un emprisonnement préventif, obtient de la loi une faveur, tandis que l'innocent mis en détention préventive et acquitté n'obtient aucune espèce d'indemnité et encore moins de faveur.
Pour moi, je le répète, voilà l'objection capitale, et malgré l'habileté avec laquelle l'honorable M. Pirmez a cherché à y répondre tout à l'heure, je crois qu'il n'est pas difficile de démontrer que ces réponses n'ont pas atteint le but que se proposait leur auteur.
Je suis de l'avis de l'honorable M. Pirmez en matière de théorie pénale. Je suis d'accord avec lui qu'il faut avant tout que le prestige de la justice sociale soit entier, et c'est pourquoi, lorsqu'il évoquait avant-hier cette idée, il avait en moi à ses côtés un partisan convaincu de la conséquence qu'il en tirait : un partisan du maintien de la peine de mort.
Mais ce prestige, si nécessaire, de la justice sociale, exige qu'au nom de la justice la société n'ait pas l'air de distribuer des faveurs aux coupables lorsqu'elle ne fait rien pour les innocents, placés dans la même situation d'infortune. Or si vous décomptez de toute peine qui consiste dans la prévention de la liberté, la détention préventive, vous tombez, je le répète, dans l'inconvénient que j'ai signalé tout à l'heure.
Le coupable qui a subi un mois de détention préventive, condamné à trois mois de prison, aura le bénéfice, au nom de la loi, de payer cette condamnation à l'aide de deux mois de détention ultérieure. L'innocent, qui, par un malheur beaucoup plus grand et nullement mérité, aura subi trois mois de prison préventive aboutissant à la reconnaissance judiciaire qu'il n'est pas coupable, verra la société lui ouvrir les portes et croire qu'elle a fait assez ; sa détention préventive ne lui vaudra rien. La conséquence du système de l'honorable M. Pirmez, quoi qu'il dise, c'est l'indemnisation ; c'est une réparation quelconque, morale ou pécuniaire, à tout individu qui, après avoir été mis en détention préventive, sera acquitté par la justice ; sinon, l'honorable M. Pirmez fait des faveurs aux coupables et ne fait rien pour les innocents, tombés dans le même malheur.
L'honorable M. Pirmez répond : Mais il y a une bien grande différence entre le coupable déclaré tel par la justice et celui qui n'est pas condamné. La condamnation affirme la culpabilité ; l'acquittement ne prouve rien ; il n'affirme pas l'innocence.
Ce sont là, que l'honorable M. Pirmez me permette de le lui dire, des subtilités de juriste du genre de celles qu'il combattait à un autre point de vue. Vis-à-vis des populations, l'argument ne vaut rien, et c'est vis-à-vis des populations que doit exister le prestige de la justice sociale ; les juristes savent, eux, à quoi s'en tenir. Aux populations, persuaderez-vous jamais qu'un individu détenu préventivement et qui, par un arrêt de la justice, se voit ouvrir les portes de la prison, ne doit pas être considéré comme une véritable victime, de même que l'individu condamné doit être considéré comme méritant la peine qui l'a frappé ?
Les populations croient que l'individu qui se voit ouvrir, par un arrêt de la justice, les portes de la prison, n'est pas coupable. Et les populations ont à bon droit cette croyance ; car, si elles ne l'avaient pas, les jugements d'acquittement n'auraient plus aucune valeur morale ; et le prestige de la justice sociale serait aussi fortement affecté, si l'on ne croyait plus à la vérité des acquittements que si l'on ne croyait plus à la vérité des condamnations.
Je ne suis pas de ceux qui reculent devant l'idée d'une réparation donnée à l'individu mis injustement en prévention. Mais je déclare qu'aussi longtemps que cette idée n'aura pas passé dans la pratique, je ne pourrai voter le principe d'une indemnité au profit de celui qui, détenu préventivement, a été condamné. « Il y a une injustice à réparer, poursuit l'honorable M. Pirmez, tout le monde en convient. Celui qui a été détenu préventivement a subi une peine à l'avance ; il est juste qu'elle lui compte ; et cette injustice, parce que je ne puis la réparer vis-à-vis des innocents, vous voulez empêcher que je la répare vis-à-vis des coupables. »
Messieurs, laissons là les théories et rentrons dans la pratique. L'honorable M. Pirmez le sait mieux que personne, il a la pratique des affaires judiciaires ; il doit savoir ce que je sais. En fait, il n'est pas un juge qui, appliquant la peine, ne tienne compte de la détention préventivement supportée par le condamné.
- Un membre. - Cela ne devrait pas être.
M. Orts. - Pourquoi ? Cela est et cela doit être ; l'honorable M. Pirmez ne le nie pas. Mais puisque cela est et doit être, pourquoi voulez-vous le mettre dans la loi et commettre une injustice apparente vis-à-vis des innocents, alors que le juge tient compte de ce que vous désirez voir entrer en ligne de compte vis-à-vis des coupables ? Vous voulez à tout prix jeter une mauvaise apparence sur la justice sociale pour prévenir un danger qui, en réalité, n'existe pas, un danger qui ne menace personne.
(page 278) L'honorable M. Pirmez dit encore : « Je fais quelque chose pour les condamnés et je ne fais rien pour les innocents, pourquoi ? Parce que j'ai entre les mains un moyen de compensation vis-à-vis des condamnés. Avec des innocents, je ne sais ce que je rendrais. L'argent ne vaut pas la liberté et je n'ai pas de compte de détention à régler avec eux. »
L'honorable M. Pirmez ne se doute pas qu'avec l'étendue qu'il donne à son amendement, cette compensation, qu'il regarde comme un moyen pratique vis-à-vis des condamnés, n'existe pas et qu'il permet de compenser comme qui dirait de la monnaie d'argent avec de la monnaie de cuivre. Ainsi, un homme aura été condamné à la réclusion ou aux travaux forcés, après avoir été enfermé six mois dans une maison de détention préventive ; vous allez l'autoriser à payer six mois de réclusion ou six mois de travaux forcés moyennant ces six mois de détention ?
M. Pirmezµ. - Avec le système cellulaire, ce sera la même chose.
M. Orts. - Je ne m'occupe pas pour le moment du système cellulaire. Vous permettez même, sous le régime cellulaire, de compenser, avec deux jours de détention préventive, deux jours de travaux forcés ou de réclusion. Eh bien, je déclare qu'il ne faut pas avoir vu longtemps de près une maison de détention préventive, une maison de réclusion ou une maison de force, pour acquérir la conviction qu'il n'est pas d'individu qui ne préfère subir huit jours de détention préventive qu'un jour de travaux forcés.
Le régime de la détention préventive est un régime qui tient ordinairement l'homme en prison dans sa ville natale ; il est à côté de ses proches, de ses amis, qui ont accès tous les jours auprès de lui, du moment qu'il n'est pas au secret.
Cette situation subsiste aussi longtemps que dure la prévention. Pourquoi ? Parce que l'homme en prévention est traité, à part la question de secret, sous le bénéfice de la présomption d'innocence qui le protège même sur les bancs de la justice criminelle, jusqu'au moment où elle le condamne.
Votre compensation est donc injuste ; vous ne pouvez pas compenser l'emprisonnement préventif où l'accusé peut se procurer toutes les jouissances de la vie, du luxe même, où il peut recevoir les visites de ses parents et de ses amis, vous ne pouvez pas compenser cela avec le régime dur, humiliant des travaux forcés, véritable torture et où le condamné se trouve dans un isolement complet. (Interruption.) Je dis que les deux emprisonnements ne se ressemblent pas et que la différence est de bien plus de 50 p. c.
Messieurs, la détention préventive est un malheur nécessaire, fatal, et si elle doit rester un malheur pour l'innocent, qu'elle le reste pour le coupable, surtout pour le coupable. Mais le jour où l'honorable M. Pirmez aura formulé un système complet et pratique d'indemnisation s'appliquant à l'innocent, je serai tout prêt à l'appliquer également au coupable et je voterai son amendement. Jusque-là, je le repousse.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Messieurs, lorsque j'ai défendu au Sénat le projet voté par la Chambre, je me trouvais devant la disposition suivante :
« La détention préventive après le jugement ou l'arrêt ne sera imputée sur la peine que dans un seul cas, lorsque l'appel ou le pourvoi n'aura pas été téméraire. »
C'est la disposition votée par la Chambre, disposition que la commission veut rétablir.
Je me suis dit : Si l'on admet le décompte lorsque l'appel n'est pas téméraire, il faut l'admettre aussi lorsque l'appel ne réussit pas ; mais mon opinion à moi n'était pas celle qui avait été admise par la Chambre. Je ne voulais pas revenir sur tous les articles qui n'étaient pas conformes à ma manière de voir, pour ne pas ajourner indéfiniment la publication du nouveau code pénal.
Pour moi la vérité n'est pas dans les rédactions soumises à la Chambre. La vérité est dans les principes de l'ancien code pénal, qui sont les véritables principes du droit et c'est parce qu'on les a abandonnes qu'on tombe dans une foule de difficultés, j'ajouterai de subtilités.
L'honorable M. Pirmez part d'un sentiment très louable. Il est très pénible qu'un individu subisse un emprisonnement préventif s'il n'est pas coupable, et même s'il est coupable ; mais, messieurs, voyons ce qui se passe dans la réalité des faits.
L'honorable M. Orts a déjà fait connaître ce qui en est. On oublie qu'on a fait une loi sur la détention préventive, et que celle-ci ne peut plus avoir lieu pour les délits que dans des cas excessivement graves ; je ne parle pas, bien entendu, des prévenus en état de vagabondage. Eh bien, il se présente un cas d'une gravité exceptionnelle et le prévenu est arrêté ; il subit une détention préventive plus ou moins longue, et est acquitté, vous ne pouvez lui offrir aucun dédommagement, même dans votre système.
Si, au contraire, il est condamné, croyez-vous qu'on ne lui tienne aucun compte de la détention préventive qu'il a subie ? (Interruption.) M. Pirmez dit que le juge ne peut pas tenir compte de la détention préventive ; c'est une erreur : pourquoi la loi fixe-t-elle un minimum et un maximum ? Est-ce que nous traçons à cet égard des règles aux juges ? Non. Le juge frappe non pas seulement le fait en lui-même, mais en tenant compte de toutes les circonstances qui ont entouré le délit et de la position où se trouve le prévenu lui-même.
M. Pirmezµ. - Je reconnais que le juge remédie au vice de notre loi ; et je vous demande d'y remédier par la loi elle-même, au lieu d'y faire remédier par la violation de la loi.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Ainsi, l'honorable M. Pirmez reconnaît que le juge tient compte de la détention préventive, mais il veut que ce soit la loi qui en tienne compte ; c'est-à-dire qu'il additionne des sous et des francs, qu'il compte pour des mois de prison des mois de détention préventive.
Eh bien, c'est là une réforme qui n'est pas démocratique ; un homme riche accusé d'un délit ira en prison et jouira du régime de la pistole ; il recevra ses amis, se procurera tout le confort possible, tandis que le pauvre sera soumis à un régime tout opposé ; eh bien, le jour de la condamnation, la détention préventive, qui aura été si douce pour l'un et si dure pour l'autre, leur sera également décomptée à tous deux. Ainsi, la première conséquence de, votre amendement, c'est d'infliger pour un même délit une peine plus sévère au pauvre qu'au riche.
Je suppose qu'un homme doive être condamné à 3 ou 4 mois de prison et que la détention préventive ait eu cette durée ; croyez-vous que le juge va renvoyer cet homme et dire aux gendarmes de le mettre en liberté ? Non. Si votre loi dit qu'il faut tenir compte de la détention préventive, cet homme, qui n'aurait été condamné qu'à 3 mois de prison par exemple, sera condamné au double, afin qu'il subisse réellement la peine qu'il a encourue. En ce cas le juge, pour ne pas affaiblir le sentiment de la justice, prononcera au besoin une peine plus forte qu'il n'aurait prononcée, si l'on n'avait pas tenu compte de la détention préventive.
Je le répète, il est impossible de mettre en balance un mois de détention préventive et un mois d'emprisonnement.
Pour moi, messieurs, j'aurais préféré accepter les principes du code pénal ancien, sauf au juge à faire une appréciation saine de la position du coupable qui se trouve devant lui. J'ai présenté l'amendement qui a été adopté par le Sénat, parce que je n'admets pas que si l'on fait une réduction quand l'appel réussit, on ne fasse pas de réduction quand l'appel ne réussit pas et que cet appel a pu être formé sérieusement et de bonne foi, conseillé même par un avocat.
Au surplus, si la Chambre le désire, je suis prêt à lui demander de rétablir l'ancien article du code pénal, c'est-à-dire que la peine coure à partir du jugement définitif de condamnation.
M. Pirmezµ. - Dans tous les cas ?
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Dans tous les cas.
M. Pirmezµ. - Oh !
M. Jacobsµ. - Messieurs, je viens appuyer la proposition de l'honorable M. Pirmez dans toutes ses parties.
M. Orts, qui lui a répondu spécialement, se préoccupe surtout du prestige de la justice. C'est pour cela qu'il repousse la demi-mesure, le décompte sans indemnité.
C'est pour conserver à la justice son prestige qu'il a maintenu la peine de mort, c'est le prestige de la justice qui le guide encore dans la circonstance actuelle.
Je crois qu'il se trompe ; ce n'est point au prestige de la justice, mais bien au sentiment de la nécessité qu'il a cédé, lui et tous ceux qui ont voté le maintien de la peine de mort ; la justice elle-même doit parfois s'incliner devant elle, devant elle seule et non devant je ne sais quel prestige.
Qu'est-ce que le prestige de la justice dont on nous parle ? Est ce que l'on en tient compte en matière de mise en liberté sous caution ?
N'y a-t-il pas dans la mise en liberté sous caution du riche opposée à l'emprisonnement du pauvre une anomalie qui choque, qui contrarie ce prestige ? On passe outre néanmoins. On emprisonne le pauvre parce qu'il n'a pas de garantie à donner, on n'emprisonne pas le riche parce qu'il peut en offrir.
C'est toujours à la nécessité qu'on obéit, ce n'est pas le prestige de la justice devant qui l'on s'incline.
(page 279) Le prestige de la justice ne peut l'emporter sur la justice même, car la première condition pour que la justice ait du prestige c'est qu'elle soit juste. Si donc il est juste de tenir compte de l'emprisonnement préventif, la justice ne peut que gagner à ce qu'il en soit tenu compte.
L'emprisonnement préventif est une privation, une souffrance. Il faudrait méconnaître la réalité des choses pour le nier. Mais on objecte : Ce n'est pas la même souffrance, la même privation que l'emprisonnement, que les travaux forcés, que la réclusion.
Que s'ensuit-il ?
C'est qu'il faut établir une autre proportion. C'est qu'au lieu de prendre les 50 p. c, dont il était question tout à l'heure, il faudra prendre une autre fraction.
C'est une de ces questions d'appréciation du dommage que nous voyons évaluer par experts après que les juges en ont admis le principe.
Je voudrais qu'on tînt compte de la détention préventive en ne la considérant que comme la privation de la liberté, sans souffrance accessoire. Telle est la réalité et telle est la réponse à l'objection de M. le ministre de la justice tirée de la pistole.
Le riche et le pauvre restent dans leur situation matérielle affectée seulement en un point, la privation de la liberté.
Qu'on évalue seulement cette privation de la liberté à 20 p. c. ; j'y consens, mais qu'on l'évalue.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - C'est un sixième système.
M. Jacobsµ. - En supposant que ce soit un sixième système, ce ne serait pas une raison pour qu'il fût mauvais. Du moment que vous êtes d'accord avec moi qu'il est juste de tenir compte de la détention préventive, ce n'est pas parce que nous serions en désaccord sur la proportion que vous pourriez nous refuser satisfaction.
D'accord sur le principe, recherchons ensemble quelle est la mesure dans laquelle il faut en tenir compte. Ce n'est plus qu'une question d'expertise. Du reste, pour ma part, je donnerais volontiers à l'honorable M. Orts la satisfaction, le complément, l'équilibre qu'il désire ; l'indemnité ne m'effraye pas.
Je ne la proposerai pas parce qu'elle aurait peu de chances de succès en ce moment, mais je rappellerai que des exemples prouvent que cela n'est pas aussi impraticable qu'on le croit.
Ensuite l'indemnité existe. Chaque jugement accorde ou refuse des dommages-intérêts, en tenant compte des circonstances. Le juge apprécie, par exemple, si l'innocent n'a pas induit la justice en erreur par des mensonges, des réticences, des manœuvres coupables, et s'il n'a pas été cause lui-même de la détention dont il a été l'objet. On décide donc, en Suisse, si, eu égard aux circonstances, il y a un innocent absolu ou un innocent relatif. Si c'est un innocent relatif, il n'obtient rien ; si c'est un innocent absolu, il est indemnisé. On ne se plaint pas en Suisse des charges que ce système impose au trésor public ; le trésor belge les supporterait sans trop de peine.
Je passe, messieurs, à la seconde idée de l'honorable M. Pirmez qui consiste à ne pas tenir compte de l'appel ou du pourvoi heureux ou malheureux que peut interjeter le condamné en première instance.
Je crois aussi qu'il ne faut pas en tenir compte et voici pourquoi :
Que punissez-vous ? Le délit. La loi le frappe de 5 mois, de 6 mois, d'un an. Elle proportionne la peine au délit. Or il arrivera que vous frapperez l'appel léger, imprudent, téméraire, ou même l'appel conseillé d'une peine aussi forte que le délit lui-même.
Je ne crois pas qu'il y ait un intérêt sérieux à diminuer les appels et les pourvois. Je crois, au contraire, qu'en matière pénale surtout, il y a intérêt à ce que les juridictions soient épuisées ; je crains moins l'encombrement des cours.
Une observation encore, messieurs, sur l'habitude des magistrats de tenir compte, dans leurs jugements, de la détention préventive. Il est vrai qu'ils en tiennent compte, mais il est vrai aussi qu'ils ne devraient pas le faire. Je n'oserais les blâmer de corriger la loi, mais leur mission est de proportionner la peine au délit, sans entrer dans l'examen des circonstances extrinsèques au délit.
Je les approuve de le faire aujourd'hui malgré la loi, je voudrais qu'ils pussent le faire conformément à la loi.
J'appuie donc l'amendement de M. Pirmez.
M. Liénartµ. - J'ai demandé la parole pour appuyer la proposition faite par l'honorable M. Pirmez.
Comme l'honorable M. Thonissen l'a constaté, la question que nous discutons en ce moment ne se présenterait pas si la justice pouvait attendre que ses décisions fussent devenues irrévocables avant de priver le citoyen de sa liberté.
Malheureusement il n'en est pas ainsi. La détention préventive est et sera toujours, dans certains cas au moins, une nécessité de la répression, et c'est cette nécessité de la détention préventive qui est cause de la complication du problème posé devant vous.
Quand il s'agit de déplorer les inconvénients inséparables de la détention préventive, nous sommes tous unanimes ; niais, chose singulière, cette unanimité cesse de se manifester le jour où on vient vous proposer de porter remède à ces abus. Cette inconséquence, que je signale à l'attention de la Chambre se traduit d'une façon évidente dans la question que nous discutons en ce moment.
De quoi s'agit-il ? Il s'agit précisément de parer, au moins dans une hypothèse, aux inconvénients, aux abus de la détention préventive, dans l'hypothèse où une condamnation atteint le détenu.
M. Orts nous objecte que la détention préventive présente deux inconvénients, qu'elle est aussi fâcheuse pour l'individu qui est reconnu innocent que pour celui qui est déclaré coupable ; c'est vrai, mais si j'ai un bon remède pour l'un de ces maux, dois-je attendre, pour l'appliquer, que j'en aie trouvé un pour le second ? Quel est ce remède ? Ce remède est bien simple. Nous demandons que le temps de la détention préventive soit imputé sur la peine encourue. Ce décompte nous paraît, à nous, de toute équité et de bonne justice.
Notez bien que nous ne prétendons pas que la détention préventive soit une peine, ni que l'on puisse subir une peine qui n'est pas encore prononcée définitivement.
Ce sont là des hérésies juridiques qu'on nous reproche bien à tort. Ce que nous prétendons, c'est que l'état de détention préventive est un état malheureux, pénible, un état de souffrance et de privation dont il est juste et équitable de tenir compte au condamné.
Messieurs, si nous y réfléchissons bien, nous ne différons que sur une question de plus ou de moins. Les principes que vous nous accusez de fouler aux pieds, ces principes, vous tous les avez fortement ébréchés lorsque vous avez voté le projet de loi, il y a deux ou trois ans.
En effet le projet adopté par la Chambre fait rétroagir le commencement de la peine au jour du premier jugement dans deux cas, 1° lorsque le recours est l'œuvre du ministère public, 2° lorsque l'appel ou le recours formé par le prévenu est accueilli.
Eh bien, je dis que c'est là une première brèche aux principes.
M. Teschµ. - Il s'agit de principes tout à fait différents.
M. Liénartµ. - Aucunement ; car soit que le prévenu forme un appel fondé, soit qu'il fasse un fol appel, son appel suspend l'exécution de la peine, et en attendant, le prévenu reste purement et simplement à l'état de détention préventive. En imputant dans deux cas cette détention sur la peine, vous faites échec aux principes. En dehors du système que nous vous proposons, il n'y a qu'un système logique, c'est le système que l'honorable ministre de la justice regrette d'avoir abandonné et auquel il propose de revenir ; mais certes la Chambre ne voudra pas le suivre dans sa retraite.
N'invoquons donc plus les principes ni la rigueur du droit ; ces principes, vous les avez fait céder avec raison devant une question d'humanité et de bonne justice.
Or, sur le terrain de la justice et de l'équité je ne conçois pas qu'on fasse une différence entre la détention préventive subie avant le premier jugement et la détention préventive qui se place entre le premier jugement et le jugement définitif. En effet, dans ces deux cas, le prévenu est simplement soumis au régime de la détention préventive ; pas plus dans le second cas que dans le premier, il ne peut s'agir de peine ; la peine n'est pas encore exécutée.
Pourquoi donc compter la deuxième détention, c'est-à-dire celle qui suit le premier jugement, et négliger la première, celle qui précède tout jugement ?
Je n'approuve pas davantage la distinction que l'on veut faire entre le cas où le prévenu a réussi dans son recours et celui où il a échoué. Ici je me sépare de M. Thonissen. Aussi ne voterai-je son amendement qu'en ordre subsidiaire.
Ce n'est pas que je ne saisisse parfaitement la pensée qui vous domine : vous voulez faire porter au prévenu les conséquences de son recours ; je le veux aussi, mais, permettez-moi de le dire, vous exagérez considérablement les conséquences du pourvoi.
La seule conséquence légale à laquelle le prévenu qui va en appel s'expose et qu'il doive subir, c'est l'augmentation éventuelle de la peine. Quant à la prolongation de la détention, la cause première en est, non pas dans l'appel, mais dans l’état de détention auquel le prévenu a été soumis.
(page 280) En deux mots, voici mon système. .Mon point de mire, c'est d'effacer autant que possible toute différence entre l'individu laissé en liberté provisoire et l'individu détenu préventivement ; je veux conserver à l'individu détenu préventivement comme au premier son droit d'appel et de recours sans en entraver l'exercice par la crainte que, s'il échoue, la détention ne sera pas imputée sur la peine. Le prévenu laissé en liberté provisoire n'est pas gêné dans son droit de recours, je ne veux pas qu'il en soit autrement du détenu préventivement.
Un mot encore et je termine.
Une seule objection pourrait être faite au système de M. Pirmez. Cette objection est commune à l'amendement adopté par la commission.
On est peut-être allé trop loin en décomptant la détention pour tout le temps lorsqu'il s'agit d'une peine criminelle. Je crois en effet qu'il y a entre la détention préventive et la peine criminelle une différence de rigueur trop forte pour pouvoir les assimiler. Quant à moi, je pense que, pour ce cas, M. Pirmez eût mieux fait en n'imputant la détention que pour une partie, sauf à fixer cette partie. Dans son système, on décompte, tout le temps de la détention, même lorsque le détenu est condamné à une peine criminelle.
M. Pirmezµ. - Il y a un article qui réduit la peine de moitié à peu près.
M. Liénartµ. - Ceci tient à une autre considération, à une espèce de proportion que vous établissez entre l'emprisonnement cellulaire et l'emprisonnement en commun.
Mais je déclare à la Chambre qu'entre un système qui décompte trop et un système qui ne décompte rien, je voterais sans hésitation plutôt le premier parce qu'il est le plus favorable au prévenu.
M. Bouvierµ. - Je demande le renvoi de toutes ces propositions à la commission.
- Ce renvoi est ordonné.
La séance est levée à 4 1/2 heures.