(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1866-1867)
(Présidence de (M. E. Vandenpeereboom.)
(page 61) M. Thienpont, secrétaire., procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. Van Humbeeck, secrétaireµ, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.
- La rédaction en est approuvée.
M. Thienpont,. présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.
« Des cabaretiers à Ingelmunster se plaignent qu'un garde champêtre de la commune exerce la profession de cabaretier et de débitant de boissons distillées, quoique cela lui soit interdit par le règlement provincial. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Defraiture transmet un renseignement à l'appui de sa pétition en date du 25 de ce mois. »
- Renvoi au ministre de la justice.
« Des facteurs des postes attachés au bureau de Fleurus prient la Chambre d'améliorer leur position. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le budget des travaux publics.
« Des combattants volontaires de 1830, membres d'une société d'Anvers, se plaignent que le gouvernement refuse de leur accorder la médaille distinctive décrétée par la loi du 30 décembre 1833 pour récompenser les services rendus au pays. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« L'administration communale de Jodoigne demande qu'il soit pris des mesures pour mettre un terme au retard apporté dans l'ouverture de l'embranchement du chemin de fer de Ramillies-Offus à Tirlemont par Jodoigne. »
M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Cette pétition a le même objet que celle que vous avez renvoyée dernièrement à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport. Je demande qu'on fasse le rapport sur cette pétition-ci en même temps que sur celle des habitants de Huppaye.
- Le renvoi à la commission des pétitions est ordonné.
« M. le ministre de la justice transmet, avec les pièces de l'instruction, trois demandes de naturalisation. »
- Renvoi à la commission des naturalisations.
« M. Corr-Vandermaeren adresse à la Chambre 125 exemplaires du compte rendu des dernières réunions de l'association pour l'abolition des douanes. »
- Distribution aux membres et dépôt à la bibliothèque.
« M. le chevalier de Kerchove de Denterghem fait hommage à la Chambre de deux exemplaires de son mémoire couronné au concours universitaire de 1865-1866. »
- Dépôt à la bibliothèque.
« M. Vleminckx, retenu chez lui par une indisposition, demande un congé de quelques jours. »
- Accordé.
M. Hymans. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné le budget de l'intérieur.
M. Pirmezµ. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission qui a examiné le projet de Code pénal renvoyé par le Sénat, rapport portant sur le premier livre de ce Code.
- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ces rapport, et les met à la suite des objets à l'ordre du jour.
MpVµ. - La discussion continue sur l'article : Droit de délit de boisions distillées.
M. Dumortier. - Messieurs, dans la séance d'hier, M. le ministre des finances m'a, en très bons termes, accusé de m'être trompé au sujet de l'origine de la loi sur le débit de boissons. Je crois que l'erreur est complètement du côté de M. le ministre des finances, et que lorsque j'ai dit que cette loi avait été établie principalement pour subvenir au déficit de l'accise, j'étais dans la plus complète vérité.
Le droit d'accise des spiritueux, sous le gouvernement hollandais et aussi dans l'origine de notre existence politique, reposait sur la production des liqueurs distillées. C'était à l'empotement qu'il était perçu.
Déjà le Congrès, comme l'a dit fort bien mon honorable ami, M. de Theux dans la séance d'hier, avait établi des réductions notables, tant étaient vives les réclamations des distillateurs. Mais c'est surtout en 1833 ou 1834, sous le ministère du général Goblet et de M. Duvivier que le coup a été porté au trésor public au sujet de cette industrie. Pour satisfaire aux réclamations incessantes des distillateurs, le droit qui était à l'empotement, a été établi sur la macération, sur la cuve matière.
Immédiatement, si ma mémoire est fidèle, il serait très facile de vérifier les chiffres, si j'en avais eu le temps, je l'aurais fait, l'impôt qui était de 6 millions tomba, je crois, à 2 millions. Ce qu'il y a de certain, ce que je puis affirmer ici, sans chiffres, c'est que l'impôt était réduit des deux tiers, ce qui mettait le trésor en perte des deux tiers du produit de l'impôt.
Remarquez, messieurs, quelle était la situation.
C’était au commencement de notre existence politique, nous avions alors sous les armes 110,000 hommes, nous étions en guerre avec la Hollande, nous avions à satisfaire aux plus grands besoins. La Société générale nous refusait l'encaisse qui n'a été attribué à la Belgique qu'après le traité. Messieurs les avocats n'avaient pas voulu mettre fin aux abus scandaleux des domein-los-renten, par lesquels l'ennemi entretenait son armée avec notre propre argent ; nous étions dans une situation périclitante au point de vue des finances, car on ne voulait pas, et ont avait raison, établir de trop gros impôts sur le peuple. C'était l'époque des économies, l'époque des grandes et nobles pensées.
Dans cette situation, ce fut une perte très grande pour le trésor public que de voir l'impôt le plus moral de tous réduit des deux tiers.
On avait donné satisfaction aux distillateurs, mais dans cette Chambre de nombreuses réclamations s'élevaient contre la loi. On demandait tous les jours le rétablissement de l'ancienne législation, d'abord parce que cet impôt était le plus moral de tous, ensuite parce qu'il y avait déficit considérable dans le trésor public, car nous devions alors vivre d'emprunts.
C'est dans ces circonstances que trois membres de la droite, l'abbé Andries, M. Desmedt et un autre qui avaient été grands partisans de l'abaissement du droit, prirent l'initiative de réclamer l'établissement d'un droit d'abonnement sur le débit de boissons ; mais ce n'est que plusieurs années après que le gouvernement vint présenter ce projet de loi à la Chambre.
Vous le voyez donc bien, le but essentiel qu'on avait alors était de faire rapporter l'impôt sur les boissons distillées. On croyait alors, l'expérience a prouvé depuis qu'on se trompait, mais on ne juge bien d'une situation que quand on s'identifie avec son époque, on croyait alors que l'impôt établi sur les cuves-matières ne pouvait pas être porté au delà d'un très petit nombre de centimes sans amener des fraudes considérables, et dès lors on voulait arriver à un moyen d'augmenter les recettes du trésor public par un impôt d'abonnement. C'était en réalité un supplément à l'accise.
(page 62) C'est dans cette situation que l'honorable ministre des finances d'alors, M. d'Huart, vint présenter le projet de loi et en présentant le projet il en demanda de la manière la plus formelle au nom du gouvernement que la Chambre examinât d'abord si cet impôt pouvait oui ou non compter dans le cens électoral, déclarant, au nom de tous les ministres, que s'il pouvait être compté pour le cens, immédiatement le projet serait retiré. Cette déclaration, vous la trouverez au Moniteur, elle a été prononcée et répétée à plusieurs reprises.
La discussion s'engagea d'abord sur le point de savoir si l'impôt devait compter dans le cens électoral, c'est-à-dire, s'il était direct ou indirect. Les opinions furent partagées à ce sujet. Quant à moi, je n'ai jamais varié à cet égard ; j'ai toujours cru que l'impôt sur la consommation était un impôt indirect et comme, dans une autre enceinte, on m'a prêté une opinion différente, je rappellerai les paroles que je prononçais le 8 février 1838. Voici ce que je disais :
« L'impôt direct est celui qui s'applique aux personnes et aux biens ; l'impôt indirect, celui qui s'applique aux choses qui se consomment, par exemple aux vins, aux spiritueux, à la bière, au sel, au tabac. »
Vous voyez que j'étais tout à fait d'avis que l'impôt est indirect, quoi qu'on en ait dit ailleurs.
Maintenant qu'est-ce qui faisait dire à certains membres de cette Chambre que l'impôt qu'on proposait était direct ?
C'était, veuillez bien le remarquer, le mode d'application de la loi.
Dans la loi présentée par l'honorable M. d'Huart, l'impôt était le même dans chaque commune. Il variait en raison de la population de chaque commune et non en raison du débit présumé du débitant.
On argumentait de là pour prétendre que c'était un impôt direct, parce que le débit plus ou moins élevé, n'opérait en rien sur la quotité de l'impôt. C'était la thèse que soutenaient mes honorable amis, MM. Gendebien et Doignon.
Nous verrons tout à l'heure si la loi actuelle a conservé ce caractère, niais j'insiste sur ce point que dans le projet de M. d'Huart il y avait un impôt frappé par commune en raison de la population de la commune et que tous les débitants payaient tous le même impôt dans la même commune.
On tirait donc de là cette conclusion que c'était un impôt direct et non un impôt indirect.
C'est dans cette discussion qu'on entendit deux des membres les plus éminents de la gauche prendre la parole et se prononcer de la manière la plus énergique contre l'application de l'impôt au cens électoral. Je demanderai la permission, messieurs, de vous rappeler les paroles des honorables MM. Dolez et Devaux.
L'honorable M. Dolez, répondant à l'honorable M. Gendebien, s'exprimait en ces termes :
« Je ne puis partager l'opinion de l'honorable membre, non que je répugne à étendre le nombre des électeurs, mais parce que je ne pense pas qu'il faille l'étendre par catégories et particulièrement par celle des débitants de boissons. Je ne verrais pas, ajoutait-il, dans cette extension un progrès, mais un danger électoral. »
Faire des électeurs par catégorie ; remarquez que c'est précisément le mot dont je me suis servi.
Voilà quelle était l'opinion d'un des hommes que nous honorons tous et que vous vénérez comme étant dans les rangs de la gauche un de vos collègues les plus éminents et les plus distingués.
L'honorable M. Devaux s'exprimait en ces termes :
« Quelle est la base de notre système électoral ? C'est d'admettre une certaine fortune comme présomption d'aptitude électorale et le cens comme mesure de cette fortune. Or l'impôt des boissons distillées est-il une présomption de fortune et d'aptitude électorale ? Ce serait tout le contraire.
« En second lieu, cet impôt suppose-t-il chez celui qui le subit une aptitude à exercer certaines fonctions politiques ? Non, car on l'établit précisément parce que le débit de boisson est une profession qui amène des résultats immoraux... Loin que cette profession soit une présomption d'aptitude électorale, c'est plutôt une présomption d'inaptitude. La justice et la convenance sont également hors de doute. »
C'est alors que l'honorable membre vint présenter à la Chambre l'amendement qui entra dans la loi et qui portait que cet impôt ne comptait pas pour faire le cens électoral.
Voilà donc, messieurs, la marche des faits.
(quelques mots manquent) choses étaient en vue. Faire face aux besoins du trésor public et (quelques mots manquent) éviter que cet impôt ne devînt un impôt électoral,
Dans le cours de la discussion il fut démontré à mes yeux d'une manière incontestable que l'impôt dont il s'agit était un impôt indirect.
On citait particulièrement deux lois d'une importance extrême. C'était l'instruction, en forme de loi, du 8 janvier 1790 et la loi de principe du 12 juillet 1821.
L'instruction en forme de loi qui règle ce que sont les impôts directs et ce que sont les impôts indirects et qui est encore la loi qui nous régit aujourd'hui en cette matière, s'exprimait en ces termes :
« Les contributions indirectes sont tous les impôts mis sur la fabrication, la vente, le transport, l'introduction de plusieurs objets de commerce ou de consommation, impôts dont le produit, avancé par le fabricant ou le marchand, est supporté et indirectement payé par le consommateur. »
Certes, messieurs, c'est bien le cas de tous les droits d'accise ; c'était particulièrement le cas du droit dont il s'agit ici.
On citait par exemple un fait bien important ; c'est que l'abonnement existe en France précisément pour les boissons distillées et que jamais, sous aucun gouvernement il n'a compté pour former le cens électoral ; toujours, sous tous les gouvernements qui ont régi la France, cet impôt a été considéré comme une des branches de l'impôt indirect.
Quant à la loi principe, il importe de remarquer qu'elle a, en matière électorale, une immense portée ; car c'est elle que le Congrès national avait en vue, quand il écrivait dans la Constitution, que pour être électeur il faut payer telle somme d'impôts directs, patente comprise. C'était la loi qui régissait alors la matière, et si vous voulez apprécier la portée des termes constitutionnels, vous devez vous reporter vous-mêmes au temps où le Congrès faisait la loi, et vous placer dans la situation où se trouvait le Congrès lui-même.
Maintenant quel était l'objet de la loi principe ? On permettra sans doute à un vétéran de cette assemblée de le rappeler. La loi principe n'établissait pas d'impôt ; elle n'avait pour but que de catégoriser. La loi était inutile sous tous les rapports, si ce n'est au point de vue électoral.
Voici comment elle s'exprimait :
« Art. . Le système d'impositions se composera des impôts suivants :
« 1° Impôts directs. »
Et qu'est-ce qui était compris sous cette dénomination ?
« A. Sur les propriétés bâties et non bâties.
« B. Sur le personnel calculé d'après les six bases suivantes : valeur locative, portes et fenêtres, foyers, mobilier, domestiques et chevaux. «
C. Sur les patentes. »
Voilà, messieurs, les contributions directes.
Je vous expliquerai tout à l'heure pourquoi, dans la Constitution, il a été dit « patente comprise », tandis que la loi principe rangeait les patentes parmi les impôts directs.
Ensuite venaient les impôts indirects, successions, enregistrement, etc. Puis sous le n° 3° les accises, savoir : sel, moulure, abattage, vin, boissons distillées, bières, vinaigre, sucre, etc.
Pourquoi le Congrès a-t-il ajouté la patente ? Vous savez, messieurs, qu'aux termes de la loi fondamentale les règlements provinciaux et communaux en vigueur dix ans après sa promulgation, étaient censés faire partie de la loi fondamentale elle-même. Le roi Guillaume se hâta donc, en 1825, de modifier les lois communale et provinciale qui faisaient partie intégrante de la Constitution, et à cette occasion il enleva aux communes et aux provinces une notable partie de leurs libertés.
C'est alors notamment qu'il supprima la nomination des échevins par les conseils communaux pour se l'attribuer à lui-même.
Dans ce document il prétendait que la patente ne devait pas compter pour le cens électoral. Il y eut à ce sujet des difficultés très grandes ; toutes les assemblées délibérantes s'en occupèrent ; j'avais l'honneur de siéger alors dans une de ces assemblées ; des débats très vifs s'élevèrent à cette occasion. Et c'est pour éviter le retour de cette prétention du pouvoir que le Congrès a inscrit dans la Constitution les mots : « patentes comprises » ; on voulait par là qu'il n'y eût plus de doute sur la portée de l'article 2 de la loi de principe de 1822.
Maintenant, l'impôt sur les débits des boissons distillées peut-il entrer dans la formation du cens électoral ? Est-ce une patente, oui ou non ? Non, ce n'est pas une patente, car cet impôt est fixé par une loi générale qui proportionne l'impôt au bénéfice de toutes les industries.
La patente du cabaretier est faite comme toutes les autres par la loi des patentes. Le cabaretier paye sa patente en vertu de cette loi, et en le faisant, il a satisfait à la loi, Qu'est-ce donc que le droit sur le débit (page 63) des boissons distillées. C'est identiquement la même chose que le droit de détail des cabarets en France et que l'ancien abonnement ou l'ancienne amodiation de la mouture ; la mouture avait aussi son abonnement, comme les droits réunis ont leur abonnement en France ; c'était un droit d'abonnement qu'on payait sur la mouture ; ce n'était pas plus un impôt direct que ne l'est aujourd'hui le droit sur le débit des boissons distillées en France.
Dans ce pays, ce même droit est tellement peu un impôt direct que dans un rapport du ministre des finances français, inséré dans le Moniteur universel du 18 janvier 1852, et précédant une loi qui réforme le droit de débit, on lit ce qui suit :
« En 1831, l'impôt des boissons a été diminué.
« Le droit de détail est élevé de moitié ; il est porté de 10 à 15 p. c. comme, il était avant 1831 ;
« L'objet et le résultat de ces modifications peuvent se résumer par les deux conséquences suivantes :
« D'une part, la consommation du cabaret sera grevée d'une augmentation de droit, la consommation de famille sera dégrevée, résultat éminemment moral.
« D'autre part, l'impôt sera plus proportionnel à la valeur des objets qu'il frappe, résultat éminemment équitable. »
Le droit de détail. Remarquez cette expression : c'est justement notre droit de débit ; c'est la même chose. Or remarquez que le droit de détail ou de débit au cabaret est un impôt indirect en France comme la consommation au cabaret.
Ainsi, en France, un abonnement peut être contracté pour l'année, précisément comme en Belgique, et reçu aussi comme chez nous à titre de cote directe.
Y a-t-il jamais eu en France un législateur qui ait osé prétendre qu'un abonnement pour droit de débit fût un impôt direct ? Jamais. Comment se fait-il donc que cet impôt que la Chambre avait déclaré n'être pas un impôt direct ou, pour être plus exact, avait déclaré ne pas pouvoir entrer dans le cens électoral, comment se fait-il que cet impôt soit devenu un impôt direct ? Et comment se fait-il que des réclamations n'aient pas eu lieu incessamment ? C'est ce que je vais exposer à la Chambre.
Nous étions arrives à l'année 1849 ; il y avait eu des plaintes considérables sur l'assiette de l'impôt établi par l'honorable M. d'Huart. Ainsi que je le disais tout à l'heure, l'impôt était le même dans chaque commune ; chaque commune était taxée à raison de sa population ; mais dans la commune même, qu'on débitât plus ou moins, on n'en tenait pas compte : tous les débitants de la commune indistinctement payaient la même somme. Cet état de choses fit naître de vives réclamations. L'honorable ministre des finances accueillit ces réclamations ; en cela il a fait une très bonne chose, et il est venu présenter à la Chambre, dans la séance du 16 mai 1849, un projet de loi modifiant celui qui avait été présenté par l'honorable M. d'Huart.
Quelle fut cette modification ?Elle était sage, elle était rationnelle ; elle consistait à avoir plusieurs catégories de contribuables dans la même localité en raison du débit présumé. A mon avis, c'était le vice de la loi primitive qui disparaissait. C'était aussi faire disparaître le grief des honorables MM. Gendebien, Doignon, etc., qui soutenaient que l'impôt était direct parce qu'il était le même dans chaque commune. Du moment que vous établissez l'impôt sur le débit présumé...
MfFOµ. - Et la patente ?
M. Dumortier. - La loi des patentes n'est pas une loi d'exception, ce n'est pas une loi destinée à suppléer au déficit des accises.
La patente s'applique à toutes les transactions possibles excepté les transactions des avocats, elle s'applique à toutes les industries ; ici, au contraire, c'est une loi qui s'applique à une seule catégorie de citoyens et qui frappe une matière soumise à l'accise. Comment peut-on dire qu'il y a la moindre analogie entre des choses aussi dissemblables ? Il n'y a pas plus d'analogie entre l'impôt sur le débit des boissons distillées et la patente qu'il n'y on a entre la patente et l'abonnement pour la motlure, par exemple. L'abonnement pour le débit des boissons distillées comme l'abonnement pour la mouture ne sont autre chose que des impôts de consommation.
Je dis donc que, par le fait de cette modification heureuse, on faisait disparaître le grief invoqué par les honorables MM. Gendebien, Doignon et autres, on enlevait à l'impôt toute espèce de caractère d'impôt direct.
Dans son exposé des motifs l'honorable ministre des finances, dont je respecte infiniment l'opinion tout en ne la partageant en aucune manière, l'honorable ministre des finances déclarait que, dans son opinion, l'impôt était un impôt direct, mais il n'en parlait pas dans la loi.
La loi fut renvoyée aux sections ; elle arriva en section centrale. Or, messieurs, j'appelle ici votre attention sur ce qui eut lieu dans la section centrale ; on ne saurait assez s'en pénétrer.
La section centrale était présidée par l'honorable M. Verhaegen qui voulait, lui, faire compter l'impôt pour la formation du cens électoral. Que se passa-t-il ? La section centrale admit l'opinion de M. le ministre des finances que l'abonnement des boissons distillées constituait un impôt direct, un impôt censitaire. Cependant la difficulté n'était point tranchée pour la section centrale par l'opinion de l'honorable M. Frère, dans son exposé des motifs. Aussi l'honorable M. Verhaegen fit-il insérer dans le rapport ce qui suit :
« Cependant la section centrale a cru nécessaire, pour faire disparaître tout doute, d'insérer dans la loi, une disposition transitoire qui tranchât toute difficulté »
Et la section centrale proposait un article additionnel ainsi conçu :
« Le droit de débit dont il s'agit dans la présente loi comptera dans le cens électoral. »
Voilà, messieurs, qui était clair, qui était net.
La section centrale déclarait qu'il était indispensable, pour trancher tout doute, d'ajouter un article à la loi, et quant aux droits résultant du payement des années antérieures elle proposait de dire :
« Le droit de débit dont il s'agit dans la présente loi comptera dans le cens électoral. »
Remarquez que cette dernière disposition prouvait clairement que l'impôt n'est pas direct, car s'il l'eût été, il fallait compter les années antérieures.
Si cette disposition s'était trouvée dans la loi, il n'y aurait pas eu de discussion possible.
Mais il fallait compter avec deux ordres de personnes ; il fallait compter avec ceux de ses amis qui comme l'honorable M. Dolez, comme l'honorable M. Devaux, ne voulaient pas que l'impôt des boissons fût compté pour le cens électoral ; il fallait compter avec le Sénat tout entier, qui partageait cette manière de voir. Qu'est-il arrivé dans la discussion ? M. ministre des finances n'a pas demandé que l'article fût mis aux voix ; il a déclaré qu'il était inutile. Inutile, je le conçois, pour ceux qui voulaient faire autre chose, mais pas inutile pour la clarté de la loi puisque la section centrale déclarait l'article nécessaire.
Si la disposition était inutile, vous croyez qu'elle va être retirée comme le fut l'article 15 de la même loi. Nullement. M. le président Verhaegen regardait, lui, l'article additionnel comme nécessaire pour faire disparaître tout doute. Il mit donc l'article aux voix et il fut rejeté par la Chambre. Ainsi la Chambre, dans la séance du 10 mai 1849, a rejeté la disposition portant que le droit de débit des boissons distillées sera compris dans le cens électoral. Cette disposition, elle l'a rejetée.
Ce qui résulte de tout cela, messieurs, c'est que cet impôt ne fait pas partie du cens électoral. Tout au plus pourriez-vous dire que la question est restée entière, mais dire que la législature a admis que le droit de débit de boissons distillées fait partie du cens électoral, c'est ce qui n'est pas soutenable après le rejet de l'amendement de la section centrale.
Il est donc évident que l'on ne peut pas prétendre que c'est là un impôt qui forme la base du cens électoral. Et je regrette vivement l'arrêt de la cour de cassation. Car pour moi il n'y a aucun doute que cet arrêt n'est pas fondé en droit. J'ai examiné cette question ; je l'ai suivie depuis 30 ans dans cette enceinte et je ne puis pas comprendre encore comment cet arrêt a été porté. Je n'y comprends rien.
Car, remarquez-le bien, suffit-il qu'un ministre vienne dire dans la discussion d'une loi qu'il entend un impôt de telle ou telle manière pour en faire un cens électoral ? Mais quoi ! messieurs, depuis quand le ministère constitue-t-il les trois branches du pouvoir législatif, lui qui n'en est pas même une ? La Constitution porte que la loi émane de trois pouvoirs, et ici pas un seul des pouvoirs n'a déclaré vouloir faire de l'impôt un cens électoral, car l'exposé des motifs n'est pas l'œuvre du Roi, mais du ministre.
En pareille matière surtout, la loi doit être précise ; elle doit être impérieuse ; elle ne doit pas prêter à l'équivoque, et nous ne vivons pas sous le régime déclaratif, nous vivons sous le régime représentatif. Cette déclaration pour moi, ce n'est rien. La loi seule doit parler et quand elle ne parle pas, ces déclarations n'ont qu'une seule signification, c'est l'opinion personnelle de celui qui les émet, comme ce que je dis ici n'a d'autre signification que celle d'être mon opinion personnelle.
(page 64) La question est donc tout au moins restée entière, et il n'y a rien qui puisse établir un préjugé en faveur de la solution qu'on lui a donnée.
Mais, direz-vous, pourquoi n'a-t-on pas réclamé ? Messieurs, c'est très simple. Ce n'est que trois ans après que la loi a été mise en vigueur. On a appliqué en fait ce qu'on avait rejeté. La section centrale, vous venez de l'entendre, proposait de dire : « Néanmoins, l'électeur pourra se prévaloir, pour la formation du cens, de ce qu'il a payé en vertu de l'article 18. »
Il en résulte qu'il fallait trois années de l'impôt nouveau pour que celui-ci fît partie du cens électoral.
Effectivement, ce n'est que trois années après que l'application de la loi est intervenue. Tout le monde avait perdu de vue la loi, et en définitive les déclarations sur le débit des boissons sont entrées dans les listes électorales, sans que personne y prît attention.
Mais je reprends la marche du projet de loi de 1849.
On arrive au Sénat. Pensez-vous qu'au Sénat on va parler de faire les cabaretiers électeurs ? Pas le moins du monde. Le rapport n'en dit pas un mot et l'honorable M. Frère, Imitant de Conrad le silence prudent, se garde bien aussi de dire au Sénat qu'il va créer les cabaretiers électeurs.
Le gouvernement ne dit pas un mot de son intention de faire entrer cet impôt dans le cens électoral, et je le crois bien, le Sénat ne l'aurait pas voulu.
L'article additionnel de la section centrale ayant été rejeté et par là, tout au moins, la question restant dans le doute, la loi a été votée. Je ne l'ai pas votée, mais elle a été votée par les deux Chambres, précisément parce que cet article additionnel avait été mis aux voix et rejeté. La question de savoir si le droit sur le débit de boissons compte pour former le cens électoral n'est pas tranchée.
La question qui reste ouverte est celle de savoir si, par sa nature, cet impôt est direct ou indirect. Or j'ai eu l'honneur de vous le dire, l'impôt belge sur le débit de boissons distillées est identiquement le même que celui qui existe en France sur le débit des boissons distillées. Ici on l'appelle droit de débit ; en France on l'appelle droit de détail ; c'est un impôt identique. C'est encore un impôt identique à celui qui se paye à l'amodiation, à la mouture, à celui qui se perçoit, je crois, encore aujourd'hui en Hollande sons la même qualification.
Nulle part ces sortes d'impôts ne sont des impôts directs. Ce sont des impôts indirects.
Ce sont des impôts indirects, parce qu'ils s'appliquent à des objets de consommation frappés du droit d'accise, et par conséquent ils ne peuvent, sous aucun rapport, être considérés comme impôts directs.
Comment ! impôts directs ? Mais remarquez la conséquence ; c'est qu'au moyen de pareille loi, on ferait des électeurs par catégories, ce que l'honorable M. Dolez ne veut pas et ce qui ne peut pas être.
Et l'honorable M. Frère lui-même l'a tellement bien compris, que' dans la discussion qui a suivi à l'occasion du débit des cigares, il s'exprimait dans ce sens que le droit sur les cigares était une avance faite par les débitants qui la récupéraient sur les consommateurs. Eh bien, veuillez-le remarquer : ce sont identiquement les mêmes expressions que celles dont se sert la loi de 1790 pour définir l'impôt indirect.
Vous le voyez donc, ces impôts ne sont pas des impôts directs, et c'est très à tort, extrêmement à tort que l'on est arrivé à en faire des impôts directs.
Quelle a été la conséquence de cette mesure ?
La conséquence, vous la savez, vous la connaissez tous ; c'est qu'elle a amené une création épouvantable de faux électeurs.
Les faux électeurs, pour le cens communal, se sont développés d'une manière effrayante.
L'honorable M. Frère-Orban vous disait hier. Il n'y a que 10 ou 12 p. c. du corps électoral qui arrivent au scrutin au moyen du droit de débit sur les boissons distillées.
Mais c'est énorme ! sur 100,000 électeurs que nous avons pour les Chambres, c'est 12,000, 10 à 12 p. c, c'est immense. Mais y a-t-il au monde un impôt qui produise 10 à 12 p. c. du corps électoral ?
L'agriculteur qui n'est pas propriétaire est exclu de l'urne électorale, celui-là qui exerce cette noble profession de labourer la terre, qui produit le pain, la nourriture des populations, est exclu du corps électoral s'il n'est point propriétaire, et le cabaretier qui exerce une profession immorale, vous l'introduisez par catégories dans le corps électoral. Vous l'introduisez au chiffre de 10 à 12 p. c. Et vous appelez cela un système moral ! Je dis que c'est la dépravation des mœurs publiques érigée en système pour le malheur des populations.
Mais voyez, messieurs, combien le nombre des débits de boissons s'accroît en raison de ce qui se passe..
Depuis 9 ou 10 ans la population s'est un peu accrue, mais l'accroissement n'est certainement pas du double.
Eh bien, le droit perçu depuis 1837 a presque doublé.
L'honorable M. Frère disait hier qu'il s'agissait d'un impôt de 1,500,000 fr. C'est le chiffre porté à son budget. En 1857 le chiffre était de 875,000 fr.
Ainsi dans l'intervalle de 10 ans, le nombre des débits a presque doublé.
Pensez-vous que cela soit rationnel ? Je dis non. C'est la thèse de la fraude électorale et je dis avec l'honorable M. de Theux que la loi, au lieu de diminuer le nombre des cabarets, ne fait que les augmenter. Voilà bien la preuve que votre loi a doublé le nombre des cabarets en Belgique.
Est-ce que par hasard c'est la marche de l'industrie de se doubler en dix ans ? Non, messieurs, l'industrie marche, mais elle ne fait pas de pareils sauts.
Par conséquent c'est la fraude électorale qui se fait en grand, qui engendre cette recette immorale, provenant du développement du nombre des cabarets double en dix ans. C'est cette recette immorale qu'il importe de faire cesser. En le faisant, vous accompliriez un acte de justice.
A l'occasion du glorieux avènement de notre nouveau Souverain, il faut faire quelque chose pour les populations, et ce que nous avons à abolir avant tout, c'est l'impôt injuste qui frappe sur une catégorie de citoyens, sur les petits à l'exclusion des gros.
En supprimant cet impôt, dont l'abolition est réclamée par tous les cabaretiers belges, vous feriez un acte honnête, loyal dont le pays vous félicitera et vous aurez amené ce magnifique résultat que vous auriez supprimé cette fraude odieuse qui introduit dans le corps électoral un élément immoral.
On ne veut pas, dit-on, perdre un million et demi. Je ne m'occuperais pas de cette question s'il ne s'agissait que de moi, mais qu'à cela ne tienne, rien n'est plus facile que de ne pas perdre un million et demi. Proposez d'élever le droit sur la fabrication d'une somme équivalente et à l'instant même tout est dit.
M. Coomans. - J'aurais désiré que quelqu'un répondît ou essayât de répondre à l'honorable M. Dumortier, mais, devant le silence de la Chambre j'ai cru devoir prendre la parole pour lui soumettre encore quelques courtes observations.
Ainsi que l'honorable préopinant, j'ai été frappé de l'aveu que nous a fait hier l'honorable ministre des finances, à savoir que le nombre des cabaretiers électeurs qui ne seraient pas électeurs sans le droit de débit est de 10 à 12 p. c. dans le chiffre total pour la formation des chambres législatives. En d'autres termes il y a, sur environ 100,000 électeurs beiges, 10,000 à 11,000 électeurs qui ne le seraient pas si le droit de débit que nous critiquons n'existait point.
Messieurs, ce chiffre que l'honorable membre a trouvé léger, quasi insignifiant me paraît très gros, je dirai même très scandaleux, pour employer le mot dont s'est servi bien à propos hier l'honorable M. Frère. 10,000 à 12,000 électeurs cabaretiers en plus alors que le nombre des électeurs cultivateurs est déjà si restreint en Belgique, alors que dans beaucoup de nos districts la majorité électorale n'est pas de 10 p. c, alors qu'on pourrait dire, sans calomnier personne, que plus d'une majorité s'est formée par l'appoint des cabaretiers, des faux électeurs et j'ajouterai des faux cabaretiers, car remarquez, messieurs, qu'il y a une double fraude en cette circonstance.
On est d'accord pour reconnaître que le cabaretier qui paye ou à qui on fait payer la taxe pour devenir électeur est un faux électeur. Mais l'électeur cabaretier qui n'est pas cabaretier, est à la fois un faux électeur et un faux cabaretier et nous en avons des milliers de ce genre.
On m'accuse souvent de n'être pas assez pratique. Je vous demande la permission de vous raconter une petite histoire très pratique parmi une foule d'autres histoires pratiques que je pourrais vous raconter.
Je connais un village où il y avait naguère une trentaine d'électeurs, la plupart cultivateurs, comme il sied à une localité exclusivement agricole. Cette trentaine d'électeurs nommaient des personnes de leur choix pour la direction du ménage communal.
Un monsieur s'avise d'être le premier dans ce village. Il échoue dans plusieurs de ses tentatives, mais enfin il crée un petit corps électoral pour son usage personnel. Il fabrique à lui tout seul une trentaine de cabaretiers et les fait inscrire sur les listes électorales.
Le temps légal venu, cette trentaine de faux électeurs et de faux cabaretiers, comme vous venez de l'entendre, nomment naturellement mon (page 65) mon petit César communal. Il a 4 ou 5 acolytes victorieux, tous cabaretiers. Or, comme notre ambitieux était le seul des nouveaux élus qui sût lire et écrire et comme il avait la majorité du conseil, force a été au gouvernement de satisfaire sa vanité et de le nommer bourgmestre. II importe peu de savoir si ce monsieur et ses complices étaient des cléricaux ou des libéraux. Je crois que la question de principe reste debout. Si vous me pressiez beaucoup, je vous avouerais peut-être qu'il est clérical, mais je ne crois pas que vous y trouveriez un argument contre ma thèse. Je doute même qu'on puisse affirmer quelque chose à cet égard, car j'ai lieu de croire que l'individu dont je parle ne sait pas lui-même ce qu'il est.
A coup sûr, ceux qui l'ont aidé ne savent pas ce qu'ils sont et on les embarrasserait fort en leur demandant une profession de foi politique.
Maintenant, messieurs, le curieux de l'affaire, c'est que de ces 30 cabaretiers, il y en a 22 au moins qui n'ont pas exercé leur métier, on leur a bien fourni au commencement par respect humain et pour voiler un peu la fraude, un ou deux litres de genièvre, mais ils ne se sont pas donné la peine de le vendre ; on m'assure même qu'ils ont bu tout leur fond de boutique. (Interruption.) Voilà les maîtres de la commune, voilà les maîtres du pays !
Il est étrange que ce système soit soutenu par beaucoup de membres de cette Chambre qui, avec moi, désirent que le degré d'intelligence soit mesuré un peu pour la formation des listes électorales.
Il n'est pas vraisemblable et aucun de vous ne dira que les petits cabaretiers, prétendus tels, choisis nécessairement dans la partie la plus infime de la population, soient plus moraux, plus éclairés que beaucoup d'autres citoyens exclus des listes électorales. En effet, je croirais pouvoir tenir cette gageure que des 10,000 faux électeurs, d'après l'honorable ministre des finances, il n'y en a pas un quart qui sache lire et écrire, tandis qu'il serait très difficile de trouver dans nos campagnes sur 10 électeurs fermiers trois ou même deux qui ne sachent pas lire et écrire. (Interruption.)
M. Bouvierµ. - Est-ce dans les Flandres ?
M. Coomans. - Si l'on me contredit à ce sujet, j'invoquerai la statistique faite par MM. les ministres assis sur ces bancs et d'après laquelle il conste que les parties les plus éclairées et les plus morales de la Belgique sans en excepter le brillant arrondissement de Bruxelles, sont deux ou trois arrondissements du Luxembourg et la Campine.
On veut, dit-on, diminuer le nombre de cabaretiers, afin de diminuer le nombre des buveurs. Le but est excellent, j'y tends aussi, mais je demande à mes honorables adversaires comment ils le concilient avec cet appât permanent offert à la politique, aux faiseurs de politique de parti, d'étendre le débit des boissons ? Il est certain que dans un grand nombre de localités cette manie de multiplier les cabarets politiques a énormément popularisé le débit des liqueurs fortes.
Aujourd'hui comme on ne trouve pas toujours au centre des communes des capons (les Latins disaient des caupones) désireux de vendre leurs votes avec ce qui leur reste de conscience, l'esprit de parti a dû les chercher dans les hameaux et a créé ainsi des cabarets où naturellement ils ne se formeraient pas sans cela. J'ai vu établir des cabarets vendant le genièvre électoral, le schnick politique dans des hameaux où jamais personne n'aurait songé à en ouvrir.
Vous le voyez, en multipliant de par la loi le nombre des cabaretiers, vous augmentez celui des ivrognes, et je demande à M. Vleminckx, qui professe une si grande, une si hygiénique indignation contre l'ivrognerie, pourquoi il ne s'associerait pas à nous pour diminuer le nombre des cabaretiers, alors même qu'ils ne seraient pas des machines électorales ?
L'honorable ministre des finances reconnaît que cet état de choses est scandaleux et il se montre très disposé à concourir à la répression des abus dans le sens d'une rectification des listes électorales. Le sentiment est bon, mais je doute fort que l'honorable ministre puisse réaliser cette promesse. Il serait bien difficile de réprimer ce genre d'abus. Pour rendre ma pensée avec ma franchise habituelle, que la Chambre voudra bien excuser encore, je dirai que je souhaite vivement que l'honorable ministre ne tienne pas sa promesse et qu'il ne donne pas suite à l'idée qu'il a émise de vous proposer des mesures pour diminuer les fraudes électorales or matière de cabarets.
En effet, messieurs, il n'y aurait qu'un moyen d'empêcher l'inscription des faux cabaretiers électeurs sur les listes électorales, ce serait d'exiger la justification des bases, c'est-à-dire d'exiger de chaque cabaretier la preuve qu'il débite chaque jour ou chaque trimestre une quantité minimum de liquide de feu. Si ces tentatives sont suivies d'exécution, il est clair que vous allez forcer beaucoup de petits cabaretiers qui aujourd'hui ne vendent guère, à vendre davantage, à vendre le minimum fixé par l'administration, c'est-à-dire que vous allez ainsi, par ordre de l'administration, contre le vœu de. M. Frère, empoisonner légalement une partie de la population. Que si vous n'exigez pas la justification des bases, je veux dire la réalité de la vente, du métier exercé sérieusement par le cabaretier, vous tombez en plein arbitraire, l'administration accordera ces prétendues patentes à tels ou tels ; elle les refusera à tels ou tels autres et, l'esprit de paru s'en mêlant, il y aura des cabaretiers non plus doublement, mais triplement faux électeurs. Or cela ne peut pas être ; le principe de liberté est incompatible avec un tel arbitraire ; il faut chez un peuple libre toujours restreindre le cercle de l'arbitraire. Dès que vous admettez le droit du débit de boissons distillées pour la formation du cens électoral, vous devez vous en rapporter à une seule chose, au versement de la somme exigée par le fisc, sinon vous tombez dans l'arbitraire et vous favoriserez un parti au dépens de l'autre.
Je tiens donc beaucoup, je le répète, à ce que l'honorable ministre retire la promesse qu'il nous a faite, promesse dans laquelle j'ai vu une menace.
La base de notre droit électoral, j'ai eu maintes fois l'occasion de m'en expliquer, me paraît injuste, pour ne pas dire absurde : c'est l'argent. Je crois que le progrès politique et moral ne tardera pas à nous donner raison, à nous qui critiquons cette condition du droit de suffrage. Mais enfin quand un principe est adopté, il faut l'appliquer avec le plus d'équité et de bon sens possible. Vous admettez le cens, vous le préférez à toute autre base de droit électoral, parce vous y trouvez une présomption de capacité et de fortune, de fortune surtout.
Or, les petits cabaretiers dont nous nous occupons aujourd'hui et avec raison, car ils tiennent le nœud gordien de toute notre situation, les petits cabaretiers sont de tous les électeurs belges ceux à la fois les moins instruits et les moins riches. Je pourrais citer des preuves prises encore une fois dans le village dont je parlais tout à l'heure ; mais j'aime mieux affirmer que, dans les 2,500 communes de la Belgique, il y a des milliers de citoyens plus fortunés et plus éclairés que ces cabaretiers électeurs.
On vous l'a dit souvent, avec raison, par conséquent on ne pourra le redire assez : voici la situation scandaleuse qui se présente dans une foule de localités rurales : il y a, comme électeurs à la Chambre, habituellement le curé, le médecin, deux ou trois membres du conseil communal, quelques cultivateurs et puis un certain nombre de cabaretiers qui atteignent le cens de 42 francs à cause du pouvoir que donne le genièvre politique.
A cote de ces petits cabaretiers électeurs, dont toute la fortune souvent s'élève à peine à cent francs, je pourrais en fournir des preuves authentiques, il y a un très grand nombre de fermiers qui ne sont pas électeurs bien qu'ils aient une fortune de 50,000, de 00,000, de 80,000, de 100,000 et jusqu'à 250,000 fr.
M. Mullerµ. - S'ils ne sont pas électeurs, c'est qu'ils ne payent pas le cens.
M. Coomans. - C'est qu'ils ne payent pas le cens, me dit-on ! C'est une erreur : ils payent beaucoup, ils payent jusqu'à 500 et 600 francs d'impôts ; mais ils le payent sous le nom de leurs propriétaires. (Interruption.) Je me place au point de vue de la logique et du bon sens et non au point de vue de la lettre légale. Je ne suis pas assez ignorant pour ne pas savoir que l'impôt foncier est au nom du propriétaire, mais tout le monde sait que cet impôt est payé par le locataire ; et il est de plus incontestable qu'il y a beaucoup de fermiers possédant un mobilier rural très considérable, valant parfois une centaine de mille francs, et qui cependant ne sont pas électeurs, parce que, comme vous le savez aussi, l'impôt personnel est presque nul à la campagne, parce que les fermes sont presque entièrement affranchies de la contribution personnelle.
C'est ainsi qu'il est une foule de grands fermiers qui payent à peine 25 à 30 francs d'impôt personnel, chiffre insuffisant pour leur conférer le droit de figurer sur les listes électorales.
Il y a des fermiers de ma connaissance (je pourrais le prouver) qui ont jusqu'à dix domestiques et ouvriers, et six chevaux, à eux appartenant (je parle des chevaux) et qui ne sont pas électeurs, tandis que, parmi leurs domestiques il y en a jusqu'à deux qui sont électeurs à la commune parce qu'ils sont cabaretiers.
Voilà, messieurs, des faits d'une incontestable gravité et il serait juste, je crois, que nous ne nous bornassions pas à en parler stérilement chaque année. Si nous nous donnons cette peine, c'est dans l'espoir d'aboutir. On nous reproche de revenir sans cesse sur cet abus, mais (page 66) n'est-il pas bien naturel que nous y revenions, puisqu'il existe toujours ?
Voulez-vous que je vous donne un excellent moyen de nous faire taire ? Supprimez l'abus.
Si, comme l'honorable ministre nous l'a déclaré hier encore, il n'y a dans le droit de débit qu'un intérêt fiscal et point d'intérêt de parti, eh bien, alors il y a encore moyen de nous satisfaire : supprimez le droit de débit, augmentez le droit d'accise sur le genièvre ; augmentez-le dans la proportion que vous jugerez convenable ; vous le pourrez à cause du haut prix actuel du genièvre hollandais ; le genièvre hollandais est aujourd'hui à des prix si élevés qu'aucune importation interlope ou légale n'est à craindre.
Moi, qui ai dit que je ne voterais pas d'augmentation d'impôt, je ferai une exception cette fois à ma règle, à la condition bien formelle que vous déchargerez d'autant l'accise sur les bières. M. le ministre des finances sera satisfait, j'espère, puisque sa caisse continuera à recevoir la même quantité d'écus ; seulement, il prendra sur le genièvre ce qu'il abandonnera sur les bières.
Il supprimera la patente des cabaretiers ; s'il veut supprimer d'autres patentes encore, j'en serai fort heureux, et il tâchera de se rattraper comme je viens de le dire.
Cette solution devrait agréer à tout le monde, surtout à ceux qui invoquent le droit de débit comme un obstacle à la consommation du genièvre ; car si vous augmentez l'accise sur le genièvre du double à peu près de ce que vous rapporte aujourd'hui le droit de débit, il est clair que vous restreindrez le débit, si un pareil débit peut être restreint, ce qui est encore une question assez difficile à résoudre clairement. Mais, messieurs, je l'avoue, ici la question financière m'a paru fort secondaire, la question est politique, je le reconnais, mais elle est politique au-dessus des partis. Je déclare, sans détour, que les deux partis, les trois ou quatre partis, s'il y en a dans notre pays, sont également intéressés à la sincérité électorale, même sur la base du cens tel qu'il est aujourd'hui établi. Nous devons tous désirer la suppression des faux électeurs ; et les pires des faux électeurs sont les faux cabaretiers.
MfFOµ. - Messieurs, il semble résulter assez clairement des discours des honorables préopinants que, dans leur pensée, la situation politique du pays est tout entière attachée à la question de savoir si un certain nombre de cabaretiers seront maintenus dans le corps électoral, ou s'ils en seront exclus.
Ces honorables membres paraissent convaincus que s'ils obtenaient cette exclusion, la faveur de l'opinion reviendrait à leur parti, qui, de minorité, serait constitué en majorité.
Messieurs, c'est là une pure illusion que je tiens à dissiper. Lorsque nos adversaires étaient en majorité, ils ont décidé que cette catégorie de contribuables n'entrerait pas dans le corps électoral : et cependant ont-ils obtenu pour cela des succès électoraux en 1845, en 1845 et en 1847 ? Ils ont successivement succombé à ces différentes époques, malgré la composition, selon eux infiniment meilleure qu'aujourd'hui des collèges électoraux.
La législation nouvelle ne date que de 1849. L'honorable M. Dumortier prétend qu'il n'y avait auparavant qu'un nombre relativement très restreint de cabaretiers électeurs ; mais, sous l'empire de la loi de 1849, ce nombre s'est successivement accru ; l'honorable membre en déduit la preuve de la progression du revenu de l'impôt. Avez-vous obtenu plus de succès en 1850, en 1852, et à d'autres époques ? Vous savez parfaitement que non. L'état de l'opinion publique en Belgique ne dépend donc pas de l'action que peut exercer l'adjonction d'un certain nombre de cabaretiers au corps électoral. (Interruption.) Mais permettez ! Vous commencez par déclarer que les cabaretiers sont tous de faux électeurs ; vous supposez ensuite, pour que votre raisonnement ait l'apparence de la logique et pour renforcer la thèse que vous soutenez, vous prétendez, dis-je, que ces faux électeurs sont créés par une seule opinion. (Nouvelle interruption.)
Vous devez assurément supposer, pour être conséquents dans vos assertions, qu'ils votent en faveur de l'opinion que nous représentons. (Nouvelle et longue interruption.) Je demande à n'être pas interrompu ; j'ai écouté avec le plus grand calme et dans le plus religieux silence toutes les observations qui ont été présentées par les honorables MM. Dumortier et Coomans. Je me borne en ce moment à réfuter les objections qui ont été produites. Certainement, il n'y a pas là matière à une opposition si vive. Pour mon compte, je vous assure que je suis parfaitement calme.
M. Coomans. - Je n'ai pas dit que les catholiques ne créaient pas de faux électeurs.
MfFOµ. - Je n'ai pas prétendu cela ; mais j'ai dit que, pour donner plus de vraisemblance à votre raisonnement, vous deviez nécessairement supposer la fabrication de faux électeurs d'un seul côté, c'est-à-dire du nôtre. Vous dites que non ; qu'on en fabrique des deux côtés. Il y a donc compensation ! (Interruption.)
Je tiens à détruire les idées fausses qui vous font agir, la croyance où vous êtes que vous arriverez à reconquérir la majorité, si vous supposez à exclure un certain nombre de cabaretiers-électeurs du corps électoral...
M. Coomans. - Pas du tout.
MfFOµ. - Mais vous venez de dire que le nœud de la situation est là : c'est l'expression même de l'honorable M. Coomans ; tout est là, selon vous ; ce sont les électeurs cabaretiers qui font les élections, qui font la majorité ; voilà ce que vous animiez. Et quand vous voulez les faire disparaître, ce ne peut être évidemment que pour reconquérir la majorité.
Eh bien, votre croyance à cet égard est très fausse, très erronée. Non seulement je vous ai prouvé qu'à l'époque où le corps électoral ne comprenait pas les débitants de boissons distillées, vous avez subi des échecs nombreux qui vous ont constitués en minorité depuis 1847 ; mais maintenant je puis ajouter que, depuis l'introduction de cet élément dans le corps électoral, il vous est arrivé de balancer la majorité, par une série de circonstances que je n'ai pas besoin de rappeler. Donc, il y a erreur de votre part : le motif qui vous fait agir ne se justifie pas.
Y a-t-il une raison péremptoire pour faire disparaître les cabaretiers électeurs, même au point de vue politique ? Cette raison, je ne l'aperçois pas : les grandes manifestations de l'opinion publique tiennent à des causes bien autrement importantes que celles que vous supposez, et la question qui vous préoccupe n'est pas de nature à exercer une influence appréciable sur l'expression de cette opinion.
L'honorable M. Coomans a coutume, en cette matière, d'opposer les fermiers, les agriculteurs aux cabaretiers. Des cabaretiers possédant peu ou ne possédant rien, il l'a dit cent fois, sont électeurs ; taudis que d'opulents fermiers, dont les richesses vont jusqu'à 200,000 francs, qui possèdent un outillage agricole d'une très grande valeur, dont les étables contiennent des bestiaux en grand nombre et qui emploient jusqu'à dix domestiques, ces fermiers-là ne sont pas électeurs ! Mais, messieurs, je. ne crois pas me tromper en répliquant à l'honorable M. Coomans que ce sont là des fermiers de fantaisie, des fermiers nés de sa féconde imagination. (Interruption.)
A coup sûr il n'en existe pas dans de telles conditions ; et si l'honorable M. Coomans veut bien m'en montrer seulement un pareil, en chair et en os, je déclarerai et je prouverai que son fermier est un fraudeur, et je lui ferai payer l'impôt ! (Interruption.)
Oh ! certainement, il est très vrai que l'industrie agricole est placée en Belgique dans une situation très privilégiée sous le rapport de l'impôt. cette industrie échappe au droit de patente...
M. de Naeyerµ. - La terre paye assez.
MfFOµ. - Mais c'est là une toute autre question, que nous ne pouvons pas examiner en ce moment. Tout ce que je veux établir, c'est que l'industrie agricole paye bien peu relativement à ce qu'elle paye dans d'autres pays. (Interruption.) Passez la frontière, allez en France, et vous verrez la différence...
M. de Naeyerµ. - Cela ne prouve pas que l'agriculture ne paye pas assez en Belgique.
MfFOµ. - Nous constatons qu'elle paye beaucoup moins que dans les pays voisins ; en Belgique, l'impôt foncier a été en quelque sorte immobilisé ; depuis 60 ans, la valeur de la propriété foncière a doublé, triplé, quintuplé ; et cependant, depuis 60 ans, l'impôt foncier n'a, pour ainsi dire, pas varié ; la propriété foncière paye donc relativement peu...
M. Crombez. - C'est vrai.
MfFOµ. - Mais, sous d'autres rapports encore, l'agriculture a une position privilégiée quant à l'impôt. Ou ne paye point de patente pour exercer cette industrie, tandis (page 67) que toutes les autres industries sont soumises à cet impôt. La contribution personnelle dont vient de parler l'honorable membre, est à peu près nulle dans les campagnes. Or, on ne peut vouloir assurément qu'il y ait en Belgique deux catégories de citoyens : les uns payant l'impôt et n'ayant pas de droits, exclus de l'exercice du droit électoral, et les autres ne payant pas l'impôt au contraire, mais jouissant du droit de choisir les représentants du pays.
Ah ! si l'honorable membre venait nous dire : Je demande que les agriculteurs soient placés sur la même ligne que les autres citoyens ; je demande qu'ils soient soumis à l'impôt, afin qu'ils puissent arriver ainsi à la possession du droit électoral, on le comprendrait. C'est là une thèse que l'on peut défendre. Mais demander qu'ils soient électeurs alors qu'ils ne payent pas l'impôt, évidemment c'est trop !
M. Bouvierµ. - Pour l'honorable M. Coomans, ils ne payent pas assez.
MfFOµ. - Il y aurait d'ailleurs un moyen, beaucoup plus simple que ceux qui ont été indiqués par les honorables membres, d'atteindre le but qu'ils se proposent. Ils veulent, pour supprimer les électeurs cabaretiers, supprimer la recette que procure au trésor le droit de débit des boissons distillées....
M. Coomans. - Je demande la parole.
MfFOµ. - Eh bien, qu'ils proposent de faire payer cette même somme par l'agriculture, et ils auront ainsi les électeurs qu'ils préfèrent. Est-ce là ce que l'on veut ?
M. Coomans. - J'ai demandé la parole.
MfFOµ. - Vous avez déjà fait votre proposition. Vous avez dit : Elevez l'impôt à la fabrication. Voilà donc la première application que vous feriez de votre système politique, qui rejette l'impôt indirect et veut absolument l'impôt direct ? L'honorable membre ne s'est pas même demandé si, avec l'impôt tel qu'il existe aujourd'hui, il serait possible d'établir une surtaxe sur l'accise, sans que la recette fût absorbée par la fraude. Or, c'est ce qui arriverait infailliblement. (Interruption.) Cela serait inévitable. Votre moyen ne vaut donc rien, et il faudra vous résigner à en imaginer un autre.
A part ces considérations, l'honorable M. Dumortier s'est longuement étendu sur l'historique de la législation relative au débit des boissons alcooliques.
Son discours est venu bien tard ; il eût été à sa place en 1849 ; à cette époque, il aurait pu essayer de démontrer à la Chambre, essayer de la convaincre, comme on l'avait convaincue en 1838, que l'impôt sur le débit des boissons distillées ne devait pas être considéré comme un impôt direct.
M. Dumortier. - Ce n'était pas nécessaire, puisque je l'ai rejeté.
MfFOµ. - Mais venir soutenir aujourd'hui pareille thèse, lorsque la loi de 1849 a décidé le contraire et lorsque cette loi a été constamment et invariablement appliquée depuis 17 ans sans réclamations, sauf celle qui s'est produite tout récemment et qui a été condamnée par la cour de cassation, c'est peu sérieux, il faut en convenir.
Que dit au surplus l'honorable M. Dumortier ? Une instruction principe de 1790 indique ce que sont les contributions directes. Les contributions directes comprennent l'impôt foncier, l'impôt personnel, l'impôt des patentes, rien de plus. L'honorable M. Dumortier le déclare, en vertu de l'instruction principe de 1790.
Mais l'honorable membre doit demander, par conséquent, que l'on raye des impôts qui servent à la formation du cens électoral, le débit des tabacs. Il n'est pas compris non plus dans l'instruction de 1790.
M. Dumortier. - C'est la même chose.
MfFOµ. - C'est la même chose !
M. Dumortier. - Vous l'avez dit vous-même en présentant l'impôt. Vous avez dit que cela se récupérait sur le consommateur.
MfFOµ. - Cela se récupère sur le consommateur. J'aurais donc dit cela. C'est à vérifier. Cependant soit, je le veux bien. Mais le négociant qui est grevé d'une patente ne récupère-t-il pas, ou ne cherche-t-il pas à récupérer la patente, en vendant sa marchandise ?
M. Dumortier. - Il y a une exception dans la loi principe.
MfFOµ. - Je ne comprends plus. (Interruption.) J'en reviens à ma démonstration : Il y a encore d'autres impôts directs que celui qui atteint le débit des tabacs, (Interruption.) Je vais vous le citer immédiatement. Je vous demande où vous rencontrerez la redevance sur les mines inscrite dans votre instruction-principe ? N'est-ce pas là néanmoins un impôt direct, et cette redevance n'est-elle pas admise dans le calcul du cens électoral ? Voulez-vous l'effacer ? Evidemment, vous ne le demanderez pas.
Qu'est-ce, en fait, que le droit de débit tel qu'il a été établi par la loi de 1849 ? C'est une patente, pas autre chose, et cet impôt est surtout devenu une patente, lorsque le système primitif a été remplacé par un système de classification exactement semblable à celui de la loi des patentes.
Nous avons résolu cette question, messieurs, d'une façon qui nous a paru simple et rationnelle, nous l'avons résolue par le texte même de la Constitution. L'article 47 de la Constitution porte, en effet :
« La Chambre des représentants se compose des députés élus directement par les citoyens payant le cens déterminé par la loi électorale, lequel ne peut excéder 100 florins d'impôts directs ni être au-dessous de 20 florins. »
La Constitution ne dit pas autre chose, elle ne parle que d'impôts directs. La majorité de la Chambre, je dirai presque l'unanimité, a pensé à cette époque que le droit de débit était un véritable impôt direct. « Non, dit l'honorable M. Dumortier : en 1849 on a pensé tant le contraire, et on a rejeté la disposition proposée pour faire comprendre le droit de débit dans le cens électoral. »
L'honorable M. Dumortier oublie ce que contient l'exposé des motifs du projet de loi.
M. Dumortier. - J'ai répondu à cela que nous ne sommes pas dans un gouvernement déclaratif, mais que nous sommes dans un gouvernement représentatif.
MfFOµ. - Les expressions sont très spirituelles, j'en conviens : Nous ne sommes pas dans un gouvernement déclaratif, nous sommes dans un gouvernement représentatif.
Mais le gouvernement représentatif tient compte nécessairement des déclarations faites dans l'exposé des motifs d'un projet de loi, et les députés dont l'attention est ainsi appelée sur les questions soulevées par le projet, soumettent à la décision de la Chambre les points sur lesquels ils sont en désaccord avec les déclarations du gouvernement.
Suivant l'honorable M. Dumortier, les choses avaient été arrangées avec une grande habileté pour éviter l'opposition de l'honorable M. Dolez, de l'honorable M. Devaux, et de la majorité du Sénat. Mais l'opposition a été fort maladroite en ne déjouant pas les efforts de cette habileté. C'était pourtant si facile et si simple ! Nous avions, prétend-on, à craindre l'opposition de nos amis ? Eh bien, c'était le cas ou jamais pour la minorité, pour les partisans de l'opinion de M. Dumortier, de formuler une proposition expresse et de la soumettre au vote de la Chambre.
M. Dumortier. - Votre proposition a été rejetée.
MfFOµ. - On n'a rien rejeté ; la proposition a été écartée comme inutile.
M. Dumortier. - On a écarté l'art. 15 comme inutile, mais voire disposition a été mise aux voix et rejetée.
MfFOµ. - Elle a été écartée comme inutile, purement et simplement.
Nous avions à craindre, dites-vous encore, l'opposition du Sénat Mais le Sénat n'a-t-il donc lu ni l'exposé des motifs, ni le rapport de la section centrale, ni la discussion ? Vous ne pouvez prêter une pareille manière d'agir au Sénat et dire qu'il n'a rien lu, rien examiné et que cependant il a voté la loi à l'unanimité, à l'unanimité moins une voix !
Messieurs, il serait puéril de ma part d'insister plus longtemps sur une pareille question. Elle a été, je le répète, déférée à la cour de cassation, par les amis de l'honorable membre, et la cour de cassation a déclaré que l'intention du législateur était évidente, et ne pouvait en aucune (page 68) façon être considérée comme douteuse. La cour a reconnu la volonté du législateur de comprendre l'impôt établi sur le débit des boissons distillées dans la supputation du cens électoral.
Ainsi la question a été résolue par le parlement lorsqu'il a fait la loi, et par le pouvoir judiciaire lorsqu'il a été appelé à s'en occuper.
Je ne pense donc pas, messieurs, qu'il puisse y avoir quelque utilité à prolonger cette discussion.
M. Coomans. - A l'espèce de démenti que vient de me lancer l'honorable M. Frère, je dois une réplique. Je tâcherai de la faire courte et bonne.
D'après l'honorable ministre des finances, je me serais grossièrement trompé et les fermiers qui possèdent, comme propriété personnelle, une valeur mobilière de 50,000, 80,000 à 100,000 fr. et au delà ne seraient que des êtres sortis de mon imagination.
Or, messieurs, beaucoup de membres ici présents n'ignorent pas que j'ai avancé la vérité pure. Je connais personnellement des fermiers qui possèdent 100,000 fr. et qui ne sont pas électeurs. Il est des fermiers qui payent à leur propriétaire 5,000 et 5,500 fr. par an et qui ne sont pas électeurs.
Mais, messieurs, cette anomalie n'a que les apparences de l'étrangeté et de l'impossibilité. Je serais curieux de savoir comment l'honorable ministre réaliserait la menace qu'il a faite aux fermiers dont je parle, de les faire payer les sommes qu'ils fraudent, selon lui, au trésor. Mais en quoi fraudent-ils ? Ils ne possèdent pas un pouce de terre ; ils n'ont que du bétail et des instruments que le fisc n'atteint pas ; ils habitent des immeubles totalement ou presque totalement affranchis de l'impôt personnel.
Les étables ne payent rien, les granges ne payent rien. Bref dans les très grandes fermes l'impôt personnel, très souvent, n'atteint pas 25 ou 30 francs, et je le répète, comment M. le ministre des finances s'y prendra-t-il pour faire payer quelque chose à ces fermiers-là ? Quelle serait la base sur laquelle la fraude serait opérée ?
Je serais curieux de le savoir et l'honorable ministre aurait bien fait de compléter sa pensée. Aussi l'honorable ministre prend-il un biais :
« Vous voulez, dit-il, que ces fermiers soient électeurs ; faites-leur payer une patente. »
Messieurs, je trouve déraisonnable qu'ils ne soient pas électeurs, mais je trouverais très injuste qu'à toutes les charges qu'ils supportent l'on ajoutât encore celle d'une patente.
MfFOµ. - Vous dites qu'ils n'en supportent pas.
M, Coomansµ. - Est-ce que le fermier ne paye pas, en réalité, l'impôt foncier ? (Interruption.)
Cela est tellement vrai, que si l'impôt foncier était aboli, le prix de la terre diminuerait d'autant et les fermiers en profiteraient. L'impôt foncier pèse tout autant sur le fermier et sur le consommateur que sur le propriétaire, l'impôt foncier pèse sur tout le monde, même sur ceux qui n'ont pas de terres ni de maisons.
Or, messieurs, le fermier paye sa part de l'impôt foncier, part d'autant plus large qu'il en fait l'avance, mais là n'est pas mon argument : j'ai parlé morale, politique sociale et on me répond par de petites considérations ; on me dit : « Ce que vous voulez, c'est écarte, des listes électorales ceux que vous considérez comme vos adversaires. » Puis M. le ministre ajoute qu'il n'a pas peur, loin de là ; que la majorité resterait la même.
Mais si telle est votre conviction, faites cesser un abus que vous avez vous-même qualifié de scandaleux. Si vous croyez que votre appoint électoral qui, dans certains arrondissements, est si faible, ne provient pas de faux électeurs et de faux cabaretiers et si vous pensez que nous en fabriquons plus que vous, c'est nous qui serons « attrapés », en cas de suppression de la taxe. Je crois, moi, que ceux qui défendent un abus sont précisément ceux qui en profitent. C'est un abus, vous le reconnaissez, c'est un abus grave que la création de faux électeurs, c'est un abus que l'absence des bases ; eh bien, puisque c'est un abus, supprimez-le et ne nous forcez pas à croire que vous maintenez l'abus parce que vous en avez besoin.
Je le déclare bien sincèrement, en cette circonstance, comme dans presque toutes les autres, ce n'est pas l'esprit de parti qui me guide, c'est la justice. Je trouve inique, je trouve absurde que sous le régime du cens, de la domination de l'argent même sur l'intelligence, on donne la préférence aux petits cabaretiers sur beaucoup de citoyens qui ont plus d'intelligence et plus de fortune qu'eux.
Mais vous êtes illogiques : si vous maintenez la base de l'argent, ce que je regretterais fort, au moins soyez conséquents et donnez la préférence à ceux qui ont de l'argent. Alors je reviens à mon thème des fermiers non-électeurs, qui ont plus d'argent que les petits cabaretiers, qui sont systématiquement éloignés des comices.
Du reste, quand on s'élève un peu haut, avec quelque esprit de justice, ne faut-il pas reconnaître que toutes ces distinctions entre l'impôt direct et l'impôt indirect, l'impôt quasi direct et l'impôt quasi indirect sont très subtiles et même niaises au point de vue de l'équité sociale.
Est-ce que le citoyen belge qui n'est pas propriétaire ne paye pas autant d'impôt que celui qui l'est ? Est-ce que l'impôt indirect n'est pas un impôt ? Est-ce que les gros millions que vous donnent la bière, le sucre, le café, le genièvre ne sortent pas de la poche, de l'immense majorité des Belges qui n'est pas propriétaire ? Tous payent l'impôt et je crois que tous payent un impôt à peu près égal.
Si quelque inégalité existe, elle est au détriment des petits qui peut-être payent plus que les grands.
Un mol encore ; j'ai dit que des domestiques étaient électeurs et que leurs maîtres ne l'étaient pas. C'est un fait que je puis démontrer. On m'a affirmé plusieurs fois d'autres faits non moins étranges. Ceux-là ne sont pas à ma connaissance, mais les sources d'où ils proviennent sont tellement estimables que je ne les révoque pas en doute. Or, il paraît qu'il y a de faux électeurs, des électeurs soi-disant cabaretiers qui sont inscrits sur les listes des bureaux de bienfaisance.
M. Dumortier. - Il y en a beaucoup, même des mendiants.
M. Coomans. - Hélas ! beaucoup d'électeurs sont mendiants et maints éligibles encore plus qu'eux, ce qui est très fâcheux.
Les abus sont réels, incontestables, ils sont presque incontestés. Comme ils atteignent la partie la plus vitale de la Constitution de notre patrie, il faut (je le dis avec une conviction profonde), sous peine de désastre, les supprimer le plus tôt possible.
- La discussion est close.
L'article est mis aux voix par assis et levé ; il est adopté.
« Droit de débit de boissons alcooliques : fr. 1,450,000. »
- Adopté.
« Droit de débit de tabacs : fr. 245,000. »
-Adopté.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Messieurs, d'après les ordres du Roi, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre un projet de loi approuvant un nouvel acte d'accession à la convention littéraire conclue avec la Prusse. C'est celui du grand-duché de Saxe-Weimar.
II m'est parvenu, depuis le dépôt d'un acte analogue que j'ai soumis à la Chambre il y a quelques jours.
Je pense qu'on ne demandera pas le renvoi aux sections. Je proposerai de le renvoyer à la section centrale chargée de l'examen du projet de loi approuvant l'accession du duché de Saxe-Altenbourg.
- Il est donné acte à M. le ministre des affaires étrangères de ce dépôt, et le projet de loi est renvoyé à la section centrale chargée de l'examen du projet de loi approuvant l'acte d'accession du duché de Saxe-Altenbourg.
« Redevance sur les mines.
« Principal : fr. 357,000. »
-Adopté.
« 10 centimes additionnels ordinaires pour non-valeurs : fr. 33,700. »
- Adopté.
« 5 centimes extraordinaires sur la redevance proportionnelle pour frais de confection d'une carie générale des mines : fr. 10,000. »
M. Dewandreµ. - Messieurs, la section centrale a demandé, à l'occasion de cet article, où en était la confection de la carte des mines.
M. le ministre des travaux publics peut-il donner une explication à cet égard ?
MtpVSµ. - Il me serait difficile de dire d'une manière précise où en est la confection de la carte des mines. On s'en occupe depuis 3 ans et l'on continue de s'en occuper avec activité.
(page 69) L'honorable M. Dewandre voudra bien reconnaître que c'est un travail extrêmement délicat.
Je pense que la carte est à peu près faite pour le bassin de Liège. On entreprend en ce moment le bassin de Charleroi. Il se passera encore plusieurs années avant que cet important travail soit achevé.
- Adopté.
« c5 entimes sur les trois sommes précédentes pour frais de perception : fr. 19,300. »
- Adopté.
M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Messieurs, avant de présenter quelques observations sur l'article « Douanes », je dois féliciter la Chambre et le gouvernement de ce que, pour la première fois depuis que je suis assis sur ces bancs, nous pouvons discuter le budget des voies et moyens avec quelques développements.
En effet, les années précédentes, ce budget nous était toujours soumis dans les derniers jours de l'année et nous étions obligés de le voter au pas de course sans pouvoir présenter la moindre observation.
Les observations échangées dans la séance d'hier vous ont démontré que cette discussion peut être parfois utile et combien d'idées utiles peuvent s'échanger avec profit pour nous et pour le pays.
Dans cette discussion d'hier, à laquelle je fais allusion, une seule préoccupation m'a paru dominer le débat, préoccupation contre laquelle, je pense, nous devons réagir avec énergie, c'est celle de croire que la Chambre n'a, pour ainsi dire, d'autre mission que celle de fournir aux dépenses du gouvernement ou tout au moins que c'est là sa mission principale.
Non, messieurs, notre devoir est bien plus grand, bien plus large ; il est, avant tout, d'assurer le bonheur et la prospérité du peuple.
Ce n'est qu'en seconde ligne et pour créer les moyens d'action que nous sommes appelés à voter les ressources nécessaires au gouvernement pour atteindre ce but. Toute loi, tout impôt qui sont contraires à la prospérité et au bonheur publics, nous ne devons pas hésiter à les attaquer et à les réformer. C'est préoccupé de ces idées que j'ai demandé à vous présenter quelques observations sur l'article « Douanes ».
Depuis plusieurs années la chambre de commerce d'Anvers et successivement la plupart des chambres de commerce du pays se sont ralliées à l'idée de la suppression des douanes. On a dit en section centrale et je suis tout à fait de cet avis, qu'il serait aujourd'hui puéril d'entrer dans la discussion de la valeur économique de cette idée, que tout le monde en Belgique, à très peu d'exceptions près, était d'accord en principe que la douane est un mauvais impôt, un impôt qui doit disparaître.
Seulement si l'on est d'accord sur le principe, on est arrêté par les difficultés de son application : la première de ces difficultés, c'est la diminution des recettes du trésor ; il s'agit, en effet, comme vous pouvez le voir dans le budget qui nous est soumis, d'une recette de 13 millions ; or, vous le savez, on a reculé hier devant la réduction éventuelle d'un million ; à plus forte raison reculera-t-on devant une diminution de treize millions. Et cependant s'il était démontre à votre satisfaction que les 13 millions de recettes coûtent au pays des sacrifices énormes, s'il était prouvé que les effets économiques de l'impôt douanes sont tels, qu'ils entravent le travail, la production, la consommation de toutes les classes de citoyens, et que la suppression de cet impôt est absolument nécessaire à leur prospérité, hésiteriez-vous un seul instant ?
L'expérience de tous les pays, de tous, sans exception, dans un sens et dans l'autre, a établi à l'évidence que la suppression de certains droits de douane, que la réduction de certains autres ont amené dans le travail des améliorations considérables. Depuis 1840, en Angleterre, on a procédé par suppression et par diminutions très fortes de droits. Qu'en est-il résulté ? L'exportation a plus que quadruplé.
En France, il y a seulement quelques années, on est entré très timidement dans la voie de la réforme. Par le traité avec l'Angleterre, on a simplement diminué certains droits, et cependant les effets économiques de cette réforme ont été tels, qu'en peu de temps les exportations ont plus que doublé. Or, il est évident que la consommation intérieure a dû progresser dans une proportion correspondante avec celle des exportations et que, par conséquent, le travail et la prospérité générales se sont développés dans des proportions incalculables. Les résultats obtenus en Belgique sont analogues.
Une autre difficulté, celle qui préoccupe le plus les partisans platoniques de la suppression des douanes, c'est la modification que cette suppression apporterait nécessairement dans la perception des impôts appelés droits d'accise.
En effet les accises sont établies aujourd'hui de telle façon qu'ils se lient intimement à l'impôt des douanes ; vous ne pourriez toucher à la douane dans le sens d'une suppression sans compromettre jusqu'à un certain point les recettes du chef des accises. Mais, messieurs, cette difficulté est plus apparente que réelle. On la grossit énormément comme on grossit toujours les obstacles, lorsqu'il s'agit de modifications ou de suppression d'impôts. Que n'a-t-on pas dit des difficultés qui attendaient les réformateurs des droits d'octroi ?
Je suis bien certain que si l'on examinait les choses avec sang-froid et bienveillance dans la question que je soulève, on trouverait qu'il n'est pas plus difficile de transformer les accises en vue de la suppression des douanes qu'il ne l'a été de supprimer les octrois.
Sans doute, certains détails offriraient des difficultés ; mais de même que pour les octrois, on arriverait bientôt à une solution satisfaisante.
C'est pour cette raison que je crois que la marche que nous avons à suivre pour arriver au but est celle qui nous est indiquée par les précédents dans les questions de même genre ; la réforme des octrois par exemple, qui a occupé beaucoup de personnes pendant très longtemps et sans résultat très positif jusqu'à ce que l'administration elle-même soit venue résoudre la question.
Je pense donc que le moyen d'éclairer la question de la suppression des douanes, qui tôt ou tard, et j'espère tôt plutôt que tard, s'imposera à nos délibérations, est de la soumettre à l'administration qui a entre les mains tous les documents nécessaires pour l'élucider, et je prie M. le ministre des finances de faire faire, pendant le cours de la session actuelle, une sorte d'enquête administrative et de nous soumettre le résultat de ce travail soit à la fin de la session actuelle, soit au commencement de la session prochaine.
Nous pourrons alors, sur des documents certains et complets, examiner cette question et rechercher s'il y a moyen de résoudre le problème de la suppression des douanes, qui devient de jour en jour plus urgent puisque la plupart des corps qui représentent le commerce et l'industrie sont d'accord pour réclamer cette réforme.
C'est par ce moyen que l'on pourra hâter la solution d'une réforme réclamée autant dans l'intérêt des producteurs, que dans celui des consommateurs sans léser les intérêts légitimes du trésor public.
Je résume donc ma proposition en ces termes : que le département des finances soit chargé par la Chambre de préparer un travail d'examen sur la question de la suppression des douanes ; de rassembler à cet égard tous les documents qu'il possède, de les condenser ; de nous faire, en un mot, un rapport complet sur cette question pour la fin de la session actuelle ou pour le commencement de la session prochaine.
MfFOµ. - Messieurs, je n'ai pas à discuter en ce moment la question de la suppression des douanes ; c'est une question beaucoup trop vaste pour pouvoir être traitée, avec l'espoir d'arriver à une solution pratique, à propos de la discussion du budget des voies et moyens.
Je réponds seulement aux dernières paroles de l'honorable membre. Il demande que la Chambre charge le département des finances d'un certain travail. Je crois que, dans la forme où elle est présentée, cette demande n'est pas tout à fait correcte.
M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Je suis prêt à sacrifier la forme.
MfFOµ. - La Chambre demande pas avec les départements ministériels. Elle peut demander des renseignements ou des documents aux ministres, et ceux-ci défèrent à sa demande, ou, s'ils ne le peuvent pas, ils en donnent les raisons.
Quoi qu'il en soit, je dirai à l'honorable membre que le travail qu'il réclame est tout fait : la question de la suppression des douanes a été agitée dans le sein du conseil supérieur de l'industrie et du commerce, et le fonctionnaire éminent de mon département qui a les douanes dans ses attributions spéciales l'a discutée dans le sein de cette assemblée, d'une manière très approfondie.
M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Je ne pense pas mit son travail soit complet.
(page 70° MfFOµ. - Il a donné toutes les raisons possibles pour démontrer que, dans l'état actuel des choses (et il a cité des faits à l'appui de ses assenions), il n'était pas possible de décréter la suppression des douanes. Le travail demandé est donc prêt, et l'honorable membre pourra le consulter. S'il a besoin de quelque autre document, je m'empresserai de le lui fournir.
M. Le Hardy de Beaulieuµ - Je remercie M. le ministre des finances.
- La discussion est close.
Le chiffre est mis aux voix et adopté.
M. Jamarµ. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport d« la section centrale chargée d'examiner le budget de la justice pour l'exercice 1867.
- Impression et distribution.
La discussion du budget de la justice est mise à la suite de l'ordre du jour.
La séance est levée à 4 heures trois quarts.