(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1866-1867)
(Présidence de (M. E. Vandenpeereboom.)
(page 41) M. Thienpont, secrétaire., procède à l'appel nominal à 3 heures et un quart.
M. Van Humbeeck, secrétaireµ, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.
- La rédaction en est approuvée.
M. Thienpont,. présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.
« Les sieurs Grange, Marx et Collignon demandent que tous les officiers, sous-officiers et soldats belges actuellement au Mexique soient autorisés à rentrer en Belgique le plus tôt possible. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Denimal, ancien volontaire de 1830, prie la Chambre de statuer sur sa pétition ayant pour objet un secours ou son admission dans l'un des hospices de Bruxelles. »
- Même renvoi.
« Le sieur Aussem demande que les communes soient dispensées de payer le droit exigé par l'Etat pour le timbre sur les feuilles des registres de l'état civil. »
- Même renvoi.
« Le sieur Trouwers demande que les traitements des secrétaires des parquets soient portés au taux de ceux des commis greffiers attachés aux cours et tribunaux respectifs. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le budget de la justice.
« Des électeurs communaux de Baevegem déclarent protester contre des décisions de la députation permanente, en matière électorale, et prient la Chambre d'examiner s'il n'y aurait pas lieu de modifier en ce point les attributions de ces corps politiques. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Vanopdebeeck demande que le gouvernement fasse procéder à la vente publique des parcelles de terrains, maisonnettes, matériaux, etc., restant des expropriations pour les travaux des fortifications d'Anvers. »
- Même renvoi.
« Par 310 pétitions, un grand nombre d'habitants de diverses communes prient la Chambre d'améliorer la position matérielle des instituteurs communaux. »
M. Couvreurµ. - Je demande le renvoi de cette pétition à la commission des pétitions, avec prière de faire un prompt rapport.
- Adopté.
« M. le recteur de l'université de Gand fait hommage à la Chambre de 123 exemplaires du discours qu'il a prononcé à la réouverture des cours et de son rapport sur la situation de l'université de Gand, pendant l'année académique 1865-1866. »
- Distribution aux membres et dépôt à la bibliothèque.
« Le sieur Adolphe Ferdinand-Mathieu Torschen, chef de station au chemin de fer de l'Etat, à Lierre, né à Bois-le-Duc (Pays-Bas), demande la naturalisation ordinaire. »
- Renvoi au ministre de la justice.
« MM. Lienart, retenu par une indisposition, de Liedekerke, empêché par des affaires de famille, et Nothomb, obligé de s'absenter, demandent des congés. »
- Accordés.
M. Braconier. - J'ai demandé la parole pour adresser à l'honorable ministre des travaux publics une interpellation relativement à l'état déplorable dans lequel se trouve la station de Liège par suite de l'encombrement qui y existe.
J'aurais voulu, pour ne pas faire perdre de temps à la Chambre, pouvoir ajourner mes observations jusqu'à la discussion du budget des travaux publics, mais les réclamations des négociants sont tellement vives et, je dois le dire malheureusement, tellement fondées, des intérêts si graves se trouvent compromis par cet état de choses, que je me vois dans la nécessité de venir dans cette enceinte réclamer un remède à la situation.
On ne peut, sans l'avoir vu, se faire une idée de l’encombrement qui existe dans la station de Liège. Des centaines de waggons se trouvent sur toutes les voies accolés les uns aux autres ; impossible d'y atteindre, les commerçants sont obligés d'attendre 10 jours, 15 jours, un mois même avant d'obtenir la délivrance des marchandises arrivées à leur adresse.
Vous devez comprendre quelles pertes considérables cette circonstance occasionne au commerce et combien les réclamations doivent être nombreuses.
Voilà, quant aux marchandises à l'arrivée. En ce qui concerne les marchandises au départ, la situation est exactement la même. Des séries de waggons chargés se trouvent enfermées pendant des journées entières sans qu'il soit possible de les dégager et de les expédier.
Les établissements industriels, se trouvant ainsi dans l'impossibilité de recevoir les matières premières dont ils ont besoin, se voient obligés de stater leurs travaux et de faire chômer leurs ouvriers.
Si la situation dont je me plains ne datait que de quelques jours, je ne viendrais pas réclamer ici, mais elle dure depuis un mois, et loin de se modifier en bien, elle ne fait qu'empirer de plus en plus.
Il est donc urgent d'y porter remède.
Je dois ajouter que ce ne sont pas seulement les trains de marchandises qui marchent irrégulièrement ; les trains de voyageurs sont presque tous obligés d'attendre pour entrer en gare.
Je parle par expérience. Depuis trois semaines, je suis arrivé à Liège quatre fois par le chemin de fer de l'Ourthe et j'ai attendu la première fois 20 minutes, la seconde fois 30 minutes, la troisième fois trois quarts d'heure, et la dernière fois une heure à l'entrée de la station de Liège.
Pour moi le mal n'était pas grand, car je m'arrêtais à Liège, mais il y avait dans le même train que moi d'autres voyageurs qui auraient voulu prendre les trains en coïncidence et qui, ne le pouvant pas, ont dû attendre deux et trois heures pour continuer leur route. Aujourd'hui encore, j'arrive de Liège, le train qui devait partir à 9 heures 20 minutes est parti à 10 heures. Ces faits se répètent tous les jours et c'est une chose fâcheuse au point de vue des relations et même au point de vue de la sécurité.
Je me hâte de dire que ce qui existe dans la station de Liège ne peut être attribué aux honorables fonctionnaires de l'administration qui sont chargés du service de cette station. Dans toutes ces circonstances, ils ont montré le plus grand zèle, le plus grand dévouement ; ils ont été nuit et jour sur pied ; et malgré toute leur bonne volonté ils n'ont pu parvenir à rétablir la régularité du service.
Evidemment il y a là un vice, et ce vice c'est l'exiguïté de la station de Liège ; le mouvement qu'ont développé l’abaissement des tarifs ainsi que l'ouverture de la nouvelle ligne de l'Ourthe a été considérable et la station est devenue tout à fait insuffisante.
Ce mouvement n'est pas près de s'arrêter, il n'a pas dit son dernier mot et si l'on ne se bâte de prendre les mesures nécessaires, la circulation sera complètement interrompue, Voilà la position.
(page 42) Je demanderai donc à M. le ministre des travaux publics, qui, du reste, je le sais, s'est occupé déjà de cette affaire en chargeant une commission de lui faire un rapport, s'il peut nous déterminer l'époque à laquelle le service sera régulièrement rétabli, et s'il compte prendre les mesures nécessaires pour qu'une pareille situation ne se renouvelle plus.
A ces plaintes, dont je viens de me rendre l'écho, je dois en ajouter une autre.
J'ai vu au Moniteur de ces jours derniers que deux trains de voyageurs entre Bruxelles et Liège vont être supprimés. Je désirerais savoir si cette suppression est momentanée et cessera quand le service aura pu être rétabli, ou bien si, dans la pensée de l'administration, elle est définitive.
Si elle n'est que momentanée, je n'ai absolument rien à dire ; si elle est définitive, je dois dire qu'il m'est impossible d'approuver cette mesure, et cela pour les raisons suivantes. La ligne de l'Est, de Bruxelles à Liège, est, de toutes celles qui aboutissent à la capitale, celle qui est la moins bien servie ; c'est celle sur laquelle les convois sont le moins nombreux.
En effet, de Bruxelles à Anvers, il y a quinze trains par jour ; de Bruxelles à Mons il y en a également quinze ; de Bruxelles à Gand, il y a douze trains par Alost et neuf trains par Malines, ce qui fait 21 trains par jour. De Bruxelles à Liège il n'y a que neuf trains, et cependant on vient encore de décréter la suppression d'un de ces trains, celui de 7 heures 30 du soir, qui est d'une utilité incontestable, puisqu'il permet aux voyageurs de rentrer à Liège à une heure peu avancée de la soirée après avoir terminé leurs affaires dans la capitale. A l'avenir, au contraire, ils ne pourront, plus rentrer à Liège que vers une heure du matin, et même beaucoup plus tard pour peu que les retards que nous subissons si souvent se renouvellent encore.
Je demanderai donc à M. le ministre si la suppression annoncée est momentanée ou définitive.
MtpVSµ. - L'honorable M. Braconier a fait la chose la plus commode du monde : il a signalé des abus, une situation fâcheuse sur un point donné du réseau de nos chemins de fer ; mais il a oublié de signaler en même temps le remède.
Ce remède, l'honorable membre ne l'ignore pas ; mais il sait aussi qu'il n'est pas en mon pouvoir de l'apporter.
Je reconnais d'abord que tout ce qu'il a dit de l'état défectueux de la station de Liège est malheureusement trop exact. Mais le mal n'existe pas seulement à Liège ; il existe également sur beaucoup d'autres points de notre réseau. II n'est pas moins flagrant, par exemple, à Anvers qu'à Liège ; et la cause de ce mal, messieurs, peut être résumée en deux mots : c'est l'insuffisance des installations.
Cette insuffisance des installations, d'où provient-elle ?
Elle provient de ce que l'accroissement du mouvement sur le chemin de fer est en disproportion avec les ressources dont j'ai disposé jusqu'à présent pour y faire face. Voilà tout.
Quel est donc le remède ? C'est de dépenser beaucoup d'argent. Donnez-moi beaucoup d'argent pour parachever notre réseau, et vous n'aurez plus à vous plaindre.
M. Sabatierµ. - Demandez-en.
MtpVSµ. - Demandez-en, me dit-on. Mais il ne suffit pas d'en demander, il faut avant tout, en avoir en caisse ; il faut que les ressources du trésor permettent d'en demander.
La question est donc de savoir si l'on veut se résigner à un mal qui ne sera que momentané, mais qu'il ne m'appartient pas de faire disparaître d'un coup de baguette.
Il y a quelques mois, les Chambres ont voté 8 millions de francs pour continuer les travaux de parachèvement du chemin de fer ; à l'heure qu'il est, cette somme est entièrement dépensée.
A cette époque aussi, il a été annoncé que pour le parachèvement complet, il faudrait 15 à 20 millions ; et tant que cette somme n'aura pas été votée et dépensée, il y aura des lacunes plus ou moins graves à signaler dans l'aménagement de beaucoup de nos stations.
Voilà le mal ; je le reconnais ; mais je déclare que je ne puis pas le combattre d'une manière tout à fait efficace. Le remède, je l'indique ; mais je ne puis l'apporter à la Chambre, si les ressources du trésor public ne le permettent pas. Si l'honorable membre était assis à ma place, il ne pourrait faire autrement que je fais ; connaissant le mal, il pourrait chercher à le pallier, à y porter un remède tel quel ; c'est ce que je fais.
En ce moment même je fais construire six kilomètres de voies nouvelles dans la station de Liège ; mais le gouvernement n'a pas d'arpent pour payer cette dépense ; je la fais à découvert ; je n'ai plus, je le répète, un seul centime à ma disposition.
Je ferai donc ce qu'il sera possible de faire ; mais j'annonce à l'honorable M. Braconier, ainsi qu'aux autres honorables membres qui auraient les mêmes besoins à signaler, les mêmes intérêts à défendre pour leurs localités respectives, que, quand j'aurai fait tout ce qui dépend de moi pour améliorer la situation, on sera loin d'être satisfait, et je déclare que je ne serai pas plus satisfait que les réclamants eux-mêmes.
Je demande donc à tout le monde de patienter un peu. Il ne faut pas oublier que la situation dont on se plaint est la conséquence d'un bien très grand, qu'elle résulte principalement des réformes qui ont été introduites en matière de tarifs. Il faut se résigner à un mal qui sera temporaire, pour maintenir le bien qui a été opéré. Il ne serait pas raisonnable de prétendre conserver les avantages d'une vaste réforme sans se soumettre à ses inconvénients. L'équité veut qu'on établisse la balance.
Messieurs, l'honorable M. Braconier m'a posé une seconde question ; il m'a demandé si la suppression de deux trains entre Bruxelles et Liège, était momentanée ou définitive. Je vais m'expliquer très clairement à cet égard.
La situation financière générale de l'exploitation du chemin de fer de l'Etat, pour 1866, présente des résultats très médiocres, des résultats au-dessous du médiocre ; les recettes ont baissé, et le mouvement continuant de s'accroître, les dépenses ont augmenté ; il y a donc une très forte disproportion entre la recette et la dépense, par rapport aux exercices antérieurs. Ce sont surtout les transports productifs qui ont fait défaut, par exemple, en ce qui concerne les voyageurs, le mouvement international et de transit. C'est ce qui explique qu'un mouvement général plus élevé coïncide avec des recettes brutes moindres.
Je n'ai pas besoin de faire connaître à la Chambre quelles sont les causes qui ont influé sur les recettes du chemin de fer, c'est l'épidémie avant tout ; ce sont encore les intempéries de la saison ; ce sont les événements politiques extérieurs. Une seule de ces causes eût suffi pour faire baisser la recette ; les trois causes ayant agi simultanément, il en est résulté nécessairement une dépression très forte. cette dépression coïncide, je le répète, avec une augmentation de dépenses ; pour l'année 1867, nous aurons une nouvelle source de dépenses très considérable, j'entends parler des lignes nouvelles dont l'exploitation viendra se joindre au réseau actuel. Ce sera, dans quelques jours, l'ouverture de ligne directe sur Louvain, dans quelques semaines, celle de la ligne de Braine-le-Comte à Gand ; il y a peu de temps, c'était celle de la ligne de Hal à Ath et de Tournai à Lille.
- Un membre. - Et le prix du charbon.
MtpVSµ. - Le prix du charbon pèse également d'une façon très lourde sur la dépense du chemin de fer. Il y va de centaines de mille francs pour ce seul article.
L'exploitation des lignes nouvelles aura ce résultat, prévu d'ailleurs par le gouvernement, souvent indiqué et indiqué par moi d'une manière expresse, que nous aurons double dépense pour une recette simple. Or la longueur des lignes nouvelles équivaut au cinquième de tout l'ancien réseau. Vous aurez donc, les frais généraux déduits, environ un cinquième de dépenses en plus pour une recette sensiblement la même.
Il est évident que ce n'est pas une situation dont il faille se féliciter au point de vue financier.
Qu'ai-je dû faire et que dois-je faire pour l'avenir ? Chercher très énergiquement à restreindre la dépense.
Une source importante de dépenses, c'est nécessairement la circulation des trains, et pour appliquer un remède énergique au mal, il m'a fallu chercher à réduire cette circulation aux proportions les plus indispensables. Voulant apporter autant que possible le remède, j'ai supprimé, à partir du 1er décembre prochain, plus de 40 trains, j'ai diminué la circulation totale des trains de plus de deux mille kilomètres par jour et je ne dis pas que je suis au bout.
On me demande si ces suppressions sont définitives. Je réponds très nettement : Oui, à moins que l'encombrement des voyageurs ne m'oblige à rétablir les trains ou quelques-uns des trains supprimés.
Il y a deux choses que je ne ferai pas : je ne diminuerai pas la vitesse des trains et je n'admettrai, dans aucune hypothèse, que les trains arrivent en retard d'une manière permanente. Si donc l'affluence des voyageurs qui se présenteront devient telle que la vitesse des trains soit (page 43) menacée ou qu'on ne puisse maintenir la régularité des trains qu'en diminuant la vitesse, j'instituerai des trains nouveaux. Sinon, non.
Je soumettrai cette question à l'appréciation de la Chambre, lors de la discussion de mon budget. La Chambre sera nécessairement conviée à examiner cette situation ; car elle aura à faire avec moi le décompte des dépenses, eu égard aux recettes probables, et je ne doute pas qu'il ne résulte pour elle, de cet examen, la conviction qu'il n'y a pas moyen de procéder autrement que je le fais.
Je ne sais si les explications que je viens de fournir paraîtront satisfaisantes à l'honorable M. Braconier. Mais je pense qu'il reconnaîtra qu'elles sont nettes et franches.
M. Braconier. - Evidemment le remède à la situation est l’agrandissement de la station de Liège. Je dois cependant présenter une observation à ce qu'a dit l'honorable ministre des travaux publics.
Je crois qu'il y a eu tant soit peu d'imprévoyance dans les dimensions données à la station actuelle. Elle est neuve, elle est à peine achevée et elle est déjà trop petite, on n'a pas assez tenu compte de l'accroissement du mouvement que déterminerait l'abaissement des tarifs.
Je crois, par exemple, que l'on aurait beaucoup mieux fait en reculant le bâtiment de la gare vers la ville. On aurait pu obtenir ainsi un nombre de voies beaucoup plus grand sans augmentation considérable de dépenses.
D'autre part, je signalerai encore ce défaut qui me paraît capital : c'est l'emplacement qu'on a choisi pour la remise des locomotives, qui vient rétrécir la sortie de la station de Liège du côté où aboutissent la ligne du Nord et la ligne de l'Ourthe, la ligne de Verviers et le raccordement de la station de Longdoz. A mon avis donc le plan a été défectueux sous ce rapport ; je crois que si l'on avait tenu compte du mouvement qui devait se faire par suite de l'ouverture de la ligne de l'Ourthe et par suite de l'abaissement des tarifs, on aurait pu sur le même emplacement et avec des dépenses peu considérables, arriver à un résultat beaucoup plus satisfaisant.
M. Lebeau. - Comme vient de le faire l'honorable M. Braconier pour la station de Liége, je viens appeler l'attention de M. le ministre des travaux publics sur l'état déplorable où se trouve la station de Charleroi.
La loi de 1865 sur l'emprunt et les travaux publics comprenait un crédit de 8 millions et l'honorable ministre des travaux publics, interpellé d'abord par la section et ensuite par moi, avait déclaré qu'une partie de ce crédit serait affectée à l'établissement d'une station définitive à Charleroi. Or, vous venez d'entendre de la bouche de M. le ministre que le crédit se trouve complètement absorbé par d'autres travaux alors que la station de Charleroi, qui est une des plus importantes du pays au point de vue du trafic, se trouve toujours dans l'état le plus déplorable, car on n'y a rien consacré des 8 millions votés. Il n'y a pas même de locaux provisoires pour abriter la moitié des voyageurs qui viennent prendre les trains. Aussi je suis persuadé que si M. le ministre des travaux publics était bien renseigné sur ce point, il s'empresserait d'établir au moins des locaux provisoires suffisants en attendant que la station définitive pût être construite et sans que cela la retarde d'un jour.
Je désirerais avoir quelques mots d'explications de M. le ministre à cet égard.
M. Allard. - Messieurs, j'ai les mêmes réclamations à faire que l'honorable député de Charleroi, pour la station de Tournai. On nous avait promis aussi qu'une partie du crédit de 8 millions serait employée à la nouvelle station de Tournai. Nous avons un encombrement incroyable ; il entre et sort jusqu'à 112 convois par jour dans la station actuelle, qui est si étroite. Je crois que le gouvernement doit mettre la main à l'œuvre pour les terrassements de la nouvelle voie, afin que la nouvelle station puisse au moins servir pour les marchandises.
Je me joins donc à l'honorable M. Lebeau pour prier le gouvernement de présenter une nouvelle demande de crédit si le crédit de 8 millions est épuisé.
M. Dumortier. - Il me semble que les observations présentées tout à l'heure par M. le ministre des travaux publics sont tellement simples, tellement justes que chacun doit les comprendre. Que veut-on ? Les districts charbonniers ont voulu avoir un tarif réduit outre mesure ; le trésor public s'en est profondément ressenti et aujourd'hui ils veulent augmenter les dépenses. Ce sont là des choses très déraisonnables.
M. Lebeau. - Ce sont les consommateurs.
M. Dumortier. - Il y en a qui ne consomment pas vos produits et qui payent vos bénéfices.
Je crois pour mon compte que ce qu'a dit l'honorable ministre des travaux publics est fondé. Il a dit : Je le voudrais, que je ne le pourrais pas. A cela il n'y a rien à répondre.
Est-ce que par hasard, je demande pardon de la comparaison, la station de Liège peut se gonfler comme une vessie sous le commandement de M. le ministre ? Cela n'est pas possible, il faut le temps à toutes choses et une station ne se crée pas en quelques minutes.
M. Lebeau. - Les fonds ont été votés.
M. Dumortier. - Ils ne sont pas dépensés.
M. Lebeau. - Si, ils sont dépensés à d'autres travaux.
M. Dumortier. - Ce n'est pas le cas pour Liège, car je crois que nous avons voté beaucoup de millions pour cette ville.
M. Braconier. - Nous avons attendu 25 ans pour avoir une station.
M. Dumortier. - Dans l'origine de la création des chemins de fer, le gouvernement n'accordait de stations intérieures qu'autant que les villes en fassent la dépense. Toutes les villes de la Belgique ont payé le terrain de leurs stations ; la ville de Liège seule s'y est refusée, et c'est de là qu'est venu le retard.
M. Mullerµ. - Il n'a jamais été question de cela.
M. Dumortier. - Je demande pardon, vous ne connaissez pas les faits.
M. Mullerµ. - C'est votre imagination qui vous dit cela.
M. Dumortier. - Le gouvernement disait : Si vous voulez avoir une station intérieure, payez-en le terrain.
Toutes nos villes de la Flandre occidentale ont payé le terrain de leurs stations ; Liège s'y est refusé.
Le gouvernement, qui avait posé le principe, l'a exécuté. Maintenant Liège se plaint, mais il n'a qu'à se plaindre de ceux qui ont créé la situation. (Interruption.)
Dans l'origine, il n'entrait pas dans les vues du gouvernement de prendre à sa charge toute la dépense des stations intérieures des villes, comme on le fait aujourd'hui. Il voulait qu'elles payassent le terrain ; Liège ne l'a pas voulu. Plaignez-vous donc de ce que vous avez fait et ne reprochez pas à d'autres d'avoir été 35 ans sans station intérieure.
Je dis que les observations de M. le ministre sont tellement logiques qu'il n'y a rien à y répondre.
Quant à la station de Tournai, il ne. s'y présente ni gêne ni encombrement.
M. Allard. - Allez-y.
M. Dumortier. - J'y vais fort souvent, et je n'y ai jamais vu ni gêne, ni encombrement.
Si vous avez plus de trains, vous avez plus de waggons, mais pour cela il n'y a pas de situation exceptionnelle.
On a voulu avoir des tarifs offrant un abaissement disproportionné et l'on veut maintenant mettre le trésor public à sec, parce qu'on a fait des tarifs disproportionnés.
M. Braconier. - J'ai demandé la parole uniquement pour dire à l'honorable M. Dumortier que tout ce qu'il a avancé à propos de la station de Liège est de la plus complète inexactitude.
M. Dumortier. - Je l'affirme de nouveau.
M. Braconier. - Vous pouvez l'affirmer de nouveau, mais je vais, vous donner les dates et les chiffres.
En 1836 en vertu d'un arrêté pris par l'honorable comte de Theux, il fut promis à la ville de Liège une station intérieure.
En 1842, les fonds nécessaires à l'exécution de ce travail d'utilité publique furent votés par les Chambres.
En 1847, aucune suite n'avait été donnée à ce projet ; la ville de Liège et la province, faisant ce qu'aucune autre ville n'a fait, quoi qu'affirme l'honorable M. Dumortier, se sont engagées à contribuer dans la dépense pour 1,350,000 francs.
M. Dumortier. - C'est pour la dérivation de la Meuse.
M. Braconier. - Liège est la seule ville du pays qui soit intervenue dans de pareils travaux.
Et voilà comment on écrit l'histoire ! Je me borne à cette rectification, et je crois qu'elle est concluante.
MtpVSµ. - L'honorable M. Braconier suppose, et si je réponds à cette supposition en ce moment c'est pour que des idées erronées n'entrent pas dans la circulation, l'honorable M. Braconier suppose, dis-je, que, si l'on avait avancé le bâtiment des voyageurs vers la ville, le service des marchandises aurait été plus commode à l'intérieur de la station. Selon lui, on a commis une faute en ne procédant pas de cette façon.
Mais, messieurs, la station de Liège serait deux fois plus large que le service ne pourrait se faire devant le bâtiment des voyageurs.
(page 44) L'honorable membre a parlé aussi de remplacement de la remise aux locomotives. Il dit qu'on a rétréci à plaisir la sortie de la station.
C'est une erreur manifeste ; la remise aux locomotives est placée presque à côté du pont sur la Meuse. (Interruption.) Tout près.
- Une voix. - Non.
MtpVSµ. - Elle est placée à une distance telle du pont, que lorsque la station sera définitivement aménagée, elle ne présentera point les inconvénients que l'honorable membre croit pouvoir signaler et que la place ne fera pas défaut.
L'honorable M. Lebeau m'a adressé un reproche auquel je suis sensible et duquel j'entends me laver. Il m'a reproché d'avoir dépensé ailleurs ce qui avait été promis à Charleroi.
Voici ce qui s'est passé : Lors de l'allocation de 8,000,000 de fr. votés il y a quelque temps, j'ai dit qu'une partie de cette somme devait être affectée à la nouvelle station de Charleroi.
En réalité, il n'en a pas été ainsi ; ce qui devait être réservé à Charleroi a été dépensé ailleurs, mais cela a-t-il porté préjudice à Charleroi ? Non ; ai-je fait acte de bonne administration en dépensant ailleurs ce que j'avais promis à Charleroi ? Oui. Je m'explique.
La station de Charleroi sera fort coûteuse. (Interruption.) Il s'agit certainement d'une dépense de 3 à 4 millions.
L'honorable M. Lebeau ne me contredira pas.
M. Lebeau. - C'est la ligne qui rapporte le plus.
MtpVSµ. - Ce n'est pas là un argument péremptoire. (Interruption.) Si je n'avais pas dépensé ailleurs ce qui revenait à Charleroi, en quoi cela aurait-il profilé actuellement à Charleroi ? En rien. Qu'ai-je fait de l'argent réservé à Charleroi ? Comme je l'ai déjà déclaré, je l'ai dépensé à des travaux plus urgents et d'une utilité immédiate.
C'est là, il faut le reconnaître, un acte de bonne administration. Maintenant, en agissant ainsi, ai-je reculé le moment où Charleroi sera en possession de sa station définitive ? Nullement, car, selon moi, en toute loyauté, il faut donner à Charleroi un prélèvement assez considérable sur le premier crédit qui sera demandé aux Chambres pour le chemin de fer. Quand ce crédit sera-t-il demandé ? Je n'en sais rien ; le gouvernement examine ; il le demandera le plus tôt possible ; mais je ne saurais, préciser de date.
M. Lebeau. - Et en attendant ?
MtpVSµ. - En attendant, j'ai acheté des terrains sur compromis, c'est-à-dire qu’il n’y a pas même de temps perdu pour les opérations préliminaires des travaux à exécuter à Charleroi, et que si j’avais aujourd’hui de l’argent en caisse ou si j’avais le bonheur d’en obtenir demain, la ville de Charleroi n’aurait pas éprouvé un retard de 24 heures dans la possession, si justement désirée par elle, de sa nouvelle station.
L'honorable membre demande pourquoi on n'établit pas à Charleroi des installations provisoires plus confortables. J'ai craint que si j'établissais dans la station actuelle de Charleroi des installations provisoires plus commodes, on n'imputât à l'administration l'arrière-pensée de faire du provisoire nouveau et plus complet destiné à durer longtemps. L’honorable membre me dit que si je prends l’engagement qu’il n’en sera pas ainsi, l’établissement de nouvelles installations provisoires ferait plaisir à Charleroi. Je prends volontiers cet engagement. S’il est entend qu’on n’en fera pas un grief à l’administration, les installations provisoires de la station actuelle de Charleroi seront améliorées dans un bref délai.
M. Allard. - Et Tournai ?
MtpVSµ. - Tournai se trouve dans la même situation que Charleroi.
M. Mullerµ. - Il y a un point sur lequel l'honorable ministre des travaux publics ne me paraît pas avoir donné à mon collègue, M. Braconier, des explications suffisantes.
Je veux parler du séjour des marchandises dans les stations après leur arrivée à destination. C'est ainsi qu'une marchandise étant arrivée en gare, le destinataire est obligé parfois de l'attendre 10, 12 et 13 jours, par suite de l'impossibilité où l'on se trouve de la décharger.
A quoi est due cette circonstance ? Je ne sais, mais il importe que l'on porte remède à cette situation, qui est intolérable.
M. Dumortier. - Il m'est impossible de laisser passer sans réponse ce qu'a dit M. Braconier. Que vous a-t-il dit ? Que l'Etat s'est engagé à faire une station à Liège et que la ville de Liège a dépensé pour ses stations plus qu'aucune autre ville. Mais, messieurs, dès l'origine on a donné à Liége deux stations, celles d'Ans et du Haut-Pré ; plus tard on lui en a donné une troisième, celle des Guillemins... (Interruption.) Vous avez eu la station des Guillemins et vous l'avez encore. Vous avez en outre la station de Longdoz.
Mais qu'est-il arrivé ? C'est que vous n'avez pas voulu vous contenter de ce que l'on vous donnait. Les stations avaient été établies sur le parcours du chemin de fer et vous avez réclamé pendant des années une station intérieure. Liège possède déjà quatre stations et quatre stations, à l'intérieur...
MfFOµ. - Je serais curieux de les connaître.
M. Dumortier. - Vous avez aujourd'hui trois stations intérieures, y compris, bien entendu, celles des sociétés particulières. Vous allez en avoir une quatrième qui peut-être même sera accompagnée d'une cinquième.
On vient nous parler de la dépense de 1 1/2 million qu'a faite la ville de Liége, mais la ville de Liège n'a-t-elle pas eu le canal latéral à la Meuse, qui a coûté 10 millions, la dérivation de la Meuse, etc. ? La ville d'Anvers, elle, a bien dépensé 7 millions, et maintenant, elle est encore occupée à d'immenses travaux, pour lesquelles elle n'obtient aucun subside du gouvernement.
Il faut donc être un peu raisonnable, et quand on est si bien loti au banquet du budget que l'est la ville de Liège, bien loin d'avoir le droit d'adresser des reproches à personne, on doit se tenir pour très satisfait, d'avoir eu un ministre dont le dévouement ne lui a jamais fait défaut et qui a fait si bien ses affaires.
MtpVSµ. - Je dois répondre deux mots à une interpellation de l'honorable M. Braconier, que vient de renouveler l'honorable M. Muller, et à laquelle je croyais avoir répondu, au moins implicitement.
Ces honorables membres me demandent : Que comptez-vous faire pour Liège ? J'ai dit déjà, messieurs, ce qu'on faisait ; j'ai dit que l'on construisait en ce moment dans la station de Liège six kilomètres de voies nouvelles. Il est évident que quand ces voies seront construites, les manœuvres seront singulièrement facilitées et que l’emplacement pour l'embarquement et le débarquement des marchandises sera considérablement agrandi.
Il y aura donc là une amélioration réelle et notable. J'ai dit qu'elle ne serait pas complète, mais il est évident qu'elle sera réelle et très sensible.
On me promet de la manière la plus positive que la construction de ces six kilomètres de voies nouvelles sera achevée dans trois semaines. Je dis qu'on me le promet, et vous comprenez, messieurs, que je ne puis rien dire de plus. Tout ce que je puis ajouter, c'est que je prend toutes les mesures nécessaires, toutes celles qui dépendent de moi pour qu'il en soit ainsi.
J'espère donc que, d'ici à trois semaines, comme on me le promet, dans un mois au plus tard, ces voies seront achevées ; et dès lors il se manifestera nécessairement une amélioration notable dans la marche du service.
En attendant, je me suis entendu avec la compagnie du Nord pour dériver journellement, vers la station de Longdoz, un grand nombre de waggons. Cette mesure vient d'être complétée par mon honorable collègue M. le ministre des finances, qui a autorisé, à titre provisoire, l'installation d'un bureau de douane à cette même station de Longdoz.
- L'incident est clos.
MfFOµ. - D'après les ordres du Roi, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre :
1° Un projet de loi qui approuve le protocole concernant la convention relative à la législation des sucres et qui ouvre au département des finances un crédit de 185,000 francs ;
2° Un projet de loi qui permet aux pensionnés de résider à l'étranger sans l'autorisation préalable du gouvernement ;
3° Un projet de loi ayant pour but de consacrer la liberté du travail des matières d'or et d'argent ;
4° Un projet de loi relatif à la péréquation cadastrale ;
5° Un projet de loi qui modifie quelques dispositions de la législation qui régit la caisse des dépôts et consignations et la comptabilité de la caisse d'amortissement.
MpVµ. - Il est donné acte à M. le ministre des finances du dépôt de ces projets de lois, qui seront imprimés, distribués et renvoyés à l'examen des sections.
(page 45) M. le ministre de la justice (M. Bara). - D'après les ordres du Roi, j'ai l’honneur de déposer sur le bureau de la Chambre :
1° Un projet de loi sur la pêche fluviale ;
2° Un projet de loi abolissant l'article 1781 du Code civil ;
3° Un projet de loi abolissant la contrainte par corps.
MpVµ. - Il est donné acte à M. le ministre de la justice de la présentation de ces projets de lois qui seront imprimés et distribués.
Comment la Chambre entend-elle les faire examiner ?
- Plusieurs membres. - Par les sections !
M. Orts. - Je crois aussi qu'il convient de renvoyer ces deux derniers projets aux sections ; mais quant au projet de loi sur la pêche fluviale, il serait préférable, je pense, de le renvoyer à l'examen d'une commission à nommer par le bureau.
C'est ainsi que la Chambre a procédé toutes les fois qu'elle a été saisie de projets de lois de ce genre et notamment quand il s'est agi de la révision du Code forestier.
- Cette proposition est adoptée.
Grande naturalisation. Demande du sieur César-Joseph Beduwé
Le rapport de la commission est ainsi conçu :
« Messieurs,
« Le sieur Beduwé sollicite la grande naturalisation.
« Le pétitionnaire, qui exerce la profession de mécanicien, est né à Liège, le 6 janvier 1838, d'un père allemand et d'une mère belge de naissance ; il s'est marié, en 1856, avec une femme native de cette ville.
« Associé avec son oncle, M. François Requilé, mécanicien et constructeur de pompes à incendie, il est à la tête d'un établissement important qui occupe un grand nombre d'ouvriers.
« Les autorités consultées donnent les renseignements les plus favorables sur sa conduite et son honorabilité, et expriment l'avis qu'il y a lieu d'accueillir sa demande, le pétitionnaire se trouvant dans le cas prévu par le paragraphe 5 de l'article 2 de la loi du 27 septembre 1835.
« Votre commission a également l'honneur de vous proposer de prendra sa demande en considération, le requérant promettant, au surplus, d'acquitter le droit d'enregistrement. »
Il est procédé au scrutin secret sur cette demande.
Nombre des volants, 81
Majorité absolue, 41
Boules blanches, 70
Boules noires, 11.
En conséquence la demande est prise en considération. Elle sera transmise au Sénat.
Naturalisation ordinaire. Demande du sieur Prevost
MpVµ. - La commission est d'avis que le sieur Prévost possède la qualité de Belge et que dès lors sa demande est sans objet. En conséquence, elle propose de passer à l'ordre du jour.
- Cette conclusion est mise aux voix et adoptée.
MpVµ. - Le bureau a composé ainsi qu'il suit la commission chargée d'examiner le projet de loi sur la pêche fluviale : MM. d'Elhoungne, Thonissen, Tesch, Guillery, Jacobs et Bouvier.
- La séance est levée à 4 heures et demie.