(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1866-1867)
(Présidence de M. Lange, doyen d’âgeµ.)
(page 9) M. Liénartµ procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. de Conninckµ donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.
- La rédaction en est approuvée.
M. de Liedekerkeµ retenu par une indisposition s'excuse de ne pouvoir assister à la séance.
- Pris pour notification.
MpLangeµ. - La parole est à M. Jacobs.
M. Jacobsµ. - Je suis la voix discordante qui, dans le sein de la commission, s'est prononcée contre l'admission des élus de Gand et en faveur d'une enquête parlementaire. La proposition que j'y ai faite, je viens la reproduire ici.
Il y a 7 ans, à la suite des élections de l'arrondissement de Louvain, un des élus de Gand, ancien président de cette assemblée, futur président peut-être, s'exprimait ainsi :
« Une pétition nous est adressée par des personnes très respectables ; on nous indique des faits précis, on nous cite des témoins. Je ne sais si nous pourrions jamais être saisis d'une plainte plus régulière et plus légitime. »
Les termes dont cet honorable membre se servait pour qualifier les pétitions de Louvain, j'ai le droit de m'en servir pour qualifier les deux pétitions de Gand.
Voici, messieurs, les circonstances relatées dans ces pétitions.
Le 21 mai dernier, lundi de la Pentecôte, un meeting flamand était annoncé à Gand. Ce meeting fut entravé par la violence. Le même jour, l'association de Saint-François-Xavier se rendait en corps, dans un but tout autre que le meeting, dans un autre endroit de la ville. Cette association fut assaillie par des bandes d'ouvriers, une hampe du drapeau fut brisée, plusieurs médailles d'associés arrachées.
Ces faits furent signalés au Sénat par un honorable sénateur qui habile Gand, M. le baron Dellafaille.
En suite d'une promesse qu'il avait faite à cette occasion, M. le ministre de l'intérieur fit paraître une circulaire électorale dans laquelle il recommandait aux autorités de veiller à ce que l'ordre, la sincérité et la liberté présidassent aux élections.
Mais, comme le dit la pétition, au moment où M. le ministre de l'intérieur rédigeait cette circulaire, un de ses fonctionnaires, le commissaire d'arrondissement de Gand, rédigeait un autre document, la répartition des électeurs de Gand en 15 sections.
D'après l'article 19 de la loi électorale, lorsqu'il y a plus de 400 électeurs, le collège doit être divisé en sections, dont chacune ne peut être moindre de 200, et sera formée par cantons, ou communes ou fractions de communes les plus voisines entre elles.
Un ancien représentant de Liège, M. Delfosse, lors de la discussion de cet article à la Chambre, s'exprimait de la manière suivante :
« Je comprends l'article 19 en ce sens que l'on ne peut mêler les électeurs de la ville à ceux des campagnes, que lorsqu'il en reste une fraction insuffisante pour former une section complète. »
Quelque fût le but qui le guidât, l'interprétation de M. Delfosse constate le sens de l'article 19.
D'autant plus que M. le ministre de l'intérieur d'alors répondit : « C'est juste. » Le but de cette disposition est d'ailleurs facile à saisir. M. Delebecque, après l'avoir citée, ajoute : « C'est le moyen d'éviter des combinaisons dans le sens d'une opinion ou d'un parti. »
La loi a voulu exclure l'arbitraire ; l'a-t-il été dans la circonstance actuelle ?
La loi a toujours été appliquée dans son esprit dans l'arrondissement que représentait M. Delfosse que je viens de citer, et que représente aujourd'hui M. Elias.
J'ai eu sous les yeux, il n'y a qu'un instant, la division de l'arrondissement de Liège en sections à l'élection de cette année-ci ; et j'ai constaté que toutes les sections urbaines y ont été pures de tout mélange de campagnards ; il n'y a que la dernière, à laquelle les électeurs de Jupille, d'Angleur et de Grivegnée aient été adjoints.
Dans l'arrondissement d'Anvers, que j'ai l'honneur de représenter, il en a été de même ; Berchem et Borgerhout, les deux faubourgs, sont adjoints au dernier bureau de la ville.
M. Hymans. - Et à Bruxelles ?
M. Jacobsµ. - Si l'on a tort à Bruxelles, ce n'est pas une raison pour généraliser ce tort.
- Un membre. - A-t-on tort à Bruxelles ? C'est la question.
M. Hymans. - Cela s'est toujours fait ainsi et il n'y a jamais eu de réclamation.
M. Jacobsµ. - Puisqu'on parle de Bruxelles, je vais dire ce qui en est.
En 1866, il y avait encore à Bruxelles six sections où les électeurs de la ville seuls ont voté et dix sections où les électeurs campagnards seuls ont voté.
M. Hymans. - C'est une erreur.
M. Jacobsµ. - Eh bien, je vais vous citer les chiffres.
M. Hymans. - Je les connais.
M. Jacobsµ. - Eh bien, à Bruxelles, à la dernière élection encore, les sections 1, 2, 3, 4, 7 et 11 étaient composées exclusivement de citadins ; les sections 5, 6, 10, 13, 16, 19, 21, 22, 23 et 24 étaient composées exclusivement de campagnards.
J'attends votre rectification.
M. Hymans. - Et dans les autres sections ?
M. Jacobsµ. - Voilà donc les trois quarts des sections composées comme le veut la loi. Je crois donc pouvoir me dispenser de m'arrêter plus longtemps aux interruptions de l'honorable membre.
A Gand, au contraire, que s'est-il passé ? Lors de l'élection de 1864, sur 14 bureaux il n'y en avait que 2 où les électeurs de la ville et des campagnes fussent mélangés : sept étaient composés exclusivement d'électeurs citadins, cinq d'électeurs des campagnes.
En 1866, c'est précisément le contraire : sur quinze bureaux, il n'y en a plus eu que deux sans mélange ; les 13 autres sont composés d'électeurs de la ville et des campagnes mélangés.
L'honorable M. Elias, rendant compte de ce fait dans son rapport, s'exprime ainsi :
« Tout ce que la loi exige, c'est que les électeurs d'une même section appartiennent à des communes ou fractions de communes voisines, et par là on entend celles dont les territoires se touchent ou sont peu éloignés ; et c'est, dit-il, ce qui a été scrupuleusement observé lors des dernières élections de Gand. »
L'honorable M. Elias a taxé de légèreté la réclamation qui nous est adressée. Ne mérite-t-il pas mieux ce petit reproche lui-même ?
Voici, en effet, ce qui s'est passé à Gand : Sur 15 bureaux électoraux, il y en a eu 13 où les électeurs de la ville et ceux des campagnes ont été confondus.
Dans le premier, au milieu de 293 électeurs de la ville, se trouvaient égarés les 18 électeurs de la commune de Zulte, la plus éloignée du chef-lieu, située près de la frontière de la Flandre orientale, à 26 kil. de Gand.
Voilà comment les règles de voisinage ont été observées. On pourrait croire que le commissaire de l'arrondissement de Gand a mis toutes les communes de cet arrondissement dans un sac et qu'il les a tirées au sort, s'il ne fallait y reconnaître une combinaison de parti. (Interruption.)
Dans le second bureau, il y a eu 360 électeurs de la ville et 151 électeurs ruraux, appartenant à cinq communes dont trois font partie du canton de Melle et deux du canton d'Oosterzeele.
Dans le dernier bureau il y a eu 282 électeurs de la ville et 215 électeurs campagnards appartenant à quatre communes du canton de Nevele, à deux du canton d'Aeltre et une du canton de Lovendeghem.
Le 6ème bureau est composé de même. 119 électeurs urbains, une commune du canton de Tronchiennes, douze de celui d'Oosterzeele, deux de celui de Melle.
Le 8ème bureau ajoute à 272 électeurs gantois, 245 électeurs campagnards appartenant à deux communes du canton de Somergem, trois de celui dé Lovendegem et une du canton d'Aeltre.
(page 10) Le 9ème bureau a 322 électeurs citadins, 125 campagnards de deux communes, l'une du canton de Waerschoot, l'autre de celui de Somergem.
Tandis que le bureau suivant, le dixième, mélange les électeurs de la seconde commune du canton de Waerschoot et ceux d'une commune du canton d'Evergem à 200 électeurs du chef-lieu.
Le onzième et le douzième bureaux se trouvent dans la même position.
Le treizième bureau contient deux communes rurales, outre les électeurs urbains ; ces deux communes sont celles d'Aeltre et Meygem qui sont respectivement à 22 et à 17 kilomètres de Gand et qui sont distantes entre elles de 13 kilomètres.
Enfin, messieurs, les deux derniers bureaux, le 14ème et le 13ème sont seuls exclusivement composés de campagnards.
Dans le 14e bureau se. trouvent trois communes du canton de Loochristy et tout le canton de Wachtebeke, le seul qui reste entier.
Dans le 13ème bureau se trouvent, dix communes du canton de Deynze, deux de Nevele, deux de Nazareth.
Vous le voyez, la plus haute fantaisie ou la combinaison la plus savante a présidé à cette répartition, à cet éparpillement des électeurs ruraux.
Je signale le fait à M. le ministre de l'intérieur.
Une circulaire, comme M. le ministre sait en faire, ayant pour objet de recommander aux fonctionnaires administratifs l'exécution loyale et sincère de l'article 19 de la loi électorale, conformément aux commentaires de M. Delfosse, ne serait pas chose inutile.
Si celle violation de la loi électorale était un fait isolé, il aurait déjà une gravité considérable ; mais les pétitionnaires en signalent d'autres qui, joints à lui, constituent tout un système d'intimidation, et caractérisent le but de l'éparpillement.
Les faits de violence affirmés par les pétitionnaires sont de telle nature que, s'ils sont vrais, ils démontrent un ensemble de mesures d'intimidation qui ont dû fausser le résultat de l'élection, en empêchant les uns de se rendre au scrutin, en déterminant les antres à voter, sous l'empire de la peur, contrairement à leur conscience.
Voici ces faits : le matin de l'élection, des bandes nombreuses, sorties de la ville, sont allées au-devant des électeurs campagnards, et ils les ont assaillis, les ont divisés, ont poursuivi les uns, entraîné les autres, avec accompagnement de huées et de voies de fait. Tel est l'ensemble des faits que vous signalent les pétitionnaires.
Comme détails, on vous affirme que les chevaux qui balaient la barque qui amenait les électeurs de Lovendeghem, ont été précipités dans le canal ; je ne sais si ce sont les cris, poussés par ces bandes, qui les ont effrayés ou s'ils y ont été poussés, mais le fait est qu'on les y a fait tomber.
Plusieurs voitures, celle de M. Vandamme, curé à Everghem, celle de M. Libert, curé de Mariakerke, celle de M. De Ridder, prêtre à Lovendeghem, sont spécialement désignées comme ayant été assaillies par ces bandes. Un grand nombre d'électeurs ruraux, d'après les renseignements qu'on nous donne, auraient été littéralement bloqués dans un local, le Maria s'Kring, jusqu'à ce que l'intervention de la police requise par M. Jean Casier, l'un des pétitionnaires, les eût rendus à la liberté. Si ces faits sont exacts, il y a là des manœuvres d'intimidation, sans exemple, dans nos annales électorales.
Le rapport cherche par deux objections à en combattre la gravité.
Il nous dit : Mais il n'y a pas eu de plainte, le parquet n'a reçu aucune dénonciation.
Je réponds que la Chambre, à différentes reprises, a ordonné des enquêtes parlementaires, sans qu'aucune plainte eût été déposée, ou bien lorsque les plaintes avaient été suivies d'ordonnances de non-lieu.
Quand vous avez ordonné une enquête sur les élections de Louvain, quand vous avez ordonné une enquête sur l'élection de Bastogne, il n'y avait aucune poursuite judiciaire, il n'y avait ni plainte ni dénonciation, si ce n'est celle de M. Orban contre les pétitionnaires qui l'avaient calomnié.
Dans l'élection de Bruges, il y avait eu des plaintes, il y avait eu une instruction, mais elle avait abouti à une ordonnance de non-lieu.
Ceci prouve qu'il y a une différence immense entre les faits de violence, de pression ou de corruption, de nature à occasionner une poursuite et les fails du même genre, de nature à vicier les résultats d'une élection.
La seconde réponse qu'on nous fait est tirée du nombre des votants ; jamais il n'a été aussi grand ; sur 7,262 inscrits, il y a eu 6,702 votants ; il n'y a eu que 360 électeurs absents, ce qui fait 8 et une fraction pour cent.
Je rappellerai encore ici un précédent parlementaire. Lors de l'élection de Bastogne, il était allégué que, dans certaines communes, les convocations n'avaient pas été remises d'une manière générale ou en temps utile. Il était établi par le dossier de l'élection que sur 266 électeurs que comprenaient ces communes, 241 s'étaient rendus au scrutin. Il n'y avait donc que 25 absents, ce qui fait la proportion de 9 p. c, à peu près la même qu'à Gand. Cependant que disait alors l'honorable M. de Brouckere ? « 25 électeurs appartenant à des communes où les convocations n'ont pas été remises ou ont été remises tardivement, n'assistaient pas à l'élection. Je veux savoir pour quel motif. J'accepterai facilement les explications qui me seront données. Mais dans l'état où sont aujourd'hui les choses, je suis réellement embarrassé. Je doute et je n'ose émettre un vote affirmatif. Qu'on nous fournisse des explications, je les accepterai, mais je ne saurais me prononcer aujourd'hui dans l’état où se présente à nous la question. »
Cependant la proportion des absents était très faible, 9 p. c. Elle était moins forte que dans les autres communes de l'arrondissement, où les convocations avaient été faites en temps utile. Néanmoins, l'honorable M. de Brouckere, pour s'éclairer, vota l'enquête. L'enquête eut lieu et vous savez ce qui en est résulté.
M. de Brouckere. - Je ne demandais pas l'enquête dans les paroles que vous avez citées, j'ai dit que j'accepterais les explications qu'on me donnerait.
M. Jacobsµ. - Ce sont les seules paroles qu'avait prononcées l'honorable M. de Brouckere. Il a voté l'enquête dans la même séance. Il n'a pas suivi l'exemple de l'honorable M. Pirmez, qui s'est abstenu, précisément parce que, d'après lui, il y avait d'autres moyens qu'une enquête pour vérifier les raisons spéciales de l'absence de ces électeurs. L'honorable M. de Brouckere, en ne suivant pas l'exemple de l'honorable M. Pirmez, était donc d'avis que c'était par une enquête qu'il fallait rechercher ces causes.
M. de Brouckere. - Je demandais des explications verbales ; elles ne m'ont pas été fournies.
M. Wasseige. - A qui ?
M. de Brouckere. - A ceux qui pouvaient me les donner.
M. Wasseige. - Il n'y avait que les électeurs qui pouvaient les donner.
M. Jacobsµ. - Une seconde série de violences nous est signalée. Je n'ai parlé jusqu'ici que de celles qui ont précédé les élections. Je vais dire un mot de celles qui ont eu lieu pendant l’élection, pendant le dépouillement et qui ont empêché de faire ce dépouillement avec les garanties voulues.
Les pétitionnaires affirment que dans le premier bureau plusieurs personnes ont été victimes de voies de fait et ont été expulsées. Dans le 2ème, le 15ème, le 14ème, le 8ème, le 15ème, il en a été de même, et chaque fois ils citent les personnes qui ont été expulsées et celles qui peuvent en témoigner.
Qu'on ne dise pas qu'on a seulement voulu faire circuler les personnes qui stationnaient derrière le bureau, car, d'après les pétitionnaires, on aurait littéralement expulsé plusieurs personnes, et je crois, messieurs, que ce fait n'est pas même contesté.
Puis vient le contrôle des bulletins marqués. On vous affirme encore une fois que, dans le 11ème et dans le 7ème bureau, des scrutateurs ont eu pour mission de contrôler les bulletins marqués ; on cite des témoins qui ont constaté ce contrôle.
Si, messieurs, ces faits sont réels, ils présentent un ensemble de moyens d'intimidation, de pression et de violence qui ne s'est présenté dans aucune autre élection et, remarquez-le, ces faits sont affirmés par des personnes des plus respectables, autant au moins que les pétitionnaires de Louvain.
A côté de leur dénonciation vient se placer un aveu. Un journal libéral fait, de la journée du 12 juin, une description à peu près identique.
L'Etoile belge du 14 juin 1866 constate d'abord que « c'est à Gand que s'est livrée la véritable bataille électorale. On sentait de part et d'autre qu'il y allait de l'existence du libéralisme et que du scrutin de Gand sortirait la victoire ou la défaite morale du cabinet. Aussi la ville, surexcitée par la polémique électorale des journaux de partis, était-elle depuis plusieurs jours dans un état d'agitation extraordinaire... »
Elle ajoute que « la liste des catholiques avait le caractère d'un défi jeté aux électeurs. » Il en est toujours ainsi ; les principes des catholiques sont un défi, leurs personnes sont un défi, et comme un défi autorise tout, on peut tout s'autoriser contre eux.
L’Etoile belge dit encore : « Dès le matin, le jour des élections, les libéraux, sûrs des électeurs (page 11) de la ville, se répandaient au dehors pour attendre les campagnards amenés en voiture par des courtiers électoraux, parmi lesquels il y avait beaucoup de prêtres, mettre ces courtiers en déroute pour soustraire à leur surveillance les campagnards et conduire ceux-ci au scrutin après avoir changé leurs bulletins de vote. Est-il vrai qu'à cette occasion il y ait eu des coups portés, et des voitures quelque peu enfoncées ? Nous n'en savons rien au juste, mais le bruit en courait en ville.
« Dans les bureaux, pendant le vote, on se mesurait du regard, on se menaçait ; libéraux et catholiques se reconnaissaient d'un coup d'œil ; ce n'étaient plus là des adversaires, mais des ennemis. Pendant le dépouillement, les électeurs eux-mêmes faisaient la police autour des bureaux. Vous auriez voulu vous arrêter pour surveiller les opérations ou reconnaître les bulletins : pas du tout, il fallait marcher, circuler, le stationnement étant interdit. Un de nos correspondants nous rapporte qu'au bureau central un avocat bien connu de la ville, qui voulait surveiller le dépouillement, a été enlevé comme une plume et transporté par dessus les têtes de la foule jusqu'à dix mètres de l'hôtel de ville. »
On ne se bornait donc pas à empêcher le contrôle des bulletins marqués, on ne se bornait pas à empêcher le stationnement, mais on expulsait les électeurs catholiques du bureau, on les passait par-dessus les têtes pour les faire retomber à dix mètres de l'hôtel de ville.
« Dans ce même bureau, pendant le recensement des votes des autres bureaux, la foule était tellement compacte, anxieuse et même menaçante - parce que tels résultats paraissaient favorables aux catholiques, - qu'à un certain moment, le président crut devoir donner ordre à la police de faire évacuer la salle. Il y avait là trente agents ; en vain essayèrent-ils de se mouvoir, cela leur fut impossible : ils se trouvaient en face d'un véritable mur. Le président, nous assure-t-on, fit avertir la gendarmerie pour qu'elle se tînt à sa disposition, et M. le bourgmestre lui assigna un local à côté du bureau. Heureusement les résultats subséquents arrivèrent de plus en plus favorables aux libéraux, bientôt leur triomphe fut certain, et la proclamation du résultat définitif du scrutin fut acclamé aux cris de « vive le Roi ! vive la Constitution ! vivent les libéraux ! » avec un enthousiasme tel, que les électeurs catholiques jugèrent prudent de déguerpir et de ne pas se présenter au ballottage. »
La plupart des faits cités par les pétitionnaires sont confirmés par ce journal ; les bandes sortant de Gand, allant au-devant des électeurs campagnards, les dispersant, leur enlevant leurs bulletins, la foule menaçante quand les résultats paraissent favorables aux catholiques, enthousiaste jusqu'au délire lorsqu'ils se prononcent en faveur des libéraux ; voitures assaillies, dit-on ; coups portés, dit-on, tout y est.
En présence d'accusations émanées de personnes ayant un caractère sérieux, confirmées par les aveux de leurs adversaires, nous avons des présomptions de vraisemblance de faits d'une gravité exceptionnelle. Il importe d'en rechercher la vérité. (Interruption.)
Vous avez de la peine à vous résoudre à ce sacrifice ; il y a trois ans un de nos collègues de Bruges ne balançait pas, lui.
« Dès l'instant, disait M. Deridder, qu'il surgit le moindre doute sur la sincérité du vote qui m'appelle dans cette Chambre, je crois devoir appuyer toute proposition faite dans le but de lever le doute. »
Vous l'avez applaudi, messieurs, l'imiterez-vous ?
MpVµ. - La proposition suivante vient de parvenir au bureau :,
« Je propose à la Chambre d'ordonner une enquête parlementaire sur les élections de Gand.
« (Signé) Jacobs. »
- Cette proposition est appuyée. Elle fait partie de la discussion.
M. Verwilghen, dont les pouvoirs ont été validés dans une séance précédente, prête serment.
M. Eliasµ. - Dans le discours qu'il vient de prononcer, M. Jacobs n'a apporté aucune preuve nouvelle des allégations contenues dans les pétitions que la commission a examinées avec le plus grand soin.
M. Jacobs a cru devoir rappeler, pour appuyer son opinion, des paroles prononcées par M. Vandenpeereboom dans une discussion ancienne. Je me permettrai de faire comme lui et de mettre la mienne sous le patronage de M. Dumortier. Dans la séance du 10 novembre 1863, il disait : « Quelle est, messieurs, la véritable cause de ce débat ? 11 n'y en a pas d'autre, c'est que M. Rogier n'a pas été élu à Dinant, c'est que M Devaux n'a pas été élu à Bruges. »
Eh bien, la véritable cause du débat d'aujourd'hui, ce ne sont ni les scènes de désordre qui se sont passées à Gand, ni les irrégularités, ni aucun des faits qu'on étale si complaisamment ; la véritable cause, c'est que M. Debaets est remplacé par un libéral.
On parle des meetings flamands qui auraient été empêchés, des associations de Saint-François-Xavier qui n'auraient pu tenir leur réunion ordinaire. Mais ces faits se sont produits près d'un mois avant l'élection. Depuis, M. le ministre de l'intérieur a pris toutes les précautions nécessaires pour assurer la sincérité du vote qui devait avoir lieu en juin ; les scènes ne se sont plus renouvelées, la ville de Gand est restée dans le calme le plus parfait.
Les faits que l'on a rappelés ne peuvent donc avoir exercé aucune influence sur les élections ; mais il y a plus. Si la théorie de M. Jacobs était admise, il suffirait qu'il se passât dans un chef-lieu d'arrondissement, à un moment quelconque, un fait étranger aux élus, étranger même à la politique, mais tumultueux, donnant lieu à des désordres, pour que l'on pût venir réclamer plus tard l'annulation des élections qui après auraient lieu dans ce chef-lieu.
Ce n'est pas, j'en suis certain, le résultat auquel veut aboutir M. Jacobs.
Pour interpréter l'article 19 de la loi électorale, M. Jacobs a rappelé des paroles prononcées par M. Delfosse, lors de la discussion de la loi de 1843. M. Delfosse ne voulait pas, dit-il, qu'un grand nombre d'électeurs des villes fut mêlé aux électeurs des campagnes ; mais ce n'était pas an point de vue de la composition des bureaux, de la division des électeurs que parlait M. Delfosse, c'était uniquement et simplement pour que les scrutateurs des divers bureaux pussent constater l'identité des électeurs.
M. Jacobsµ. - Le but ne change rien aux faits.
M. Eliasµ. - Comment ?
MfFOµ. - C'est le but qui explique le texte. (Interruption.)
M. Eliasµ. - Si vous disiez qu'aux élections de Gand les scrutateurs n'ont pu constater l'identité des électeurs, que telle personne a voté pour un électeur, je comprendrais que vous vinssiez invoquer l'opinion de M. Delfosse ; mais ici, rien de semblable.
M. Jacobs, tout en reconnaissant que dans les villes de Liège, de Bruxelles, de Gand les électeurs des campagnes ont toujours été mélangés aux électeurs des villes et que l'article 19 n'est pas impératif, dit, que cette fois cependant le commissaire d'arrondissement a fait une division tout à fait fantaisiste en dispersant complètement les électeurs des campagnes dans les bureaux des électeurs des villes. Quelle qu'elle ait été, je crois que cette répartition n'a pu avoir la moindre influence sur le résultat des élections de Gand, les conservateurs eux-mêmes devaient en être convaincus puisque, connaissant la répartition quinze jours au moins avant les élections, ils n'ont pas fait la moindre réclamation.
S'ils s'étaient adressés à M. le ministre de l'intérieur, celui-ci aurait bien certainement blâmé son subordonné d'avoir posé un acte contraire à l'équité. Mais on s'est abstenu et c'est seulement aujourd'hui qu'on vient produire ce prétendu grief.
M. Jacobsµ. - Comme pour Louvain.
M. Eliasµ. - Du reste les faits qu'on articule ont-ils empêché les électeurs d'être aussi nombreux que les autres années ? Mais non, au contraire, ils ont été plus nombreux, et dès lors on ne peut dire que ces faits aient exercé une influence sur les élections.
Le texte de la loi a été observé ; l'esprit n'en a pas été violé et je ne pense pas que l'on puisse tirer des faits allégués un prétexte même d'annulation.
Maintenant, messieurs, répondrai-je aux faits de violence qui d'après M. Jacobs ont empêché l'arrivée des électeurs campagnards ? M. Jacobs ne fait que répéter les faits contenus dans les pétitions. Il n'a fait que les grouper avec beaucoup d'art. Ces faits sont parfaitement connus : On dit que « les bandes organisées ont bloqué les électeurs des campagnes, leur ont subtilisé des bulletins, les ont empêchés d'aller voter, etc. »
Si ces faits étaient vrais, si un seul bulletin avait été subtilisé et si un seul électeur venait se plaindre d'avoir été l'objet de violences, je comprendrais la réclamation ; mais pas une seule plainte n'a été produite, les élections de Gand n'ont jamais donné lieu à moins de contraventions et de poursuites. Jamais elles n'ont été aussi calmes.
Je ne vois donc pas comment il est possible de prétendre qu'ils auraient violé l'élection.
On ne doit pas, dit-on, tenir compte du nombre des électeurs présents. Il me semble cependant que c'est là un fait important. Comment ! vous prétendez que des faits de violence ont eu pour but et pour effet d'empêcher les électeurs campagnards de venir voter. Je dis que jamais il n'y a eu plus d'électeurs présents et vous répondez que cela ne signifie (page 12) rien. Cela signifie, me semble-t-il, que dans tous les cas, alors même que les faits seraient exacts, ils n'auraient eu aucun effet ; que les électeurs campagnards sont venus voter ; qu'ainsi le résultat de l'élection n'a pas été changé pour eux.
Quant aux faits qui se sont passés lors du dépouillement, l'honorable M. Jacobs n'a rien répondu à l'observation faite qu'on a été libre de contrôler et qu'on a contrôlé le dépouillement.
Les procès-verbaux de plusieurs bureaux contenant des réclamations constatent que le contrôle a été exercé.
Quant aux bulletins marqués, l'honorable M. Jacobs et les pétitionnaires prétendent que les scrutateurs tenaient note des bulletins marqués.
S'il y avait eu des bulletins marqués, je m'étonne que les personnes de Gand qui s'occupent de politique, et elles sont nombreuses, n'aient fait annexer aucun de ces bulletins marqués aux procès-verbaux des sections.
Je ne vois donc, messieurs, aucun motif qui puisse vous empêcher de valider immédiatement les élections de Gand.
M. de Theuxµ. - Messieurs, j'ai été véritablement étonné de voir le peu d'importance que l'honorable préopinant attache à une prescription formelle, claire et précise de la loi électorale.
S'il est une loi pourtant dont l'observation doive être strictement surveillée par le parlement, c'est, à coup sûr, la loi électorale, car c'est de la stricte observation de cette loi que dépend la sincérité de la représentation nationale, la sincérité du régime représentatif.
En dehors des garanties de la loi, il n'y a plus de Chambre, plus de représentation nationale qui mérite réellement la confiance du pays.
L'honorable M. Jacobs vous a signalé l'importance qu'un de nos anciens collègues, M. Delfosse, attachait à la stricte observance de l'article 19 de la loi électorale, et la réponse qu'a faite M. le ministre de l'intérieur que c'était également son opinion, observation et réponse qui n'ont rencontré aucune contradiction dans cette Chambre.
Mais, dit-on, l'honorable M. Delfosse n'avait en vue que la désignation des membres du bureau de chaque section. C'est là, messieurs, une grande erreur.
L'honorable M. Delfosse a signalé ce fait, mais il n'a pas expliqué les autres motifs pour lesquels cette disposition existe, et je m'étonne qu'après les discussions qui ont duré pendant plusieurs années sur la répartition des électeurs dans les diverses sections d'un collège électoral, on vienne aujourd'hui amoindrir l'importance de cette répartition.
Vous avez demandé la répartition des électeurs par ordre alphabétique ; nous avons, dans l'intérêt de l'indépendance des électeurs, maintenu la composition des sections électorales d'après les cantons et les communes les plus rapprochées entre elles.
Qu'a fait la Chambre lors de la discussion du projet de loi sur les fraudes électorales ? Elle n'a modifié qu'en un seul point la législation existante ; elle n'a pas du tout permis aux commissaires d'arrondissement de distribuer arbitrairement les électeurs dans une section ou dans une autre. Seulement le projet de loi introduit une nouveauté ; c'est que tous les électeurs d'une même section sont classés par ordre alphabétique.
Voilà la seule modification, la seule disposition nouvelle que la législature a votée. et il est à remarquer que ce projet n'est pas encore converti en loi ; de sorte que, jusque-là, ce que nous avons à observer, c'est la loi du Congrès national, loi qui a été confirmée par celle de 1843.
Maintenant, est-il permis de violer un des principes essentiels de cette loi sans encourir une responsabilité ? Cela n'est pas soutenable ; et, dans mon opinion, la responsabilité ici devrait être d'abord pour l'agent qui a violé la loi ; c'est l'opinion du gouvernement. Quant à nous, messieurs, nous n'avons qu'une chose à faire, c'est de faire respecter la loi en annulant l'élection de Gand.
M. le rapporteur nous dit : Que signifient les troubles qui ont eu lieu à Gand un mois avant l'élection à l'occasion d'un meeting flamand et d'une réunion de la société de Saint François-Xavier ? Sans doute, messieurs, si ces faits étaient isolés, ils auraient moins d'importance ; mais il est évident que, dès le jour de ces manifestations on préludait aux scènes de violence qui ont précédé et accompagné l'élection au parlement.
Mais, nous a-t-on dit, pourquoi n'a-t-on pas porté plainte à l'autorité judiciaire pour obtenir justice des violences qui ont été exercées avant, pendant et après l'élection ?
Messieurs, lors de la discussion de la loi sur les fraudes électorales, j’ai eu déjà l'occasion de dire que cette garantie était insuffisante, attendu que lorsque l'autorité locale et le gouvernement patronnent certaines candidatures, on ne pouvait guère compter sur l'initiative des agents de la police locale ou des agents inférieurs de l'autorité judiciaire. Cela est de toute évidence.
Mais je demanderai si des poursuites ont eu lieu au sujet des violences qui ont été exercées à l'occasion du meeting flamand et de la réunion de la société de Saint-François-Xavier. Pour moi, je n'en ai pas eu connaissance.
Quelle confiance peut-on donc avoir dans l'initiative des agents de la police au sujet de l'élection de Gand ? Et je n'ai pas besoin de faire ressortir la différence énorme qu'il y a entre les faits. Du reste, les plaignants n'étaient pas obligés de s'adresser à l'autorité judiciaire. Il est très rare qu'on s'y soit adressé en pareille matière ; cela n'a eu lieu qu'une fois à propos d'une élection à Bruges.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Il n'y a pas eu de délit à Gand.
M. de Theuxµ. - C'est la seule fois qu'une plainte a été adressée à l'autorité judiciaire avant la vérification des pouvoirs. Et pourquoi, messieurs, en est il ainsi ? Mais parce que le parlement est compétent pour annuler ou valider les élections ; parce que nous avons la ressource de l'enquête parlementaire que nous avons organisée par une loi.
Eh bien, faites une enquête parlementaire ; dans cette enquête les témoins parleront sans crainte ; et nous examinerons les motifs invoqués pour valider ou pour annuler les élections de Gand. Voilà, messieurs, la véritable marche à suivre sons peine de sacrifier tous les principes du système parlementaire et du système électoral.
Quant à moi, je suis tout à fait contraire à l'intervention de l'autorité judiciaire en matière électorale avant que la Chambre ait prononcé. S'il résulte des discussions parlementaires des faits qui sont dénoncés qu'il y a eu des délits, oh ! alors que l'autorité judiciaire poursuive ; mais du moins cette intervention de l'autorité judiciaire n'exerce, dans ces conditions, aucune influence sur le jugement de la validité des opérations électorales.
Messieurs, le but de la répartition des électeurs telle qu'elle a été faite à Gand, se dévoile de lui-même ; il fallait que dans chaque bureau électoral une influence considérable pût s'exercer sur les électeurs ruraux ; il fallait dépouiller ces électeurs des garanties que leur réunion sans mélange leur assure. Evidemment, le maintien des groupes d'électeurs, comme le veut la loi, ne devait pas empêcher les électeurs de la ville de se rendre dans les bureaux, composés exclusivement d'électeurs ruraux.
Mais vous conviendrez que des électeurs isolés de la ville n'auraient pas pu exercer sur les électeurs ruraux les actes de violence qui nous ont été signalés. Et notamment, messieurs, ils n'auraient pas pu empêcher des électeurs de circuler, comme ils en ont le droit, autour des scrutateurs et de surveiller ainsi le dépouillement du scrutin. Quelques hommes courageux (car il faut du courage pour contrôler les opérations électorales dans une assemblée tumultueuse), quelques hommes courageux qui avaient accepté cette mission ont été bousculés, heurtés, frappés et poussés hors du bureau.
Qui donc, je le demande, aurait osé dans de pareilles conditions exercer une surveillance quelconque sur les opérations électorales ? Personne, bien certainement. Et c'est en réalité ce qui est arrivé : une seule catégorie d'électeurs a pu exercer cette surveillance, à l'exclusion complète de l'autre. Et qu'on ne dise pas qu'on doit avoir confiance dans ces membres des bureaux relativement aux opérations. Je n'incrimine la probité de personne, mais je dis que les garanties que la loi a introduites sont basées sur l'expérience des faits et que toutes les autorités sont obligées de s'en tenir à l'observation stricte des dispositions de la loi.
Que de précautions ne sont pas inscrites dans le code pour assurer la sincérité de l'instruction des affaires judiciaires ! Même en matière civile, la sincérité du jugement est garantie par des précautions telles, qu'elles finissent par éloigner des tribunaux un grand nombre de personnes qui, se voyant exposées à des frais très considérables, ne veulent pas ou ne peuvent pas porter et défendre leurs intérêts devant la justice. Joignez-y la hauteur des émoluments des avocats et la longueur du procès ; tout cela rend la justice inutile pour un grand nombre de citoyens. C'est un fait avéré et connu de tout le monde.
Je dis donc qu'il y a deux vices radicaux dans les élections de Gand : d'abord, la répartition illégale des électeurs entre les divers bureaux et ensuite les entraves mises au contrôle des opérations des bureaux des diverses sections, Ces deux vices suffisent pour me déterminera voter (page 13) l'annulation de élections de Gand, si l'enquête demandée par l'honorable M. Jacobs n'est pas consentie par la Chambre. Je n'hésite pas à déclarer que jamais une enquête de ce genre n'a été mieux motivée ni mieux justifiée.
M. de Brouckere. - Messieurs, les pétitions qui ont été envoyées à la Chambre contre les élections de Gand articulent un certain nombre de faits de natures différentes ; mais vous avez pu entendre, d’après ce qu’ont dit les honorables MM. Jacobs et de Theux, que le seul grief que l’on considère comme sérieux, que l’on cherche à exploiter contre ces élections de Gand, est celui que l’on tire de la répartition, vicieuse selon les honorables orateurs, qui aurait été faite des électeurs dans les 15 bureaux électoraux de cet arrondissement.
Messieurs, j'ai coutume de dire ma pensée tout entière, lorsque je prends part à une discussion, et je n'hésite pas à reconnaître que, dans la répartition des électeurs de l'arrondissement de Gand, il y a quelque chose qui me semble assez bizarre ; peut-être fournira-t-on à cet égard des explications qui me satisferont ; mais jusque-là, je dois dire que j'ai été étonné en apprenant comment on avait réparti les électeurs des diverses communes composant l'arrondissement.
Mais peut-il résulter de cette répartition, parût-elle même étrange, un vice radical contre l'élection, comme vient de le prétendre l'honorable M. de Theux ? Je n'hésite pas à dire que, dans ma pensée, il n'en saurait être ainsi.
La loi confie au commissaire d'arrondissement le droit et l'obligation de répartir les électeurs de son ressort en un certain nombre de bureaux, selon les chiffres des électeurs inscrits. Il est très vrai que la loi contient certaines indications sur la manière dont cette répartition doit être faite. Mais osera-t-on prétendre que du moment où la répartition opérée par le commissaire de l'arrondissement présente un côté critiquable, on en peut inférer que l'élection est nulle ?
Mais, messieurs, si vous adoptiez une semblable doctrine, vous arriveriez à ce résultat que tout commissaire d'arrondissement pourrait préparer, dans les élections de son ressort, une nullité qu'on exploiterait ou qu'on n'exploiterait pas selon les circonstances.
La répartition a été, dit-on, vicieuse à Gand ; et comment se fait-il que sur les 7,000 électeurs, à peu près, présents à l'élection, pas un, mais pas un seul, ne s'aperçoit que cette répartition est aussi maladroitement ou aussi perfidement faite qu'on le prétend aujourd'hui ? Comment se fait-il que pas un de ces 7,000 électeurs n'articule la moindre protestation, la moindre réclamation avant l'élection, que personne ne souffle un mot de blâme ou de critique ? Non, avant l'élection, au moment où elle se fait, les 7,000 électeurs sont satisfaits, très satisfaits de la répartition opérée par le commissaire d'arrondissement. Pourquoi sont-ils satisfaits ? Je m'en vais vous le dire : c'est que chacun des deux partis se croyait sûr du triomphe avec les bureaux, tels qu'ils étaient composés ; et comme chacun des deux partis se croyait sûr du succès, il ne voulait ni critiquer ni surtout faire modifier la composition des bureaux, puisqu'il pensait que cette composition lui était favorable.
Or, le résultat proclamé, ce sont les électeurs libéraux qui l'emportent ; tout naturellement, les électeurs de l'autre parti sont désappointés, mécontents, et je me permettrai d'adresser à mes honorables collègues de la droite une question bien simple : je suppose qu'avec ces bureaux si mal composés, le parti catholique l'eût emporté ; est-ce qu'alors un de ces honorables collègues serait venu argumenter de la composition vicieuse des bureaux pour demander l'élimination de ses sept amis politiques ? Aucun de mes honorables collègues de la droite ne répondra affirmativement à cette question. C'est impossible. (Interruption.) Je ne parle pas de Louvain, je parle de Gand.
Si les élections de Gand, avec les bureaux qu'on a si vivement critiqués, avaient eu pour résultat le triomphe des sept candidats catholiques, je pose en fait que pas un seul de mes honorables adversaires n'aurait élevé la voix contre le résultat des élections, pas un seul n'aurait soufflé mot... (Interruption.)
Je répète, et cela est incontestable, vous ne pouvez le nier, qu'aucun membre de la droite n'aurait formulé ici une réclamation. (Interruption.)
M. Schollaert. - On ne réclame pas quand on a gagné son procès.
MpLangeµ. - Schollaert, je vous prie de ne pas interrompre.
M. de Brouckere. - Le peu de mots que je viens de dire démontrent à l'évidence, si je ne me trompe, que le grief que l'on articule n'est pas assez sérieux pour amener l'annulation de l'élection de Gand. Mais je pourrais aller plus loin ; je suppose que les élections de Gand aient eu le résultat que je viens d'indiquer, et je suppose que quelque membre de la gauche, désappointé de cet échec, soit venu présenter les mêmes arguments que nous avons entendus aujourd'hui .Je mets encore en fait qu'aucun membre de la droite ne l'aurait appuyé. Comment vient-on donc nous parler d'un vice radical ? C'est le résultat de l'élection qui mécontente et qui est vicieux à vos yeux ; et vous vous en prenez à l'élection du résultat qu'elle a amené. Voilà la vérité, et il ne peut y avoir, dans le grief qu'on articule, un motif d'annulation.
Y a-t-il dans ce grief un motif de décréter une enquête ?
Mais, messieurs, l'enquête sur quoi porterait-elle ? Sur la manière dont les sections ont été composées. Mais elle n'a rien à nous apprendre à cet égard. L'honorable M. Jacobs, qui a parlé d'une manière très nette, très claire et très lucide, avec son talent ordinaire, il ne m'en coûte pas de lui rendre cette justice, nous a expliqué une à une comment les diverses sections étaient composées, et je lui réponds très naïvement que je ne trouve pas qu'elles aient été composées comme elles auraient dû l'être, je crois qu'on aurait pu mieux arranger les choses, mais je sais parfaitement à quoi m'en tenir. Je n'ai pas besoin d'enquête. L'enquête ne m'apprendra rien ; elle ne saurait rien m'apprendre.
Ce qui résultera de cette discussion, et ce sera un résultat utile, c'est que le gouvernement fera bien de prendre des mesures pour qu'à l'avenir, la répartition des électeurs, dans les bureaux électoraux, se fasse d'une manière plus convenable et que les sujets de plainte que l'on a cru trouver aujourd'hui dans l'élection de Gand ne se représentent plus.
Je borne là, messieurs, mes observations, parce qu'il me semble réellement qu'une discussion plus longue ne saurait amener aucune utilité. Je ferai seulement encore cette observation, que les élections ont eu lieu au mois de juin et que c'est au mois de novembre qu'on découvre...
- Des membres. - Non ! non !
M. de Mérodeµ. - On l'a fait le 2 juin.
M. de Brouckere. - Il n'y a eu aucun écrit, aucune pièce officielle quelconque, aucune protestation contre les élections de l'arrondissement de Gand, jusqu'au jour où la Chambre s'est réunie. Il a donc fallu cinq mois pour découvrir non pas une irrégularité, mais un vice radical, comme l'a dit l'honorable M. de Theux, contre l'élection.
Messieurs, croyez-le bien, je ne blâme en aucune manière les rédacteurs, les signataires de la pièce qui nous a été communiquée. Ils ont soumis des observations à la Chambre ; c'était leur droit ; la Chambre les a examinées, et maintenant j'attends sans le moindre souci sa décision.
M. Dumortier. - Messieurs, en commençant tout à l'heure son discours, l'honorable rapporteur m'a mis en cause, et quand ce ne serait que pour cette parole qu'il a prononcée, je ne pourrais m'abstenir de parler à mon tour.
L'honorable membre a dit que, dans l’élection de Dinant, je m'étais exprimé à peu près dans ces termes : Pourquoi voulez-vous annuler l'élection de Dinant ? C'est parce que l'honorable M. Rogier n'a pas été élu. Je pourrais, a-t-il ajouté, retourner l'argument et dire : C'est une simple question de personne, c'est parce que M. Debaets n'a pas été élu que vous engagez cette campagne.
Eh bien, si je ne suivais que mon cœur, je ne demanderais pas mieux que de valider les élections de Gand. Il y a parmi les élus de Gand des personnes que j'estime d'une manière toute particulière. Mais il y a quelque chose que je mets au-dessus de l'estime ; la vérité Amicus Plato ; magis amica veritas ». Ce n'est donc pas un motif personnel qui me fait agir.
Ce qui me commande, c'est le sentiment de la justice violemment froissé dans cette élection ; c'est l'organisation du désordre depuis le commencement jusqu'à la fin de l'élection.
C'est la violence qui a présidé à l'élection ; ce sont les moyens violents qui se sont succédé depuis l'origine, jusqu'après le scrutin ; c'est l'absence complète de sincérité dans les élections de Gand et la violation du secret du vote. Je dis qu'en présence de ces choses, en présence d'un désordre organisé, soutenu, continué jusqu'à la fin, en présence d'une pression inouïe, sans exemple, en présence de tant de faits qui se sont passés dans la salle des élections, si la Chambre réordonne pas une enquête sur l'élection de Gand, alors il sera dit qu'aux libéraux tout est permis en matière d'élection. (Interruption.)
M. Bouvierµ. - Et les stockslagers ?
M. Dumortier. - Messieurs, j'étais à Genève au printemps dernier. Un conducteur de voiture me faisait parcourir la ville. En passant devant un vaste bâtiment, je lui demandais ce que c'était et mon conducteur me répondit (je vous demande pardon, je cite son expression) : C'est, me (page 14) dit-il, la salle des élections connue ici sous le nom de la salle aux giffles. (Interruption.)
Voilà l'expression genevoise. C'est-à-dire, c'est la salle du désordre. Eh bien, c'est ce qu'est devenue la salle de l'élection de Gand cette année, et c'est ce que je ne veux pas pour mon pays. Je ne veux pas que nos salles d'élection, pas plus à Gand que dans nos autres arrondissements, deviennent des salles de désordre.
On parle des stockslagers ; mais les stoekslagers n'ont fait de tort à personne. Ils ont empêché les manœuvres frauduleuses de vos amis. Et ce dont nous nous plaignons aujourd'hui, ce sont des manœuvres frauduleuses qui ont été pratiquées depuis le commencement jusqu'à la fin de l'élection et cela par les agents du gouvernement, par les agents qui ont contribué à l'élection et c'est sur ces indignes manœuvres que nous demandons une enquête.
Que se passe-t-il à Gand dès l'origine ? Le commissaire de l'arrondissement de Gand, chargé par la loi de la formation des sections électorales, commence par bouleverser toute l'organisation des bureaux, et il n'y a plus un seul de ces bureaux composé uniquement des habitants de cette ville de Gand qui a, notez-le bien, plus de 4,000 électeurs. Il prend, pour chaque section, quelques centaines d'électeurs de la ville de Gand, et puis des électeurs des communes situées à quatre ou cinq lieues de distance, alors que la loi est impérative, qu'elle ordonne que les bureaux soient formés de cantons ou des communes les plus rapprochées dans les cantons. (Interruption.)
On ne peut contester que la loi est impérative et l'honorable M. Elias fait bien bon marché de la loi et de ses prescriptions en cette matière.
Cette loi est fondée en justice, en équité et en raison.
La loi électorale exige que les bureaux soient composés d'électeurs des cantons ; et si l'on est obligé de fractionner un canton, le commissaire du district doit réunir les communes les plus rapprochées. Voilà ce que la loi prescrit dans les termes les plus formels pour que les électeurs des cantons et des communes ne soient pas séparés. D'abord, pour qu’on ne puisse pas, par des manœuvres frauduleuses, venir changer leurs bulletins ; en second lieu, pour que les scrutateurs puissent constater que celui qui vient déposer son vote est bien réellement celui dont le nom a été appelé.
On me dira : A Bruxelles, à Liège, il y a eu quelquefois un bureau, deux bureaux composés d'électeurs de quelques communes voisines de la ville, mais remarquez-le bien, messieurs, ici ce n'est pas la même chose, ici c'est un système complet, il ne reste plus dans le travail de l'agent du gouvernement un seul bureau composé d'électeurs de la ville ; et d'autre part, sauf un seul canton, toutes les communes rurales de l'arrondissement sont réparties dans les bureaux de la ville, nulle part la loi n'est respectée ; elle est foulée aux pieds. Eh bien, n'est-ce point là, comme j'avais l'honneur de le dire, l'organisation du désordre ? Or, cette organisation du désordre est plus que suffisante pour faire annuler les élections. Pourquoi ? Parce qu'elle a été faite par un agent du gouvernement au profil des candidats du gouvernement, pour faire triompher ceux-ci dans le district de Gand.
Mais, dit l'honorable M. de Brouckere, si vous aviez triomphé, vous ne seriez pas venu réclamer. Certainement nous ne serions pas venus réclamer, et pourquoi ? Parce que nous aurions triomphé malgré vos manœuvres. Mais quand vous avez triomphé au moyen de ces manœuvres, nous avons le droit de réclamer.
M. Bouvierµ. - Et la pression du clergé !
M. Dumortier. - Eh bien, faites l'enquête et nous verrons où a été la pression.
Voici, messieurs, comment cette répartition a été faite :
Dans le 1er bureau, il y a 293 électeurs de Gand et 18 de la commune de Zulte, qui est à 5 1/2 lieues de la ville. Voilà comment M. le commissaire d'arrondissement exécute la loi qui prescrit de la manière la plus formelle de réunir les communes les plus rapprochées.
2° bureau, 360 électeurs de Gand, 131 électeurs de Melle et Scheldewindeke.
5° bureau, 282 électeurs de Gand, 2135de Tronchiennes et du canton d'Oosterzeele.
6° bureau, 119 électeurs de Gand, 396 électeurs ruraux.
8° bureau, 272 électeurs de Gand et 245 de la commune de Somerghem.
9e bureau, 322 électeurs de Gand et 123 du canton de Waerschoot.
10° bureau, 260 électeurs de Gand et 219 des communes d'Oostacker et Waerschoot.
11° bureau, 369 électeurs de Gand et 133 électeurs ruraux.
12° bureau, 319 électeurs de Gand et 187 du canton d'Everghem.
13° bureau, 369 électeurs de Gand et 136 d'Aeltre et Meyghem. Or, Aeltre est à 22 kilomètres de Gand.
Voilà comme on a fait les élections : les 4,000 électeurs de la ville de Gand ont été répartis dans 13 bureaux et à chacun de ces bureaux on a ajouté un certain nombre d'électeurs des cantons ruraux.
Je dis, messieurs, que c'est le désordre organisé dans un but déterminé, celui de faire triompher les candidats du gouvernement ; dans le but de livrer les électeurs ruraux aux intrigues et aux violences de certaines personnes qui se trouvaient dans les bureaux. Si la Chambre tolère de pareils faits, l'exemple de Gand sera suivi partout où les élections seront vivement disputées. C'est pourquoi je flétris la conduite du commissaire d'arrondissement de Gand. Je blâme hautement la conduite de cet agent ministériel, et la Chambre doit la flétrir comme moi.
Mais, dit l'honorable M. de Brouckere, pourquoi n'a-t-on pas réclamé ? La réponse est bien simple : savez-vous comment on a connu l'arrêté du commissaire d'arrondissement ? C'est par la lettre de convocation.
- Un membre. - C'est affiché.
M. Dumortier. - Il n'est pas à ma connaissance que ces arrêtés soient publiés, mais le fussent-ils, qu'il serait trop tard pour réclamer, car ils sont pris cinq jours seulement avant la distribution des bulletins, de manière qu'on n'a pas le temps de réclamer. D'ailleurs, auprès de qui réclamerait-on ? Quand l'arrêté est pris, le ministre lui-même ne peut plus le changer, parce qu'on n'est plus dans les délais.
Vous voyez donc, messieurs, que cette objection que nous n'avons pas réclamé, ne repose absolument sur rien.
Mais, dit M. le rapporteur, le texte de la loi est obscur. Eh bien, messieurs, examinons le texte de la loi.
D'abord l'article 9 porte que c'est le commissaire d'arrondissement qui fait la répartition des électeurs en sections, s'il y a lieu, conformément à l'article 19.
Et l'article 19 dit :
« Lorsqu'il y a plus de 400 électeurs, le collège est divisé en sections, dont chacune ne peut être moindre de 200 et sera formée par cantons ou communes ou fractions de communes les plus voisines entre elles. »
Est-il possible, messieurs, d'imaginer rien de plus clair ? Le commissaire d'arrondissement devait, aux termes de la loi, faire les sections par cantons ou communes ou fractions de communes les plus voisines entre elles ; il devaient commencer par diviser en bureaux les 4,000 électeurs de la ville de Gand, il devait ensuite former des bureaux par cantons ou communes et réunir les communes ou fractions de communes les plus voisines entre elles.
Ces stipulations de la lois ont impératives et les motifs donnes par M. Delfosse sont péremptoires.
« Je comprends l'article 19 en ce sens, disait M. Delfosse, que l'on ne peut mêler les électeurs de la ville à ceux des campagnes, que lorsqu'il en reste une fraction insuffisante pour former une section complète ; je ne redoute nullement l'intervention des conseillers communaux des campagnes, mais je pense qu'il ne faut pas que le commissaire d'arrondissement puisse à son gré appeler ceux-ci aux fonctions de scrutateurs, en mêlant partout un petit nombre d'électeurs des campagnes à un grand nombre d'électeurs de la ville. »
Eh bien, peu importe pourquoi l'honorable M. Delfosse repoussait, comme le bon sens l'exige, ce mélange des électeurs des villes et des campagnes ! Il ne le voulait pas, et d'ailleurs la loi est positive. Quand un fait pareil est posé par l'agent du gouvernement dans l'intérêt des candidats du gouvernement, ce fait est une corruption électorale sur laquelle la chambre a le droit de porter son examen en ordonnant une enquête.
Mais, messieurs, ce fait n'est pas le seul.
L'honorable M.de Brouckere vous disait tout à l'heure que c'était là le seul grief. L'honorable membre me permettra de lui dire que ce n'est pas le seul. C'est le premier. Après ce grief relatif à la formation des bureaux viennent les griefs les plus sérieux, ceux relatifs à la sincérité des élections et à la violation du secret du vote.
Les faits que je vais énumérer vous prouveront qu'il n'y a eu à Gand ni sincérité des élections ni secret du vote, qu'il n'y a eu nulle liberté pour les électeurs et nulle liberté pour les candidats opposés aux candi-dais ministériels.
Avant le jour des élections, que voit-on ? Les faits que je vais raconter se trouvent dans tous les journaux de l'époque.
Le matin des élections, on voit des agents électoraux du parti libéral se porter hors de la ville à la rencontre des électeurs, se permettre contre eux des sévices incroyables pour les empêcher d'arriver aux élections (page 15) ou bien pour les dissiper, et, comme dit l’Etoile, afin de pratiquer le changement de leurs bulletins.
Vous le voyez, messieurs, le but de tous ces faits qui se sont passés le matin, c'est de conduire les électeurs, de changer leurs bulletins, de les dérouter complètement dans l'accomplissement du grand acte qu'ils venaient remplir, et vous appelez cela la sincérité électorale !
Ici c'est une barque qui arrive par le canal de Bruges conduisant un grand nombre d'électeurs. Que font les agents libéraux ? Ils jettent les chevaux dans le canal pour empêcher les électeurs d'arriver à Gand. Là on arrête les voitures et l'on force les personnes à descendre. :
Ecoutez les faits qui me sont signalés.
Dès sept heures du malin, une bande d'agents de désordre était dirigée vers la porte de Bruges, une autre stationnait rue du Phœnix ; sur la chaussée de Bruges, les ouvriers mécaniciens du sieur Carels. En même temps, la rue du Phœnix et le quai du Sud étaient envahis par les ouvriers de la linière de la Lys, etc. Bientôt ces bandes se livrent à des violences et crient : « A la lanterne ! à la lanterne ! » M. le curé de Lovendeghem ne dût son salut qu’à M. le baron de Surmont.
La police arrive, elle ne fait rien pour arrêter ces désordres ; elle laisse insulter les paisibles paysans qui venaient exercer leur droit électoral.
Dans la ville, partout des groupes manœuvrent pour diviser les électeurs, pour les séparer de ceux qui les conduisent. Et remarquez-le, les électeurs étaient envoyés dans des bureaux différents de ceux où ils avaient l'habitude de voter. Ils ne connaissaient pas leur chemin et avaient besoin d'être conduits. Les agents du parti libéral divisaient les électeurs pour les conduire, afin, comme le disait le correspondant de l’Etoile, de changer leurs bulletins de vote.
Avec de pareilles manœuvres je dis qu'il n'y a plus d'élections sincères en Belgique.
- Une voix. - Il n'y a pas eu de bulletins changés.
M. Dumortier. - Il y en a eu une masse.
M. Bouvierµ. - Vous inventez cela. .
M. Dumortier. - Faites l'enquête et elle vous répondra.
M. Eliasµ. - Personne ne s'est plaint.
M. Dumortier . - Les journaux en ont retenti et on se plaint aujourd'hui. Vous venez dire qu'on aurait dû se plaindre plus tôt, mais est-ce que la Chambre était convoquée pour lui adresser ces plaintes ? Est-ce qu'à toutes les élections on n'a pas attendu le jour où la Chambre se réunit pour introduire les plaintes et les oppositions à l'admission des membres ?
A qui, du reste, s'adresser ?
Irez-vous vous adresser à M. le ministre de l'intérieur qui tient les procès-verbaux ? Autant vaudrait ne pas réclamer. C'est à la Chambre qu'il faut s'adresser et les réclamations viennent toujours à temps quand elles arrivent avant la vérification des pouvoirs.
On ne peut en pareille matière que saisir le juge compétent et ce juge c'est le parlement et non aucune autre autorité quelle qu'elle soit.
Ces raisons, messieurs, ne tendent qu'à justifier les actes les plus profondément immoraux qui se soient jamais passés en Belgique.
Mais les élections commencent ; on jette les électeurs hors de leur voie, on les mène dans des bureaux où ils n'ont pas l'habitude de voter ; on mélange, en violation de la loi électorale, les électeurs campagnards avec les électeurs urbains. On a tout préparé. Le scrutin commence et après le désordre des bureaux et le désordre de la rue, dans la salle du scrutin, commence le désordre le plus incroyable qu'il soit possible d'imaginer.
Les salles électorales sont envahies par des non-électeurs, et l'on expulse les électeurs conservateurs de la salle, comme le dit la correspondance de l’Etoile dont l'honorable M. Jacobs a donné lecture ; une foule de personnes non électeurs s'introduisent dans la salle des élections ; partout c'est un désordre épouvantable.
Dans la plupart des salles on expulse les électeurs conservateurs et malgré toutes les réclamations on ne parvient pas à obtenir le rétablissement de l'ordre.
Il y a plus. Qu'avons-nous vu dans les journaux de l'époque ? C'est qu'à peine le dépouillement commencé, M. Dommer, ce même commissaire du gouvernement dont j'ai flétri l'indigne conduite, donne le signal des voies de fait ; il s'attaque d'abord au vicomte de Moerman d'Harlebeke et lui porte des coups dont il a conservé la trace pendant plusieurs jours. (Interruption.)
Je sais fort bien que des témoins ont été envoyés et que tout s'est passé, au point de vue d'une affaire d'honneur, d'une manière satisfaisante pour M. de Moerman, puisque le commissaire Dominer a (erratumi>, page 26) exprimer ses regrets ; mais enfin des coups n'en ont pas moins été portés et dans la salle électorale, à un des plus honorables citoyens.
- Une voix. - Il n'y a pas eu de plainte.
M. Dumortier. - Parce que l'affaire d'honneur s'est arrangée. Mais le fait que je signale n'en est pas moins constant, il a été vu par plus de 100 personnes.
M. Bouvierµ. - M. le comte de Moerman ne l'a-t-il pas démenti ?
M. Dumortier. - Non, des excuses ont été faites et l'affaire a été terminée ainsi ; mais nous qui avons à examiner les faits relatifs à l'élection, nous devons protester contre ces violences, car nous trouvons ici la violence à côté de la fraude légale...
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Fraude légale !
M. Dumortier. - Le même M. Dommer se permet ensuite des violences sur le notaire Hebbelynck et sur le sénateur Vergauwen. Voilà par quels moyens vous triomphez dans les élections faites à coups de poing des agents du pouvoir.
Vous ne voulez pas d'enquête. Ah ! c'est parce qu'elle serait trop accablante pour vous que vous refusez la lumière.
Dans le premier bureau, on commence par expulser tous les électeurs conservateurs avec une violence sans égale. Un ancien négociant, M. Legers-Valcke, est jeté par-dessus la barrière ; l'avocat Van Acker, M. Heynssens, négociant, et d'autres personnes sont également repoussés de la salle. M. Heynssens est précipité au-dessus de la balustrade et tombe la tête sur le pavé, pour être maltraité de nouveau par le sieur Pinoy. Cela se passe sous les yeux du président, qui tolère tous ces indignes désordres ! Et vous osez dire que les élections ont été faites régulièrement et qu'il y a eu sincérité dans le vote !
Je dis, moi, qu'il est impossible d'imaginer des actes plus odieux que ceux qui se sont passés et que depuis le commencement jusqu'à la fin l'élection de Gand n'a été que l'organisation du désordre et de la violence.
Remarquez que ce sont les électeurs du 8ème bureau, celui où devait voter le commissaire Dommer, que se sont passées la plus grande somme de violences contre les électeurs. Dans tous les bureaux la violence contre les conservateurs est employée par les libéraux, qui les expulsent des salles électorales.
Dans le dépouillement que signalent les pétitionnaires, deux scrutateurs, qui contrôlaient les bulletins marqués, violent, en vertu de leurs fonctions, le secret du vote.
Après la sincérité du vote, que devient donc ici le secret du vote ? Comment, voilà des hommes désignés par la loi pour assurer la sincérité et le secret du voie et qui profilent du mandat qui leur est confié pour amener la non-sincérité des élections ! Si j'appartenais au parti au profit de qui de pareils actes ont été posés, je demanderais immédiatement une enquête.
Jamais en Belgique on n'a vu la violence atteindre de pareilles proportions : Loi violée, promiscuité entre les électeurs des campagnes et ceux des villes, électeurs injuriés, traqués avant leur arrivée au scrutin et puis chassés, contrôle empêché, scrutateurs infidèles à leur mission : voilà l'élection de Gand ! Ne venez pas nous parler après cela de l'élection de Louvain où quelques électeurs de l'un et l'autre parti ont reçu une pièce de 5 francs ! Que sont tous ces faits à côté de ceux qui se sont passés à Gand !
La Chambre manquerait au plus sacré de ses devoirs si elle n'ordonnait pas une enquête sur cette saturnale électorale.
- M. Dupont, dont les pouvoirs ont été vérifiés dans une précédente séance, prête serment. (Aux voix ! aux voix !)
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - La Chambre est fatiguée, la cause est entendue. Aussi n'aurais-je pas pris la parole si M. Dumortier, dans une improvisation bruyante, brillante veux-je dire, n'était venu nous lire un long réquisitoire sur des faits entièrement nouveaux, et dont la Chambre n'avait pas été saisie même par les honorables pétitionnaires de Gand. Ce réquisitoire si détaillé exigerait un examen long, et la Chambre a hâte d'en finir ; je ne l'aborderai donc pas. Mais je ne puis me dispenser de répondre quelques mots à M. Dumortier qui, lui si bienveillant et si aimable dans les relations privées, a traité ici du haut de la tribune, dans les termes les plus durs, de la matière la plus incroyablement violente un excellent fonctionnaire du gouvernement, le commissaire d'arrondissement de Gand. (Interruption.) Nous verrons tout à l'heure les prétendues violations de la loi. Attendez, un peu de patience.
(page 16) Que M. Dommer soit attaqué violemment dans cette enceinte par les honorables membres de la droite, il n'y a à cela rien d'étonnant. M. Dommer est commissaire du gouvernement, le gouvernement ne peut bien faire pour la droite. Tout ce que fait le gouvernement doit être mauvais, qu'il agisse par lui-même ou par ses agents. C'est entendu. Il suffit donc que M. Dommer soit commissaire du gouvernement, circonstance grave ! commissaire d'un arrondissement libéral qui a amené dans cette Chambre sept députés libéraux alors que la droite espérait voir arriver sept députés catholiques, il suffit, dis-je, que M. Dommer soit placé par la confiance du gouvernement à la tête d'un tel arrondissement pour qu'il soit un grand coupable et que toute la droite lui crie : « Racal »
Or, messieurs, de toutes les personnes qui connaissent M. Dommer il n'en est pas une qui ne certifiera que ce fonctionnaire est un des hommes les plus modérés, les plus intelligents et les plus capables que nous ayons parmi nos commissaires d'arrondissement. Quant aux voies de fait qu'on lui reproche, il en est incapable ; et ce n'est pas lui qui pourrait user de pareils moyens de violence. (Interruption.) M. Dommer, c'est entendu, est digne de toutes vos colères et il en sera probablement très honoré.
Je regrette qu'on fasse tant de bruit à propos des élections de Gand, où il y a si peu à critiquer cependant. Mais on veut une ombre au tableau et jamais peut-être les élections ne se sont passées avec plus de calme et d'ordre qu'au mois de juin.
En vérité, messieurs, les faits que l'on cite à propos de ces élections n'ont pas la gravité qu'on veut bien leur attribuer. Le principal grief qu'on articule consiste dans la composition des bureaux électoraux. Je ne puis admettre que sous bénéfice d'inventaire les observations qu'on a faites à cet égard. Je ne puis vérifier si, comme on vient de le dire, on a tout bouleversé, tout retourné ; si l'on a pris les communes du Nord pour les joindre à celles du Sud, si l'on a fusionné les communes de l'Est et de l'Ouest dans un même bureau. Je ne connais pas assez la géographie de l'arrondissement de Gand pour me prononcer sur ce point qui ne m'avait été jusqu'ici signalé par personne ; je doute d'autant plus de l'exactitude de ces allégations que l'on me fait remarquer à l'instant que si dans le plus grand nombre de bureaux on a réuni les communes les plus voisines, si, dans quelques cas exceptionnels, on a dû réunir les électeurs de quelques petites communes éloignées du chef-lieu à ceux de la ville, c'a été uniquement pour former l'appoint de certains bureaux. Dans tous les cas, il est certain que cela a été un fait exceptionnel.
M. Wasseige. - C'est par hasard. (Interruption.)
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Probablement ; dans tous les cas, je le répète, ce fait a été très exceptionnel.
Maintenant, on critique vivement la composition des bureaux telle qu'elle a été faite à Gand. Mais, messieurs, je demanderai pourquoi on n'a pas réclamé de ce chef avant les élections.
- Plusieurs membres à droite. - A qui et comment ?
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - N'importe a qui et n'importe comment. En temps utile et à qui de droit d'ailleurs. La presse ne pouvait-elle pas se faire l'interprète des griefs qu'on articule aujourd'hui seulement ? Ne pouvait-on pas protester au moment de l'élection et faire acter la protestation au procès-verbal ? Au lieu d'agir ainsi, c'est six mois après l'élection qu'on vient adresser de ce chef un reproche amer et injuste au commissaire de l'arrondissement de Gand.
Au surplus, messieurs, le fait dont on se plaint tant aujourd'hui n'est pas un fait nouveau. Presque toujours les bureaux électoraux ont été composés à Gand comme ils l'ont été en dernier lieu. Je tiens à la main un document officiel indiquant la composition des bureaux électoraux dans cette ville, pour les élections de 1863 ; vous voyez que ce n'est pas un document fait pour la circonstance. Eh bien, ce tableau constate que le collège électoral de l'arrondissement de Gand se composait alors de douze bureaux et que, sur ces douze bureaux, sept ou huit étaient mixtes, c'est-à-dire composés d'électeurs de la ville et d'électeurs des communes rurales.
M Wasseigeµ. - Et le 3ème et le 6ème ?
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Je vous dis que le mélange des électeurs avait été opéré dans 7 ou 8 bureaux ; mais je n'ai pas dit dans tous.
Ainsi donc, messieurs, sur douze bureaux, il y en avait sept ou huit qui étaient composés d'électeurs de la ville de Gand et des communes rurales. C'est donc là un précédent contre lequel on n'a pas réclamé.
M. Jacobsµ. - Maintenant il n'y eu a plus que deux où ce mélange n'ait pas eu lieu,
M. Coomans. - Cela dépend des circonstances. (Interruption ) En somme, on a bien fait, n'est-ce pas ?
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Je ne dis pas si on a bien ou mal fait, mais j'invoque un précédent que personne n'a signalé. En 1866 encore aucun journal gantois n'a relevé le fait de la composition des bureaux comme une illégalité ; le Bien public lui-même a donné la composition des bureaux en recommandant simplement aux électeurs de ne pas se tromper, mais sans la critiquer au point de vue légal.
Du reste, comme on l'a dit déjà, ce fait n'est évidemment pas de nature à vicier l'élection. Personne ne l'a prétendu. Or, la seule question à examiner est celle-ci : l'élection a-t-elle été faite régulièrement, a-t-elle été viciée par des manœuvres avant ou pendant les opérations électorales ?
Eh bien, qu'a-t-on dit pour conclure à la nullité des élections ? On a prétendu que des électeurs avaient été menacés, qu'on avait crié : « Il faut séparer les montons d'avec les chiens » ; qu'on avait frappé sur des voilures ; qu'on avait bloqué des électeurs (le mot est joli). Mais, je le demande, où sont ces manœuvres si coupables qui, d'après l'honorable Dumortier, ont empêché les électeurs de voter ?
MfFOµ. - On n'en allègue aucune.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Et la preuve, messieurs, que les prétendues manœuvres dont on parle n'ont pas empêché les électeurs d'exercer leur droit de vote, c'est que jamais à Gand, depuis 1831, le nombre des votants comparé à celui des électeurs n'a été aussi considérable qu'en 1864 et en 1866.
Ainsi il y a eu (je néglige les fractions). En 1851, 62 pour cent d'électeurs votants. En 1852 85 p.c., en 1856, 84 p. c., en 1857 90 p. c., en 1861 90 p. c.
En 1864 et en 1866 le nombre des votants a donc été de 92 p. c. 360 électeurs seulement sur 7,262 n'ont pas déposé leur vote dans l'urne au mois de juin dernier. Or, si de ce nombre on défalque les morts, les malades et les vieillards, on doit reconnaître que le corps électoral pour ainsi dire tout entier a voté en cette circonstance et que pas un seul électeur n'a par de prétendues manœuvres été empêché d'émettre librement son vole.
M. Dumortier. - Librement, non !
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Je le répète, aucun électeur n'a été empêché d'émettre librement son vote. (Interruption.)
Mais, messieurs, prétendrez-vous que des électeurs ont fait défaut, parce qu'on aurait frappé sur une voiture où ils se trouvaient ; ou bien que des électeurs catholiques deviennent subitement libéraux parce qu'il y a des libéraux dans la salle ?
Vous redoutez la promiscuité des électeurs, selon votre expression ; vous craignez le mélange des bons et des mauvais ; et vous craignez que parce que quelques électeurs catholiques auront été pendant quelques instants en contact avec des libéraux, la contagion libérale va les infecter !
Ah ! messieurs, vous calomniez vos électeurs : ils ont, croyez-le, leur conviction, et ce n'est pas pour une si mince cause qu'ils trahiraient le drapeau sous lequel ils marchent unis et dévoués.
Enfin, messieurs, on a parlé de certains actes de violence. Mais, encore une fois, je vous demande si ces actes étaient de nature à fausser les élections, en supposant qu'ils fussent réels, ce que, pour ma part, je nie absolument ; évidemment non.
Si les faits avaient eu la gravité que leur attribue l'honorable M. Dumortier, il est évident que la justice eût été saisie et que les faits eussent été punis ; la police a ouvert une enquête sur ces faits, et le résultat de ses investigations a été communiqué au procureur du roi, qui a jugé qu'il n'y avait pas lieu à poursuite de ce chef. (Interruption.)
M. Dumortier, il ne vous est pas permis d'insinuer que le procureur du roi est un de nos hommes, et que ce magistrat ne fait pas son devoir !
Je disais donc que les faits dont on a parlé n'ont pas la gravité qu'on leur attribue et que d'ailleurs ils ne peuvent avoir eu aucune influence sur le résultat ni sur la sincérité des élections ; les conflits qu'on a signalés ont eu lieu après le vote, par conséquent ils ne peuvent avoir vicié en rien l'élection elle-même, qui est la seule question à examiner.
Je crois donc qu'il n'y a aucun motif pour ordonner une enquête, et je m'étonne très fort de voir la droite s'éprendre aujourd'hui de tendresse (page 17) pour les enquêtes en matière d'élection. Il y a quelques années, quand la gauche a proposé une semblable mesure, la droite tout entière ne pouvait pas assez se récrier contre cette proposition ; elle la qualifiait de mesure extravagante ; cependant des faits précis étaient articulés à cette époque ; on avait donné de l'argent ; on avait distribué des comestibles ; et aujourd'hui sur de vaines allégations qui ne sont étayées d'aucune preuve, on vient proposer une enquête, et on demande l'ajournement de la vérification des pouvoirs de nos honorables collègues de Gand parmi lesquels il s'en trouve plusieurs auxquels l'honorable M. Dumortier porte une affection si grande ! Cela n'est pas possible, la Chambre ne peut pas admettre une telle proposition.
- La clôture est demandée. Elle est mise aux voix et prononcée.
MpLangeµ. - Je vais mettre aux voix la proposition d'enquête faîte par M. Jacobs.
M. Teschµ. - Il faut d'abord mettre aux voix la proposition de l'honorable M. de Theux ; si cette proposition est adoptée, celle de l'honorable M. Jacobs vient à tomber.
MpLangeµ. - Aucune proposition de M. de Theux n'est parvenue au bureau.
M. Teschµ. - L'honorable M. de Theux a demandé l'annulation de l'élection, parce que l'article 19 de la loi a été violé ; s'il y a nullité, cela dispense de l'enquête.
M. de Theuxµ. - L'honorable M. Jacobs demande une enquête et j’appuie cette proposition ; si vous votez, dès à présent, sur la validité l'élection, vous écartez la proposition d'enquête. Il faut donc d'abord voter sur cette proposition.
M. Teschµ. - Si l'honorable M. de. Theux ne maintient pas sa proposition, je n'ai absolument rien à dire.
M. Wasseige. - J'ai l'honneur de faire observer à la Chambre que l'honorable M. de Theux n'a pas fait de proposition ; il a dit que la violation de l'article 19 lui paraissait un motif suffisant, même en cas de rejet de la proposition d'enquête, pour voter contre la validité de l'élection ; mais, je le répète, l'honorable membre n'a pas fait, de proposition ; il n'a donc pas eu de proposition à retirer.
MpLangeµ. - Je répète qu'aucune autre proposition que celle de M. Jacobs n'est parvenue au bureau ; je mets cette proposition aux voix.
- Des membres. - L'appel nominal.
- Il est procédé à cette opération.
98 membres sont présents.
(erratum, page 19) 34 membres répondent oui.
64 répondent non.
En conséquence, la proposition d'enquête n'est pas adoptée.
Ont répondu oui : MM. Notelteirs, Nothomb, Royer de Behr, Schollaert, Thonissen, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Renynghe, Van Wambeke, Verwilghen, Vilain XIIII, Wasseige, Wouters, Coomans, de Conninck, de Haerne, Delaet, Delcour, de Mérode, de Naeyer, de Terbecq, de Theux, d'Hane-Steenhuyse, Dumortier, d'Ursel, Gerrits, Hayez, Jacobs, Janssens, Kervyn de Lettenhove, Landeloos, Liénart, Magherman et Moncheur.
Ont répondu non :
MM. Muller, Nélis, Orban, Orts, Pirmez, Preud'homme, Rogier, Sabatier, Tesch, Valckenaere, Alp. Vandenpeereboom, Ernest Vandenpeereboom, Vander Maesen, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Nieuwenhuyse, Vleminckx, Warocqué, Allard, Ansiau, Anspach, Bara, Bouvier-Evenepoel, Braconier, Broustin, Bruneau, Couvreur, Crombez, David, de Baillet-Latour, de Brouckere, de Florisone, De Fré, de Kerchove, de Lexhy, d'Elhoungne, de Macar, de Moor, de Rongé, de Rossius, Descamp, Dethuin, de Vrière, Dewandre, Dolez, Dupont, Elias, Frère-Orban, Funck, Hagemans, Hymans, Jacquemyns, Jamar, Jonet, Jouret, Lebeau, Le Hardy de Beaulieu, Lelièvre, Lesoinne, Mascart, Moreau, Mouton et Lange.
- Les conclusions de la 2ème commission, tendantes à valider les élections de l'arrondissement de Gand sont mises aux voix et adoptées.
En conséquence, MM. E. Vandenpeereboom, Jacquemyns, Vanderstichelen, Lippens, de Kerchove, d'Elhoungne et de Maere sont proclamés membres de la Chambre des représentants.
MM. E. Vandenpeereboom, Jacquemyns, Vanderstichelen, de Kerchove et d'Elhoungne, prêtent serment.
MM. Lippens et de Maere n'assistent pas à la séance.
- La séance est levée à quatre heures et demie.