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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 17 avril 1866

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1865-1866)

(Présidence de (M. E. Vandenpeereboom.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 621) M. Thienpont, secrétaire., procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. de Florisone donne lecture du procès-verbal de la séance précédente.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Thienpont, secrétaire., présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la Chambre.

« Les courtiers d'assurances près la bourse d'Anvers prient la Chambre de discuter leurs intérêts en dehors de ceux des autres courtiers. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du titre V, livre premier, du Code de commerce.


« Les directeurs et représentants des principales compagnies d’assurances maritimes près la bourse d’Anvers prient la Chambre de maintenir l’existence légale des courtiers d’assurance. »

- Même décision.


« La chambre syndicale des agents de change et courtiers de commerce à Bruxelles prie la Chambre d'ajourner jusqu'à la révision complète du Code de commerce, le chapitre qui se rattache à l'existence des agents de change comme officiers publics. »

- Même décision.


« Le sieur Hugens, combattant de septembre, demande une pension.»

M. Rodenbach. - Je demande le renvoi de cette pétition à la commission des pétitions avec prière de faire un prompt rapport. Le pétitionnaire sollicite une gratification sur les fonds qui sont à la disposition de M. le ministre de la guerre.

Il y a, je crois, des titres, et j'appuie d'autant plus volontiers sa demande qu'il était à l'armée lorsqu'on a distribué la croix de Fer et autres faveurs.


« Le sieur Deleye, ancien militaire, demande une augmentation de pension ou un emploi. »

- Même renvoi.


« La chambre syndicale des courtiers et agents de change de Gand demande le maintien du courtage légal et fait hommage d'un exemplaire de l'ouvrage intitulé : Vénalité des offices du courtage, auquel elle déclare adhérer. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du titre V, livre premier, du Code de commerce.


« Des habitants de Bruxelles demandent que le droit de suffrage pour les élections communales et provinciales soit étendu à tous ceux qui savent lire et écrire. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi qui porte une modification aux lois communale et provinciale.


« Des habitants de Bruxelles demandent le suffrage universel pour les élections communales et provinciales. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner la proposition de loi portant modification aux lois communale et provinciale.


« Les membres de l'administration communale et des habitants de Gaurain-Ramecroix demandent qu'au lieu de rectifier la ligne de chemin de fer de Tournai à Havinnes, le gouvernement trace la voie à partir de la hauteur de Barry, en ligne droite sur Tournai, en passant par Gaurain-Ramecroix. »

M. Crombez. - Je demande que cette pétition soit renvoyée à 2a commission, avec prière d'un prompt rapport.

- Adopté.


« M. le ministre de la justice transmet, avec les pièces de l'instruction la demande en naturalisation ordinaire du sieur Ém.-J. P. Spierings. »

- Renvoi à la commission des naturalisations.

Election du greffier de la chambre

MpVµ. - Aux termes de l'article 68 de notre règlement, il y a lieu de procéder à une nouvelle élection du greffier ; les pouvoirs du greffier actuel sont sur le point d'expirer.

Je propose de mettre cette élection en tête de l'ordre du jour de jeudi.

- Adopté.


MpVµ. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi qui ouvre au ministère des affaires étrangères un crédit de 70,000 fr., mais M. le ministre des affaires étrangères est retenu par des affaires de service. Je vous propose donc de remettre cet objet jusqu'à ce qu'il soit présent.

- Adopté.

Projet de loi modifiant les dispositions du livre Ier, titre V, du code de commerce, en matière de liberté de courtage

Discussion générale

MpVµ. - La discussion générale est ouverte.

M. Delcourµ. - Dans la discussion générale, je me propose de présenter quelques observations sur le principe fondamental du projet de loi. Je tracerai à grands traits le but de la législation qui vous est proposée, en la comparant avec celle établie par le Code de commerce. Le Code de commerce a introduit le principe du privilège, du monopole ; à ce principe le projet de loi substitue un principe nouveau, celui de la liberté. C'est le principe de la liberté que je compte défendre.

Sous l'empire du Code de commerce, les fonctions d'agent de change et de courtier ne sont pas considérées comme une profession ordinaire, ce sont de véritables fonctions publiques à la nomination du gouvernement.

Les courtiers et les agents de change sont obligés de prêter serment ; ils sont soumis aune foule de conditions qui ne me semblent plus guère conciliables avec l'esprit qui domine l'ensemble de nos institutions. C'est parce qu'on les considère comme des officiers ministériels qu'on les a investis d'une foule d'attributions particulières dans le détail desquelles je crois superflu d'entrer en ce moment.

Me proposant de défendre le principe nouveau, le principe de liberté, il me suffira de présenter quelques considérations générales sur ce point.

Mais, avant, parcourons ensemble quelques-unes des principales objections.

On a d'abord combattu le projet en faisant remarquer que le principe de liberté n'est pas nouveau ; il a été mis en pratique par la loi du 5 mai 1791 et a produit de grands abus, des abus tels, qu'il a fallu y pourvoir par une législation spéciale. Ces abus pourront se reproduire sous la législation nouvelle.

On justifie, en second lieu, la législation existante par une considération qui, à mes yeux, n'est pas sans valeur. Les opérations constatées par les agents de change ou les courtiers se font avec la plus grande sécurité ; elles donnent rarement lieu à des contestations : l'intervention de ces agents est d'une utilité incontestable au commerce.

Je citerai, à cette occasion, un renseignement des plus précieux que j'ai rencontré dans l'enquête qui a été faite en France sur la question du courtage.

La chambre de commerce de Nantes, appelée au sein de cette commission, dirigée par le conseil d'Etat, a déclaré qu'en 1857, en 1858 et en 1859, la recette entière de la Réunion a été vendue à livrer et pour la plus grande partie, sur la place de Nantes. Eh bien, ces affaires qui prirent un chiffre énorme et qui ont toutes été faites par l'entremise des courtiers, se sont réalisées, et il n'y a pas eu un seul procès, une seule difficulté.

Ces considérations, messieurs, quelque graves qu'elles soient, ne m'arrêtent pas. C'est après avoir fait une étude sérieuse et approfondie de la question, que je me suis rallié au projet de loi. Je dirai même que je l'ai examiné, dans le principe, avec l'intention de venir le combattre au sein de la Chambre et de défendre la législation existante. Il a fallu de fortes raisons pour me déterminer à prendre la parole en faveur du projet. Je vous les exposerai avec la plus entière franchise.

La position du commerce n'est plus aujourd'hui ce qu'elle était en 1810. En 1810 on ne comprenait pas la fécondité du principe de la liberté commerciale comme on la comprend de nos jours. La liberté commerciale s'est introduite dans nos mœurs ; nous avons pu en apprécier les conséquences, en juger les effets ; c'est grâce à elle que nous (page 622) devons en partie ce mouvement considérable d'affaires qui a si puissamment développé la richesse nationale.

En 1810, on se défiait de la liberté ; aujourd'hui, le commerce se croit assez fort, assez robuste pour pourvoir lui-même à sa propre sécurité.

Que nous demande-t-il ? Il ne nous demande qu'une chose, la liberté, c'est-à-dire qu'on le délivre même des faveurs que le Code de commerce lui accorde dans la matière qui nous occupe.

Ce vœu a été exprimé par un grand nombre de nos chambres de commerce, par la chambre de commerce d'Anvers, si bien placée pour apprécier cette question ; il a été émis par la commission centrale de l'industrie et du commerce. Nous ne pouvons puiser à de meilleures sources l'expression d'un vœu public. Ce sont les autorités les plus compétentes que nous puissions consulter.

En décrétant la liberté du courtage, nous consacrerons par la loi un état de choses qui existe en fait.

En effet, voici quelle est, sous ce rapport, la situation de la place d'Anvers.

A l'heure qu'il est, il y a à Anvers plus de 300 commissionnaires se livrant à des opérations de courtage, alors que le nombre des courtiers officiels est au plus de 110. Cet état de choses ne prouve-t-il pas, à la dernière évidence, qu'une situation nouvelle s'est créée et qu'il est de notre devoir d'y pourvoir. Nous ne pouvons le faire qu'en acceptant franchement un régime de liberté.

L'honorable M. Jamar vous l'a dit, dans le remarquable rapport qu'il a présenté au nom de la commission, le régime que le projet de loi vous propose de consacrer existe en Angleterre et en Hollande ; et si nous devons chercher nos exemples quelque part, nous ne pouvons les prendre à une meilleure source qu'auprès des nations qui occupent un rang si distingué dans l'ordre commercial.

Voici, messieurs, une autre considération qui a exercé sur mon esprit une certaine importance. La valeur au porteur est aujourd'hui une valeur presque générale ; autrefois, cette forme était exceptionnelle. Aujourd'hui, par conséquent, que chacun de nous peut acheter et vendre, le rôle des agents de change se trouve considérablement amoindri.

Le projet de loi a donné lieu à quelques objections que je dois maintenant rencontrer.

Je les ramène à trois.

On dit, 1°, que les courtiers et les agents de change, tels qu'ils sont constitués aujourd'hui, présentent des conditions de capacité, des conditions d'honorabilité et de moralité, qui font la garantie du commerce.

Messieurs, c'est mettre en question le principe même de la liberté ; comme j'ai eu l'honneur de vous le dire tout à l'heure, j'ai foi dans le principe de la liberté commerciale. J'y ai foi, parce que je me trouve en présence de faits qu'il est impossible de nier, en présence de faits qui me donnent la conviction que plus nous laisserons de liberté aux transactions commerciales, plus le commerce se suffira à lui-même.

La seconde objection porte sur la cote officielle des fonds publics. En proclamant là liberté du courtage, que deviendra la cote officielle de ces valeurs ?

Cette objection est encore à côté de la réalité des choses. En effet, la cote des fonds publics est maintenue dans le nouveau projet de loi ; elle sera faite par une commission qui présentera non moins de garanties sous ce rapport, que la cote telle qu'elle est actuellement arrêtée.

La seconde objection n'est pas plus fondée que la première.

On dit enfin : Mais les courtiers et agents de change ont un droit acquis. Modifier leur position, c'est méconnaître le principe de la non-rétroactivité des lois. Votre loi consacre donc une injustice.

Messieurs, autant que personne, je désire que la loi n'ait point d'effet rétroactif. La règle de la non-rétroactivité de la loi est un des principes tutélaires et fondamentaux de l'ordre social. Si l'objection était fondée, je me serais levé le premier pour repousser le projet de loi.

Mais je me demande : Où. est le droit acquis que le projet violerait ? Il s'agit d'un simple office public. Jamais on n'a nié qu'il soit dans le pouvoir du législateur de changer une fonction publique, d'en régler les conditions et les effets.

Qu'on ne vienne donc plus nous dire que nous méconnaîtrons le principe de la non-rétroactivité de la loi en modifiant une loi qui n'est plus en rapport avec les besoins sociaux.

Je dirai à ceux qui nous accuseront de violer des droits acquis, que les courtiers et les agents de change se sont placés eux-mêmes hors la loi, en n'observant pas les dispositions qui les régissent, et spécialement en faisant pour leur compte des opérations de commerce qui leur sont interdites.

Je crois en avoir dit assez pour justifier mon vote sur le principe du projet de loi, Permettez-moi d'ajouter quelques mois encore. Le projet de loi ne reproduit point l'article 85 du Code de commerce, qui défend aux agents de change et aux courtiers de faire des opérations de commerce pour leur propre compte. Je sais que l'article 85 du Code de commerce se justifie surtout par le privilège que la loi accorde aux agents de change et aux courtiers. Celle disposition n'a plus de raison d'être avec la liberté du courtage. Mais je me suis fait à moi-même une objection, sur laquelle j'appelle l'attention de l'honorable rapporteur et des membres de la commission spéciale.

La prohibition dont je viens de parler a été édictée dans l'intérêt du courtier et dans celui des parties qui l'emploient comme intermédiaire. Je demande ce qui arrivera dans l'espèce suivante.

Je transmets à un courtier d'une place quelconque, l'ordre de m'acheter une certaine quantité de marchandises, à tel prix.

En présence de l'article 85 du Code de commerce, le courtier ne pouvait pas faire l'opération pour son compte ; il ne pourra donc pas acheter ces marchandises et me les vendre avec bénéfice à un prix excédant le prix fixé par mon ordre. Je demande quelle sera la portée du projet de loi ? Il est interdit par notre législation civile, au mandataire chargé de vendre, de se rendre adjudicataire ; ce principe est-il maintenu ? Quelle responsabilité pèsera sur le mandataire ? Je ne puis croire qu'il soit entré dans la pensée de la commission de modifier les règles du droit commun.

Ma seconde observation de détail porte sur l'article 64 du projet.

Ici, messieurs, nous nous trouvons en présence de deux systèmes différents. Selon le projet du gouvernement, aucune valeur ne peut être cotée à la bourse sans son autorisation. (Interruption.)

M. Jamar, rapporteurµ. - Le gouvernement est d'accord avec la commission.

M. Delcourµ. - Permettez-moi d'achever ma pensée ; vous répondrez ensuite.

Voici le texte du projet :

« Aucune valeur ne pourra être cotée à la bourse sans l'autorisation du gouvernement, à peine, contre les contrevenants, d'une amende de 200 fr. à 2,000 francs. »

Je vous le demande, messieurs, cette rédaction est-elle claire ? Ne dit-elle pas aussi en toutes lettres qu'aucune valeur ne pourra être cotée sans l'autorisation du gouvernement ?

La commission supprime la disposition ci-dessus et écarte toute intervention du gouvernement. C'est une conséquence nouvelle de la liberté qu'elle a proclamée. Je dis, moi, qu'il y a une opinion intermédiaire : c'est de permettre au gouvernement de défendre, dans certains cas, la cote d'une valeur qui ne présente pas un caractère sérieux. Je ne veux donc ni de la disposition du gouvernement, ni du changement que vous propose la commission. Je pense qu'il peut arriver un moment où le marché soit inondé d'une valeur peu solide, n'offrant aucune garantie et qu'il est de l'intérêt du commerce de ne pas coter.

J'ai lu avec beaucoup d'attention tout ce qui a été dit au sein de la commission, et je puis garantir que la commission gouvernementale a été préoccupée, comme je le suis, du danger qui peut se présenter. En soumettant l'article 64 à l'approbation du gouvernement, on a dit et on a répété qu'il faut accorder au gouvernement le pouvoir d'empêcher la cote de valeurs non sérieuses.

Je vous prie, messieurs, de bien me comprendre.

J'adhère à la suppression de l'article 64, j'adhère également à la proposition de la commission, avec cette réserve toutefois qu'il sera permis au gouvernement d'interdire, si les circonstances l'exigent, la cote de certaines valeurs dont la négociation présente des dangers.

Je vois M. le ministre me faire un signe négatif, mais je me permettrai de lui demander de vouloir bien m'expliquer l'article du projet, présenté par le gouvernement ; je demande moins que ne demande le gouvernement lui-même.

MfFOµ. - Quand nous avons présenté le projet de la commission, nous avons déclaré que nous nous réservions d'y introduire des modifications.

M. Delcourµ. - Je répète que je me trouve en présence de deux systèmes : le système de la commission gouvernementale et celui de la commission de la Chambre et que, selon moi, il peut être nécessaire, dans l'intérêt du crédit public, que la cote de certaines valeurs soit momentanément interdite à la bourse.

M. Bouvierµ. - Ce serait de l'arbitraire.

(page 623) M. Delcourµ. - Si c'était de l'arbitraire, je n'en voudrais à aucun prix.

Je sais bien qu'il existe une doctrine : laisser faire et laisser passer. J'accepte cette doctrine, mais avec ce double tempérament qu'elle se combine d'un côté avec l'intérêt de l'ordre public et social et que, d'autre part, elle sauvegarde l'intérêt des tiers. C'est ainsi qu'elle est comprise par la législation anglaise, et, dans ces termes, j'y souscris volontiers.

Il ne me reste plus, messieurs, qu'à vous faire une dernière observation relative à l'article 90. Je ne discuterai pas à fond la question soulevée par cet article. J'y reviendrai, si c'est nécessaire, dans le cours de la discussion des articles. L'article 90 a pour objet d'interdire les marchés à terme fictif ; il renvoie aux dispositions du Code civil sur les jeux et paris, et assigne, par là, à ces marchés leur véritable caractère juridique. Or, la commission demande la suppression de l'article 90.

Je crois, messieurs, qu'il serait dangereux de retrancher cette disposition comme la commission vous le propose. On pourrait donner à notre vote une portée qu'il ne saurait avoir.

Il n'entre point dans les intentions de la Chambre de légitimer les jeux de bourse et de les soustraire à l'application des articles 1965 et suivants du Code civil. Si la suppression de l'article 90 pouvait avoir pour effet de légitimer, dans tous les cas, les marchés à terme fictifs, autant vaudrait supprimer les dispositions si salutaires et si morales du Code sur les jeux et paris, car les marchés à terme dont je parle ne sont que des jeux de bourse, des paris sur la différence du cours.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je ne répondrai qu'aux observations de détail présentées par M. Delcour, puisque l'honorable membre est d'accord avec le gouvernement et la commission pour adopter le principe de la liberté du courtage.

L'honorable membre a demandé si l'article 85 du Code de commerce ancien ne disparaissait pas par suite de la nouvelle loi. Il est évident que cet article disparaît et que les agents de change et les courtiers pourront faire des opérations pour leur propre compte. Mais l'honorable membre a supposé un cas qui n'a rien de commun avec la liberté du courtage, le cas où un particulier donne des instructions à un courtier pour faire un achat à tel ou tel prix et où le courtier, qui a entre les mains les marchandises, les livre à un prix supérieur au prix auquel il les a achetées. (Interruption.) Qu'arriverait-il dans ce cas ? C'est que le particulier pourra traduire le courtier devant les tribunaux civils, parce que le contrat sera frauduleux. Si maintenant...

M. Delcourµ. - Une seule observation ; vous maintenez les principes du droit commun.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Evidemment ; le droit commun est la règle.

Maintenant si le courtier dit à la personne qui lui a donné des ordres : J'ai des marchandises entre les mains et je vous les livre au prix que vous fixez, l'opération est parfaitement licite. Aussi la commission a jugé inutile d'introduire dans le nouveau Code une disposition à cet égard parce que les dispositions actuelles suffisaient complètement.

La deuxième observation de M. Delcour porte sur la question de savoir s'il ne serait pas utile de laisser au gouvernement le droit d'empêcher la cote de certaines valeurs, à la bourse, notamment lorsque des valeurs mauvaises seraient trop considérables sur le marché.

Je m'étonne vivement de voir l'honorable membre qui dans là première partie de son discours, a soutenu la liberté commerciale, venir tout à coup proposer de remettre le sort de cette liberté à l'arbitraire du gouvernement, car il est impossible au gouvernement de savoir mieux que le particulier quelle est la valeur des titres qui se trouvent sur le marché. Un titre peut être très bon aux yeux d'une personne et mauvais aux yeux d'une autre ; les titres peuvent être influencés par une foule de circonstances et le gouvernement, pas plus que le particulier, ne pourrait dire si une valeur est mauvaise.

Le gouvernement qui se chargerait d'une pareille mission serait certainement taxé d'arbitraire chaque fois qu'il refuserait de laisser coter une valeur à la bourse. Il serait sollicité pour empêcher la cote de certaines valeurs ; mieux encore, des interventions politiques se produiront dans ce but. (Interruption.)

On n'accuse déjà que trop le gouvernement d'intervenir dans des objets qui ne sont pas exclusivement de sa compétence ; ne le faisons pas intervenir en cette matière.

Quand une personne veut faire un achat soit de marchandises, soit d'autres objets, quand elle veut acheter, par exemple, une maison, le gouvernement ne lui dit pas : Cette maison s'écroulera ou ne s'écroulera pas. Quand elle veut acheter des fonds publics, des actions de chemin de fer, le gouvernement ne doit pas lui dire ; Achetez telles valeurs plutôt que telles autres. Au surplus cela serait dérisoire. Vous auriez beau mettre dans une loi que le gouvernement se réserve le droit, dans des circonstances déterminées, d'interdire la cote à la bourse de certaines valeurs, que ce serait inexécutable au point de vue du but que veut atteindre l'honorable membre, parce que si ces valeurs ne se cotaient pas à la bourse, elles se coteraient ailleurs.

Sous le régime actuel, toutes les valeurs, bonnes ou mauvaises, sont cotées et les particuliers savent quel est leur taux.

L'honorable membre dit que le gouvernement n'avait pas d'abord l'intention de supprimer l'article 64, c'est une erreur.

Le gouvernement, ayant fait faire un projet par une commission d'hommes spéciaux, a voulu présenter à la Chambre, pour y donner toute l'autorité convenable, le travail de cette commission. Mais il s'est réservé le droit, et il a annoncé l'intention d'en user, de proposer des amendements ; le gouvernement l'a formellement déclaré, et parmi ces amendements se trouvait celui qui a été adopté par la section centrale. Voici comment s'expliquait le gouvernement, dans l'exposé des motifs, page 5 :

« Tel est, messieurs, le résultat des travaux de révision des deux premiers livres du Code de commerce, ainsi qu'il est formulé dans le projet de loi qui est soumis à vos délibérations ; toutefois le gouvernement se réserve de proposer ultérieurement divers amendements, notamment en ce qui concerne les dispositions du titre V, livre Ier, sur les bourses de commerce, les agents de change et courtiers, qui lui semblent même pouvoir être supprimées, sauf les mesures à prendre, au besoin, pour l'exécution des lois d'impôt. »

Vous voyez donc bien que l'intention du gouvernement était parfaitement conforme à celle formulée par la commission chargée de l'examen de ce titre.

La troisième observation de l'honorable M. Delcour est relative à l'article 90. L'honorable membre demande que cette disposition soit maintenue dans le nouveau Code

Eh bien, messieurs, je me rallie, pour ma part, à la proposition de la section centrale qui demande la suppression de cet article et voici pourquoi : c'est que, la jurisprudence étant fixée sur ce point, les tribunaux admettant que les opérations de bourse sont des jeux lorsqu'elles ne sont pas sérieuses et sont dans ce cas prohibées, le maintien de l'article n'aurait pas de but.

L'observation faite par la commission est parfaitement juste ; il vaudra mieux s'occuper des jeux de bourse, lorsqu'il sera question de la révision du Code civil. On examinera alors s'il y a lieu de les défendre d'une manière absolue ou s'il y a lieu de maintenir les principes actuellement en vigueur.

M. Jacobsµ. - Les partisans du monopole des courtiers, dont l'honorable M. Delcour a réfuté les objections, ne trouvent probablement pas d'organe dans cette enceinte : tel qu'il est aujourd'hui constitué, il a fait son temps.

Cependant, je crois devoir me faire l'écho, sans en accepter la responsabilité, de quelques-unes des considérations que les intéressés font valoir à l'appui de leurs réclamations.

Il y a dans l'organisation du courtage deux choses à distinguer : la limitation du nombre des courtiers et les garanties qu'offre la nomination, royale.

Les intéressés eux-mêmes ne demandent pas que la loi continue à limiter leur nombre ; les corporations ne trouvent plus en Belgique des défenseurs.

En est-il de même des garanties résultant de la nomination royale ? Ceux d'entre nous, messieurs, qui ont lu les volumineux procès-verbaux de la commission spéciale chargée d'élaborer le Code de commerce, y auront vu que cette question a donné lieu à des débats sérieux.

Et, en effet, messieurs, en Angleterre et en Hollande, le nombre des courtiers est illimité ; mais l'autorité publique en confère la qualité. Elle exige naturellement certaines garanties dans l'intérêt du public.

C'est un peu ce qui existe en Belgique dans d'autres matières. Ainsi la Chambre sait que pour commander un navire marchand, il faut, aussi bien que pour être avocat et médecin, avoir subi des examens de capacité.

L'ordre d'idées que j'aborde me conduit à me demander s'il ne serait pas possible de faire une distinction entre les courtiers comme on en fait une entre les défenseurs, selon les juridictions : toute personne peut plaider devant les justices de paix et les tribunaux de commerce, mais (page 624) les avocats seulement peuvent le faire devant les tribunaux civils et les cours.

N'y a-t-il pas lieu de distinguer entre les diverses catégories de courtiers ? Les courtiers de navires notamment ne méritent pas une position exceptionnelle.

Ces courtiers, messieurs, il faut bien le reconnaître, ne servent qu'aux étrangers : le Belge fait ses affrètements lui-même.

Les capitaines étrangers, et c'est l'immense majorité, puisque nous avons à peine une marine nationale, n'ont élevé aucune réclamation contre les courtiers de navires, et c'est là un fait qui plaide certainement en faveur de leur institution.

Les courtiers suppléent à leur inexpérience sans en abuser.

Les courtiers de navires, d'ailleurs, sont dans une position exceptionnelle à un autre point de vue encore ; on a reproché aux courtiers de profiter d'un monopole et de n'en pas accepter les charges ; en d'autres termes, de se livrer au lippage.

Or, les courtiers de navires sont restés, sous ce rapport, fidèles aux obligations que la loi leur impose.

Ces considérations ne fussent-elles pas de nature à justifier en leur faveur une position exceptionnelle, encore importerait-il, messieurs, de se rendre bien compte du double caractère de ces fonctionnaires : ils sont à la fois conducteurs de navires et interprètes. Comme conducteurs de navires, ils n'ont pas le monopole des déclarations d'entrée en gros et en détail, ainsi que l'a décidé la cour de cassation à différentes reprises ; ils ont celui des affrètements ; comme interprètes, ils ont le monopole de la traduction des manifestes, des rapports de mer des navires, en un mot de toutes les pièces qui se rattachent aux opérations maritimes.

Il me paraît que si l'institution des courtiers est abolie, il faudra créer à sa place une institution nouvelle, celle d'interprètes maritimes, si l'on veut. Ces interprètes seraient chargés de traduire toutes les pièces que les courtiers traduisent aujourd'hui. Ce ne seront certes pas les interprètes aux tribunaux, et qui n'ont d'autre mandat que celui qu'ils tiennent de ceux-ci, qui le plus souvent ignorent la langue commerciale, qui les remplaceront ?

Dans des ports de l'importance de celui d'Anvers, les courtiers doivent connaître toutes les langues de l'Europe, et ce ne sont par les traducteurs attachés aux tribunaux qui pourraient les remplacer dans toutes les circonstances.

Si donc il est impossible de maintenir aux courtiers de navires le monopole dont ils jouissent aujourd'hui, n'y aurait il pas lieu, je demande sur ce point une explication au gouvernement, de créer une institution quelconque, celle des interprètes maritimes ?

M. Bouvierµ. - Encore de la centralisation.

M. Jacobsµ. - Ce serait de la centralisation au même titre que l'institution des traducteurs jurys près les tribunaux.

Pour ma part, je ne suis nullement partisan de l'intervention gouvernementale ; moins il aura de nominations à sa disposition, plus j'en serai personnellement satisfait Mais il y a ici une lacune, au sujet de laquelle j'attends une explication du gouvernement ; il importe de savoir de quelle manière il entend la combler.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - L'honorable membre a fait justice lui-même des observations qu'il vient de présenter, en commençant par déclarer qu'il n'était ici que l'écho de plaintes formulées, mais qu'il n'y donnait pas son adhésion. Une seule de ses observations a cependant surnagé ; une seule a été présentée sous son patronage : c'est celle qui est relative à la création d'une nouvelle classe de personnes ayant un caractère public et qui seraient chargées de la traduction des documents relatifs aux opérations maritimes.

Eh bien, messieurs, je ne vois nullement la nécessité de créer des fonctionnaires spéciaux pour faire ces traductions.

Les courtiers ordinaires les feront eux-mêmes et s'il y a contestation, les tribunaux nommeront des interprètes jurés pour trancher le différend.

Quant aux plaintes qui ont été formulées au sujet de la suppression du courtage à titre de monopole, je dois dire qu'elles ne sont en aucune manière fondées. Les courtiers maritimes ont réclamé des indemnités du chef de la suppression de leur office. Eh bien, est-ce sérieux ? L'honorable M. Delcour a déjà fait bonne justice de cette prétention. D'abord, ce sont des offices publics qui dépendent de la législature ; le législateur, quand il le croit convenable et utile aux intérêts de la société, a parfaitement le droit de légiférer sur ce point, et les particuliers n'ont pas le droit de se plaindre.

Mais allons plus loin, en fait, les courtiers de navires ne subiront aucune perte. D'abord, ils n'ont rien payé pour devenir courtiers ; ce n'est pas comme en France où les offices de courtiers maritimes sont de véritables charges qui coûtent très cher. Nos courtiers maritimes n'ont rien payé pour obtenir leur office.

Ensuite, la loi ne fait que sanctionner un état de choses qui existe depuis longtemps. La situation ne subira donc aucun changement, et aucun courtier ne sera lésé, puisque la nomination de tous les courtiers actuels est postérieure à l'abandon de l'ancienne législation. C'est en 1853 que la circulaire de M. le procureur général de Bavay est intervenue ; c'est alors qu'on a voulu faire reprendre des poursuites interrompues depuis longtemps, et il faut remonter à une vingtaine d'années avant 1853, pour trouver des courtiers qui auraient été en possession d'un monopole.

Je le répète, ils ont trouvé à côté d'eux des concurrents libres qui avaient, comme eux, la confiance du public.

Si la loi est adoptée, qu'arrivera-t-il ? C'est que les courtiers officiels conserveront leur clientèle ; s'ils s'appliquent à ces affaires spécialement, comme ils s'y sont appliqués par le passé, il est certain que le public les préférera à des courtiers qui ne font que commencer les affaires, et qui n'ont pas pour eux l'expérience des anciens courtiers officiels.

Je crois donc que les courtiers maritimes ne subiront aucune perte de ce chef.

On nous dit encore qu'il y a utilité à donner des guides aux capitaines de navires étrangers qui se rendent dans un port de mer, sans connaître souvent la langue qu'on y parle.

Cette objection n'est pas non plus sérieuse. On sait parfaitement que ces capitaines arrivent la plupart du temps avec des instructions, qu'ils savent les courtiers auxquels ils doivent s'adresser. Au surplus, ils ont leurs consuls, auprès desquels ils peuvent prendre des renseignements. Ils peuvent encore se renseigner auprès d'autres capitaines de navires qu'ils rencontreront ; ils ne sont donc pas abandonnés, comme on l'a soutenu, à la maladresse ou à l'inexpérience de personnes inconnues auxquelles ils devront s'adresser.

Je crois donc qu'il n'y a pas lieu de s'arrêter aux observations présentées par l'honorable M. Jacobs. On ne commet aucune espèce d'injustice, on n'enlève aucun droit acquis en supprimant le courtage officiel ; et il n'est pas nécessaire de faire en faveur des courtiers maritimes une exception aux règles de la liberté.

M. Jamar, rapporteurµ. - Messieurs, je n'ai que peu de chose à ajouter aux observations si concluantes que M. le ministre de la justice vient de présenter sur le courtage maritime dont a parlé l'honorable M. Jacobs. L'honorable membre demande qu'il soit créé une classe de fonctionnaires spéciaux pour sauvegarder les intérêts des capitaines de navires étrangers.

Eh bien, n'en déplaise à l'honorable membre, les capitaines de navires étrangers ne se soucient nullement de cette protection.

En 1851, l'Angleterre, dans le traité de commerce, a stipulé, pour ses nationaux, le droit de se passer de ces intermédiaires officiels. L'Italie, qui a proclamé chez elle, en 1854, la liberté en matière de courtage, a revendiqué pour ses nationaux la faveur qu'avait obtenue l'Angleterre.

Nous aurions donc, à mon sens, grand tort de chercher à sauvegarder les intérêts des capitaines de navires étrangers, par des mesures que les nations étrangères considèrent comme inefficaces et dont elles demandent la suppression comme une faveur en traitant avec nous.

M. Jacobsµ. - Messieurs, il ne faut pas exagérer une bonne thèse. Il est positif qu'il y a des intérêts sérieux attachés à la constitution d'un corps de courtiers de navires.

M. le ministre de la justice croit que le capitaine de navire, quelque étranger qu'il soit au port d'arrivée, y a des relations, des références ; qu'il peut en tout état de cause s'adresser à son consul.

Cette observation montre que l'honorable ministre de la justice ne s'est pas beaucoup occupé d'affaires commerciales ; et c'est très naturel ; il ignore que les capitaines de navire sont envoyés la plupart du temps à la côte d'Angleterre, à Falmouth, où ils reçoivent seulement connaissance du port, entre le Havre et Hambourg, où ils devront se rendre. Exiger qu'ils aient des relations dans chacun des ports de cette étendue de côtes, c'est leur demander l'impossible.

Pourront-ils au moins s'adresser à leurs consuls ? Mais ils ont besoin du courtier avant d'avoir pu débarquer, et à moins d'exiger que le consul, imitant les courtiers, aille en barquette au-devant de chacun des navires de sa nation, il faut que le capitaine renonce à s'éclairer de son avis dans le choix d'un intermédiaire.

(page 625) Le corps des courtiers de navires n'a donc pas été constitué sans des raisons très sérieuses.

Je suis le premier à reconnaître que les avantages sont dépassés par les inconvénients ; or, toutes les raisons d'autrefois doivent fléchir devant le courant de liberté qui tend aujourd'hui à émanciper le commerce ; mais ne méconnaissez pas les graves motifs qui avaient conduit nos prédécesseurs à un résultat tout opposé.

M. le ministre de la justice conteste toute utilité aux interprètes officiels ; si son collègue des finances, dans les attributions duquel se trouvent les douanes, veut se contenter d'une traduction des manifestes faite par le premier venu, si toutes les autorités administratives veulent en faire de même pour tous les documents maritimes, alors évidemment il n'est pas nécessaire de créer des interprètes. Le commerce se félicitera de ces facilités nouvelles, mais je doute que le département des finances surtout persiste dans cette voie après expérience.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Messieurs, l'honorable M. Jacobs prétend que j'ignore les usages du commerce ; c'est possible ; mais je lui ferai remarquer que son observation ne s'adresse pas seulement à moi, qu'elle s'adresse à la commission qui a été chargée d'élaborer le projet de révision du Code de commerce et qui comptait, je pense, des hommes très spéciaux et connaissant la matière tout aussi bien que l'honorable membre.

Or, il est dit, dans le rapport, que presque tous les capitaines de navires savent parfaitement où s'adresser. Au surplus, il ne faut pas connaître le commerce maritime pour savoir qu'il en est ainsi.

Messieurs, l'honorable membre a ajouté qu'on devra établir des interprètes, parce que le gouvernement ne pourrait pas se contenter des déclarations telles qu'elles seraient faites par des courtiers non officiels.

Si des garanties sont réclamées, que fera le gouvernement ? Il prendra les mesures nécessaires. Si les courtiers libres faisaient des déclarations fausses, ils commettraient des faux, et ils seraient responsables devant les tribunaux des déclarations fausses qu'ils auraient faites pour permettre aux capitaines de réaliser des bénéfices.

Il n'y a pas de danger à craindre sous ce rapport ; si le gouvernement trouve utile de faire faire des traductions des pièces pour récupérer l'impôt, il avisera ; mais cet objet ne se rattache nullement à la suppression du courtage maritime. La liberté n'est ici nullement engagée. Que l'honorable M. Jacobs en soit convaincu, le département des finances fera tout ce qui est nécessaire, pour que les capitaines de navires ne frustrent pas l'Etat du payement de l'impôt qui lui est dû. Je crois que l'observation de l'honorable membre a bien moins en vue l'intérêt du trésor que celui des courtiers maritimes. C'est pour venir en aide aux courtiers maritimes qu'il invoque l'intérêt du trésor.

- La discussion générale est close.

Discussion des articles

M. Jamarµ. - Messieurs, la commission, d'accord avec le gouvernement, propose quelques modifications de rédaction aux articles 61, 62 et 63.

L'article 61 serait ainsi conçu :

« Art. 61. Une bourse de commerce est une réunion publique de commerçants, capitaines de navires, agents de change et courtiers d'une place de commerce.

« L'autorité communale en a la police. »

La seule modification apportée à cet article consiste dans l'addition au mot « réunion », au premier paragraphe, du mot « publique ».

La commission a pensé que l'introduction du mot « publique » indiquait nettement que l'autorité communale ne pouvait intervenir que lorsque la bourse de commerce était une réunion publique, et qu'à aucun titre elle n'aurait le droit d'intervenir dans les réunions privées de commerçants, capitaines de navires, etc., etc.

L'article 62 serait ainsi conçu :

« Art. 62.les résultats des négociations et des transactions qui s'opèrent dans les bourses de commerce servent à déterminer le cours du change des effets publics et autres dont le cours est susceptible d'être coté. »

Enfin, la commission nous propose d'adopter à l'article 63, la rédaction du projet du gouvernement, que les modifications apportées aux article 61 et 62 rendent plus convenable.

MpVµ. - Nous abordons la discussion des articles.

Article 61

« Art. 61. Une bourse de commerce est une réunion publique de commerçants, capitaines de navires, agents de change et courtiers d'une place de commerce.

« L'autorité communale en a la police. »

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Messieurs, par les mots, « une réunion publique », il est évident que l'on entend une réunion ouverte à tout le monde. On pourrait croire que cette assemblée ne se constitue que de commerçants, de capitaines de navires, d'agents de change et de courtiers, parce qu'on a supprimé dans le projet de la commission les mots : « L'entrée est ouverte à tous. » Mais ce serait là une erreur.

On a défini une bourse de commerce une réunion de commerçants, parce que tous ceux qui s'y rendent le plus habituellement se livrent à des opérations commerciales. Mais il doit être entendu que, par réunion publique, on veut dire que les bourses sont accessibles à tout le monde, que tout particulier peut s'y rendre et y faire des opérations.

- L'article est adopté.

Article 62

« Art. 62. Les résultats des négociations et des transactions qui s'opèrent dans les bourses de commerce servent à déterminer le cours du change des effets publics et autres dont le cours est susceptible d'être coté. »

- Adopté.


« Art. 63. Ce cours est constaté par une commission composée de six à quinze membres, que délègue pour trois ans l'administration communale sur la présentation d'une liste double dressée par le tribunal de commerce et par la chambre de commerce.

« Un tiers des membres de la commission sortira chaque année.

« Les membres ne pourront être réélus qu'après un intervalle d'une année.

« La première sortie sera réglée par le sort.

« La constatation des cours sera faite dans la forme prescrite par les règlements locaux. »

- Adopté.

Article 64

MpVµ. - La commission, d'accord avec le gouvernement, propose la suppression de l'article 64.

- Adopté.

Article 65

« Section II. Des agents de change et courtiers

« Art. 65. Les agents de change et courtiers sont ceux qui servent d'intermédiaires pour les actes de commerce. »

M. Jacobsµ. - Messieurs, je me demande à quoi bon conserver la double dénomination d'agents de change et de courtiers ? J'ai vu, dans les procès-verbaux de la commission, que c'était pour plus de clarté. Il me semble qu'on atteint un résultat opposé. La position d'intermédiaire ne devrait être désignée dans le Code que par une seule dénomination, celle de courtier.

Il est vrai que, dans des articles postérieurs, il paraît y avoir quelque différence entre les agents de change et les courtiers. Il y a notamment l'article 70 qui ne s'occupe que des agents de change et non des courtiers. Mais je demanderai si la commission et le gouvernement ont des raisons pour ne pas étendre la disposition de cet article 70 à tous les courtiers.

Il est naturel que tout courtier soit responsable de la livraison et du payement de ce qu'il aura vendu ou acheté sans faire connaître son mandant.

En l'absence de toute distinction juridique entre courtiers et agents de change, je ne vois pas l'utilité d'embrouiller le Code en maintenant deux dénominations pour indiquer deux choses qui, en définitive, sont identiques, d'autant plus que vous ne défendez pas aux agents de change de faire des opérations de courtage et vice versa.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Il me serait impossible de faire droit à l'observation de l'honorable M. Jacobs, par une raison bien simple : c'est que, si les opérations de l'agent de change, comme celles du courtier, se réduisent à servir d'intermédiaire entre l'acheteur et le vendeur, il n'en est pas moins vrai que ceux qui se livrent à ces opérations portent des noms différents d'après le dictionnaire français et d'après l'usage. Ainsi l'agent de change n'est pas un courtier ; il fait, je le veux bien, des opérations analogues à celles du courtier. Mais, d'après le dictionnaire, on n'appelle pas courtier un agent de change. Or, le Code doit appeler les choses par leur nom, et il doit appeler agent de change un agent de change. L'opération est la même, mais elle s'applique à des choses différentes.

L'agent de change est celui qui négocie des valeurs, tandis que le courtier est celui qui se livre à d'autres opérations commerciales. C'est la nature des opérations qui fait changer le nom de l'intermédiaire.

Quant à la seconde observation de l'honorable M. Jacobs, il suffira de mettre à l'article 70 : « les agents de change et courtiers. » L'article 70 sera ainsi en rapport avec l'article 65.

(page 626) M. Jacobsµ. - Lorsque l'usage est défectueux ou conduit à des erreurs ou à des inutilités, je crois qu'il est bon de changer l'usage.. Ainsi la définition de la société en participation, qui n'était rien moins que claire dans l'ancien Code de commerce, a été écartée par le rapport de l'honorable M. Pirmez, sur le titre des sociétés.

En réalité, n'est-il pas admis aujourd'hui que l'argent est une marchandise ? Les courtiers d'argent et les courtiers de marchandises ne présentent aucune différence. Dès lors, je ne vois pas pourquoi l'on n'admettrait pas une dénomination générale.

Remarquez que telle a été l'intention première de la commission. Elle avait proposé un seul terme et c'est alors que dans le but, bien mal atteint, d'être plus claire, elle en a pris deux ; elle a peut-être voulu s'en rapporter à l'usage dont on parle ; mais je crois que l'usage est fautif.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Il est fondé.

M. Jacobsµ. - Il est fondé ! Je me demande sur quoi. Que sont les quatre espèces de courtiers ? Ce sont des intermédiaires pour l'échange des valeurs de quelque nature qu'elles soient ; que ce soient des marchandises, que ce soient des affrètements, que ce soient des assurances, que ce soient des sommes d'argent, toujours il ne s'agit que d'une marchandise ou valeur confiée à l'intermédiaire et muni de laquelle le courtier court à la recherche d'un amateur.

Je ne conçois donc pas qu'on veuille appeler l'un agent de change et les autres courtiers. Tous les deux courent et changent, l'un et l'autre échangent ce qu'a l'acheteur contre ce qu'a le vendeur ; c'est une seule et même opération, et si l'usage a distingué jusqu'aujourd'hui, c'est qu'il n'était pas encore admis dans nos mœurs que l'argent fût une marchandise ; aujourd'hui que cela est incontestable, différencier ces fonctions, c'est commettre un anachronisme.

M. Rodenbach. - J'ai déjà déclaré, depuis plusieurs années, que j'admets le principe de liberté.

Nous devons réprimer tous les monopoles et les privilèges. Je me plais à croire que maintenant qu'on a proclamé dans beaucoup de pays la liberté du commerce, nous pouvons avoir l'espoir de voir disparaître, je ne dis pas brusquement, mais successivement les douanes. Cela arrivera par la force même des choses.

Par les chemins de fer seuls vous serez forcés de faire disparaître les douanes. L'on pourrait commencer en diminuant les droits d'entrée et en modifiant le système des accises qui peut être beaucoup amélioré sans nuire au trésor public.

J'ai demandé la parole lorsque j'ai entendu parler de la suppression des courtiers officiels et autres.

Je crois que le vote de cette suppression sera même avantageux pour je gouvernement.

Les agents de change, les courtiers de commerce, les courtiers maritimes, les courtiers d'assurance, les courtiers de toute espèce ne payent point patente. Il y aura là un revenu que M. le ministre des finances s'empressera d'accueillir.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je reviens encore sur la première observation que j'ai faite. M. Jacobs dit :

Quant à l'observation de M. Rodenbach, il est certain que jusqu'à présent les courtiers-marrons ne pouvaient pas payer patente comme tels, puisqu'ils exerçaient une profession qui leur était interdite ; maintenant la liberté du courtage étant consacrée, ils payeront patente s'ils ne la payent déjà à un autre titre, comme commissionnaire, par exemple, et ce sera, comme l'a dit l'honorable M. Rodenbach, un nouveau revenu pour le trésor.

M. Jamar, rapporteurµ. - Je ne puis qu'appuyer les observations de M. le ministre de la justice. Je ne vois aucun avantage à la modification proposée par M. Jacobs, et j'y vois des inconvénients. Les dénominations d'agent de change et de courtier font naître dans l'esprit l'idée d'opérations complètement distinctes et la suppression de l’une de ces dénominations ne pourrait amener qu'une confusion regrettable.

- L'article est adopté.

Article 67

« Art. 67. Ils font respectivement à ce titre les négociations des fonds publics, des obligations et actions de sociétés, des lettres de change, des billets à ordre et de tous autres papiers commerçables, des escomptes et des emprunts, des achats et ventes de marchandises, des achats et ventes de navires, des assurances, des contrats à la grosse et des affrètements.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Messieurs, j'estime que cet article doit être supprimé : puisqu'il est permis aux agents de change de tout faire, il est inutile de dire qu'ils pourront faire telles et telles opérations.

- L'article est supprimé.

L'article 67 a été supprimé par la commission, d'accord avec le gouvernement.

Article 68

« Art. 68. Les agents de change et courtiers sont tenus d'avoir un livre revêtu des formes prescrites par l'article 11.

« Ils sont tenus de consigner dans ce livre, jour par jour et par ordre de dates, sans ratures, entre-lignes ni transpositions, et sans abréviations ni chiffres, toutes les conditions des ventes, achats, assurances, négociations, et, en général, de toutes les opérations faites par leur ministère. »

M. Lelièvreµ. - Je pense que la rédaction de notre disposition doit nécessairement être changée. En effet, on n'a pas voté l'article 11, on ne peut dès lors en faire mention dans le projet que nous allons adopter. Il me paraît qu'on devrait se borner à dire : revêtu des formes prescrites a l'égard des négociants.

Quant au second paragraphe, j’estime qu'il doit être bien entendu que les livres des agents de change et courtiers font foi jusqu'à preuve contraire ; en principe, ils doivent faire preuve, sauf aux intéressés à débattre ces documents par toutes les voies de droit. Ce principe résulte nécessairement de la disposition que nous discutons.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Messieurs, je crois. qu'il suffit d'ajouter après les mots : « par l'article 11 » ceux-ci : « du Code de commerce » ; cela est indispensable, parce que je crois qu'il est dans l'intention du législateur de publier le chapitre du Code de commerce que nous discutons avant que le Code ait été révisé en entier.

Quand on fera la révision générale, les articles de la loi actuelle devront prendre leur place dans le Code de commerce ; les numéros des articles ne sont que provisoires.

M. Jacobsµ. - Pour suivre la voie indiquée tout à l'heure par M. le ministre de la justice, il faudrait biffer dans l'article actuel toute l'énumération qui s'y trouve et dire simplement : « les conditions de toutes les opérations faites par leur ministère »

M. le ministre de la justice (M. Bara). - J'adhère à l'observation de M. Jacobs.

M. de Brouckere. - Il faudrait dire « par leur intermédiaire. »

M. le ministre de la justice (M. Bara). - « Intermédiaire » vaut mieux que « ministère ».

- L'article ainsi modifié est mis aux voix et adopté.

Article 69

« Art. 69. Les agents de change et courtiers sont aussi tenus de consigner leurs opérations sur des carnets, immédiatement après les avoir conclues.

« Ils sont tenus, en outre, de représenter leurs livres et carnets aux juges ou arbitres. »

- Adopté.

Article 70

« Art. 70. Chaque agent de change est responsable de la livraison et du payement de ce qu'il aura vendu ou acheté.

« Cette responsabilité cesse lorsque l'agent de change a fait connaître, en contractant, le nom de sa partie à la personne avec laquelle il contracte et que celle-ci a accepté le marché. »

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Au lieu de : « Chaque agent de change est responsable, etc., » on pourrait dire :

« Ils sont responsables de la livraison et du payement de ce qu'ils auront vendu ou acheté. »

Le mot « ils » s'appliquerait aux courtiers et aux agents de change.

- L'article ainsi modifié est adopté.


« Art. 71. Les agents de change sont civilement responsables de la vérité de la dernière signature des lettres de change ou autres effets qu'ils négocient. »

- Adopté.

Articles 72 et 90, article nouveau

MpVµ. - La commission et le gouvernement proposent la suppression des articles 72 et 90 ?

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Un article nouveau doit être ajouté à la loi. C'est une disposition relative à la loi du 31 décembre 1851 sur les loteries. Cette loi, qui prohibe les loteries en Belgique, fait exception pour les opérations financières des puissances étrangères, avec prime ou remboursables par la voie du sort, lorsque la cote officielle de ces opérations a été autorisée par le gouvernement. Or, la Chambre vient de supprimer la cote officielle de toutes les valeurs. Dès lors il faut modifier la loi de 1851 et ne plus parler de la cote officielle.

Je propose un article nouveau, ainsi conçu :

« Le n°1 de l'article 8 de la loi du 31 décembre 1851 est remplacé comme suit :

« Les opérations financières des puissances étrangères avec prime ou remboursables par la voie du sort, lorsque l'émission des titres relatifs à ces opérations aura été autorisée par le gouvernement. »

Désormais le gouvernement n'autorisera plus la cote, mais l'opération. Ceux qui distribueront des titres de ce genre seront punis conformément à la loi sur les loteries, mais on peut échapper à la peine en demandant au gouvernement l'autorisation de distribuer les titres afférents à ces opérations.

M. Orts. - Je demanderai à l'honorable ministre de la justice s'il est bien entendu que par emprunts ou opérations de puissances étrangères, on comprend les opérations faites à l'étranger par des villes, des départements ou d'autres subdivisions de pays. Par exemple, un emprunt contracté par la ville de Paris est une opération à laquelle peuvent prendre part beaucoup de Belges tout aussi bien qu'à un emprunt fait par le gouvernement.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je ferai remarquer d'abord à l'honorable membre que l'article que je propose n'a pas rapport à la loi actuelle, mais à la loi de 1851, sur les loteries, dans laquelle on emploie les mots « puissances étrangères », de telle sorte que l'interprétation de ces mots sera la même dans la loi que nous discutons que dans la loi de 1851.

Au surplus, mon honorable collègue les finances me dit que par les mots « puissances étrangères, » on entend tous les corps publics étrangers.

- Les articles 72 et 90 du projet du gouvernement sont supprimés.

L'article nouveau, proposé par M. le ministre de la justice, est adopté.

MpVµ. - Quand la Chambre veut-elle procéder au second vote ?

M. le ministre de la justice (M. Bara). - On pourrait, je pense, le fixer à demain.

- Cette proposition est adoptée.

Projet de loi ouvrant un crédit au budget du ministère des affaires étrangères

Vote de l’article unique

« Article unique. Il est ouvert au département de affaires étrangères un crédit supplémentaire de soixante-dix mille francs (fr. 70,000).

« De cette somme, quinze mille francs (fr. 15,000) seront ajoutés à l'article 4 et cinquante-cinq mille francs (fr. 55,000) à l'article 27 du budget de 1866.

« Le crédit dont il s'agit sera couvert au moyen des ressources ordinaires. »

- Adopté.


Il est procédé a l'appel nominal.

72 membres y prennent part :

Tous répondent oui.

En conséquence la Chambre adopte.

Ont répondu à l'appel nominal :

MM. Pirmez, Reynaert, Rodenbach, Rogier, Sabatier, Schollaert, Snoy, Tack, Thienpont, T'Serstevens, Valckenaere, Alp. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Hoorde, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Overloop, Van Wambeke, Vilain XIIII, Vleminckx, Wasseige, Ansiau, Bara, Beeckman, Bouvier, Carlier, Crombez, David, Debaets, de Borchgrave, de Brouckere, de Conninck, de Florisone, De Fré, de Haerne, de Kerchove, Delcour, de Muelenaere, de Naeyer, de Rongé, de Ruddere de le Lokeren, de Smedt, de Terbecq, de Theux, Dewandre, de Woelmont, Dolez, Elias, Frère-Orban, Funck, Goblet, Grosfils, Guillery, Hayez, Jacobs, Jacquemyns, Jamar, Landeloos, Lange, Le Bailly de Tilleghem, Lelièvre, Lesoinne, Lippens, Mascart, Moreau, Mouton, Muller, Nothomb, Orban, Orts et Ernest Vandenpeereboom.

Le projet de loi sera transmis au Sénat.

Projet de loi allouant un crédit au budget du ministère de l’intérieur

Dépôt

MfFOµ. - D'après les ordres du Roi, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre un projet de loi qui alloue au département de l'intérieur un crédit de 83,000 fr. destiné à l'approbation des locaux du musée Wiertz qui est légué à l'Etat.

- Il est donné acte à M. le ministre des finances du dépôt de ce projet de loi qui sera imprimé et distribué et renvoyé à l'examen des sections.

- Des voix. - A demain !

MpVµ. - On propose de remettre la séance à demain...

- Voix nombreuses. - A 3 heures.

MpVµ. - La séance est remise à demain à 3 heures.

- La séance est levée à 4 heures et un quart.