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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 8 février 1866

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1865-1866)

(Présidence de (M. E. Vandenpeereboom.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 369) M. Thienpont,., secrétaire, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. de Moor, secrétaireµ, donne lecture du procès-verbal de la séance précédente.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Thienpont, secrétaire., présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la Chambre.

« Des habitants de Mellier prient la Chambre de faire contraindre la grande compagnie du Luxembourg à construire l'embranchement de Bastogne, parlant de Longlier. »

« Même demande d'habitants de Neufchâteau, Jemelle, Sainte-Marie. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du rapport sur des pétitions relatives au même objet.


« Le sieur Lodewyck réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir la grâce de deux enfants en bas âge, condamnés du chef de vol de fruits dans un jardin. »

M. de Baillet-Latourµ et M. Eliasµ. - Je demande le renvoi à la commission des pétitions avec prière de faire un prompt rapport.

- Adopté.


« Des habitants de Bruxelles demandent le suffrage universel pour les écoles communales et provinciales. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner la proposition de loi qui porte une modification aux lois provinciale et communale.


« Le sieur Van Eeckhoutte demande l'autorisation de faire valoir devant le tribunal son droit à une propriété qui a été vendue sans décision judiciaire. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des habitants de Destelbergen, Laerne et autres communes traversées par la route concédée de Gand à Termonde demandent l'abolition du droit de barrière sur toutes les routes. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.


« Les sieurs Bouquié, Picard et autres membres du congrès international des étudiants demandent des modifications au système des examens établi à l'école des mines de Liège. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les sieurs Janson, Picard et autres membres du congrès international des étudiants, demandent la suppression du système actuel d'interrogations établi à l'école des mines de Liège et l'organisation de répétitions et d'interrogations facultatives. »

- Renvoi a la commission des pétitions.


« Les sieurs Heuschling, De Backer et autres membres du congrès international des étudiants demandent que la section des arts et manufactures soit supprimée à l'école des mines à Liège, que cette école cesse d'être annexée à l'université et qu'il n'y ait plus de cours communs à l'école et à l'université. »

- Même renvoi.


« Le Sénat informe la Chambre que dans sa séance du 7 février 1866 il a adopté les projets de lois :

« 1° Apportant des modifications au Code d'instruction criminelle et à la loi du 8 mai 1818 sur la garde civique.

« 2° Transférant à Iseghem le chef-lieu du canton de justice de paix d’Ingelmunster.

« 3° Allouant des crédits supplémentaires au budget du ministère de la justice pour l'exercice 1865. »

- Pris pour notification.

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l’exercice 1866

Discussion du tableau des crédits

Chapitre premier. Administration centrale

Articles 1 à 6

« Art. 1er. Traitement du Ministre : fr. 21,000. »

- Adopté.


« Art. 2. Traitements des fonctionnaires et employés : fr. 655,405. »

- Adopté.


« Art. 3 Frais de route et de séjour du Ministre, des fonctionnaires et employés de l'administration centrale : fr. 33,200. »

- Adopté.


« Art. 4. Traitements et salaires des huissiers, messagers, concierges et gens de service : fr. 58,015. »

- Adopté.


« Art. 5. Matériel, fournitures de bureau, impressions, achats et réparations de meubles, chauffage, éclairage, menues dépenses : fr. 70,000. »

- Adopté.


« Art. 6. Honoraires des avocats du département : fr. 30,000. »

- Adopté.

Chapitre II. Ponts et chaussées. Bâtiments civils

Première section. Ponts et chaussées

M. Julliot. - Messieurs, chaque discussion d'un budget des travaux publics, loin d'être un ennui, est une bonne fortune pour le chef de ce département.

Car, tous, nous avouons que cet honorable ministre exerce par sa haute intelligence des affaires, sa droiture et son impartialité, une grande et légitime autorité sur la Chambre.

Cet aveu, messieurs, m'est dicté par le devoir d'honneur d'être juste et loyal avant tout.

Maintenant, ayant rempli mon devoir, je puis réclamer les droits de mes commettants, car droits et devoirs sont inséparables.

Messieurs, principes et théorie à part, je vais parler des faits accomplis et à accomplir.

Le gouvernement a construit beaucoup de routes, nulle part l'Etat n'a fait autant de travaux, et après avoir donné aux grands intérêts tout ce qu'ils pouvaient demander, on s'est tourné vers les faibles, où l'on trouva beaucoup à faire. Parmi les parties oubliées, je citerai, dans le Limbourg, le canton et la ville de Looz ; ce canton a 32 communes, et l'Etat n'y a pas remué une pierre depuis trente ans.

Ces nombreuses communes, qui toutes font leurs affaires au grand marché entrepositaire de Tongres, n'ont, en hiver, aucune route praticable pour s'y rendre.

' Aussi, les communes de Celinden, Heers, Engelmanshoven, Opheers, Basheers, Fologne, Horpmael et Vechmael pétitionnent a l'unisson pour obtenir une route directe vers ce marché.

Cette route réunit, du reste, les meilleures conditions économiques ; elle est directe, passe par toutes ces communes, rencontre de nombreuses populations ayant beaucoup d'échanges à faire, et tout cela sur une courte distance de dix-huit kilomètres.

Ces populations, après avoir payé 30 ans pour les autres, demandent pour eux justice au pays, ce qui ne peut leur être refusé.

Mes honorables collègues, MM. Thonissen et le baron de Woelmont,. ont parfaitement établi l'oubli ou se trouve ce canton tout entier ; ils ont défendu avec persistance les intérêts qui leur sont confiés, et de mon côté je tiens à la disposition de la Chambre les rapports sur les diverses pétitions, où il me sera permis de vous donner des détails qui ne vous laisseront pas le moindre doute sur la nécessité de venir en aide à ces populations trop patientes peut-être, car le besoin est tel, que l'honnêteté. du pouvoir commande d'y satisfaire.

Je répète que payer pendant trente ans sans rien recevoir, ce sont de ces abnégations qu'on ne rencontre que dans cette patriotique et patiente province de Limbourg, qui dans le temps a servi de rançon pour constituer cette Belgique libre, que l'Europe admire aujourd'hui.

Devant ces titres, tout homme de cœur doit s'incliner et je ne doute pas que le gouvernement ne tienne à honneur de réparer le plus tôt possible cette lacune regrettable.

(page 370) Messieurs, j’en viens aux plantations le long des routes, à l'égard desquelles l'honorable baron de Macar a dit de très bonnes choses ; mais il est resté à moitié chemin et se contente de trop peu.

Messieurs, modestie à part, mais ce n'est pas aux Limbourgeois que vous devez enseigner l'économie arboricole. Nous avons les plus belles plantations du pays, et quand je viens de Tirlemont à Bruxelles, je vois partout des plantations qui n'ont pas le sens commun, dont les pieds sont à 2 ou 3 mètres les uns des autres.

Messieurs, l'honorable ministre des travaux publics a dit en passant dans son discours que la matière des plantations ayant été réglée par une commission, tout était dit à cet égard. Je ne suis pas du tout de cet avis, je pense qu'il y a lieu à reprendre cette question, qui a été mal résolue.

Cette commission date de 18536 elle n'a rien trouvé de mieux que de remplacer le peuplier du Canada par l'orme, comme si ce dernier ne prenait pas plus de développement encore que le Canada. Vous voyez le type de l'orme ici au Parc, et qui contestera qu'un voisin pareil d'une bonne terre ne ravagera pas considérablement ce fond.

Cette commission n'aurait pas conseillé l'orme, si elle s'était rappelé qu'un arbre est une tige ayant en bas le même développement qu'au haut, c'est-à-dire que le faisceau des racines est pareil au faisceau des branches et elle aurait reconnu qu'entre le canada et l'orme il n'y a de différence si ce n'est que l'un trace presque à la surface, et que l'autre travaille en taupe et trace à 2 ou 3 pieds de profondeur, mais que tous les deux sucent l'engrais de nos terres et s'arrondissent à nos dépens.

Vos plantations d'arbres de premier ordre sur vos routes ne se nourrissent pas du sol stérile de la route, mais de nos terres engraissées annuellement par le cultivateur. C'est une expropriation pour cause d'agrément sans indemnité aucune. Reprenons donc la question.

Messieurs, l'Etat fait planter sur les routes, et chaque pied d'arbre, en comptant la mise, la destruction et les intérêts, lui revient assez cher au bout de quarante ans.

Ces arbres, exposés à être endommagés et souvent détruits, ne donnent en marchandise utile qu'un sur deux. Cette expérience vient encore d'être faite sur la route de Tongres à Saint-Trond.

La question de savoir si les arbres des routes ne nuisent pas plus aux terres riveraines qu'ils ne donnent de bénéfice à l'Etat, est une question économique digne d'occuper les pouvoirs publics. Cette enquête a-t-elle été faite par la commission ? Non, pas le moins du monde.

Dans le temps, cette question a été soulevée au Sénat, sans avoir reçu de solution, mais un sénateur des plus instruits, et que je regrette de ne plus voir à son poste, a soutenu que le croît annuel de ces arbres en moyenne ne pouvait être évalué qu'à 25 centimes.

Je ne vais pas si loin, j'accorde 50 centimes et alors je me demande si chaque arbre ravageant les terres par ses racines à 15 et 20 mètres de distance ne détruit pas beaucoup plus qu'il ne donne. Ces arbres se trouvent à dix mètres les uns des autres et en prenant dix mètres de long sur vingt mètres de large, vous trouvez que chaque pied d'arbre amoindrit et même détruit la culture sur 200 mètres carrés de la terre. Or, le gouvernement doit donner l'exemple du respect à la propriété.

Déjà à la séance du 14 avril 1847, M. Brabant a prouvé par des calculs à la Chambre que l’Etat plantait pour planter, mais sans aucun bénéfice réel : et le ministre des travaux publics de cette époque a dû en convenir.

Messieurs, j'ai la conviction que la plantation des routes, telle qu'elle se fait, cause plus de perte qu'elle ne donne de bénéfice, et encore faut-il noter que la recette se fait au profit de tous et la perte par quelques-uns.

Une plantation d'arbres n'est pas une affaire d'ordre public ; c'est une industrie forestière, et dans cette question, l’Etat est dans la position de l'individu.

Le campagnard est très vexé de voir que sur toute une lisière de la route il a beau semer et fumer, il ne récolte rien ; aussi, il est décidé à actionner l'Etat pour faire couper les branches qui passent au-dessus de son héritage, et quand cela se pratiquera, les arbres, très écourtés d'un côté sans l'être de l'autre, manqueront d'équilibre et périront au bout de dix ans.

J'engage l'honorable ministre des travaux publics à prendre les devants pour faire étudier économiquement cette question, en nommant une commission, non pas de citadins et de poètes, mais d'hommes pratiques. Si au contraire on ne fait rien de semblable, des sociétés agricoles demanderont une commission parlementaire pour procéder à une enquête qui est devenue nécessaire aux yeux de beaucoup de monde.

J'ai dit que cette question économique n'a jamais été étudiée à fond en Belgique et que, selon moi, il faut s'en occuper et rechercher :

1° Si le bénéfice que fait l’Etat sur ses plantations, en comptant tous les frais et les intérêts, est réel ou apparent seulement ;

2° Si, en admettant que ce bénéfice soit réel pour l’Etat, il n'est pas annulé par les pertes subies par les bonnes terres riveraines ;

3" S'il est admissible que l’Etat se fasse des revenus au profit de tous et aux dépens de quelques-uns, qui sont les propriétaires riverains des routes.

El finalement, le gouvernement prétend-t-il que ces plantations sont d'ordre public et qu'il jouit à cet égard de privilèges que n'ont pas d'autres propriétaires, ou reconnaît-il qu'il est dans le droit commun et régi comme nous par le Code civil ? Et alors il ne pourra pas planter à toute distance, comme il fait parfois, et il sera obligé de mutiler ses arbres à chaque réquisition des riverains.

Ces questions doivent être élucidées dans l'intérêt publics, et j'attache une grande importance à connaître le système du gouvernement à cet égard.

Voulez-vous conserver de l'ombre et une direction en cas de neige ou d'obscurité, plantez des arbres de troisième ordre ou des fruitiers et votre but sera atteint ; mais ne spéculez pas sur le bien d'autrui en vous appropriant, chaque année, une bonne part des engrais de nos basses cours. Voilà ma conclusion.

M. Rodenbach. - J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt le discours de l'honorable préopinant et je ne puis qu'appuyer les considérations qu'il a fait valoir. Dans les Flandres, on se plaint également des effets des plantations le long des routes. A mon avis, les plantations ne devraient avoir d'autre but que de donner de l'ombre aux voyageurs qui circulent à pied. Mais le gouvernement veut retirer des bénéfices des plantations qu'il effectue le long des routes de l'Etat, et non content de cela, il fait encore payer des indemnités aux meuniers qui réclament la disparition des arbres qui leur interceptent le vent. C'est là, selon moi, un procédé d'autant plus fâcheux que l'industrie de la meunerie est en ce moment en complète décadence ; les moulins à vent ne valent plus aujourd'hui la huitième partie de ce qu'ils valaient autrefois.

Je crois donc qu'il y a lieu de prendre les observations de M. Julliot en sérieuse considération.

M. Hayezµ. - J'appelle la bienveillante attention de M. le ministre des travaux publics sur une réclamation qui intéresse les habitants de plusieurs communes importantes de la province d'Anvers.

Voici en quelques mots de quoi il s'agit.

Le canal de Turnhout à Anvers devait, d'après les plans de M, l'ingénieur Kummer, être conduit à travers les communes de Brasschaet, West-Wezel et Calmpthout et leur procurer des facilités de transport, surtout pour les matières fertilisantes si nécessaires à cette partie de notre pays, couverte encore de nombreuses bruyères.

Des raisons d'économie ayant engagé M. le ministre à supprimer le détour proposé par cet ingénieur du gouvernement, et à faire suivre au canal une ligne plus directe, les habitants des communes précitées se voient déçus de l'espoir qu'on leur avait donné.

Pour suppléer en partie à la continuation de l'isolement, dans lequel cette résolution va les laisser, les habitants des communes de Brasschaet, Calmpthout et West-Wezel réclament de la bienveillance de M. le ministre la construction d'une route qui relierait leur commune au bassin du canal dans la commune même de Saint-Job.

J'ose espérer, messieurs, que cet appel ne sera pas fait en vain, car la province d'Anvers est l'une de celles qui ont le moins de routes pavées.

MtpVSµ. - En ce qui concerne les routes dont viennent de parler les honorables préopinants, la Chambre comprendra que je ne puis donner de réponse précise. Il ne m'est pas possible de connaître assez toutes les localités du pays pour improviser cette réponse.

En ce qui regarde spécialement le canton de Looz, je dirai que le gouvernement a dépensé et continue à dépenser des sommes considérables pour construction de routes dans le Limbourg, et que si un canton se trouve déshérité par rapport à d'autres, c'est qu'on a jugé qu'il y avait un intérêt public à établir des routes dans certaines parties du Limbourg plutôt que dans d'autres. Je n'affirme rien, mais je ne puis expliquer autrement les faits dont les honorables membres se sont plaints.

En ce qui touche le crédit extraordinaire de 2 millions pour routes, qui a été voté par la Chambre au mois de juillet dernier, j'ai eu l'occasion déjà de dire plusieurs fois qu'une somme de 300,000 fr. serait réservée au Limbourg. Qu'on dépense cette somme au nord, au sud, à l'est ou à l'ouest de la province, c'est chose parfaitement indifférente à mon département ; il fera pour le mieux. Si le canton de Looz aune part dans cette somme, c'est tant mieux pour lui ; mais s'il en était autrement, ce ne (page 371) serait pas à raison de la question financière, ce serait à raison de cette circonstance que l’intérêt public recommanderait de dépenser cet argent ailleurs que dans le canton de Looz. Tout ce qu'on peut faire dans cette occurrence, c'est d'éclairer le département, de lui fournir autant que possible des renseignements exacts sur les besoins des diverses partie de la province.

Un mot des plantations. C'est une question résolue depuis longtemps ; depuis 1840 la Chambre vote annuellement un crédit de 40,000 à 42,000 fr. pour compléter successivement les plantations sur les grandes routes de l'Etat. A la discussion de presque chaque budget les mêmes réclamations que vous venez d'entendre se sont élevées et la Chambre a toujours passé outre ; la Chambre n'a jamais eu égard à ces réclamations parce que, dans son esprit d'équité, elle a pensé que si les plantations étaient en effet de nature à porter quelque préjudice aux propriétaires riverains, les routes dont les plantations sont une dépendance apportent de leur côté beaucoup plus de profit aux riverains que les plantations ne leur causent de préjudice.

- Des voix. - Non, non.

MtpVSµ. - Vous dites cela par rapport aux routes construites, mais si on vous posait l'alternative, avant de décréter une route, de n'avoir pas cette route, ou de supporter l'inconvénient des plantations, je suis sûr que 19 fois sur 20 vous accepteriez les plantations à condition d'avoir la route.

M. de Borchgraveµ. - Les grands propriétaires ; mais les petits ?

MtpVSµ. - Les cultivateurs qui ont besoin de routes dans l'intérêt même des terres qu'ils cultivent ; je parle des cultivateurs, entendez-le bien, et non des propriétaires. Toute la question est là ; c'est une question d'équité : les arbres sont nécessaires non pas tant pour le trésor qui y puise cependant un certain profit, que pour les voyageurs.

M. Julliot. - De troisième ordre.

MtpVSµ. - Qu'est ce que vous appelez de troisième ordre ?

Il faut planter des arbres qui nuisent le moins possible, je le veux bien.

J'ai commencé par dire que le gouvernement trouve là une source de profils. Il y a là une recette assez sérieuse que le gouvernement recueille. A l'heure qu'il est, nous avons sur les routes de l'Etat 700 à 800 mille arbres en pleine croissance. Je crois que c'est là le chiffre exact. C'était au moins le chiffre exact il y a un ou deux ans. Mais supposez seulement ce chiffre. Lorsqu'on se mettra à vendre, on retirera des sommes considérables. On commence déjà à vendre. Il y a des années où la vente d'arbres des plantations le long des routes rapporte 70 à 80 mille francs.

Ce n'est donc pas une chose à négliger à ce point de vue. Mais il y a d'autres points de vue : c'est la conservation de la route, c'est surtout l'intérêt des voyageurs qui la parcourent. Mais il faut, j'en conviens avec l'honorable M. Julliot, planter l'essence d'arbres qui est de nature à porter le moins de préjudice possible aux riverains.

Qu'a-t-on fait ? L'honorable, membre vous l'a dit.

En 1856, on a institué une commission chargée d'éclairer le gouvernement sur le point de savoir quelles étaient, eu égard au sol des diverses provinces, les essences d'arbres les plus convenables. Cette commission, dit l'honorable M. Julliot, était mal composée. Il a dit, je crois, qu'elle était composée d'académiciens et de mathématiciens.

M. Rodenbach. - De poètes.

MtpVSµ. - De poêtes !

C'est une erreur. Il s'agit d'un fait antérieur à mon entrée au ministère, par conséquent j'en parle avec le plus grand désintéressement. Je ne suis pas obligé de soutenir la composition de cette commission. Mais quand j'ai vu cette composition, en examinant cette affaire des plantations, j'en ai été frappé, et je dois dire qu'elle m'a eu l'air d'être composée contre le gouvernement.

De qui était composée cette commission ? Si mes souvenirs sont exacts, elle était composée, sur 9 ou 10 membres, d'un ou deux ingénieurs, si tant est qu'il y eut des ingénieurs, je ne puis l'affirmer ; de quelques spécialités, d'arboriculteurs connus dans le pays, comme, par exemple, autant que ma mémoire me serve, du directeur de l'établissement de Vilvorde ; et en majeure partie, de grands propriétaires et spécialement de plusieurs honorables sénateurs. C'étaient donc des autorités spécialement compétentes, comme les directeurs d'établissements dont je viens de vous parler ou de personnes qui avaient plutôt intérêt à refréner ]e gouvernement dans cette affaire, qu'à lui donner la liberté.

Cette commission a produit ses conclusions, et depuis le jour où son rapport a été déposé, on s'est toujours référé aux conclusions de ce rapport. Il est évident que le gouvernement ne peut pas faire davantage.

L'honorable membre demande qu'on institue une commission nouvelle.

M. de Mérodeµ. - Par province.

MtpVSµ. - Cette commission ne pourrait plus avoir qu'une mission très restreinte. Car les plantations dont on parle sont réalisées, sauf dans une partie de la province de Limbourg.

M. Julliot. - Elles vont être renouvelées.

MtpVSµ. - Oui ; je parle des plantations anciennes et sauf ce que je viens de dire, tout est fait dans le pays. Il ne peut s'agir que des plantations nouvelles ou du renouvellement des arbres vendus.

Je n'ai pas d'objection à l'institution d'une commission nouvelle ou même de commissions provinciales.

M. Rodenbach. - Cela vaut mieux.

MtpVSµ. - Mais je dois faire remarquer que la question de principe, celle du droit du gouvernement de planter ne peut plus être débattue.

Dans ces termes je. consens volontiers à soumettre la question à un nouvel examen ; mais, je le répète, le principe doit être sauvegardé.

M. Julliot. - Messieurs, j'ai à remercier l'honorable ministre de son bon vouloir, mais je dois rectifier un passage du discours de l'honorable ministre. Je n'ai pas dit que. la commission de 1856 était composée, de poètes. J'ai voulu prévenir le ministre pour qu'il ne fût pas amené à nommer des poètes dans les commissions à venir. J'ai confiance dans l'honorable ministre ; il cherchera à concilier l'intérêt des riverains avec le soulagement des voyageurs. Mais le tort fait par les plantations est considérable, et il faut y porter remède.

Les routes ne sont pas faites pour exploiter nos terres mais pour mettre des communes en relation entre elles, et nous sommes très vexés quand on coupe nos terres en deux.

M. Davidµ. - Messieurs, je crains beaucoup l'institution d'une nouvelle commission.

Il est plus que probable que cette nouvelle commission trouvera mauvais à peu près tout ce que la première commission aura fait ; on va s'éloigner absolument du système qu'on a suivi jusqu'à présent, tout bouleverser, tout remettre en question .

Je rappellerai à la Chambre et à M. le ministre des travaux publics que nous avons une administration forestière tout à fait compétente dans les questions de plantation, dont l'action s'étend sur toutes les provinces, et dont les attributions sont nécessairement de surveiller les plantations sur toutes les propriétés de l’Etat, aussi bien le long des routes, du chemin de fer et des canaux que dans les forêts, qui représentent une grande valeur.

Pour avoir donc la suite, indispensable dans de pareils travaux, je désirerais qu'on s'adressât de préférence à l'administration forestière qui a précisément les plantations dans ses attributions et dont l’intervention serait meilleure et moins coûteuse que celle des commissions.

M. Mullerµ. - Messieurs, il faudra d'abord bien entendre sur ce que veulent les membres de la Chambre qui réclament contre les plantations actuelles des routes. Veulent-ils supprimer les plantations ?

M. Julliot. - Non ; mais nous demandons qu'on choisisse d'autres essences.

M. Mullerµ. - A la bonne heure ; car s'il s'agissait de plantations, on ferait une chose détestable.

Il n'y a pas seulement l'intérêt des riverains à sauvegarder, voue avez encore à prendre soin de l'intérêt des voyageurs. Il faut des abris contre le soleil ; il faut des indications, dans le temps des neiges, pour le tracé de la route ; il faut aussi un abri contre la pluie.

Maintenant, j'entends beaucoup parler du préjudice que les plantations, faites par l'Etat sur une route, occasionnent aux propriétés riveraines ; mais on ne se préoccupe guère du préjudice que les propriétés riveraines occasionnent souvent aux routes, en les dégradant.

Maintenant, que voulez-vous ? Des commissions spéciales dans chaque province. Mais l'honorable M. David vient de dire que nous avons une administration forestière composée, à coup sûr, d'hommes compétents, et formée de la manière la plus impartiale ; on a suivi les indications qu'elle avait tracées, et aujourd'hui il ne peut certes pas s'agir de remettre tout en question. Nommer des commissions provinciales, c'est aboutir à un résultat nul, que je prévois pour mon compte. Je crains que les exigences n'aillent si loin qu'elles se conduisent à un enterrement...

- Des membres. - Non ! non !

M. Mullerµ. - Positivement. Il faudrait préciser ce que vous voulez avant de demander à M. le ministre des travaux publics de nommer (page 372) une commission par province ; il faudrait voir à quelles limites on veut borner le droit de l'Etat, ce que l'on veut tolérer, ce que l'on veut interdire.

M. Giroulµ. - Je viens appuyer, quant à moi, la demande qui a été faite de la nomination d'une commission provinciale pour plantation de routes. Mais je comprends parfaitement que l'honorable M. Muller désire connaître dans quelles limites cette commission aura à agir.

Je vais déterminer dans quel sens cette commission aurait une mission à remplir.

Au reste il me paraît que M. le ministre des travaux publics, dans la réponse qu'il a faite à l'honorable M. Julliot, avait assez bien déterminé cette mission. En effet, il me paraît impossible, comme à M. le ministre et à l'honorable M. Muller, de supprimer les plantations sur les routes de l'Etat.

M. Julliot. - Nous sommes tous d'accord.

M. Giroulµ. - Au reste, on a beaucoup critiqué ; mais personne, jusqu'à présent., dans cette Chambre, n'a assumé la responsabilité de la demande de leur suppression. Dès lors, cette question se trouve hors de cause. Reste à savoir quelle serait l'utilité de la commission provinciale que nous demandons.

Dans quelle situation se trouvera-t-on ?

Ou il s'agira de plantations nouvelles, ou il s'agira de renouveler d'anciennes plantations.

Eh bien, la seule mission qu'aura à remplir la commission sera de rechercher quelle est l'essence d'arbres qui convient le mieux à la nature du sol, et qui est de nature à porter le moins de préjudice aux propriétés riveraines.

M. Mullerµ. - Vous avez l'administration forestière.

M. Giroulµ. - L'administration forestière a donné lieu à des plaintes qui paraissent fondées.

- Un membre. - Elle est payée pour cela.

M. Giroulµ. - Elle est payée pour cela ; mais si elle remplit mal sa mission, faut-il qu'une partie importante du pays en souffre ? et avec la meilleure volonté du monde, elle peut mal remplir sa mission. Voici pourquoi.

Il faut, pour juger en connaissance de cause la plantation à faire dans tel ou tel endroit, dans telle contrée, y avoir habité, connaître parfaitement le terrain qu'il s'agit d'aménager.

Or les membres de l'administration forestière ne peuvent connaître tous les terrains, et c'est dans ces circonstances qu'il me paraît beaucoup plus convenable de nommer des commissions qui seraient composées sinon de personnes de la localité, au moins de membres qui, par leurs relations dans la contrée, soient à même de donner tous les éclaircissements possibles.

Dans ces termes, il me paraît que la proposition de nommer des commissions provinciales est de nature à rallier toutes les opinions.

M. de Brouckere. - Je ne m'oppose pas à ce qu'on cherche les moyens d'améliorer les plantations qu'ont eu lieu le long des routes, mais je crois que les plaintes qu'on a fait entendre sur cet objet sont singulièrement exagérées.

M. Julliot. - Il faut venir voir.

M. de Brouckere. - Je ne me vante pas d'avoir d'excellents yeux ; mais je vois cependant assez ce qui se passe dans les lieux que je visite et je répète que ces plaintes font exagérées.

On parle toujours des torts que les plantations des routes font aux agriculteurs. Mais ces plantations se font conformément aux lois et en respectant les distances exigées par la loi. Pourquoi donc l'Etat ne planterait-il pas comme plantent les particuliers ?

M. Eliasµ. - On ne respecte pas les distances.

M. de Brouckere. - J'ai commencé par dire que je ne m'opposais pas à ce qu'on eut recours à tous les moyens convenables pour améliorer les plantations, pour rectifier ce qui est mal.

Mais je dis que les plaintes que l'on fait entendre sont exagérées, et en voulez-vous la preuve ? Quand une province, une commune ou une association de particuliers bâtit une route, la première chose qu'elle fait c'est de planter. Vous voyez donc que les provinces, les communes et les particuliers ne trouvent pas que les plantations font tort aux propriétés riveraines.

En général, messieurs, les plantations sont bien faites et ne font pas tort. Mais s'il est quelques cas particuliers qui donnent lieu à des plaintes fondées, qu'on les signale à M. le ministre des travaux publics, et que M le ministre des travaux publics fasse une enquête ; mais qu'on ne vienne pas dire qu’en général les plantations sont mal faites et qu'en général aussi il faut prendre des mesures pour mettre un terme à un préjudice qui ne peut exister que dans des cas exceptionnels.

M. Moncheurµ. - J'ai demandé la parole, messieurs, quand l'honorable préopinant a dit que les plantations se font conformément aux lois. Cette assertion est, à mes yeux, fort hasardée, car l'Etat plante souvent à moins de deux mètres des héritages voisins, et je pense, quant à moi, que l'Etat est, sous ce rapport, dans les mêmes conditions que les particuliers. Je ne connais pas de texte qui autorise l'Etat à planter, à moins de deux mètres de la limite de son terrain, des arbres de haute tige comme ceux qui se trouvent le long des routes. En fait, il est certain que, sur un grand nombre de points, les arbres sont plantés presque à l'extrême limite du terrain exproprié par l'Etat. Or, je crois que cela n'est ni juste ni conforme à la loi. Lorsqu'une rangée d'arbres de haute tige est plantée à moins de deux mètres, elle fait nécessairement un tort très notable aux propriétés riveraines.

Pendant les vingt premières années d'une plantation, le tort est, il est vrai, insignifiant, mais lorsqu'un arbre a 30, 40 ou 50 ans ou plus, le tort devient énorme. Tous les propriétaires qui ont fait des plantations sur leur propre fonds savent combien ils sont intéressés eux-mêmes, à part la question d'agrément, à abattre les arbres de cet âge-là, s'ils veulent éviter le dommage considérable qu'ils infligent aux fermiers, tant cet état de choses devient intolérable.

Je crois donc, messieurs, que si des commissions provinciales sont nommées, elles auront à rechercher aussi à quelle distance les plantations doivent être faites des propriétés riveraines. Quant à moi, je pense que les commissions provinciales devront admettre le principe que l'Etat ne peut pas planter à une distance moindre de sa limite, qu'un particulier ne pourrait le faire.

MtpVSµ. - Je ne suis pas d'accord du tout avec l'honorable M. Moncheur ; je ne veux pas instituer des commissions pour décider des questions de droit qui sont de la compétence exclusive des tribunaux. Des commissions chargées de cette mission devraient être composées d'avocats, et si je nommais des avocats pour s'occuper de plantations je crois que cette manière de procéder ne serait guère du goût de la Chambre. Il faut que chacun fasse son métier.

J'ai précisément demandé la parole pour définir de plus près la tâche des commissions que je nommerai pour émettre leur avis sur l'essence des arbres à planter dans chaque province et dans les diverses parties d'une même province.

Une première commission a été chargée d'examiner les essences qu'il conviendrait de planter le long des routes.

Mais cette commission n'a point dit : Telle essence sera plantée dans telle province, telle essence dans telle autre. Elle s'est prononcée seulement d'une manière générale : elle a donné des indications générales ; elle a dit : Tels et tels arbres pourront être plantés, tels et tels arbres ne pourront plus l'être, par exemple le peuplier du Canada qui est reconnu comme faisant un tort fort considérable aux propriétés riveraines et auquel le gouvernement a renoncé d'une manière absolue sur l'avis de la commission.

Les essences dont on peut faire usage étant ainsi indiquées d'une manière générale, l'ingénieur en chef dans chaque province choisit, parmi ces essences, celles qui lui paraissent convenir aux routes qu'il s'agit de planter.

Mais les ingénieurs des provinces, il faut bien le reconnaître, peuvent être sous ce rapport aussi incompétents que les avocats dont nous parlions tout à l'heure et aussi incompétents, je le déclare, que je le serais moi-même si j'avais à faire un choix de cette nature.

J'admets donc que des commissions provinciales peuvent être utiles pour indiquer au gouvernement quelles sont, eu égard aux circonstances locales, les essences spéciales préférables parmi celles qu'il convient d'une manière générale d'employer.

Ainsi, messieurs, non seulement les essences convenables peuvent différer d'une province à l'autre, mais elles peuvent même différer d'une partie d'une province à l'autre partie de cette province,

Ainsi la province de la Flandre orientale, que je connais passablement, possède des natures de sol essentiellement différentes. Il y a des parties sablonneuses, des parties argileuses ; je pense donc qu'on pourrait même utilement pour le gouvernement dire : Dans telle partie de telle province il convient d'introduire telle essence de préférence à tonte autre. Ces indications seraient données ainsi d'une manière définitive pour l'avenir et les ingénieurs en chef, lorsqu'ils auraient une plantation ou un renouvellement de plantation à faire, trouveraient là un guide sûr.

(page 373) Mais encore une fois le principe ne peut être remis en question et il doit être entendu aussi que ce que les commissions provinciales auraient à rechercher, c'est quelles sont les essences d'arbres utiles qu'on pourrait substituer convenablement aux autres essences utiles.

Je dois déclarer que je n'accorderais pas le droit à ces commissions provinciales d'indiquer, par exemple, au gouvernement un arbre d'agrément à substituer à un arbre ayant une valeur vénale. Il doit être bien entendu qu'il s'agira toujours de planter des arbres ayant une valeur industrielle et que le gouvernement peut vendre avec fruit lorsqu'ils sont arrivés à maturité.

Ainsi restreinte dans son but, l'institution des commissions provinciales ne me paraît présenter aucune espèce d'inconvénient.

On décidera par exemple qu'on remplacera l'orme par le hêtre ou le hêtre par l'orme.

J'y attache peu d'importance. Ces commissions peuvent donc fonctionner utilement si leur mission est circonscrite de la manière que je viens d'indiquer.

Je pense, messieurs, que nous sommes tous d'accord sur ce point. Mais quant à indiquer à quelle distance les arbres devront être plantés, je le répète, c'est une question de tribunaux et non de commission. Je suppose, en effet, comme c'est le fait, que le gouvernement prétende avoir le droit de planter aux distances qui lui conviennent. C'est une question à débattre, comme le dit l'honorable M. Julliot, mais devant les tribunaux. Il n'y a rien de plus facile que de faire décider cette question. Si un particulier se croit lésé par la marche que suit le gouvernement il n'a qu'à l'attaquer.

M. Moncheurµ. - Plaider contre le gouvernement coûte trop cher.

MtpVSµ. - Mais non, cela ne coûte pas cher. Au reste, il y a des propriétaires assez bien dotés du côté de la fortune pour se permettre le luxe de plaider contre l'Etat et de faire décider la question de principe. On pourra la faire décider à tous les degrés de juridiction, y compris la cour de cassation.

Je ne veux pas, messieurs, plaider devant vous la question de droit. Cela ne pourrait aboutir à rien. Il faudrait, au préalable, que la question fût décidée par les tribunaux.

Elle l'est du reste, du moins implicitement. Veut-on de nouvelles décisions judiciaires ? Qu'on les provoque. L'honorable M. Moncheur dit : Je ne connais pas de loi qui autorise le gouvernement à ne pas respecter les distances.

Je rétorquerai l'argument et je dirai que je ne connais pas, moi, de loi qui oblige le gouvernement à observer ces distances.

Que pouvez-vous invoquer ? Le Code civil est fait pour les propriétés particulières, pour les héritages, comme il le dit. Or, une route n'est pas un héritage, une route est le domaine public, et les prescriptions du Code civil ne concernent pas le domaine public. Telle est la thèse que défend le gouvernement, telle est ma thèse.

M. Moncheurµ. - Je sais que cette question a déjà été souvent agitée, mais je ne sache pas qu'elle ait été décidée jusqu'à présent.

MtpVSµ. - Elle a été décidée,

M. Moncheurµ. - Si elle a été décidée, ce n'est certes pas par une loi, et je ne connais pas d'arrêt de la cour de cassation qui l'ait tranchée.

Selon moi l'héritage particulier longeant une route ne doit pas être privé de la garantie générale que la loi donne et que le domaine public lui-même réclame quant à la distance à laquelle il est permis de planter des arbres de haute tige.

Quand l'Etat exproprie pour construire une route, il n'indemnise pas le propriétaire pour le tort spécial que lui fera une plantation faite en dehors des règles du droit commun et à l'extrême limite séparative du terrain du domaine public et de l'héritage particulier.

L'héritage voisin d'une route doit donc se trouver absolument dans les mêmes conditions, vis-à-vis du terrain exproprié par l'Etat, qu'il serait vis-à-vis d'un autre terrain limitrophe quelconque.

M. le ministre conseille aux particuliers de soutenir leurs droits devant les tribunaux ; mais, comme je le lui disais à l'instant, messieurs, il en coûte très cher de plaider contre le gouvernement qui épuise toujours gratis toutes les juridictions.

Et il en coûterait d'autant plus dans un cas semblable qu'il ne s'agirait pas d'une simple question de droit, mais que cette question se compliquerait de la question de fait qu'il faudrait préalablement constater, c'cst-à-dire de la position dans laquelle la plantation se trouverait, en égard à la propriété voisine. On s'exposerait à une autre enquête sur ce point de fait et vous savez, messieurs, que les enquêtes entraînent toujours beaucoup de frais et d'embarras.

Il n'est donc pas indifférent pour les particuliers que la question soit décidée administrativement et sans qu'ils soient forcés de recourir aux tribunaux. Quant à moi, je voudrais qu'une fois pour toutes, cette question fût examinée et décidée dans un esprit de justice et d'équité ; car, on ne peut continuer à infliger un tort considérable aux propriétaires riverains en se mettant en dehors des règles du droit commun, c'est-à dire en plaçant des arbres à haute tige sur la limite extrême de la propriété de l'Etat.

M. de Brouckere. - Je dois, de mon côté, donner une réponse à ce qu'a dit l'honorable ministre des travaux publics. Il existe, vous a-t-il dit, un arrêt de la cour de cassation, duquel il résulte que le gouvernement est dispensé d'observer, pour les plantations, les distances imposées, aux particuliers.

Je ne connaissais pas cet arrêt, mais puisqu'il existe...

M. Moncheurµ. - Il n'existe pas.

M. de Brouckere. - J'engage M. le ministre des travaux publics à ne point profiter du bénéfice de cet arrêt.

Je suis persuadé qu'il est rendu en vertu de la loi, mais alors la loi n'est pas juste et quelques mots suffisent pour le prouver.

Lorsqu'on ordonne aux particuliers d'observer des distances qu'ils ne peuvent franchir pour la plantation de leurs arbres, c'est parce qu'en plantant plus près de la propriété voisine ils font du tort à cette propriété.

Eh bien, veut-on que le gouvernement puisse poser un fait qui cause à des particuliers un tort tellement réel, qu'il est défendu aux particuliers de le poser. Le gouvernement doit donc être mis sur le même rang que le particulier.

- Un membre. - C'est la loi.

M. de Brouckere. - Soit, mais je voudrais que le gouvernement ne profitât pas, à l'avenir, du bénéfice de l'arrêt dont on a parlé.

M. Eliasµ. - La question soulevée est très grave et je crois qu'il y aurait lieu de l'examiner très mûrement.

La loi du 19 ventôse an XIII permet de planter le long des routes sans observer les distances légales. Elle porte à l'article 2 : (L'orateur donne lecture de cet article.)

Cette loi a été révisée par une loi de 1811.

La première de ces lois donnait au particulier le droit de planter le long des routes. Mais depuis, le gouvernement l'a exclu de ce droit, et a conservé pour lui celui de ne pas observer les distances légales.

En présence de ces circonstances, il y aurait lieu, je crois, de soumettre la question à un mûr examen ; je proposerais donc de la renvoyer à une commission de la Chambre, puisque nous ne sommes pas nous-mêmes d'accord sur le point de savoir si le gouvernement s'astreindra ou non à observer les distances légales.

MtpVSµ. - Je ne demande la parole que pour relever l'appréciation que vient d'émettre l'honorable M. de Brouckere qu'il serait injuste que le gouvernement eût en matière de plantations un droit que n'ont pas les particuliers. Je ne puis accepter cette appréciation comme fondée. Je conçois, au contraire, très facilement que le gouvernement ait, dans cette circonstance, des droits que n'auraient pas les particuliers. Et pourquoi ? Si l’on impose à un particulier l'obligation de planter à une certaine distance, indiquée par le Code civil, d'un héritage voisin, c'est qu'on part de cette idée que le propriétaire qui veut planter a une propriété qui est pour lui un objet de lucre et on lui dit : Tirez de votre propriété tout le parti possible, mais pas au détriment de la propriété de votre voisin. L'Etat, au contraire, fait une dépense énorme dans l’intérêt public, et quand il plante, ce n'est que pour récupérer une partie de la dépense plus ou moins considérable qu'il a faite dans l'intérêt public. (Interruption.)

La position est donc essentiellement différente ci on conçoit fort bien qu'on refuse, dans ces circonstances, à des particuliers le droit qu'on accorde à l'Etat. D'ailleurs, quand l'Etat enfreint-il les distances fixées par le Code civil pour les plantations sur un terrain privé ? Quand la largeur de la route l'y contraint et pas autrement. S'il le faisait dans d'autres conditions, il préjudicierait sans raison à quelqu'un et on ne peut supposer pareille chose de la part de l'Etat. Quand les circonstances l'exigent, je ne crois donc pas que le gouvernement doive renoncer à. son droit à raison d’une prétendue équité que je n'aperçois pas.

(page 374) - Un membre. - C'est la question.

M. de Brouckere. - Je déclare que je n'accepte pas la doctrine de M. le ministre.

M. de Theuxµ. - Je crois que l'honorable ministre des travaux publics ferait chose utile pour le gouvernement et le pays de communiquer à la Chambre un rapport dans lequel les questions de droit et d'administration seraient complètement élucidées ; il mettrait fin ainsi à des discussions qui se renouvellent toujours.

Une autre question à examiner est celle de savoir si, lorsque le gouvernement plante à moins de deux mètres de la route, le particulier peut de son côté planter à moins de deux mètres de la route. Je ne veux pas, quant à moi, me prononcer sur ce point, mais il importe, je crois, que le jour se fasse sur cette question. Si le gouvernement communiquait à la Chambre un rapport complet, cela simplifierait énormément la situation.

MtpVSµ. - Je ne voudrais pas me prononcer immédiatement sur la proposition que vient de faire l'honorable préopinant, sur le dépôt du rapport qu'il réclame parce que je trouve que la chose n'est pas sans danger. On mettra ce rapport entre les mains des membres de la Chambre, très bien ; mais il y a beaucoup de membres de cette Chambre qui ont cette opinion préconçue, que si la législation en vigueur avait la portée que je lui assigne, elle serait injuste. S'il s'agit de décider une question de droit, ne vaut-il pas mieux s'en référer aux tribunaux. Si vous voulez laisser l'aspect juridique de côté et aller au fait, si vous voulez vous demander ce qu'il convient de faire quelle que soit la législation, faites une proposition. Mais quant à faire trancher en cette occurrence une question de droit par la Chambre, je le répète, la chose ne me paraît pas sans danger.

Articles 7 et 8

« Art. 7. Entretien ordinaire et amélioration des routes, construction de routes nouvelles et subsides : fr. 3,145,462. »

- Adopté.


« Art. 8. Travaux de plantations de toute nature le long des routes, à l'exception de ceux compris dans les prix d'adjudication des baux d'entretien des routes : fr. 41,000. »

- Adopté.

Section II. Bâtiments civils
Article 9

« Art. 9. Entretien et réparation des palais, hôtels, édifices et monuments appartenant à l'Etat, ainsi que des bâtiments dont les lois mettent l'entretien a la charge de l'Etat, travaux d'amélioration, d'agrandissement, etc. : fr. 174,000. »

M. de Brouckere. - Les bâtiments de la rue de l'Orangerie sont terminés, si je ne me trompe, et déjà les bureaux du ministère des finances et une partie des bureaux des travaux publics y sont établis. L'hôtel destiné à l'habitation de M. le ministre des travaux publics est libre ou à la veille de l'être ; je me permets donc d'émettre le vœu que l'honorable ministre fasse accélérer autant qu'il dépendra de lui les travaux à faire à cet hôtel et à celui qui doit servir d'habitation à M. le ministre de la justice. Il est extrêmement désirable que les 6 hôtels de la rue de la Loi puissent être occupés le plus tôt par les 6 ministres et les bureaux des 6 ministères.

Ces hôtels qui sont très rapprochées du Sénat et de la Chambre, qui sont en face du palais du Roi, feront, avec les locaux des Chambres et le palais royal, un ensemble admirable et tel qu'on n'en trouverait un pareil dans aucune capitale.

Je demanderai en outre que l'honorable ministre fasse disparaître au plus tôt les constructions qui ont été faites il y a 25 ou 30 ans à l'étage entre les bureaux du ministère des finances et l'hôtel du ministre, et entre l'hôtel du ministre de l'intérieur et celui du ministre de la guerre. Ce sont d'affreuses aubettes, d'ignobles baraques qui déparent d'une manière très regrettable une des plus belles rues de la capitale. Je crois, je suis même convaincu que l'intention de M. le ministre des travaux publics est de faire disparaître ces constructions, mais je lui demande de les faire disparaître dans un délai aussi bref que possible.

MtpVSµ. - Voici l’état des choses on ce qui concerne les constructions dont veut parler l'honorable M. de Brouckere.

Les bâtiments qui doivent servir aux bureaux du département des travaux publics, de celui des finances et de celui de la justice sont complètement achevés depuis quelque temps.

La partie de ces bureaux destinée au département des finances est déjà occupée ; le déménagement est opéré ; les bureaux sont installés.

Quant au personnel du département de la justice, il pourrait s'installer également. Mais je suppose que l'honorable chef de ce département attend, pour opérer cette installation, qu'il puisse lui-même se loger dans l’hôtel qui lui est destiné. On approprie en ce moment cet hôtel. L'appropriation sera terminée à la fin de l'année ou au commencement de l'année prochaine, mais plutôt dans le courant de cette année, alors le déménagement complet du département de la justice pourra également s'effectuer.

Il faut remarquer que le département des finances comme le département de la justice trouvent dans les nouveaux locaux de quoi loger complètement leur personnel.

Il n'en est malheureusement pas ainsi en ce qui concerne le département des travaux publics. Celui-ci a pris une telle extension, spécialement par suite du développement des chemins de. fer, que les locaux nouveaux destinés à ses bureaux sont insuffisants.

Aujourd'hui, le département des travaux publics est logé à peu près à tous les coins de la ville. Quand je suis arrivé au département, je vais exposer très franchement la position à la Chambre, je me suis trouvé absolument seul dans mon hôtel. Il n'y avait, à côté de moi, personne en dehors du secrétariat. Il se trouvait donc que lorsqu'il me fallait un fonctionnaire ou un dossier pour une affaire urgente, fonctionnaire ou dossier étaient absents, il fallait remettre la conférence ou l'inspection du dossier au lendemain ou au surlendemain, et la plupart du temps, le moment opportun de voir l'un ou d'examiner l'autre était passé.

J'ai donc voulu absolument, dans l'intérêt du service, que cet état de choses fût changé et tant bien que mal j'ai pu installer quelques fonctionnaires à côté de moi.

Depuis ce temps, les ponts et chaussées ont délogé forcément et sont venus occuper entre le palais et l'hôtel de Belle-Vue un local qui va leur être enlevé.

Il faut que les ponts et chaussées, qui doivent se trouver également à proximité du ministre, se logent dans les nouveaux locaux, et en tenant compte de ce déménagement, je le répète, il est absolument impossible que les services, même les services les plus indispensables, veuillez-le remarquer, car je ne parle pas de tous les services, soient installés à côté du ministre.

Je ne sais quel parti il y aurait lieu de prendre ; mais je déclare que si le bâtiment destiné à devenir l'hôtel du ministre des travaux publics était approprié, je ne m'y installerais pas, parce qu'il est impossible à un ministre de ne pas avoir près de lui certains hommes sous la main et certaines archives.

Voilà pourquoi, connaissant cette position, je n'ai pas jusqu'ici demandé le complément des fonds nécessaires pour approprier les bureaux actuels du ministère des finances, destinés à devenir l'hôtel du ministre des travaux publics.

Je conviens avec l'honorable M. de Brouckere qu'il faut absolument, d'une façon ou d'autre, que le projet général que les chambres ont eu en vue lorsqu'on a voté des fonds pour l'appropriation des hôtels dans la rue de la Loi, soit mis à exécution. Il faut que tous les ministres, dans l'intérêt des Chambres, dans l'intérêt des services publics, soient logés à côté les uns des autres. Ce sera peut-être là une situation unique en Europe et il est éminemment désirable que cette situation se réalise le plus tôt possible. Mais je ne sais pas comment on pourra donner au ministère des travaux publics les locaux nécessaires.

- Des membres. - C'est cela.

MtpVSµ. - Oui, mais cela coûtera beaucoup d'argent.

M. Vleminckxµ. - La situation ne peut durer non plus.

MtpVSµ. - Sans doute, et c'est pour cela que le gouvernement demandera aux Chambres le complément du crédit nécessaire pour approprier l'hôtel destiné au ministre des travaux publics. Mais encore une fois, cet hôtel fût-il même prêt, dans l'intérêt de mon administration, je ne m'y installerais pas en ce moment. Provisoirement on peut toujours faire cette appropriation. Il s'agit d'une somme de 190,000 à 200,000 fr.

En ce qui concerne les petites aubettes, comme les appelle l'honorable M. de Brouckere, élevées entre l'hôtel du ministère des finances et l'hôtel Engler d'un côté, entre le ministère des affaires étrangères, le ministère de l'intérieur et le ministère de la guerre de l'autre côté, ces constructions malheureuses doivent disparaître.

(page 375) J'ai donné des ordres formels à cet égard. L'une de ces aubettes, celle qui se trouvait entre le ministère des finances et l'hôtel Engler, qui devient l'hôtel du ministre de la justice, a déjà disparu.

On m'avait objecté que, ces constructions enlevées, l'aspect serait encore plus disgracieux. J'ai répondu que l'on aviserait ; mais qu'avant tout ces constructions devaient disparaître. Elles disparaîtront donc prochainement, ou tout au moins à mesure que les départements respectifs disposeront de locaux nécessaires pour y placer le personnel qui occupe ces aubettes actuellement.

M. Allard. - M. le ministre des travaux publics vient de nous dire qu'il lui serait impossible de s'installer dans l'hôtel qu'on lui destinait et qui est actuellement occupé par les bureaux du ministère des finances. Il a annoncé que néanmoins il était prêt à approprier cet hôtel et à dépenser de ce chef une somme de 180,000 fr.

J'engage M. le ministre à ne pas approprier cet hôtel et à ne pas dépenser cette somme.

Je l'engage à chercher à se loger ailleurs que dans ce petit hôtel et à le réserver à la Chambre des représentants.

Messieurs, nos locaux sont insuffisants. Nous avons fait étudier des projets, et pour nous donner des locaux qui seraient très mal placés du côté de la rue de l'Orangerie, il faudrait dépenser une somme d'environ 500,000 francs. Eh bien, je préfère que le gouvernement dépense ces 500,000 francs à construire un hôtel pour loger le ministre des travaux publics et ses bureaux et qu'il nous évite ces grandes dépenses qui abîmeraient le palais de la Nation.

L'hôtel habité maintenant par les bureaux du ministère des finances convient à la Chambre ; nous pourrions l'approprier à peu de frais.

Nous pourrions d'abord y créer des locaux pour les sections centrales. Vous savez ce qu'il vous en coûte pour vous rendre aux locaux actuels. Vous avez à monter 90 marches pour arriver au second. On éviterait cette fatigue aux membres qui doivent faire tous les jours cette ascension.

Nous pourrions aussi créer un bureau spécial pour M. le greffier. Il est réellement pitoyable de voir que le greffier de la Chambre doit travailler dans la même salle que ses employés ; qu'un membre de la Chambre ne peut lui adresser la parole sans que, non seulement ces employés, mais souvent des étrangers qui ont à leur parler, entendent ce que vous dites.

Vous connaissez ce qu'est le bureau de la questure. On n'y voit pas clair en plein jour. On peut à peine s'y trouver à quatre. Nous ne pouvons conférer avec quelques collègues dans cette salle ; nous sommes obligés d'occuper le bureau de M. le président, lorsqu'il veut bien le mettre à notre disposition.

Qu'on fasse la dépense nécessaire pour établir le ministère des travaux publics et tous ses bureaux, et qu'on abandonne le petit hôtel à la Chambre des représentants.

Dans un pays démocratique comme le nôtre il faudrait que les présidents des Chambres eussent des appartements appartenant à l'Etat, pour recevoir. Ne pourrait-on pas mettre à leur disposition le rez-de-chaussée de ce petit hôtel ? Quand un de nous est dans le cas de conférer avec quelques collègues, il doit le faire, dans la Chambre même, au milieu des autres membres ; ou il doit aller s'installer dans la salle des Pas-Perdus ou aller au rez-de-chaussée dans une des sections.

Il est indispensable d'en finir avec cet état de choses : il faut que la Chambre ait les locaux nécessaires pour ses travaux ; je ne puis pas même admettre que les sections centrales continuent plus longtemps à siéger au second.

Souvent les membres ne vont pas en sections, parce qu'ils craignent d'être nommés membres d'une section centrale, afin d'éviter de grimper 90 marches.

Je demande à nos honorables collègues qui sont nos doyens d'âge, s'ils ne se plaignent pas, chaque fois qu'ils sont membres d'une section centrale, d'être obligés de monter au second, pour remplir leur mandat ?

J'engage donc de nouveau M. le ministre des travaux publics à s'efforcer de s'installer le mieux possible lui et tous ses bureaux, et à nous abandonner le petit hôtel.

- Des membres. - Fortement appuyé.

MtpVSµ. - Messieurs, j'entends dire derrière moi : « fortement appuyé » ; je ne puis pas, pour ma part, m'associer à l'enthousiasme qui accueille l’idée émise par l'honorable M. Allard. Je ne conteste pas que la Chambre n'ait point les locaux convenables nécessaires à ses travaux ; mais je ne pense pas qu'il faille chercher ces locaux convenables en faisant une emprise sur le bâtiment qui doit servir d'hôtel au ministre des travaux publics. lI est éminemment désirable, tout le monde est de cet avis, que tous les ministres soient logés les uns à côté des autres.

Vous savez tous combien nous sommes encombrés de monde le matin ; eh bien, il n'est pas indifférent, quand on doit aller voir un collègue, - ce qui arrive très souvent, - d'avoir à s'absenter pendant cinq ou pendant vingt minutes ; si on n'avait qu'à aller à deux pas de chez soi, on expédierait lestement une affaire, mais quand on a à faire un certain trajet, cela n'est plus possible.

Pour cette raison, il est désirable que les ministres soient logés les uns à côté des autres. Si l'on prend pour la Chambre l'hôtel destiné au ministère des travaux publics, où logera-t-on le chef de ce département ? (Interruption.)

« Cherchons », me dit l'honorable M. Allard. Je dirai, à mon tour : Cherchez et vous ne trouverez pas ; car vous n'avez guère de choix. Vous avez un ou deux hôtels, rue de la Loi, du côté du boulevard. Mais d'abord, ces hôtels ne sont pas à vendre, et s'ils étaient à vendre, ils coûteraient énormément cher ; et si l'on pouvait acquérir l'un d'eux, où placerait-on les bureaux ?

Je pense qu'il faut chercher une autre combinaison. Si, comme la nécessité en paraît établie, les locaux de la Chambre doivent être agrandis, il faut, selon moi, chercher à les agrandir du côté de la rue de Louvain. Il serait désirable de dresser un plan d'ensemble, et si la Chambre veut entrer dans cette voie, je me chargerai très volontiers de faire dresser ce plan, toutes questions réservées quant à la dépense et quant au moment de l'exécution.

M. Vleminckxµ. - Messieurs, je pourrais presque renoncer à la parole, en présence de ce que vient de dire l'honorable ministre des travaux publics. A mon avis, il serait fort regrettable que tous les ministres ne fussent pas logés les uns à côté des autres.

Quant aux nouveaux locaux nécessaires pour les bureaux du ministère des travaux publics, il est évident pour moi qu'ils pourraient être trouvés dans la rue de Louvain. Comme, d'un autre côté, la Chambre a besoin, elle aussi, d'autres locaux pour l'accomplissement de ses travaux et spécialement pour dispenser les sections centrales d'aller siéger au second, je pense que nous devons accepter avec empressement l'offre que vient de faire à la Chambre M. le ministre des travaux publics, de faire dresser un travail d'ensemble, comprenant à la fois les locaux que le ministère des travaux publics demande, et ceux dont la Chambre a un besoin pressant.

M. de Baillet-Latourµ. - Messieurs, je n'ai que très peu de chose à ajouter aux paroles que mon honorable collègue de la questure vient de prononcer.

Je rappellerai que nous avons des plans qui ont été dressés pour l'agrandissement des locaux de la Chambre. Ces plans sont restés sans exécution ; ils sont dans les cartons. Il me semble que M. le ministre des travaux publics pourrait prendre connaissance de ces plans, et voir jusqu'à quel point ils sont susceptibles d'application.

Messieurs, il est réellement devenu urgent d'agrandir les locaux destinés au service de la Chambre ; il n'y a plus moyen de placer nulle part nos documents.

D'un autre côté, ainsi que l'honorable M. Allard l'a fait observer tout à l'heure, il n'est pas possible de continuer à faire siéger les sections centrales au second : c'est une montée très haute et très désagréable pour les membres de ces sections centrales. Il faut indispensablement de nouveaux locaux pour cette destination.

Les plans auxquels je viens de faire allusion ont été dressés par un ingénieur de l'Etat. Si ces plans sont reconnus susceptibles d'exécution, le gouvernement pourrait, à mon avis, venir demander à la Chambre les fonds nécessaires pour mettre la main à l'œuvre, et je ne doute pas que l'assemblée ne s'empresse de les voter, en présence de l'impérieuse nécessité d'affecter de nouveaux locaux au service de la Chambre.

II n'y a assurément pas un seul membre dans cette enceinte, qui, ayant examiné de près les locaux, voulût se refuser à allouer les crédits nécessaires. Ces frais seraient on ne peut mieux appliqués.

J'espère que M. le ministre des travaux publics voudra bien avoir égard aux observations que je viens de présenter, et faire examiner si les plans qui reposent dans les cartons de la Chambre sont réalisables dans leur état actuel, ou s'il y a lieu de les modifier.

MpVµ. - Je dois rappeler à la Chambre que, dans un de ses derniers comités secrets, elle a, sur ma proposition, chargé le bureau du soin de rechercher ce qu'il y avait de mieux à faire pour l'agrandissement des locaux de la Chambre. Je pense, d'après les indications qui viennent d'être données, que le bureau pourrait s'entendre avec (page 376) M. le ministre des travaux publics pour arriver, dans le plus bref délai possible, à un travail d'ensemble.

Du reste, le bureau a reçu la mission d'étudier cette question, et il ne perdra pas de vue l'intérêt de la Chambre, qui réclame impérieusement l'agrandissement des locaux affectés à son service.

La nécessité de cet agrandissement semble n'être contestée par personne ; la convenance d'opérer cet agrandissement d'une manière digne du palais de la Nation ne sera pas non plus méconnue, je l'espère. Le bureau tâchera donc de faire étudier le projet de façon à obtenir à la fois ce qui peut être le plus utile et le plus convenable.

- Personne ne demandant plus la parole, l'article 9 est mis aux voix et adopté.

Articles 10 à 13

« Art. 10. Travaux extraordinaires à exécuter au palais de Tervueren ; charge extraordinaire : fr. 16,500. »

- Adopté.


« Art. 11. Travaux extraordinaires à exécuter aux bâtiments du palais de l'industrie, des musées, du tir national, de l'école vétérinaire, de la salle du Sénat, du Conservatoire royal de musique et aux anciens hôtels Trazegnies et Meeus ; renouvellement des paratonnerres sur les bâtiments du Musée et de l'Observatoire royal ; charge extraordinaire : fr. 104,500. »

- Adopté.


« Art. 12. Placement de compteurs d'eau dans les bâtiments civils situés à Bruxelles (première moitié du crédit) ; charge extraordinaire : fr. 18,000. »

- Adopté.


« Art. 13. Construction d'un bâtiment pour le service de la douane à Leysele ; charge extraordinaire : fr. 15,500. »

- Adopté.

Section III. Service des canaux et rivières, des bacs et bateaux de passage et des polders
Travaux d’entretien ordinaire et extraordinaire
Article 14

« Art. 14. Travaux d'entretien ordinaire et extraordinaire, et dépenses d'exploitation des canaux et rivières : fr. 788,900.

« Charge extraordinaire : fr. 289,800. »

M. Jacquemynsµ. - Messieurs, il y a quelques mois, une commission dite des péages a été chargée d'examiner les diverses questions qui se rattachent à notre navigation intérieure.

Cette commission a émis le vœu que des mesures soient prises dans l'intérêt de la navigation fluviale dans les Flandres. Je me permets, à l'occasion du budget des travaux publics, de rappeler cette question à l'attention de l'honorable ministre, comme à l'attention de la Chambre et du pays.

Bien souvent je me suis aperçu que la plupart des membres de cette Chambre se représentent la navigation fluviale des Flandres comme étant dans un excellent état. C'est une erreur complète. La navigation fluviale, dans les Flandres, est, à certains égards, dans un état primitif, dans un état que j'appellerai barbare.

Le halage sur nos rivières se fait généralement au moyen des hommes ; et notamment toute la navigation sur l'Escaut et la Lys, en amont et en aval de Gand, la navigation sur l'Escaut jusqu'à Zele et souvent jusqu'à Termonde, ne peut se faire qu'au moyen du halage à bras d'hommes.

Ce mode de traction présente de graves inconvénients. Et d'abord il est excessivement dispendieux.

Ainsi les bateaux qui naviguent entre Courtrai et Gand et qui sont en moyenne de 200 tonneaux ont, pour ce parcours, à payer en frais de halage 120 à 190 fr., c'est-à-dire 75 centimes à 1 fr. par tonneau. Celle dépense s'élève par tonne kilométrique de distance à vol d'oiseau à 2 1/2 de centime.

Vous voyez, messieurs, que ces seuls frais de halage entre Courtrai et Gand s'élèvent à peu près au coût des transports qui se font sur nos chemins de fer aux conditions les plus favorables.

Je dirai plus, en Hollande, sur le chemin de fer de l'Etat, les transports se font au prix de 3/4 de cent ou 1 1/2 centime environ par tonne kilométrique. Par conséquent, le prix des transports sur les chemins de fer hollandais n'atteint pas le chiffre des seuls frais de halage sur nos rivières.

On a souvent parlé des droits de navigation. Eh bien, pour un bateau de 200 tonneaux, le total des droits de navigation entre Courtrai et Gand, c'est-à-dire sur un parcours de 69 kilomètres, répondant à une distance de 40 kilomètres environ, est de 27 fr. 60, et les frais de halage vont jusqu'à 190 fr.

Ainsi les frais de halage sout six fois plus élevés que tous les frais de navigation au profit de l'Etat.

Messieurs, une autre considération me porte à demander que le gouvernement donne son attention aux travaux que réclame la transformation du halage : c'est que ce travail nuit beaucoup à l'état des populations riveraines de nos voies navigables. Ainsi l'on observe que partout sur les bords de l'Escaut les petits villages laissent quelque chose à désirer sous le rapport de la moralité, lorsqu'on les compare aux populations qui sont à une certaine distance de nos rivières. Et on le conçoit.

Les ouvriers employés au halage doivent être en permanence sur les bords du fleuve pour attendre l'heure du travail. Ils ne peuvent se livrer à une profession quelconque, parce qu'ils doivent être disponibles au moment où le passage d'un bateau réclamera leur travail.

Ces ouvriers sont donc le plus souvent inoccupés ; et lorsqu'ils ont le bonheur d'avoir quelque occupation, lorsque le passage d'un bateau réclame leurs bras, ils doivent exiger un salaire considérable et d'autant plus élevé que ce travail est excessivement pénible, excessivement malsain.

Ils doivent tirer à l'aide de très grands efforts les bateaux, en passant dans des chemins qui sont généralement impraticables, et souvent en marchant dans une eau assez profonde.

D'autres inconvénients se présentent.

La traverse de la ville de Gand est hérissée de toutes sortes de dangers. J'ai vu notamment la corde d'un bateau à laquelle étaient en quelque sorte attelés douze ou quinze hommes, se rompre instantanément et tous ces hommes être lancés contre une construction voisine avec une violence telle, que je m'étonnais que plusieurs d'entre eux n'eussent pas reçu des blessures mortelles. (Interruption.)

On me demande pourquoi l'on n'emploie pas des chevaux. C'est précisément le point sur lequel je veux appeler l'attention de la Chambre.

Tout ce que je demande à M. le ministre des travaux publics, c'est de nous mettre dans la possibilité d'employer des chevaux.

Traîner des bateaux, c'est un travail de cheval et non un travail d'hommes. Il faudrait donc faire sur les rives du fleuve des travaux qui permissent le passage des chevaux.

Ces travaux exigeraient des dépenses assez considérables, mais vous comprenez que notre navigation fluviale sera relativement très imparfaite aussi longtemps que le halage au moyen des chevaux sera impossible.

J'appelle donc toute l'attention de M. le ministre des travaux publics sur cette transformation du halage au moyen d'hommes en halage au moyen de chevaux.

MtpVSµ. - Mon attention s'était déjà fixée sur la situation dont vient de vous parler l'honorable M. Jacquemyns. J'ai demandé, et cette demande remonte déjà à quelque temps, à tous nos ingénieurs que la chose concernait, de me fournir des renseignements précis sur la nature des travaux qu'il faudrait exécuter et spécialement sur la dépense nécessaire pour substituer partout le halage par chevaux au halage par hommes.

Le terrain, nous l'avons ; les propriétés riveraines des rivières sont grevées d'une servitude légale.

M. de Naeyerµ. - Pour le chemin de halage.

MtpVSµ. - Oui, pour le chemin de halage.

Mais il faut aménager le terrain que les propriétaires doivent nous abandonner. Or, cet aménagement peut devenir la source d'une dépense considérable. En certains endroits, il faudrait remblayer le terrain, dans d'autres endroits il faudrait même empierrer. Il y aurait beaucoup de petits ouvrages d'art à construire, des ponceaux, des aqueducs, des conduites de toute nature.

Evidemment donc il s'agit d'un travail qui doit, dans son ensemble, conduire à une dépense considérable. Quoi qu'il en soit, la première chose, c'est d'être renseigné. J'ai demandé ces renseignements et je recommanderai aux fonctionnaires que la chose regarde de hâter autant que possible les études qu'ils doivent me fournir. Je reconnais avec l'honorable M. Jacquemyns, qu'il y a un intérêt sérieux en cause.

M. Bricoultµ. - Comme l'honorable ministre continue à prétendre que la dérivation de la Dendre ne fait pas partie du domaine public, je me trouve dans la nécessité de lui opposer un contradicteur tout aussi fort en droit : j'opposerai à l'honorable ministre l'honorable, ministre lui-même.

Précisément le jour où M, le ministre développait son argumentation (page 377) dans cette enceinte, M. le gouverneur du Hainaut adressait à M. le bourgmestre de la ville d'Ath la dépêche suivante :

« Mons, le 5 février 1866,

« M. le bourgmestre,

« J'ai l'honneur de vous transmettre une copie, par extrait, d'un rapport de M. l'ingénieur des ponts et chaussées chargé du service de l'arrondissement d'Ath, duquel il résulte que la partie de la Dendre située en amont du grand moulin en votre ville n'est plus praticable pour aucune espèce de bateau.

« L'intention de M. le ministre des travaux publics, à qui ce rapport a été adressé, est de provoquer un arrêté royal qui, en vertu du décret du 22 janvier 1808, déclare non navigable ni flottable cette partie de la rivière et mette ainsi d'accord la légalité avec le fait.

« Par cette déclaration, ladite section de rivière et la dérivation du marché aux poissons en votre ville, qui y prend son origine, cesseront de faire partie du domaine public de l'Etat.

« Cependant, avant de donner suite à ce projet et afin de mettre à l'abri de toute contestation la légalité de la décision à intervenir, M. le ministre désire qu'il soit procédé à une enquête administrative, destinée à constater qu'ainsi que le maintient M. l'ingénieur de l'arrondissement d'Ath, toute navigation a cessé sur la Dendre, en amont du grand moulin, depuis 1854.

« Je viens vous prier, M. le bourgmestre, de procéder le plus tôt possible à cette enquête, et aussitôt qu'elle sera terminée, de me faire parvenir les pièces y relatives.

« Le gouverneur, « (Signé) Troye. '»

Ainsi, à la Chambre, M. le ministre prétend que ce bras de la rivière appartient à la province et à la commune, qu'il ne fait pas partie du domaine public, et en même temps M. le ministre informe que cette partie de la rivière fait bien décidément partie du domaine public, mais qu'il va provoquer un arrêt pour faire cesser cet état de choses.

Je voudrais bien que M. le ministre m'expliquât cette contradiction.

M. Nothomb. - Messieurs, à propos des observations qui viennent d'être présentées au sujet de la navigation fluviale, je viens appeler l'attention de M. le ministre des travaux publics sur la situation de la Grande-Nèthe.

La Chambre n'ignore pas combien sont vives les réclamations que l'état actuel des choses a provoquées. Hier encore, nous avons reçu une pétition émanée du comité qui a été institué précisément pour examiner la question relative à ce cours d'eau, pétition dans laquelle les causes qui ont produit la situation se trouvent résumées de la manière la plus concluante et la plus claire.

Je n'ai pas besoin de rappeler à M. le ministre des travaux publics que le gouvernement a pris, par la loi du 8 mars 1858, l'engagement formel de pourvoir à l'entretien de la Grande-Nèthe au double point de vue de l'écoulement des eaux et à celui de la navigation. Il y avait une condition inscrite dans cette loi, c'est l'intervention des communes intéressées et de la province d'Anvers jusqu'à"concurrence d'une somme de 222,500 francs. Cette condition a été remplie et la Grande-Nèthe, comme voie de navigation, se trouve uniquement en face du gouvernement qui, lui-même, est soumis à l'obligation stricte, écrite dans la loi de 1858.

Le gouvernement est ainsi tenu, non seulement en équité, mais en droit absolu, à assurer une bonne navigabilité de la Grande-Nèthe. Or, messieurs, cette bonne navigabilité n'existe pas. A cet égard les plaintes ne sont que trop nombreuses, trop fondées et je ne pourrais pas en donner de meilleure preuve qu'en disant que l'année dernière le conseil provincial d'Anvers, justement inquiet de cette situation, a institué une commission spéciale chargée de constater les causes de ce fâcheux état de choses, de les signaler au gouvernement et d'appeler son concours le plus actif pour y remédier. On ne peut donc nier que les plaintes ne soient réelles et légitimes.

J'espère donc que M. le ministre des travaux publics prendra cette fois en sérieuse considération les réclamations des riverains et de la province d'Anvers.

Je sais que l'année dernière l'honorable ministre nous a répondu que la situation dont on se plaint n'est que transitoire et qu'en prenant patience pendant un an nous verrions la position s'améliorer. Nous avons pris patience, nous avons attendu et la situation est empirée, tellement empirée que, comme je viens de le dire, le conseil provincial d'Anvers a institué une commission pour veiller à ce grand intérêt fluvial, qui préoccupe à un si haut degré la province d'Anvers et l'arrondissement que je représente.

M. Debaets. - Messieurs, je n'ai qu'une observation à présenter, mais elle ne manque pas d'importance.

On a parlé de dangers qui existent sur diverses voies fluviales ; eh bien, messieurs, un danger très considérable est au confluent de l'Escaut et de la Lys à Gand, derrière le Palais de Justice.

L'Escaut opère sa jonction avec la Lys à angle droit, de sorte que les bateaux qui arrivent du haut Escaut doivent manœuvrer avec une extrême prudence pour ne pas être jetés contre le bord opposé de la Lys. Il y a même une corporation spéciale de pilotes créée surtout pour les conduire en cet endroit.

Dans ce confluent même, sur la rive gauche de la Lys, s'étend un bloc de maçonnerie dont je ne comprends pas le motif d'être, mais dont les inconvénients et les dangers sautent aux yeux de tout le monde.

Je signale cet état de choses à l'honorable ministre ainsi que la nécessité de reconstruire le quai s'étendant derrière le Palais de Justice.

MtpVSµ. - Je ne sais pas quelle contradiction l'honorable M. Bricoult peut voir entre la thèse que j'ai soutenue dans cette Chambre et la lettre que j'ai fait écrire à l'administration communale d'Ath. J'ai fait écrire qu'un bras de la Dendre qui traverse la ville d'Ath, est innavigable et que j'allais faire ouvrir une enquête afin d'arriver à faire constater légalement cet état de choses. En quoi cela est-il en contradiction avec les paroles que j'ai prononcées dans cette enceinte ? Est ce que le résultat de l'enquête peut être douteux ? C'est si peu possible que c'est la ville d'Ath elle-même qui a fait construire un pont sur ce bras de la Dendre et l'aurait empêché ainsi d'être navigable s'il l'avait été précédemment. D'ailleurs l'honorable M. Bricoult a avoué qu'en cet endroit la Dendre était innavigable.

Il s'agit donc de remplir une pure formalité pour arriver à la constatation légale d'un fait que personne ne conteste, et loin d'avoir été en contradiction avec moi-même, j'ai été aussi logique qu'il est possible de l'être.

L'honorable M. Nothomb vient de parler de la Nèthe. J'ai certaines réserves à faire et j'ai à déterminer d'une manière précise la position que je prends dans cette affaire..

L'honorable membre rappelle qu'en 1858 il est intervenu une loi en vertu de laquelle l'Etat, la province, les communes et les particuliers intéressés se sont associés pour faire un certain travail à la Nèthe, dans le but d'améliorer la navigation et l'écoulement des eaux.

Eh bien, si le gouvernement a fait ce travail, il n'a plus rien à faire, encore que l'état de choses actuel ne serait point parfait.

Ainsi, s'il était constaté que l’Etat a entrepris maladroitement certains travaux, qui, au lieu de faciliter la navigation ou l'écoulement des eaux, les auraient contrariés, j'admets bien, dans ce cas, une sorte de recours moral contre le gouvernement ; mais si la navigation se trouve améliorée sans être arrivée à une situation parfaite ou de même l'écoulement des eaux, certainement vous pouvez demander à l'Etat d'intervenir, mais son intervention sera purement facultative. C'est ce que je tiens à constater.

Il ne faut pas d'équivoque sur la position de l'Etat vis-à-vis des provinces, des communes et des particuliers. II faut bien définir les obligations que l'Etat a assumées pour vérifier ultérieurement s'il a rempli ces obligations.

L'honorable membre dit : La situation est détestable ; la preuve c'est que le conseil provincial a institué un comité chargé de s'assurer de l'état des choses et que le comité déclare qu'il y a péril en la demeure. Je conteste formellement la compétence de ce comité ou plutôt le droit de ce comité de trancher ce qui est à démontrer. Comment ! on réclame un travail considérable à charge de l'Etat et celui qui réclame viendra affirmer de son autorité privée et sans avoir reçu investiture de personne que de lui-même, il viendra affirmer que les travaux qu'il réclame sont indispensables ! Ce n'est pas aux intéressés à affirmer pour que la question soit vidée, c'est aux intéressés à débattre leurs intérêts avec la partie à charge de qui ils veulent mettre une dépense considérable, et j'engage très fort le comité dont il s'agit à ne plus se donner la peine de faire des investigations comme celles qui ont abouti à un rapport que j'ai eu l'honneur de recevoir, rapport convenable, je le reconnais, en la forme, mais que je ne puis accepter qu'à titre de renseignement. Qu'un particulier quelconque signale quelque inconvénient de l'état de choses qui existe sur la Nèthe, le gouvernement se croira le devoir d'examiner, à plus forte raison si c'est un comité composé de personnes officielles. Mais je (page 378) ne puis pas admettre qu'un comité, même ainsi composé, statue de son autorité privée en respectant, je le répète, les convenances dans la forme.

- Une voix. - C'est le conseil provincial.

MtpVSµ. - Si le conseil provincial prétendait qu'il y a une dépense à faire concurremment entre l'Etat et lui, je comprendrais mieux cette attitude ; mais quand le conseil provincial dit : C'est l'Etat qui doit payer, je n'admets plus l'intervention du conseil provincial de la manière dont elle s'est produite.

Que le conseil provincial fasse une réclamation, on l'examinera avec une attention particulière.

Mais je ne puis admettre qu'il s'arroge le droit de décision.

Je tenais à faire cette observation, parce que je ne puis accepter la position qu'on veut me faire.

Je veux bien examiner, et avec le plus grand soin, de concert avec le conseil provincial, mais je ne puis accepter qu'il s'arroge un droit da décision sur la bourse de l’Etat.

M. Allard. - Ce serait très commode.

MtpVSµ. - Oui, et si tout le monde suivait les mêmes errements sur d'autres intérêts, les ressources du pays n'y suffiraient pas.

En ce qui concerne la Nèthe, qu'ai-je dit, non pas il y a un an, mais dans la discussion du projet de travaux publics de 1865, c'est-à-dire il y a quelques mois ?

J'ai dit : Les inconvénients que vous signalez sont le résultat peut-être et même très probablement, non pas des travaux que nous avons entrepris, mais des circonstances climatériques. La Nèthe est à sec, parce que tous les cours d'eau sont à sec, attendons une année normale et nous verrons. Je fais la même déclaration aujourd'hui, et si je rappelle la date où cette déclaration a été faite une première fois, c'est pour montrer à la Chambre et particulièrement aux honorables députés que la chose intéresse plus spécialement que l'année d'épreuve n'est pas écoulée. Je dois ajouter que si au bout d'une année normale, en supposant que nous entrions dans une année normale, il était constaté que les travaux entrepris ne répondent pas complètement aux espérances que les intéressés avaient conçues, cela ne suffirait pas cependant pour qu'ils fussent autorisés à tirer une traite sur le trésor public ; il faudrait prouver de plus que les travaux entrepris n'ont amené aucune amélioration. Car s'il y a amélioration, nous sommes dans les termes de la convention intervenue en 1858, et dès lors les nouveaux travaux qu'il pourrait y avoir lieu d'effectuer devraient être faits de commun accord avec la province et les communes.

Il faudrait renouveler la convention de 1858 ; tout au moins si le gouvernement n'élevait pas cette prétention, ce serait à titre de libéralité de sa part.

M. Nothomb. - Je ne puis laisser passer sans les relever les observations que vient de présenter l'honorable ministre à propos surtout du rôle du conseil provincial d'Anvers et de la commission d'enquête qu'il a instituée. L'honorable ministre trouve étrange l'institution de cette commission ; il nous dit : « Je dénie la compétence de cette commission et le droit qu'elle semble s'attribuer de donner des injonctions au gouvernement ; elle est intéressée dans la cause, par conséquent je lui oppose une fin de non-recevoir. » Je ne puis admettre cette vive critique de l'honorable ministre ; elle me surprend singulièrement. Qui donc est naturellement institué et appelé par la nature des choses comme par la loi même pour s'enquérir si un intérêt considérable de la province est en souffrance, pour le protéger, pour y veiller, si ce n'est le conseil provincial ? Il use de son droit comme il ne fait que remplir le plus élémentaire de ses devoirs en vous signalant les vices d'une situation...

MtpVSµ. - Je l'admets.

M. Nothomb. - Eh bien, c'est ce qu'il a fait.

MtpVSµ. - Voulez-vous me permettre ? J'admets très bien que le conseil provincial et même un simple particulier vienne dire au gouvernement : « J'appelle votre attention sur cette situation. » Mais je n'admets pas que même un conseil provincial vienne dire : Je déclare cette situation mauvaise ; c'est à vous d'y remédier.

- Un membre. - S'il a payé.

MtpVSµ. - Eût-il dix fois payé, je prétends que tout ce que le conseil provincial peut faire, c'est de dire : Le but n'est pas rempli, selon nous ; examinons contradictoirement ensemble ; faites une instruction, prenez mon rapport comme premier élément de votre instruction. Car après l'examen auquel s'est livré le conseil provincial soit directement, soit par l'intermédiaire de son comité, vient l'instruction du gouvernement, et à la suite de cette instruction nous possédons seulement les éléments complets d'une décision.

M. Nothomb. - Permettez-moi de vous faire remarquer que le conseil provincial n'a pas fait autre chose.

MtpVSµ. - Pardon.

M. Nothomb. - Mais j'ai sous les yeux la lettre même par laquelle le gouverneur de la province d'Anvers vous rend compte de la situation et des circonstances dans lesquelles la commission d'enquête a, été instituée ; voici cette lettre :

« Anvers, le 10 octobre 1865.

« Monsieur le ministre,

« Pendant sa dernière session, le conseil provincial s'est de nouveau préoccupé des travaux en cours d'exécution à la Grande-Nèthe pour l'amélioration de la rivière tant au point de vue de l'écoulement des eaux qu'à celui de la navigabilité.

« Plusieurs membres ont soutenu dans les discussions que la navigation, loin d'être améliorée, sera, au contraire, en partie détruite pour le parcours entre Lierre et Oosterloo ; cette discussion, à défaut de connaissances techniques, ne pouvant aboutir, un conseiller provincial a demandé la nomination, par la députation permanente, d'une commission spéciale pour élucider les questions en litige. »

Vous l'entendez, M. le ministre ? On ne vous impose donc rien.

MtpVSµ. - Continuez.

M. Nothomb. - Je défère à votre désir :

« Cette commission, que la députation s'est empressée d'instituer, demande, par la requête ci-jointe, qu'elle a l'honneur de vous adresser, une instruction complémentaire de l'affaire pour que les crédits nécessaires soient demandés aux Chambres législatives, afin de faire face aux dépenses des travaux que MM. les ingénieurs jugeront indispensable de faire encore exécuter.

« La députation et moi nous recommandons cette requête à toute votre bienveillance, et il nous serait agréable d'apprendre, le plus tôt possible, que des mesures sont prises pour procéder à l'instruction complémentaire dds projets. »

Voilà cette lettre. Que peut-on y trouver à redire ?

On va même jusqu'à s'en rapporter aux ingénieurs, vos propres agents, et voilà les gens que vous accusez d'empiéter, d'usurper sur les attributions du gouvernement et de s'occuper d'affaires qui ne les concernent pas. (Interruption.) Ils sont cependant bien peu exigeants, ils instituent une commission pour faire une enquête complémentaire, pour vous signaler les inconvénients de la situation et vous demander des crédits ensuite des travaux reconnus par MM. les ingénieurs de l'Etat !

Est-ce là une prétention exagérée, est-ce là une immixtion illégale ou déplacée ?

Personne ne peut sérieusement le soutenir, et quant à moi, messieurs, il me semble qu'on ne saurait se montrer plus modéré que ne l'ont été le conseil provincial et la commission d'enquête.

Vient alors la requête de la commission même. Elle vous signale un état de choses qu'elle trouve déplorable et elle vous prie d'y remédier. Elle dit formellement :

« Notre intention, monsieur le ministre, n'est point de recommander tel ou tel plan de travaux jugés nécessaires pour remédier aux maux dont on se plaint à juste titre. Mandataires du conseil provincial qui s'est ému des plaintes nombreuses qui lui sont parvenues, et partageant les craintes sur le résultat des travaux en exécution, nous vous exposons le mal avec franchise, en vous priant de vouloir ordonner immédiatement des études complémentaires, afin de pouvoir demander, dans le cours de la prochaine session législative, les crédits nécessaires à leur exécution. »

Elle vous demande donc, M. le ministre, des études complémentaires. Que peut-on vous demander de plus modeste que cela et sous quelle autre forme, je ne dis pas plus polie, mais plus humble, peut-on s'adresser au gouvernement ? Apprenez-le-moi. C'est donc à tort que M. le ministre a accusé la commission d'avoir outre-passé ses pouvoirs et d'avoir empiété sur les droits du gouvernement.

Mais, messieurs, il n'y a pas que le conseil provincial et la commission d'enquête qui ont réclamé ; il y a la députation permanente elle-même qui, depuis le mois d'avril 1865, a signalé cet état de choses dans une lettre que je vais lire et qui me fournira en même temps la réponse à une autre allégation de l'honorable ministre.

(page 379) « Anvers, le 5 avril 1865.

« M. le ministre,

« Nous avons la satisfaction de constater que les travaux qui ont été exécutés à la Grande-Nèthe en vertu de la loi du 8 mars 1858, dans le but d'améliorer la rivière au double point de vue de l'écoulement des eaux et de la navigation, ont complètement atteint le premier de ces buts, mais d'autre part nous avons le regret de devoir vous informer que la navigation se trouve dans des conditions plus mauvaises qu'auparavant.

« Dans cet état de choses, nous venons vous prier de vouloir bien proposer aux Chambres législatives de majorer le crédit du projet de loi pour travaux publics d'une somme de 1,500,000 fr., jugée nécessaire, d'après des études antérieures, pour exécuter les travaux complémentaires destinés à assurer une bonne navigation intermittente.

« Veuillez agréer, M. le ministre, l'assurance de notre haute considération.

« Par ordonnance : Le greffier provincial, Edouard De Cuypek,

« La députation permanente, Chevalier Ed. Pycke, président. »

Or, que disait tantôt M. le ministre pour dégager la responsabilité du gouvernement et pour échapper à l'obligation qu'impose au gouvernement la loi de 1858 ?

Il nous disait : Prouvez que la navigation de la Grande-Nèthe n'est pas améliorée. Mais les faits sont là pour le prouver, et ces faits sont attestés par la lettre du gouverneur d'Anvers qui constate que la navigation de la Grande-Nèthe n'est pas améliorée, que le but de la loi de 1858 n'est pas atteint ; au contraire, que la situation est pire qu'avant.

On a donc cent fois raison d'insister, de pétitionner, de vous demander de faire des études complémentaires, afin de faire cesser un mal qui cause un si grand préjudice à toute une province.

Ne jouons pas sur les mots ; ne disons pas qu'il suffit que la navigation de la Grande Nèthe soit un peu améliorée. La loi de 1858 a voulu une chose sérieuse, elle a voulu l'écoulement des eaux et la bonne navigation de la Grande-Nèthe. Le conseil provincial, la commission d'enquête, la députation permanente et tous les intéressés déclarent que la navigation de la Grande-Nèthe est mauvaise. Eh bien, M. le ministre, soumettez-vous aux prescriptions de la loi de 1858 et tâchez de remédier à une situation qui devient déplorable.

Précisément ce point a été soulevé et résolu dans la séance du 2 février 1858 de la Chambre lorsqu'elle a discuté et volé la loi du 8 mars 1858.

On demandait s'il ne fallait pas imposer aux communes intéressées et à la province, en vue de travaux ultérieurs à faire, une plus forte participation dans la dépense.

La section centrale a combattu cette charge éventuelle à imposer aux communes et à la province ; elle a soutenu que la part fixée à 222,500 fr. une fois payée, communes et province étaient dégagées, affranchies de toute intervention ultérieure.

Le ministre des travaux publics de l'époque a d'abord résisté à ces conclusions de la section centrale, mais il a fini par s'y rallier et il a été parfaitement entendu que l'intervention des communes et de la province se bornerait, une fois pour toutes, au chiffre écrit dans la loi.

Il a été de plus parfaitement convenu qu'il fallait assurer une bonne navigabilité de la Grande-Nèthe, et que ce soin incomberait désormais à l'Etat, du moment que la somme de 222,500 fr. serait payée par les intéressés.

La condition a été remplie, et dès lors je confie sans crainte l'intérêt que je viens de défendre à la loyauté et à l'impartialité de M. le ministre des travaux publics.

MtpVSµ. - Messieurs, la pièce dont l'honorable M. Nothomb vient de donner lecture confirme complètement l'assertion que j'ai émise, à savoir que le comité du conseil provincial a transgressé ses droits.

Nous avons, messieurs, intérêt à trouver la vérité. Un comité peut donc fort utilement s'occuper de cette affaire. Mais quel est le point de départ du rapport du comité ? C'est qu'il y a des travaux à faire. Voilà son affirmation ; sur ce point le comité ne croit qu'en lui-même. Quelle est la nature de ces travaux ? Le comité, sur ce point secondaire, veut bien en référer aux ingénieurs, de même, quant à l'élévation de la dépense il veut bien s'en rapporter à une instruction ultérieure.

Mais il a décidé irrévocablement, ce qu'il n'avait pas le droit de faire, que les travaux exécutés avaient manque leur but. Je dis que là le comité pose en fait précisément ce qui est à démontrer.

Veuillez remarquer, messieurs, que les ingénieurs de la province soutiennent avec autant de conviction la thèse contraire à celle du comité. Ils disent, dans une pièce dont j'ai déjà donné communication à la Chambre et qui a été insérée dans le rapport de la section centrale sur le projet de loi des travaux publics de 1865, que les travaux faits à la Nèthe ont atteint déjà en partie leur but et que ce but sera encore plus complètement atteint lorsque les travaux seront achevés.

M. de Mérodeµ. - Il n'y a pas d'eau.

MtpVSµ. - Il doit y en avoir maintenant, je pense.

Je suppose qu'une opinion contradictoire continue à se maintenir entre les ingénieurs et le conseil provincial. J'ordonnerai une enquête supplémentaire.

M. Nothomb. - C'est ce qu'on demande.

MtpVSµ. - Mais non, s'il en était ainsi, je trouverais le l'apport du comité parfaitement raisonnable. Mais précisément, on ne demande pas de faire examiner dans une enquête supplémentaire, par exemple, ou par l'inspecteur général des ponts et chaussées si en effet les travaux ont ou n'ont pas manqué leur but. On commence par affirmer qu'il en est ainsi. C'est ce que je ne puis admettre, non seulement parce que cela n'est pas prouvé, mais parce que je suis porté à croire même le contraire, d'après certains faits qu'affirment de leur côté les ingénieurs de la province. Ces faits sont en contradiction avec les affirmations du conseil provincial et des intéressés, mais les ingénieurs donnent des chiffres et des arguments de fait à l'appui de leur opinion. Je me tiens donc en garde.

Je ne dis pas que le conseil provincial a tort, mais je dis que je ne puis admettre ce qu'il avance sans une nouvelle instruction préalable, sans nouvel examen. Dans le courant de cette année, si elle est normale quant aux circonstances climatériques, nous pourrons faire une expérience décisive, nous saurons positivement à quoi nous en tenir, et si la contradiction entre les agents de l'Etat et les délégués du conseil provincial se maintient, je le répète, je consens volontiers à ordonner une enquête supplémentaire ; mais encore faut-il qu'elle ait eu lieu avant que le gouvernement puisse prendre une décision.

Messieurs, je ne puis passer sous silence l'observation présentée par l'honorable M. Debaets. L'honorable membre demande qu'on changé l'état des lieux au confluent de la Lys et de l'un des bras de l'Escaut. Il s'agit, je pense, de construire un quai au pied du palais de justice. C'est une dépense qui s'élève à 80,000 francs et dont nous nous occuperons lorsque les ressources de mon département permettront d'entreprendre ce travail, s'il incombe à l'Etat.

- L'article 14 est adopté.

Travaux d'amélioration des canaux et rivières. Bassin de la Meuse
Articles 15 à 24

« Art. 15. Meuse dans les provinces de Namur, de Liège et de Limbourg ; charge extraordinaire : fr. 32,500. »

- Adopté.


« Art. 16. Ourthe ; charge extraordinaire : fr. 3,500.”

- Adopté.


« Art. 17. Canal de Liège à Maestricht ; charge extraordinaire : fr. 4,000. »

- Adopté.


« Art. 18. Canal de Maestricht à Bois-le-Duc ; charge extraordinaire : fr. 8,000. »

- Adopté.


« Art. 19. Canal de jonction de la Meuse à l'Escaut ; charge extraordinaire : fr. 25,000. »

- Adopté.


« Art. 20. Canal d'embranchement vers le camp de Beverloo ; charge extraordinaire : fr. 2,500. »

- Adopté.

(page 380) « Art. 21. Canal d'embranchement vers Hasselt ; charge extraordinaire : fr. 5,000. »

- Adopté.


« Art. 22. Canal d'embranchement vers Turnhout ; charge extraordinaire : fr. 1,000. »

- Adopté.


« Art. 23. Sambre canalisée ; charge extraordinaire : fr. 35,000. »

- Adopté.


« Art. 24. Canal de Charleroi à Bruxelles ; charge extraordinaire : fr. 30,000. »

- Adopté.

Travaux d'amélioration des canaux et rivières. Bassin de l’Escaut
Article 25

« Art. 25. Escaut ; charge extraordinaire : fr. 8,000. »

M. Verwilghenµ. - Les populations de l'arrondissement de Saint-Nicolas ont appris avec une vive satisfaction que l'honorable ministre des travaux publics a donné ordre aux ingénieurs de l'Etat de préparer un travail d'ensemble, sur les moyens les plus propres à faciliter et à activer l'écoulement des eaux dans les terrains marécageux du pays.

Une fois qu'à la suite de ces études préliminaires un plan général qui les résume aura été dresse, l'honorable ministre peut être assuré que le concours de la province, la coopération des communes et l'intervention pécuniaire des propriétaires intéressés ne lui feront point défaut, et que le gouvernement rencontrera partout le plus grand empressement à seconder son action directrice.

Pour ce qui concerne la question de la répartition des dépenses, qui a été réservée par M. le ministre, aucune difficulté sérieuse, à mon avis, ne pourra en entraver la bonne solution.

Nous avons donc aujourd'hui, grâce à la déclaration faite au nom du gouvernement, l'espoir fondé de voir bientôt disparaître les causes de malaise et d'insalubrité qui ont pesé si longtemps sur une grande partie du pays et ont exercé parfois de si cruels ravages.

J'ai trop de confiance dans la science technique et dans la longue expérience de nos ingénieurs, pour ne pas être convaincu que l'asséchement et l'assainissement de nos polders seront réalisés dans les meilleures conditions, et que, tant au point de vue de la productivité du sol, qu'a celui de l'amélioration dans l'état sanitaire, les habitants du nord du pays retireront des travaux projetés tous les fruits qu'ils sont susceptibles de produire.

Mais qu'il me soit permis de rappeler ici une idée, que j'ai recommandée l'année dernière aux méditations de ceux qui seraient chargés d'étudier plus spécialement les améliorations à introduire dans le régime des eaux de notre littoral.

En élargissant le cercle des études commandées, en donnant à l'œuvre des proportions un peu plus vastes, il serait très facile, je crois, d'en tripler l'utilité ; car on serait logiquement amené à accorder aux arrondissements d'Eecloo, de Gand et de Saint-Nicolas une bonne et importante voie navigable, qui constituerait pour des populations nombreuses un moyen de communication facile et économique, d'une part avec la capitale de la province, de l'autre avec la Zélande par le bas Escaut.

Ce canal, que je propose de creuser dans la partie septentrionale de l'arrondissement de Saint-Nicolas, servirait donc à la fois au prompt écoulement des eaux et a la navigation ; il serait en quelque sorte le pendant du canal de Selzaete à Heyst, avec cette différence que son utilité et son importance seraient incomparablement plus grandes..

Veuillez remarquer, messieurs, qu'en gratifiant le nord de la Flandre de ce grand bienfait, le gouvernement ne ferait, en définitive, que rétablir à notre profit la belle voie navigable dont le gouvernement espagnol avait jadis doté nos ancêtres.

Lorsque le duc de Parme Alexandre Farnèse entreprit le siège mémorable de la ville d'Anvers, il ne tarda pas à se convaincre qu'il ne réussirait point à s'emparer de la place, aussi longtemps qu'il ne parviendrait pas à intercepter les communications des assiégés avec la Hollande, par l'Escaut inférieur.

Il vint donc avec son armée prendre position au village de Calloo, construisit à travers le fleuve un barrage gigantesque, et fit creuser en même temps, à travers les polders du pays de Waes, le canal qui porta son nom et qui constitua, pendant quelque temps, une nouvelle ligne de navigation entre la ville de Gand et l'Escaut inférieur par le Moervaert, le canal de Stekene et le Melkader prolongé.

Mais les troubles sanglants de cette époque compromirent bientôt l'œuvre utile réalisée par le duc de Parme ; le canal, à défaut d'entretien convenable, s'envasa sur plusieurs points ; et la navigation, dans la direction de l'Escaut, ne tarda pas à être complètement interrompue.

Voilà messieurs, un fait historique incontestable.

« Il y aura bientôt trois siècles, vous disais-je l'an dernier, que les populations du nord de la Flandre sont restées privées de l'excellente voie navigable dont le gouvernement espagnol les avait dotées.

« N'aurions-nous pas le droit d'espérer, en considérant la merveilleuse prospérité dont jouit le pays, que le jour de la réparation arrivera bientôt pour nous, et que le gouvernement nous restituera les précieux avantages que des circonstances de force majeure nous ont jadis enlevés ? »

Il existe aujourd'hui une raison particulière de mettre à l'étude, au plus tôt, le projet sur lequel j'appelle en ce moment l'attention bienveillante de M. le ministre des travaux publics.

Si mes renseignements sont exacts, des ingénieurs hollandais auraient été chargés par leur gouvernement de préparer les plans et devis d'un canal destiné à mettre les villes d'Axel et de Hulst en communication directe avec l'Escaut occidental.

Cet important travail, salué avec enthousiasme par les populations de la Flandre Zélandaise, n'est en définitive que la reconstitution artificielle de la voie ménagée jadis par la nature au batelage de Hulst et d'Axel à travers un chenal aujourd'hui complètement envasé.

Au commencement du XVIIème siècle, la navigation sur ce chenal avait acquis une telle importance, que l'on conçut le projet de le mettre en communication directe avec les cours d'eau navigables et les canaux du nord de la Flandre.

Il s'agissait de permettre aux navires qui remontaient la Durme ou arrivaient de Gand par le Moervaert, d'atteindre à Hulst le chenal hollandais et de pénétrer ensuite, par le Braeckman et l'Escaut occidental, dans les eaux intérieures de la Hollande.

Le projet fut réalisé dès 1638, et le canal de Stekene, prolongé ainsi jusqu'à Hulst, contribua puissamment à alimenter le commerce assez considérable auquel cette ville se livrait à cette époque.

Mais en 1648., le traité de Munster, en prescrivant la fermeture de l'Escaut, anéantit tout mouvement commercial dans la Flandre Zélandaise. Bientôt toute navigation disparut et c'est à peine si, de nos jours, on retrouve encore çà et là quelques vestiges de ce prolongement du canal de Stekene.

Voilà donc deux canaux historiques à la restauration desquels le gouvernement devrait, me semble-t-il, songer sérieusement.

Cette œuvre réparatrice, si longtemps ajournée, devient aujourd'hui plus urgente que jamais, en présence des travaux remarquables qu'on est sur le point d'entreprendre au profil de nos voisins de la Flandre Zélandaise.

Je n'ai certes pas besoin d'insister sur les avantages incalculables qui résulteraient du rétablissement des deux canaux pour les arrondissements d'Eccloo, de Gand et de Saint-Nicolas, au triple point de vue de l'hygiène publique, de la productivité du sol, et des besoins du commerce.

Je me borne aujourd'hui à poser nettement le problème à résoudre, et je fais des vœux pour que les hommes compétents et éclairés qui seront chargés d'examiner la question, l'élucident de la manière la plus convenable et la plus complète, et qu'ils nous apportent au plus tôt une solution de nature à concilier et à satisfaire les divers intérêts, qui se trouvent en présence.

M. Jacobsµ. - Messieurs, j'ai introduit l'année dernière, dans la discussion du budget des travaux publics, une question nouvelle qui ne le cède en importance à aucune autre : c'est celle du barrage de l'Escaut. oriental qu'exécute le gouvernement hollandais.

J'ai eu l'honneur d'expliquer assez longuement à la Chambre en quoi consiste ce travail qui doit réunir à la terre ferme les îles de Walcheren. et de Zuid-Beveland, en séparant à jamais les deux bouches de l'Escaut, au moyen d'un barrage, dans le but de relier la ville de Flessingue au réseau des chemins de fer néerlandais.

J'ai rappelé que, dès que le projet était apparu, le gouvernement avait institué une commission qui s'était prononcée énergiquement contre cet ouvrage, déclarant qu'il était du droit et du devoir de la Belgique de s'y opposer de toutes ses forces.

C'est qu'en effet, non seulement la navigation intérieure ne se ferait plus dans des conditions aussi bonnes qu'actuellement, c'est là le petit côté de la question ; mais tout le monde sait qu'un travail aussi important que la suppression d'une embouchure peut amener dans le régime du fleuve des perturbations incalculables.

(page 381) Nous avons des appréhensions assez sérieuses pour l'Escaut tel qu'il existe, par suite des saignées qui lui ont été pratiquées ; aujourd'hui, cependant, nous sommes encore en possession d'un fleuve qui suffit à la plus grande navigation. Mais personne au monde ne pourrait prédire les résultats que produira la suppression d'une des embouchures di fleuve.

Le gouvernement m'a répondu, l'année dernière, par l'organe de M. le ministre des affaires étrangères et de M. le ministre des travaux publics, que toute sa sollicitude serait appliquée à cet objet, que des négociations étaient pendantes entre la Belgique et les Pays-Bas, qu'enfin une nouvelle commission allait étudier cette grave question.

Je lui demande ce qui s'est fait dans l'intervalle des deux sessions ; où en est la négociation ? où en est le travail de la commission ?

Dans la séance tenue par la seconde chambre des étals généraux le 9 janvier 1865, M. le ministre Thorbecke, répondant à l'interpellation d'un député, M. Van Swinderen, a parlé du barrage et de l'émotion qu'il occasionnait en Belgique.

Il a rappelé que le projet remontait à Napoléon Ier, qu'il avait été repris par le roi Guillaume et que la révolution de 1830 en avait interrompu l'étude.

Cela est exact, mais jamais à cette époque l'idée du barrage n'a fait l'objet d'une étude sérieuse, d'une enquête approfondie sur l'utilité qu'il présente et les dangers qu'il offre.

M. Thorbecke a invoqué le traité de 1839, et le droit qu'il confère à la Hollande, quelles que puissent être les conséquences du travail pour la Belgique, de poursuivre l'exécution de ce projet.

J'ai eu occasion, dans mon discours de l'année dernière, de réfuter cette assertion du ministre néerlandais.

Il a répondu qu'un ingénieur des plus distingués du corps des ponts et chaussées, Mv Kummer, attribuait les atterrissements de l'Escaut, d'une part aux dérivations trop considérables, d'autre part à l'absence d'endiguement des rives du fleuve vers son embouchure.

Il est vrai que M. Kummer a attribué l'état actuel de l'Escaut à ces deux causes ; mais il s'est bien gardé de déclarer que le barrage de l'Escaut oriental ne pourrait avoir des conséquences fâcheuses pour la bonne navigabilité du fleuve.

La question est intacte ; ni le projet de Napoléon Ier, ni le traité de 1839, ni M. Kummer ne la résolvent en faveur de la Hollande.

Si mes renseignements sont exacts, la commission actuelle partage l'avis de la commission de 1849, et croit, comme elle, que les conséquences de ce travail gigantesque pourraient être très préjudiciables à la Belgique.

Je demande donc à M. le ministre des travaux publics de ne pas perdre de vue cette question d'une importance vitale pour le port d'Anvers et je le prie de faire connaître à la Chambre où en est le travail de la commission, où en sont les négociations diplomatiques ?

MtpVSµ. - Le département des travaux publics n'est intervenu dans cette question qu'au point de vue purement technique. C'est le département des travaux publics qui a notamment présidé à l'institution des diverses commissions qui successivement ont eu à s'occuper de cette grave affaire.

Je sais que la dernière commission, celle dont vient de parler l'honorable M. Jacobs, a opiné dans le sens que le passage de l'Escaut occidental présenterait de sérieux dangers, au moins éventuels. Je n'ai eu qu'à transmettre le résultat de cette instruction à mon honorable collègue M. le ministre des affaires étrangères, qui est, je ne dirai pas principalement, mais exclusivement chargé des négociations avec la Hollande. Je craindrais donc de me tromper en donnant certains renseignements sur l'état actuel de ces négociations, et je prierai l'honorable M. Jacobs de renouveler sa question, lorsque mon honorable collègue sera présent. Il s'agit d'une question internationale.

Il appartient à mon honorable collègue seul de suivre les négociations. Je préfère que l'honorable M. Jacobs s'adresse au chef du département en cause, au point de vue où il s'est placé. Je pense qu'il n'y verra pas le moindre inconvénient. J'aurai du reste soin de faire connaître à mon collègue l'interpellation qu'a faite l’honorable membre et je ne doute pas qu'il ne s'empresse de se rendre à une prochaine séance pour fournir les renseignements qui ont été demandés.

- L'article 25 est adopté.

La séance est levée à 4 heures trois quarts.