(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1865-1866)
(Présidence de (M. E. Vandenpeereboom.)
(page 273) M. Thienpont, secrétaire., procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. de Moor, secrétaireµ, donne lecture du procès-verbal de la séance précédente.
- La rédaction en est approuvée.
M. Thienpont, secrétaire., présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la Chambre.
« Le conseil communal de Hasselt prie la Chambre d'autoriser la construction d'un chemin de fer direct de Maeseyck à Hasselt, par Genck et Asch. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du rapport sur une pétition relative au même objet.
« Des habitants de Bruxelles demandent le suffrage universel pour les élections communales et provinciales. »
-Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner la proposition de loi portant une modification aux lois communale et provinciale.
« Le sieur Monfort adresse à la Chambre 120 exemplaires du rapport de la commission instituée à Dour, à la suite de la catastrophe de la fosse de Sainte-Catherine du charbonnage des Chevalières. »
- Distribution aux membres de la Chambre, et dépôt à la bibliothèque.
MpVµ. - L'ordre du jour amène, en premier lieu, la discussion du projet de loi ayant pour objet d'autoriser le gouvernement à prendre des mesures contre les maladies épizootiques.
Il est parvenu au bureau un amendement formulé par M. le ministre de l'intérieur.
Le projet se compose de quatre articles.
M. le ministre de l'intérieur propose un article 5 ainsi conçu :
« Art. 5 (nouveau). Le ministre de l'intérieur pourra conférer, soit aux agents de l'administration des douanes, des accises et des forêts, soit aux officiers et sous-officiers de l'armée, soit même à toute autre personne, le droit de rechercher et de constater par des procès-verbaux faisant foi jusqu'à preuve contraire, les contraventions aux dispositions prises en vertu de la présente loi. »
M. le ministre propose également un article 6 et un article 7 nouveau. Ils sont ainsi conçus :
« Art. 6 (nouveau). Les personnes, ainsi investies du pouvoir conféré en vertu de l'article précédent, l'exerceront dans toute l'étendue du pays et prêteront, devant le juge de paix de leur première résidence, le serment suivant :
« Je jure fidélité au Roi, obéissance à la Constitution et aux lois du peuple belge et de remplir fidèlement les fonctions qui me sont conférées. »
a Art. 7 (nouveau). Les procès-verbaux, dressés en vertu de l'article 6 seront transmis dans les trois jours au procureur du roi. »
Vient ensuite l'article 8, qui était l'article 5 nouveau de la section centrale, ainsi conçu :
« La présente loi ne sera obligatoire que pendant trois ans, à moins qu'elle ne soit renouvelée. »
Puis vient l'article 9 nouveau, du gouvernement, ainsi conçu :
« La présente loi sera exécutoire le lendemain de sa publication. »
La discussion générale est ouverte.
La parole est à M. Van Overloop.
M. Van Overloopµ. - Messieurs, j'approuve le projet de loi qui nous a été présenté par l'honorable ministre de l'intérieur. J'ai cependant une observation à faire. Je désire que dans l'arrêté royal qui interviendra il soit pris des mesures pour garantir les agriculteurs confie les actes souvent arbitraires, d'après ce qu'on dit, des artistes vétérinaires. C'est la seule observation que j'aie à soumettre à la Chambre, et j'espère que M. l'honorable ministre de l'intérieur y aura tel égard que de droit.
M. Duboisµ. - Messieurs, j'ai beaucoup de regret de n'avoir pu assister, la semaine dernière, à la discussion du budget de l'intérieur, parce que je voulais y placer quelques observations ayant trait aux circonstances qui nécessitent la présentation de cette nouvelle loi ; j'espère que la Chambre voudra bien me permettre de les énoncer en ce moment. Après cela, je m'occuperai du projet de loi. (Parlez.)
Messieurs, peu de personnes connaissent les prodromes de la poste bovine. La précipitation qu'on met à détruire les bêtes, dès qu'on les suppose atteintes, en est une des principales causes.
Secondement, l'épizootie ordinaire règne encore dans les campagnes, et les premiers symptômes de cette maladie ressemblent assez bien aux premiers symptômes de la peste bovine.
De là il y a une grande inquiétude dans les campagnes.
A la moindre affection ou indisposition qui se déclare dans son bétail, le fermier croit à sa ruine.
Je voudrais donc demander à M. le ministre de l'intérieur s'il ne serait pas bon de publier un exposé, le plus clair possible, des premiers symptômes de la maladie et de le faire parvenir aux bourgmestres pour qu'il soit distribué par eux aux cultivateurs et à ceux qui possèdent du bétail dans leurs communes réciproques.
Alors on saurait à quoi s'en tenir ; ils ne tomberaient pas dans les dangers que j'ai signalés lorsque j'ai eu l'honneur de prendre une première fois la parole dans cette enceinte, ils ne se croiraient pas obligés, aussitôt qu'ils ont une bête malade, de recourir aux vétérinaires qui s'occupent spécialement de la peste bovine, ce qui peut amener de grands désastres dans leurs étables.
II y a encore un autre point qu'il me semble urgent d'établir.
Dès que dans une commune une bête est atteinte de la peste bovine, on empêche le transport de tout bétail de cette commune sur une autre frontière.
Il y a des communes qui ont une lieue et demie d'étendue ; il y en a d'autres qui ont cinq quarts de lieue ou une lieue. Il est évident que ce rayon est trop grand. Car ceux qui se trouvent sur la frontière voisine d'une autre commune sont dans un rayon très petit, très restreint, et sont exposés sans défense ni secours aux attaques de la maladie.
Je voudrais donc qu'on déterminât un rayon de 500 ou de 1,000 mètres, selon l'appréciation des hommes de l'art, autour de chaque centre de maladie. Il est évident que si la maladie se déclarait sur des points opposés d'une même commune, cette commune devrait être mise en interdit de circulation bovine, qu'il faudrait tracer, autour de cette commune, un périmètre dans lequel les mesures ordonnées par le gouvernement seraient strictement suivies.
Quant au projet de loi, je veux bien y reconnaître la sollicitude bienveillante du gouvernement pour l'agriculture. Mais il y a là, me semble-t-il, quelque chose d'extrêmement arbitraire. Que va-t-il arriver ? Il va venir un ordre, un arrêté royal qui conférera des droits exorbitants à une autorité ; celle-ci pourra exercer, dans les communes, un pouvoir absolu ; le bourgmestre sera annihilé.
Il pourra arriver qu'un cultivateur, un cultivateur riche et indépendant, dise : Je ne veux pas des subsides du gouvernement ; j'ai le droit de faire ce que je veux dans mes étables ; je peux tuer ma bête, l'empoisonner ; c'est ma propriété. Et il pourra vous refuser l'entrée. Dans ce cas, vous serez bien obligés de prendre des mesures excessivement graves, qui seront une violation complète du domicile.
Après cela, quant à la capacité des vétérinaires, je veux bien croire qu'il y en a beaucoup de bons en Belgique. Mais vous voudrez bien me faire l'honneur de croire avec moi qu'il y en a beaucoup aussi qui, par leur âge, n'ont pas fait les mêmes études que d'autres que vous préféreriez probablement si vous étiez mis en demeure de choisir.
Eh bien, vous aurez dans certains endroits de bons vétérinaires ; vous en aurez, dans certains endroits, d'autres moins bons qui feront mal leur service ; vous en aurez d'autres qui feront ce que nous avons vu déjà, qui feront arbitrairement abattre des bêtes en étant moins que certains qu'elles sont atteintes de la maladie.
Je citerai ce qui s'est passé dans une commune voisine de la mienne. On a abattu des bêtes qui n'étaient pas le moins du monde atteintes de la peste bovine, qui étaient simplement atteintes de l'épizootie. C'est un fait certain. On a été même jusqu'à enterrer les bêtes sans faire la moindre autopsie et sans que les personnes à qui elles appartenaient aient pu s'assurer des faits réels.
(page 274) Si, dans un cas donné, un vétérinaire, dans une commune éloignée d'un centre, a une inimitié personnelle, il pourra vous dire : On m'a déclaré que la maladie était dans votre étable. II y entrera et la fera détruire complètement, parce que non seulement on tue les bêtes malades, mais on tue même celles qui ne le sont pas
Je trouve que c'est là le grand abus. Je trouve que le gouvernement, puisqu'il veut bien, dans cette circonstance, prêter son concours à l'agriculture, devrait aller plus loin ; il devrait payer toutes les bêtes qu'il fait abattre, mais il ne devrait abattre que celles qui sont réellement malades.
Aujourd'hui, par le fait seul qu'un animal se trouve dans une étable où il y a des bêtes malades, on le fait abattre ; il me semble qu'il faudrait au moins attendre qu'il soit constaté que la bête est réellement malade.
On dit, messieurs, qu'il faut ici des mesures préventives, mais il y aurait une mesure préventive plus simple : ce serait de tuer tout le bétail ; seulement alors il n'y aurait plus de peste bovine en Belgique.
Si l'on continue à agir avec la même rigueur, on finira par affamer le pays ; d'un côté vous avez la consommation journalière, d'un autre vous avez l'abattage ; vous avez tout autour de la Belgique le réseau de cette monstrueuse maladie. Je le répète, nous serons affamés dans six mois.
Je le répète, messieurs, tout en tenant compte de la bienveillance que le gouvernement veut bien montrer pour l'agriculture, je ne pourrai pas voter une loi qui ne présente aucune garantie contre l'avilissement de l'autorité du bourgmestre.
M. Debaets. - Messieurs, je désire, par quelques mots, motiver mon vote.
Je comprends que, dans les circonstances actuelles, il est utile que le gouvernement soit armé de certains pouvoirs pour protéger notre agriculture contre l'invasion d'un mal terrible.
Mais, d'un autre côté, il m'est impossible d'admettre une loi qui permet au gouvernement de créer, par arrêté royal, des délits et de punir ces délits de peines que je trouve exorbitantes. C'est ainsi que des faits non définis, qui seront définis plus tard par les agents du gouvernement, seront presque toujours exclusivement constatés par les agents du gouvernement, et par ces agents seuls ; ces faits seront punis d'une amende de 400 francs à 1,000 fr. d'amende et d'un emprisonnement de 2 mois à 2 ans.
Je sais qu'on admettra une réduction, s'il y a des circonstances atténuantes ; mais je dis que l'on prend une échelle pénale trop élevée, surtout parce que très souvent toute justification, toute défense sera impossible : le fermier sera presque toujours à la dévotion des agents de l'autorité, presque toujours à la dévotion du seul médecin vétérinaire.
Au surplus je ne vois pas pourquoi le gouvernement serait armé indéfiniment de ce pouvoir ; je ne sais pas non plus pourquoi la section centrale veut donner à la loi une durée de 3 ans ; il me semble qu'on pourrait faire une première expérience d'un an, sauf à renouveler la loi s'il y a lieu ; mais je ne pourrais pas donner mon concours à une loi qui arme le gouvernement d'un pouvoir aussi exorbitant et quelque peu inconstitutionnel.
M. Jacquemynsµ. - Messieurs, puisque M. le ministre veut bien me céder la parole, je me permettrai de répondre quelques mots à l'honorable M. Dubois.
Ses objections sont de deux natures différentes. D'un côté, l'honorable membre estime que le vétérinaire pourrait user d'un pouvoir arbitraire, et ce pouvoir serait d'autant plus dangereux que les vétérinaires ne sont pas tous capables. Mais, messieurs, nous nous trouvons ici en présence de faits, d'inconvénients, qui sont absolument sans remède dans ce moment.
A qui peut-on confier l'examen des animaux, si ce n'est aux hommes spéciaux qui par profession sont tenus d'étudier tous les jours leurs maladies ?
L'honorable membre désire que le gouvernement rédige une circulaire formulant nettement les prodromes de la maladie.
La chose est faite depuis longtemps, et s'il y a un mal, c'est que généralement les cultivateurs ne se sont pas donné la peine d'étudier ces prodromes, c'est que ces prodromes sont d'une nature trop vague pour que les cultivateurs puissent s'en rendre un compte exact.
Généralement ils ne lisent pas ces publications, et quand ils les lisent ils sont peu à même de les comprendre. Mais il y a dans la société une classe d'hommes qui, plutôt qu'une autre, est à même de les comprendre, ce sont les vétérinaires.
Y a t-il moyen de confier les intérêts de la salubrité, en tant qu'elle concerne le bétail, à des hommes plus sûrs ? Je n'hésite pas à proclamer que le gouvernement préfère les hommes les plus éclairés.
D'un autre côté l'honorable M. Dubois voudrait, si je l'ai bien compris, qu'il n'y eut pas d'indemnité dans le cas où l'on abattrait un animal sain.
M. Dubois d'Aischeµ. - Je n'ai pas dit cela, j'ai prétendu que le gouvernement devrait donner le prix entier de la bête détruite, en cas de maladie et ne pas faire abattre celles qui ne sont pas malades. Voilà ce que j'ai dit ou ce que j'ai voulu dire, si je me suis mal expliqué.
M. Jacquemynsµ. - Le gouvernement se trouve précisément dans le cas de devoir faire abattre des animaux sains quand ils sont suspects.
Un animal simplement suspect est un animal sain, mais il arrive qu'il soit dans l'intérêt général de l'abattre.
Or, dans ce cas, l'équité réclame que le fermier, que le propriétaire soit indemnisé ; mais, dans le cas encore, il n'y a aucun danger à ce que la chair de l'animal abattu soit débitée et, par conséquent, il va de soi que le propriétaire n'a droit qu'à une indemnité proportionnelle à la perte qu'il est exposé à subir par l'abattage.
Je comprendrais parfaitement que lorsqu'un animal est devenu malade par un fait qui doit être reproché au propriétaire de l'animal, le gouvernement dît : Je n'indemnise le propriétaire que pour la valeur de l'animal au moment où je l'ai fait abattre. Or, comme il est destiné à mourir par suite de la maladie qui le mine, l'indemnité peut être très faible.
Je concevrais ce système. Lorsque au contraire le gouvernement fait abattre un animal bien portant, mais suspect, il doit nécessairement indemniser le propriétaire d'une manière complète. Or, dans ce cas, l'indemnité qu'il stipule me paraît équitable en ce qu'il indemnise partie en argent, partie au moyen des ressources que doit procurer au propriétaire le débit de la viande.
Quelles sont les conséquences que peut entraîner le système du gouvernement ? L'honorable M. Dubois prétend que si ce système est maintenu, le pays sera affamé avant six mois. Je dois avouer que je suis quelque peu effrayé aussi des conséquences auxquelles peut aboutir le système du gouvernement, mais je m'effraye encore bien plus des conséquences que pourrait entraîner le système de l'abstention du gouvernement.
Quand je vois l'énormité des pertes que subissent l'agriculture anglaise et l'agriculture hollandaise et que je les compare à l'insignifiance des pertes subies dans un pays où le gouvernement a pris des mesures sévères, je suis disposé à subir les conséquences que peuvent entraîner ces mesures. Et à ce propos je dirai que, d'après moi, le gouvernement est parfaitement excusable, qu'il faut l'encourager à marcher dans la voie où il est entré, et j'ajoute que c'est là le sentiment public.
On a formulé dans un journal agricole hollandais la situation d'une manière remarquable. Un agronome hollandais dit : « En Angleterre où le gouvernement n'a rien fait, il périt 1,000 animaux par jour ; en Hollande où le gouvernement a fait trop peu, il périt 100 animaux par jour ; en Belgique où le gouvernement a fait son devoir, il ne périt qu'un seul animal par jour. »
Je me permettrai de répondre maintenant deux mots à l'observation de M. Debaets.
Le projet qui nous est soumis accorde au gouvernement des pouvoirs exceptionnels, il donne un caractère légal à des mesures qui ont été prises par le gouvernement sans que le pouvoir lui en eût été directement conféré par les Chambres. Les mesures prises par le gouvernement ont rencontré une approbation si unanime dans le pays que la commission n'a pas hésité à engager la Chambre à leur donner un caractère d'incontestable légalité. Y a-t-il lieu de conférer des pouvoirs exceptionnels au gouvernement d'une manière indéfinie ? La commission n'a pas été de cet avis ; mais elle admet sans hésitation que tant que les circonstances exceptionnelles existeront, c'est-à-dire tant que nous serons menacés de l'invasion de la peste bovine, les mesures exceptionnelles doivent être maintenues. Du moment qu'elle aura cessé, il n'y aura plus les motifs qui ont porté la commission à donner son approbation à des mesures exceptionnelles. Pourquoi la commission a-t-elle proposé un terme de trois ans ? C'est précisément parce que, quand la peste bovine a existé, à des époques antérieures, elle s'est maintenue pendant quatre années. Or, déjà quelques mois se sont écoulés et la commission a pensé que si l'on accordait à la loi une durée de trois ans, ses effets viendraient à cesser pendant la durée d'une session et que les Chambres seraient alors en mesure de décider s'il y avait lieu de la proroger.
(page 275) Du reste, je pense que M. le ministre de l'intérieur proposera de laisser la loi en vigueur seulement aussi longtemps que la Belgique sera menacée de la peste bovine. Les mesures exceptionnelles que le gouvernement entend prendre trouveront leur justification dans le danger, aussi longtemps que le pays sera menacé de l'invasion de la peste bovine ; dès que celle-ci cessera, quelle que soit l'époque, les mesures exceptionnelles deviendront sans but.
M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Je désire présenter sur le projet de loi en discussion quelques observations que je me proposais de présenter lors de la discussion du budget de l'intérieur, mais que j'ai dû ajourner parce que je n'en possédais pas alors tous les éléments.
Je ne suis nullement d'accord, messieurs, que l'intervention gouvernementale puisse préserver le pays de la peste bovine. Je ne vois pas que cette intervention ait le pouvoir d'arrêter une maladie qui se propage par des voies en dehors de tout contrôle humain.
Je vais, messieurs, vous dire sur quoi se fonde mon opinion et vous verrez que les faits que je vais vous citer ne sont pas du tout d'accord avec ceux qui ont motivé la loi qui nous est proposée.
Lorsque la peste bovine s'est déclarée en Angleterre, la première opinion qui a été émise, celle qui a été acceptée non seulement par le gouvernement belge, mais par tous les gouvernements de l'Europe, c'est que cette peste avait été importée en Angleterre par une cargaison de bœufs venant de Revel et débarquée, je pense, à Hull.
Or, la commission d'enquête instituée par le gouvernement anglais, après avoir porté ses investigations sur ce fait, a trouvé qu'il était complètement erroné, qu'aucune bête de cette cargaison n'avait été malade à l'exception d'une seule qui s'est guérie, quelques jours après son arrivée en Angleterre.
La peste bovine n'a donc pas été importée par cette cargaison, et il a fallu en chercher la source ailleurs.
Ceux qui prétendaient que la peste bovine devait nécessairement avoir été importée de quelque part, se sont mis à la recherche de son origine, et l'ont attribuée à l'importation de bœufs de la Hongrie à travers l'Allemagne et la Hollande, tandis que les Hollandais attribuent leur malheur à la réimportation de bœufs du marché de Londres. Il n'est donc nullement prouvé jusqu'à présent que la peste bovine aurait été importée de Hongrie.
D'un autre côté, les Hollandais prétendaient que la peste bovine avait été importée chez eux par le retour de bêtes qui n'avaient pu se rendre au marché de Londres.
Or, messieurs, ceux qui ont suivi régulièrement l'enquête permanente qui se poursuit tous les jours dans les colonnes du Times, où tous les faits concernant la peste bovine sont relatés sous une rubrique spéciale, auront pu se convaincre qu'en Angleterre la peste s'est déclarée à des distances extrêmement considérables, dans des fermes isolées qui n'avaient eu aucune communication ni avec le dehors, ni avec les marchés, ni avec les marchands ; que notamment un membre du Parlement a fait connaître par les journaux que la peste bovine s'était déclarée dans deux de ses fermes, situées l'une dans l'île de Wight, l'autre sur les frontières d'Ecosse, à 500 milles de distance, et cela le même jour, sans que les fermiers eussent eu aucune communication soit avec le dehors, soit avec les marchés, soit avec les bêtes du voisinage, qui d'ailleurs n'étaient pas atteintes de la maladie.
Un grand nombre de déclarations de même nature ont été produites, et si vous lisez les comptes rendus des meetings des associations agricoles de l'Angleterre, où toutes les opinions se sont fait jour, où les opinions les plus radicales dans le sens de l'intervention des autorités et du gouvernement ont été émises, où l'on a demandé pour le gouvernement le même pouvoir qu'on nous demande d'attribuer au gouvernement belge par la loi en discussion, où cependant d'autres opinions ont été émises ; si vous lisez, dis-je, ces comptes rendus, vous verrez qu'aucune opinion n'est arrêtée en Angleterre parmi les hommes scientifiques, les hommes pratiques, propriétaires ou fermiers.
Il n'est pas du tout démontré que la peste bovine se soit introduite eu Angleterre par l'importation ; au contraire, je crois qu'il sera prouvé, après l'examen complet et impartial des faits, que cette maladie s'est engendrée dans le pays même, par des circonstance» locales tenant soit à la température, soit au climat, au sol ou à l'atmosphère ; ce que l'on ignore encore ; mais il sera tout au moins prouvé que la maladie n'a pas été importée, et qu'elle s'est propagée autant par les circonstances que je viens d'indiquer, que par la contagion.
Il n'est pas du tout nécessaire d'avoir été en communication avec des bêtes malades pour que la maladie s'introduise dans un pays, et la Belgique en est en ce moment la preuve. Ne résulte-t-il pas de al déclaration faite ces jours derniers par M. le ministre de l'intérieur, que malgré la fermeture des frontières et des marchés, malgré les mesures les plus rigides, la maladie s'est déclarée non seulement à Anvers, mais encore dans plusieurs communes de la province d'Anvers et des Flandres ?
D'où sort bien, à mon avis, la preuve que les mesures restrictives ne sont pas une garantie complète contre la propagation de la maladie ; que c'est parce que le climat, l'atmosphère ou le sol de la Belgique ne sont pas disposés à laisser se propager la maladie sur une grande échelle, que la peste bovine n'a pas pris en Belgique les proportions qu'elle a acquises en Hollande et en Angleterre, où les circonstances propres à sa propagation sont plus énergiques...
- Un membre. - Vous venez de reconnaître qu'elle est contagieuse.
M. le Hardy de Beaulieuµ. - Elle est à la fois contagieuse et endémique. Vous ne pouvez prendre aucune mesure contre les maladies endémiques. On a eu beau prendre dans certains pays des mesures pour empêcher le choléra de s'y introduire, on a eu beau fermer les frontières, le choléra les a traversées, il ne s'est pas arrêté, malgré les douanes et malgré les cordons sanitaires et les quarantaines.
M. Bouvierµ. - C'est le libre échange de la peste bovine.
M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Il en est absolument de même pour la peste bovine, que les frontières n'arrêteront pas là où elle trouve une atmosphère propre à sa propagation.
L'examen de cette question me conduit à d'autres réflexions.
Quels remèdes avons-nous trouvés contre la peste bovine ? Ainsi que l'a fait remarquer l'honorable M. Dubois, le système adopté par le gouvernement conduirait, si la maladie se propageait dans le pays, à l'abattage général de toutes les bêtes existantes ; on n'a trouvé d'autre remède contre la maladie que le couteau. (Interruption.) Je demande, si l'on n'a trouvé d'autre remède contre la maladie que le couteau et d'autres médecins que les bouchers, à quoi servent nos vétérinaires ?
- Un membre. - La conclusion.
M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Attendez, j'y viendrai tout à l'heure.
En Angleterre, en Hollande, on s'est efforcé de trouver des remèdes, parce que le sacrifiée des bêtes n'est, en réalité, pas une solution. Si vous sacrifiez toutes vos bêles, vous n'aurez pas sauvé le pays. Il faut donc chercher le remède, si vous voulez arriver à une solution ; et en Angleterre on le cherche.
M. Bouvierµ. - En attendant les bêtes périssent.
M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Non seulement elles ne périssent pas toutes, mais il y a plus ; lisez les journaux anglais ; dans les comtés où l'on a adopté des mesures préventives, on n'a plus la maladie.
Il en est de même en Hollande : dans les cantons et dans les communes où l'on a adopté des remèdes préventifs et curatifs, la maladie a en grande partie disparu.
J'ai lu, ces jours derniers, le rapport de l'une des Sociétés agricoles de l'Angleterre ; et d'après ce rapport, un membre de la Chambre des Lords est venu démontrer qu'on est arrivé à trouver, non seulement des remèdes préventifs, mais même des remèdes curatifs si efficaces, que dans ces derniers temps on a sauvé les bêtes malades dans la proportion de 70 à 75 p. c.
Il me semble que c'est là une meilleure solution de la question que le couteau des bouchers.
Heureusement, et j'en félicite le pays, la maladie n'a pas pris chez nous des proportions telles qu'il ait fallu employer, sur une grande échelle, ce remède curatif.
Si la maladie avait pris quelque extension, si notre sol ou l'atmosphère s'étaient trouvés favorablement disposés pour cela, nous aurions tué probablement dix bêtes saines pour une bête malade ; l'on aurait sacrifié des écuries entières pour une seule bête qui serait soupçonnée d'être malade.
Je vois là, messieurs, un immense danger et pour les finances du pays et pour la fortune publique.
Ainsi, ce n'est pas là une solution, et je crois que le gouvernement doit sérieusement examiner la question au point de vue des remèdes à apporter dans le cas où la maladie prendrait quelque extension dans le pays.
Il y a un troisième point de vue sur lequel j'appelle toute l'attention de cette Chambre : c'est le point de vue économique.
La maladie n'a pas atteint un dix millième des animaux du pays ; pas un dix millième n'a péri, même en y comprenant ceux qui ont été abattus par le boucher. Cependant par suite du système adopté, le renchérissement de la viande a été tel, que les consommateurs ont payé probablement le prix de plus de cent mille têtes (Interruption.)
(page 276) M. Bouvierµ. - Allons donc !
M. Le Hardy de Beaulieuµ. - C’est exact.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Ce n'est pas exact du tout.
M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Un simple calcul vous le démontrera ; il n'est pas un seul boucher qui n'ait augmenté le prix de la viande de 10 p. c, Il en est ainsi non seulement à Bruxelles, mais dans les campagnes.
Par les entraves que vous avez mises à la circulation du bétail, vous avez diminué considérablement la valeur du bétail dans les étables. Vous avez atteint à la fois et le consommateur et le producteur. Il en sera ainsi chaque fois que, par l'intervention de l'autorité, on empêchera les libres transactions dans le pays.
Ainsi, quoique nous n'ayons pas la maladie, à proprement parler, nous en avons ressenti presque tous les effets, tandis qu'en Angleterre, où l'on a eu cette maladie dans toute son intensité, le prix de la viande a baissé notablement, parce que les importations ont considérablement augmenté, ont plus que doublé. Il s'en est suivi qu'en Angleterre les effets de la maladie ont été au moins corrigés dans un certain sens. S'il y a eu perte d'un côté, il y a eu économie de l'autre, Ici nous avons perte des deux côtés.
Il y a, messieurs, un autre côté économique sur lequel je dois encore appeler votre attention ; c'est que toute industrie est soumise à des chances de bénéfice ou de perte. Tout capital employé dans n'importe quelle industrie est soumis à ces chances variables et le capital employé dans l'industrie agricole doit nécessairement y rester soumis comme tous les autres.
L'industrie agricole en particulier n'a aucun intérêt à s'en affranchir, elle doit se soumettre à la règle commune.
El que prétend le gouvernement dans le système qu'il a adopté ? Il prétend substituer sa garantie, c'est-à-dire la garantie de tout le monde, de toutes les industries et de tous les consommateurs aux chances de perte d'une seule industrie, sans les faire participer à ses bénéfices.
Mais si vous entrez dans ce système, les autres industries viendront, dans des cas identiques, réclamer votre concours au même titre. Il n'y a pas de raison pour laquelle vous ne garantissiez pas également toutes les industries contre les pertes éventuelles qu'elles peuvent subir dans des cas extraordinaires.
Vous pouvez ainsi arriver à des résultats financiers excessivement désastreux. Vous devrez réclamer de l'impôt les sommes que vous aurez à payer pour cette garantie. Ainsi, si la maladie s'était étendue dans le pays, si, au lieu de 400 à 500 bêtes, nous en avions perdu 100,000, c'était 25 millions qu'il aurait fallu demander aux contribuables pour rembourser ceux qui auraient subi cette perte.
Je doute très fort que le gouvernement eût pu aller très loin dans ce système ; il aurait dû promptement s'arrêter. Si au lieu de 100,000 têtes, 200,000 avaient été atteintes, il eût été matériellement impossible à l'Etat de persister dans la garantie qu'il prétend offrir à l'agriculture. C'est là un côté de la question qu'il faut sérieusement méditer ; et il me semble que la loi a pour conséquence implicite de donner au gouvernement, en même temps que l'autorité nécessaire pour prendre les mesures sanitaires qu'il réclame, celle d'engager le pays dans des indemnités pécuniaires qui peuvent avoir des conséquences désastreuses pour ses finances. C'est à ce point de vue principalement que je m'oppose à ce que l'on donne au gouvernement les pouvoirs qu'il réclame et que j'émettrai un vote contraire au projet de loi.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - L'honorable orateur qui vient de s'asseoir pense que l'intervention du gouvernement pour combattre les épizooties et spécialement la peste bovine, est impuissante, inefficace et contraire aux lois de l'économie politique.
Si je comprends bien l'honorable membre, M. le ministre de l'intérieur, en apprenant l'apparition de la peste, aurait dû se croiser les bras et, au nom des principes économiques, laisser faire la contagion et laisser passer la peste.
Messieurs, nous ne devons pas, je pense, pousser aussi loin les principes du libre échange, et moi, quand je puis empêcher la contagion, la peste bovine ou toute autre peste de passer, je n'applique pas les principes de la libre entrée et du laissez faire et du laissez passer.
Les principes économiques n'ont ici, d'après moi, absolument rien à faire. Nous nous sommes trouvés dans un cas exceptionnel, si j'ai manqué à toutes les règles de l'économie politique, j'ai obéi à celles du bon sens, et c'est pourquoi je demande un bill d'indemnité à la Chambre. Si j'ai interprété un peu légèrement certaines dispositions législatives, j'ai agi dans un intérêt général, majeur, car j'ai pensé qu'il était de mon devoir d'exposer même ma responsabilité pour rendre un immense service à l'agriculture, je n'ai donc pas hésité un instant.
- Plusieurs membres. - Très bien !
M. de Moorµ. - Et le pays vous en est reconnaissant.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Je laisse donc là les principes économiques et la partie du discours de l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu qui les prêche ici intempestivement ; mais j'ai a répondre à diverses questions soulevées par l'honorable membre.
D'abord, messieurs, on a prétendu que le typhus dit rinderpest n'est pas contagieux ou qu'il ne l'est que très peu. L'opinion de l'orateur qui a émis celle idée est à peu près isolée. L'Académie de médecine, et la compétence de la docte compagnie sur ce point est au moins égale à celle de l'honorable député de Nivelles, l'Académie a donc déclaré à l'unanimité que la peste bovine est essentiellement contagieuse et que jusqu'ici on ne connaît aucun remède contre cette maladie ; elle a ajouté, que la seule mesure à prendre consistait non pas à chercher à guérir, mais à détruire les causes de la propagation de la contagion, c'est à-dire qu'il fallait abattre impitoyablement le bétail malade ou suspect.
En présence d'une pareille déclaration, fallait-il se mettre à étudier les causes du mal et les moyens de guérir la contagion ? Fallait-il par hasard ouvrir un concours ? Mais pendant que les savants auraient cherché des remèdes qu'ils n'auraient probablement pas trouvés, le mal se serait développé tous les jours de plus en plus ; et quand on compare la marche suivie en Belgique avec celle qui a été adoptée dans d'autres pays, les résultats qui sont flagrants, qui sont évidents pour tout le monde, prouvent que nous avons eu parfaitement raison et que la marche suivie par nous est la meilleure.
En effet, c'est par les résultats que l'on doit juger un système. J'ai sous les yeux une note indiquant la situation et les pertes éprouvées en Belgique et dans les pays voisins où la peste a éclaté durant ces derniers temps. Je demande la permission d'en donner lecture à la Chambre.
Dans notre pays, il y a eu, jusqu'au 31 décembre 1865, 456 bêtes bovines mortes ou abattues par suite du typhus, plus 8 moutons.
Ces animaux se répartissent comme suit dans 46 communes :
Bêtes bovines mortes, 20
Bêtes bovines malades abattues, 288
Bêtes bovines suspectes abattues, 148
Total, 456
Moutons malades abattus, 8.
A partir du 1er janvier jusqu'à ce jour, il y a eu :
1° A Leffinghe, abatage de 99 moutons, dont 12 malades et 87 suspects ;
2° A Anvers, chez deux laitiers, 12 bêtes abattues, dont 5 malades et 7 suspectes ;
5" A Wilryck, 3 bêtes abattues, dont 2 malades et une suspecte (il y a eu deux foyers) ;
4° A Aertselaer, 5 bêtes mortes ou abattues, dont 1 morte, 2 malades abattues et 2 suspectes sacrifiées (1 foyer).
De sorte que, depuis le 1er janvier, il y a eu abttlage ou mort de 99 moutons (Flandre occidentale) et de 19 bêtes à cornes (Anvers).
En ajoutant ces chiffres à ceux de l'année dernière, on arrive aux totaux suivants :
Bêtes bovines mortes, 21
Bêtes bovines malades abattues, 297
Bêtes bovines suspectes abattues, 158
Total, 476
Moulons malades abattus, 20
Moutons suspects abattus, 87
Total, 107
Il n'existe plus de foyer en ce moment ; mais tout porte à craindre qu'il ne s'en produise encore dans la province d'Anvers.
En Angleterre,, la maladie ne cesse de faire des progrès. Depuis le 1er décembre, le nombre des cas nouveaux, signalés chaque semaine par les inspecteurs, s'est élevé de 3,828 à 9,245, chiffre de la semaine finissant le 13 janvier. Jusqu'à cette dernière date, on a constaté officiellement en Angleterre, dans le Pays de Galles et en Ecosse, 94,256 cas, dont 53,319 morts, 15,395 abattages et 10,008 guérisons.
A ce chiffre, il faut ajouter des cas très nombreux, s'élevant au tiers ou peut-être à la moitié, qui sont restés celés.
(page 277) En Hollande, la situation, n'est guère meilleure. Le nombre des cas de maladie déclarés par les intéressés n'y augmente pas chaque semaine, comme en Angleterre ; mais l’épizootie s'étend de plus en plus dans le pays. Après avoir été longtemps confinée dans la Hollande méridionale, elle a passé dans la province d’Utrecht où, le 15 de ce mois, elle avait déjà frappé 1,710 bestiaux, et elle a successivement fait des apparitions dans le Nord-Hollande, dans l'Overyssel, dans le Brabant septentrional et dans la Zélande. Dans ces quatre dernières provinces, elle a pu jusqu'ici être éteinte par les procédés suivis en Belgique. Dans la Hollande méridionale, elle continue à frapper près de 5,000 animaux par semaine et dans la province d'Utrecht, environ 500. Au 15 de ce mois, on avait relevé officiellement dans ces deux provinces 28,757 cas, dont 8,785 morts, 6,964 abattus, et 9,477 guéris.
La maladie a aussi affecté les moutons dans la Hollande méridionale.
C'est, messieurs, en présence de pareils résultats que l'on met en doute l'efficacité du système suivi par nous et que l'on prétend que nous aurions dû faire de nouvelles études, et laisser faire, laisser passer, eu attendant que ces études eussent abouti !!!
Je crois, messieurs, que les théories de l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu ne seront admises par personne, et qu'il fera peu de disciples dans notre pays.
La maladie n'est pas contagieuse ! L'expérience répond à cette allégation, car il est parfaitement prouvé que la maladie est superlativement contagieuse. Il a été constaté comment la peste bovine a été communiquée dans les divers cas ; tantôt c'est par un animal venu de l'étranger, tantôt par des individus qui, après avoir parcouru des étables infectées, sont venus dans une étable saine.
Dans tous les cas, à un près, je pense, il a été constaté comment la maladie a été importée. D'après l'honorable M. Le Hardy, nos mesures auraient occasionné une perte considérable au pays ; le prix de la viande a notablement augmenté. Messieurs, il y a des doutes à cet égard, car j'entends dire à côté de moi que le prix de la viande n'a pas augmenté, et d'autre part on soutient le contraire. Mais ce qui est certain, c'est qu'il n'y a pas de raison pour que le prix de la viande augmente en Belgique. Il a été constaté dans les statistiques publiées par le gouvernement, que le bétail laissé à consommation a été plus considérable l'année dernière que les années antérieures.
L'exportation a diminué pendant les onze premiers mois de l'année 1865, l'importation, au contraire, s'est accrue, et cela se comprend puisque les frontières ont été fermées autour de nous. Nous n'avons donc pu exporter ni en France, ni en Prusse, et la Hollande qui, par crainte de la maladie, vendait son bétail à bas prix, nous a fourni jusqu'au mois d'août plus de bétail que l'année antérieure. Il n'y a donc aucun motif, dans la balance des importations et des exportations, pour expliquer une hausse du prix de la viande.
L'honorable M. Van Overloop demande que le gouvernement prenne des mesures pour empêcher les actes arbitraires des vétérinaires. Le gouvernement surveillera et les vétérinaires et tous les agents qui devront concourir à l'exécution des lois ; il ne tolérera pas plus des actes arbitraires de la part des vétérinaires que de la part de tous autres fonctionnaires ou employés de l'Etat.
D'après l'honorable M. Dubois, l'on ordonne, en général, trop vite l'alliage des bêtes malades. L'on a peut-être, dans un cas, sacrifié d'innocentes victimes. J'en doute. Il est possible qu'il y ait eu quelques rares erreurs, niais je ferai remarquer à l'honorable membre que l'ordre est toujours donné de faire l'autopsie, afin de constater si la bête était réellement atteinte et hors d'état d'être livrée à la consommation. Presque toujours ces autopsies ont démontré que les animaux étaient bien atteints de la peste bovine. Je reconnais, du reste, avec l'honorable membre, que dans un ou deux cas on a négligé de faire cette autopsie, et le gouvernement n'a pas négligé de faire des observations à cet égard.
L'honorable M. Dubois soutient qu'un propriétaire a le droit d'avoir chez lui des bêtes malades, et de les laisser périr de la peste bovine. Je nie ce droit ; le propriétaire n'a pas le droit d'empester l'étable de son voisin, il n'a pas le droit de lui nuire et lorsque la contagion existe chez lui il est obligé d'en faire la déclaration à l'autorité, qui, elle, doit faire disparaître les bêtes malades. Je n'admets donc nullement que le propriétaire ait le droit de conserver du bétail infecté et de le laisser mourir de sa belle mort, si toutefois mourir de la peste est une belle mort !
C'est encore une erreur de croire que les vétérinaires ont droit de vie et de mort sur les bêtes à cornes ; c'est l'autorité qui, sur la déclaration du vétérinaire, homme compétent, donne l'ordre d'abattre.
M. Van Overloopµ. - En sera-t-il encore de même après le vote de la loi ?
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Certainement.
L'honorable M. Dubois pense encore que lorsque le gouvernement fait abattre, dans l'intérêt général, une bête suspecte, il devrait payer intégralement sa valeur. C'est encore une erreur de sa part. En payant les deux tiers de la valeur, lorsque la viande ne peut être livrée à la consommation, le gouvernement indemnise largement le propriétaire.
Remarquez bien qu'une bête suspecte n'a évidemment plus la valeur d'une bête saine. Si un fermier devait acheter une vache qui a été en contact avec un animal malade, le fermier ne l'achèterait pas à sa pleine valeur, si toutefois il se décidait à faire pareille acquisition. S'il fallait exproprier une maison qui menace ruine, la payeriez-vous le même prix que .si elle était en bon état ? Il faut donc évaluer le prix de l'animal au moment où on l'abat.
Or, dans ce moment, par suite du contact avec le bétail malade, la valeur propre de la bête est diminuée et bien qu'elle ne soit pas encore atteinte, il y a dix contre un à parier qu'elle tombera malade. Telles sont les présomptions. Je crois donc que le gouvernement, en payant les deux tiers et en laissant à la disposition du propriétaire l'animal abattu, l'indemnise largement.
L'honorable M. Debaets émet l'opinion que les peines que le gouvernement aurait, en vertu de la loi, le droit de comminer sont exorbitantes. Ces peines sont sévères sans doute, mais il faut que le gouvernement puisse infliger de telles peines, parce que les circonstances sont graves et que les délits que certaines personnes commettent, poussées par l'intérêt personnel, peuvent avoir les conséquences les plus désastreuses.
La nature humaine est ainsi faite, souvent pour gagner une somme minime on s'expose à causer un dommage considérable à autrui, les pénalités doivent donc être sévère, si l'on veut atteindre le but.
Du reste, il est à remarquer que l'article du projet de loi porte que, s'il existe des circonstances atténuantes, les peines d'emprisonnement et d'amende pourront être réduites à celles de police.
La magistrature, en qui l'on peut avoir pleine confiance, sera juge des cas qui lui seront déférés.
Dans l'opinion de l'honorable membre, la loi ne devrait être faite que pour un an. Je ne partage pas cette manière de voir et je crois qu'il serait bon que l'article additionnel proposé par la section centrale ne fût pas adopté.
La section centrale propose de dire que la loi ne sera obligatoire que pendant trois ans, à moins qu'elle ne soit renouvelée.
Je crois, messieurs, qu'il faudrait donner à la loi une durée illimitée, c'est-à-dire jusqu'à révision.
Cependant, pour entrer dans les vues de mes honorables contradicteurs, je propose de restreindre la portée du projet de loi.
L'article premier porte que le gouvernement est autorisé à prescrire par arrêté royal les mesures que la crainte de l'invasion ou l'existence de maladies épizootiques peut rendre nécessaires, tant dans l'intérieur du pays que sur les frontières, en ce qui concerne les relations de commerce avec l'étranger.
A ces mots « maladies épizootiques » qui ont une portée très grande je proposerai donc de substituer les mots « typhus contagieux », c'est-à-dire de réduire la loi à cette maladie, qui exige des précautions et des soins tout particuliers.
Je pense que moyennant cette modification la Chambre voudra bien ne pas fixer un délai, et en voici les motifs :
Nous ne savons pas quand cette contagion finira. Durant le dernier siècle, elle a duré parfois dix ans, quinze ans même. Or, qui nous dit qu'après trois ans elle aura complètement disparu de notre pays ?
On répondra : Mais on peut faire renouveler la loi. Oui, mais si les Chambres ne sont pas réunies au moment voulu, on rencontrera encore une fois les difficultés devant lesquelles je me suis trouvé moi-même. Il peut se faire que dans six ou sept ans, alors que la loi n'existera plus, la même maladie éclate en l'absence des Chambres ; qui vous garantit que l'on trouvera des personnes disposées à prendre, sous leur responsabilité, certaines mesures dont la légalité est contestable ?
Je demanderai donc à la Chambre de vouloir bien ne pas adopter l'amendement proposé par la commission ; je crois du reste, d'après ce qu'a dit tout à l'heure l'honorable rapporteur, que la commission n'y attache pas grande importance et y renonce,
(page 278) En restreignant le projet de loi aux cas de typhus contagieux, on évite les inconvénients que la commission a voulu écarter.
Un autre amendement a été présenté par le gouvernement et notre honorable président en a donné lecture au commencement de la séance. Cet amendement a pour objet d'autoriser le gouvernement à confier à des fonctionnaires, et même à des personnes qui ne sont pas au service de l'Etat, certaines fonctions pour lui venir en aide dans la répression des délits qui se commettraient à l'occasion de l'exécution de cette loi.
M. Dumortier. - Des constables.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Oui, des espèces constables en service extraordinaire. Ce principe a du reste déjà été introduit dans plusieurs lois et notamment dans celle concernant la police des irrigations.
Je pense, messieurs, que la Chambre voudra bien adopter cet amendement, et je crois ne devoir rien ajouter aux considérations que j'ai fait valoir. L'exposé des motifs donne toutes les raisons pour lesquelles son adoption immédiate est urgente, et d'un autre côté les circonstances dans lesquelles nous nous trouvons, démontreront de la manière la plus évidente que l'adoption de ce projet de loi est indispensable.
Il y a des mesures à prendre ; il faut qu'on puisse prévenir, d'un côté, l'invasion de la maladie, et de l'autre, combattre son extension. Il faut surtout que le gouvernement, autorisé par la Chambre, se trouve complètement dans la légalité, car s'il avait une excuse alors que la Chambre n'était pas réunie, il n'en aurait pas du moment que la Chambre est assemblée.
M. Dumortier. - Messieurs, lorsque la peste bovine a éclaté, le gouvernement n'était pas suffisamment armé pour en empêcher les désastres.
L'honorable ministre de l'intérieur a pris sur lui de prescrire des mesures qui, comme il vient de le dire, n'étaient point complètement légales, mais quant à moi, je suis de ceux qui lui accordent de grand cœur et avec reconnaissance un bill d'indemnité pour le service qu'il a rendu au pays en agissant ainsi, et je crois que je suis ici l'interprète des sentiments de presque toute la Chambre. Nous devons reconnaître, messieurs, que les mesures prises par l'honorable ministre ont été tellement heureuses, que la Belgique s'est trouvée en quelque sorte préservée du fléau dont nos voisins ont tant à se plaindre.
La comparaison des faits qui se produisent dans notre petite Belgique à ceux qui se produisent en Angleterre et en Hollande prouve à la dernière évidence l'efficacité de la mesure prise. Les chiffres que vient de donner l'honorable ministre de l'intérieur sont tellement éloquents et tellement bien établis que personne, même l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu, n'oserait, je pense, les révoquer en doute.
A la vérité, l'honorable membre que je viens de nommer, mû par des principes économiques dans lesquels, je dois le reconnaître, il est profondément logique, préférerait qu'on adoptât en Belgique le système du laissez faire et du laissez passer.
M. Bouvierµ. - Et du laissez crever.
M. Dumortier. - Le système adopté par le gouvernement, dit l'honorable membre, est contraire aux principes du libre échange ; il peut diminuer considérablement le nombre des bestiaux, etc.
Tout cela, messieurs, ne prouve qu'une seule chose, c'est que les principes économiques, fussent-ils meilleurs encore, quand il sont poussés aux extrêmes, aboutissent aux conséquences les plus déplorables, les plus désastreuses.
Je demanderai à l'honorable membre si, quand les animaux sont atteints de maladie contagieuse, on les laisse toujours faire, on les laisse toujours passer. Au nombre des pires maladies je citerai la rage.
Eh bien, quand un chien est enragé, que fait-on ? On le tue et on a raison.
M. Bouvierµ. - Malgré le libre échange.
M. Dumortier. - Eh bien, messieurs, le mal dont il s'agit est pour les animaux tout aussi dangereux ; partout où un animal atteint de la peste bovine a été introduit dans une étable, l'étable entière a gagné la maladie.
Qu'on ne vienne donc pas nous dire qu'il s'agit exclusivement de conditions climatériques, de conditions du sol, qu'il s'agit d'une maladie endémique.
Mais, dit-on, la viande renchérira, les bestiaux diminueront.
C'est possible. Mais ce qui me paraît plus évident encore, c'est qu'avec le système de M. Le Hardy les bestiaux diminueraient bien plus et que la viande renchérirait davantage ; je crois même qu'avec ce système on finirait par n'en plus avoir.
En recourant à l'histoire de notre pays, nous trouvons un exemple frappant de l'efficacité des mesures prises.
Dans le siècle dernier, la peste bovine a éclaté dans les Flandres ; des mesures analogues à celles qui ont été prises par l'honorable ministre de l'intérieur ont été prises par les conseils généraux de la Flandre.
Mais une question de prérogative fut soulevée ; les habitants du Furnes-Ambacht prétendirent que ces conseils généraux n'avaient pas d'ordres à leur donner ; qu'ils constituaient un Etat libre et qu'ils ne se soumettraient pas aux ordres qu'on leur donnait. Ils refusèrent d'abattre les bestiaux et ils prirent des mesures pour combattre l'invasion.
Les conseils généraux de la Flandre répondirent : Si c'est votre manière de voir, faites, mais nous établirons un cordon sanitaire et nous ne laisserons pas entrer vos bestiaux. Qu'est-il arrivé ? C'est que la Flandre a conservé son bétail, tandis que le Furnesambacbt a perdu jusqu'à sa dernière bête. Nous avons là l'expérience historique des faits et la preuve de la nécessité de voter la loi qui nous est soumise par M. le ministre de l'intérieur.
Il est un article cependant que j'aurais craint de voter, c'est l'article dernier, parce qu'il est formulé en termes tels, que je craignais qu'on ne donnât à perpétuité au gouvernement un pouvoir illimité. Dans les circonstances comme celles où nous nous trouvons, il lui faut un pouvoir illimité.
Mais l'article étant réduit aux termes que vient d'indiquer M. le ministre, nous pouvons le voter en toute sûreté de conscience et le rendre même perpétuel. La perpétuité est nécessaire, indispensable. Lorsque la maladie qui règne en ce moment a commencé à sévir, le gouvernement était sans droit ; il importe que si dans 10, 20, 30 ans la maladie reparaît dans le pays, une loi soit là qui autorise le gouvernement à prendre des mesures capables de la combattre. Seulement je voudrais une petite explication sur cet article.
Il est une maladie qui n'y serait pas comprise, ce me semble. C'est la maladie des trichines, que l'honorable président de l'Académie de médecine nous a dit dernièrement être engendrée par des insectes, ce qui m'a beaucoup intéressé. Cette maladie est excessivement grave, et il serait bon, d'après moi, que la loi prévoie le cas d'introduction des bestiaux qui en sont atteints. Je soumets ce point à M. le ministre de l'intérieur. Si l'article est amendé nous aurons le temps, d'ici au second vote, d'aviser à ce qu'il y a à faire.
Je remercie de nouveau M. le ministre de l'intérieur des mesures qu'il a prises et en terminant je crois devoir déclarer que la loi qui nous est soumise, est d'après moi, une loi de principe qui ne peut être votée pour 3 ans, seulement mais comme loi perpétuelle.
M. Rodenbach. - Comme l'a dit un honorable préopinant, il ne s'agit ici ni d’une question économique, ni même d’une question scientifique, mais simplement d'une question de fait. Il a été prouvé qu'en Angleterre 1,000 bêtes étaient atteintes par jour, en Hollande 100, tandis qu'en Belgique, où le gouvernement a pris des mesures préventives, il y avait eu, à peine, en six mois 500 bêtes atteintes, dont plusieurs encore avaient été guéries. Ce dernier chiffre est concluant, il démontre l'opportunité en même temps que l'efficacité des mesures prises.
Pour combattre le projet qui nous est soumis, on a objecté que la maladie qui sévit en ce moment n'est pas contagieuse. Les faits semblent établir le contraire, et d'ailleurs n'en fût-il pas ainsi, nous ne pouvons avoir une confiance absolue en cette assertion. On a prétendu aussi que la peste et le choléra n'étaient pas contagieux.
Cette opinion a été soutenue par des médecins d'un immense talent et d'une grande réputation. Cela n'a pas empêché les gouvernements de maintenir les lazarets et les quarantaines. Les savants et les Académies même sont souvent divisés d'opinion ; nous n'avons, par conséquent, pas à nous préoccuper beaucoup ici de leur appréciation. Nous sommes en présence d'un fléau et il importe de prendre au plus tôt les mesures que la prudence commande. Quant à moi, en présence du grand intérêt qui est en jeu, je n'hésite pas à armer le gouvernement des pouvoirs qu'il demande, quelque grands qu'ils soient, persuadé d'ailleurs que, lorsque les circonstances le permettront, il les résignera de lui-même. Je voterai donc le projet de loi.
MpVµ. - La parole est à M. Crombez.
M. Crombez. - La question me paraît épuisée ; je renonce à la parole.
M. Dubois d'Aischeµ. - Je ne puis partager l'avis de l'honorable membre qui vient de se rasseoir. Je suis désolé, pour la Chambre, de devoir insister encore ; mais la question est grave...
(page 279- M. Teschµ. - Certainement.
M. Dubois d'Aischeµ. - Et je demande à m'expliquer.
Messieurs, je voudrais savoir, d'une manière plus explicite, ce que le gouvernement ferait dans le cas où la maladie prendrait des proportions très considérables. (Interruption.)
M. Teschµ. - Nous verrions !
M. Dubois d'Aischeµ. - Vous comprenez, messieurs, que je parle au point de vue de l'indemnité. Je n'en suis pas certain, mais il me semble qu'on a donné à entendre que, dans un moment donné, l'indemnité pourrait être supprimée. Or, je crois que ce serait là une mesure extrêmement fâcheuse ; et puis elle aurait pour effet d'établir une différence regrettable entre ceux qui auraient eu le triste privilège d'être frappés les premiers par la maladie et ceux qui auraient le malheur de ne payer que les derniers leur tribut au fléau.
Ceci est tellement grave que je crois que l'indemnité ne devrait pas pouvoir être supprimée sans l'intervention de la Chambre, et qu'en attendant, un vote de la Chambre serait nécessaire pour déterminer jusqu'où cette indemnité devra être accordée.
M. Teschµ. - Ce serait une prime pour la négligence.
M. Dubois d'Aischeµ. - Messieurs, je ne crois pas m'être prononcé contre l'abattage des animaux malades ; je ne professe aucune utopie à cet égard ; mais il me semble qu'il y a un grand danger pour le pays à s'engager d'une manière illimitée au payement de l'indemnité ; et je crois qu'en vue de prévenir les conséquences funestes que pourrait entraîner ce principe, le gouvernement devrait faire étudier, dans des hôpitaux ad hoc, les moyens de porter remède au mal. Ce remède, M. le ministre de l'intérieur le considère comme une sorte de chimère. Je ne dis pas qu'il soit facile de le trouver ; mais, vous connaissez le proverbe : Qui cherche trouve, et il me semble que pour trouver le remède il faudrait au moins se donner la peine de le chercher. Nos vétérinaires, nos hommes spéciaux ne sont pas moins intelligents que ceux d'autres pays.
Pourquoi décider d'avance que le mal est sans remède ? par cela seul qu'on ne l'a pas encore trouvé ? N'a-t-on pas dit la même chose de beaucoup d'autres maladies, du typhus, par exemple ? Et cependant, à force de recherches on est heureusement parvenu à conjurer le mal qu'on avait d'abord considéré comme incurable.
Je pense donc que le gouvernement ferait chose utile en ordonnant que des essais soient faits, et qu'on pourrait les faire sans danger dans certaines de nos bruyères, par exemple, où il n'y a pas d'habitation sur de grandes étendues. C'est là un détail d'exécution sur lequel je n'insiste pas ; tout ce que je demande, c'est qu'on fasse des expériences.
M. Mullerµ. - Laissons-en faire par d'autres pays.
M. Vleminckxµ. - En Angleterre, on les fait pour nous.
M. Dubois d’Aischeµ. - En Angleterre, il n'y a aucune intervention gouvernementale. Or, nous sommes ici dans des conditions toutes différentes. Faut-il attendre que l'Angleterre ait trouvé un remède ; et pourquoi, en attendant qu'elle l'ait trouvé, resterions-nous inactifs en Belgique ? Notre pays n'est-il pas assez intelligent pour tenter tout au moins de trouver un remède efficace, et est-il de sa dignité de s'en rapporter aux autres pays du soin de trouver le moyen de conjurer le fléau qui sévit en Europe ?
Je néglige, pour ne pas abuser des moments de la Chambre, plusieurs autres observations que j'aurais à présenter encore ; mais je crois devoir soumettre une proposition à la sagesse de M. le ministre de l'intérieur et de la Chambre.
Le gouvernement a droit à toute ma reconnaissance pour ce qu'il a fait en ces circonstances, et je la lui accorde pleine et entière. C'est donc sans défiance aucune, je le déclare formellement, que je vais formuler ma proposition.
Je voudrais que, dans les commissions qui sont constituées pour aller visiter les bêtes malades et non destinées à l'abattage, il y eût un membre qui ne fût ni un vétérinaire, ni un agent du gouvernement, par exemple un membre de la députation permanente. (Interruption.)
J'indique un membre de la députation permanente comme simple exemple ; tout ce que je demande, c'est un délégué par province ou par canton, réunissant les conditions essentielles que je viens d'indiquer. C'est la seule demande que j'ai à faire au gouvernement, et si M. le ministre de l'intérieur consentait à admettre ce principe, dans ce cas je pourrais accorder mon vote à la loi.
M. Bouvierµ. - Est-ce que le fermier n'a pas le bourgmestre comme intermédiaire entre lui et le vétérinaire ?
M. Dubois d'Aischeµ. - Je dois faire remarquer que cela ne se trouve pas dans la loi. Du reste, et sans contester les capacités de nos bourgmestres, il est bien certain pourtant que Jl premier magistrat d'une commune n'en est pas toujours le plus compétent et que l'on trouverait au sein de nos conseils provinciaux, ou même de nos sociétés agricoles, une foule de personnes qui ne sont pas dans la dépendance du gouvernement et qui conviendraient parfaitement pour remplir la mission que je voudrais leur voir confier.
D'après la connaissance que j'ai de l'esprit de nos campagnes, je puis attester qu'une disposition dans ce sens y produirait le meilleur effet, tandis que la loi y causerait une impression fâcheuse si elle ne contenait pas la garantie du contrôle que je réclame. Moyennant cette concession, il me serait possible de m'associer au vote du projet de loi qui nous est soumis ; sinon je ne pourrais pas le faire.
M. de Theuxµ. - Dans la discussion du budget de l'intérieur et dans l'exposé des motifs accompagnant le projet de loi actuel, M. le ministre de l'intérieur a dit que si la maladie prenait de trop grandes proportions, le gouvernement ne serait pas éloigné de supprimer l'indemnité.
Messieurs, c'est contre cette idée que je m'élève, car il est évident que si l'indemnité était supprimée, on ne pourrait plus compter sur la complète exécution de la loi. Le préjudice qui pourrait résulter pour le cultivateur de l'abattage d'un grand nombre de bestiaux sans indemnité aucune serait tel que les agents de l'autorité reculeraient eux-mêmes devant la prescription de l'abattage.
Ce serait donc une mesure tout à fait funeste et qui contribuerait certainement à la propagation de la maladie. Or, il est évident que si la somme d'indemnité peut devenir considérable, d'autre part, la perte que le pays éprouverait, par la propagation de la peste bovine, serait infiniment plus considérable par les conséquences désastreuses de toute nature que ce fléau exercerait sur l'agriculture en général.
J'espère donc que M. le ministre de l'intérieur ne prendra pas légèrement une pareille détermination ; d'autant plus que nous lui accordons de très grands pouvoirs par la loi. C'est un motif essentiel pour maintenir l'indemnité qui, après tout, est une mesure juste puisqu'elle est dans l'intérêt de tous.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Je ferai remarquer à l'honorable comte de Theux que l'indemnité pour l'abattage du bétail malade n'est pas une dette de l'Etat. L'Etat peut payer, mais il ne le doit pas. S'il paye une indemnité, c'est dans un intérêt général, c'est pour faciliter l'exécution de la loi qui ordonne l'abattage du bétail malade.
Mais il est facile de comprendre que si la contagion faisait des progrès considérables, le gouvernement se trouverait, pour ainsi dire, dans l'impossibilité de continuer à donner des indemnités. Si, par exemple, nous perdions 100,000 tètes de bétail, comme en Angleterre, en fixant le prix de la bête seulement à 300 francs, nous aurions 30 millions à payer !
Veuillez remarquer, messieurs, que dans d'autres temps la peste bovine a fait des ravages bien plus considérables dans notre pays et ailleurs. Il y a un demi-siècle on perdit en 3 ans en Hollande 400,000 bêtes. Or, si une calamité aussi grande devait affliger la Belgique, le gouvernement serait dans l'impossibilité financière de réparer tous les dommages causés par le fléau. Son abstention serait d'autant plus légitime, que, dans ma conviction, ce serait en grande partie la faute des propriétaires de bétail, si le fléau se propageait ; en général, on ne prend pas les précautions nécessaires, on n'isole pas suffisamment le bétail, on laisse entrer trop facilement dans les étables des personnes inconnues, sans s'enquérir si ces personnes ne viennent pas d'un lieu infecté. Il a été constaté à toutes époques que la peste bovine ne se déclarait pas soit dans les localités, soit dans les étables où l'on avait soin d'isoler le bétail, et où le personnel des fermes ne se mettait pas en contact avec des personnes appartenant à des fermes frappées par la maladie.
Je crois donc que si la peste se développait malheureusement dans le pays, le gouvernement devrait renoncer à son intervention ; mais, comme l'a dit l'honorable M. de Theux, la Chambre donne au gouvernement une grande preuve de confiance ; aussi, lui incombe-t-il une immense responsabilité ; ce ne serait donc pas à la légère que je prendrais une mesure de cette importance. En tout cas, s'il fallait en venir là, la Chambre aurait eu, avant cette époque, l'occasion de se prononcer d'une manière péremptoire, parce qu'elle aurait eu à voter des sommes considérables pour payer des indemnités aux propriétaires du bétail infecté et abattu.
J'espère, du reste, que cette circonstance ne se présentera pas ; que les mesures que nous prendrons auront pour effet d'empêcher ln propagation de la maladie ; que surtout nous atteindrons cet heureux (page 280) résultat, en ne recourant pas au laissez faire ou au laissez passer dont parlait tout à l'heure l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu.
Messieurs, l'honorable M. Dubois m'a demandé s'il ne serait pas possible de créer une espèce de lazaret, un hôpital pour les bêtes malades. Dans la situation actuelle, il n'est pas désirable de faire cette tentative. Les hommes de l'art reconnaissent tous qu'il faut étouffer la cause de la maladie, parce que la contagion se propage avec une rapidité telle, que l'existence de quelques bêtes malades peut avoir les conséquences les plus graves. A mon avis, il n'y a donc rien à faire sous ce rapport pour le moment. Plus tard peut-être, on pourrait faire des expériences, si nous avions le malheur d'être débordés.
L'honorable membre me demande encore si on ne pourrait pas adjoindre au vétérinaire qui donne l'ordre d'abattage, soit un membre de la députation permanente, soit un membre d'un comité agricole, soit toute autre personne jouissant d'une notoriété suffisante. J'examinerai cette idée, et, le cas échéant, si elle est reconnue utile, réalisable, j'agirai en conséquence ; mais je ne puis prendre dès à présent aucun engagement ; toutes les observations d'ailleurs qui ont été présentées, et qui, j'en suis convaincu, n'ont été dictées que par l'intérêt de la conservation de notre bétail, feront l'objet de nos méditations ; les idées qui seront réellement utiles et praticables, je les réaliserai.
M. Vleminckxµ. - Messieurs, l'honorable ministre de l'intérieur vient de donner les raisons pour lesquelles le bétail infecté ne doit pas être traité.
Cette question a été également agitée dans le sein de l'Académie de médecine. Et voici ce qui a été reconnu : la contagion est certaine, incontestable, quoi qu'en dise l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu, le remède est incertain et l'emploi de remèdes peut être indirectement une cause de propagation de la contagion. Par conséquent, l'intérêt public exige qu'on ne traite pas, mais qu'on abatte.
« Mais, dit l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu, on traite en Hollande et en Angleterre. »
Quant à moi, je le répète, je ne suis pas bien certain que le traitement n'a pas aidé, dans ces deux pays, la maladie à se propager.
Messieurs, c'est moins pour vous expliquer les motifs de l'absence de traitement en Belgique que j'ai demandé la parole, que pour dire quelques mots au sujet de nos cultivateurs.
L'honorable ministre de l'intérieur vous a dit tout à l'heure que dans certaines circonstances les cultivateurs sont en partie coupables du mal qui leur arrive : j'ajoute qu'ils sont surtout coupables d'un autre chef : leurs étables sont généralement mal tenues. Je dirai notamment à l'honorable M. de Theux qu'il résulte d'une communication faite dans le temps à l'Académie de médecine que les étables de Hasselt laissent infiniment à désirer sous ce rapport. L'aspect qu'elles présentent est incroyable ; les ordures y pullulent : il n'y a pas d'écoulement suffisant ; l'air ne s'y renouvelle pas assez ; ce sont là toutes causes puissantes de maladie, alors même que la peste bovine ne régnerait pas ; et lorsqu'elle vient à s'y déclarer, ces causes, qui ont détérioré à l'avance le bétail, le rendent beaucoup plus susceptible d'être attaqué par la contagion.
Je recommande donc à M. le ministre de l'intérieur de faire tous ses efforts pour que les étables soient mieux tenues qu'elles ne le sont maintenant.
M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Messieurs, je ne crois pas devoir prendre la défense de l'économie politique, assez malmenée cdns les discours que vous venez d'entendre ; elle a l'heureux privilège de se défendre elle-même. Malheur aux nations qui l'oublieraient !
Messieurs, dans le discours que j'ai prononcé tout à l'heure, j'ai voulu démontrer que la Chambre et le pays ne devaient pas se laisser dominer par cette idée, que la loi en discussion aurait pour résultat d'empêcher l'invasion et la propagation de la peste bovine.
J'ai voulu démontrer au pays que cette loi sera inefficace pour le protéger contre l'invasion de cette maladie, s'il ne sait pas se protéger lui-même, et que le vote de cttle loi ne devra pas empêcher les cultivateurs de faire eux-mêmes, par leurs propres efforts, tout ce qu'ils pourront pour se protéger contre la maladie et ses conséquences.
- Plusieurs membres. - Nous sommes d'accord.
M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Eh bien, si vous êtes d'accord avec moi, à quoi bon les plaisanteries auxquelles on s'est livré à propos de mon discours ?
Messieurs, si, comme l'honorable président de l'Académie de médecine et comme l'honorable ministre de l'intérieur viennent de vous le dire, la maladie est exclusivement contagieuse, et tellement maligne, d'une contagion tellement subtile, qu'il faille prendre toutes ces précautions pour lesquelles on demande des pouvoirs extraordinaires à la législature, je viens vous démontrer qu'il est hors du pouvoir de l'administration, hors du pouvoir des vétérinaires, hors du pouvoir de tout le monde, de protéger le pays contre cette contagion.
Je vais vous le démontrer en quelques mots.
La peste bovine est, d'après ce qui vient d'être dit, tellement contagieuse, d'une contagion si facile et si subtile, qu'il suffit qu'une bête passe sur une grand-route pour répandre la contagion dans la contrée.
L'air qu'elle respire est empesté !
Eh bien, empêcherez-vous, par une loi et par des mesures administratives, les chiens, les oiseaux, les mouches et autres animaux de traverser la frontière et d'amener la contagion ?
M. Vleminckxµ. - On fait ce qui est possible.
M. Le Hardy de Beaulieuµ. - J'ai tantôt élevé la voix pour démontrer au pays que tout n'est pas fait par le vote de cette loi, et que des mesures doivent être prises, non seulement par les autorités, mais par les cultivateurs eux-mêmes, par les autorités locales, que la loi ne décharge pas de la responsabilité qui leur incombe.
Voilà pourquoi j'ai essayé tantôt, je n'ai probablement pas réussi, de démontrer que la loi pouvait être parfaitement inutile et que, pour mon compte, je n'éprouvais aucun besoin de la voter.
M. le ministre de l'intérieur, en répondant au discours des orateurs qui m'ont précédé et au mien, a dit un mot qui m'a un peu effrayé. Il a dit que la loi lui permettrait de prendre des mesures nouvelles. Or, je crois qu'à cet égard, on est allé à peu près aussi loin qu'il est possible d'aller. Nous ne pouvons plus circuler ; nous ne pouvons plus aller au marché, nous ne pouvons plus bouger de chez nous pour ainsi dire, nous ne pouvons plus vendre, sinon sous le contrôle de l'autorité. Je ne sais ce qu'on veut empêcher encore ; je désirerais beaucoup être renseigné sur les mesures dont nous menace encore M. le ministre de l'intérieur.
J'ai signalé tantôt, et je suis très heureux de voir que cette partie de mon discours au moins a attiré l'attention de quelques membres de la Chambre, le danger que courraient les finances du pays si la peste venait à prendre quelque extension.
Forcé par l'évidence des faits, M. le ministre a dû déclarer qu'il lui serait impossible, si la maladie prenait quelque extension, de continuer à indemniser les cultivateurs. En effet, je vous ai cité des chiffres qui ont été confirmés par M. le ministre de l'intérieur et qui vous démontrent dans quel danger le trésor public pourrait se trouver, si la maladie prenait quelque extension.
Il y a donc urgence pour le pays à ne pas s'adresser uniquement à la loi comme remède unique contre la maladie, et à ce que, nonobstant la loi, nonobstant toutes les mesures administratives, on prenne dans chaque exploitation les mesures qui ont été reconnues utiles pour préserver le pays de la maladie, et je vais vous en citer une que je livre à l'attention du pays, parce que, d'après les derniers rapports que j'ai lus dans les journaux anglais, elle paraît être tout à fait efficace.
Dans plusieurs comtés de l'Angleterre, depuis trois semaines environ, on vaccine les bêtes saines. On les vaccine comme les enfants pour les préserver de la petite vérole. J'ai vu le rapport d'un propriétaire qui déclare avoir vacciné 20 ou 22 bêtes, et avoir introduit parmi elles exprès, par expérience, une bête malade, qu'il a tenue pendant huit jours au bout desquels elle est morte. Aucune des bêtes vaccinées n'a été atteinte.
Ces faits me paraissent de nature à être pris en considération par le pays. Si l'expérience continue à démontrer qu'il y a des remèdes préventifs efficaces contre la maladie, je préférerais beaucoup cette solution à celle du boucher, qui est la seule que l'administration ait à nous présenter aujourd'hui.
M. de Theuxµ. - Je demande à dire un seul mot. Je crois que le pays est suffisamment averti sur le danger, que les autorités seront suffisamment provoquées à exécuter immédiatement et complètement la loi, et que les propriétaires de bestiaux feront, de leur côté, tout ce qui est en leur pouvoir. Je ne pense donc pas que nous ayons à craindre cette terrible calamité dont a parlé M. le ministre de l'intérieur et qui a affligé la Flandre il y a un certain nombre d'années.
Il est bon de remarquer qu’à celle époque, il n'y avait pas d'uniformité dans la législation, que chaque province, chaque localité pour ainsi dire, prenait ou ne prenait pas de mesures à son gré. Il n'en est plus de même aujourd'hui, ci en présence de la loi que nous allons voter, ce fléau qui autrefois a si grandement affligé le pays, n'est plus à craindre.
Je crois qu'après avoir alarmé, il est bon de ne pas pousser l'alarme à (page 281) à ses dernières limites, car cela découragerait énormément les cultivateurs dans la tenue et l’élève du bétail. Il faut une juste mesure en tout.
Je suis persuadé que le gouvernement, armé comme il l’est, est en mesure d’empêcher la propagation de la maladie dans une étendue aussi grande que celle qui existe dans d'autres pays.
- La discussion générale est dose.
« Art. 1er. Le gouvernement est autorisé à prescrire par arrêté royal les mesures que la crainte de l'invasion ou l’existence de maladies épizootiques, peut rendre nécessaires, tant dans l'intérieur du pays que sur les frontières, en ce qui concerne les relations de commerce avec l'étranger. »
MpVµ. - M. le ministre de l'intérieur a proposé de remplacer les mots : « de maladies épizootiques », par ceux « du typhus contagieux ».
- L'article, ainsi modifié, est adopté.
« Art. 2. Un règlement déterminera les conditions et le taux des indemnités qui pourraient être accordées aux détenteurs d'animaux malades ou suspects dont l'abattage serait ordonné. »
- Adopté.
« Art. 3. Les infractions aux dispositions prises en vertu de l'article premier seront punies d'un emprisonnement de trois mois à deux ans et d'une amende de cent francs à mille francs, soit cumulativement, soit séparément. »
- Adopté.
« Art. 4. S'il existe des circonstances atténuantes, les peines d'emprisonnement et d'amende pourront être réduites à celles de police. »
- Adopté.
« Art. 5. Le ministre de l'intérieur pourra conférer, soit aux agents de l'administration des douanes, des accises et des forêts, soit aux officiers et sous-officiers de l'armée, soit même à toute autre personne, le droit de rechercher et de constater, par des procès-verbaux faisant foi jusqu'à preuve contraire, les contraventions aux dispositions prises en vertu de la présente loi. »
- Adopté.
« Art. 6. Les personnes, ainsi investies du pouvoir conféré en vertu de l'article précédent, les exerceront dans toute l'étendue du pays et prêteront, devant le juge de paix de leur première résidence, le serment suivant :
« Je jure fidélité au Roi, obéissance à la Constitution et aux lois du peuple belge et de remplir fidèlement les fonctions qui me sont conférées. »
- Adopté.
« Art. 7. Les procès-verbaux, dressés en vertu de l'article 5, seront transmis dans les trois jours au procureur du roi. »
- Adopté.
« Art. 8 (nouveau, art. 5 de la section centrale). La présente loi ne sera obligatoire que pendant trois ans, à moins qu'elle ne soit renouvelée. »
M. Jacquemynsµ. - Monsieur le président, la modification introduite par M. le ministre de l'intérieur remplit exactement le but de l'article proposé par la commission. En conséquence, je renonce à cet article.
M. Van Overloopµ. - Il me semble, messieurs, que nous devons éviter de voter une loi sous la pression de la peur. Nous sommes tous dans la crainte de la propagation de la peste bovine. J'admets, en présence des ravages que fait cette maladie, que nous prenions des mesures extraordinaires ; j'admets que sous ce rapport nous sortions en partie du régime constitutionnel, qui est le régime de la légalité, mais je ne pense pas que nous puissions rester indéfiniment dans cet état.
Je suis d'avis que les circonstances qui ont motivé la loi venant à cesser, il importe que la loi cesse également. Du reste, au bout de trois ans l'expérience sera faite ; ou la peste bovine aura disparu, et alors il sera inutile de renouveler la loi ou elle n'aura pas disparu, et, dans ce cas, on prorogera la loi.
Mais qui nous dit, messieurs, que dans ce dernier cas, nous ne trouverions pas convenable de modifier l'article 2 relatif aux conditions et au taux des indemnités, l'article 5 relatif aux pénalités, et les articles dont on vient de nous donner lecture et que nous n'avons pas eu le temps d'examiner ?
Je crois donc, messieurs, qu'il est de la plus haute importance d'adopter l'article de la commission sauf à supprimer les derniers mots : « à moins qu'elle ne soit renouvelée », car si la loi n'est faite que pour trois ans, il va de soi qu'elle peut être renouvelée.
M. Crombez. - C'est une formule qui est consacrée par les antécédents.
M. Van Overloopµ. - Je trouve, messieurs, que la loi donne au gouvernement des attributions extrêmement larges ; ce n'est pas, je veux bien le croire, le gouvernement qui en abusera ; à coup sûr, ce ne sera pas l'honorable M. Vandenpeereboom ; mais il y a des agents inférieurs, et les cultivateurs le savent par expérience, qui exécutent fréquemment d'une manière très vexatoire même de très bonnes lois.
Du reste, d'ici à trois ans, nom aurons pu apprécier l'arrêté royal jusqu'alors inconnu qui sera pris en exécution de la loi, nous aurons pu apprécier jusqu'à quel point les mesures prises auront été bonnes, et nous pourrons, s'il y a lieu, faire une nouvelle loi en pleine connaissance de cause.
Je conjure donc la Chambre de voter la proposition de la section centrale et puisqu'elle a été retirée, je la fais mienne. La marche rapide qui a été suivie dans la présentation, dans l'examen et dans la discussion de cette loi, nous fait un devoir de ne lui donner qu'une durée temporaire.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Je ne vois pas, en vérité, qu'il faille s'alarmer si fort à propos de cet article. L'honorable membre semble croire que le gouvernement veut accaparer des pouvoirs immenses et exercer une sorte de tyrannie sur le pays.
M. Van Overloopµ. - Il s'agit des agents inférieurs.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). -Les agents inférieurs seront surveillés.
J'ai donné les motifs, messieurs, pour lesquels il est bon que la loi soit permanente. En effet, la loi ne s'applique plus désormais qu'au typhus contagieux. C'est là une modification importante.
D'après le premier projet, la loi s'appliquait à toutes les maladies épizootiques, elle ne s'applique donc plus maintenant qu'au typhus contagieux. Or, du moment que le typhus contagieux n'existe plus, la loi ne peut plus être appliquée. Si, au contraire, après avoir cessé pendant quelque temps ses ravages, il venait à sévir de nouveau dans un moment où les Chambres ne seraient pas réunies, avec une loi permanente, le ministre de l'intérieur de cette époque, quel qu'il soit (et certes ce ne sera pas moi), le ministre de l'intérieur pourra prendre les mesures exigées par les circonstances. Pourquoi ne voulez-vous donc pas laisser ce pouvoir au gouvernement ? S'il venait à en abuser, la Chambre pourrait tous les jours demander la révision de la loi.
On peut même, dès l'année prochaine, si l'on juge que les mesures prises par le gouvernement ne sont pas bonnes, demander des explications et prendre ensuite telle décision que la Chambre jugerait convenable.
Messieurs, il serait dangereux de laisser le gouvernement désarmé, pendant un temps quelconque, en présence d'une maladie aussi grave que le typhus contagieux.
Nous ne sommes plus aujourd'hui, messieurs, dans les circonstances où nous étions jadis. Aujourd'hui par la rapidité des communications il est à craindre que nous aurons plus souvent qu'autrefois des maladies épizootiques dans le pays. La peste bovine existe pour ainsi dire en permanence dans certaines contrées de l'Allemagne et de la Russie. Il est donc possible que l'on soit obligé de prendre des mesures extraordinaires, et vous voulez désarmer le gouvernement. Il est donc sage, pour les motifs que je viens d'indiquer, de laisser à la disposition du gouvernement pour les cas spéciaux d'invasion du typhus contagieux, une loi qui lui permettre de combattre légalement la terrible maladie.
M. Van Overloopµ. - Je prie M. le ministre de l'intérieur de remarquer que je n'entends pas que le gouvernement soit désarmé. La modification qu'il a introduite à l'article premier du projet de loi est excellente, mais, je le répète, ce que je désire, c'est qu'on ne donne pas indéfiniment par la loi des pouvoirs aussi arbitraires au gouvernement, d'autant plus que nous n'avons pas mûrement examiné le projet de loi et que nous allons le voter sous l'empire de la crainte que nous inspire la peste bovine.
Quelques mois avant, l'expiration de la troisième année, le gouvernement pourra nous saisir d'un projet de loi définitif, et alors, si c'est nécessaire, je voterai sans hésitation toutes les mesures justes que le gouvernement jugera indispensables pour sauvegarder le pays contre l'introduction de maladies contagieuses.
Je n'ai voulu, messieurs, que constater que le projet de loi constitue une exception au régime légal sous lequel nous vivons et sous lequel je désire que nous rentrions aussitôt que les circonstances exceptionnelles, sous l'empire desquelles la loi actuelle est faite, auront cessé.
- Plusieurs membres. - Aux voix !
(page 282) MpVµ. - Nous sommes à l'article 8 nouveau qui a été retiré par la section centrale.
M. Van Overloop fait-il cette proposition sienne ?
M. Van Overloopµ. - J'ai déjà déclaré que oui, M. le président.
M. Mullerµ. - Messieurs, je serais d'avis de voter l'amendement de l'honorable M. Van Overloop, si le gouvernement ne répondait pas à la question que je vais lui poser d'une manière qui pût garantir suffisamment contre l'arbitraire des agents inférieurs du gouvernement.
Voici cette question. Sera-ce le gouvernement qui déclarera, aux termes de la loi, la crainte d'invasion ou l'existence de la maladie ?
Si les agents inférieurs ne pourront agir qu'après une déclaration semblable du gouvernement, j'ai toute garantie ; mais si, après la cessation de l'épizootie actuelle, il peut appartenir à un vétérinaire ou à un bourgmestre de déclarer qu'il y a crainte d'invasion ou existence de la peste bovine, je ne crois pas que nous puissions faire une loi dont la durée ne serait pas limitée.
C'est cet éclaircissement que je demande à M. le ministre de l'intérieur.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Je ne puis que répondre affirmativement à la question que pose l'honorable membre. Il est évident que le gouvernement sera autorisé à prescrire, par des arrêtés royaux, les mesures que la crainte de l'invasion ou l'existence de la peste bovine nécessitera. Il est évident aussi qu'il retirera ces arrêtés royaux le jour où la peste n'existera plus. C'est donc le gouvernement qui déclare que la maladie existe ou qu'elle n'existe pas, qu'il y a ou qu'il n'y a pas danger d'invasion.
M. Mullerµ. - Cette réponse me satisfait.
M. Dumortier. - Je crois qu'il y aurait quelque chose de plus simple à faire.
Des arrêtés royaux doivent être pris en exécution de la loi et je crois qu'ils doivent être maintenus. Mais il serait excessivement facile d'introduire dans la loi, lors du second vote, une disposition portant que les mesures prescrites par ces arrêtés royaux seront mises en vigueur par le fait d'une déclaration du gouvernement et suspendues par le fait d'une autre déclaration.
Je crois que de celle manière on serait d'accord.
MpVµ. - M. Van Overloop insiste-l-il sur son amendement ?
M. Van Overloopµ. - Oui, M. le président.
- L'amendement est mis aux voix ; il n'est pas adopté.
MpVµ. - Nous arrivons à l'article 8 nouveau ainsi conçu :
« La présente loi sera exécutoire le lendemain de sa publication. »
- L'article est adopté.
Le vote définitif est renvoyé à l'ouverture de la séance de demain. L'ordre du jour portera, immédiatement après, les crédits au département de la justice.
M. Jacquemynsµ. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la section centrale sur la demande d'un crédit spécial d« 600,000 francs au département de l'intérieur.
- Impression et distribution.
—La séance est levée à 4 3/4 heures.