(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1865-1866)
(Présidence de (M. E. Vandenpeereboom.)
(page 231) M. Thienpont, secrétaire., procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.
M. de Moor, secrétaireµ, donne lecture du procès-verbal de la séance précédente.
- La rédaction en est approuvée.
M. Thienpont, secrétaire, présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la Chambre.
« Le sieur Lambrechts demande que son fils aîné, milicien de la levée de 1865, soit renvoyé dans ses foyers. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Vandervennet demande qu'il soit donné suite aux réclamations relatives à la patente des moulins à vent. »
- Même renvoi.
« Des habitants de Longchamps prient la Chambre de faire contraindre la Grande Compagnie du Luxembourg à construire l'embranchement de Bastogne. »
« Même demande d'habitants de Benonchamps, Remoiville, Luzery et Wittemont. »
- Renvoi à la commission des pétitions, avec prière de faire un prompt rapport.
« Le conseil communal d'Hyon prie la Chambre d'accorder au sieur Dequanter la concession d'un chemin de fer de Saint-Ghislain à Charleroi, avec embranchement sur Frameries, Mons, Gilly et Lambusart. »
- Même renvoi.
M. Reynaertµ. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission spéciale qui a été chargée d'examiner le projet de loi décrétant le transfert à Iseghem du chef-lieu du canton judiciaire d'Ingelmunster.
- Ce rapport sera imprimé et distribué ; le projet de loi sera porté à la suite de l'ordre du jour.
« M. Dupont, retenu chez lui par l'indisposition d'un membre de sa famille, demande un congé de quelques jours.
- Accordé.
M. Bouvierµ. - Le rapport triennal sur l'état de l'enseignement moyen en Belgique de 1861 à 1863 finit par ces mots : La situation est bonne, elle tend à s'améliorer de jour en jour.
Ce langage me paraît un peu optimiste en présence du chiffre des écoles moyennes de l'Etat, invariablement resté le même depuis la loi du 1er juin 1850 et de l'augmentation si considérable de la population qu'on évalue à plus d'un dixième depuis l'adoption de cette loi, augmentation telle, qu'elle nécessite la présentation d'un projet de loi ayant pour objet de mettre le nombre des représentants et des sénateurs en rapport avec le chiffre qu'elle accuse.
Je ne vois donc pas qu'il y ait tant à se féliciter sur une semblable situation lorsque, sans sortir de la province de Luxembourg, il y a des villes telles que Bastogne, entre autres, qui sont dépourvues d'un établissement aussi utile, aussi indispensable.
La loi de 1850 est toujours là avec son chiffre inexorable, avec son chiffre-borne, 50 établissements d'instruction moyenne et 10 athénées, sans qu'on ait vu poindre à l'horizon l'apparence d'aucun autre établissement, soit exclusivement provincial ou communal, à moins qu'on n'excepte de cette dernière catégorie les deux écoles moyennes communales de Bruxelles.
Si nous consultons le chiffre de la population des athénées, nous y trouvons 3,177 élèves ; le nombre de ceux fréquentant les 50 écoles moyennes de l'Etat est de 7,576, celui des 19 établissements communaux d'enseignement moyen subsidiés sur le trésor public en vertu de l'article 28 de la loi du 1er juin 1850 monte à 1,581, total 12,334 élèves qui reçoivent le pain quotidien de l'enseignement à l'aide des ressources de l’Etat.
En tout 69 établissements d'instruction publique dans lesquels l'Etat intervient contre 61 établissements patronnés, dirigés par les jésuites et les corporations religieuses, total 146 établissements d'instruction moyenne répandus sur toute la surface du Royaume.
Eh bien, je dis que ce bilan ne me réjouit pas en présence d'une population de près de 5 millions dans un pays essentiellement démocratique, où la classe moyenne doit peupler la législature, nos conseils provinciaux et communaux, nos tribunaux, les administrations publiques et constitue les forces vives du pays, appelée à maintenir et à transmettre intactes aux générations futures ces grandes traditions de libertés, puisées dans nos anciennes franchises communales, devenues plus vivaces encore depuis que le peuple belge est en possession de sa grande et forte institution, qui font partie de son sang et sont la garantie la plus solide de sou indépendance et du maintien de sa nationalité.
(page 231) J'avoue donc très humblement que ne je considère pas le chiffre actuel de 50 écoles moyennes comme satisfaisant et je livre ces courtes observations aux méditations de nos hommes d'Etat, afin qu'ils examinent la question de savoir s'il n'est pas opportun de nous opposer, dans un avenir rapproché, au projet de loi augmentant ce chiffre stationnaire pour y en substituer un autre, plus en harmonie avec les tendances générales de notre époque, vers une plus abondante diffusion de lumières, et surtout cet instinct, si vif, si heureux, si fécond, qui porte toutes les classes de la société à se passionner pour le besoin de connaître, d'apprendre et de se perfectionner. C'est en secondant ces nobles aspirations que le gouvernement consolidera l'appui qu'il trouve dans la masse éclairée et libérale du pays et qu'il se maintiendra à la hauteur du progrès et de la civilisation moderne.
M. Julliot. - Messieurs, de nouvelles aspirations vers la liberté se révèlent sous toutes les formes ; on veut la liberté de circulation sur les routes, on proteste contre le recrutement forcé du militaire, on demande l'extension des droits électoraux, et un jour on entendra autrement la liberté d'enseignement qu'on ne la pratique actuellement ; mais tenons-nous aux faits en conservant les principes que nous croyons vrais.
Des sommes considérables demandées à l'impôt sont affectées à l’enseignement ; tous nous y contribuons en proportion de notre avoir, et quelles que soient nos idées sur cette opération sociétaire, nous avons le droit de contrôler nos finances et de voir si on restitue, dans de justes proportions ce qu'on a pris au contribuable. Dans l’enseignement primaire, la loi a réglé la part contributive de chaque commune ; elle doit 2 p. c. des impôts qui y sont perçus ; mais dans l'enseignement moyen tout est abandonné à l'arbitraire du gouvernement.
Aussi naguère on voyait encore deux collèges communaux de la même importance, dont l'un recevait de l’Etat un subside de neuf mille francs, tandis que l'autre n'était gratifié que de quatre mille francs.
J'ai hâte de le dire, M. le ministre de l'intérieur s'est empressé de faire disparaître cette inégalité, mais tout n'est pas dit.
Une inégalité bien plus choquante existe dans la part fournie par les communes.
Par exemple, la ville que j'habite sacrifie le tiers de toutes ses ressources à l’enseignement ; aussi, il y a quatre ans, le collège de Tongres, au grand concours, a battu tous les collèges du pays à un près, et cinq de vos athénées. Mais qu'en est-il résulté ? Le gouvernement avec l'appât de fonctionnaire de l'Etat, nous a enlevé ce que nous avions de mieux en professeurs, ce qui n'était qu'un déplacement de valeur à notre détriment.
Aussi, si, le jour, nous répandons largement les lumières intellectuelles et scientifiques, nous risquons de. nous casser le cou, le soir, faute de pavage et d'éclairage suffisant,
J'ai dit que la ville de Tongres sacrifie le tiers de ses revenus à l'enseignement ; il est une autre ville, que je nommerai tantôt, qui n'y consacre que le septième des siens.
Puis vient la ville d'Ostende dépassant toutes les suppositions possibles. Cette ville, la plus prospère du pays, donne à l'enseignement, quoi ? La vingt-troisième partie de ses recettes. Or, ne pouvant croire à un écart pareil, j'ai consulté un Ostendais de bonne volonté, qui m'a dit : Cela ne doit pas vous étonner. A Ostende, le petit bourgeois vit de la mer et se contente d'un enseignement professionnel sur l'éducation des mollusques et des crustacés et surtout sur l'art de plumer les baigneurs ; il est positif, honore les touristes qui apportent leur argent, se moque du reste du genre humain et, comme Napoléon Ier, il déleste les idéologues.
M. Van Iseghem. - Messieurs, je proteste contre le mot « plumer ». C'est un peu trop fort. Nous recevons les étrangers avec bienveillance et courtoisie, et ceux parmi nous qui y ont passé en savent quelque chose.
M. Julliot. - Messieurs, inutile de vous dire qu'en ceci il n'y a rien de personnel pour mon honorable collègue d'Ostende. Il se rend très utile au pays en général, et ce représentant est un ceux qui défendent le mieux les intérêts de ses commettants, Mais quand je vois que, sous toute espèce de prétexte, on ronge les feuilles du budget, je me plains de ce qu'on discute sou par sou le concours à un enseignement dont l'Etat veut rester le maître.
Messieurs, les deux villes que je connais le mieux, sous le rapport de leurs collèges, c'est Ypres et Tongres ; ces deux collèges ont été organisés en même temps et sur un pied égal, car c'est un Tongrois qui en a fourni les éléments au bourgmestre d'Ypres.
Or, l'une de ces villes fournit le tiers de ses revenus et l'autre le septième des siens, car Ypres donne 3,000 francs de moins à son collège que la première de ces villes ne donne au sien. Cependant je pense qu'Ypres reçoit quelque chose de plus de l'Etat que Tongres.
Je ne dis pas qu'Ypres ne donne pas assez, mais je dis que Tongres donne trop en vue de ses ressources.
A Tongres, il y avait, à côté de ce collège, un collège ecclésiastique ; le gouvernement, en donnant un subside, a engagé la ville à acheter ce local, pour rester seul sur le terrain, cela s'est fait ; mais la ville a dû s'endetter considérablement, pour conserver à l’Etat la maîtrise exclusive de renseignement.
Aujourd'hui le collège est complet, la convention d'Anvers y est appliquée, tout le monde est d'accord, on n'y fait ni clérical ni libéral, mais de bonnes études, ce qui vaut bien le reste.
Messieurs, quand une ville de 7,000 âmes nourrit un collège qui se place dans les concours parmi les premiers rangs, qu'elle fait vivre cinq journaux dans son sein, on doit reconnaître que cette preuve d'énergie et de progrès est digne d'attirer l'attention du gouvernement, Il n'est pas de commune en Belgique qui fasse autant de sacrifice pour l'instruction que celle dont je tiens mon mandat.
Ce n'est pas tout, dans peu de jours on va y élever une statue en reconnaissance du patriotisme déployé par nos pères, quand, les premiers, ils ont battu les légions romaines qui paraissaient invincibles, et si nous savions nous abaisser à la réclame, Tongres aurait un retentissement, considérable dans le pays ; mais on y est modeste, trop modeste peut-être ; car, si Tongres, qui a les eaux minérales de la fontaine de Pline qui ont guéri tant de malades, n'a pas réclamé une part dans les gains de Spa, c'est à sa moralité seule que nous devons l'attribuer.
Je me demande donc si, alors qu'il est reconnu qu'une règle proportionnelle est nécessaire pour l’enseignement primaire, elle ne serait pas utile à l'enseignement moyen. S'il en était ainsi, les grandes cités se passeraient du subside de l'Etat et leur enseignement resterait le même ; mais dans le système actuel, en donnant des trente mille francs à de villes qui peuvent s'en passer, vous portez l'eau à la mer.
Dans la discussion de la loi de l'enseignement moyen, feu M. de Brouckere, bourgmestre de Bruxelles, disait au gouvernement : Votre athénée ne vaudra pas mieux que mon collège. Si vous me donnez trente mille francs dont je n'ai pas besoin, je dois les prendre ; mais je préfère conserver mon collège et laisser le gouvernement à la porte. Il ne fut pas écoulé.
Messieurs, je termine en priant M. le ministre de l'intérieur, en attendant que tout cet échafaudage officiel négatif de la liberté un jour s’écroule, d'examiner la question de savoir s'il ne serait pas utile de fixer une règle aux concours des communes en ce qui concerne les collèges et les écoles moyennes puisqu'on trouve la mesure indispensable pour l'enseignement primaire.
On m'objectera que mon idée est une inspiration flamande, et c'est possible, mais je la crois juste, et ceux qui parlent la même langue se comprennent souvent assez bien. Il est évident que quand un ministre a beaucoup de fonds à distribuer sans base ni règle fixe pour se diriger, il peut parfois se tromper, à son grand regret, et mon système y mettra obstacle.
C'est un service à rendre aux ministres présents et futurs et je voterai le chiffre proposé.
M. Rodenbach. - Je partage encore aujourd'hui l'opinion que je professais au Congrès il y a 35 ans, à savoir que, dans l'instruction publique, une grande part doit être laissée à la liberté. C'est la liberté qui a fondé notre nationalité ; je la veux en tout et pour tous. Je reconnais que le gouvernement doit pouvoir donner une certaine impulsion en matière d'enseignement ; mais le principe doit être la liberté.
Depuis 35 ans l'instruction supérieure, l'instruction moyenne, et l'instruction primaire ont pris en Belgique de grands développements. Nous sommes peut-être le pays de l'Europe où l'instruction a fait le plus de progrès pendant cette période.
Un honorable député du Luxembourg nous a dit qu'il faudrait augmenter considérablement le nombre des athénées et des collèges subsidiés par l’Etat, parce qu'il n'y en a pas assez dans le Luxembourg. Mais avec le principe de liberté, on pourra en augmenter le nombre dans le Luxembourg comme ailleurs.
L'honorable député du Limbourg nous a entretenus de la ville qu'il représente plus spécialement dans cette enceinte ; je suis moi, député de Roulers depuis environ 36 ans et je tiens à constater que le collège de Roulers, qui n'a jamais reçu de subside ni de la commune ni du gouvernement, a toujours compté un grand nombre d'élèves, en moyenne trois à (page 233) quatre cents par an ; il en a produit même de fort distingués dont l'un est devenu ministre, plusieurs ont été nommes évêques on ont occupé des fonctions éminentes dans l'Etat.
On réclame toujours des subsides, mais on oublie trop, ce me semble que c'est le contribuable qui doit les payer. Il est temps de changer de système et de venir une bonne fois au système de la liberté. Dans un pays comme le nôtre, de 5 millions d'âmes, 50 collèges communaux subsidiés, c'est beaucoup.
Il y a même dix athénées royaux en Belgique. Eh bien, allez en France et dans d'autres pays et dites-moi si nous ne sommes pas beaucoup plus avancés qu'eux sous ce rapport. Nous ne sommes donc pas rétrogrades en matière d'enseignement, et c'est fort injustement qu'on nous donnerait cette épithète.
Les sacrifices que nous faisons pour l'enseignement moyen s'élèvent à un million 200,000 francs ; c'est là un chiffre énorme et qu'il ne conviendrait pas d'augmenter, car ce serait un déplorable système que celui qui consisterait à abandonner au gouvernement le soin de tout faire. Sans doute, il faut que le gouvernement intervienne pour stimuler les communes à développer l'enseignement public ; mais il ne faut pas que son intervention s'étende au point de sacrifier le principe de la liberté qui doit être respecté avant tout.
C'est principalement en matière d'enseignement moyen et supérieur que le gouvernement doit limiter autant que possible son intervention, car les établissements consacrés à cet enseignement sont généralement fréquentés par des élèves appartenant à des familles qui jouissent d'une certaine aisance ; tandis que la plupart des enfants qui reçoivent l'instruction primaire appartiennent à des parents dépourvus de fortune. C'est donc surtout en faveur des établissements d'instruction primaire que l'Etat et les communes doivent s'imposer des sacrifices, tandis que l’intervention de l'Etat doit être le plus limitée possible en matière d'enseignement moyen et supérieur.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - L'honorable M. Bouvier pense que le gouvernement est trop optimiste en énonçant les conclusions consignées dans le dernier rapport triennal sur l'enseignement moyen.
Ce rapport, messieurs, constate une seule chose : c'est que la loi de 1850 fonctionne convenablement et produit de bons résultats ; maintenant, y a-t-il lieu d'aller au delà ; y a-t-il lieu de créer de nouveaux établissements d'enseignement de l'Etat, soit des athénées, soit des écoles moyennes ? Je ne le pense pas, au moins quant à présent. Le temps viendra peut-être où il faudra augmenter le nombre de ces établissements ; mais je pense que ce moment n'est pas venu.
Je ferai remarquer aussi à l'honorable membre qu'en fait le nombre des établissements d'enseignement moyen n'est pas limité : les communes peuvent créer des collèges communaux et des écoles moyennes communales, en les soumettant au régime de la loi de 1850 ; ces communes peuvent alors obtenir des subsides qui, pour les écoles moyennes, sont à peu près égaux à la dotation que la loi accorde aux écoles moyennes de l'Etat. Si la commune dont a parlé l'honorable M. Bouvier et qui ne peut être Virton...
M. Bouvierµ. - Non, c'est Bastogne.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Eh bien, si la commune de Bastogne désire établir chez elle une école moyenne communale, rien n'est plus facile : elle peut compter, comme toute autre, sur le concours pécuniaire du budget de l'Etat.
Maintenant, l'honorable M. Julliot, qui défend avec énergie les intérêts du chef-lieu de son arrondissement et du collège communal qui y est établi, l'honorable M. Julliot demande, si je l'ai bien compris, qu'on suive des règles fixes, non seulement pour l'allocation uniforme des subsides de l'Etat, mais encore pour la pari contributive à fournir par les communes aux établissements d'enseignement moyen. Ainsi, dit-il, que cela se pratique pour les écoles primaires.
Je ferai remarquer à l'honorable membre qu'il est dans l'erreur en ce qui concerne les écoles primaires. La loi du 23 septembre 1842 dit bien que les communes doivent contribuer dans les dépenses de l'instruction primaire, pour une somme égale à deux centimes additionnels ; mais ce n'est là qu'un minimum ; les communes sont obligées d'aller au delà, et beaucoup au delà, autant que leurs ressources le leur permettent. Du reste, cette question a été souvent débattue. L'article 23 a été interprété de différentes manières, mais le gouvernement a donné à l'article 23 de la loi du 23 septembre 1842 l'interprétation que je viens d'indiquer et le système est généralement adopté.
Il en est tout autrement des établissements d'instruction moyenne.
La dotation des établissements de l’Etat est fixée par la loi ; il y a, en outre, des établissements communaux subsidiés. Dans la distribution de ces subventions, le gouvernement doit prendre en considération diverses circonstances.
Tous les établissements communaux n'ont pas la même importance. Les uns ont un programme très restreint, d'autres un programme plus étendu et qui est parfois aussi complet que celui des athénées.
Dès lors, les subsides alloués par le gouvernement, ne peuvent pas être les mêmes pour tous les établissements : ils doivent être proportionnés, d'abord à l'importance de l'établissement puis à celle de la localité où il est situé, ensuite à l'état plus ou moins florissant des ressources communales, et enfin, si l'on veut, au chiffre des sacrifices que les communes s'imposent.
Du reste, l'honorable M. Julliot a bien voulu reconnaître que le gouvernement avait fait droit aux réclamations qui lui avaient été adressées par la ville de Tongres : le subside alloué sur le trésor au collège communal de celle ville n'était que de 4,000 fr. quand je suis arrivé au ministère de l'intérieur ; il est aujourd'hui porté à 8,000.
Quant au subside de 9,000 francs dont jouit le collège communal d'Ypres, je tiens à faire une déclaration.
On pourrait croire qu'obéissant à l'esprit de clocher, j'aurais, dans un intérêt électoral, peut-être, favorisé la ville d'Ypres, en élevant le subside de son collège à 9,000 fr. (Non ! non !) ; mais il n'en est rien : je n'ai pas fait allouer ce subside ; il a été fixé, en 1851 ou en 1852 par l'honorable M. Rogier, et il a été porté à 9,000 fr., eu égard aux circonstances particulières dans lesquelles se trouvait cette localité.
Je ne crois pas, messieurs, devoir suivre l'honorable M. Julliot dans les questions qu'il a soulevées, et notamment, dans la comparaison qu'il a faite du collège de Tongres avec les écoles d'Ostende. Ce dernier établissement n'est pas subsidié par l'Etat, car c'est un établissement patronné. Il n'y a donc aucune comparaison à faire entre les deux établissements au point de vue où s'est placé l'honorable M. Julliot.
M. Delcourµ. - L'honorable ministre de l'intérieur vient de dire un mot de l'article 23 de la loi sur l'enseignement primaire. Il a rappelé l'interprétation donnée à cet article par le gouvernement. Je crois aussi que cette interprétation est la plus conforme à l'esprit général de la loi de 1842. Mais vous n'ignorez pas, messieurs, qu'en 1854 la Chambre a été saisie d'un projet de loi sur ce point et qu'une section centrale, par l'organe de l’honorable M. Lelièvre, a présenté des conclusions en 1855. Lors de la discussion du budget de l'intérieur pour l'exercice 1864, M. le ministre répondant à l'honorable M. de Kerchove, qui avait combattu le système suivi par le gouvernement, a promis de remettre la question à l'étude. Je me permets de lui demander si cette étude est terminée et si l'on peut espérer qu'un projet de loi nous sera présenté dans un bref délai. Je n'ai demandé la parole que pour faire cette interpellation.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Messieurs, la question dont vient de parler l'honorable M. Delcour est à l'étude : elle fait l'objet d'un examen très sérieux et très attentif ; mais elle est très difficile à résoudre, parce que la situation financière des diverses provinces est loin d'être la même. Les éléments pour apprécier cette situation ne sont pas les mêmes dans nos diverses provinces.
Il faut donc prendre des bases différentes pour constater d'une manière générale dans quelles proportions la commune peut convenablement intervenir.
Cette question est, je le répète, à l'étude. J'espère que, dans un temps plus ou moins rapproché, il sera possible au gouvernement de présenter un projet de loi et je le désire ; car il est très désirable que cette question soit résolue, que des règles fixes puissent être établies.
- La discussion est close.
« Art. 81. Dépenses du conseil de perfectionnement de l'enseignement moyen : fr. 5,000. »
- Adopté.
« Art. 82. Inspection des établissements d'instruction moyenne. (Personnel) : fr. 19,000. »
- Adopté.
« Art. 83. Frais de tournées et autres dépenses de l'inspection des établissements d'instruction moyenne : fr. 9,000. »
- Adopté.
« Art. 84. Frais et bourses de l'enseignement normal pédagogique, destiné à former des professeurs pour les établissements d'instruction moyenne du degré supérieur et du degré inférieur ; subsides pour aider les élèves les plus distingués de l’enseignement normal du (page 234) degré supérieur qui ont terminé leurs études, à fréquenter des établissements pédagogiques étrangers ; acquisition, en six années, du local de l'école normale des humanités, troisième annuité : fr. 86,928.
« Charge extraordinaire : fr. 19,387 80. »
- Adopté.
« Art. 85. Crédits ordinaires et supplémentaires des athénées royaux ; augmentation de traitement aux professeurs de flamand, d'allemand et d'anglais, dans les athénées royaux, par application des arrêtés royaux du 27 et du 28 janvier 1863 : fr. 442,478. »
MpVµ. - Le gouvernement a proposé à la section centrale d'augmenter de 3,000 fr. le chiffre de cet article, et de le porter à 445,478 fr.
- L'article, ainsi modifié, est adopté.
« Art. 86. Part afférente au personnel des athénées royaux dans le crédit voté par la loi du 8 avril 1857, en faveur des employés de l'Etat dont le traitement est inférieur à 1,600 francs : fr. 2,800. »
- Adopté.
« Art. 87. Crédits ordinaires et supplémentaires des écoles moyennes : fr. 330,200. »
MpVµ. - Le gouvernement a proposé d'augmenter ce chiffre de 5,300 fr., et de le porter à 335,700 francs.
- Ce chiffre est adopté.
« Art. 88. Part afférente au personnel des écoles moyennes dans le crédit voté par la loi du 8 avril 1857, en faveur des employés de l'Etat dont le traitement est inférieur à 1,600 francs : fr. 50,000. »
- Adopté.
« Art. 89. Bourses à des élèves des écoles moyennes : fr. 15,000. »
- Adopté.
« Art. 90. Subsides à des établissements communaux ou provinciaux d'instruction moyenne : fr. 176,500. »
- Adopté.
« Art. 91. Frais du concours général entre les établissements d'instruction moyenne : fr. 22,000. »
- Adopté.
« Art. 92. Indemnités aux professeurs de l'enseignement moyen du premier et du deuxième degré qui sont sans emploi ; charge extraordinaire : fr. 10,448. »
- Adopté.
« Art. 93. Traitements de disponibilité : fr. 10,000. »
- Adopté.
« Art. 94. Encouragements pour la publication d'ouvrages classiques ; subsides, souscriptions, achats, etc. : fr. 8,000. »
- Adopté.
M. Lippensµ. - La loi de 1842 sur l'instruction primaire prescrit à l'instituteur de dresser tous les ans un programme d'études, que l'inspecteur cantonal vise et qu'arrête le collège des bourgmestre et échevins. Ce règlement est affiché dans l'école.
En exécution de cet article de la loi, un règlement général a été proposé par l'administration supérieure et adopté en 1846 par toutes les communes rurales de la Flandre orientale ; il est le même partout ; il n'a été ni renouvelé depuis lors, ni modifié ; il est indistinctement appliqué dans les écoles de garçons comme dans les écoles mixtes, dans celles qui comptent peu d'élèves comme dans celles de plus de 200 enfants, où un sous-maître aide l'instituteur.
Ce règlement est très vague, insignifiant ; il permet toutes les interprétations et ne s'occupe que de l'ordre seul dans lequel on enseignera. Il n'indique ni le programme des études par classes et divisions, ni le temps à consacrer à chaque branche. Tout est abandonné à l'instituteur, à sa bonne ou à sa mauvaise intelligence avec le sous-maître dans les écoles fréquentées.
Il a le champ libre, et peut pousser ou retarder les élèves à son gré, les enlever (et souvent c'est pour donner satisfaction aux parents des élèves payants) à la classe du sous-maître sans s'inquiéter s'ils sont capables de suivre les cours supérieurs et les renvoyer quelque temps après lorsqu'il n'est plus possible que ces enfants suivent avec fruit les leçons qu'ils ont dû abandonner.
Le pouvoir de l'instituteur est sans contrôle sérieux, puisque le programme des connaissances à enseigner dans chaque division n'est pas indiqué, mais laissé à sa propre appréciation : l'inspecteur cantonal ne peut donc pas prévenir de pareils abus et l'administration communale est dans l'impossibilité de les signaler en temps utile. Aussi existe-t-il par suite de cette omnipotence de l'instituteur des différences notables dans l'ordre du mérite des écoles du même ressort d'inspection ; telles d'entre elles brillent au concours par l'instruction religieuse, telles autres dans des branches spéciales, tandis que le niveau général des études y est des plus bas, et que des plaintes sérieuses et fondées se font entendre dans la population.
La loi devrait être plus ponctuellement observée, l'instituteur devrait être tenu de présenter annuellement et à temps pour l'année scolaire, sa distribution de travail appropriée à l'école d'après son rang et ses besoins ; ce programme devrait toujours indiquer l'enseignement de chaque division, le temps et l'heure consacrée à chaque branche.
D'autre part, et c'est un point essentiel, l'administration supérieure devrait rappeler aux autorités locales leur droit et leur devoir : leur droit de faire modifier par l'instituteur le tableau de travail jusqu'à ce qu'il réponde aux besoins de la population ; leur devoir de tenir la main à l'exécution stricte de ce programme sans permettre d'intervertir les heures de leçon.
Satisfaction serait donnée de cette manière aux parents qui ignorent aujourd'hui les connaissances que leurs enfants doivent acquérir dans le courant de l'année ; leur zèle serait stimulé et ils obligeraient leurs enfants à fréquenter régulièrement l'école, tandis que les administrations locales, fortes de la loi, ne verraient plus leur intervention se borner à vérifier de quinze en quinze jours la liste de présence des élèves, afin de remplir une colonne de statistique, mais reprendraient la place qu'ils n'auraient jamais dû abandonner et qui leur revient à juste titre, surveilleraient l'instituteur et l'instruction et ne reculeraient plus devant la lutte pour déraciner des abus regrettables qui se sont infiltrés dans nos écoles de campagne et qui empêchent l'instruction de se répandre dans le peuple.
J'appelle l'attention la plus sérieuse de M. le ministre sur ce point : une intervention plus directe, plus active de l'autorité communale est nécessaire et indispensable pour atteindre les résultats que la législation a en vue, mais elle n'est possible à la campagne que lorsque les bourgmestres et échevins connaîtront leur droit et pourront sauvegarder le prestige de leur autorité.
M. Bouvierµ. - Je ne veux pas, dans cette enceinte, préconiser les bienfaits de l'instruction primaire. Sur les bancs de la Chambre il y a unanimité pour mettre à la disposition du gouvernement les sommes nécessaires à son plus large développement. Etendre et propager cette lumière si bienfaisante de l'instruction dans les dernières couches de la société, c'est le triomphe définitif et certain de la force morale sur la force brutale et l'avénement de l'ouvrier honnête et éclairé à la situation la plus élevée à laquelle l'homme puisse aspirer dans une société démocratique bien organisée.
Les crédits que nous allouons pour cette branche si importante des services publics ne sont d'ailleurs qu'un capital prêté aux mains de la nation, qui le lui rend bien par les mille voies du travail plus intelligent, plus habile, travail qui imprime à la matière première le sceau du génie de l'homme.
Mais il ne suffit pas d'étendre, de développer et de propager l'instruction primaire, il faut que l'enfant devenu homme puisse rencontrer partout le moyen de ne pas oublier les bienfaits de l'instruction. Ce que je désire voir, c'est l'institution des cours d'adultes devenir le corollaire de l'enseignement primaire. Nous trouvons sous la main toute une classe d'hommes prête à seconder nos efforts pour ouvrir ces écoles. Ce sont les instituteurs primaires.
Une prime annuelle en argent et aux plus méritants, outre cette prime, une médaille d'encouragement qui serait une médaille d'honneur, récompenserait ce nouveau dévouement à la chose publique.
Ces classes d'adultes ramènent aux premiers exercices de l'enfance ces jeunes gens, hommes faits, aujourd'hui en contact avec les nécessités de la vie, éprouvés par l'expérience qui leur a appris que sans les bienfaits de l'instruction, ils sont condamnés à traîner leur vie dans les derniers rangs de la société et que, sans elle, ils se présentent désarmés dans la bataille de la vie.
Je considère les écoles d'adultes comme l'affirmation la plus complète de l'instruction primaire. Sans ces écoles, ce germe fécond jeté dans les masses reste à l'état inerte, tandis qu'avec elle la vie intellectuelle se répand dans la nation avec le développement des instincts religieux et moraux de l'homme jusqu'au scinde nos villages les plus reculés.
(page 235) Elles relèvent le maître aux yeux de ses concitoyens ; une plus haute estime s’attachera à lui lorsqu'ils le verront non plus en contact avec les enfants, mais avec des hommes faits qui apprennent de lui à devenir plus instruits et, partant, meilleurs.
Aujourd'hui que les mots de lecture et d'écriture sont dans la bouche des hommes politiques pour appeler un plus grand nombre de citoyens à l'exercice de la souveraineté et les associer au mouvement de la vie sociale, aujourd'hui qu'on exige avec raison des lumières plus en rapport avec le droit nouveau et la responsabilité qu'il entraîne avec lui, il faut que l'éducation, commencée dans l'enfance, soit continuée à l'âge viril.
C'est par elle et sous son heureuse influence que le citoyen livré à ses propres aspirations et à son intelligence éclairée prendra pour guides non des hommes qui crieront le plus fort ou qui intrigueront le plus, mais des citoyens qui veulent le progrès dans une juste mesure avec la prospérité croissante de leur patrie.
Comme suite à cet ordre d'idées, qu'il me soit permis d'ajouter quelques mots en faveur des bibliothèques populaires dont l'utilité, l'indispensable nécessité n'est plus une question pour personne.
Cette utile création a pris un grand essor en France sous l'administration de M. Duruy, son énergique et persévérant propagateur.
La création et le développement des bibliothèques populaires sont un besoin de notre époque. Le personnel de nos écoles, chargé de répandre l'instruction pour les enfants comme pour les adultes, est un personnel zélé et capable, tout trouvé et placé sous la main du gouvernement ; la maison d'école ou le bâtiment communal, les locaux naturellement désignés à les recevoir. Mais où recueillir les livres pour les garnir ? D'une part, vous rencontrerez les conseils communaux, les associations particulières, les simples citoyens ; le gouvernement, d'autre part, qui trouverait un emploi bien plus utile en appliquant les crédits que nous lui allouons à ce précieux usage qu'à l'achat de chevaux de race étrangère, à la confection d'instruments aratoires ne servant à personne et à l'achat de semences dont une seule, au dire d'un honorable membre de cette Chambre, dans la séance d’hier, a profité quelque peu au pays.
Voilà les institutions que je voudrais voir propager, et, y donnant votre sollicitude bienveillante et éclairée, vous aurez créé, pour l'avenir du pays, une nouvelle source de bien-être et de richesses.
M. Thibautµ. - Messieurs, à la fin de la dernière session, j'ai critiqué un arrêté du 15 juillet 1865, par lequel M. le ministre de l'intérieur a retiré à la commune de Dinant l'autorisation d'adopter une école primaire libre, établie en cette ville.
Je n'ai rien à ajouter aux observations que j'ai présentées alors, sur le fait allégué à l'appui de l'arrêté.
Quant aux principes, aux véritables motifs qui ont fait agir M. le ministre de l'intérieur en cette circonstance, la discussion en a été ajournée au chapitre de l'instruction primaire du budget.
Selon M. le ministre, toute commune doit avoir des écoles communales ; et aucune commune ne peut être autorisée à adopter une école libre, si ce n'est lorsque le gouvernement reconnaît l'impossibilité matérielle de créer une école communale. En un mot, l'école communale est la règle, toute autre école l'exception.
Voilà le système que je vais combattre en peu de mots.
Je suis profondément convaincu, messieurs, que l'interprétation donnée à la loi de 1842 par M. le ministre de l'intérieur est injustifiable, qu'elle ne s'accorde ni avec le texte de la loi qui est clair, ni avec les discussions qui l'ont précédées, et qu'elle a pour résultat d'établir l'omnipotence du gouvernement sur les ruines de la liberté communale et des garanties dont la loi a voulu l'entourer.
Messieurs, je suis obligé de rappeler ici l'article 17 de la Constitution.
Le paragraphe premier proclame la liberté d'enseignement ; le paragraphe 2 ordonne que l'instruction publique donnée aux frais de l’Etat soit réglée par la loi.
L'instruction primaire est réglée par la loi communale du 30 mars 1836 et par la loi organique du 25 septembre 1842.
Ou bien les principes de M. le ministre en matière d'instruction primaire sont écrits dans la loi, et je demande quels sont les articles qui les contiennent, ou ils ne se trouvent pas dans la loi, et dès lors ils ne peuvent être appliqués qu'au mépris de la loi.
L'article premier de la loi de 1842 est ainsi conçu : « Il y aura dans chaque commune du royaume, au moins une école primaire établie dans un local convenable. »
La loi ne réglant, conformément aux prescriptions constitutionnelles, que l'instruction publique donnée aux frais de l'Etat, Il est clair que l’article premier exige que dans chaque commune il y ait au moins une école primaire, dans laquelle l'instruction soit donnée aux frais de l'Etat et réglée par la loi.
Sur ce point, nous devons être l'accord.
Mais M. le ministre prétend que cette école ne peut être qu'une école communale, sauf les exceptions prévues aux articles 2 et 3, pour des cas spéciaux, dont le gouvernement reste seul juge, aux termes de l'article 4.
Ce n'est pas là, veuillez-le remarquer, messieurs, ce que contient le texte de l'article premier : c'est une interprétation, et je vais démontrer qu'elle ne soutient pas un sérieux examen.
Quelle est l'obligation principale que la loi impose aux communes ? L'article 5 nous l'apprend : « La commune est tenue de procurer gratuitement l'instruction à tous les enfants pauvres dont les parents en font la demande. » Voilà le but essentiel de la loi.
Dans quelle école la commune doit-elle procurer cette instruction gratuite ? L'article 5 répond : « Soit dans son école communale, soit dans celle qui en tient lieu, ou dans toute autre école spécialement désignée à cet effet par elle, en conformité des articles 3 et 4. »
Ainsi la commune a rempli son obligation stricte, quand elle a procuré l'instruction gratuite aux enfants pauvres, par l'un des moyens ou par les moyens spécifiés dans la loi.
Le choix entre ces moyens est laissé aux communes.
Quant au siège des écoles et à leurs conditions matérielles, l'article premier trace deux règles : la première, c'est qu'une école au moins se trouve dans la circonscription territoriale de chaque commune ; la seconde, c'est que le local de cette école soit convenable.
L'article premier ne dit rien de plus, rien de moins. Il ne décide pas quel doit être le caractère spécial de l'école dont toute commune doit être pourvue.
La commune, tenue de procurer l'instruction des enfants pauvres, a par conséquent, le droit de créer des écoles. Nulle part, cependant, ce droit n'est écrit en termes exprès dans la loi. La commune a ce droit, parce que l'un des moyens, et souvent le seul moyen pour elle de remplir son obligation, c'est de créer des écoles.
D'autres moyens sont-ils exclus, ou au moins ne sont-ils admis qu'à titre exceptionnel ou temporaire ? Nullement.
La loi, qui ne dit pas que toute commune doit créer des écoles communales, déclare positivement, à l'article 3, que la commune pourra être autorisée à adopter, dans la localité même, une ou plusieurs écoles pour tenir lieu d'école communale. Elle répète cette déclaration à l'article 5 en permettant à la commune de satisfaire à l’obligation de procurer l'instruction aux enfants pauvres, soit dans son école communale, soit dans celle qui en tient lieu, soit dans toute autre école spécialement désignée à cet effet par elle.
Ces trois espèces d'écoles sont donc placées au même rang, elles n'en font qu'une, si on les considère comme moyens de mettre en pratique le principe fondamental de la loi, c'est-à-dire d'assurer l'instruction gratuite aux enfants pauvres.
L'article premier qui ne s'attache qu'au fait a donc pu et dû parler en termes généraux. Cependant, le législateur a voulu une garantie quant à l'école adoptée et à l'école désignée. Les articles 3 et 4 décident que la commune doit être autorisée à se servir de ces écoles. Doit-elle, pour obtenir l'autorisation, prouver qu'il lui est impossible de créer une école communale ? En aucune manière ; l'exiger, c'est ajouter à la loi, qui demande seulement que ces écoles réunissent les conditions légales.
Les trois espèces d'écoles sont mises partout, dans la loi, sur la même ligne, placées au même rang. Entre elles il n'y a aucune différence, aux yeux du législateur de 1842. L'enseignement doit y être donné aux enfants pauvres aux frais de la commune ; il est réglé dans un programme commun ; il est soumis à la même inspection ; le local doit être convenable.
Que pourrait-on exiger de plus pour établir une assimilation parfaite ?
Je pourrais me borner à cette explication, qui démontre suffisamment qu'on ne peut restreindre le sens naturel des termes de l'article premier de la loi.
Mais je dois insister sur la portée de l'article 3, qui est le cheval de bataille de M. le ministre de l'intérieur. Que dit cet article ? La commune pourra être autorisée à adopter, dans la localité même, une ou plusieurs écoles privées réunissant les conditions légales, pour tenir lieu d'école communale.
Donc la commune a le droit d'adopter une école privée.
Ce droit n'est pas absolu ; l'exercice de ce droit est soumis à une autorisation préalable, mais il n'existe pas moins. La capacité de la commune n'est pas détruite par l'obligation où elle se trouve de demander le consentement de la députation permanente.
(page 236) S'il en était autrement, l'autonomie communale, la liberté communale ne seraient que de vains mots. Tous les actes des conseils communaux sont soumis à l'autorisation préalable ou à l'approbation, choses identiques au fond. En résulte t-il que les conseils communaux sont incapables, en droit, de poser ces actes ?
M. le ministre demandait, en 1862, ce que signifierait l'article 3, si, sous le nom d'école primaire à l'article premier, était comprise aussi l'école adoptée ? Il ajoutait : Pourrait-on dire que la commune qui doit avoir une école, soit communale soit adoptée, a besoin d'une autorisation pour adopter une école privée ?
Mais certainement on pourrait le dire. Est-ce que la commune peut créer une école, même communale, sans autorisation ? Peut-elle nommer librement un instituteur ? Ne faut-il pas qu'il soit ou diplômé ou agréé ? Les intérêts communaux sont réglés par les conseils communaux (article 75, 1. c). Ceux-ci peuvent-ils vendre, acheter, échanger, louer, emprunter, et même faire des dépenses d'entretien sans autorisation ? Non. Vous voyez donc, messieurs, qu'il est absurde de conclure de la nécessité de l'autorisation à l'incapacité de droit.
C'est cependant, messieurs, l'objection capitale qui nous a toujours été opposée. Du besoin de l'autorisation pour adopter une école, on a toujours conclu que l'école adoptée était une exception. Eh bien, que l'on soit logique et que l'on dise : La commune ne peut rien, en principe elle est incapable, car en tout et pour tout, elle a besoin soit d'autorisation, soit d'approbation. Mais alors encore il faudra reconnaître qu'elle n'a pas plus de droit pour créer une école que pour en adopter une, et que, par conséquent, la distinction que l'on veut établir, la restriction que l'on veut introduire dans les termes de l'article premier, manquent de base.
Je passe, messieurs, toutes les objections accessoires, puisées dans la longue discussion qui a précédé l'adoption de la loi. Elles ont été assez souvent réfutées. J'arrive de suite à examiner quel est le devoir du gouvernement. ;
M. le ministre de l'intérieur a prononcé un jour ces paroles qui resteront célèbres : « L'article 4 me donne le droit d'accorder ou de ne pas accorder l'autorisation d'adopter des écoles et celui de retirer les autorisations par arrêté royal.
« En accordant ces autorisations ou en les refusant, j'use d'un droit, et quand j'use d'un droit, je ne dois compte à personne de l'usage de mon droit. »
L'omnipotence gouvernementale est donc clairement proclamée. Sic volo, sic jubeo, sit pro ratione volunias.
Je repousse de toute ma force l'application de cette maxime à notre Belgique que l'on proclame si souvent la nation la plus libre de l'Europe. Non, l'article 4 ne vous donne pas un droit absolu..
D'abord ce n'est pas au gouvernement que la commune demande l'autorisation d'adopter ou de désigner certaines écoles ; c'est à la députation, et la députation doit faire de toute demande, un examen sérieux pour rendre des décisions sensées, justes et conformes à l'esprit de la loi.
Le gouvernement n'est saisi de ces demandes qu'en cas de recours ; et le gouvernement, comme la députation, doit en faire un examen sérieux pour rendre aussi des décisions sensées, justes et conformes à l'esprit de la loi.
Le gouvernement peut retirer les autorisations. Le peut-il arbitrairement ? Non, messieurs. L'article 4 porte : « Il sera constaté annuellement par les soins du gouvernement s'il y a lieu ou non de maintenir l'autorisation... » Donc pour retirer l'autorisation, il faut que des abus existent et qu'ils soient constatés. Il en faut des preuves, et comme le gouvernement est responsable devant les Chambres, il doit, lorsqu'elles l'exigent leur soumettre la valeur de ces preuves.
Est-ce tout ? Non : l'article 26 complète l'article 4.
Que fait l'article 26 ? Il trace les règles que le gouvernement doit suivre pour retirer l'autorisation d'adopter une école privée. Il faut d'abord que le gouvernement ait acquis la preuve que les dispositions légales ont été enfreintes : le gouvernement doit informer l'administration dirigeant l'école des abus qui ont été constatés, abus tels, qu'ils constituent la non-exécution de l'une des conditions essentielles de la loi ; il faut enfin que l'autorité dirigeant l'école se soit refusée à les faire cesser.
Alors et alors seulement, le gouvernement retire les subsides et l'adoption qui y est attachée, par un arrêté royal motivé et inséré au Moniteur.
Voilà, messieurs, les précautions prises par le législateur contre l'arbitraire ministériel, contre l'omnipotence que revendique l'honorable M. Vandenpeereboom.
Je m'arrête ici, messieurs, je n'espère aucun résultat actuel d'une discussion plus prolongée. Pour préparer de cette question une solution conforme aux véritables intérêts de la civilisation et de la liberté, je compte plus sur la puissance des événements que sur de longs discours.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Messieurs, l'honorable M. Lippens a présenté des observations très judicieuses et qui dénotent que l'honorable membre a fait, des matières de l'enseignement, une élude pratique. Il m'est impossible, toutefois, de me prononcer sur les questions soulevées et qui sont, avant tout, des questions d'application et de détails ; mais je tiendrai bonne note des observations présentées par l'honorable député de Gand.
Si j'ai bien compris l'honorable M. Bouvier, il demande deux choses : que l'on favorise l'établissement d'écoles d'adultes et de bibliothèques populaires. Je suis heureux de pouvoir apprendre à l'honorable M. Bouvier que nous sommes parfaitement en communauté d'opinion sur ces deux points ; car son discours est une paraphrase brillante et éloquente, du reste, de la circulaire que Je gouvernement a adressée, il y a plusieurs années, à toutes les communes du royaume.
M. Bouvierµ. - Je ne l'ai pas vue.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Je suis flatté que nous nous soyons rencontrés sur ce terrain.
Du reste, messieurs, je reconnais que même les bonnes choses peuvent parfois encore être améliorées.
Ainsi j'estime qu'il y a beaucoup à faire pour les écoles d'adultes ; il y aura peut-être une organisation générale à décréter. J'avais espéré qu'en laissant cet objet, à l'initiative communale, on arriverait au résultat désiré. Cet espoir ne s'est pas réalisé. Quoi qu'il en soit, le gouvernement est disposé à accorder des subsides aux communes pour la création d'écoles d'adultes, et lorsque l'occasion se présente, il donne volontiers aux bibliothèques populaires les livres dont il peut disposer.
L'honorable M. Thibaut ne s'attend pas, je pense, à ce que je lui réponde ; il ne le désire pas non plus, je suppose. La question qu'il a traitée et qu'il défend avec une persistance remarquable, a été discutée très souvent dans cette enceinte ; la collection «les discours prononcés sur cette question formerait, s'ils étaient réunis, une petite bibliothèque.
Il est inutile d'ouvrir de nouveau ce débat, l'honorable membre ne paraît pas y tenir beaucoup.
M. Thibautµ. - 'ai voulu interrompre la prescription.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Je m'en aperçois, et je me borne à vous donner acte de votre discours qui n'a pour objet que d'interrompre la prescription.
M. Bouvierµ. - Je suis très heureux d'entendre que l'honorable ministre de l'intérieur partage ma manière de voir et atteste, comme il vient de le faire, que nous soyons en communauté d'opinion et de vues sur les différents objets sur lesquels j'ai appelé sa bienveillante attention ; mais je désirerais vivement que l'honorable ministre voulût bien traduire ce beau langage en subsides inscrits au budget et surtout en actes qui sont toujours plus éloquents que le meilleur langage. Dans un budget qui s'élève à plusieurs millions, je ne trouve pas un seul crédit pour l'établissement de bibliothèques populaires, et quant aux écoles d'adultes, je les cherche en vain dans ce vaste budget. Dans mon arrondissement, que je connais cependant assez bien, il n'en existe pas.
Je voudrais donc que M. le ministre de l'intérieur mît en pratique, je le répète, ses bonnes idées et qu'au lieu d'un luxe de crédits exagérés en ce qui concerne l'agriculture, l'élève du cheval croisé et l'achat d'instruments aratoires, etc., etc., inutiles et encombrant nos locaux, qui peuvent servir à une destination bien plus féconde, il n'emploie pas les moyens les plus larges, les plus féconds, pour répandre à grands flots les lumières de l'instruction, en propageant les utiles institutions dont je viens de parler
Les mêmes observations s'adressent à la circulaire à laquelle il vient de faire allusion, et que je regrette de ne pas connaître, mais qui semble rester à l'état de lettre morte tant et aussi longtemps que des crédits n'auront pas été portés au budget pour rendre à ces institutions le mouvement et la vie.
- L'article 94 est adopté.
« Art. 95. Inspection civile de l'enseignement primaire et des établissements qui s'y rattachent. Personnel : fr. 48,200. »
- Adopté.
« Art. 96. Ecoles normales primaires de l'Etat à Lierre et à Nivelles. — Personnel : fr. 63,500. »
- Adopté.
« Art. 97. Traitements de disponibilité pour des (page 237) professeurs des écoles normales de l'Etat ; charge extraordinaire : fr. 5,170. »
- Adopté.
« Art. 98. Dépenses variables de l'inspection, y compris une indemnité spéciale aux inspecteurs cantonaux civils, du chef des conférences et des concours, ainsi que des tournées extraordinaires et frais d'administration. Commission centrale. Enseignement normal des instituteurs et des institutrices ; dépenses diverses. Service annuel ordinaire de l'instruction primaire communale ; subsides aux communes ; constructions, réparations et ameublement de maisons d'école ; encouragements (subsides et achats de livres pour les bibliothèques des conférences d'instituteurs) ; récompenses en argent ou en livres aux instituteurs primaires qui font preuve d'un zèle extraordinaire et d'une grande aptitude dans l'exercice de leurs fonctions ; achat de livres, d'images, etc., à distribuer par les inspecteurs aux élèves les plus méritants des écoles primaires ; subsides aux caisses provinciales de prévoyance ; encouragements aux recueils périodiques concernant l'instruction primaire ; subsides pour la publication d'ouvrages destinés à répandre l'instruction primaire ; secours à d'anciens instituteurs (article 54 du règlement du 10 décembre 1852) ; frais des conférences horticoles des instituteurs primaires ; subsides à des établissements spéciaux ; salles d'asile et écoles d'adultes, etc. : fr. 2,963,172. »
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Messieurs, depuis que mon budget a été examiné en section centrale j'ai reçu les propositions des gouverneurs constatant les besoins probables pour le service ordinaire de l'enseignement primaire durant l'année 1866. Dans une note à l'appui du budget, il était dit qu'un crédit supplémentaire serait demandé pour cet objet. Aujourd'hui que je connais les besoins probables de 1866, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau un amendement afin de pouvoir faire comprendre ces besoins dans le chiffre actuel du budget.
La somme demandée pour le service ordinaire de l'enseignement primaire s'élevait à 2,963,172 francs, il s'agît de l'augmenter de 246,777 fr. et de le porter ainsi à 3,209,949 francs.
Messieurs, cette augmentation s'explique facilement. Il est inutile de la justifier. Elle est nécessitée par l'accroissement du nombre d'écoles qui s'établissent jusque dans les différents hameaux, par l'augmentation de la population et enfin par l'amélioration des traitements des membres du corps enseignant.
C'est là une dépense que la Chambre a toujours votée sans opposition, et je suppose que le crédit que je propose sera accueilli avec la même faveur.
M. Wasseige. - Dans le chiffre total libellé dans cet article se trouve comprise la somme allouée pour indemnités aux inspecteurs cantonaux ecclésiastiques. D'après la proposition de l'honorable ministre, cette somme est majorée de 6,000 fr.
Elle était évidemment trop minime, et l'augmentation proposée est une première réparation dont je remercie l'honorable ministre ; mais je pense qu'elle n'est pas encore suffisante et qu'elle devrait être portée à 8,000 fr.
En effet, messieurs, les inspecteurs cantonaux ecclésiastiques les plus rétribués, ceux de la Flandre orientale, par exemple, ne reçoivent que fr. 7-63 par chaque école qu'ils doivent visiter, quoiqu'ils aient l'obligation de les visiter deux fois par année ; et il en est d'autres qui jusqu'à présent ne touchent qu'une somme réellement illusoire, notamment ceux des diocèses qui se composent de deux provinces.
Dans le diocèse de Malines qui comprend Anvers et le Brabant, chaque Inspecteur cantonal ecclésiastique ne reçoit que fr. 4-49 par école. Dans le diocèse de Liège qui comprend Liège et le Limbourg il ne reçoit que fr. 5-10 et dans le diocèse de Namur, qui comprend les provinces de Luxembourg et de Namur, l'indemnité descend jusqu'au chiffre ridicule de 3 fr. 55 c. par école.
Veuillez remarquer que les distances à parcourir sont beaucoup plus grandes. En effet, si l'on calculait par lieue à parcourir l'indemnité allouée aux inspecteurs du Luxembourg et de Namur, on trouverait qu'elle ne s'élève qu'à 79 centimes par lieue.
C'est-à-dire qu'elle est inférieure à celle que l'arrêté royal du 31 octobre 1854 alloue aux huissiers, messagers et gens de service de septième classe.
Je demande donc à M. le ministre de vouloir bien chercher le moyen de porter, à l'aide de la somme globale sollicitée, l'augmentation qu'il propose à 8,000 fr. et de la distribuer de manière que tous les évêques puissent accorder à leurs inspecteurs ecclésiastiques un minimum de 7 francs par école. Cette base me paraît la plus juste, la plus équitable et le chiffre que j'indique n'est certes pas trop élevé. La visite de chaque école en effet demande autant de soin, presque autant de temps, et il ne serait pas juste que le diocèse de Garni, qui ne comprend que 431 écoles, reçut autant que le diocèse de Namur qui en comprend 929. Ne diminuons personne, mais augmentons ceux qui reçoivent trop peu.
Les inspecteurs cantonaux ecclésiastiques du diocèse de Liège et de Namur qui, d'après ce que nous dit l'honorable ministre pour justifier sa demande de. majoration de crédit, ne reçoivent actuellement que 89 francs pour Namur et. 97 fr. pour Liège, recevraient, si la base que j'indique était adoptée, une somme de 187 fr. environ, et je pense que nous serons tous d'accord pour déclarer que cela n'est pas exagéré.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Ce n'est pas le gouvernement qui fixe les traitements des inspecteurs cantonaux ecclésiastiques : ils ne touchent pas même de traitement, mais de simples indemnités. Le gouvernement met une somme fixe à la disposition des chefs des diocèses, qui la répartissent. Cette somme était primitivement de 5,000 fr. ; lorsqu'on a augmenté, d'une manière générale, les traitements, cette indemnité a été augmentée de 10 p. c. aussi et portée à 5,500 fr.
Mais, par suite d'observations faites, il a été reconnu que le crédit, mis à la disposition des évêques, était insuffisant et j'ai proposé une nouvelle augmentation.
Aujourd'hui M. Wasseige demande qu'on augmente encore ce crédit d'une somme de 2,000 fr. Il motive cette demande sur ce fait qu'il y a des diocèses comprenant deux provinces. Je ne puis, messieurs, me prononcer en ce moment d'une façon positive sur la proposition de l'honorable membre, mais j'examinerai la question soulevée par M. Wasseige ; je l'examinerai avec bienveillance, et si je puis partager sa manière
- L'article 98 est adopté.
« Art. 99. Subsides et encouragements ; souscriptions, voyages et missions littéraires, scientifiques ou archéologiques ; fouilles et travaux dans l'intérêt de l'archéologie nationale ; sociétés littéraires et scientifiques ; dépenses diverses ; secours à des littérateurs ou savants qui sont dans le besoin ou aux familles de littérateurs ou savants décédés ; subsides aux veuves et aux orphelins délaissés par les littérateurs Van Ryswyck, Van Kerckhove, Gaucet, Denis Sotiau et H. Van Peene ; prix quinquennaux fondés par les arrêtés royaux du 1er décembre 1845, du 6 juillet 1851 et du 25 novembre 1859 ; encouragements à la littérature et à l'art dramatique (littéraire et musical) ; publication des Chroniques belges inédites ; rédaction et publication de la table chronologique des chartes, diplômes, lettres patentes et autres actes imprimés, concernant l'histoire de la Belgique ; bureau de paléographie, publications de documents rapportés d'Espagne ; exécution d'une description géographique et historique du royaume de Belgique ; continuation de la publication des actes des anciens états généraux : fr. 112,000.
« Charge extraordinaire : fr. 27,500. »
- Adopté.
« Art. 100. Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique ; subsides extraordinaires k l'Académie royale de Belgique, afin de la mettre à même d'augmenter le chiffre des prix pour les principales questions portées aux programmes de ses concours ; publication des anciens monuments de la littérature flamande et d'une collection des grands écrivains du pays ; publication d'une biographie nationale ; (page 238) publication d'un texte explicatif de la carte géologique de la Belgique : fr. 43,963.
« Charge extraordinaire : fr. 19,200. »
MpVµ. - Le gouvernement propose à cet article une augmentation de 4,037 fr., ce qui porte le chiffre à 48,000 fr.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Le gouvernement a proposé cet amendement afin de pouvoir augmenter la valeur des jetons de présence accordés aux membres de l'Académie des sciences, des lettres et des beaux-arts. Ces jetons de présence ont fixés aujourd'hui à 6 francs ; avec l'augmentation que nous proposons, il serait possible de les porter à 10 francs ; c'est la valeur des jetons de présence accordés à la plupart des membres des grandes commissions et à ceux de l'Académie de médecine. II est juste de donner la même valeur aux jetons de présence des membres de l'Académie royale des sciences, etc.
- L'article 100 est adopté.
« Art. 101. Observatoire royal ; personnel : fr. 18,540. »
- Adopté.
« Art. 102. Observatoire royal ; matériel et acquisitions : fr. 8,060. »
- Adopté.
« Art. 103. Bibliothèque royale ; personnel. Frais de la fusion des trois fonds de la bibliothèque royale et frais de la rédaction du catalogue général : fr. 41.450. »
M. Couvreurµ. - A l'occasion de cet article, je demanderai à M. le ministre de l'intérieur, s'il ne prévoit pas, dans un délai rapproché, la possibilité de pourvoir à une nécessité sentie depuis longtemps : je veux parler de l'agrandissement des locaux de la bibliothèque royale.
MpVµ. - Votre observation s'applique à l'article suivant.
M. Couvreurµ. - Je désire rattacher mon observation à l'article en discussion, parce que je parlerai en même temps d'une augmentation du personnel.
L'insuffisance des locaux de la bibliothèque est constatée depuis longtemps. Elle est si grande, qu'on a été obligé de placer des livres dans deux maisons contiguës jointes au bâtiment principal par un dédale d'escaliers et de corridors. Et même là les volumes sont tellement entassés, que de nouvelles acquisitions seraient désormais complètement inutiles.
Je me demande ce que la bibliothèque pourrait faire des fonds que nous voulons lui allouer à cet effet. Déjà les dernières acquisitions sont empilées, au lieu d'être placées sur des rayons. Il y a impossibilité d'en faire jouir le public.
En outre, le service est difficile, les employés se fatiguent et le public doit attendre.
Et il n'y a pas que les livres qui soient mal logés ; les lecteurs ne sont pas mieux partagés.
La salle de lecture de la bibliothèque est une espèce d'antichambre, insuffisante, même comme espace ; elle était déjà considérée comme provisoire il y a une trentaine d'années ; ce provisoire ne s'est que trop prolongé. Il est temps qu'il cesse.
Dans ces derniers temps, de grandes dépenses ont été faites dans les grandes bibliothèques de France et d'Angleterre ; on y a donné aux lecteurs de l'espace et toutes les facilités pour travailler dans des conditions de recueillement. Ce confort indispensable à l'étude leur fait défaut à Bruxelles.
Mais pour trouver des exemples à suivre, nous n'avons pas besoin de sortir du pays. La bibliothèque de l'université de Liège est très bien installée ; celle de Gand, où cependant on n'avait pas à se plaindre, a été encore notablement améliorée dans ces derniers temps. A Bruxelles, au contraire, les lecteurs n'ont ni espace, ni air. Serrés les uns contre les autres, dérangés constamment par le bruit des entrées et des sorties, exposés à toutes les indiscrétions involontaires de leurs voisins, se gênant mutuellement, c'est à peine s'ils peuvent déployer leurs livres et prendre des notes. Un pareil état de choses n'est pas digne d'une bibliothèque publique.
II existe pourtant un moyen facile d'obvier à ces inconvénients. Ce serait de donner à la bibliothèque royale l'emplacement du musée actuel de l'industrie. On a dit hier que les instruments agricoles déposés dans ce musée ne valaient guère que le fer et le bois dont ils sont construits.
Je me permettrai d'en dire autant de toutes les vieilles mécaniques qui leur tiennent compagnie. L'idée d'un pareil musée a pu être en faveur dans un temps où l'on voulut, quand même, protéger l'industrie et l'élever en serre chaude. Pour moi, je n'ai jamais vu dans le musée de l'industrie qu'une espèce de succursale de la porte de Hal, un musée historique pour les mécaniques mises à la réforme.
Alors que tous les jours les industriels introduisent des modifications à leur outillage, alors que leurs métiers se transforment sans cesse, que l'invention d'aujourd'hui est détrônée par l'invention de demain, une collection d'instruments et de mécaniques industriels est un non-sens. Elle ne se comprend, je le répète, que comme un musée historique.
Mais alors, de petits modèles en bois ou en fer peuvent suffire.
Que M. le ministre vende donc toute cette ferraille et qu'il donne à la Bibliothèque royale les locaux inutilement occupés.
Cette mesure aurait encore pour avantage de mettre la Bibliothèque royale en communication avec celle de l'Académie et d'utiliser le même personnel pour les deux institutions.
Je demanderai encore à l'honorable ministre si le déplacement dont je parle s'effectuant, les salles devenant plus accessibles au public, il ne serait pas possible de les éclairer le soir, afin de prolonger les heures où l'établissement peut être fréquenté par la population laborieuse. Les savants seuls peuvent disposer des heures du milieu de la journée, et encore, tous ne sont-ils pas dans ce cas.
Or, les bibliothèques doivent servir à tous ceux qui veulent apprendre.
Sans doute, cela entraînerait une augmentation de personnel ; mais à cette augmentation, il y aurait un autre bénéfice. On pourrait alors réduire le temps pendant lequel la bibliothèque est fermée. Ses vacances tombent pendant l'époque des voyages, c'est un contre-temps pour les étrangers qui veulent consulter nos collections.
En augmentant le personnel on pourrait limiter les vacances au temps strictement nécessaire pour l'entretien des livres et des bâtiments.
On a parlé tantôt de bibliothèques populaires ; ce n'est pas moi qui, sous ce rapport, irai à rencontre de ce que vous ont dit M. Bouvier et M. le ministre de l'intérieur ; mais je crois qu'en cette matière il faut laisser beaucoup à l'initiative des communes et des particuliers. Commençons par développer ce que nous avons. La Bibliothèque royale est propriété de l'Etat et c'est bien le moins que l'Etat rende ses richesses accessibles, surtout à l'ouvrier avide d'instruction. Les réformes que je propose auront cet effet, et c'est pourquoi je les recommande à l'attention bienveillante de M. le ministre de l'intérieur. .
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Messieurs, l'honorable M. Couvreur a signalé quelques inconvénients résultant de l'installation actuelle de la bibliothèque royale et il a indiqué lui-même le moyen d'y porter remède. C'est en effet celui qui sera, je pense, employé dans un temps assez rapproché. Bientôt une partie des instruments aratoires du musée agricole sera envoyée à Gembloux et le reste sera vendu.
M. Bouvierµ. - Excellente mesure !
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Quant au musée de l'industrie, il reste à voir le parti qu'on en pourra tirer. Il est probable qu'on pourra utiliser un grand nombre des objets qu'il renferme pour l'école industrielle qui sera créée à Bruxelles.
M. Hymans. - Quand ?
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Dès que la ville pourra mettre un local à la disposition du gouvernement.
Quant aux observations de l'honorable M. Couvreur relatives au personnel, j'en tiendrai note.
- Le chiffre de 41,450 fr. est mis aux voix et adopté.
« Art. 104. Bibliothèque royale ; matériel et acquisitions : fr. 33,50. »
- Adopté.
« Art. 105. Musée royal d'histoire naturelle ; personnel : f. 11,495. »
- Adopté.
« Art. 106. Musée royal d'histoire naturelle ; matériel et acquisitions : fr. 7,000. »
- Adopté.
« Art. 107. Subside à l'association des Bollandistes pour la publication des Acta Sanctorum. Charge extraordinaire : fr. 6,000. »
- Adopté.
« Art. 108. Archives du royaume ; personnel : fr. 44,225.
« Charge extraordinaire : fr. 1,800. »
- Adopté.
« Art. 109. Archives du royaume. Matériel ; atelier de reliure pour la restauration des documents : fr. 4,700.
(page 239) « Charge extraordinaire : fr. 3,500. »
- Adopté.
« Art. 110. Archives de l’Etat dans les provinces ; personnel : fr. 28,700. »
MpVµ. - Ici, on propose une augmentation de 900 fr., qui porterait le crédit à 29,600 francs.
- Adopté.
« Art. 111. Frais de publication des Inventaires des archives ; frais de recouvrement de documents provenait des archives, tombés dans des mains privées ; frais d'acquisition ou de copie de documents concernant l'histoire nationale ; dépesdes de matériel des dépôts d'archives dans les provinces ; subsides pour le classement et pour la publication des inventaires des archives appartenant aux provinces, aux communes, aux établissements publics ; dépenses diverses relatives aux archives. Recouvrement d'archives restées au pouvoir du gouvernement autrichien ; frais de classement, de copie et de transport, etc. : fr. 6,800.
« Charge extraordinaire : fr. 10,000. »
M. Kervyn de Lettenhove. - Je désire demander à M. le ministre de l'intérieur s'il s'est occupé de l'installation de nos archives dans un local plus convenable.
Déjà, à une époque assez éloignée, j'ai eu l'honneur de signaler à la Chambre tout le prix qu'il faut attacher à la collection de nos archives nationales et le danger permanent d'incendie, qui les menace.
Je serais heureux d'apprendre que M. le ministre de l'intérieur s'est occupé de cette question qui a des droits assurés à sa sollicitude ainsi qu'à la nôtre.
M. Van Overloopµ. - Je voulais adresser à M. le ministre de l'intérieur la même, question que celle qui vient de lui être faite par l'honorable M. Kervyn. Je puis donc m'en dispenser.
Mais j'ai à soumettre à l'honorable ministre une autre observation qui peut-être aurait mieux trouvé sa place au chapitre de l'instruction primaire.
Il n'est personne dans cette enceinte, messieurs, qui ne comprenne combien il importe de répandre la connaissance de notre histoire nationale : il n'est point d'étude qui contribue plus puissamment à développer le sentiment national. Et, par conséquent, il importe au plus haut point de mettre en œuvre tous les moyens de nature à concourir à ce grand résultat.
L'un de ces moyens consisterait, à donner, à titre de récompense, aux élèves les plus méritants des écoles primaires des ouvrages traitant de l'histoire du pays. Pour rendre ces ouvrages aussi intéressants que possible, il serait utile d'encourager les écrivains qui feraient des résumés donnant à grands traits l'histoire du pays et en détail la monographie de chaque commune. Ce sont des ouvrages de cette nature qu'il conviendrait de donner ensuite à titre de récompense aux élèves de nos écoles communales qui se sont les plus distingués.
Afin, messieurs, de déterminer des écrivains à produire des œuvres de cette nature, il faudrait nécessairement continuer à encourager et encourager énergiquement le dépouillement de nos archives communales.
On pourrait aussi ajouter à ces ouvrages des cartes géographiques indiquant la topographie ancienne et la topographie moderne de chaque commune. De cette façon nous obtiendrions, je pense, un immense résultat au point de vue de la généralisation des connaissances historiques de notre pays.
Il est, messieurs, dans nos archives, M. le ministre de l'intérieur en est mieux instruit que moi, il est une foule de documents encore ignorés et qui sont de nature à jeter un jour tout nouveau sur divers points très importants de notre histoire nationale. Ainsi, je suis informé qu'il paraîtra prochainement un ouvrage, dû à la plume d'un professeur de l'université de Bruxelles, M. Altmeyer, qui est appelé, paraît-il, à jeter un jour immense sur la grande réforme du XVIème siècle et qui fera apprécier tout autrement qu'elles ne l'ont été jusqu'à présent, des individualités qui ont joué un rôle plus ou moins important dans cette vaste révolution.
Je prie donc M. le ministre de l'intérieur de vouloir bien tenir note des observations que je viens de lui présenter très brièvement au sujet des encouragements à donner aux auteurs d'ouvrages historiques, en vue de propager le plus possible la connaissance de notre histoire nationale.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Je comprends parfaitement qu'il serait fort désirable qu'on pût classer les archives de l'Etat dans un autre local que celui qu'elles occupent aujourd'hui. Le gouvernement n« perd pas de vue cet objet. Mais je dois faire remarquer qu'il est beaucoup plus facile de constater l'insuffisante des locaux actuels que de trouver les moyens d'y porter remède.
Le gouvernement a fait déjà quelques recherches, il a fait examiner des projets ; mais jusqu'à présent il ne lui a pas été possible de prendre un parti.
Il est probable que, dans un temps assez rapproché, des bâtiments appartenant à l’Etat deviendront disponibles, et qu'on pourra y trouver quelques locaux convenables pour y placer les archives de l'Etat.
Dans les circonstances actuelles, pour ériger un palais des archives, il serait fort difficile de trouver un emplacement dans la capitale même ; il faudrait donc l'établir à l'extérieur et même à une assez grande distance ; or, ce serait là un inconvénient de nature à faire ajourner une pareille solution de la question. Du reste, je le répète, cette affaire n'a pas été et ne sera pas perdue de vue.
Quant aux observations qu’a présentées l'honorable M. Van Overloop, je ferai remarquer que le gouvernement encourage très volontiers tous les bons ouvrages d'histoire nationale qui se publient dans le pays, mais les ouvrages ne sont distribués en prix aux élèves des écoles primaires, qu'après avoir été soumis à la commission centrale de l'instruction primaire (interruption) et je ne me refuse jamais à soumettre à son examen tous les ouvrages qui me sont envoyés. Ceux qui sont approuvés reçoivent parfois les encouragements du gouvernement ; et celui-ci encourage plus spécialement et plus volontiers les ouvrages traitant de l'histoire nationale.
- Personne ne demandant plus la parole, l'article 111 est adopté.
« Art. 112. Location de la maison servant de succursale au dépôt des archives de l'Etat ; charge extraordinaire : fr. 5,000. »
- Adopté.
(page 263) M. Vander Doncktµ. - Messieurs, à propos de la discussion du budget de la justice, j'ai eu l'honneur d'appeler l'attention du gouvernement et de la Chambre sur l'espèce de conflit qui existe entre le département de l'intérieur et celui de la justice, au sujet des beaux-arts et des encouragements à donner aux jeunes artistes, peintres et sculpteurs, encouragements pour lesquels nous allouons annuellement des sommes très considérables au chapitre XIX du budget de l'intérieur.
A ce propos, j'ai signalé à l'attention du gouvernement la circulaire de MM. de Haussy et Rogier, ministres de la justice et de l'intérieur, du 9 octobre 1849, Moniteur du 12 octobre 1849, tome XXXIX. p. 2992, adressée à MM. les gouverneurs de provinces, à l'appui de cette thèse. Depuis cette époque, l'honorable ministre de la justice a fait droit à la demande de Cruyshautem, par un arrêté royal ; il a autorisé la construction des stalles dans la nouvelle église et approuvé les plans, et je lui en témoigne ici toute ma reconnaissance.
L'honorable ministre de l'intérieur hésite encore : il n'a pas ses apaisements : il n'accorde pas de subsides aux diverses communes et fabriques d'église qui sont en instance pour obtenir des subsides dans l'intérêt des beaux-arts et des jeunes artistes.
En 1849. le budget des beaux-arts ne comprenait pas une somme de 300,000 francs ; aujourd'hui il s'élève à plus de 750,000 francs ; le département de l'intérieur devrait donc être infiniment plus à son aise, en ce moment, pour donner des subsides.
A l'heure qu'il est, il n'y a pas moins de vingt communes qui sont en instance pour obtenir des subsides dans l'intérêt des beaux-arts et des jeunes artistes ; c'est certes bien dans cette intention que la Chambre a voté annuellement ces augmentations successives.
Or, messieurs, vous connaissez l'instruction administrative de ces affaires. La première condition, c'est de soumettre les plans et les devis à la commission des monuments ; la commission examine, et d'ordinaire sa réponse est que le projet est trop simple, qu'il faut lui donner un cachet artistique et monumental.
Dans tous les cas, cela occasionne une augmentation de dépenses : raison de plus qui doit engager le gouvernement à indemniser en quelque sorte les communes en leur accordant un subside sur le chapitre des Beaux-Arts.
Tant que ce conflit dure, les communes qui sont en instance depuis 1863 et depuis 1864, ne voient pas leurs demandes accueillies : le gouvernement s'abstient jusqu'ici de continuer à accorder, comme il le faisait autrefois, des subsides ou des encouragements sur le chapitre des beaux-arts, aux communes ou aux fabriques d'église qui les sollicitent.
Et cependant la circulaire adressée en 1849 aux gouverneurs par les honorables M. de Haussy, ministre de la justice, et M. Rogier, ministre de l'intérieur, avait pour but d'engager les communes et les fabriques d'église à solliciter des subsides. Aujourd'hui on n'accorde rien.
Il est à espérer que ces difficultés seront aplanies, que le conflit cessera, et que M. le ministre de l'intérieur pourra alors donner de nouvelles preuves des dispositions très bienveillantes que nous lui connaissons pour les beaux-arts ; nous espérons qu'il pourra continuer à encourager les beaux-arts, surtout, comme le porte la circulaire, dans les églises, parce que les églises sont des lieux publics où tout le monde peut juger du mérite les œuvres des jeunes artistes. Les encouragements à ces jeunes artistes portent donc d'heureux fruits, alors qu'ils sont donnés avec discernement.
On pourrait me dire qu'il s'agit plutôt de la peinture ; non, messieurs, il ne s'agit pas seulement de la peinture, il s'agit encore de la statuaire ; la circulaire ministérielle de 1849 dit en termes exprès que la statuaire fait partie des objets pour lesquels on engage les communes à demander des subsides.
Messieurs, il s'agit d'établir des stalles d'église dans la commune de Cruyshautem. Ces stalles, telles que le plan en a été présenté à la commission des monuments, ont été trouvées trop simples ; on a consulté des hommes de l'art qui en ont modifié la forme et le plan ; dans ces conditions, un accueil favorable a été fait à la demande par le département de la justice. Cette décision doit faire comprendre à M. le ministre de l'intérieur que le travail modifié était bon.
En ce qui concerne la partie artistique proprement dite, il s'agit de statues en relief ou d'autres ciselures qui exigent un cachet artistique et monumental. C'est à ce point de vue que nous avons demandé pour l'église neuve de Cruyshautem un concours pécuniaire bien léger pour la confection de ce travail qui revêt un cachet plus ou moins artistique.
Le coût total des stalles est de 8,000 francs ; grâce à des souscriptions particulières et aux dernières ressources de la commune de Cruyshautem qui a dépensé au delà de 100,000 fr. pour la construction de la nouvelle église, il ne reste plus à couvrir qu'une somme de 2,000 fr. et c'est la bagatelle de 2,000 fr. que nous demandons à M. le ministre de l'intérieur ; il est impossible que l'honorable ministre ne trouve pas à prélever cette bagatelle sur le budget des beaux-arts.
Messieurs, ainsi que je l'ai dit, il y a une vingtaine d'autres communes qui sont en instance ; je citerai notamment la commune de Xhendelesse, dans la province de Liège, qui sollicite un subside pour l'établissement d'une chaire de vérité. Evidemment, cette chaire de vérité, pour avoir un cachet artistique, doit être entourée de quelques statues ou sculptures.
Je répète, en terminant, qu'il est donc éminemment désirable que le conflit entre les deux départements cesse ; et j'espère qu'on nous accordera ce qu'en bonne justice nous avons droit d'attendre du gouvernement.
« Art. 115. Subsides à de jeunes artistes pour les aider dans leurs études ; encouragements à de jeunes artistes qui ont déjà donné des preuves de mérite ; voyages dans le pays et à l'étranger pour les aider à développer leur talent ; missions dans l'intérêt des arts ; secours à des artistes qui se trouvent dans le besoin ou aux familles d'artistes décédés ; encouragements à la gravure en taille-douce, à la gravure en médailles, aux publications relatives aux beaux-arts ; subsides ; souscriptions ; acquisitions d'œuvres d'un intérêt artistique ou archéologique ; subsides aux sociétés musicales et aux écoles de musique, aux sociétés instituées pour l'encouragement des beaux-arts, aux expositions locales, etc. ; commandes et acquisitions d'œuvres d'artistes vivants ou dont le décès ne remonte pas à plus de dix ans ; subsides aux établissements publics pour aider à la commande ou à l'acquisition d'œuvres d'art, encouragements à la peinture murale, avec le concours des communes et des établissements intéressés ; académies et écoles des beaux-arts autres que l'Académie d'Anvers ; conseil de perfectionnement de l'enseignement des arts du dessin ; encouragements pour la composition musicale, la peinture, la sculpture, l'architecture et la gravure ; pensions des lauréats ; frais relatifs aux grands concours ; dépenses diverses : fr. 294,000.
« Charge extraordinaire : fr. 25,000. »
- Adopté.
« Art. 114. Académie royale d'Anvers : fr. 36,850.
« Charge extraordinaire : fr. 25,000. »
- Adopté.
« Art. 115. Conservatoire royal de musique de Bruxelles. Dotation de l'Etat destinée, avec les subsides de la province de Brabant et de la ville de Bruxelles, à couvrir les dépenses tant du personnel que du matériel : fr. 65,540 47.
(page 240) « Troisième tiers dans les frais d'achèvement de l'orgue du conservatoire ; charge extraordinaire : fr. 14,335. »
- Adopté.
« Art. 116. Conservatoire royale de musique de Liége. Dotation de l'Etat, destinée, avec les subsides de la province et de la ville de Liège, à couvrir les dépenses tant du personnel que du matériel : fr. 40,240. »
- Adopté.
« Art. 117. Musée royal de peinture et de sculpture. Personnel : fr. 12,425. »
- Adapté.
« Art. 118. Musée royal de peinture et de sculpture. Matériel et acquisitions ; frais d'impression et de vente du catalogue : fr. 23,400. »
MpVµ. - M. le ministre de l'intérieur a proposé une augmentation de 16,561 fr. 26 c., comme dépense extraordinaire.
- L'article, ainsi modifié, est adopté.
« Art. 119. Musée royal d'armures et d'antiquités. Personnel : fr. 8,700. »
- Adopté.
« Art. 120. Musée royal d'armures et d'antiquités. Matériel et acquisitions ; frais d'impression et de vente du catalogue ; création d'une section sigillographique : fr. 12,000.
« Charge extraordinaire : fr. 3,000. »
- Adopté.
« Art. 121. Monument de la place des Martyrs ; salaire des gardiens. Frais de surveillance de la colonne du Congrès. Traitement du concierge du palais de la rue Ducale. Frais d'entretien des locaux de ce palais et chauffage des locaux habités par le concierge ; frais de surveillance du musée moderne établi audit palais ; frais de conservation, d'entretien, de chauffage et de mobilier, et frais divers imprévus de ce musée : fr. 14,210. »
- Adopté.
« Art. 122. Monuments à élever aux hommes illustres de la Belgique, avec le concours des villes et des provinces ; médailles à consacrer aux événements mémorables : fr. 10,000.
« Charge extraordinaire : fr. 80,000. »
- Adopté.
« Art. 123. Subsides aux provinces, aux villes et aux communes dont les ressources sont insuffisantes pour la restauration des monuments ; subsides pour la restauration et la conservation d'objets d'art et d'archéologie, appartenant aux administrations publiques, aux églises, etc. ; travaux d'entretien aux propriétés de l'Etat qui ont un intérêt exclusivement historique : fr. 56,000. »
- Adopté.
« Art. 124. Commission royale des arts et monuments. Personnel. Jetons de présence, frais de voyage des membres de la commission, du secrétaire et des dessinateurs ; bibliothèque, mobilier, chauffage, impressions, frais de bureau, achat d'instruments, compte rendu des séances générales, indemnités des sténographes et frais de publication ; frais de route des trois commissaires de l'Académie et des membres correspondants : fr. 24,500. »
MpVµ. - M. le ministre de l'intérieur a proposé de réduire le chiffre de 800 fr., et de modifier comme suit le libellé de l'article :
« Commission royale des arts et monuments. Personnel. Jetons de présence des membres de la commission. Frais de voyage des membres, du secrétaire et de deux dessinateurs. Bibliothèque, mobilier, Chauffage, impressions frais de bureau, achats d'instruments. Compte rendu des séances générales. Indemnités des sténographes et frais de publication. »
- L'article, ainsi modifié, est adopté.
« Art. 125. Rédaction et publication du bulletin de la commission d'art et d'archéologie : fr. 6,000. »
- Adopté.
« Art. 126 (nouveau). Frais de route et de séjour des trois commissaires de l'Académie royale de Belgique, adjoints à la commission royale des arts et des monuments et des membres correspondais de cette commission : fr. 6,000. »
- Adopté.
« Art. 127 (nouveau). Exposition nationale des beaux-arts : fr. 40,000. »
- Adopté.
« Art. 128. Inspection des établissements dangereux, insalubres ou incommodes projetés ou en exploitation ; personnel ; frais de route et de séjour, dépenses diverses et travaux relatifs à cette inspection ; charge extraordinaire : fr. 12,000. »
- Adopté.
« Art. 129. Frais des commissions médicales provinciales ; service sanitaire des ports de mer et des côtes ; subsides en cas d'épidémies ; encouragements à la vaccine ; subsides aux sage-femmes pendant et après leurs études : 1° pour les aider à s'établir ; 2° pour les indemniser des soins de leur art qu'elles donnent aux femmes indigentes ; récompenses pour services rendus pendant les épidémies ; impressions, souscriptions et achat de livres ; dépenses diverses ; prix quinquennal institué par l'arrêté royal du 25 novembre 1859, en faveur des meilleurs ouvrages qui auront été publiés par des auteurs belges, relativement aux sciences médicales : fr. 79,000.
« Charge extraordinaire : fr. 5,000. »
- Adopté.
« Art. 130. Académie royale de médecine : fr. 20,140. »
- Adopté.
« Art. 131. Conseil supérieur d'hygiène publique ; jetons de présence et frais de bureau : fr. 4,2000. »
« Art. 132. Traitement du commissaire du gouvernement près la société concessionnaire des jeux de Spa : fr. 7,000. »
- Adopté.
« Art. 133. Traitements temporaires de disponibilité ; charge extraordinaire : fr. 35,932. »
- Adopté.
« Art. 134. Dépenses imprévues non libellées au budget. Loyer du local qui a servi à l'exposition générale des beaux-arts : fr. 5,900.
« Charge extraordinaire : fr. 7,400. »
- Adopté.
La Chambre décide qu'elle procédera immédiatement au vote définitif du budget.
Les articles modifiés au premier vote sont définitivement adoptés.
Il est procédé au vole par appel nominal sur l'article unique du projet de loi, ainsi conçu :
« Article unique. Le budget du ministère de l'intérieur est fixé, pour l'exercice 1866, à la somme de onze millions huit cent quatre-vingt-quatorze mille vingt-sept francs et quinze centimes (fr. 11,894 027 15 c.), conformément au tableau ci-annexé. »
Voici le résultat du vote :
68 membres répondent à l'appel nominal.
64 votent pour le budget.
2 votent contre.
2 s'abstiennent.
En conséquence, le budget est adopté. Il sera transmis au Sénat.
(page 241) Ont voté l'adoption :
MM. Wasseige, Allard, Bara, Bouvier-Evenepoel, Bricoult, Couvreur, Crombez, David, de Baillet-Latour, de Brouckere, de Conninck, De Fré, de Haerne, de Kerchove, Delcour, de Liedekerke, de Moor, de Rongé, de Ruddere de te Lokeren, de Smedt, de Terbecq, de Theux, de Woelmont, Dumortier, Elias, Frère-Orban, Funck, Grosfils, Jacquemyns, Jamar, M. Jouret, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Lange, Lebeau, Le Hardy de Beaulieu, Lesoinne, Lippens, Magherman, Moncheur, Moreau, Mouton, Muller, N'lis, Nothomb, Orban, Reynaert, Rodenbach, Sabatier, Schollaert, Snoy, Thibaut, Thienpont, Thonissen, T'Serstevens, Valckenaere, Alp. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Hoorde, Van Iseghem, Van Overloop, Vleminckx et Ernest Vandenpeereboom.
Ont voté le rejet :
MM. Delaet et Hayez.
Se sont abstenus :
MM, de Naeyer et Hymans.
M. de Naeyerµ. - Mes motifs d'abstention sont les mêmes que j'ai fait valoir les années précédentes. Il m'est impossible d'appuyer de mon vote le système d'intervention du gouvernement qui est consacré par un grand nombre d'articles du budget. Cependant je dois reconnaître que l'honorable ministre actuel a introduit quelques améliorations qui ne sont pas sans importance, et sous ce rapport je regrette de ne pouvoir voter son budget.
M. Hymans. - J'ai déclaré, l'année dernière, que je m'abstiendrai» de voter le budget de l'intérieur tant qu'on y ferait figurer un subside pour la publication de la Vie des saints. Je m'en réfère à cette déclaration.
Je n'admets pas, alors que d'autres excommunient tout ce qui est œuvre libérale, que les libéraux donnent des subsides aux jésuites pour la glorification de leurs héros.
Pour le reste, je n'ai pas besoin de dire que j'accorderais volontiers mon vote au budget.
- La séance est levée à 5 heures et demie.