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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 17 novembre 1865

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1865-1866)

(Présidence de (M. E. Vandenpeereboom.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 11) M. de Moor, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Thienpont, secrétaire., donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Moorµ présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la Chambre.

« Le sieur Reynaerts, ancien lieutenant, se plaint de la conduite qui a été tenue à son égard avant sa mise à la pension. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des employés pensionnés des contributions et douanes dans le canton de Florenville demandent la révision des lois sur les pensions civiles. »

- Même renvoi.


« Les membres de l'administration communale d'Opitter demandent que le chemin de fer destiné à relier les villes de Hasselt et de Maeseyck passe par Wychmael, Peer et Brée. »

« Même demande des membres des administrations communales de Neerpelt, Excel, Lille-Saint-Hubert, Achel, Overpelt, Hamont, Neerglabbeek, Wynhagen, Meuwen, Beeck, Bocholt, Tongerloo, Gruitrode, Houthalen, Caulille, Molen-Beersel, Reppel, Ellicom, Hechtel, Peer, Grand-Brogel, Gerdingen, Helchteren, Petit-Brogel, Lommel, Wychmael et Kinroy. »

- Même renvoi.

Ordre des travaux de la chambre

MpVµ. - Messieurs, les sections centrales s'occupent de l'examen des budgets ; l'un de ceux-ci est en état d'être discuté, c'est celui de la justice. Je propose à la Chambre de mettre à l'ordre du jour de mardi la discussion du nouveau projet de règlement sur la sténographie et le budget de la justice.

- Cette proposition est adoptée.

Interpellations

M. Dubois d'Aischeµ. - Messieurs, je désire demander à M. le ministre quelques explications à propos de ce qu'a fait le gouvernement pour préserver le pays de la peste bovine.

Après avoir bien examiné ce qui est, après avoir causé avec beaucoup de cultivateurs éclairés, je crois nécessaire de soumettre quelques idées à M. le ministre, j'ai l'espoir qu'elles seront généralement utiles.

D'abord l'insuffisance numérique du personnel des vétérinaires, dont je me plais d'ailleurs à louer le zèle infatigable et intelligent.

Remarquez, messieurs, que dans la province d'Anvers, entre autres, il n'y a que 23 vétérinaires en tout, dont 16 nommés par le gouvernement. U-Ils ont donc un cercle immense à parcourir, ce qui rend leurs relations avec les cultivateurs fort difficiles.

Le fermier est craintif, et avec raison ; il redoute de voir entrer le vétérinaire dans son étable, ne sachant s'il sort on non d'une place infectée par la peste bovine : personne n'ignore que le caractère spécial de ce fléau est la transmission spontanée et facile de son influence fatale ; n’ont-ils pas, messieurs, des raisons très graves de crainte ?

Je voudrais donc voir adjoindre dans chaque comme 1, 2 ou 3 hommes de l'art vétérinaire ; ce serait un moyen certain pour apprécier leur zèle et leur talent et pour eux le moyen d'étudier avec fruit, ce qui regarde leur carrière. Je voudrais que les vétérinaires n'entrassent point dans les écuries, qu'ils en fissent sortir les animaux malades et que, s'il y a lieu, ils les fissent mettre dans un local séparé.

Vous connaissez, messieurs, le fait d'un boucher qui ayant, par ordre de l'autorité, abattu des bêtes, a dû enterrer ses vêtements avec leurs cadavres.

Les vétérinaires ne peuvent évidemment se dépouiller après chaque visite dans une étable frappée de la maladie.

Faut-il abattre toutes les bêtes attaquées de la maladie ? Voilà encore une question grave. Je ne le crois pas ; pourquoi ne ferait-on pas pour les animaux ce qui s'est fait autrefois pour les hommes ? Quand la peste régnait dans nos climats, il y avait des lazarets ; ne pourrait-on faire un local en planches pour y mettre les sujets attaqués et les y faire traiter ? Il me semble que le vrai moyen de connaître la maladie, c'est de l'étudier à fond, de chercher par la science croissante à porter remède au mal, à chercher des préservatifs, car, qui sait si ce fléau ne nous reviendra pas et qui sait jusques à quand il pèsera sur nous ? En Angleterre et en Hollande, pays certes bien compétents, on a suivi ce mode.

Des circulaires importantes ont été envoyées aux bourgmestres pour leur enseigner la manière de faire des déclarations de transport pour les bêtes à cornes. Je reconnais là la sollicitude et la bienveillance du gouvernement ; c'est très bien, mais pas assez pour moi. Il me semble qu'une mesure bien simple serait qu'un vétérinaire désigné se rendît dans les communes à certains jours, à certaines heures, une ou deux fois par semaine ; là on lui présenterait le bétail à livrer et aussi celui qui est à entrer dans la commune ; cela présenterait peu de difficultés, car les transactions en bétail se font en désignant généralement un jour de livraison ; au moins c'est ainsi que cela se passe dans nos campagnes, là le plus grand nombre d'achats se font dans les Campines, ce qui veut dire presque sur les frontières de la Hollande et, par conséquent, très près du foyer d'infection.

La surveillance doit donc être très active et pleine de sollicitude. Dans la plupart des communes les bourgmestres ni les échevins ne sont ni vétérinaires ni même cultivateurs et éprouvent une difficulté extrême à délivrer les certificats ; or, en suivant ma proposition, le vétérinaire donnerait une attestation et le bourgmestre signerait l’exeat sans une aussi grande responsabilité.

Enfin je dirai à M. le ministre combien j'approuve la générosité du gouvernement qui donne les 2/3 de la valeur de l'animal abattu ; mais ne vaudrait-il pas mieux que le gouvernement fît expertiser les bêtes non encore atteintes et qu'il en employât la viande dans les dépôts, les prisons, etc., car que peut faire un fermier qui, ayant une bête atteinte de la maladie, est obligé de vendre son étable ? Il n'en trouve pas le débit, il vend à grande perte et au profit des bouchers.

J'espère que M. le ministre de l'intérieur voudra bien prendre en considération les idées que je viens de lui communiquer ; quelque incomplètes qu'elles soient, elles ont pour but l'utilité générale.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - L'honorable orateur qui vient de s'asseoir m'a demandé quelques renseignements sur la marche et les progrès de la terrible maladie connue sous le nom de peste bovine et désire connaître les mesures qui ont été prises par le gouvernement pour combattre ce fléau.

Messieurs, pour répondre à ces questions, je serais amené à occuper longtemps la Chambre. Je crois pouvoir me contenter, pour le moment, de lui dire que j'ai fait rédiger un travail sur tout ce qui concerne cette question et que j'aurai l'honneur, dans peu de jours, de déposer ce rapport sur le bureau de la Chambre. La Chambre pourra ensuite discuter, examiner, critiquer, ou approuver, comme je l'espère, la conduite du gouvernement.

L'honorable M. Dubois se plaint du nombre restreint des vétérinaires. Je ferai remarquer que ce ne serait pas la faute du gouvernement s'il en était ainsi. Pour être admis à pratiquer la médecine vétérinaire, il faut être muni d'un diplôme et avoir subi un examen. On admet ordinairement à l'école vétérinaire tous les jeunes gens capables qui se présentent, et il est rare qu'on doive, faute de place, en refuser, qui aient pu passer convenablement l'examen d'admission ; les vétérinaires, messieurs, peuvent être divisés en deux catégories : les vétérinaires du gouvernement et les vétérinaires libres. Je crois que l'on ne peut augmenter d'une manière démesurée le nombre des vétérinaires du gouvernement, parce qu'à cette position sont attachés certains avantages et certaines obligations. Il faut que le ressort des vétérinaires du gouvernement ne soit pas trop restreint, car il faut qu'ils puissent se procurer des moyens d'existence en exerçant leur profession.

Du reste, on fixe ordinairement le ressort vétérinaire d'après l'avis des commissions d'agriculture. Quand ces commissions demandent qu'on divise un district, le gouvernement ne s'y refuse pas, d'ordinaire.

L'honorable membre pense que les visites des vétérinaires venant d'étables infectées dans des étables saines, peuvent être une cause de (page 12) propagation de la maladie. Sans doute, mais je dois supposer que les vétérinaires, qui sont des hommes de l'art, qui savent quels sont les dangers, prennent, avant d'entrer dans une étable, toutes les précautions que la science enseigne, afin de ne pas communiquer la maladie à des animaux qu'ils ont la mission de traiter. Je suppose donc que les vétérinaires qui pourraient se croire infectés ont bien soin de se désinfecter avant d'entrer dans une étable.

Du reste, dans certains cas, messieurs, des précautions toutes particulières sont prises ; ainsi des vétérinaires évitent de porter des habits de laine quand ils visitent les étables, pour se vêtir d'habits de toile. Il paraît en effet que la maladie se communique beaucoup plus facilement par la laine que par la toile. D'autres vétérinaires changent d'habits quand ils vont d'une étable dans une autre.

Du reste, messieurs, les observations qui viennent d'être faites attireront l'attention des vétérinaires et j'examinerai, de mon côté, s'il y a quelque chose à faire.

L'honorable M. Dubois est dans l'erreur lorsqu'il pense que le gouvernement exige que les bourgmestres constatent si certaines bêtes à cornes sont atteintes ou non de la peste bovine. Le bourgmestre donne un certificat portant que la maladie n'existe pas dans sa commune, et lorsqu'il y a doute, il appelle le vétérinaire pour constater s'il y a des bêtes malades ; si le vétérinaire répond affirmativement, le bourgmestre refuse le certificat ; si, au contraire, le vétérinaire déclare qu'il n'y a pas de maladie, le bourgmestre peut parfaitement déclarer que la commune n'est pas infectée.

L'interdiction de tenir des foires et des marchés a été une mesure très grave, mais je suis convaincu qu'il était indispensable de la prendre. cette mesure donne évidemment lieu à certaines difficultés et inconvénients de détail et. j'ai cru, au premier moment, que ces inconvénients seraient encore plus grands qu'ils ne l'ont été ; ainsi quant au prix de la viande dont on prophétisait le renchérissement, il est constaté aujourd'hui que les prix n'ont pas augmenté ; du reste, si la mesure a eu quelques inconvénients de détail, je crois pouvoir dire que le grand but que le gouvernement avait en vue a été parfaitement atteint.

Quant aux moyens d'exécution, ils sont bien plus de la compétence de l'autorité communale que de la compétence du pouvoir central ; celui-ci ne peut apprécier, en effet, quel jour on pourra prendre les animaux dans les étables, quel jour on pourra les y ramener.

Enfin, messieurs, l'honorable député d'Anvers me demande s'il ne serait pas possible, lorsque la maladie se manifeste dans une étable, de ne pas abattre immédiatement tout le bétail qui a été en contact avec les bêtes malades. Il pourrait arriver un moment où l'on serait forcé de suivre le conseil que donne l'honorable membre, si le gouvernement, était débordé, comme cela a eu lieu dans d'autres pays ; évidemment on ne pourrait pas faire abattre tout le bétail suspect, mais je crois qu'aussi longtemps qu'il est possible de détruire les foyers d'infection au moyen de quelques sacrifices, il ne faut pas hésiter, car il serait à craindre, si nous voulions guérir au lieu d'abattre, que la maladie ne se propageât en Belgique comme elle s'est propagée malheureusement en Angleterre et en Hollande.

Le gouvernement doit donc continuer à prendre les mesures énergiques qu'il a adoptées et qui ont parfaitement réussi jusqu'à ce jour. Si nia mémoire est fidèle, nous n'avons pas perdu en tout jusqu'ici plus de 400 têtes de bétail, tandis que dans une seule province d'un pays voisin plus de 6,000 bêtes à cornes ont été atteintes de la peste.

Je crois donc que les mesures prises par le gouvernement et qui ont produit de bons résultats doivent continuer à être exécutées, au moins pendant quelque temps encore. Enfin l'honorable membre me demande pourquoi le gouvernement, lorsqu'il fait abattre une bête suspecte, ne paye pas la valeur tout entière de l'animal.

Messieurs, des réclamations dans ce sens ont été adressées au gouvernement ; mais j'ai pensé qu'il n'était pas nécessaire d'y faire droit et voici pourquoi.

Le gouvernement paye d'abord les 2/3 de la valeur de la bête suspecte qu'il fait abattre et en outre il laisse au propriétaire la bête tout entière.

D'après des renseignements pris, le propriétaire se trouve ainsi non seulement indemnité, mais en quelque sorte favorisé d'une prime. Si l'on faisait plus, on risquerait d'avoir cet inconvénient que l'on donnerait un appât à la fraude, et il n'est pas certain pour moi que déjà dans une ou deux circonstances on n'ait fait abattre des bêtes soi-disant suspectes pour avoir les 2/3 de la valeur, plus le droit de vendre la viande.

L'honorable député d'Anvers conseille au gouvernement de se réserver la bête abattue et de faire vendre la viande ; ce conseil n'est ni bon, ni sûr. Le gouvernement ne peut, me semble-t-il, se faire marchand de bestiaux et marchand boucher.

En résumé les mesures prises par le gouvernement ont été bonnes. Ou a obtenu d'excellents résultats. Presque tous les comices agricoles ont félicité le gouvernement de ce qu'il avait fait en cette circonstance.

Maintenant, qu'il y ait des améliorations à introduire, qu'il y ail à perfectionner, c'est possible, et c'est pour ce motif que j'examinerai avec soin les observations présentées par l'honorable membre.

M. Dubois d'Aischeµ. - Je me permettrai de répondre à l'honorable ministre de l'intérieur que mon intention n'est nullement de faire du gouvernement un boucher, et je ferai remarquer que le gouvernement a des agents par lesquels il fait acheter de la viande. Ainsi pour la consommation de l'armée, ce sont des officiers qui achètent la viande. Ce n'est pas à dire pour cela que le gouvernement soit marchand boucher.

Certes il est très généreux de la part du gouvernement de payer les 2/3 de la bêle suspecte abattue et de laisser en outre la viande au propriétaire, mais ce que je constate aussi, c'est que lorsqu'un fermier aura une bête malade et six autres qui seront abattues comme suspectes, il lui sera très difficile de vendre toute cette viande.

Voilà tout ce que je voulais dire, mais je n'ai voulu faire aucune imputation injurieuse au gouvernement.

M. Kervyn de Lettenhove. - Je désire demander à M. le ministre de l'intérieur s'il ne croit pas juste d'établir une distinction entre les bêtes malades qui sont abattues par ordre de l'autorité et les bêtes saines mais suspectes qui sont abattues simplement par mesure préventive.

Lorsqu'un vétérinaire fait abattre du bétail par ce seul motif qu'il se trouve dans une étable suspecte et qu'il y a lieu de craindre le développement de la contagion, il y a là une mesure de précaution prise dans un intérêt public et qui dès lors exige une indemnité entière. Le gouvernement ne saurait faire moins lorsque dans un intérêt général il vient frapper l'intérêt privé, et quant à la crainte de fraude que manifestait tout à l'heure M. le ministre de l'intérieur, je ne puis la partager. Je sais combien est grande la terreur des fermiers de voir l'épizootie se développer chez eux, et certes il ne saurait y avoir pour eux aucun intérêt à obtenir une prime, même plus élevée que la valeur du bétail, lorsqu'on considère la position malheureuse à laquelle ils sont réduits immédiatement après l'abattage. Il leur est défendu d'acheter du bétail, la ferme ne peut plus être engraissée, l'exploitation souffre considérablement, et quel que soit le chiffre de l'indemnité allouée, la perte du bétail entraîne presque toujours la ruine du fermier.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Je répondrai d'abord un mot à M. Dubois. En disant que le gouvernement ne pouvait pas se faire boucher, je n'ai nullement voulu insinuer que le député d'Anvers voudrait nous faire passer pour des hommes de sang ! J'ai, par une plaisanterie, voulu démontrer que ses conseils conduiraient à l'absurde. Je lui ferai observer maintenant qu'il y a une distinction à faire entre l'achat du bétail que fait la manutention militaire pour le service de la troupe et l'achat que ferait le gouvernement' de bétail suspect pour le revendre à son compte. On pourrait se trouver dans le cas de devoir abattre une bête dans la Flandre occidentale, une autre dans la province de Liège, une autre dans la province de Namur. Je demande si le gouvernement pourrait diriger le débit des produits qu'il posséderait dans différentes provinces. Du reste, je n'insiste pas sur ce point.

Un mot de réponse maintenant à M. Kervyn. Je croyais lui avoir répondu par anticipation. L'indemnité qu'on accorde pour les bêtes malades et celle qu'on accorde pour les bêtes suspectes n'est pas la même, puisque dans le premier cas on fait enfouir la bête et que les propriétaires la perdent complètement ; dans le second cas on leur laisse la bête dont ils peuvent tirer profit, et je prie l'honorable membre de remarquer que le produit de la viande équivaut toujours à plus du tiers de la valeur de la bête.

Les hommes pratiques sont d'ailleurs d'accord sur ce point, que lorsqu'il s'agit de faire l'évaluation d'une tête de bétail dont le gouvernement doit payer la valeur, cette tête de bétail est toujours évaluée au grand maximum, sinon au-dessus de sa valeur ; il en résulte que dans la plupart des cas, lorsqu'un éleveur ou distillateur doit faire abattre une bêle suspecte, il reçoit souvent une indemnité plus considérable que la valeur de la bête, et il ne m'est pas démontré, je le répète, que dans certaines circonstances, afin d’obtenir l’indemnité, on n’ait pas fait passer pour suspectes des bêtes qui ne l’étaient pas. Lorsqu’une bête bovine a été en contact avec une bête malade, il y a présomption qu’elle (page 13) deviendra malade à son tour, et dès lors elle n'a plus la même valeur qu'auparavant. Je pense donc que l'indemnité que le gouvernement alloue est suffisante ; du reste, les sinistres ont été très rares, car il n'y a pas eu 100 bêtes suspectes abattues dans tout le pays.

M. Bouvierµ. - Y a-t-il eu des réclamations ?

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Très peu, la société centrale a réclamé, je pense.

M. Kervyn de Lettenhove. - Les renseignements que j'ai pris sur les lieux ne concordent pas avec ceux que vient de nous donner M. le ministre de l'intérieur. J'ai compris que les laboureurs dont les bêtes suspectes ont été abattues n'ont pas reçu une indemnité équivalente à la perte qu'on leur faisait subir. La viande des bêtes suspectes se vend très mal, quoi qu'en dise M. le ministre de l'intérieur. Je ne puis admettre comme une règle générale que l'estimation soit exagérée et que l'indemnité dépasse la valeur de l'animal. D'ailleurs, je puis le répéter, les fermiers subissent une perte considérable qu'accroîtront dans l'avenir les mesures de rigueur qu'il faudra maintenir.

Mais il est encore une autre observation sur laquelle je voudrais appeler l'attention de M. le ministre de l'intérieur, je veux parler des cordons sanitaires qui sont établis afin d'empêcher l'infection de se répandre. Dans l'état actuel des choses, les mesures sanitaires sont prises par circonscriptions territoriales, c'est-à-dire que lorsque à l'extrémité d'un village il se trouve une ferme où l'épizootie se déclare, ce village tout entier se trouve placé dans des conditions qui rendent impossible la circulation du bétail.

Selon moi, il serait plus raisonnable (et ce serait un grand avantage pour la plupart de nos laboureurs) que la circonscription frappée en quelque sorte d'un interdit légal fût prise dans un rayon métrique à partir de l'exploitation agricole où l'épizootie s'est déclarée. C'est une mesure réclamée, je pense, par plusieurs comices agricoles, qui est fondée sur les considérations les plus justes, et j'espère que M. le ministre de l'intérieur aura égard aux démarches faites auprès de lui dans ce but.

M. Van Iseghem. - M. le ministre de l'intérieur vient de nous dire que lorsqu'une bête est seulement suspecte et qu'elle est néanmoins abattue, le propriétaire peut en vendre la viande. Cependant, messieurs, il résulte de renseignements qui m'ont été fournis que, dans trois ou quatre communes des environs d'Ostende où la maladie a sévi, on a forcé des paysans d'enfouir des bêtes qui étaient simplement suspectes et on les a ainsi privés du produit de ces bêtes.

Il me semble, messieurs, que toutes les fois qu'une bête a dû être enfouie et surtout qu'elle était seulement suspecte d'avoir cohabité avec des bêtes malades, il est de toute justice d'indemniser son propriétaire et de lui accorder toute la valeur de la bête sacrifiée et non pas seulement les deux tiers de cette valeur, puisqu'il n'a pu en tirer aucun parti.

J'appelle donc sur ce point toute l'attention bienveillante de M. le ministre de l'intérieur.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Si les faits que vient de signaler l'honorable M. Van Iseghem sont exacts, je dois dire qu'il y a eu excès de zèle ; on a enterré beaucoup trop ; on ne devait pas enfouir des bêtes simplement suspectes et on devait permettre aux propriétaires de vendre la viande de ces bêtes.

Quant au chiffre de l'indemnité à payer pour ces cas spéciaux, c'est une question à examiner ; il faut voir par la faute de qui ces faits se sont produits et si même du procès-verbal d'autopsie il ne résulte pas que les bêtes en question étaient déjà atteintes et ne pouvaient pas être livrées à la consommation.

Encore, un mot de réponse à l'honorable M. Kervyn de Lettenhove au sujet de l'établissement des cordons sanitaires. L'honorable membre pense qu'au lieu d'établir le cordon sanitaire en quelque sorte autour du village tout entier, il vaudrait mieux le placer autour et à une certaine distance du foyer de l'infection. Je crois que l'honorable membre a parfaitement raison. Mais il se présente ici un petit inconvénient ; c'est que cette mesure, qui serait excellente, ne serait pas légale. Les dispositions relatives à cette matière prescrivent que les cordons sanitaires doivent être établis par paroisse. Or, nos communes actuelles ont succédé aux paroisses et, en attendant qu'une loi nouvelle intervienne qui permette d'adopter d'autres règles, le gouvernement doit respecter les lois qui n'ont pas cessé d'être en vigueur et les exécuter avec leurs inconvénients.

- L'incident est clos.


M. Dumortier. - Puisque je vois M. le ministre des travaux publics à son banc, j'aurai l'honneur de lui adresser une interpellation au sujet de l'ouverture et de la mise en exploitation du chemin de fer de la capitale vers Lille, d'Ath à Hal et de Tournai à la frontière française.

Dans la séance du 17 mars dernier, j'ai eu l'honneur de faire une interpellation semblable à M. le ministre des travaux publics. Je lui ai demandé si les contrats qui étaient passés recevraient leur exécution et à quelle époque cette ligne serait ouverte. L'honorable M. Joseph Jouret, qui est administrateur, au nom du gouvernement, des lignes dont il s'agit...

M. J. Jouretµ. - Je vous demande mille pardons.

M. Dumortier. - ... ou commissaire du gouvernement.

M. J. Jouretµ. - Pas davantage ; vous êtes complètement dans l'erreur. Il serait bon de prendre un peu mieux vos informations.

M. Dumortier. ... ou tout au moins un des gros actionnaires. (Interruption.)

L'honorable M. J. Jouret, se substituant à l'honorable ministre que j'interrogeais, est venu dire à la Chambre que la veille il avait assisté à une réunion de MM. les concessionnaires et qu'on y avait résolu que l’ouverture de la ligne aurait lieu dans les premiers jours de juillet qui est écoulé. Je demande pardon à l'honorable membre si je lui ai donné une attribution qu'il n'a peut-être pas, mais enfin il s'est posé ici comme ayant le droit de répondre à l'interpellation que j'adressais à l'honorable ministre des travaux publics.

M. J. Jouretµ. - Pas comme commissaire du gouvernement.

M. Dumortier. - Quoi qu'il en soit, messieurs, la promesse n'a pas été tenue, et il est arrivé, dans cette affaire, ce que dit la chanson : la Trinité se passe et... l'inauguration n'a pas encore eu lieu. Nous avons passé les mois de juillet, d'août, de septembre, d'octobre et nous voici au 17 novembre, sans que rien encore annonce la prochaine ouverture de la ligne.

Cependant, messieurs, il y a bien des années déjà que Tournai a été doté de la concession, spécialement de la ligne de Tournai à la frontière de France jusqu'à Lille. C'est dans le premier semestre de 1861 que la loi a été votée portant concession de ce chemin de fer à MM. Dathys et Decroy. La loi qui autorise cette concession est du 2 juin 1861. Il est bien vrai que des incidents ont eu lieu qui n'ont point permis à cette concession de suivre son cours. Je crois cependant savoir que l'ouverture de la ligne aurait eu lieu à l'époque prescrite s'il n'y avait pas en certaines difficultés internationales. Mais plus tard, on a adjoint à cette ligne la concession du chemin de fer d'Ath à Hal et il a été stipulé que l'ouverture de cette ligne devait avoir lieu au plus tard le 10 novembre 1865.

MtpVSµ. - Voilà donc un retard de 7 jours !

M. Dumortier. - Aussi je prends la confiance de demander à M. le ministre si ce retard, insignifiant jusqu'à présent, ne deviendra pas beaucoup plus considérable.

Maintenant, je sais que la double voie de Tournai à Lille est complètement terminée et que les locomotives y circulent. J'ai même entendu dire que la voie avait été reçue par les ingénieurs de l'Etat depuis près de deux mois.

La voie d'Ath à Hal est également achevée depuis deux mois et des locomotives y circulent et j'ai même entendu dire que 4,000 coupons, sont arrivés depuis une quinzaine de jours pour commencer l'exploitation de cette ligne.

Cette question, messieurs, a pour nous, habitants de Tournai, une grande importance, car la distance que nous avons à parcourir pour nous rendre à Bruxelles ne serait plus que de 2 heures au lieu de 3 1/2 heures et vous comprenez que cela n'est pas peu de chose, surtout pendant la saison d'hiver. Je désirerais donc savoir quand aura lieu l'ouverture de cette ligne. Il est très facile de la faire. On assure, et j'aime à croire que cela est vrai, on assure qu'il entre dans les intentions de M. le ministre des travaux publics qu'elle se fasse.

Je désire donc savoir si nous tarderons encore longtemps à avoir l'ouverture de cette ligne que nous attendons depuis tant d'années, qui est (page 14) terminée et sur laquelle rien n'est plus facile que d'opérer la mise en circulation.

MtpVSµ. - Messieurs, la ligne dont parle l'honorable M. Dumortier se compose de deux sections : la section de Tournai à Lille, dont l'exploitation peut commencer tous les jours, et la section de Hal à Ath, dont l'exploitation peut commencer la semaine prochaine, si l'administration consent à ce qu'elle se fasse sur une seule voie, et dont l'exploitation commencera, dans tous les cas, d'ici à un mois.

Voilà l'état des choses, et comme vient de le rappeler l'honorable membre lui-même, les concessionnaires ne devaient avoir achevé la ligne que le 10 du présent mois. Il n'y a donc pas de retard appréciable.

M. Dumortier. - Je conviens qu'il n'y a pas de retard, quant au terme stipulé dans la convention ; mais M. le ministre des travaux publics reconnaîtra avec moi que lorsqu'une voie est terminée, il y a lieu de l'exploiter ; il le reconnaîtra d'autant plus, qu'il déclare lui-même qu'on peut exploiter dès à présent sur une voie. Eh bien, je demande que la mise en exploitation ait lieu le plus tôt possible.

Je prie M. le ministre des travaux publics de vouloir bien relire l'article 8 de la convention, qui serait peut-être de nature à retarder cette mise en exploitation beaucoup au delà du terme stipulé dans le contrat. On statue à l'article 8 de la convention que le remboursement des obligations commencera à partir du Ier janvier qui suivra la mise en exploitation de la ligne ; et les entrepreneurs, les adjudicataires et les concessionnaires de ce chemin de fer ont un très grand intérêt à ne faire l'ouverture de la ligne qu'après le 1er janvier prochain, puisqu'ils retardent par là d'un an le remboursement des obligations. (Interruption.) Les preneurs d'actions ont sans doute un grand intérêt à ce que le remboursement n'ait lieu qu'un an plus tard.

J'appelle l'attention de M. le ministre des travaux publics sur cet article de la convention ; je le prie de se montrer ferme et résolu, de ne pas céder à des démarches qui seraient faites auprès de lui dans le but d'amener un retard dicté par l'intérêt que j'ai signalé, retard qui serait préjudiciable aux habitants et aux personnes qui veulent se servir de ce chemin de fer.

MtpVSµ. - Messieurs, l'honorable M. Dumortier se trompe complètement sur la situation. Je suis en butte à ce que j'appellerai des persécutions, pour que le gouvernement autorise la société concessionnaire à ouvrir sur une simple voie ? Et pourquoi la société concessionnaire fait-elle cette demande ? Parce qu'elle perd 1,300 francs par jour, du chef de l'ajournement de la mise en exploitation. Si je n'ai pas cédé à cette demande, c'est que la société doit livrer une ligne à deux voies, et que ce n'est que par une infraction au cahier des charges qu'on ouvrirait sur une seule voie...

M. Dumortier. - Vous n'exonérez pas la société de la seconde voie, en l'autorisant à ouvrir dès à présent sur une seule voie.

MtpVSµ. - Si j'ai reculé jusqu'ici devant l'ouverture sur une seule voie, c'est qu'un pareil service n'offre pas toute la sécurité voulue pour le public voyageur. Je crois cependant que je me déciderai à laisser ouvrir sur une seule voie, parce que j'ai la conviction que la livraison de la seconde voie sera faite dans quelques jours ; il est probable que cette livraison se serait fait attendre trop longtemps, si j'avais cédé tout d'abord au désir exprimé par les concessionnaires. Maintenant celle éventualité ne devant pas se produire, j'examinerai la question de savoir si, dès la semaine prochaine, l'exploitation peut avoir lieu sur une seule voie. Mais, encore une fois, les concessionnaires ont un intérêt diamétralement opposé à celui que suppose l'honorable M. Dumortier.

M. Dumortier. - Messieurs, nous avons en Belgique, pendant plus de 15 ans, exploité des lignes sur une seule voie, sans qu'il en résultât d'inconvénients. Il est d'ailleurs à remarquer que la ligne dont il s'agit, celle de Hal à Ath n'est pas très longue. Rien n'est plus facile que de la mettre en exploitation immédiatement ; cela est d'autant plus désirable que nous entrons dans la saison rigoureuse. Il n'est sans doute pas indifférent aux personnes qui doivent se servir de ce chemin de fer, d'avoir un parcours beaucoup moindre comparé à celui qu'elles ont à faire maintenant.

- L'incident est clos/

Composition des bureaux des sections

Première section

Président : M. Couvreur

Vice-président : M. Orban

Secrétaire : M. T’Serstevens

Rapporteur de pétitions : M. Vander Donckt


Deuxième section

Président : M. de Baillet-Latour

Vice-président : M. Laubry

Secrétaire : M. Dewandre

Rapporteur de pétitions : M. Bouvier-Evenepoel


Troisième section

Président : M. Jacquemyns

Vice-président : M. Allard

Secrétaire : M. Magherman

Rapporteur de pétitions : M. Van Humbeeck


Quatrième section

Président : M. le Hardy de Beaulieu

Vice-président : M. Carlier

Secrétaire : M. Dupont

Rapporteur de pétitions : M. Elias


Cinquième section

Président : M. Kervyn de Lettenhove

Vice-président : M. Thienpont

Secrétaire : M. de Woelmont

Rapporteur de pétitions : M. de Muelenaere


Sixième section

Président : M. d’Hane-Steenhuyse

Vice-président : M. Hayez

Secrétaire : M. de Conninck

Rapporteur de pétitions : M. Van Wambeke

Composition de la commission permanente de comptabilité

MpVµ. - Les sections ont composé ainsi qu'il suit la commission de comptabilité : MM. de Kerchove. Jamar. Valckenaere. Rodenbach. Vleminckx. Notelteirs.

Rapports sur des pétitions

M. Vleminckx, rapporteurµ. - Le sieur Paquet (Charles-François), instituteur retraité à Neufchâteau, demande une augmentation de pension ou un secours.

Il appuie sa demande sur ce que les modifications apportées au règlement organique de la caisse de prévoyance des instituteurs primaires lui ont fait subir une diminution de plus de 188 francs dans ses droits à la pension.

Le règlement primitif portait que chaque instituteur aurait dix fois la moyenne des prélèvements faits sur son traitement. Or ce prélèvement avait été de 520 francs pour trois périodes, jusqu'en 1852.

A cette dernière data on a fait une diminution de 1/5 pour la première période, de 2/5 pour la seconde et de 3/5 pour la troisième, et cette diminution a réduit le montant du prélèvement de 520 francs à 354 francs.

Le pétitionnaire expose que sa famille et lui sont dans l'indigence et supplie qu'on lui accorde une augmentation de pension ou un subside.

Le règlement des pensions s'effectuant d'après des dispositions organiques, dont il n'est pas permis de dévier, la commission des pétitions estime que si, comme elle doit le croire, la pension du sieur Paquet a été réglée d'après ces dispositions, il n'y a pas lieu d'accueillir favorablement cette partie de sa demande ; mais qu'eu égard à l'état de gêne de ce vieillard, qui a sacrifié 23 années de sa vie à l'instruction primaire, il était convenable de le recommander à la bienveillance de M. le ministre de l'intérieur.

En conséquence, la commission a l'honneur de vous proposer de renvoyer sa pétition au ministre de ce département.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. Vleminckx, rapporteurµ. - Le sieur Cornu, Français, condamné pour vagabondage et renvoyé de Belgique, où néanmoins il est rentré, après avoir été conduit à la frontière, demande de pouvoir prolonger son séjour dans le pays.

II n'a pas paru à la commission que la Chambre eût pour mission d'intervenir dans ces sortes d'affaires, et elle vous propose en conséquence, de passer à l'ordre du jour sur la demande du sieur Cornu.

M. Coomans. - Je me rallie certainement aux conclusions de l'honorable rapporteur. Mais je n admets pas avec lui que la Chambre n'ait pas à intervenir dans ces sortes d'affaires. Dans celle-ci, soit. Mais il peut se présenter des cas où nous aurons à intervenir, et telle est bien fa pensée de la Chambre, puisque le gouvernement doit rendre compte de la manière dont la loi sur les expulsions est appliquée.

(page 15) J'adhère donc aux conclusions de la commission pour ce cas spécial, mais sous la réserve très expresse que j'ai eu l'honneur de formuler.

M. Vleminckxµ. - C'est bien dans le sens des paroles que vient de prononcer l'honorable M. Coomans que la commission a conclu. Elle n'a pas entendu dire que, dans aucun cas, la Chambre n'a à intervenir dans les expulsions qui seraient faites ; mais elle a entendu formuler un avis pour des cas semblables à ceux dont elle vient de vous rendre compte.

M. Coomans. - Pour ce cas-ci simplement.

M. Pirmezµ. - La Chambre peut intervenir pour interpeller un ministre lorsqu'il a ordonné une expulsion, pour lui demander compte de l'acte qu'il a posé. Mais c'est seulement en cela que la Chambre peut intervenir. Evidemment la Chambre n'a pas à intervenir pour dicter au ministre la conduite qu'il a à tenir. Donc dans ce cas-ci et pour les pétitions de même nature qui pourraient nous arriver, la Chambre ne peut que passer à l'ordre du jour, sauf à interpeller ultérieurement le ministre, lorsqu'il aura statué.

- Les conclusions de la commission sont adoptées.


M. Vleminckx, rapporteurµ. - Des cultivateurs à Leerbeek, au nombre de 18, demandent qu'on leur accorde un délai de 24 heures, depuis l'arrivée de l'avis chez le destinataire, pour enlever la marchandise expédiée à Hal, par le chemin de fer de l'Etat.

Ils fondent leur demande sur l'arrivée trop tardive de l'avis, d'une part, et de l'autre sur le peu de temps qui leur est laissé, à partir de la réception de cet avis, pour l'enlèvement de la marchandise.

Le gouvernement ne peut avoir en vue que de favoriser dans la limite de ses moyens le commerce et l'industrie ; la commission ne doute donc pas un seul instant qu'il ne s'empresse de faire droit aux réclamations des cultivateurs de Leerbeek, si, comme tout semble l'indiquer, elles sont trouvées légitimes. Elle vous propose en conséquence d'envoyer leur demande à M. le ministre des travaux publics.

- Les conclusions sont adoptées.

Projet de loi portant le budget des dotations de l’exercice 1866

Rapport de la section centrale

M. T’Serstevensµ. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la sec-lion centrale qui a examiné le budget des dotations.

- Ce rapport sera imprimé, distribué et mis à la suite de l'ordre du jour.

Rapports sur des pétitions

M. Delaet, rapporteurµ. - Par pétition datée de Meysse, le 19 avril 1865, le sieur Vande Zande, secrétaire communal à Meysse, demande une loi qui fixe le minimum de traitement des secrétaires communaux.

Même demande des secrétaires communaux de Hersselt, Caprycke, Oombergen, AerlseIaer, Orp le Grand, Dilbeek, Itterbeek, Puers, Heyd, Gits, Lichtervelde, Aygem, Heldergem, Maldeghem, Mariekerke, Hulste, Argenteau, Houthem, lsenberghe, Velm, Burght, Baesrode, Oostwinkel, Haesdonck, Moerzeke, Zarren, Segelsem, Ardoye, Zomerghem, Saint-André, Wulveringhem, Cruybeke, Exaerde, Puissant, Lendelede, Dacknam, Seneffe, Roux, Vitrival, Zwyndrecht, Cuorne, Pipaix, Braffe, Morlanwelz, Aerseele, Cruyshautem, Nazareth.

La commission conclut au renvoi de ces pétitions à M. le ministre de l'intérieur. Comme cette matière a déjà été produite devant la Chambre et a fait l'objet de rapports spéciaux, je crois inutile d'insister.

- Les conclusions sont adoptées.


M. Funck, rapporteurµ. - Le sieur Dehouwer se plaint de ce que son fils Louis-Joseph, âgé de 17 ans et 4 mois, soit parti sans son consentement pour s'engager dans le corps mexicain. Il affirme qu'il s'est opposé à ce départ verbalement et par écrit au bureau des recruteurs, et auprès du commandant de la légion belge mexicaine ; il ajoute que ses démarches sont restées sans résultat. Il prie la Chambre de donner des ordres pour que son fils lui soit rendu.

Votre commission des pétitions, ne se trouvant pas en mesure de vérifier les faits allégués, vous propose de renvoyer la réclamation du sieur Dehouwer à M. le ministre des affaires étrangères.

- Adopté.


M. Funck, rapporteurµ. - Par pétition datée de Moerbeke, le 24 avril 1865, le sieur Elbode, préposé des douanes, à Moerbeke, demande une récompense du gouvernement.

Conclusions ; Ordre du jour.

- Adopté.


M. Funck, rapporteurµ. - Par pétition datée d'Enghien, le 25 avril 1865, des habitants d'Enghien demandent une modification dans le mode de liquidation des droits d'enregistrement et de succession.

Conclusions : Renvoi à M. le ministre des finances.

- Adopté.


M. Funck, rapporteurµ. - Par pétition datée de Haut-Ittre, le 22 avril 1865, le conseil communal de Haut-Ittre prie la Chambre d'accorder aux sieurs Lemmen et Moucheron la concession d'un chemin de fer direct de Bruxelles à Mariemont par Arquennes et à Charleroi par Nivelles et Haut-Ittre.

Même demande des conseils communaux d'Ittre, Feluy, Wauthier-Braine et d'habitants d'Ittre.

Conclusions : Renvoi à M. le ministre des travaux publics.

- Adopté.


M. Vleminckx, rapporteurµ. - Messieurs, des demandes imprimées, non datées, revêtues de plusieurs signatures venues on ne sait d'où, vous sont adressées pour obtenir la révision de la loi sur les conseils de prud'hommes.

La commission des pétitions n'a pas pensé qu'elle dût s'occuper de semblables demandes qui doivent être considérées comme anonymes.

C'est manquer d'ailleurs de respect envers la Chambre que de lui transmettre des pétitions dans la forme que nous venons d'avoir l'honneur de vous indiquer.

Mue par ces considérations, la commission vous propose de passer à l'ordre du jour.

- Adopté.


M. Vleminckx, rapporteurµ. - Le sieur Albert, brigadier des douanes, demande une récompense pour la part qu'il a prise aux combats de la révolution.

Déjà dans la séance du 27 janvier 1864, la Chambre, sur la proposition de la commission des pétitions, a passé à l'ordre du jour sur une semblable pétition du sieur Albert.

Le document nouveau qu'il joint à sa pétition dont nous venons de vous présenter l'analyse et qui consiste purement et simplement dans la déclaration du commandant des chasseurs volontaires wallons, que le pétitionnaire a montré du zèle et de l'activité dans le service, n'est pas, aux yeux de la commission, de nature à devoir modifier l'opinion que vous avez émise précédemment.

Nous vous proposons en conséquence de passer à l'ordre du jour.

- Adopté.


M. Vleminckx, rapporteurµ. - Le sieur Lenaert, demeurant à Etterbeek, militaire pensionné, demande un emploi.

Il expose qu'il est entré au service en 1828, et qu'il a été blessé à Berchem en 1830, servant dans l'armée de volontaires belges ; et qu'il a obtenu, en janvier dernier, une pension de 250 fr., et que cette pension est insuffisante pour lui et sa famille ; qu'arrivé à l'âge de 56 ans, il lui est impossible de continuer à travailler pour subvenir à ses besoins.

L'intervention de la Chambre dans ces sortes de demandes ne nous a pas paru devoir être sollicitée, du moins dans le plus grand nombre des cas ; toutefois le pétitionnaire étant un blessé et l'un des combattants qui ont assuré notre indépendance, la commission vous propose de renvoyer sa pétition à M. le ministre de l'intérieur.

- Adopté.


M. Vleminckx, rapporteurµ. - Le sieur Willems, de Maldeghem, demande que son neveu Jean François Deros, de Waterland-Oudemans, milicien de la levée de 1865, incorporé au 2ème de chasseurs à pied, reçoive une exemption de service.

Le pétitionnaire fait observer que ce milicien est l'aîné de quatre enfants de veuve et qu'il est le seul soutien de sa famille. Il ajoute que des documents constatant cette position ont été transmis en temps voulu au conseil de milice de son canton, qui paraît n'en avoir tenu aucun compte.

La Chambre n'a pas à intervenir dans cette sorte d'affaire. Le conseil de milice ayant rejeté (il faut le croire) la demande de Deros, ce dernier avait le droit d'en appeler à la députation permanente du conseil de sa province. S'il ne l'a pas fait, il ne doit s'en prendre qu'à lui-même de l'exécution de la décision du conseil de milice.

La commission des pétitions vous eût, par conséquent, proposé de passer à l'ordre du jour sur la réclamation du sieur Willems, si elle n'avait pensé qu'il y aura peut-être moyen d'améliorer la position de la famille Deros par envoi en congé temporaire de son unique soutien.

Elle vous propose, par conséquent, par mon organe, de faire parvenir cette réclamation à M. le ministre de la guerre.

- Adopté.


M. Vleminckx, rapporteurµ. - Les sergents Coutenar, Dekeyser, Sar, Thonus, Tscharner, Peulemans, Burggrave, du 4ème de ligne, les caporaux Lefevre, Goeveneghel et Lemmens, et le tambour Coone, du même régiment, le sergent Leus du 8ème régiment de ligne, le caporal Loyet, du 9èle, le clairon Moons, de la compagnie d'ouvriers, demandent l'intervention de la Chambre, à l'effet d'obtenir l'autorisation de s'enrôler dans le régiment Impératrice Charlotte.

Tous désirent aller venger leurs frères d'armes tombés glorieusement à Tacambaro,

(page 16) La commission des pétitions comprend les sentiments qui animent ces soldats, mais ce n'est pas à la Chambre qu'ils auraient dû s'adresser ; la Chambre n'a ni à solliciter ni à accorder les autorisations qui lui sont demandées.

Nous avons, en conséquence, l'honneur de vous proposer de déposer toutes ces pétitions au bureau des renseignements.

M. Bouvierµ. - A l'occasion de la pétition dont on vient de vous donner lecture, je demanderai à M. le ministre des affaires étrangères s'il a obtenu des renseignements sur les militaires prisonniers au Mexique, si l'échange de ces prisonniers a été effectué ou s'il est sur le point de s'accomplir.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Le département des affaires étrangères a reçu la liste de tous les Belges qui servent au Mexique et qui ont été faits prisonniers, et j'ai soin de tenir les familles au courant des nouvelles que j'en reçois. J'en ai pu rassurer un très grand nombre sur la situation de leurs enfants.

En ce qui concerne l'échange des prisonniers, des démarches incessantes ont été faites pour obtenir que cet échange eût lieu ; à plusieurs reprises, nous avons cru qu'il allait s'effectuer. Mais en dernier lieu, un des Mexicains prisonniers, un général, qui devait jouer un grand rôle dans cet échange, s'est échappé et dès lors le gouvernement mexicain n'a plus eu entre les mains un moyen d'échange considérable.

J'ajoute que le rôle du gouvernement belge, guidé par des sentiments tout naturels de sympathie pour les compatriotes qui servent au Mexique, est cependant tout officieux. Nous n'avons rien à prescrire au gouvernement mexicain. Je n'ai cessé de recommander à notre ministre à Mexico de faire toutes les démarches qui sont en son pouvoir pour obtenir le résultat que nous désirons tous. Je saisis cette occasion de rendre publiquement hommage au zèle de cet agent. Chaque correspondance que je reçois de lui témoigne en sa faveur. Il a fait preuve de beaucoup de dévouement, et il montre, pour les Belges qui sont au Mexique, des sentiments qui sont appréciés par chacun d'eux.

J'ai pu publier par la voie du Moniteur les noms des Belges tués, et l'on aura remarqué avec satisfaction que le nombre n'en est pas considérable.

Je suis d'ailleurs à la disposition de toutes les familles aussi bien pour les nouvelles que je reçois que pour tous les renseignements qu'elles auraient à prendre au Mexique.

M. Coomans. - Je ne doute pas que le gouvernement n'ait désiré très vivement la libération de nos malheureux compatriotes au Mexique. Il devait naturellement ressentir ce désir, il le devait surtout, afin de réparer autant que possible l'énorme faute à laquelle il a prêté les mains.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - C'est votre opinion.

M. Coomans. - C'est mon opinion, et je me plais à constater que c'est l'opinion de beaucoup d'autres.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Ce n'est pas l'opinion de la Chambre.

M. Coomans. - Vous n'en savez rien. Dans tous les cas, ce n'est pas l'épithète de malheureux que j'aurais à retirer, nos compatriotes sont évidemment très malheureux sur les bords de l'océan Pacifique.

Mais, messieurs, cet espoir que je nourrissais moi-même naguère s'évanouit d'heure en heure ; surtout, je regrette profondément d'avoir à le dire, après l'affligeant décret de l'empereur Maximilien, qui ordonne de fusiller tous les prisonniers juaristes. Si je suis bien informé, les chefs juaristes ont fait avertir le gouvernement de l'empereur que si l'on exécutait ce décret, ils s'en vengeraient sur les prisonniers belges. Puisque nous sommes en si bonnes relations avec le gouvernement de Maximilien, j'engage M. le ministre des affaires étrangères à lui donner non pas un ordre, mais un conseil, celui de retirer ce décret. Après tout, les juaristes n'auraient-ils pas le droit de prétendre qu'il leur sied mieux de se battre au Mexique, eux Mexicains, qu'aux Belges, qui n'ont rien à voir dans les affaires de ce pays ? Je crains fort que si les représailles sont exercées avec les mœurs qui fleurissent là-bas et qui ne nous inspirent que trop de défiance, je crains fort que si le décret de Maximilien est exécuté il ne soit suivi de représailles qui porteront en premier lieu sur nos compatriotes.

D'ailleurs, messieurs, il m'est impossible de ne pas reconnaître que cet emprisonnement de nos compatriotes se prolonge au delà de toute mesure. Il paraît qu'on a mis à leur libération des conditions que le gouvernement de Maximilien n'a pas voulu accepter, et je regrette beaucoup qu'on ait cru devoir marchander au sujet de la vie de nos compatriotes, surtout alors qu'on fait de si grands efforts pour en attirer un plus grand nombre au Mexique.

Messieurs, des militaires belges viennent nous demander, à nous, l'autorisation d'ailer venger les Belges tués ou faits prisonniers à Tacambaro. Le rapport a bien raison de dire que nous n'avons pas à intervenir dans cette affaire. Quant à moi, cette autorisation je ne l'accorderai jamais ; d'abord je n'admettrai jamais que nous avons à venger quoi que ce soit au Mexique ; je n'admettrai pas davantage qu'il soit plus honorable d'aller servir l'empereur Maximilien au Mexique que de servir loyalement le Roi Léopold en Belgique.

Je demande formellement que M. le ministre de la guerre, qui lira mes observations dans les Annales parlementaires, veuille bien faire insérer dans la feuille officielle les noms et les régiments et bataillons de tous les militaires belges qui ont déserté depuis le 1er janvier 1865. Ce sera un document fort intéressant. Les personnes qui croiront que ces militaires ont obéi à un sentiment d'honneur et de patriotisme, à des devoirs glorieux, ces personnes pourront s'en réjouir dans la mesure des nombres indiqués par le Moniteur ; les personnes, au contraire, qui pensent que toute espèce de désertion est un mauvais acte, et je suis de ce nombre, je né trouve pas que ces désertions soient glorieuses, ces personnes connaîtraient aussi les noms des Belges qui ont abandonné leurs drapeaux et chacun sera édifié. Je demande formellement que les noms de tous les déserteurs belles, avec les indications minutieuses que je réclame, figurent dans l'un des plus prochains numéros du Moniteur. J'espère que le gouvernement ne refusera pas ces renseignements sous le régime de publicité et de responsabilité qui existe ou qui devrait exister en Belgique.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Il m'est impossible de partager les sentiments de l'honorable orateur, en ce qui concerne d'abord le gouvernement mexicain et en ce qui concerne la conduite des Belges qui se sont rendus au Mexique. Il ne trouve qu'à blâmer dans tout ce qui s'est fait. Il vient même de jeter un blâme sur quelques jeunes sous-officiers qui, obéissant à un noble sentiment que nous devons tous partager, ont demandé au gouvernement et à la Chambre l'autorisation d'aller au Mexique pour venger leurs frères. Eh, messieurs, n'est-il pas naturel qu'au sein de l'armée, ceux de nos compatriotes qui sont morts glorieusement au Mexique trouvent de vives sympathies chez leurs amis et leurs camarades et que le premier mouvement de ceux-ci ait été de dire : Nous voulons aller venger la mort de nos camarades ! C'est un sentiment naturel à tout homme et qui s'explique surtout chez de jeunes soldats.

Quant à moi, je ne puis qu'approuver ces sous-officiers et je déclara qu'ils ont toutes mes sympathies.

M. Coomans. - Alors il faut leur donner l'autorisation qu'ils demandent.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - C'est autre chose. Vous savez bien qu'il n'a pas été accordé de semblables autorisations et, en dépit de ce qui a été dit par des journaux que l'honorable membre connaît sans doute, il n'y a plus eu d'enrôlements autorisés par le gouvernement.

M. Coomans. - Depuis quand ?

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Depuis les déclarations que le gouvernement a faites à la Chambre.

Mais qu'arrive-t-il ? Lorsque le gouvernement n'autorise pas les sous-officiers et soldats à partir, il en est qui quittent leurs régiments. C'est une conséquence fâcheuse du refus d'autorisation, mais c'est un fait que nous sommes bien forcés de constater ; lorsque l'autorisation n'est pas donnée, des jeunes gens prennent le parti de déserter. Quant à publier leurs noms, je ne sais pas quel est ce luxe de peine que l'honorable membre veut leur infliger. Je ne pense pas que M. le ministre de la guerre soit disposé à se rendre à l'invitation de l'honorable M. Coomans.

Messieurs, j'ai entendu avec peine les craintes que manifeste l'honorable M. Coomans, à l'égard de la situation de nos prisonniers depuis la publication du décret de l'empereur Maximilien contre les partisans juaristes. Je ne veux pas dire que le discours de l'honorable M. Coomans soit un plaidoyer en faveur du gouvernement juariste et une justification des mesures de représailles qu'il pourrait prendre vis-à-vis de nos compatriotes ; j'ai confiance dans l'humanité de l'un et l'autre gouvernement.

D'après les nouvelles qui nous viennent des prisonniers, ils ne se (page 17) plaignent pas de leur situation. Ils ont perdu leur liberté, mais ils ne sont pas soumis à de mauvais traitements de la part des juaristes. Messieurs, je ne crois pas à ces rigueurs dont l'honorable M. Coomans menace nos prisonniers et j'ai confiance aussi dans les sentiments de sympathie que l'impératrice du Mexique, la fille de notre Roi, porte à nos compatriotes, qui se sont rendus au Mexique surtout pour servir auprès d'elle.

Ces discussions, messieurs, qu'on soulève à propos du Mexique ont un côté pénible. Je croyais que dans la session actuelle nous n'aurions plus à nous en occuper. Les faits sont accomplis. Les déclarations du gouvernement ont été exécutées ; aucun nouvel enrôlement n'est encouragé par le gouvernement, aucune permission n'est donnée à des officiers, sous-officiers ou soldats d'aller encore servir au Mexique. Voilà des points sur lesquels, je pense, la majorité de la Chambre doit se déclarer satisfaite. Quant au sort des Belges qui se sont rendus au Mexique, ceux qui ont pris cette résolution courageuse, savaient quel sort pouvait leur être préparé, lis allaient courir les chances de la guerre dans un pays lointain et peu civilisé ; ils allaient combattre des armées qui n'ont pas les habitudes de discipline de nos armées continentales.

Eh bien, messieurs, ce sont ces circonstances qui, à mon avis, relevaient encore la conduite de ceux qui s'expatriaient pour le Mexique, mus par des sentiments honorables, je le soutiens. Mais, de leur assurer que dans de pareilles circonstances, aller au Mexique, c'était faire une simple promenade de pur agrément, je ne pense pas, messieurs, que personne ait donné de pareilles idées à nos jeunes gens ; ils savaient à quoi ils s'engageaient ; ils connaissaient les dangers qui leur étaient réservés. Ils savaient que le sort des combats pouvait tourner contre eux, qu'ils pouvaient perdre la vie ou la liberté.

La fortune a voulu que peu d'entre eux aient succombé jusqu'ici ; le sort a voulu aussi qu'un assez grand nombre soient tombés dans les mains de l'ennemi et soient aujourd'hui privés de leur liberté.

Dans l'état actuel des choses, ils ne se plaignent pas de la manière dont ils sont traités.

J'espère que ce traitement leur sera continué. Je n'ai pas les craintes horribles qu'exprime l'honorable M. Coomans, et je ne vois pas surtout l'utilité qu'il y a à les exprimer dans cette enceinte.

Je ne sais quel résultat l'honorable membre peut attendre de la déclaration qu'il vient de faire.

M. Coomans. - Je vais vous le dire ; je demande la parole.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Quant à moi, j'ai confiance, je le répète, dans l'humanité du gouvernement de l'empereur Maximilien comme dans l'humanité du gouvernement juariste.

M. Coomans. - L'honorable ministre des affaires étrangères me demande quelle pouvait être mon intention en exprimant des craintes sur l'avenir des 200 prisonniers belges. Voici cette intention :

C'était d'abord d'engager le gouvernement belge à réclamer très instamment auprès du gouvernement de l'empereur Maximilien son intervention très bienveillante, extraordinairement bienveillante, en faveur des prisonniers belges.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - C'est fait depuis longtemps. Je vous montrerai la correspondance si vous voulez.

M. Coomans. C'est très bien fait, surtout si vous avez insisté fortement et supplié le Roi des Belges d'en faire autant. (Interruption.) Si donc mon vœu a été prévenu, tant mieux.

En second lieu, mon intention était d'appeler l'attention de l'empereur Maximilien lui-même sur les tristes conséquences que ce décret peut avoir pour nos compatriotes.

Certes s'il ne s'agissait pas de la vie de 200 Belges, je ne me croirais pas le droit de porter cette question à cette tribune ; mais nous avons, d'après moi, une responsabilité spéciale comme gouvernants et comme législateurs belges dans les événements qui se produisent au Mexique, et cette responsabilité nous avons à la dégager.

L'honorable ministre n'a aucune des craintes que j'ai exprimées. Je souhaite bien ardemment que l'avenir lui donne raison, mais nous connaissons l'histoire de ces Espagnols exagérés qui troublent constamment le Mexique et qui fusillent des hommes comme des jaguars, et certainement en présence de ce décret sanguinaire nous avons des craintes sérieuses à nourrir au sujet de l'existence des Belges prisonniers.

Maintenant je ne comprends pas pourquoi le gouvernement se refuserait à publier au Moniteur les noms des déserteur» belges depuis le 1er janvier 1865.

M. Bouvierµ. - C'est briser leur carrière.

M. Coomans. - Ils l'ont brisée eux-mêmes.

M. Bouvierµ. - Je le comprendrais s'ils avaient déserté devant l'ennemi.

M. Coomans. - Vous imprimez bien les noms et vous brisez le carrière d'autres citoyens pour des peccadilles. Pourquoi donc ne publieriez-vous pas les noms de vos déserteurs. Puisque vous soutenez qu'au fond ils ont été mus par d'excellents sentiments, cette publication ne leur sera pas défavorable. Mais ceux qui, comme moi, croient qu'ils ont mal fait, ont le droit, sous un régime de publicité et de responsabilité, de demander à connaître les noms des citoyens bolges qui ont posé un acte aussi public que celui-là. Et puis, il nous importe de savoir combien de déserteurs nous avons, eus dans le courant de cette année. C'est un point de statistique bien plus important que ceux contenus dans les volumes de statistique que vous nous avez fait distribuer ce matin encore.

Je tiens à savoir combien nous avons eu de déserteurs dans notre armée depuis le 1er janvier. C'est un point important que vous n'avez pas le droit de nous celer.

M. Vleminckxµ. - Messieurs, je tiens à déclarer que la commission des pétitions n'a pas entendu jeter le moindre blâme sur les militaires qui ont adressé à la Chambre des demandes tendantes à être autorisés à aller venger leurs camarades tués au Mexique.

M. Coomans. - Je n'ai pas parlé de ceux-là ; ce ne sont pas des déserteurs.

M. Vleminckxµ. - Il ne s'agit pas de vous ; je tiens à expliquer les intentions de la commission des pétitions.

M. Bouvierµ. - Il a aussi déserté, l'année dernière, lui !

M. Vleminckxµ. - Je tiens à expliquer les demandes adressées à cette Chambre par un certain nombre de sous-officiers et soldats.

Messieurs, il ne faut pas se le dissimuler, si l'on veut réellement une armée, il faut la vouloir dans toutes les conditions de solidité et de virilité, et une de ces conditions, messieurs, c'est le sentiment de solidarité et de fraternité.

S'il n'y avait pas dans l'armée ce sentiment de solidarité et de fraternité, l'armée n'existerait plus et ne serait plus digne d'exister. Ce sentiment-là, messieurs, est la source des plus grands, des plus nobles dévouements, et s'il fallait en croire un écrit récemment publié par un ancien membre de la Chambre, écrit que je m'abstiendrai de qualifier ici, parce que je devrais le qualifier très durement, s'il fallait en croire cet écrit, nous aurions bientôt le plus grand besoin de ces dévouements-là.

M. d'Hane-Steenhuyseµ. - Il n'entre pas dans mes intentions de suivre l'honorable ministre des affaires étrangères ni l'honorable M. Coomans sur le terrain où ils se sont placés ; l'un a défendu le gouvernement de l'empereur Maximilien, et l'autre a émis des doutes très sérieux sur la stabilité de ce même gouvernement.

Nous nous occupons en ce moment d'une pétition adressée à la Chambre par plusieurs sous-officiers de l'armée, en vue d'obtenir l'autorisation de se rendre au Mexique pour y venger leurs frères prisonniers, ou leurs frères morts. Je crois que les événements politiques qui se passeront au delà de l'Atlantique d'ici à peu de temps viendront rendre encore plus précaire la position de nos malheureux compatriotes au Mexique.

On peut désirer qu'il en soit autrement ; mais lorsqu'on voit depuis deux ans se renouveler les juaristes qui, à chaque page du Moniteur français, sont tous tués ou dispersés jusqu'au dernier, il y a à faire de sérieuses réflexions sur l'avenir qui est réservé à ceux de nos compatriotes qui se sont aventurés au Mexique. Bientôt le congrès des Etats-Unis va i étonneront beaucoup ceux qui semblent avoir confiance aujourd'hui dans la stabilité du gouvernement mexicain.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Vous avez déjà prédit cela l'année dernière.

M. d’Hane-Steenhuyseµ. - L'honorable ministre me dit que j'ai déjà fait cette prédiction l'année dernière ; en effet, seulement je n'ai pas pu préciser l'époque où elle se réaliserait. C'était ma conviction alors ; c'est encore ce que je crois à cette heure. Mais je me permettra de faire remarquer que si la France rappelait ses troupes du Mexique l'empire mexicain ne durerait pas 24 heures. Cela est évident.

M. Bouvierµ. - Ce n'est pas évident du tout.

M. d'Hane-Steenhuyseµ. - Pour en revenir à la pétition qui nous occupe, je proposerai un amendement aux conclusions de la commission. Ces conclusions tendent au dépôt de la pétition au bureau des renseignements, nous savons tous que ce dépôt est une espèce d'ordre du jour (page 18) déguisé, mais dans la circonstance actuelle et bien que l'honorable ministre des affaires étrangères prétende que toute la Chambre est d'accord sur la question du Mexique, je pense, en présence surtout des nombreuses déclarations du gouvernement, qui a toujours soutenu qu'il n'était intervenu en rien dans les enrôlements, je crois, dis-je, qu'il serait plus convenable de prononcer l'ordre du jour.

Je ne veux en rien porter atteinte aux sentiments patriotiques dont a parlé M. le ministre des affaires étrangères.

Je n'ai qu'un but, celui de rester dans les termes de nos décisions antérieures et des déclarations ministérielles. Cela me paraît plus parlementaire.

M. Vleminckx, rapporteurµ. - L'adoption de la proposition de l'honorable M. d'Hane serait, quoi qu'on puisse dire, une sorte de blâme jeté aux pétitionnaires, or c'est précisément ce blâme que nous avons voulu leur épargner, car, après tout, je le répète, le sentiment qui les a guidés est un sentiment des plus honorables ; c'est pour cela que nous nous sommes décidés à proposer le dépôt de leurs demandes au bureau des renseignements, qui a l'avantage de laisser toutes les questions intactes et présente, d'autre part, aux pétitionnaires une issue meilleure que celle que l'on recherche par une proposition d'ordre du jour.

M. d'Hane-Steenhuyseµ. - Je maintiens ma proposition ; seulement je tiens à déclarer à la Chambre qu'il n'entre nullement dans mes intentions d'être désagréable aux pétitionnaires.

M. Bouvierµ. - Votre proposition aura ce résultat.

M. d'Hane-Steenhuyseµ. - Je propose l'ordre du jour parce que les conclusions qui vous sont soumises sont de nature à engager les pétitionnaires à aller au Mexique en leur faisant espérer un pardon dans l'avenir ; voter le dépôt au bureau des renseignements serait aller à l'encontre des déclarations du ministère et des décisions prises par la Chambre.

Je maintiens donc ma proposition et je demande que la Chambre la vote par appel nominal.

- La discussion est close.

Il est procédé à l'appel nominale sur la proposition de M. d'Hane.

63 membres y prennent part.

20 répondent oui.

43 répondent non.

En conséquence la Chambre ne l'adopte pas.

Ont répondu oui :

MM. Reynaert, Royer de Behr, Vanden Brandcn de Reeth, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Wambeke, Coomans, Debaets, de Conninck, Delaet, de Muelenaere, de Naeyer, Desmedt, de Woelmont, de Hane-Steenhuyse, Dubois d'Aische, Hayez, Jacobs, Magherman, Notelteirs.

Ont répondu non : MM. Pirmez, Rodenbach, Rogier, Tesch, T'Serstevens, Valckenaere, Alp. Vandenpeereboom, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Overloop, Vleminckx, Warocqué, Allard, Bouvier-Evenepoel, David, de Borchgrave, De Fré, de Kerchove, Delcour, de Moor, de Ruddere de te Lokeren, de Terbecq, de Theux, Dewandre, Dumortier, Elias, Frère Orban, Grosfils, Jacquemyns, Jamar, J. Jouret, M. Jouret, Kervyn de Lettenhove, Laubry, Le Hardy de Beaulieu, Lesoinne, Lippens, Moncheur, Moreau, Orban, Orts et Ernest Vandenpeereboom.

Les conclusions de la commission, qui sont le dépôt au bureau de» renseignements, sont ensuite mises aux voix et adoptées.

MpVµ. - A quand la Chambre entend-elle fixer sa prochaine séance ?

- Voix nombreuses. - A mardi !

- Adopté.

La séance est levée à cinq heures et un quart.