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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 25 juillet 1865

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1864-1865)

(Présidence de M. E. Vandenpeereboom.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1503) M. Thienpont, secrétaire., procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. de Florisone, secrétaire, donne lecture du procès-verbal da la dernière séance.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Thienpont présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Le sieur Condroz propose des mesures pour empêcher les fraudes électorales. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur les fraudes électorales.


« Le sieur Botte demande la réforme du mode de nomination de notaire. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Eymail propose un système pour assurer la sincérité du vote. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif aux fraudes électorales.


« MM. Rodenbach et Delaet retenus par des indispositions demandent des congés. »

- Accordés.

Projet de loi relatif aux fraudes en matière électorale

Discussion des articles

Article 5

MpVµ. - Nous en sommes arrivés à l'article 5 ; à cet article se rattache un amendement de MM. Devroede et Elias, ainsi conçu :

« Aussitôt après la clôture du scrutin, le nombre des bulletins déposés ayant été vérifié et inscrit au procès-verbal, ces bulletins seront réintégrés dans la boîte qui sera immédiatement portée, par les membres du bureau, au bureau principal, après avoir été fermée comme il est dit à l'article 25 de la loi électorale, et scellée de telle sorte que rien ne puisse en être soustrait, ni y être introduit.

« Le président du bureau principal versera le contenu de toutes les boîtes dans une urne centrale. Après le mélange des bulletins, il les répartira entre les divers bureaux, par quantités approximativement égales.

« Les boîtes refermées et scellées seront alors remises successivement aux membres des bureaux, qui procéderont, dans leurs locaux respectifs, à la réouverture des boîtes et au dépouillement du scrutin. »

La discussion s'ouvre sur cet amendement.

M. Devroedeµ. - Nous nous sommes occupés jusqu'ici des moyens à prendre pour rendre l'électeur libre et indépendant jusqu'à l'urne, pour qu'il puisse, sans être contrôlé, déposer son bulletin.

Nous tâchons de faire en sorte qu'il soit hors des atteintes de celui qui lui aurait donné un bulletin.

Parmi les mesures qui vous ont été proposées et auxquelles je m'associe, il en est beaucoup de très utiles. On a ri et on rit encore du couloir qui laisse une seconde de liberté à l'électeur, mais quand on appartient à un arrondissement comme le nôtre, où l'on voit en détail, et malgré soi, toutes les fraudes qui se commettent, on est heureux de ce moyen qui enlève l'électeur à la vue de son maître.

Le papier électoral, de même couleur, uniformément plié est encore une très bonne mesure. A toutes nos élections on reconnaissait de loin le papier de tel ou tel format, venant de telle ou telle maison, les uns bleus, les autres jaunes et on ne se trompait jamais en devinant d'où il venait. Or, l'électeur qui avait reçu un bulletin et qui savait qu'il y avait un moyen de le reconnaître n'osait pas s'en défaire, car il savait que tous ses mouvements étaient surveillés. A ce point de vue donc, le papier de même couleur et uniforme est une grande amélioration.

On ne suivra plus l'électeur jusqu'au moment où il déposera son vote ; c'est une affaire réglée. Mais c'est maintenant au moment du dépouillement qu'il faudra le mettre à l'abri du contrôle. Car il y a bien des bulletins arrivant dans une lettre, des bulletins qui seront faits sur papier électoral et qui viendront de la part de grands propriétaires, d'industriels ; et l'électeur saura que l'on y veille très attentivement. Ce bulletin sera contrôlé à sa sortie de l'urne parce que cela existe actuellement. Dans le système actuel et dans les arrondissements où les élections sont travaillées, la plupart des bulletins sont contrôlés ; car les sollicitations qu'on fait, la contrainte qu'on impose à l'électeur n'est réellement efficace que lorsqu'il y a un contrôle et lorsqu'on peut constater que le bulletin délivré est bien celui qui sort de l'urne. J'admets qu'il y a dans la loi des dispositions pour empêcher ce contrôle, mais, à mon avis, elles ne sont pas suffisantes.

Le système que nous proposons est plus important, plus décisif. Il tend à montrer à l'électeur qu'il est devenu libre, à lui rendre sa confiance. Si notre système est admis, j'estime qu'après les premières élections qui auront lieu, l'électeur dira : « Désormais, je suis libre ; je vote comme je l'entends, on ne peut plus contrôler les bulletins. »

Pour mettre à exécution la mesure que nous proposons, nous disons que les bulletins, après avoir été déposés dans l'urne, sont comptés par le bureau.

Cette opération faite, on ferme la boîte à double cadenas comme le prescrit la loi, les deux clefs sont remises à deux membres du bureau.

L'on scelle la boîte, et cette boîte est portée par les membres du bureau au bureau principal.

Messieurs, ne vous effrayez pas de cette opération. Elle sera peut-être critiquée dans les localités où l'on s'inquiète peu du résultat des élections, là où il n'y a pas de lutte, parce que là le résultat est toujours le même ; mais dans les localités où les élections doivent être faites avec beaucoup d'attention et où elles peuvent dire l'objet de fraudes, là on trouve que le mélange des bulletins est très utile, là l'électeur suivra l'urne avec attention pour voir ce que devient le bulletin qu'il y a déposé.

Dans le bureau principal se trouvera un grand réceptacle, une urne centrale dans laquelle le président du bureau principal déversera le contenu de chacune des boîtes. Il n'aura pas besoin de compter les bulletins qui se trouveront dans chacune de ces urnes, ce compte aura été fait dans chaque bureau.

Du reste, toutes les boîtes arriveront en même temps au bureau principal ; si l'on doit attendre quelques instants, cela n'apportera pas de retard important. Toutes les boîtes étant vidées dans l'urne centrale, on opère le mélange des bulletins ; ce qui s'exécute en imprimant à l'urne principale quelques mouvements de rotation.

Il sera dès lors impossible de savoir si les bulletins de telle ou telle section se trouvent dans l'urne principale au milieu, en bas ou en haut. Le mélange étant fait, et les boîtes étant toutes étalées sur la table, le président prend une poignée de bulletins et la dépose dans une des boîtes qui se trouvent tout ouvertes et préparées sur la table ; il donne à chacun environ son contingent. On referme ces boîtes à deux cadenas, on les scelle, et l'on rapporte chacune d'elles au bureau où le dépouillement doit se faire.

Cette opération prendra une demi-heure ; soit, mais au moins l'électeur qui est aujourd'hui l'objet d'une pression sera convaincu que désormais cette pression ne pèsera plus sur lui, parce que celui à qui le contrôle faisait subir la contrainte verra qu'on ne peut plus savoir dans quelle urne se trouvera son bulletin ; l'électeur se dira donc : « Je voterai selon qu'il me plaira ; désormais il n'y aura plus personne pour me reprocher de n'avoir pas déposé mon bulletin. »

Je sais qu'on ne peut plus prendre de notes pendant le dépouillement dans la salle des élections.

Mais là où les électeurs sont nombreux et serrés les uns sur les autres, il y aura encore des notes prises, quoi qu'on fasse. Rien que par la seule désignation des noms, on parviendra à avoir 40, 50, 100 bulletins et plus, marqués dans une seule section. Il n'en faut pas tant( : vous n'avez pas 40, 50 électeurs douteux dans une section. Si vous voulez contrôler, à l'aide d'énonciations mises dans le bulletin, selon moi, vous pourrez encore le faire.

Sans le mélange, vous parviendrez à suivre le bulletin, vous l'entendez sortir de l'urne, et alors, s'il vous est donné une seconde pour noter que le bulletin est sorti, vous avez opéré le contrôle.

On dît qu'il ne sera plus permis de stationner. Eh bien, il y a déjà aujourd'hui des bureaux où l'on ne stationne pas. Mais que fait-on ? La (page 1504) circulation a lieu autour des urnes ; elle se fait par un certain nombre de personnes de la même opinion ; les amis des amis connaissent les écritures et on constate parfaitement que le billet d'un tel est sorti. Avec mon système, plus rien de pareil n'est possible.

On objecte encore que la proposition aurait pour effet de faire perdre un temps considérable. Messieurs, je demande en tout trois quarts d'heure. Mais pourquoi ne rapprocherait-on pas les bureaux ? Dans toutes les grandes villes et c'est là où il faudra le plus de temps, il y a d'immenses bâtiments, il y a de nombreuses salles, où l'on peut établir grand nombre de bureaux

Ainsi vous avez à Bruxelles et dans les grandes villes le palais de justice où il y a une grande quantité de chambres ; vous avez l'hôtel de ville, les écoles communales où il y a également beaucoup de places. Les opérations ne seront donc pas si longues qu'on le prétend. Il dépend fout simplement du commissaire d'arrondissement, du bourgmestre, du gouverneur, d'organiser les bureaux de dépouillement pour que la perte de temps soit peu considérable.

Maintenant, messieurs, on ne peut jamais soupçonner les porteurs de l'urne de soustraire des bulletins pendant le transport ; les urnes ne seront jamais perdues de vue et il sera impossible de s'arrêter une seconde, car la foule murmurerait. Je parle des localités où les élections sont disputées ; on les suivra et l'électeur voudra savoir ce que devient son bulletin.

Messieurs, si vous adoptez notre proposition, j'estime que désormais l'électeur votera selon sa conscience et fera le choix qu'il voudra faire.

M. Pirmez. -Je crois que dans les observations qui vient de présenter M. Devroede, il y a des choses très bonnes ; mais ce qui me paraît devoir s'opposer à l'adoption de sa proposition, c'est qu'elle aura pour effet d'allonger les opérations électorales.

Elles seront déjà plus longues d'abord par l'application du système de couloir, ensuite par l'admission de l'ordre alphabétique. (Interruption.)

Il est incontestable que le couloir allongera les opérations électorales ; le trajet de l'électeur sera plus long, il faudra attendre que l'électeur soit sorti du couloir avant qu'un autre puisse s'y engager. Je dis que le vote par ordre alphabétique prolongera aussi, dans une certaine mesure, les opérations, lorsque la salle sera encombrée. (Interruption.) Il y aura encombrement non pas dans le couloir, mais devant l'entrée du couloir.

Eh bien, messieurs, dans les localités où les bureaux sont fort éloignés l'un de l'autre, l'amendement de M. Devroede...

M. Devroedeµ. - ... Il faut les rapprocher.

M. Pirmez. - Cela est possible peut-être dans certains arrondissements, mais à Charleroi c'est absolument impossible, et une foule de localités sont dans le même cas.

Il est donc évident, messieurs, qu'au lieu de se terminer à une heure ou deux heures après midi, les opérations du premier tour de scrutin ne se termineront qu'à quatre ou cinq heures.

Eh bien, je dis que, dans cette position, il est impossible de faire le ballottage le même jour.

Pour ma part, je ne suis pas partisan du ballottage. J'ai voté contre, et je désirerais le voir disparaître. S'il n'existait pas, je voterais l'amendement de l'honorable M. Devroede, mais puisque le ballottage est maintenu, il me paraît impossible d'adopter une proposition qui le rejetterait si avant dans la soirée, qu'une partie des électeurs ne pourrait y prendre part.

MjTµ. - Deux mots, messieurs, pour appuyer les observations que vient de produire l'honorable M. Pirmez. Je suis très convaincu que la mesure proposée par l'honorable M. Devroede allongerait de beaucoup les opérations et que même il serait souvent impossible de les terminer avant une heure avancée de la nuit. Il ne faut pas perdre de vue, messieurs, qu'avant de pouvoir transporter les urnes au bureau principal, avant de pouvoir faire le mélange, il faut attendre que tous les bureaux sans exception aient recueilli les votes et compté les bulletins. Au bureau principal, il faudra mêler les urnes, puis remettre dans chacune des urnes une certaine quantité de billets qui retourneront dans les divers bureaux.

Alors seulement le dépouillement pourra avoir lieu. Il y a d'abord un inconvénient : c'est que chacun des bureaux ne sait pas exactement le nombre de bulletins qu'on lui remet.

- Un membre. - On diviserait exactement.

MjTµ. - On ne demande pas cela. Si plus tard il y a des erreurs, on ne saura pas de quel bureau elle provient. Mais l'inconvénient capital, selon moi, c'est que ce mode de procéder allongerait les opérations. Je reconnais qu'il y a du bon dans la proposition de l'honorable M. Devroede et je l'accueillerais volontiers si elle ne devait avoir pour résultat de rendre le ballottage impossible dans la même journée.

Elle ne me plaît guère cependant sous un autre rapport. Je suis très convaincu que jamais il n'y aurait de fraude, mais il n'en est pas moins vrai qu'il ne se passerait pas une seule élection sans qu'on accuse la fraude et qu'on ne manquerait pas de dire que pendant le trajet on a altéré le contenu des urnes.

- Une voix. - Elles sont scellées.

MjTµ. - Mais on suppose bien la fraude dans d'autres circonstances, où elle est encore moins possible.

C'est une raison pour ne pas admettre le système, mais l'inconvénient principal que j'y trouve, c'est qu'il allongerait les opérations.

M. Eliasµ. - Messieurs, je veux dire également quelques mots pour justifier l'amendement. A un point de vue qui n'a pas été développé par l'honorable M. Devroede, il pourrait présenter une grande utilité.

Dans le système actuel, on a dit que les scrutateurs pourraient reconnaître les bulletins et ainsi les contrôler.

Par l'amendement qui vous est proposé, les scrutateurs ne pourraient connaître aucun bulletin, puisque les bulletins qu'ils dépouilleraient ne seraient pas ceux qu'ils auraient reçus le matin.

Ils ne connaîtraient donc pas les électeurs dont les votes passeraient sous leurs yeux.

A ce point de vue, je crois que l'amendement de l'honorable M. Devroede, qui est en même temps le mien, présente un avantage réellement considérable.

Quant à l'allongement des opérations électorales, comme l'a dit l'honorable M. Devroede, je ne crois pas qu'il se produira en réalité. En effet, cet inconvénient ne pourrait se faire sentir que dans les grandes villes, que dans les grands collèges électoraux. Or, là même, cet inconvénient ne se ferait pas sentir. Là on trouve presque toujours de grandes salles, d'énormes édifices, dans lesquels on peut établir un grand nombre de sections ; il est possible de rapprocher ainsi les sections du bureau central, et alors l'inconvénient disparaît.

De plus, remarquez que dans certaines sections un grand nombre d'électeurs seront présents, tandis que dans d'autres il n'y en aura que la moitié.

Par la répartition des bulletins en nombre à peu près égal entre tous les bureaux, on arriverait ainsi à donner à chaque bureau une besogne à peu près égale et à accélérer le dépouillement.

Remarquez, de plus, que par ce système il deviendra impossible de reconnaître les bulletins, et que par voie de conséquence, les bulletins marqués disparaîtraient. (Interruption.) Permettez ; on nous dit que le système ne s'applique pas aux petits arrondissements qui ne comprennent qu'un seul bureau ; mais j'opposerai à cette objection qu'il n'y a plus que trois arrondissements en Belgique qui ne comptent qu'un seul bureau : Marche, Maeseyck et Bastogne. Et encore, dans chacun de ces arrondissements il y a environ 600 électeurs, sorte qu'il est possible d'y établir deux sections.

Il y a quelques bureaux où il y a deux ou trois sections. Eh bien, dans ces arrondissements déjà, la surveillance deviendrait impossible.

Car il faudrait un grand nombre d'agents électoraux pour surveiller la sortie des bulletins marqués, et vous devez savoir qu'on rencontre peu de personnes qui consentent à se charger de cette surveillance plus ou moins honteuse.

Quant à cette objection, que notre système donnerait le droit de soupçonner des fraudes, de soupçonner l'introduction ou la soustraction des bulletins hors des urnes, je ne crois pas qu'elle puisse être admise ; car vous devez savoir que presque tous les scrutateurs accompagnent l'urne jusqu'au bureau principal, même après le dépouillement.

Peut-on supposer que, dans de pareilles conditions, cinq personnes se coaliseraient pour commettre une fraude aussi grave que celle d'introduire dans l'urne de nouveaux bulletins, et cela sous les yeux du public ?

Je crois donc que l'amendement que nous avons proposé remédierait à un genre de fraudes, qui peut encore subsister et qu'il n'aurait pas les inconvénients qu'on semble craindre.

M. Devroedeµ. - Je demande à ajouter quelques mots seulement aux observations que vient de présenter M. Elias.

L'amendement ou plutôt la mesure que nous avons proposée est bonne, je puis le dire, puisque M. le ministre de la justice ne lui (page 1505) reproche qu'une chose, c'est la perte de temps. J'admets qu'on perde une heure ou deux à cette opération. Mais si, en sacrifiant deux heures de temps, vous pouvez rassurer la conscience de l'électeur et garantir la sincérité de son vote, ne devez-vous pas le faire ? Il n'y a pas à hésiter.

D'ailleurs, remarquez que si dans le système que nous proposons, on perd du temps à transporter l'urne d'un bureau au bureau principal, on en regagnera dans le dépouillement.

Aujourd'hui il faut, avant de proclamer le résultat du scrutin, connaître le résultat des opérations de chaque bureau ; or, dans les dernières élections, un bureau de notre arrondissement a occasionné un retard de deux heures. Il s'était établi dans ce bureau quelques désordres, des contestations avaient été faites et il y avait eu aussi beaucoup de temps perdu. Dans notre système, l'opération du dépouillement se fera avec une plus grande rapidité ; plus de contrôle ni de contestation.

Le dépouillement se fera en même temps dans tous les bureaux, parce que tous les bureaux auront la même quantité de bulletins à dépouiller ; il n'y aura pas 25 bulletins de différence, tandis que dans le système actuel il y a des bureaux qui ont 125 à 150 bulletins de plus à dépouiller. Quant aux urnes elles sont à l'abri de tout soupçon ; mais on pourrait si l'on veut, pour surcroît de précaution, adopter le système de boîte proposée par M. Muller, c'est-à-dire une boîte avec deux couvertures dont l'une laisserait passage aux bulletins, dont l'autre fermerait hermétiquement la boîte. Vous auriez alors deux serrures, un sceau et il deviendrait impossible de soupçonner la fraude. J'ajoute que dans notre système l'électeur devient libre, indépendant, il vote comme il l'entend.

M. Vleminckxµ. - Il est incontestable, ainsi que l'a fait remarquer l'honorable ministre de la justice, que la proposition de MM. Devroede et Elias aura pour résultat d'apporter un grand retard dans l'élection. Ces honorables membres ont beau déclarer qu'il est facile de réunir tous les bureaux autour de l'urne centrale, je puis leur donner l'assurance que pour Bruxelles par exemple, cela est complètement impossible. On en réunit à l'hôtel de ville, et on est obligé d'en disséminer un grand nombre d'autres, aux quatre extrémités de la ville. Cet inconvénient ne constitue pas cependant, pour moi, une raison, suffisante pour ne pas adopter la proposition de MM. Devroede et Elias, car à mon avis garantir l'indépendance de l'électeur et la sincérité de. son vote, tel doit être l'objet que nous devons avoir principalement eu vue dans l'élaboration de cette loi.

Il y a dans les termes de l'amendement deux ou trois mots au sujet desquels je désirerais recevoir une explication des honorables auteurs de la proposition.

Le dernier paragraphe porte :

« Les boîtes refermées et scellées seront alors remises successivement aux membres des bureaux, qui procéderont dans leurs locaux respectifs à la réouverture des boîtes et au dépouillement du scrutin. »

Ces honorables membres entendent-ils qu'une fois le mélange des bulletins effectué les boîtes devront retourner aux bureaux d'où elles sont provenues ?

MjTµ. - Certainement.

M. Vleminckxµ. - Alors je proposerai de modifier la rédaction et de dire au lieu de : « dans leurs locaux respectifs », « dans les locaux qui leur seront désignés. » De cette façon le dépouillement pourrait se faire autant que possible au bureau central même.

- Une voix. - Et la surveillance des électeurs ?

M. Vleminckxµ. - Elle existera toujours. (Interruption.)

Permettez ; l'expérience a démontré qu'il y a beaucoup moins d'électeurs présents au dépouillement qu'au commencement de l'opération. (Nouvelle interruption.)

Je ne sais pas ce qui se passe ailleurs qu'à Bruxelles, mais si j'en crois ce qui a été dit par des collègues d'autres arrondissements, il en est de même partout.

Dans tous les cas, les inconvénients qu'on a signalés ne doivent pas faire condamner la proposition de MM. Devroede et Elias, car un sacrifice de deux heures n'est rien en présence de la certitude d'une plus grande sincérité dans l'élection.

M. Mullerµ. - Je ne suis pas du tout convaincu que l'amendement de MM. Devroede et Elias, que, du reste, j'avais proposé moi-même à l'ancienne section centrale qui avait examiné le premier projet relatif aux fraudes électorales, allongerait d'une manière démesurée les opérations du scrutin. Les honorables MM. Devroede et Elias nous ont fait remarquer, avec beaucoup de raison, que, dans leur système, chaque bureau aurait à peu près le même nombre de bulletins à dépouiller et c'est le dépouillement, ne l'oublions pas, qui exige le plus de temps, tandis que, dans le système actuel, il y a des bureaux qui ont 125 à 150 électeurs de plus que les autres et, par conséquent 125 à 150 bulletins de plus à dépouiller. La connaissance du résultat définitif est ainsi retardée, par suite du nombre trop inégal des bulletins déposés dans les différentes sections.

Maintenant, messieurs, je ne puis admettre comme sérieuse l'objection qui consiste à prétendre qu'on n'aurait pas assez de garanties pour l'inviolabilité des urnes.

MjTµ. - On soupçonnera.

M. Mullerµ. - Selon moi, il est impossible qu'il se commette un abus quelconque. Les boîtes seront scellées, comme ou vous l'a dit. L'une des clefs sera dans les mains du président, l'autre dans celles de l'un des scrutateurs ; et si l'on veut gagner du temps, comme il s'agit surtout de hâter les opérations des collèges électoraux nombreux, qu'est-ce qui s'opposerait à ce qu'on mît à la disposition de chaque bureau électoral une voiture pour transporter les membres des bureaux au bureau central et les reconduire à leurs sections respectives ? (Interruption.)

Je disais tantôt que la crainte d'ouverture des boîtes, de violation du scrutin ne peut être admissible sous aucun rapport ; eu effet, vous avez un magistrat inamovible qui préside et des scrutateurs, conseillers communaux, qui l'accompagnent.

A ce point de vue, je trouve toute garantie, et d'autre part, l'appréhension que les opérations ne traînent trop en longueur est singulièrement exagérée. Je répète que la répartition des bulletins. entre les bureaux en nombre à peu près égal fera regagner à peu près un temps égal à celui qu'on perd aujourd'hui, en attendant la fin du dépouillement des bureaux surchargés de bulletins.

Remarquez, d'ailleurs qu'actuellement déjà les bureaux des sections se transportent au bureau central pour faire connaître le résultat de leurs opérations. Il n'y aura donc qu'un transport en plus, celui du retour vers leurs bureaux.

J'adopterais très volontiers le sous-amendement de l'honorable M. Vleminckx, puisque quand on dépouillera dans un autre endroit que celui où l'on aura voté, il va de soi que ce changement de local sera annoncé et indiqué d'avance, de telle sorte que chacun pourra s'y rendre pour contrôler le dépouillement.

En résumé, je ne vois pas qu'il y ait à la proposition des honorables MM. Devroede et Elias des objections insurmontables, et l'on ne peut méconnaître qu'elle assure d'une manière efficace le secret des votes : elle est le complément des autres mesures prises dans le même but.

- La discussion est close.

MpVµ. - Il y a une modification proposée à l'amendement de MVI. Devroede et Elias.

Elle consiste à remplacer les mots : « Dans leurs locaux respectifs » par ceux « dans les locaux qui leur seront désignés. »

Les auteurs de l'amendement se rallient à cette proposition.

- L'amendement ainsi modifié est mis aux voix ; il n'est pas adopté.


MpVµ. - Nous arrivons à l'article 5. Le gouvernement se rallie-t-il à la rédaction de la section centrale ?

MjTµ. - Oui, M. le président.

MpVµ. - L'article 5 est ainsi conçu :

« Pendant l'appel et jusqu'à ce que le scrutin soit déclaré fermé, aucun électeur ne s'approcher de la table où siège le bureau qu'à l'appel de son nom, et il devra se retirer immédiatement derrière la balustrade, après la remise de son bulletin dans la boîte.

- L'article 5 est mis aux voix et adopté.

Article 6

MpVµ. - M. le ministre de la justice se rallie-t-il au projet de la section centrale ?

MjTµ. - Non, M. le président.

MpVµ. - La discussion s'établit donc sur l'article 6 du projet du gouvernement, qui est ainsi conçu :

« Art. 6. Il est interdit aux électeurs, sous peine d'une amende de 26 à 100 francs, d'avoir ou de tenir dans la salle aucune liste ou note pendant les opérations électorales. »

(page 1506) MjTµ. - Messieurs, je demande d'abord qu'on substitue au mot « électeurs » les mots « les personnes présentes ».

Sans doute, il ne doit pas y avoir dans la salle d'autres personnes que les électeurs ; mais il peut y en avoir ; or, s'il y a dans la salle des personnes autres que les électeurs et qu'elles tiennent des notes, elles doivent tomber sous l'application de l'article 6 comme les électeurs eux-mêmes.

La section centrale propose de remplacer l'article 6 par une disposition ainsi conçue :

« Il est interdit aux électeurs, sous peine d'une amende de 26 à 100 francs, d'avoir ou de tenir, derrière le bureau, aucune liste ou note pendant les opérations électorales. »

Je crois que la disposition qui est proposée par la section centrale est insuffisante. Il ne faut pas seulement qu'on ne puisse tenir de notes derrière le bureau ; il faut encore qu'on ne puisse pas en tenir à côté du bureau ou devant le bureau, pendant le dépouillement.

En effet, messieurs, on vous l'a dit, marquer des billets, rien qu'on inscrivant les noms et prénoms de telle ou telle manière, et si l'on peut tenir des notes devant le bureau, ou à côté du bureau, il est évident que vous n'aurez rien empêché ; s'il est permis d'avoir une liste pendant le dépouillement, on pourra s'assurer si les bulletins marqués sortent de l'urne ; il faut proscrire les listes d'une manière absolue.

Par ces motifs, je crois la rédaction du gouvernement préférable à celle de la section centrale ; cette dernière rédaction n'atteint pas suffisamment le but.

On a dit, messieurs, qu'il fallait que l'on pût tenir note du nombre de voix obtenu par chaque candidat ; mais cela est inutile,, si l'on adopte la disposition de la section centrale, qui exige que chaque fois que le président donne lecture du nom d'un candidat, un des scrutateurs indique à haute voix le nombre de suffrages obtenus par ce candidat.

Je crois donc qu'il faut s'en tenir à la rédaction du gouvernement. C'est précisément au moyen des listes qu'on tenait pendant le dépouillement, que les bulletins marqués sont devenus une chose si redoutable. Dans le système proposé par le gouvernement, on ne pourra plus avoir de liste et il sera impossible de retenir, à l'aide de la mémoire seule, les noms des individus auxquels on aura remis des billets marqués.

Il faut supprimer les listes, si l'on veut voir disparaître les billets marqués.

M. Tack. - Messieurs, j'abonde entièrement dans les idées de M. le ministre delà justice ; je comptais vous présenter des observations dans le même sens que celles qu'il vous a soumises.

Qu'a-t-on voulu par la disposition de l'article 6 ? Prévenir l'abus tant de fois signalé à cette tribune, et qui consiste à contrôler une masse de bulletins. Pour cela il ne suffit pas d'interdire aux électeurs qui se trouvent devant le bureau de prendre note ; il faut une défense absolue.

Messieurs, l'art de violer le secret du vote a été poussé à un degré de raffinement inconcevable ; on est parvenu à contrôler les bulletins en masse, sans avoir besoin de les voir et rien qu'en les entendant proclamer ; pour atteindre ce but, on a des formules mnémotechniques et algébriques.

C'est la méthode la plus facile et la plus ingénieuse qui ait été imaginée ; c'est celle qui donne le moins de prise à l'annulation du bulletin. C'est aussi celle qu'il faut surtout chercher à déraciner, à combattre efficacement.

Interdire de prendre des notes derrière le bureau, ce ne serait qu'une demi -mesure ; ce ne serait rien faire du tout.

L'objection que l'on fait contre l'interdiction de prendre note dans la salle, est celle-ci : « De cette manière, dit-on, on ne permet pas le contrôle à l'égard du bureau lui-même ; il faut empêcher le contrôle des bulletins marqués, mais il ne faut pas empêcher le contrôle que les électeurs ont droit d'exercer sur les scrutateurs eux-mêmes ; il faut qu'on puisse s'assurer si les scrutateurs sont impartiaux, s'ils remplissent consciencieusement leur mission. »

Une première garantie, à rencontre des scrutateurs, résulte de l'obligation, pour l'un d'eux, d'indiquer le nombre de suffrages obtenus, chaque fois que le nom d'un candidat est proclamé par le président.

J'aurais voulu une seconde garantie. J'étais grand partisan de la proposition qui a été faite au sein de la section centrale d'ajouter des scrutateurs supplémentaires aux scrutateurs titulaires.

On a repoussé cette mesure en disant que le plus souvent au moment du dépouillement les électeurs encore présents sont des hommes de parti, et qu'en les appelant à siéger au bureau, au lieu d'avoir une garantie de plus, on en aurait une de moins.

Des scrutateurs de ce genre s'occuperaient, prétend-on, davantage de contrôler les bulletins reconnaissables que de supputer le nombre de votes.

Je me demande s'il n'y aurait pas moyen d'obvier à cet inconvénient. Ne pourrait-on pas, au commencement de la séance, tirer au sort, par exemple, parmi les 50 électeurs les plus imposés, trois électeurs, qui seraient appelés à siéger au bureau et qui n'auraient d'autre droit que celui d'annoter le nombre de suffrages obtenus. Vous auriez là un contrôle qui s'exercerait sur les scrutateurs eux-mêmes.

D'un autre côté, en autorisant l'électeur à circuler derrière le bureau et à y stationner pendant un temps raisonnable, vous auriez un contrôle à l'égard du président pour ce qui concerne la proclamation des suffrages.

En adoptant la mesure que j'indique, on écarterait tout soupçon à l'égard du bureau.

M. Lelièvre. - A l'occasion de l'article en discussion, je crois devoir faire une observation que je signale à l'attention de la Chambre. Comme l'on sait, il a été fait une proposition ayant pour objet de déférer au jury la connaissance de tous les délits réprimés par le projet. Or, il me semble impossible de considérer comme un délit politique le fait dont s'occupe notre article. Il s'agit d'une simple contravention à une mesure d'ordre et la connaissance doit évidemment en être laissée à la juridiction ordinaire.

Ne serait-il pas, d'ailleurs, absurde de suivre la procédure en matière criminelle à raison d'un fait sans gravité, qui ne peut être puni que d'une amende dont le maximum s'élève à cent francs ?

MjTµ. - Ce qui nous garantit que le nombre de voix sera fidèlement annoté, c'est que le bureau est composé de cinq membres, un magistrat remplissant les fonctions de président et quatre scrutateurs. Il n'est pas moralement admissible qu'il y ait accord entre les quatre scrutateurs et le magistrat qui préside pour altérer frauduleusement le nombre des voix. Du reste, si l'on admet le dernier paragraphe de l'article de la section centrale, chacun pourra parfaitement s'assurer que la voix donnée à un candidat vient s'ajouter aux voix qu'il a obtenues antérieurement.

Maintenant je demande le remplacement des mots « pendant les opérations électorales » par ceux-ci « pendant le dépouillement du scrutin ».

M. Pirmez. - Toute la question est de savoir si l'on pourra, dans la salle, prendre note du nombre de voix obtenues par chaque candidat. Il y a, ce me semble, un moyen très simple de concilier le système du gouvernement et celui de la section centrale ; je propose de dire à l'article 7 qu'on ne lira que le nom du candidat, excepté, bien entendu, quand il y aura deux candidats, notoirement connus, du même nom, parce que, dans ce cas, la désignation du prénom ne pourra pas être considérée comme un billet marqué.

M. Crombez, rapporteur. - Et si le président ne lit qu'un des noms, que faites-vous ?

M. Pirmez. - La question de l'honorable M. Crombez tend tout bonnement à renverser toute la loi. (Interruption.) Si l'on veut prévoir le cas où le président ne se conformerait pas à la loi, il faut faire une loi qui crée des bureaux inspirant confiance. Cette objection est la négation de l'autorité judiciaire.

MjTµ. - Il faudrait alors compléter votre amendement et ajouter qu'on ne lira que le nom lorsqu'il n'y aura qu'un candidat et de plus le prénom lorsque deux candidats porteront le même nom.

M. Pirmez. - Mon amendement fait droit à votre observation, Je propose d'ajouter au paragraphe 3 de l'article 7 ces mots : « Sauf dans ce cas (celui où il y a deux candidats du même nom), il ne sera donné lecture, lors du dépouillement, que du nom du candidat. »

MpVµ. - Nous sommes à l'article 6.

M. Pirmez. - Oui, mais ce que je propose d'ajouter à l'article 7 est de nature à lever la difficulté que fait naître l'article 6. C'est pour cela que j'ai pris les devants.

M. Tack. - Le paragraphe 2 de l'article 6 offre, avec le paragraphe premier de cet article, une différence de rédaction que je ne crois pas nécessaire.

Au paragraphe premier, il est dit : « Il est interdit, sous peine d'une amende de 26 à 100 fr., aux électeurs d'avoir ou de tenir, derrière le bureau, aucune liste ou note pendant le dépouillement du scrutin. »

(page 1507) Au paragraphe 2, il est dit ; « Il est également interdit aux membres du bureau de tenir pendant le dépouillement des annotations autres que celles qui sont nécessaires pour la supputation des suffrages. »

Je propose de rédiger le paragraphe 2 comme le paragraphe premier et de dire : « d'avoir ou de tenir des annotations autres que celles qui sont nécessaires pour la supputation des suffrages. »

En effet on a vu des scrutateurs contrôler les bulletins reconnaissables au moyen de listes préparées d'avance, et où figuraient les marques et énonciations à l'aide desquelles on pouvait reconnaître l'électeur.

C'est même un des moyens les plus commodes de violer le secret du vote ; car les scrutateurs sont mieux que personne en position de contrôler les marques apposées sur les bulletins ; il peut leur être difficile de prendre note des désignations que portent les bulletins, on réclamerait contre un pareil procédé qui sauterait aux yeux ; il leur est plus aisé d'exercer un contrôle illicite à l'aide d'une pièce préparée ad hoc et qui contient les marques sur lesquelles doit porter l'attention.

C'est pour cela que je propose d'adopter la même rédaction dans les deux paragraphes.

MjTµ. - Je ne vois aucune difficulté à admettre ce changement.

M. de Naeyer. - Je crois que la proposition de l'honorable M. Pirmez tendant à prescrire qu'il ne sera donné lecture que du nom de famille n'est pas admissible. Je crois, messieurs, que le président doit lire tout ce qui se trouve sur le bulletin...

M. Bara. - Non, non ! Je demande la parole.

M. de Naeyer. - Il faut qu'il en soit ainsi pour que les électeurs puissent juger si le billet est ou n'est pas marqué. Ainsi, il pourrait y avoir sur le bulletin des annotations qui seraient de nature à faire reconnaître les votants, et le président pourrait rendre ce bulletin valable en passant ces annotations sous silence.

Il importe donc que tout le monde puisse contrôler ces annotations et les faire remarquer, le cas échéant ; le président ne peut pas trancher seul une pareille question. C'est une question très importante que celle de savoir si certaines désignations sont conformes à la loi ; et si le président seul peut la décider, vous lui donnez un pouvoir tellement exorbitant qu'il me paraît impossible de le lui conférer, parce qu'il est dans l'esprit de nos institutions qu'un contrôle sérieux soit exercé par tout le corps électoral.

A mon avis donc, le président doit donner lecture de toutes les désignations inscrites sur le bulletin, afin que si certaines d'entre elles sont de nature à faire connaître le votant, tout le monde puisse en faire l'observation, et réclamer l'annulation du bulletin comme étant un bulletin marqué.

Maintenant, il est satisfait aux motifs qui ont pu faire naître cette proposition, du moment qu'il est interdit d'une manière absolue de tenir des notes dans le local des élections, cette interdiction s'appliquant aussi bien aux électeurs qui sont devant le bureau qu'à ceux qui sont derrière. Avec cette disposition, si elle reçoit une exécution complète et entière, il deviendra extrêmement difficile, sinon impossible, de contrôler des billets marqués à l'aide de combinaisons plus ou moins mystérieuses, il reste malheureusement un genre de marque contre lequel il n'y a guère de remède possible, c'est celui résultant de l'écriture.

MpVµ. - Je rappelle que l'amendement de M. Pirmez se rattache au paragraphe 3 de l'article 7 et que nous sommes à l'article 6.

M. Coomans. - Cet amendement me paraît inadmissible : il augmenterait infiniment la dose d'arbitraire déjà dévolue au président.

MpVµ. - M. Coomans, parlez-vous de l'amendement de M. Pirmez ?

M. Coomans. - J'ai une observation à faire à l'article 6, qui se rattache à l'amendement de l'honorable M. Pirmez ; il faut donc bien que j'en dise un mot. M. le président a permis à M. Pirmez de déposer un amendement ; je ne pourrais pas en parler !

MpVµ. - On peut déposer des amendements quand on veut.

M. Coomans. - Oui, mais il a été déposé et discuté.

MpVµ. - J'ai fait la même observation à M. de Naeyer. Vous avez la parole.

M. Coomans. - Il est évident que je dois jouir des mêmes droits que mes collègues.

MpVµ. - Il est évident aussi que l'amendement se rattache à l'article 7.

M. Coomans. - Je ne dis pas le contraire, mais je constate que l'amendement a été en discussion pendant dix minutes.

MpVµ. - J'ai fait la même observation à M. de Naeyer et je vous invite à rester dans la discussion de l'article 6.

M. Coomans. - Comme l'a dit l'honorable M. Pirmez, son amendement peut influer beaucoup sur le vote de l'article 6. Ayons donc une discussion libre et logique.

MpVµ. - Vous avez la parole.

M. Coomans. - Vous allez voir que mon observation est en relation intime avec l'article 6.

Permettre au président ou à un autre membre du bureau de ne lire qu'une partie du bulletin, c'est faciliter singulièrement la fraude. Je puis faire cette observation sans blesser les cinq membres du bureau, attendu que je n'admets pas qu'ils soient moins suspects que les autres électeurs. Il ne faut pas permettre au président, s'il en avait envie, de frauder. Or cela serait très facile, ainsi que vient de le démontrer l'honorable M. de Naeyer. Tous les électeurs ont le droit de s'assurer que le bulletin est conforme à la loi, d'autant plus que vous multipliez singulièrement les cas de nullité. Ainsi il suffira que l'ordre des désignations soit interverti, pour que le bulletin soit nul.

Messieurs, si vous disiez que tous les bulletins sont bons pourvus qu'ils contiennent une désignation suffisante, alors je comprendrais l'amendement et je n'insisterais pas sur l'augmentation des garanties à donner au corps électoral.

Il faut donc que le président ou le scrutateur qui le remplace pour la lecture, lise le bulletin en entier, parce qu'il est important que l'auditoire puisse apprécier la valeur légale de ce bulletin. Et ici, messieurs, je dois rectifier une assertion de M. le ministre de la justice.

M. le ministre prétend que les cinq membres du bureau offrent des garanties suffisantes à toutes les opinions. D'abord je ferai remarquer qu'il se peut, surtout avec la législation que nous faisons en ce moment, que les cinq membres du bureau appartiennent à la même opinion ; mais j'insiste sur cette observation-ci, qu'il est inexact de dire que les bulletins sont vérifiés par les cinq membres du bureau. S'il en était ainsi, je n'aurais pas les craintes que j'exprime, mais le fait est que les bulletins ne sont réellement vérifiés que par deux membres.

- Plusieurs membres. - Par trois au moins.

M. Coomans. - Nous savons d'ailleurs avec quelle précipitation, avec quelle légèreté, avec quelle complaisance on procède en pareil cas. Nous savons ce qui se fait ici, parmi nous, et sans aucun inconvénient, j'en conviens ; il est très rare que l'on vérifie ce que fait un collègue.

Les bulletins ne passent pas sous les yeux des cinq membres du bureau ; ils passent sous les yeux de deux ou trois membres tout au plus et, en fait, le bulletin n'est connu que de celui qui le lit ; après la lecture, il est jeté dans le paquet ; le secrétaire annote et si l'un ou l'autre membre a la curiosité de lire le bulletin, il peut le faire, mais cette curiosité n'est jamais satisfaite sans déplaire beaucoup aux autres membres.

Je le répète, messieurs, la loi proposée est déjà excessivement rigoureuse envers les électeurs ; il est très rigoureux de leur interdire non seulement les annotations dont on parle, mais la circulation autour du bureau ; permettre encore au bureau, déjà investi de pouvoirs réellement despotiques, de ne lire qu'une partie du bulletin, ce serait véritablement combler la mesure, et je ne saurais assez protester contre une tendance semblable.

M. Pirmez. - Je suis d'accord avec l'honorable M. Coomans pour désirer qu'il y ait le moins de nullités possible. C'est pour cela que pour empêcher les bulletins marqués, je préfère les rendre inutiles plutôt que les annuler. Et je suis ainsi plus logique que l'honorable membre qui veut les empêcher en les faisant annuler.

Les marques ne consistent pas seulement à ajouter des désignations quelconques au nom de famille ; elles consistent surtout à disposer le bulletin d'une manière particulière, à écrire en certains caractères, à ajouter un signe, un parafe, etc. Ces marques ne sont pas indiquées, si elles ne frappent pas le bureau, il en sera de même des marques par désignations qui échapperaient au bureau.

Ce que je veux dispenser le président de lire, ce sont les prénoms, profession qui, par un art particulier, pourraient être disposées de manière à faire reconnaître le bulletin.

Les billets de cette nature ne peuvent être connus que de celui qui a remis le bulletin. C'est là un genre de bulletin que j'appellerai : les billets marqués invisibles. Si on ne lit pas tout le bulletin, celui qui l'a remis en sera pour ses frais de combinaison, tandis qu'en le lisant tout haut, le bulletin sera validé néanmoins, et la fraude aura porté ses fruits.(page 1508) Si maintenant on a mis un nom de trop, si on a mis une désignation étrange, exceptionnelle, la devoir du président est de le faire connaître.

M. Coomans. - Et s il y a des causes de nullité dont il ne dit rien ?

M. Pirmez. - Vous avez le bureau pour contrôler le président. Il n'y a pas d'autre garantie possible.

Vous ne pouvez pas faire circuler les bulletins dans toute l'assemblée, pour constater les marques qui ne peuvent se lire. Mon système met toutes les marques sur la même ligne. Si vous supposez que le bureau peut sciemment favoriser toute espèce de fraude, si le bureau ne vous inspire pas confiance, il faut changer la composition du bureau.

En résumé, messieurs, si vous adoptez la proposition, vous permettrez, sans qu'il puisse en résulter d'inconvénient, le contrôle par les électeurs du chiffre des suffrages, vous empêcherez dans beaucoup de cas les bulletins marqués et vous éviterez de faire annuler des billets inutilement.

M. Crombez, rapporteur. - Je crois, messieurs, que l'on pourrait voter l'article 6 et réserver la question des conditions de validité des bulletins, pour les articles 7 et 8.

MpVµ. - Il vient de parvenir au bureau un amendement au deuxième paragraphe de l'article 6. Cet amendement est de M. Tack, qui propose de dire :

« Im est également interdit, sous la même peine, aux membres des bureaux, d'avoir ou de tenir, etc. »

M. Crombez, rapporteur. - Il est impossible de dire : « d'avoir ou de tenir des annotations » car je ne sais pas ce que c'est que d'avoir des annotations.

M. Mullerµ. - Des listes.

M. Crombezn rapporteurµ. - Au second paragraphe il y a « des annotations. » On peut tenir des annotations, mais on ne peut pas en avoir.

M. Tack. - On pourrait dire : « d'avoir des listes ou de tenir des annotations pendant le dépouillement. »

M. Crombez, rapporteur. - Cette rédaction est correcte et la Chambre peut l'adopter.

M. Tack. - C'est exactement la rédaction du paragraphe premier. Je propose de dire : « d'avoir, pendant le dépouillement, des listes ou de tenir des annotations. »

M. Vleminckxµ. - Ils ne peuvent être au bureau sans avoir de listes.

M. Tack. - Il faut lire aussi la fin du paragraphe qui porte : « autres que celles qui sont nécessaires pour la supputation des suffrages. »

MpVµ. - M. Tack, veuillez faire parvenir votre amendement au bureau.

M. Coomans. - Si l'on veut faire de la grammaire pointilleuse, ce dont je me suis abstenu jusqu'à présent, je ferai remarquer aussi qu'on ne « tient pas des annotations. » On « prend » des annotations ou plutôt des notes et on les « tient » quand on les a reçues ou quand on les a faites soi-même.

M. Bouvierµ. - Nous allons devenir puristes.

M. Coomans. - Il n'y aurait pas grand mal. Je ne fais pas d'amendement. C'est une simple observation. Cela m'est bien égal.

MpVµ - M. Tack propose de dire au paragraphe 2 de l'article 6. « d'avoir des listes ou de tenir pendant le dépouillement des annotations. »

M. le ministre de la justice propose deux changements au paragraphe premier qui serait ainsi conçu :

« Il est interdit à toute personne, sous peine d'une amende de 26 à 100 francs, d'avoir ou de tenir dans la salle aucune liste ou note pendant le dépouillement du scrutin. »

Le paragraphe 2 est ainsi conçu :

« Il est également interdit sous la même peine, aux membres du bureau de tenir pendant le dépouillement des annotations autres que celles nécessaires pour la supputation des suffrages. »

C'est dans ce paragraphe que vient l'amendement de M. Tack.

Et puis vient le troisième paragraphe, auquel aucun changement n'est proposé.

- La discussion est close.

Le paragraphe premier, tel qu'il a été amendé par le gouvernement, est mis aux voix et adopté.

Le paragraphe 2, avec la modification proposée par M. Tack, est mis aux voix et adopté.

Le paragraphe 3 est mis aux voix et adopté.

L'article 6, dans son ensemble, est mis aux voix et adopté.

Article 7

« Art. 7. Les candidats ne pourront être désignés que par leur nom de famille, prénoms et profession. Le nom de famille devra précéder les prénoms, et la profession viendra à la suite des prénoms. Les qualifications de sénateur, représentant ou conseiller sortant pourront remplacer l'indication de la profession.

« Le nom de la femme pourra être placé à la suite de celui du mari, mais seulement lorsque l'usage aura réuni les deux noms de manière à n'en former qu'un seul, servant habituellement à désigner le candidat.

« Le nom de famille est une désignation suffisante, s'il n'y a pas, dans la circonscription électorale, un autre candidat, notoirement connu comme tel, qui porte ce nom.

« Au deuxième tour de scrutin, le nom de famille devra seul être employé, à moins que plus d'un candidat portant le même nom ne soit soumis au ballottage ; dans ce dernier cas, les prescriptions du premier paragraphe ci-dessus devront être suivies. »

MpVµ. - Le gouvernement se rallie-t-il à la proposition de la section centrale ?

MpVµ. - Non, M. le président, j'ai quelques observations à faire et si vous voulez le permettre, j'indiquerai les paragraphes auxquels je ne me rallie pas.

A l'article 2, la section centrale proposait de diviser le bulletin en trois colonnes : la première destinée au nom de famille du candidat, la deuxième au prénom, la troisième à la profession. Cette disposition n'a pas été adoptée par la Chambre.

A l'article 7, la section centrale prescrit, comme conséquence de l'article 2, l'ordre dans lequel le nom, les prénoms et la profession devront, figurer sur le bulletin. Il y est dit : « Les candidats ne pourront être désignés que par leur nom de famille, prénoms et profession. Le nom de famille devra précéder les prénoms et la profession viendra à la suite des prénoms. »

Par l'article 8 paragraphe 2, elle frappe de nullité « les bulletins dont les désignations ne seraient pas placées dans l'ordre prescrit par l'article précèdent. »

Je crois que la Chambre en rejetant la division des bulletins a manifesté son intention de ne pas exiger que le nom, les prénoms et la profession fussent inscrits dans l'ordre indiqué par les articles 2 et 7.

Je demanderai donc la suppression de cette partie du paragraphe : « Le nom de famille devra précéder les prénoms et la profession viendra à la suite des prénoms. »

Je me rallie aux paragraphes 2 et 3 et je demanderai la suppression du paragraphe 4 ainsi conçu :

« Au deuxième tour de scrutin, le nom de famille devra seul être employé, à moins que plus d'un candidat portant le même nom ne soit soumis au ballottage ; dans ce dernier cas, les prescriptions du premier paragraphe ci-dessus devront être suivies. »

Cette prescription devrait encore être observée à peine de nullité au ballottage. Cela me paraît trop sévère, d'autant plus qu'au ballottage les bulletins marqués sont moins à craindre, parce qu'on n'a pas le temps da faire des listes. Il arrivera certainement que des électeurs de bonne foi indiqueront le prénom, la profession et le domicile du candidat. Il ne faut pas qu'il y ait de nullité de ce chef.

M. Lelièvre. - J'adopte pleinement les observations qui viennent d'être professées par M. le ministre de la justice.

Je pense qu'il est préférable d'adopter la rédaction du projet du gouvernement.

La proposition de la section centrale est trop compliquée ; elle peut donner lieu à de graves inconvénients, en multipliant les formalités et par suite les causes de nullité.

Il est à remarquer que c'est surtout en matière d'élections qu'il faut s'abstenir d'exigences inutiles qui peuvent, sans motif, produire l'annulation d'un vote dont la loi doit protéger l'émission.

Les nullités sont de droit étroit, et on ne doit pas les créer légèrement.

Le système général de la législation tend à simplifier les formalités, et c'est principalement dans la matière dont nous nous occupons que ce principe doit être maintenu.

C'est la volonté de l'électeur qu'il faut, avant tout, respecter, et à ce point de vue, je ne puis me rallier aux amendements de la section centrale énoncés aux articles 7 et 8.

Je pense aussi que l'on devrait autoriser les qualifications d'ancien sénateur, ancien représentant ou ancien conseiller provincial ou communal.

En effet, rien de si naturel que de donner ces qualifications au candidat auquel elles peuvent être attribuées. C'est même là un usage suivi (page 1509) chez bous. Dès lors, pour quel motif sérieux l'électeur ae pourrait-il pas s'y conformer ? Il me semble qu'en adoptant ce qui est conforme à un usage général, on ne saurait être considéré comme posant un fait réprouvé par la loi.

M. Coomans. - La vive répugnance que m'inspirent les formalités excessives introduites dans la loi indique assez que je partage la manière de voir de l'honorable ministre de la justice, car celle-ci diminue un peu les formalités proposées par la section centrale.

En vérité, messieurs, nous allons à rencontre du but que nous avons en vue. Vous voulez la sincérité des élections et vous arriverez fatalement à falsifier les élections.

MjTµ. - Du tout.

M. Coomans. - Quoi ! messieurs, vous annulerez des billets parfaitement valables, parfaitement loyaux, parce qu'ils ne contiendront pas l'ordre sacramentel indiqué par la loi.

M. Thonissenµ. - On propose de supprimer cela.

M. Coomans. - Qui ?

M. Thonissenµ. - M. le ministre de la justice.

M. Coomans. - Et la section centrale, retire-t-elle sa proposition ?

M. Bouvierµ. - Oui ! oui !

M. Coomans. - Est-ce que M. Bouvier est rapporteur ?

M. Bouvierµ. - Non, c'est un entendu.

M. Coomans. - Je demande si la section centrale retire sa proposition ?

M. Crombez, rapporteur. - Je vous répondrai tout à l'heure.

M. Coomans. - Alors l'honorable M. Bouvier s'est trop pressé.

Je dis que vous falsifiez les élections, lorsque vous annulez des billets loyalement écrits. Or, n'est-il pas absurde qu'un billet portant ces mots : « M. Eudore Pirmez, représentant de Charleroi, » soit un billet annulé ? Vouloir dicter la même formule pour tous les billets, c'est en réalité astreindre les électeurs à s'enrégimenter dans une association qui aura exclusivement la direction de l'élection.

Mais je suppose un électeur libre, qui veut rester libre, qui comprend mieux que d'autres l'esprit de la Constitution et les exigences de sa dignité personnelle et qui ne va demander avis à personne, ni à M. le curé, ni à M. le bourgmestre, ni à qui que ce soit, et qui écrit loyalement sur son bulletin : « M. Eudore Pirmez, représentant de Charleroi. » Son billet est annulé.

Eh bien, s'il y a quelques-uns de ces billets, en cas d'élection douteuse, ce qui n'arrivera pas, j'espère, pour l'honorable M. Pirmez, voilà une élection annulée, c'est-à-dire une élection faussée ; car il peut arriver qu'un grand nombre d'électeurs qui auraient émis des votes parfaitement consciencieux et je dirai parfaitement raisonnables, et qui n'auront pas lu ou relu l'article de la loi, donnent des bulletins semblables, et leurs bulletins seront nuls.

Messieurs, cela n'est pas seulement absurde, cela est inique.

Le gouvernement, je l'en félicite, n'a pas eu cette pensée lorsqu'il a rédigé son projet de loi, et je regrette que la section centrale y ait ajouté ces superfétations que je qualilie d'odieuses. Il est fâcheux que l'on ne s'en tienne pas simplement au vieil usage d'après lequel tous les bulletins contenant des désignations suffisantes sont valables.

Messieurs, il faut au moins respecter la liberté des électeurs. Vous parlez toujours de la liberté de l'électeur et vous l'enficelez étroitement, vous ne lui permettez même pas de donner à un candidat le nom que ce candidat porte dans le public. Ce sont des prétentions incroyables et encore une fois je proteste de toutes mes forces.

M. Pirmez. - Je crois également que la rédaction proposée par le gouvernement est la meilleure. Elle diffère en deux points de la rédaction de la section centrale.

D'abord, elle autorise l'indication du domicile, ce qui est bien naturel ; en second lieu, elle permet de mettre en même temps que la profession, l'indication : sénateur, représentant ou conseiller sortant. D'après la section centrale, l'indication du domicile est interdite, et si vous mettez la profession, vous ne pouvez plus ajouter : conseiller ou membre sortant.

Je crois qu'en adoptant cette rédaction du gouvernement, vous entrerez dans une voie plus large, plus libérale, qu'en admettant la rédaction de la section centrale.

J'ai une autre observation à faire sur le paragraphe 2 de l'article. Ce paragraphe porte :

« Le nom de la femme pourra être placé à la suite de celui du mari, mais seulement lorsque l'usage aura réuni les deux noms de manière à n'en former qu'un seul, servant habituellement à désigner le candidat. »

Eh bien, je vous défie, dans la plupart des cas, de dire quel est l'usage à cet égard. Pour ma part, je déclare qu'en ce qui concerne des personnes qui me touchent de plus près, il me serait impossible de dire si l'usage a consacré la chose .Ainsi certaines personnes sont connues par le nom de la femme ajouté à leur nom dans les affaires commerciales, seulement, tandis qu'en dehors des affaires commerciales, jamais on n'ajoute le nom de leur femme. Si une personne a cessé depuis quelque temps d'être dans le commerce, dira-t-on qu'il y a un usage consacré ou non ?

II y a de nos collègues qui sont connus dans leur arrondissement aussi, bien par le nom de leur femme que par le leur propre, parce que le premier rappelle des souvenirs locaux, des hommes qui ont rendu des services particuliers à un arrondissement.

Un électeur ajoute le nom de famille de la femme. Ferez-vous de cette circonstance un cas de nullité ?

Je propose donc de supprimer du paragraphe 2 ces mots ; « Mais seulement lorsque l'usage aura réuni les deux noms de manière à n'en former qu'un seul, servant habituellement à désigner le candidat. »

Vous remarquerez que, si vous adoptez cet amendement, il n'en résultera pas une facilité pour faire des billets marqués et vous éviterez que l'on n'annule des billets très loyalement rédigés.

Je maintiens le paragraphe 3 avec l'amendement que j'ai proposé.

M. Crombez, rapporteur. - Il est évident que le rejet de la disposition de l'article 2, relative aux colonnes qui devaient être imprimées dans l'intérieur du bulletin, amène forcément le rejet de la disposition ainsi conçue : « Le nom de famille devra précéder les prénoms et la profession viendra à la suite des prénoms. »

Il en sera de même pour l'article 8 dont le n°2 devra disparaître.

L'honorable M. Pirmez demande que l'on puisse ajouter les mots ; « domicile ou résidence, » à la suppression desquels M. le ministre de la justice a consenti, si j'ai bien compris ses observations.

Il est évident qu'il n'y a aucune espèce de nécessité à laisser mettre dans un bulletin le domicile ou la résidence du candidat. La même observation s'applique aux mots « ou suivre » : Que l'on insère l'une ou l'autre des désignations autorisées par l'article 7, cela se conçoit, mais permettre d'ajouter à l'indication de la profession celle de représentant, de sénateur ou de conseiller sortant, c'est accordée une facilité de plus à ceux qui se livrent à la constatation des bulletins reconnaissables.

Au surplus, messieurs, dans le système des articles 7 et 8, il faut bien nous pénétrer d'une chose : le mal auquel on veut remédier, ce sont les billets marqués. Par quels moyens arrive-t-on à les marquer ? C'est en donnant aux candidats des qualifications de fantaisie, c'est en inscrivant les désignations superflues ou surabondantes dans un certain ordre qu'on rend le billet reconnaissable. C'est ce que le gouvernement a voulu prévenir en déterminant quelles étaient les qualifications que l'on pouvait insérer dans les bulletins.

La section centrale ne s'est guère écartée des propositions contenues dans le projet de loi. Elle a seulement supprimé, comme j'ai eu l'honneur de le dire, les mots : « domicile ou résidence » et les mots : « ou suivre. » Sous ce rapport, notre système est à peu près le même que celui du gouvernement.

Il y a nécessité que la loi détermine très exactement quelles sont les qualifications qui seront autorisées, de telle manière que si l'on emploie d'autres qualifications que celles qui sont permises, le bulletin soit annulé. Sans cela, vous n'avez rien fait.

Si vous n'entrez pas dans cette voie, il ne faut pas avoir la prétention de faire la guerre aux billets marqués, de supprimer les manœuvres coupables qu'on emploie trop souvent pour connaître les votants. Il faut, en ces matières, admettre la rigueur ou supporter le mal existant.

Pour ma part, si j'avais à exprimer, non pas l'opinion de la section centrale, mais mon opinion personnelle, j'aimerais beaucoup mieux qu'on ne permît aux votants d'écrire que le nom du candidat seulement, sans y ajouter ses prénoms ou qualifications, ni aucune de ses désignations, qui souvent ne sont écrites sur les billets que pour faire reconnaître les votants.

M. Coomans. - Il y a vingt Coomans dans mon arrondissement.

M. Crombez, rapporteur. - Je ne fais qu'indiquer ce système ; s'il avait quelque écho dans la Chambre, je serais le premier à demander qu'on recherchât une formule.

Maintenant, messieurs, si un bulletin contient des désignations non autorisées, que va-t-on faire ? C'est ici que nous nous trouvons en présence de deux systèmes qui ont eu leurs défenseurs dans les sections, (page 1510) dans la section centrale et dans la Chambre. Le système de la nullité du bulletin et le système du silence gardé par le président sur les qualifications qui sont surabondantes ou dérisoires.

Le système du silence gardé par le président n'a pas été accepté par la section centrale. Il ne remédie à aucun des inconvénients signalés. Le président peut lire par mégarde les qualifications surabondantes.

L'honorable M. de Naeyer a fait en outre ressortir les objections qui doivent faire rejeter le système du silence. Il faut évidemment que le président donne lecture du bulletin tel qu'il est écrit. Je veux bien qu'il ne fasse pas connaître immédiatement, au moment de la lecture, les marques non lisibles, mais je ne crois pas que le président puisse garder le silence sur les diverses qualifications inscrites dans le bulletin.

M. Pirmez. - Il doit aussi donner connaissance des marques.

M. Crombez, rapporteur. - C'est une question dont nous nous occuperons ultérieurement.

Le président doit donc donner lecture du bulletin tel qu'il l'a sous les yeux et sans rien omettre.

Le système du silence ne pouvant être suivi d'une manière efficace, il faut en revenir au système de la nullité des bulletins, ou, je le répète, la Chambre n'aura pas apporté un remède sérieux contre les billets marqués.

Or, un des abus les plus grands qui se soient manifestés dans les élections, ce sont certainement les billets marqués, et si vous ne parvenez pas à les supprimer, ou tout au moins à en diminuer le nombre, vous n'aurez pas obtenu un résultat appréciable.

J'ai encore une observation à faire à M. Pirmez.

Cet honorable membre vous a dit : Je suis partisan des observations présentées par M. le ministre de la justice en ce qui concerne le paragraphe 2, et je demande qu'on supprime les mots : « Mais seulement lorsque l'usage aura réuni les deux noms de manière à n'en former qu'un seul, servant habituellement à désigner le candidat. »

En inscrivant cette disposition dans le projet de loi, nous n'avons fait que suivre exactement ce qui est dit dans l'exposé des motifs, dans le commentaire de l'article 9.

« Le nom de la femme, dit l'exposé des motifs, pourra être placé à la suite de celui du mari, mais seulement lorsque l'usage aura réuni les deux noms, de manière qu'ils n'en forment pour ainsi dire qu'un seul et qu'ils servent à désigner habituellement le candidat. »

Vous voyez, messieurs, que nous nous sommes bornés à introduire dans le projet de loi une observation que nous trouvions parfaitement juste, mais qui n'avait pas de valeur légale. Nous l'avons transformée en texte de loi, afin d'éviter toute espèce de doute.

Enfin, messieurs, une troisième modification proposée par M. le ministre de la justice consiste à supprimer le dernier paragraphe. Nous ne tenons pas absolument au maintien de ce paragraphe, voici pour quels motifs nous l'avons introduit. Lorsqu'on procède au ballottage il n'est pas obligatoire de se servir du papier électoral et nous avons ainsi enlevé une des garanties que contenait le projet du gouvernement.

Pour éviter les fraudes en cas de ballottage et alors qu'il n'y a plus que des noms connus parfaitement, nous avons été d'avis que les noms de famille seuls devraient être employés, car il ne peut plus y avoir d'incertitude sur la désignation du candidat et ce qu'on pourrait ajouter ne servirait à rien. On pourrait donc sans inconvénients se borner à prescrire le nom de famille en cas de ballottage.

MpVµ. - Il est parvenu au bureau une nouvelle rédaction de l'article 7 présentée par M. Pirmez et ainsi conçue :

« Les candidats ne seront désignes que par leurs nom, prénoms, domicile et résidence. Toutefois la qualification de sénateur, représentant, conseiller sortant peut remplacer ou suivre les trois dernières indications ; le nom de la femme pourra être placé à la suite de celui du mari, le nom de famille est une désignation suffisante, s'il n'y a pas dans la circonscription électorale, un autre candidat notoirement connu comme tel qui porte ce nom. Sauf dans ce cas, il ne sera donné lecture, lors du dépouillement, que du nom de famille. »

Cet amendement est appuyé ; il fait partie de la discussion.

M. Bara. - Je ne puis admettre en aucune manière les observations présentées par M. de Naeyer et pour moi si on admet le droit du président de lire tout le bulletin, une loi sur les fraudes électorales sera inefficace, le couloir sera parfaitement inutile. Les électeurs devront déposer les bulletins marqués qu'on leur remettra. Ces bulletins électoraux seront annulés, mais l’électeur n'en aura pas moins été privé de sa liberté. Il n'aura pu voter en faveur des candidats de son chois. Aussi j'aime mieux la mesure proposée par M. Pirmez qui dit qu'on ne lira plus que le nom. Sans doute il y aura des fraudes, il est possible que le président commette des erreurs, mais l'électeur saura qu'on ne peut pas connaître son bulletin et là est l'avantage. Avec le système de M. Pirmez vous avez un moyen préventif très fort contre les fraudes ; avec votre système vous êtes certain qu'on reconnaîtra tous les bulletins marqués ; dès lors le couloir même devient inutile.

Je comprend ce système, mais il ne peut pas se concilier avec le changement de bulletins, qu'on dit favorisé par le couloir. L'électeur à qui on aura remis un bulletin, ne pourra plus voter pour le candidat de son choix.

Je crois, quant à moi, qu'il faut laisser au bureau le soin de décider'si le bulletin est marqué ou non, et en tous cas, il ne faut permettre que de lire le nom.

C'est, à mon avis, le meilleur système et le plus efficace contre les fraudes.

M. de Naeyer. - Il est évident que, dans le système que vient d'indiquer l'honorable M. Bara, on laisse au président un pouvoir trop absolu, tout à fait arbitraire même. Si ce système était adopté, ce serait le président qui serait en définitive le grand électeur ; il annulera ou n'annulera pas suivant qu'il le juge convenable. Or, cela n'est pas admissible. Comment voulez-vous que le président décide souverainement si le bulletin est marqué ? Et cependant telle serait la conséquence de la proposition que nous combattons, car il suffira que le président se borne à lire le nom de famille pour que par cela même il soit décidé que les désignations portées sur le bulletin sont conformes à la loi et qu'elles ne sont pas de nature à faire reconnaître le votant. Les électeurs ne sauront que le bulletin est susceptible d'être annulé pour désignations redondantes que pour autant que le président veuille bien leur en donner connaissance ; ce serait le comble de l'arbitraire.

Il faut nécessairement que chaque électeur puisse dire, à la lecture d'un bulletin, que ce bulletin, à raison des désignations qu'il contient, est reconnaissable. On ne peut conférer au président un pouvoir absolu.

M. Bouvierµ. - Et aux scrutateurs ?

M. de Naeyer. - Pas davantage ; il n'y a de garanties véritables que dans le contrôle des électeurs.

Je dois rencontrer maintenant une observation présentée par M. Pirmez. Cet honorable membre nous disait : Faites ce que vous voulez, il faudra toujours que la décision de la contestation soit dévolue au bureau. Cela est évident, mais il y a une différence énorme entre une décision formelle et expresse du bureau qui porte sur des faits constatés en public, et une décision par silence.

Cette dernière décision échappe au contrôle, tandis que l'autre est livrée immédiatement à la publicité et peut être déférée ultérieurement aux Chambres. Il y a là une très grande garantie qui fait absolument défaut si vous donnez au président le droit de décider par son silence, car ce n'est plus là qu'une décision muette qui paralyse tout droit de réclamation.

Comme l'a fort bien fait remarquer l'honorable rapporteur de la section centrale, il faut ici maintenir le système de publicité, il faut que tout le corps électoral réuni ait connaissance, si je puis m'exprimer ainsi, de toutes les pièces du procès.

Je m'oppose donc à la modification proposée par l'honorable M. Pirmez. Car dans les affaires politiques surtout il faut éviter qu'il y ait un pouvoir arbitraire qui décide ; il faut dans ces affaires plus que dans toutes autres, des garanties.

M. Devroedeµ. - Dans l'un et l'autre système, nous trouvons des inconvénients. Si l'on est obligé à lire le nom, la profession, le domicile ou la résidence, il y a de quoi faire reconnaître le bulletin.

D'un autre côté, si l'on impose au président l'obligation de ne lire que le nom, ce sera aussi assez dangereux, car personne en dehors du bureau ne saura si le bulletin est bon ou s'il ne l'est pas. On pourrait présenter un amendement dans ce sens que le bulletin ne pourrait porter que le nom et le prénom quand il n'y aura pas d'autre candidat portant les mêmes nom et prénom.

M. de Naeyer. Cela est dit, le nom même suffit.

M. Devroedeµ. - Oui, mais cela n'est pas obligatoire. Je crois que ce moyen est le meilleur.

M. Coomans. - On n'a pas répondu à l’objection que j’ai faites.

(page 1511) J'ai supposé un président partial et j'ai demandé s'il ne lui était pas possible, dans cette hypothèse, de passer sous silence les désignations illégales afin de faire compter les bulletins qui les porteraient.

Eh bien, cela est de toute évidence ; et il est également évident que le président pourra mettre toutes les désignations superflues ou inexactes que quand il voudra faire annuler un bulletin.

Ici, je conçois que vous ayez diverses garanties outre celle de la Chambre, mais je suppose le cas où il ne restera rien des bulletins, où tous les bulletins auront été anéantis après avoir été comptés au candidat sans avoir été l'objet d'aucune contestation, quel contrôle avez-vous ? Aucun. Ainsi le président reconnaît une désignation illégale sur un bulletin, maïs ce bulletin contient un suffrage conforme à son opinion ; il la passe sous silence ; le bulletin compte et après la proclamation du résultat il est annulé.

Eh bien, je dis que c'est là une iniquité manifeste. Vous ne pouvez pas faire dépendre une élection d'un seul homme ; vous ne pouvez pas non plus déclarer, qu'un président est nécessairement incorruptible, surtout lorsqu'il ne s'agit pas de ses fonctions judiciaires.

Mais ce n'est pas tout, messieurs, car les difficultés s'accumulent quand on est dans une mauvaise voie.

Le texte du projet porte que le candidat pourra être désigné par sa profession. Mais s'il en exerce plusieurs, pourra-t-on indiquer ses diverses professions, ou pourra-t-on choisir entre elles ? Dans le texte, le mot « profession » figure au singulier ; cependant je demande s'il sera permis de désigner un candidat par ses diverses professions s'il en a réellement plusieurs.

MjTµ. - Non.

M. Coomans. - Je demande en outre si la qualité de rentier ou de propriétaire peut être considérée comme une profession ?

M. Lelièvre. - C'est une qualité.

M. Coomans. - Vous voyez donc, messieurs, que nous ne nous entendons pas sur les devoirs que le président aura à remplir et l'accomplissement de ces devoirs, si difficile déjà, nous le laissons dépendre de l'appréciation d'un seul homme.

Mais, messieurs, vraiment cela n'est pas admissible : permettre au président de ne pas lire les bulletins marqués, dans l'intérêt de son parti ; lui permettre de lire les billets marqués, dans l'intérêt du parti adverse, c'est de l'iniquité et c'est, je le répète, fouler aux pieds toutes les règles du régime représentatif loyalement entendu.

Je suppose un autre cas : il y aura erreur dans les prénoms, des fautes d'orthographe faites à dessein, est-ce encore le président qui va décider en dernier ressort, et quand le président aura fait passer comme valables des bulletins qui, en réalité, ne l'étaient pas, comment pourrez-vous réparer cette injustice, les bulletins ayant été détruits ?

Je demande qu'on veuille bien répondre à ces objections.

M. de Macarµ. - Je crois que le gouvernement et la section centrale, celle-ci surtout, ont poussé trop loin l'appréhension des bulletins marqués et je crains qu'en voulant éviter cette fraude, ils n'en provoquent une autre non moins dangereuse.

Il est certain, messieurs, que quand il faudra si peu de chose pour faire considérer un bulletin comme marqué, rien ne sera plus facile que de faire accepter à des électeurs dont on ne pourra pas gagner les suffrages, des bulletins entachés de nullité. Ainsi, dans le système de la section centrale, il suffirait d'ajouter au nom d'un candidat celui de sa femme pour rendre souvent nul un bulletin qui aura été facilement accepté et que de bonne foi on aura pu supposer bon. Dans mon arrondissement il y aurait 20 bulletins sur 50 qui porteraient de Macar de Potesta parce que, dans les deux dernières élections, les bulletins déposés ont généralement porté ces deux noms. Ces bulletins devraient-ils être annulés ? Evidemment ceux qui les auraient déposés les croiraient parfaitement valables.

Quant à l'observation de l'honorable M. de Naeyer, appuyée par l'honorable M. Coomans, relative au pouvoir du président, je ne le crois pas fondée.

Veuillez remarquer, messieurs, que le président n'est pas seul pour vérifier les bulletins, un des scrutateurs les ouvre pour les lui remettre ; ils passent ensuite à un second scrutateur qui les dépose sur la table à l'inspection des autres membres du bureau. De qui donc vous défiez-vous ?

M. Coomans. - De tout le monde.

M. de Macarµ. - A commencer par un magistrat, c'est-à-dire par un homme qui, plus que tout autre, doit échapper à tout soupçon. Vous vous défiez ensuite des fonctionnaires communaux, c'est-à-dire des hommes investis déjà de la confiance des électeurs eux-mêmes.

Pour moi, messieurs, ce sont là des garanties qui me paraissent suffisantes.

Remarquez encore que l'usage des bulletins marqués au moyen de désignations surabondantes se perdra bientôt, quand on saura que l'indication du nom du candidat suffit, et que l'on ne donne lecture d'aucune désignation particulière inscrite sur le bulletin, on n'aura plus aucun intérêt à multiplier des désignations devenues sans utilité quelconque.

On trouve exorbitant le pouvoir donné au président de décider ; mais quand il trouvera un bulletin portant des désignations superflues, son devoir sera d'en faire part aux scrutateurs.

M. Thonissenµ. - Et s'il ne le fait pas ?

M. de Macarµ. - Mais je n'admets pas que cela soit possible, puisque, ainsi que je viens de le dire, les bulletins doivent passer par le crible de deux scrutateurs et vous avez en outre la garantie des électeurs qui circulent derrière le bureau.

Je crois donc que le système de l'honorable M. Pirmez est parfaitement clair et qu'il y a lieu de l'adopter.

MjTµ. Messieurs, le système, de l'honorable M. Pirmez ne me paraît pas s'harmoniser avec les autres dispositions de la loi. Je pourrais admettre ce système, si l'on ne prononçait plus aucune nullité, si l'on déclarait simplement que le président ne donnera lecture que du nom de famille et que tous les bulletins seront valables.

Dans ce système, je comprends l'amendement de l'honorable M. Pirmez ; mais, du moment que vous maintenez la peine de la nullité, il ne me paraît pas possible de laisser en quelque sorte à l'arbitraire du président le soin de décider s'il y a dans un bulletin une nullité ou s'il n'y en a pas.

Le président, après s'être borné à lire le nom de famille, mettra le billet de côté, et la rapidité des opérations électorales empêchera les scrutateurs d'examiner la manière dont chaque bulletin est conçu. Il dépendra en réalité du président de faire annuler ou de ne pas faire annuler un bulletin.

Je le répète, avec l'amendement de l'honorable M. Pirmez, il faudrait déclarer valables tous les bulletins. Nous ne pouvons pas l'adopter, puisque nous avons admis l'annulation des bulletins marqués. Il ne faut pas que l'annulation dépende de l'arbitraire du président.

Maintenant l'article 7 du projet de la section centrale diffère en deux points de l'article 7 du projet du gouvernement. Le premier paragraphe de ce dernier projet exigeait, outre l'indication du nom, des prénoms et de la profession, celle du domicile ou de la résidence. J'admets que la désignation du nom de famille, des prénoms et de la profession soit suffisante, et sous ce rapport je me rallie au projet de la section centrale.

La rédaction du gouvernement différait de celle de la section centrale en cet autre point, que les qualifications de sénateur, représentant ou conseiller sortant pouvaient remplacer ou suivre l'indication de la profession et du domicile ou de la résidence, tandis que, dans le système de la section centrale, ces indications ne peuvent être employées cumulativement. Je crois, messieurs, qu'on peut se rallier à la proposition de la section centrale : les qualifications de sénateur, de représentant ou de conseiller sortant seront suffisantes pour faire connaître la personne à laquelle l'électeur entend donner son suffrage.

Quant au nom de la femme, je me rallierai à l'amendement de l'honorable M. Pirmez. Il est certain que, dans bien des cas, on ajoute le nom delà femme. J'avais déclaré, dans l'exposé des motifs, que cette addition ne pourrait avoir lieu que lorsque l'usage aurait réuni les deux noms, de manière qu'ils n'en forment pour ainsi dire qu'un seul.

On craint l'arbitraire : il est difficile de n'avoir pas un peu d'arbitraire dans cette matière ; toutefois pour éviter les nullités trop nombreuses, j'admettrai la suppression proposée par l'honorable M. Pirmez.

M. Magherman. - Messieurs, je crois devoir appeler l'attention de M. le ministre de la justice sur un autre point. D'après l'article 7, les candidats devront être désignés dans les bulletins par leurs noms de famille ; or, qu'en sera-t-il des personnes qui sont revêtues d'un titre nobiliaire et qui sont généralement plus connues sous cette dénomination que sous leur nom de famille.

Nous avons eu parmi nous M. le prince de Chimay ; on ne le connaissait que sous ce nom ; son nom de famille n'était jamais prononcé.

Le marquis de Rodes, l'honorable sénateur de l'arrondissement d'Audenarde, est dans le même cas ; il n'est jamais désigné par son nom de famille.

(page 1512) D'après le texte rigoureux de la loi, si l'on se bornait à dénommer des candidats de cette manière, ce serait un cas de nullité ! Ce n'est pas sans doute l'intention du gouvernement.

MjTµ. - Non.

M. Coomans. - Messieurs, M. le ministre de la justice vient de m'inspirer une idée qui pourrait nous mettre d'accord. Je veux bien que le président ne lise que le nom de famille, car je trouve qu'en ne lisant que ce seul nom, on empêche le genre de fraude qu'on a en vue ici de réprimer ; mais c'est à la condition bien expresse, ainsi que l'a dit M. le ministre de la justice, que tous les bulletins seront valables, hormis ceux qui ne contiendraient pas une désignation suffisante. (Interruption.) Je suppose un bulletin qui pèche par un excès de désignation, dans le but de commettre une fraude ; le président se bornera à lire le nom de famille et le bulletin sera déclaré valable.

Ce système a l'avantage de réprimer les fraudes que vous voulez empêcher. Mais, ainsi que l'a fait observer M. le ministre de la justice, si vous adoptez le système des nullités pour surabondance de désignations, vous ne pouvez pas vous rallier à l'amendement de l'honorable M. Pirmez.

M. Thonissenµ. - Messieurs, deux questions ont été posées par l'honorable M. Coomans et il n'y a pas été répondu ; elles ont cependant de l'importance, parce qu'elles s'appliquent à la fois à la rédaction du gouvernement, à celle de la section centrale et à celle de l'amendement de l'honorable M. Pirmez.

L'honorable M. Coomans a demandé ce qu'il faudra faire, quand un candidat a plusieurs professions. Peut-on les indiquer toutes en même temps, ou doit-on se borner à l'indication d'une seule d'entre elles ? Et dans ce dernier cas, doit-on indiquer la profession principale ou bien est-on libre d'indiquer celle qu'on veut ?

L'honorable M. Coomans a encore parlé du cas où l'on aurait commis des erreurs dans l’énonciation des prénoms. La chose ne me paraît pas très importante, ni la réponse très difficile à donner ; mais, dans une matière oh les règles doivent être précises, il importe qu'on soit bien fixé sur toutes les controverses qui peuvent se présenter.

Prenons un cas spécial. Je suppose un bulletin indiquant exactement le nom de famille et la profession, mais indiquant inexactement les prénoms. Le bulletin sera-t-il annulé, ou ne le sera-t-il que dans le cas où l'erreur commise aura pour résultat de jeter du doute sur l'identité de la personne ?

Je désirerais avoir quelques explications de la part des organes du gouvernement et de la part de M. le rapporteur de la section centrale.

MjTµ. - Dans mon opinion, lorsqu'un candidat a plusieurs professions, l'électeur peut se borner à indiquer dans son bulletin une de ces professions, et choisir celle qu'il veut.

Quant à la question de savoir si un bulletin sera nul lorsqu'il contiendra une erreur dans les prénoms, c'est une question d'appréciation que je ne puis résoudre d'une manière absolue.

Je suppose qu'un électeur donne, sur son bulletin, à un candidat un prénom qui n'est pas le sien. Voici l'opinion que j'émettrais dans ce cas si j'étais membre du bureau électoral.

Si le prénom s'appliquait à une personne existante portant le même nom que le candidat, j'annulerais le bulletin ; dans le cas contraire, je serais disposé à valider le bulletin. Voilà comment la question devrait, selon moi, être résolue. (Interruption.)

Du moment que c'est un système, on peut supposer que c'est un moyen qu'on emploie pour marquer les bulletins, et alors, évidemment, il y a nullité de ce chef. Mais il peut arriver aussi qu'on commette une erreur dans l’énonciation des prénoms, sans aucune intention de fraude. Tous ces cas doivent être abandonnés entièrement à l'appréciation du bureau. Il est impossible d'établir à priori une règle absolue.

M. Thonissenµ. - Messieurs, je désirerais encore avoir une explication de M. le ministre de la justice. En me répondant, il n'a exprimé que son opinion personnelle ; mais cette opinion présente une grande valeur dans ce débat.

Il m'a dit que dès l'instant qu'il y a, dans l'arrondissement ou dans le royaume, une personne portant le même prénom, l'erreur commise aurait pour conséquence d'annuler le bulletin. Ce système me paraît trop sévère. Il est admissible dans le cas où une autre personne portant les mêmes nom et prénom exercerait la même profession ; mais, dès l'instant ou les deux personnes exercent des professions différentes, je ne vois aucun motif de se montrer aussi rigoureux. Prenons ce cas : il y a un Dufour, Pierre, boulanger, et un Dufour, Jean, négociant, à qui l'on donne par erreur le prénom de Pierre. Par cela seul qu'il y a un Dufour, Pierre, dans le royaume, le bulletin devra être annulé, malgré la différence des professions. Ce système me semble inadmissible.

J'approuve le système, lorsqu'il y a plusieurs personnes portant la même nom et exerçant la même profession ; mais, du moment qu'il n'y a aucun doute sur l'identité de la personne, l'erreur commise dans l'indication d'un prénom ne peut avoir pour conséquence l'annulation d'un bulletin.

MjTµ. - Il m'est impossible de prévoir tous les cas et de répondre d'emblée à toutes les questions qui sont posées. Nous ne sommes pas ici un bureau de consultation et je ne veux pas pousser plus loin la discussion à cet égard.

Mais je vais montrer à l'honorable M. Thonissen qu'il est impossible d'établir une règle absolue. Si vous admettez qu'on pourra à côté du nom écrire tous les prénoms qu'on voudra, tout en ajoutant des qualifications suffisantes pour désigner le candidat, on aura un moyen très simple de marquer tous les bulletins. Ainsi on écrira : Thonissen, Pierre, représentant sortant, Thonissen, Nicolas, représentant sortant, et l'on marquera ainsi tous les bulletins. Aussi, je retire même sous ce rapport la première déclaration que j'ai faite, et je dis que si le prénom n'est pas celui du candidat, il doit y avoir nullité ; sinon nous ouvrons une porte très large à la fraude.

- La discussion est close.

MpVµ. - Je vais mettre aux voix l'amendement de M. Pirmez.

M. Pirmez. - Mon amendement comprend plusieurs dispositions différentes.

Il y a le paragraphe premier qui indique ce qu'on écrira sur le bulletin.

II y a le second paragraphe, où je demande la suppression des derniers mots, en ce qui concerne le nom de la femme.

M. Crombez, rapporteur. - J'admets votre amendement.

MpVµ. - On est d'accord à cet égard.

M. Pirmez. - La troisième question est de savoir si l'on adoptera mon système quant à la lecture des billets.

MpVµ. - Je mettrai l'amendement de M. Pirmez aux voix par division.

Comme on est d'accord sur la rédaction du second paragraphe, je mettrai successivement aux voix les amendements proposés par M. Pirmez au premier et troisième paragraphes.

- Ces amendements ne sont pas adoptés.

MpVµ. - Reste l'article tel qu'il a été modifié par le gouvernement. Il est ainsi conçu :

« Les candidats ne pourront être désignés que par leur nom de famille, prénoms et profession. Les qualifications de sénateur, représentant ou conseiller sortant pourront remplacer l'indication de la profession.

« Le nom de la femme pourra être placé à la suite de celui du mari.

« Le nom de famille est une désignation suffisante, s'il n'y a pas, dans la circonscription électorale, un autre candidat, notoirement connu comme tel, qui porte ce nom. »

- L'article ainsi rédigé est adopté.

Article 8

MpVµ. - Nous arrivons à l'article 8. Le gouvernement se rallie-t-il à la rédaction de la section centrale ?

MjTµ. - Je demande, comme conséquence des dispositions adoptées antérieurement, la suppression du n°2.

Il y aura aussi, comme conséquence d'un vote antérieur, des modifications à apporter au n°6 qui devra être rédigé comme suit :

« 6° Les bulletins qui ne sont pas écrits à la main, autographiés ou lithographies, ceux qui, étant autographiés ou lithographies, ne seraient point la reproduction de l'écriture usuelle à la main ou qui ne seraient pas écrits, autographiés ou lithographies à l'encre noire. »

M. Crombez, rapporteur. - Je propose d'ajouter à l'article 8 la dernière phrase du troisième paragraphe de l'article 2, qui a été supprimée :

« Le texte des articles 7 et 8 de la présente loi sera imprimé sur chaque lettre de convocation, afin que chaque électeur sache quelles sont les conditions qui lui sont imposées pour que son bulletin soit valable. »

M. Goblet. - Et s'il ne sait pas lire ?

M. Crombez, rapporteur. - Eh bien, il apprendra.

M. Van Wambekeµ. - Il est bien entendu que le texte des articles 7 et 8 se trouvera sur les lettres de convocation dans les deux langues, française et flamande ?

(page 1513) MjTµ. - Dans les trois même, la où l’allemand est en usage.

MpVµ. - M. Hymans avait proposé de supprimer, à l'article 8, les mots : « qui ne sont pas écrits à la main. » Par suite d'un vote précédent, cet amendement tombe.

La discussion est ouverte sur l'article 8 modifié comme on vient de l'indiquer.

M. de Naeyer. - Je crois qu'il importe de décider ici une question qui a été tenue en réserve. Elle se rattache au paragraphe ainsi conçu :

« Les bulletins dans lesquels le votant se ferait connaître ou portant à l'intérieur des marques, signes ou énonciations de nature à violer le secret du vote, »

On a demandé si les ratures qu'on trouverait sur un bulletin devraient être considérées comme des marques et par conséquent devraient entraîner la nullité du bulletin.

Je crois que la section centrale a été unanime pour considérer les ratures comme devant entraîner la nullité du bulletin, et il me semble qu'il n'est pas possible d'admettre une autre opinion, car c'est un moyen extrêmement facile de marquer un billet que de biffer un nom ou deux. C'est le moyen le plus facile et surtout celui qui est le plus facile à reconnaître.

Je crois que, pour éviter toute espèce de doute, il conviendrait d'ajouter le mot « ratures »... (Interruption.) Je crois qu'il vaut mieux de le dire formellement dans ce numéro, que de laisser encore cette question à résoudre. Il faut que la loi soit aussi claire aussi formelle que possible.

Sans quoi vous aurez des interprétations diamétralement opposées ; certains bureaux considéreront les ratures comme des marques, d'autres bureaux valideront les billets contenant des noms biffés.

M. Coomans. - Il me semble que l'article 9, que j'approuve, rend inutile le n°4 de l'article 8. L'article 9 porte que lorsqu'un bulletin...

MpVµ. - C'est supprimé du consentement du gouvernement et de la section centrale.

M. Coomans. - Je le regrette.

Eh bien, messieurs, je propose la suppression du n°4 de l'article 8. Je ne vois pas pourquoi, quand le président est autorisé à ne donner lecture que du nombre de noms exigés par la loi, il faudrait encore annuler ce bulletin.

Ce qui me préoccupe surtout en cette matière, c'est la sincérité de l'élection.

Je ne veux pas que la forme emporte le fond et que vous veniez annuler un vote, c'est-à-dire vicier l'élection pour un manque de forme. L'électeur peut, de bonne foi, inscrire un nom de plus ; pourquoi voulez-vous annuler ce bulletin ? Vous me direz que c'est parce que c'est un moyen de marquer le billet, soit ! Mais ne donnez pas lecture de ce nom et votre but sera atteint.

Messieurs, nous compliquons trop le système électoral et nous en viendrons à vicier les élections avec toutes ces précautions minutieuses.

MpVµ. - L'amendement suivant vient de parvenir au bureau :

(Paragraphe additionnel à placer à la fin de l'article 8.) « Le texte du présent article et de l'article précédent sera imprimé sur chaque lettre de convocation.

« (Signé) Crombez. »

M. Pirmez. - Il me semble que le paragraphe 3 de l'article est trop rigoureux. Si l'on indique la profession du candidat et qu'on ajoute les mots membre sortant, le bulletin sera annulé. (Interruption.) Par exemple : « Dewandre, avocat, membre sortant. » Voilà un bulletin nul. C'est une rigueur injustifiable.

Le paragraphe 5 déclare nuls : « Les bulletins dans lesquels le votant se ferait connaître, ou portant à l'intérieur des marques, signes ou énonciations de nature à violer le secret du vote. » Cela me paraît insuffisant. Quand vous rencontrez une qualification propre à faire reconnaître le bulletin, une qualification qui ne soit pas usuelle, alors annulez ; mais quand vous aurez un bulletin régulier, simple où rien ne décèle une intention de fraude, n'annulez pas ce bulletin, parce qu'il y aura une désignation de trop.

M. Jacobsµ. - Je ne puis me rallier à l'amendement que vient de proposer l'honorable rapporteur de la section centrale. Voici pourquoi. C'est surtout pour les élections communales que la mesure aurait de l'utilité. Or, la plupart du temps les lettres de convocation ne sont pas imprimées ; la disposition entraînerait donc, pour les petites communes, une dépense considérable à laquelle elles ne sont pas astreintes aujourd'hui.

Je demanderai si l'on ne pourrait pas faire imprimer les articles dont il s'agit sur le papier électoral.

- Des membres. - C'est trop long.

M. Jacobsµ. - J'y verrais un inconvénient moindre.

M. Crombez. - La Chambre a déjà décidé que le texte des articles 7 et 8 ne serait pas imprimé sur les bulletins. Cependant on a reconnu qu'il y aurait utilité à donner aux électeurs l'indication des conditions exigées pour que le bulletin ne soit pas nul. On trouve que le système du gouvernement et de la section centrale est rigoureux, eh bien, c'est une raison pour éclairer les électeurs et placer sous leurs yeux les conditions auxquelles la validité de leur vote est attachée.

L'honorable M. Coomans regrette que l'article 9 soit supprime et il a demandé la suppression du n°4° de l'article 8.

Messieurs, j'ai eu l'honneur d'expliquer à la Chambre, et M. le ministre de la justice a parfaitement établi que le système du gouvernement et de la section centrale est celui de la nullité du bulletin quand il n'est pas fait d'après les indications de la loi. L'article 9 contenait le moyen de faire des billets marqués ; ajouter un nom de trop, c'était faire une marque, et si vous admettez la nullité pour une marque ou pour une désignation surabondante, il faut aussi l'admettre pour un nom de plus, qui souvent n'est qu'une sorte de signature du bulletin. C'esi pourquoi la section centrale a supprimé l'article 9, et, pour être conséquent, elle a inscrit aussi parmi les causes de nullité les noms portés en trop sur le bulletin

L'honorable M. Pirmez pense que le n° 5 est trop rigoureux. Cet article annule : t Les bulletins portant d'autres désignations que ceEes autorisées par le même article, à moins qu'elles ne soient indispensables pour distinguer les candidats des personnes qui auraient les mêmes nom, prénoms et profession. »

D'abord je ferai une observation sur la rédaction de l'article. Nous avons supprimé le n°2 qui portait : « Les bulletins dont les désignations ne seraient pas placées dans l'ordre prescrit par l'article précédent., » Le n°3 disait : « ... autorisées par le même article. »

Or, comme on a supprimé les mots « par l'article précédent, » il faut dire dans le numéro 3 : « que celles autorisées par l'article précédent. »

Je réponds maintenant à l'observation de l'honorable M. Pirmez. Ce numéro 3 n'est pas nécessaire si vous admettez le principe qu'on aura la liberté d'insérer tout ce qu'on voudra dans les bulletins ; mais alors vous retombez dans l'inconvénient du billet marqué.

Comme l'honorable M. Tesch le disait avec raison à M. Thonissen, je ne puis prévoir tous les cas, ni donner une solution immédiate à toutes les questions que vous me poserez : on pourrait plus tard invoquer l'opinion émise par le rapporteur. Quand des difficultés se présenteront, les bureaux électoraux décideront.

M. Lelièvre. - Je partage entièrement l'avis de l'honorable M. Pirmez. Nous allons réellement trop loin en matière de nullités. Ainsi, la moindre désignation ajoutée à celles que la loi autorise, vicie le suffrage. Par exemple, si l'on inscrit sur le bulletin : « Tel, ancien représentant », ce bulletin sera nul. La conséquence du projet sera l'annulation d'un nombre considérable de bulletins qui, dans l'intention de l'électeur, et en réalité, ne contiennent aucune fraude. Ce système me paraît absolument trop rigoureux. Nous allons nous jeter dans un dédale de difficultés qui réellement sont contraires à l'essence de l'électeur, à la volonté précise des électeurs et font dépendre la validité d'un vote de formalités minutieuses, que jamais, pour ma part, je ne saurais introduire dans la législation.

M. Bara. - L'article indique quels sont les cas de nullité pour les bulletins examinés individuellement, mais il peut y avoir des bulletins marqués sans qu'ils en portent la trace.

Cela s'est passé dans mon arrondissement. Il s'agit de nommer quatre députés. Un parti ne propose que deux candidats, et il fait ajouter à ces deux noms, sur chaque bulletin, le nom de l'électeur. Evidemment un pareil bulletin est marqué, il est signé même. En lui-même il est valable, mais rapproché des autres, on remarque la fraude.

Il est évident cependant qu'il rentre dans le 5° de l'article 8. Par conséquent lorsqu'on aura fait porter des noms d'individus qui ne sont pas candidats ou qui n'ont pas l'apparence d'être candidats, on pourra demander au bureau l'annulation des bulletins portant une pareille désignation à raison du rapport qu'ils ont avec d'autres bulletins. C'est une question d'appréciation dont le bureau sera juge.

M. Coomans. - L'honorable M. Crombez ne m'a pas compris. D’après l'honorable membre, le bulletin qui porte un nom de plus que (page 1514) le chiffre fixé est un bulletin marqué, et dès lors il en désire l'annulation. S'il en était ainsi, je comprendrais l'objection de l'honorable membre ; mais ce bulletin n'est pas marqué, puisque le président ne donne pas lecture de ce nom supplémentaire. Rien ne vous empêche de formuler cette disposition. Si le président ne donne pas lecture du nom supplémentaire, ce n'est pas un bulletin marqué. Par conséquent, il n'y a pas d'identité entre ce cas et les autres cas cités par l'honorable rapporteur.

Quoique ce ne soit pas mon sentiment, je conçois, à la rigueur, que vous annuliez des bulletins qui portent des annotations supplémentaires, parce que le président doit en donner lecture et qu'en en donnant lecture il marque le bulletin.

Je reconnais qu'en bonne logique en suivant votre système, vous puissiez annuler le bulletin. Mais quand la lecture du président ne donne aucune indication à l'auditoire, ce n'est pas un bulletin marqué.

Maintenant je réponds à la prétention nouvelle qui vient d'être formulée et qui me paraît encore plus excessive que les autres.

L'honorable M. Bara voudrait laisser au bureau la faculté d'apprécier si des bulletins sont valables, alors même qu'ils ne contiennent pas de noms supplémentaires, alors que l'électeur reste dans les limites légales, c'est-à-dire dans l'hypothèse où il y aurait trois candidats à élire, mais où un parti n'en porterait que deux et où on ajouterait sur la liste un troisième candidat pour rire. Ceci me paraît encore inadmissible.

M. Bara. - Vous pouvez signer votre bulletin alors.

M. Coomans. - Un instant, je vous prie. Vous tombez encore une fois dans cette étrange erreur, sous l'empire de laquelle se trouvent beaucoup de membres de cette Chambre, c'est que les électeurs sont forcée d'élire dans le cercle tracé par les partis et par les associations.

J'admets qu'un parti ne mette que deux candidats en avant, lorsqu'il y a trois nominations à faire ; mais s'il me plaît d'en porter 3 quand il y en 3 à nommer, comment le bureau pourrait-il me priver de l'exercice d'un droit politique ?

Une association de droite ou de gauche n'aurait trouvé que deux candidats ou elle aurait jugé convenable de ne voter que pour deux, et moi, électeur indépendant, il me serait interdit, si l'opinion de l'honorable M. Bara était admise, de voter pour un troisième candidat !

M. Bara. - Pas du tout. Il n'y a pas de système dans ce cas-là.

M. Coomans. - Et si 50 électeurs font comme moi.

M. Bara. - Ce sera un système. Mais si ce sont des candidats différents, alors ce n'est pas un système.

M. Coomans. - Ceci est trop fort. La loi somme l'électeur de mettre 3 noms et vous annulez les bulletins parce qu'ils sont conformes au vœu de la loi ; parce qu'il a plu à un parti, n'importe lequel, de désigner un candidat de moins.

Vous supprimiez la liberté de l'électeur et vous viciez davantage encore les opérations électorales dont le vice principal aujourd'hui est le règne exclusif des associations assermentées.

M. de Naeyer. - Il me semble que la proposition qu'a faite l'honorable M. Coomans, et qui consiste à rétablir l'article 9 portant que le président ne donnerait pas lecture des noms qui excéderaient le nombre voulu, a été écartée implicitement, par le rejet de l'amendement de l'honorable M. Pirmez.

Il s'agissait de savoir si le président pourrait laisser de côté les désignations autres que le nom de famille.

M. Coomans. - Ce n'est pas la même chose.

MjTµ. - C'est la même chose.

M. de Naeyer. - Il s'agit toujours de savoir si tout bulletin doit être porté à la connaissance du public, afin qu'il puisse juger s'il est valable ou s'il est susceptible d'être annulé.

La question est la même ; il s'agit de savoir s'il y a des désignations surabondantes qui sont de nature à faire reconnaître le votant. Maintenant l'honorable membre nous dit : Ce bulletin ne devient marqué que parce que le président en donne lecture.

Mais c'est une grave erreur. Le billet est marqué ou n'est pas marqué au moment où il est déposé dans l'urne et la lecture donnée par le président n'y apporte aucun changement, mais son silence aurait réellement pour effet de couvrir le vice dont le bulletin est infecté et cela ne doit pas être, car l'addition d'un nom surabondant est un moyen bien commode de marquer les billets.

Quant aux nullités, il y a deux systèmes, le système de nullités prononcées directement par la loi et le système de nullités que j'appellerai facultatives, de nullités qui peuvent être prononcées par le bureau suivant les circonstances dont l'appréciation lui serait dévolue. Pour moi, je préfère le premier système, parce qu'ici c'est la loi qui parle, et qu'ainsi vous avez une règle fixe et invariable, qui est la même pour tous ; dans l'autre système, au contraire, vous aurez des décisions arbitraires, influencées par les passions politiques, car il ne faut pas se faire illusion, les membres du bureau sont des hommes politiques.

Je préfère donc et de beaucoup, et je crois que nous serons tous d'accord sur ce point, le système des nullités prononcées directement par la loi. Il faut autant que possible écarter l'arbitraire ; je dis autant que possible car on ne peut prévoir tous les cas.

Ainsi la difficulté soulevée par l'honorable M. Bara ne me paraît pas susceptible d'une solution absolue. Tout dépendra des circonstances.

Je crois, quant à moi,| que s'il y a évidemment un système adopté pour un parti et consistant à ajouter à une liste incomplète des candidats, des noms qui ne sont pas sérieux, il y aurait lieu de prononcer l'annulation. Il est à remarquer cependant qu'une pareille manœuvre ne peut être pratiquée qu'en sacrifiant un ou plusieurs candidats, tandis qu'en y ajoutant un nom surabondant on parvient à marquer un billet sans faire le sacrifice d'aucun candidat. Cette fraude est donc plus à craindre que celle signalée par l'honorable M. Bara et c'est pour ce motif que la section centrale a ici voulu que la nullité fût prononcée par la loi. Quant à l'autre cas, il était impossible de formuler des dispositions dans la loi.

L'appréciation doit être laissée au bureau, qui jamais, cependant, ne doit pouvoir décider qu'en motivant sa décision et de manière que tout électeur ait connaissance des faits de la contestation.

MpVµ. - La parole est à M. Dumortier.

- Voix nombreuses. - A demain.

La séance est levée à 5 heures.