(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1864-1865)
(Présidence de M. E. Vandenpeereboom.)
(page 1479) M. de Moor, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. Van Humbeeck, secrétaireµ, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.
- La rédaction en est approuvée.
M. de Moorµ présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre :
« Le conseil communal et des habitants de Saint-Pierre-Capelle réclament l'intervention de la Chambre pour obtenir l'établissement d'une halte sur le chemin de fer de Hal à Ath, dans la traversée de la commune de Marcq. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Lenz propose de déposer dans le couloir électoral des étuis fabriqués d'après un type uniforme et destinés à recevoir le bulletin à remettre au président du bureau. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur les fraudes électorales.
« Le conseil provincial du Hainaut demande que la concession du chemin de fer projeté de Saint-Ghislain à Frameries soit mise en adjudication publique et que le gouvernement fasse, en toute occasion, l'application la plus large et la plus profitable à l'intérêt des consommateurs, de l'article 12 de la loi du 2 mai 1837 sur les mines. »
- Pour la première partie dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif au chemin de fer de Saint-Ghislain à Framerics, et pour la seconde partie renvoi à la commission des pétitions.
MpVµ. - La Chambre est arrivée à l'article 4 ; à cet article se rattache un amendement présenté par MM. Giroul, de Macar et Elias.
Cet amendement est ainsi conçu :
« Chaque année, après la clôture des listes électorales, le commissaire d'arrondissement répartit les électeurs généraux et provinciaux dans les différents bureaux d'après l'ordre alphabétique de leurs noms, sans tenir compte du lieu de leur domicile.
« L'appel des électeurs sera fait suivant cet ordre.
« L'article 18 de la loi électorale du 1er avril 1845 est abrogé. »
La discussion s'établit d'abord sur les amendements.
La parole est à M. Mouton.
M. Mouton. - Je tiens à faire connaître succinctement à la Chambre les motifs qui m'engagent à me rallier aux deux amendements proposés par quelques-uns de nos honorables collègues et consacrant, le premier l'ordre alphabétique, le deuxième le mélange des bulletins dans une urne centrale.
Je m'occupe de ces deux amendements en même temps, parce que dans ma pensée, ils se complètent l'un l'autre.
Le but de la loi que nous discutons, qui est d'assurer l'indépendance de l'électeur et la sincérité du vote, me paraît devoir être mieux atteint par l'emploi de ces deux moyens, combinés, du reste avec les autres mesures indiquées dans le projet.
L'ordre alphabétique étant établi soustrait l'électeur à la surveillance incessante dont il est l'objet dans le système actuel ; le mélange des bulletins après le vote lui donne en outre la presque certitude qu'on ne pourra contrôler le bulletin qu'il a déposé dans l'urne.
La question de l'ordre alphabétique n'est pas nouvelle. Elle a été longuement discutée en 1859, ses partisans et ses adversaires en ont fait valoir tour à tour les avantages et les inconvénients et le principe a été adopté par la Chambre, sur la proposition de l'honorable M. Orts, à la majorité de 54 voix contre 36 et 10 abstentions.
On a cherché depuis à infirmer la portée du vote émis à cette époque en prétendant que l'on ne connaissait pas alors les moyens nouveaux qui ont été proposés pour réprimer les fraudes électorales, et qu'en toute hypothèse cette mesure ne pouvait produire de résultat utile dans les collèges composés d'une ou de deux sections.
Examinons quelle est au juste la valeur de ces objections.
Je veux bien reconnaître que l'ordre alphabétique, pris isolément, n'est pas de nature à faire disparaître tous les abus, mais il conserve néanmoins une utilité relative assez grande pour que l'emploi de cette mesure soit préconisé par un bon nombre de membres de cette Chambre.
Il existe (les chiffres que je vais citer sont extraits du remarquable rapport de l'honorable M. Crombez) 41 collèges électoraux ; trois n'ont qu'un bureau, neuf ont deux sections, cinq en ont trois, soit 17 collèges. Mais à côté de ces collèges il y a 24 circonscriptions dont le nombre des sections varie de 4 à 24.
Eh bien, il est incontestable pour moi que si l'on défalque les 12 collèges ne comprenant qu'une ou deux sections, il en reste 29 dans lesquels la dissémination des électeurs résultant du classement par ordre alphabétique rend la surveillance des agents électoraux fort difficile, sinon impossible.
En effet, que se passe-t-il aujourd'hui ? Les électeurs de chaque commune étant groupés ensemble se rendent au scrutin accompagnés de surveillants qui ne les perdent pas de vue, qui les suivent jusqu'au moment où ils ont déposé leur vote dans l'urne. Si au contraire les électeurs sont répartis, dispersés dans plusieurs sections, la surveillance dont ils sont l'objet est enrayée, il faudra augmenter le nombre des surveillants et il ne sera pas toujours facile de s'en procurer, ayant autorité suffisante sur l'électeur.
On dira que pour obvier à cet inconvénient on a la ressource des bulletins marqués, mais c'est alors que l'emploi du second moyen consistant dans le mélange des bulletins trouve son utilité. L'électeur auquel on remet un billet marqué, dans l'impossibilité où l'on est de lui faire subir une pression au moment du vote, saura qu'il peut, en toute sécurité, se soustraire à la nécessité de le déposer dans l'urne. Il pourra faire librement son choix sans crainte d'être recherché ni inquiété, car tous les bulletins étant d'abord mêlés dans une urne centrale, puis remis aux différents bureaux pour y être dépouillés, il ne sera pas possible de déterminer à l'avance la section où le billet marqué doit sortir.
Je crois donc que l'introduction dans la loi de ces deux moyens permettra de déjouer une partie des fraudes qui se commettent et rendra à l'électeur l'indépendance qu'on veut lui assurer.
L'opinion publique s'est vivement préoccupée de cette idée de la répression des fraudes ; les associations politiques et presque toutes les pétitions adressées à la Chambre réclament l'ordre alphabétique, et j'ajoute que dans l'enquête administrative, ouverte sur cette question par les soins du gouvernement, on constate 23 avis favorables à l'adoption de cette mesure, et 12 seulement qui y sont opposés.
Je termine en rappelant ce que disait de cette mesure, en 1859, notre honorable président : elle est juste, libérale, n'offense personne et protège tout le monde.
Je voterai donc les deux amendements qui nous sont proposés, parce que je les considère comme offrant une garantie sérieuse pour la liberté et la sincérité des élections.
M. de Macarµ. - Messieurs, je n'ai que peu de mots à ajouter aux considérations que j'ai émises dans une précédente séance en faveur de l'amendement que j'ai eu l'honneur de présenter avec les honorables MM. Giroul et Elias. Le principe de cette proposition a été discuté longuement dans la presse, il a été l'objet d'un examen sérieux de la part des associations politiques ; enfin en 1859 il a reçu l'approbation de la Chambre après une discussion dans laquelle les voix les plus autorisées du parti libéral avaient été entendues. Il serait dès lors difficile d'apporter de nouveaux éléments d'appréciation, et je dois m'en référer à ce qui a été dit à cette époque. Cependant, messieurs, de la part de certains de nos amis, des hésitations se sont produites et je désirerais savoir quelles sont les causes de ces hésitations ; la pression électorale a-t-elle été moins forte dans ces derniers temps qu'avant 1855 ?
Je ne le pense pas ; jamais la lutte n'a été plus vive, jamais la pression n'a été plus grande que dans les dernières élections ; il s'agissait en (page 1480) 1480 d'une question vitale pour les deux opinions qui partagent la Belgique et chacun des deux partis a usé de tous les moyens possibles pour triompher.
En 1859 les partisans de la réforme motivaient leur vote par la nécessité d'apporter de la moralité politique dans les assemblées électorales : c'était une mesure d'émancipation que l'on réclamait ; c'était surtout au nom de la liberté de l'électeur que la proposition était faite. Qu'il me soit permis, messieurs, de rappeler quelques-unes des paroles qui ont été prononcées alors.
M. Devaux disait :
« Je regarde les propositions de la section centrale comme ayant plus d'un côté utile. Je rends hommage aux sentiments qui les inspire.
« Ce n'est pas une pensée de bouleversement, mais une pensée de moralité électorale. »
Voici l'opinion de M. Muller :
« Il ne s'agit pas dans cette question de prendre une mesure de parti ; il s'agit de faire acte de moralité, de soustraire les électeurs aux influences illégitimes que peuvent exercer certaines individualités, certains personnages qui les tiennent par des causes quelconques dans leur dépendance, il s'agit enfin de rendre cette véritable oppression, sinon toujours inefficace, du moins aussi rare que possible. »
L'honorable M. Mouton vient de rappeler ce que disait l'honorable M. Vandenpeereboom ; celui-ci ajoutait encore :
« Qu'y a-t-il d'humiliant pour les campagnes dans un projet qui doit être applicable à tout le monde, qui doit favoriser la libre et consciencieuse manifestation de chacun des électeurs ruraux comme des électeurs citadins ? »
Enfin l'honorable M. Orts résumait brièvement ces ordres d'idées en disant :
« Quelle a été la pensée de la modification proposée par la section centrale ?
« Rendre l'élection plus pure en donnant à l'électeur le moyen d'exercer ses droits avec plus d'indépendance qu'il n'en a aujourd'hui.
« Pensée d'indépendance et de liberté, pensée éminemment morale, on ne peut le contester. »
Le gouvernement se ralliait à la mesure, il en contestait seulement l'opportunité, M. Rogier disait ;
« Eh bien, messieurs, quel est le but du projet de loi ? quelle est la pensée qui l'inspire ? Cette pensée est celle que je viens d'exprimer.
« Les auteurs de la proposition ont eu en vue d'assurer aux électeurs la sincérité, la liberté, l'indépendance du vote ; voilà pourquoi nous nous y sommes ralliés. »
Eh bien, messieurs, je me demande en quoi la position est modifiée et, comme je viens de le dire, je crois que les raisons qui venaient à l'appui de la proposition en 1859, n'existent pas moins aujourd'hui.
Cependant une objection nouvelle a été produite ; c'est celle qui nous a été soumise dans une séance précédente. Il a dit que l'adoption du couloir dans la salle des élections rend inutile le mode de votation que nous proposons.
J'admets que le couloir rendra difficile tout au moins la pression directe qui s'exerce sur l'électeur au moment du vote. L'homme influent ne pourra pas, après avoir remis un bulletin à un électeur, le forcer à le déposer dans l'urne, ne pas permettre à l'électeur de se laisser perdre de vue jusqu'au moment oh il aura remis son bulletin dans l'urne.
Sous ce rapport, il y a une véritable amélioration.
Mais il est un ordre d'idées que le couloir ne peut atteindre : c'est la pression morale qui s'exerce sur l'électeur quelque temps avant le scrutin.
On a beaucoup parlé, et de toutes parts, de cette pression morale ; aux dernières élections, le clergé, les grands propriétaires, les industriels en ont usé. (Interruption.)
Les deux partis, soit, mais surtout le clergé ; rappelez-vous les enquêtes sur les élections de Bruges et de Bastogne.
M. Van Hoordeµ. - Qu'on la publie donc cette enquête de Bastogne dont on parle toujours sans la connaître, et l'on verra que vous vous trompez !
M. de Macarµ. - Quoi qu'on en dise, je suis très convaincu que cette pression existe.
L'honorable M. Dumortier, dans maintes circonstances, nous a signalé la pression gouvernementale.
Si cette pression existait, ce que je conteste, je la combattrais avec autant d'énergie que la pression morale exercée par le clergé ou par les grands propriétaires. Je ne fais pas de cela une question de parti, je trouve ce moyen très mauvais, quelle que soit l'opinion qui y ait recours.
Eh bien, dans l'état actuel des choses, la liberté morale de l'électeur ne peut être sauvegardée complètement, il ne peut se soustraire aux influences qui le poursuivent quelque temps avant les élections. Lorsque l'électeur arrive au scrutin, il est entouré de personnes qui bien souvent ne pensent pas comme lui, qui ne le perdent pas de vue, aux obsessions desquelles il est constamment livré, et qui ne lui laissent pas voir d'autres bulletins que ceux qu'elles désirent voir déposer dans l'urne.
Il est évident que cet électeur ne peut pas se soustraire à de pareilles influences, qu'il doit les subir fatalement.
Je veux porter remède à cet état de choses ; je veux garantir l'électeur contre cette influence, contre ces obsessions, de manière à lui permettre d'avoir d'autres idées que celles qu'on le force en quelque sotte à subir.
N y-a-t-il pas un avantage très grand à ce que l'électeur des campagnes entende autre chose que les opinions qu'il a toujours entendues ?
M. Coomans. - Ils ne sont pas plus bêtes que les autres.
M. de Macarµ. - Je les crois aussi intelligents que les autres. Je commence par l'électeur campagnard, parce que je crois que souvent il peut difficilement se soustraire à ces idées et qu'il ne lui est pas permis d'en avoir d'autres.
M. de Moorµ. - Très souvent. (Interruption.)
M. Bouvierµ. - Laissez parler au moins.
M. de Macarµ. - Je crois qu'il est utile qu'on puisse persuader à quelques électeurs des campagnes que le parti libéral n'est pas un parti de démolisseurs, hostile à la religion et ne recevant que les inspirations des loges.
Je crois que beaucoup d'électeurs abandonneront ces idées que l'on a déjà quelquefois cherché à leur donner.
Je crois qu'il y a intérêt aussi à ce que les habitants des villes soient en contact avec les campagnards. Il y a dans les grandes villes une tendance vers les idées avancées, une tendance à faire marcher certaines idées très rapidement.
La Belgique forme un tout indivisible ; il ne faut pas que dans une partie du pays on pousse à la roue et que, dans une autre, on y mette des entraves. Je crois qu'il est très bon que le corps électoral entende les opinions des uns et des autres. C'est ce résultat que nous avons voulu atteindre, et je crois que notre amendement aidera à y arriver.
Messieurs, on a dit qu'il y aurait des difficultés très grandes pour l'électeur des campagnes à remplir ses devoirs de citoyen.
Ceci est exagéré. L'électeur campagnard connaît presque toujours le chef-lieu d'arrondissement. Les chemins de fer amènent presque chaque jour le campagnard en ville, et je crois qu'il n'est pas assez inintelligent pour ne pas savoir ce qu'il fera lorsqu'il sera appelé à y voter.
On parle d'hommes entreprenants qui prendraient aux électeurs leurs bulletins et leur en donneraient d'autres.
Je suis convaincu que l'électeur campagnard sous ce rapport exercera librement sa volonté : il saura parfaitement ce qu'il fait et le fera librement, consciencieusement. C'est ce que nous devons désirer.
Je ne dirai que très peu de mots de l'objection qui a été faite qua l'amendement que nous proposons serait une mesure révolutionnaire destinée à assurer la prépondérance d'un parti.
Pas plus que l'honorable rapporteur de la section centrale, messieurs, qu'il en soit certain, je ne veux d'une loi de parti. Si j'étais persuadé que la chose ne fût pas juste, je ne la voterais pas. Mais je crois la chose rationnelle, juste, bonne, destinée à assurer l'indépendance de l’électeur et c'est pourquoi j'insiste pour que vous lui accordiez votre approbation.
(page 1487) M. Dupontµ. - Je n'avais pas l'honneur de faire partie de la Chambre en 1859, lorsque cette question a été soumise à ses délibérations. J'ai pris la peine de relire cette discussion, comme l'auront fait sans doute les membres de cette Chambre qui sont dans la même position que moi, et j'y ai puisé la conviction que l'amendement déposé par les honorables MM. de Macar, Giroul et Elias, était de nature à écarter beaucoup de fraudes et à assurer la sincérité et l'indépendance du vote. (Interruption.)
C'est ma conviction ; tous les membres de la Chambre ne la partagent pas, mais toutes les opinions sont libres et toutes sont respectables dès qu'elles sont consciencieuses. J'ai retiré de cette lecture un autre enseignement, c'est que tous les arguments pour et contre ont été développés à cette époque avec éclat par les hommes les plus éminents des deux partis qui divisent cette Chambre, et que, par conséquent, il est inutile de revenir sur ces motifs. Toute la question est de savoir aujourd'hui si la Chambre qui s'est prononcée, en 1859, pour la séparation des électeurs par ordre alphabétique, doit revenir sur la décision qu'elle a prise.
L'honorable rapporteur de la section centrale semble être de cet avis ; du moins la section centrale ne propose pas d'inscrire l'ordre alphabétique dans le projet, et le motif qu'on en donne, c'est que beaucoup de personnes qui, en 1859, croyaient que le vote par ordre alphabétique était nécessaire, ont modifié leur opinion et pensent aujourd'hui qu'en présence des nouveaux moyens qu'on nous propose, ce mode est devenu inutile et constitue un double emploi.
On a dit aussi que le vote par ordre alphabétique était dénué d'efficacité, qu'il ne produira de résultats que dans les grands collèges électoraux, où il est inutile, et que dans les petits collèges, où il serait surtout nécessaire, il sera sans effet. Mais, messieurs, la loi électorale permet de faire autant de sections qu'il y a de fois deux cents électeurs ; on pourrait donc multiplier le nombre des sections dans les collèges peu nombreux.
Ainsi, parmi les arrondissements indiqués dans le rapport de M. Crombez, il en est deux qui font partie de la province de Liège, celui de Waremme et celui de Huy ; je crois qu'il n'y a à Waremme que deux sections et cependant Waremme compte de 800 à 900 électeurs ; à Huy, il y a trois sections pour 1,600 à 1,700 électeurs. Il est certain que dans ces deux arrondissements on pourrait, en restant dans les termes de la loi électorale, augmenter le nombre des sections et dès lors, les reproches qu'on fait à l'amendement au point de vue de son insuffisance disparaissent ; car ces observations s'appliquent sans doute également aux autres collèges où il n'existe que peu de sections et que cite l'honorable rapporteur.
Aussi, je laisse de côté la question d'efficacité et j'examine la question principale. Quelle est-elle ?
Pour les membres qui, en 1859, ont voté la loi, comme pour nous, c'est celle de savoir si les circonstances se sont modifiées depuis lors, si réellement il y a, comme on le prétend, double emploi ; si le scrutin par ordre alphabétique a été proposé alors comme un moyen suffisant pour empêcher toutes les fraudes et si l'on a entendu l'adopter à l'exclusion des autres mesures que nous discutons aujourd'hui.
Eh bien, il n'est pas exact de dire qu'en 1859,on n'avait pas songé à ces divers moyens ; il n'est pas exact de soutenir que ces moyens n'avaient pas frappé l'attention des membres de la section centrale.
J'ai revu les discours prononcés à cette époque par divers orateurs, et notamment celui de l'honorable M. Muller et j'ai constaté qu'ils renversent l'objection qu'on nous oppose ; il reconnaissait qu'il existe d'autres moyens pour assurer l'indépendance et la sincérité du voie, et il appelait de ses vœux leur réalisation.
M. Muller disait qu'il fallait adopter d'abord le vote par ordre alphabétique et que d'autres mesures pourraient plus tard compléter la réforme.
Il n'y a donc pas double emploi, et la Chambre qui, en 1859, professait cette opinion, se prononcera dans le même sens aujourd'hui et se ralliera à l'amendement de MM. Giroul et Elias.
Quant à moi, je déclare que, dans mon opinion, il y a lieu d'ajouter aux mesures qui nous sont proposées, le vote par ordre alphabétique.
Le gouvernement semble être d'accord avec la section centrale.
En proposant de discuter l'amendement à l'article 4, il a paru supposer que l'établissement du couloir peut remplacer le vote par ordre alphabétique.
Je ne puis partager cet avis.
Le vote par ordre alphabétique atteint, en effet, un double but : On vient de vous démontrer que non seulement il assurera la liberté de l'électeur au moment du scrutin, mais qu'il rendra son vote plus éclairé, plus intelligent ; on vous prouve d'une manière parfaitement évidente, me semble-t-il, que l'électeur, qui ne sera plus mené au scrutin comme un mouton, aura ainsi l'occasion de s'éclairer, de s'entretenir avec d'autres électeurs, de lire certains journaux ; en un mot, de raisonner son vote, et par conséquent, je le répète, d'émettre un vote plus intelligent.
Si nous nous plaçons purement et simplement au point de vue de la liberté du vote, il est certain qu'en combinant le scrutin par ordre alphabétique avec le couloir, nous arriverons à garantir à l'électeur une indépendance plus grande. Pourquoi nous propose-t-on un couloir ? C'est assurément pour que l'électeur qui aura reçu un bulletin qu'il lui répugnera de déposer dans l'urne ait le temps de le changer ; or ce temps lui manque souvent.
Remarquez, en effet, que d'après le projet de la section centrale, ce couloir pourra n'avoir que 4 mètres ; on pourra par conséquent le parcourir en trois ou quatre pas ; l'électeur pourra difficilement remplacer, dans ce trajet si court, le bulletin qu'on lui aura imposé.
Il importe donc, selon moi, d'assurer l'indépendance de l'électeur avant son entrée dans le couloir. Si vous voulez que l'électeur puisse changer le bulletin qu'on l'aura forcé d'accepter, il faut au moins lui fournir le moyen de s'en procurer un auparavant. Personne n'ignore qu'on va parfois jusqu'à se livrer à des visites personnelles sur l'électeur pour s'assurer qu'il n'a pas sur lui des bulletins du parti adverse.
Eh bien, il faut qu'un peu avant d'entrer dans le couloir, l'électeur ait une certaine indépendance, une certaine liberté ; qu'il puisse échapper à la surveillance dont il est l'objet et se procurer le bulletin qui contient les noms des hommes de son choix.
Si vous n'admettez pas le vote par ordre alphabétique ; si vous admettez qu'une pression puisse s'exercer sur l'électeur jusqu'au seuil du couloir, vous manquerez le but que vous désirez atteindre. Au contraire, combinez le vote par ordre alphabétique avec le couloir et vous garantirez à l'électeur une liberté d'action suffisante pour lui permettre de voter comme il l'entend.
Tels sont, messieurs, les raisons qui m'autorisent à espérer que la Chambre, qui, en 1859, a adopté le vote par ordre alphabétique, persistera dans sa première décision, motivée sur les raisons les plus graves et qu'elle ne verra pas un double emploi dans la réunion des mesures proposées par le gouvernement et le vote par ordre alphabétique.
(page 1480) M. Tack. - J'avais pensé, pour ma part, que nous en avions définitivement fini de l'ordre alphabétique. Je m'étais fait cette conviction déjà en 1861 lorsque, à propos de la discussion de l'adresse en réponse au discours du trône, j'ai entendu M. le ministre des finances démontrer ce que j'appellerai les impossibilités pratiques du système. J'avais été confirmé dans cette opinion lorsque, plus tard, j'ai vu le gouvernement déposer successivement sur le bureau de la Chambre deux projets de loi sar les fraudes électorales, l'un en 1862, l'autre en 1864, projets dans lesquels il n'a nullement été fait mention de la répartition des électeurs en sections d'après un ordre alphabétique général applicable à tout un arrondissement.
Cette opinion fut encore plus arrêtée dans mon esprit après que j'eus (page 1481) examiné les pièces de l'enquête, ouverte par les soins du gouvernement et constaté qu'à la suite d'un débat approfondi la section centrale avait repoussé le système du voie par ordre alphabétique. Je m'étais trompé, car nous voici en présence d'un amendement qui propose à la Chambre d'adopter ce système.
On vous a parlé, il y a un instant, de la résolution prise par la Chambre en 1859, et il semblerait qu'alors la question a été tranchée définitivement. Il importe avant tout de préciser la portée de cette résolution.
Quelle a été la décision de la Chambre ? La section centrale qui avait été chargée d'examiner le projet de loi relatif à une nouvelle répartition des membres de Chambre et des sénateurs, avait pris l'initiative d'une proposition tendante à faire prévaloir le vote par ordre alphabétique.
La Chambre a-t-elle adopté la proposition de la section centrale ? Non ; seulement elle a décidé en principe que le vote par ordre alphabétique pouvait avoir une certaine utilité, qu'il mettrait un terme, dans une certaine mesure, à cette espèce de surveillance qui s'exerce sur l'électeur au moment du vote et qui consiste à le suivre de l'œil pour constater s'il dépose dans l'urne le bulletin qu'on vient de lui remettre et dont il n'a pas même eu l'occasion de vérifier le contenu.
Cette décision a été prise, du reste, avec toute espèce de restrictions. Dans la pensée de beaucoup de membres de la Chambre, la résolution signifiait : s'il est constant que le vote par ordre alphabétique peut avoir une certaine utilité, il y a lieu, cependant, d'examiner si le système préconisé est pratique, s'il ne présentait pas de nombreux inconvénients dans l'application ; si, d'un autre côté, on ne pouvait pas y substituer d'autres mesures plus efficaces.
C'est dans ce sens que plusieurs membres de la Chambre se sont exprimés. Le gouvernement lui-même, par l'organe de M. le ministre des affaires étrangères, alors ministre de l'intérieur, disait qu'il voulait bien se rallier au principe du vote par ordre alphabétique, mais pas aux propositions de la section centrale ; qu'il se réservait de rechercher si le moyen qu'on mettait en avant était pratique et s'il n'y en avait pas de meilleur, qu'en conséquence il considérait la résolution que la Chambre allait prendre comme une invitation faite au gouvernement de rechercher les moyens les plus propres à remédier aux abus signalés.
Telle a été la portée de la résolution ; il n'y a, par conséquent, eu aucun engagement de la part de personne.
Messieurs, ainsi qu'on l'a déjà dit, la question du vote par ordre alphabétique a été débattue amplement dans la presse, dans les sections de la Chambre et à cette tribune.
Il serait donc impossible de dire du nouveau en cette matière. C'est pourquoi je me bornerai à résumer les arguments qui ont été produits contre la proposition.
A quel abus a-t-on voulu remédier ? On a voulu empêcher cette pression directe qui s'exerce sur l'électeur au moment où il dépose son bulletin dans l'urne et qui le transforme en une véritable machine à voter. C'est cette idée qu'on voit percer dans tous les débats précédents, c'est cette idée qui est encore reproduite dans le rapport de la section centrale.
Messieurs, pour l'honneur de notre corps électoral, n'exagérons pas l'abus dont on se plaint. Je ne nie pas qu'il n'y ait pas eu quelques scandales du genre de ceux qu'on nous signale, mais je soutiens que ces sortes de violences sont rares, exceptionnelles ; pour ma part, je n'ai été témoin qu'une seule fois de cette oppression odieuse dont on nous parle tant ; oui, j'ai vu une seule fois un agent électoral se placer devant le bureau électoral, tenant à la main une pacotille de bulletins, les distribuer aux électeurs qu'il tenait sous sa dépendance, et ceux-ci docilement, servilement les déposer dans l'urne, en présence du corps électoral indigné, sans avoir pu en constater le contenu.
Qui de nous, messieurs, ne flétrit ces audacieuses menées, ce mépris cynique de la loi, qui ne plaint l'électeur qui consent à courber le front sous un joug aussi humiliant, qui n'a pitié du malheureux censitaire, qui, menacé dans ses moyens d'existence, est obligé de subir un vasselage aussi honteux ! Mais je tiens à le répéter, ces faits sont peu fréquents ; il faut trouver un électeur assez dépendant, assez peu soucieux de sa dignité, pour se soumettre à cet outrage, il faut trouver un agent électoral assez effronté pour oser pratiquer pareille manœuvre, il faut supposer aussi une tolérance excessive de la part du président du bureau électoral pour ne pas réprimer des manœuvres aussi coupables. Si j'avais l'honneur de présider un bureau électoral, je me croirais autorisé à empêcher une violation aussi flagrante du secret du vote. On me dit à gauche que j'en aurais le droit, je suis charmé de la conformité de sentiments.
Je concevrais qu'on tienne au vote par ordre alphabétique s'il n'y avait pas d'autre moyen de remédier à l'abus. Mais que signifie votre couloir, s'il n'empêche pas au moins cet abus-là ? C'est donc une machine superflue, une meuble inutile. On nous dit : Il faut faire davantage, il faut soustraire l'électeur aux influences qu'il subit peu de temps avant l'élection, c'est-à-dire avant qu'il ne soit entré dans la salle où il est appelé à voler.
Le vote par ordre alphabétique empêchera-t-il les électeurs de se réunir dans leurs communes respectives, d'arriver ensemble au chef-lieu d'arrondissement, de ne pas se séparer jusqu'au moment même où il faut franchir le seuil de la salle où se passent les élections ? Pas le moins du monde.
Votre couloir ne vous suffit-il pas ? Voulez-vous un second moyen pour mettre obstacle à cette pression directe que nous réprouvons tous ? Défendez la distribution des bulletins dans la salle même où l'on vote ; et alors on aura beau entourer l'électeur, l'espionner, le chaperonner, lui donner un surveillant qui ne le quitte pas plus que son ombre, il trouvera moyen de se soustraire à cette influence mauvaise. Une fois qu'il sera entré dans la salle où se passe l'élection, il se sentira libre, il aura le temps de se reconnaître, de réfléchir, de prendre ses mesures, et de remplacer, lorsqu'il traversera le couloir, le bulletin qu'on lui a imposé par un autre.
Y aurait-il un inconvénient sérieux à empêcher la distribution des bulletins dans la salle des élections ? je ne le pense pas ; dans le projet de 1862, il y avait une disposition d'après laquelle « ceux qui, dans la salle où se fait l'élection, pratiquent des manœuvres tendantes à vérifier le contenu des bulletins, étaient punis d'une amende.
Je ne sais pourquoi on n'a pas reproduit cette disposition dans le projet de loi en discussion. Elle serait, selon moi, utile. L'interdiction de la distribution des bulletins dans la salle des élections aurait cet avantage que les élections se passeraient avec plus de dignité et de convenance ; car le plus souvent le tumulte qu'on remarque dans la salle provient des obsessions qu'on se permet à l'égard de l'électeur au dernier moment ; si l'on adoptait la mesure dont je parle, le président ne serait pas obligé constamment d'imposer silence et de détourner son attention des opérations qu'il dirige ; celles-ci y gagneraient en célérité.
L'honorable M. de Macar soutient que l'ordre alphabétique serait une mesure efficace contre la pression ; qu'il a en vue de faire radicalement disparaître ; je ne partage pas cette opinion, je crois au contraire la mesure inefficace et c'est l'un de ses défauts.
Les efforts augmenteront en raison des obstacles qu'on opposera à la pression ; on multipliera le nombre des surveillants ; on entourera des plus de soins les électeurs réputés douteux.
D'ailleurs on confiera ces électeurs aux agents électoraux des villes qui, d'après le système même qu'on veut faire prévaloir, seront éparpillés dans tous les bureaux ; l'abus se produira aussi facilement que sous l'empire des dispositions existantes. Votre système, à ce point de vue, est inopérant.
Il n'est point un remède contre les bulletins reconnaissants qui sont la véritable lèpre de nos élections. On sait que les bulletins marqués sortent tous aujourd'hui d'une même officine, partent d'un même centre et retournent au même centre, et que ce sont en général des agent électoraux des villes qui se chargent de les contrôler.
Le voie par ordre alphabétique oppose-t il une digue à cette pratique ? Non, il y a pour combattre ce mal d'autres dispositions dans la loi ; le papier officiel, le pli du bulletin, les restrictions apportées aux désignations des candidats, la défense de prendre note.
Le système est, au surplus, incomplet.
Nous avons 41 collèges électoraux, dont 30 ne comptent pas 7 bureaux ; 25 en ont moins de 6 ; dans les collèges électoraux où il n'y a pas plus de 6 sections, votre ordre alphabétique n'aura point d'effet, pas plus que dans les collèges électoraux où il n'y a que 2 ou 3 sections.
Quelle est donc la haute moralité de cette mesure qui n'opère que pour le quart ou le tiers des collèges électoraux ?
Ajoutez maintenant les inconvénients du système ; d'abord, la difficulté pour l'électeur de se concerter sur les incidents des luttes électorales, par exemple sur le ballottage. Je n'entends par m'occuper ici du besoin qu'a l'électeur campagnard de s'éclairer avant l'élection, de connaître sur quel candidat il doit porter sou choix au premier tour de scrutin. Cette nécessité, dont on parle tant, n'est pas réelle.
Au Congrès national on a pu penser cela ; et on a dit, en effet, qu'il fallait réunir les électeurs au chef-lieu d'arrondissement pour leur (page 1482) donner le moyen de s'éclairer ; mais les temps ont changé, les mœurs électorales, les habitudes ne répondent pas le moins du monde à ces prévisions. Nous le savons tous, messieurs, grâce à la facilité des communications, grâce aux perfectionnements, grâce au service des postes, l'électeur est passablement éclairé ; avant l'élection on l'accable de documents de tous genres, de proclamations, des professions de foi, de circulaires, de journaux ; il y a des agents électoraux dans les campagnes qui sont les correspondants de ceux des villes ; les agents de la ville rendent visite aux électeurs de la campagne ; les candidats eux-mêmes vont voir les électeurs à domicile.
Ainsi qu'on ne dise pas que l'électeur rural n'a pas le moyen de s'éclairer, de se renseigner, de connaître le choix qu'il doit faire, avant l'élection, et qu'il y a nécessité de le mettre en rapport avec les électeurs de la ville.
Comment voulez-vous, d'ailleurs, qu'il se concerte avec l'électeur de la ville, alors qu'il arrive au chef-lieu au dernier moment ? Sera-ce au milieu de l'effervescence de la lutte qu'il pourra le faire ! Laissez l'électeur avec ceux qui ont sa confiance, avec ses amis et connaissances. Quand vous l'aurez séparé de tous ceux qu'il a l'habitude de consulter, à qui voulez-vous, qu'il s'adresse en cas de ballottage ?
Sera-ce au premier venu ? Sera-ce à un inconnu, à un adversaire politique qui aura intérêt à le tromper ?
M. Bouvierµ. - Il s'adressera au curé.
M. Tack. -Il s'adressera au curé, ou au bourgmestre, ou au notaire, ou au médecin, peu n'importe, pourvu qu'il sache quel est celui qu'il consulte.
Messieurs, j'ai parlé tantôt de ce qui s'est fait à la Chambre en 1859 ; permettez moi de vous faire remarquer qu'on a pris alors d'autres résolutions que celle qui est relative au vote par ordre alphabétique ; la Chambre a décidé aussi, en 1859, qu'on rechercherait les moyens de faciliter aux électeurs l'exercice des droits électoraux ; cette résolution s'appliquait principalement aux électeurs de la campagne.
Eh bien, messieurs, quelles sont les facilités que le projet de loi accorde aux électeurs de la campagne ? Tout le monde connaît l'inégalité qu'il y a entre les électeurs ruraux et les électeurs de la ville, et c'est à cause de cette inégalité qu'on a demandé le vote à la commune, le vote au chef-lieu de canton, le vote par circonscriptions électorales. (Interruption.) Il y en a beaucoup parmi ceux qui repoussent ces mesures qui admettent l'indemnité comme une espèce de compensation du traitement inégal que subit le campagnard. Voulez-vous aggraver encore la position des électeurs de la campagne, en décrétant le vote par ordre alphabétique ? Les honorables auteurs de l'amendement n'ont pas même fait ce qu'avait fait la section centrale en 1859, pour respecter le principe d'après lequel les électeurs les plus éloignés votent les derniers au premier scrutin et les premiers au scrutin de ballottage. Et voilà comment on cherche à faciliter aux électeurs de la campagne l'accès de l'urne électorale !
Tenez compte aussi, messieurs, de l'observation que faisait hier l'honorable M. Jacobs qui a démontré que désormais les opérations seront beaucoup plus longues par suite du passage des électeurs par le couloir, par suite aussi de la nécessité de proclamer continuellement pendant le dépouillement le nombre de voix obtenu par chaque candidat.
- Un membre. - Cela se fait partout.
M. Tack. - Je ne l'ai jamais vu faire. Or, c'est un obstacle de plus, c'est encore une cause qui fera durer les opérations électorales plus longtemps qu'elles ne duraient auparavant.
Si après cela on adoptait le mélange des bulletins de toutes les sections, mesure que je n'examine pas en ce moment, il devient évident pour moi que vous n'aurez plus jamais de ballottage avant minuit.
- Un membre. - On le remettra au lendemain.
M. Tack. - Vous imposerez donc une double corvée aux électeurs de la campagne ; vous appelez cela faciliter l'accès de l'urne à ces électeurs !
Une autre considération, messieurs, que je tiens à vous rappeler, et elle est capitale, c’est l'impossibilité oh l'on serait de constater l'identité de l'électeur. Aujourd'hui, les faux électeurs sont excessivement rares, parce que les habitants d'une même commune votent dans le bureau, et en général se connaissent tous ; cependant, il est arrivé que le droit électoral a été usurpé, nous avons vu dans une enquête qu'on avait fait voter un mort. Que sera-ce quand vous ferez voter pêle-mêle les électeurs de toutes les communes d'un arrondissement ?
La section centrale de 1859 avait parfaitement compris cette difficulté et elle avait comminé des peines draconiennes contre les faux électeurs ; les peines pouvaient atteindre 2,000 fr. d'amende et trois mois de prison.
Eh bien, messieurs, des systèmes qu'il faut soutenir par des peines aussi exagérées sont, selon moi, condamnés d'avance.
Vient ensuite la confection des listes électorales par ordre alphabétique. Nous voyons par l'enquête que le commissaire d'arrondissement de Bruxelles estime qu'il faudra quatre mois pour faire les listes alphabétiques, car il arrivera qu'on aura, pour faire ce travail, non pas quatre mois, mais huit ou quinze jours.
En effet, messieurs, l'époque de la révision des listes électorales est faite au mois d'avril. Du 1er au 15 avril, les administrations communales révisent la liste, elle est affichée le premier dimanche après le 15, les électeurs ont dix jours pour réclamer. Lorsqu'il s'agit d'une inscription indue, la signification doit être faite à l'intéressé, qui a un délai de dix jours pour répondre, La députation permanente a un délai pour statuer. Eh bien, messieurs, quand vous réunissez tous ces délais, vous arrivez à ce résultat que souvent les listes électorales ne peuvent être arrêtées définitivement et d'une manière complète que vers le 20 ou le 25 mai. Comment fera-t-on pour dresser les listes alphabétiques lorsqu'il y aura des élections ordinaires le second mardi de juin ?
Remarquez de plus que les convocations des électeurs doivent être faites huit jours avant les élections.
Le commissaire d'arrondissement devra donc faire dresser les listes alphabétiques dans un délai de quinze jours.
C'est là un labeur auquel sont condamnés chaque année les employés des commissariats d'arrondissement ; c'est le rocher de Sisyphe qu'ils rouleront chaque année.
Et par qui se fera le contrôle ? Par les commissaires d'arrondissement ? Ils n'en auront pas le temps. Par les chefs de bureau du commissariat d'arrondissement ? Non ; les employés subalternes seront seuls chargés du travail, aucune vérification n'aura lieu.
Les députations permanentes pourront-elles mieux contrôler la confection des listes par ordre alphabétique ? Encore moins. Comment voulez-vous que la députation permanente vérifie l'exactitude d'un travail qui portera peut-être sur 20,000 à 25,000 électeurs, comme dans le Brabant. Evidemment la chose est impossible. La députation se contentera de donner un visa.
Et puis, quand des erreurs auront été commises, comment les redressera-t-on ? Auprès de qui l'électeur omis pourra-t-il exercer son recours ? A qui veut-on qu'il s'en prenne ? Aujourd'hui, une fois son nom inscrit sur les listes électorales tout est dit. Il est certain qu'il ne sera pas omis, car on fait de simples copies des listes électorales ; dans le nouveau système on les remanie, on les transforme.
Voyez aussi ce qui arrivera pour les convocations. De tous côtés on se heurte à des difficultés. Aujourd'hui l'administration communale n'a besoin que d'une seule formule pour faire la convocation de chaque électeur de la commune. Il y aura désormais presque autant de formules que d'électeurs. L'erreur commise par un secrétaire communal pourra frustrer un électeur de l'exercice de son droit.
On a parlé tantôt de l'enquête et l'on a dit qu'il en résultait que les autorités consultées sont en général favorables au vote par ordre alphabétique. J'ai examiné, messieurs, les avis des députations permanentes, et voici ce que j'ai constaté. La députation permanente d'Anvers, celle du Brabant, celle du Hainaut, celle du Limbourg, celle de Namur, celle de la Flandre orientale se prononcent contre le vote par ordre alphabétique. La députation permanente du Limbourg est peu explicite. Celle de la Flandre occidentale n'a pas envoyé son avis.
Donc la députation de Liège défend seule avec vigueur, il est vrai, le système du vote par ordre alphabétique.
Quant aux commissaires d'arrondissement, plusieurs admettent le vote par ordre alphabétique, mais peu se montrent enthousiastes de la mesure.
Messieurs, un système inutile, inopérant, incomplet, d'une exécution difficile, si pas impossible, qui prête à la fraude, qui donne lieu à une foule d'inconvénients, est un système jugé, selon moi.
Un mot, messieurs, de l'amendement en lui-même. Cet amendement est incomplet et ne propose aucune mesure d'organisation, aucune mesure d'exécution. La section centrale en 1859 avait jugé utile de faire tout différemment les choses. Ainsi elle avait modifié l'article 20 de la loi électorale relatif à la composition des bureaux.
Du moment que vous admettez le vote par ordre alphabétique, quelle raison y aurait-il pour que dans le premier bureau les scrutateurs soient (page 1483) les conseillers les plus jeunes du chef-lieu d'arrondissement ? Il n'y a plus de raison pour admettre cette distinction ; elle doit tomber.
Les auteurs de l'amendement n'ont rien prévu à cet égard. Ils ont laissé subsister la disposition de l'article 20.
Rien n'est dit non plus quant au contrôle.
Rien quant au mode de formation des listes.
Indiquera-t-on seulement le nom et le prénom ?
Ajoutera-t-on le domicile ? le montant des contributions ? Rien à cet égard. Aucune organisation enfin.
J'ai le droit de dire que la proposition n'a pas bien été étudiée et j'en ai la preuve dans le paragraphe final de l'amendement où l'on vous propose d'abroger l'article 18 de la loi électorale.
Or, l'article 18 n'a aucun rapport avec la question qui nous occupe.
M. de Macarµ. - L'article 18 de la loi de 1843.
M. Tack. - Oui, maïs ce n'est pas l'article 18 de la loi de 1843 ; vous avez voulu faire allusion à l'article 19 de la loi électorale ; l'article 18 traite de tout autre chose. Il dit à quelle époque auront lieu les élections ordinaires.
Messieurs, comme conséquence des observations que je viens de vous soumettre, je voterai contre l'amendement présenté par MM. de Macar, Elias et Giroul.
M. Vermeireµ. - Messieurs j'ai peu de mots à ajouter aux observations qu'a fait valoir l'honorable préopinant.
J'ai demandé la parole, lorsqu'on a voulu faire une distinction entre l'électeur des campagnes et l'électeur des villes ; lorsqu'on a voulu établir que l'électeur des campagnes est, en quelque sorte, indigne d'exercer les droits électoraux à cause de son ignorance et aussi de la facilité avec laquelle on pouvait le faire changer d'opinion.
Messieurs, je crois devoir dire en toute sincérité que l'électeur des campagnes, quelque opinion que l'on en ait, n'est nullement cet être méprisable qui se laisserait circonvenir et changerait d'opinion avec une extrême facilité.
Je crois connaître un peu l'électeur des campagnes, il sait apprécier, à toute sa valeur, le droit dont il est investi et il sait aussi s'informer en temps utile quelle est la personne à qui il doit donner sa confiance et pour laquelle il votera.
Donc, quelles que soient les mesures que vous puissiez imaginer pour lui rendre l'accès de l'urne électorale plus difficile, ces mesures n'atteindront certainement pas le but que vous vous proposez.
Je proteste donc contre cette infériorité dans laquelle on veut mettre l'électeur campagnard comparativement à l'électeur des villes.
Mais, messieurs, examinons un peu si effectivement cette influence que l'on dit que le curé, que le bourgmestre, que l'un ou l'autre individu, n'importe lequel, exerce sur un électeur, est bien aussi réelle que l'est l'influence qui est exercée par les sociétés politiques des villes.
Messieurs, les électeurs qui entrent dans les sociétés politiques des villes, du moment qu'ils en font partie, jurent en quelque sorte qu'ils voteront pour le candidat qui sera adopté par cette même réunion politique.
Il arrive souvent aussi que, lorsque dans des villes où le corps électoral est composé de plusieurs milliers d'électeurs, quelques centaines de ceux-ci se rendent à la réunion politique, désignent un candidat, les électeurs qui font partie de cette société sont engagés d'honneur à voter pour les candidats désignés.
Messieurs, cette influence, selon moi, est beaucoup plus funeste que ne l'est celle que pourraient exercer les personnes que l'on a indiquées.
Pourquoi veut-on établir l'ordre alphabétique ?
C'est pour que l'électeur campagnard, qui, d'après ce qu'a dit l'honorable M. Dupont, n'entend qu'une voix quand il est dans sa commune, puisse entendre d'autres voix et changer d'opinion au moment d'aller déposer son vote.
Messieurs, je crois que les électeurs campagnards aussi bien que les électeurs des villes n'entendent pas seulement une voix, qu'ils entendent plusieurs voix et beaucoup de voix discordantes. Ainsi, au moment des élections, tous les journaux écrivent en faveur de leurs candidats. Ceux-ci sont sur la sellette. Ils ne sont pas épargnés par ceux qui écrivent dans un sens d'hostilité contre eux. Mais ce ne sont pas seulement les journaux du chef-lieu d'arrondissement qui écrivent pour ou contre les candidats. Il y a maintenant dans les communes un peu importantes des journaux qui aussi font le même métier, si métier il y a.
Pour moi, messieurs, je crois que nous devons faire une loi électorale qui fasse avancer les opérations électorales dans la mesure du possible. Je pense même que les obstacles que la loi actuelle établira seront tels qu'une seule opération électorale pourra difficilement se terminer en un jour. Il y aurait cependant un moyen d'obvier à cet inconvénient, ce serait de rendre plus nombreux les bureaux électoraux.
Ainsi si, au lieu d'avoir un maximum de 400 électeurs dans un seul bureau, on pouvait établir un maximum de 200 électeurs seulement, les opérations pourraient aller beaucoup plus vite, et l'on pourrait peut-être terminer en un seul jour, même en cas de ballottage.
Je ne suis pas opposé à l'ordre alphabétique, parce qu'il pourrait modifier les opinions des électeurs ; je crois que l'électeur connaîtra suffisamment son devoir pour ne pas changer aussi facilement d'opinion.
Mais si le vote alphabétique a uniquement pour objet de faire changer d'opinion l'électeur et surtout l'électeur de campagne, je dis que c'est une mauvaise mesure et j'ajoute que c'est vouloir exercer une influence illégitime sur l'électeur, et voilà le motif pour lequel je repousse le vote par ordre alphabétique.
M. Giroulµ. - Messieurs, comme signataire de l'un des amendements, j'ai le devoir de répondre aux critiques assez vives qui ont été formulées contre eux au nom de la droite par l'honorable M. Tack d'abord, par M. Vermeire ensuite. (Interruption.)
M. Thonissenµ. - C'est en leur nom personnel ; nous ne sommes pas enrégimentés.
M. Giroulµ. - Qui ont été formulées, si on le préfère, par ces deux honorables membres avec l'approbation presque unanime de la droite (nouvelle interruption), car j'ai entendu de ce côté de nombreuses marques d'assentiment.
M. Coomans. - Et vous, vous parlez au nom de la gauche.
MpVµ. - Pas d'interruption !
M. Giroulµ. - Je suis persuadé que le vote constatera que les opinions exprimées par l'honorable M. Tack sont partagées par l'unanimité ou la presque unanimité de la droite.
M. Van Wambekeµ. - Parce qu'elles sont fondées.
M. Giroulµ. - C'est une appréciation que je fais.
M. Dumortier. - Et vous ne serez pas trompé.
M. Giroulµ. - Je serais fort étonné si les événements venaient modifier mon opinion à cet égard.
On a opposé à la mesure que nous sommes venus vous proposer différents arguments.
On vous a dit que c'était une mesure prise dans un intérêt de parti et contre une certaine catégorie d'électeurs ; on a dit que c'était aggraver la situation de cette catégorie d'électeurs. On ajoute que la mesure serait inefficace, serait inutile. On a fini par dire que nous n'avions pas médité notre amendement, que nous ne savions pas ce que nous faisions et que nous ne connaissions pas la loi que nous voulions modifier...
Eh bien, je crois qu'il sera facile de démontrer que l'honorable membre qui nous a fait ce reproche et qui a voulu nous donner une leçon, s'est lui-même quelque peu trompé, a été trop léger dans les appréciations qu'il a exprimées devant la Chambre, et qu'il a, lui, de son côté, négligé de lire certains textes de loi.
On nous a dit, messieurs, que la proposition de l'ordre alphabétique avait surgi pour la première fois en 1859, qu'à cette époque après un rapport remarquable, de la section centrale, la Chambre s'était prononcée en principe pour l'adoption de cette mesure, qu'elle avait reconnu que l'ordre alphabétique aurait pour résultat d'assurer à l'électeur ce que nous désirons tous, j'espère, lui assurer, l'indépendance dans la manifestation de son vote, et l'assurance que ce vote ne sera pas connu.
Eh bien, cette mesure adoptée en principe ne l'a pas été, comme l'a dit l'honorable M. Tack, avec des restrictions aussi nombreuses et avec l'engagement formel de prendre d'autres mesures pour la compléter. Elle a été adoptée en principe comme bonne, comme devant être mise a exécution dans un temps que la Chambre n'a pas déterminé, mais comme devant être organisée plus tard, parce qu'il y avait lieu de rechercher quelles seraient les difficultés matérielles qui pourraient éventuellement s'opposer à sa mise en application. Voilà, selon moi, le sens du vote émis en 1859 par la Chambre.
S'il en est ainsi, messieurs, si la Chambre, à la suite d'une première discussion, complète, approfondie, à la suite d'un examen fait dans les sections et d'un rapport complet émanant d'une section centrale, a reconnu que le principe que nous venons défendre aujourd'hui aura pour résultat de mettre fin à des abus, nous avons à rechercher, en premier lieu, si ces abus existent encore, ou bien si ces abus ont été corrigés. A cet égard, vous devriez bien reconnaître avec nous que nous sommes en ce moment même occupés à chercher les moyens (page 1484) de les faire disparaître, que différents moyens sont proposés, et qu'entre autres nous avons bien le droit de venir vous dire : II y a six ans, ce moyen que nous venons renouveler devant vous, vous l'avez reconnu excellent.
Ainsi l'honorable M. Tack, après avoir dit, qu'en 1859 on ne l'avait admis que sous réserve, ne condamne pas d'une manière absolue l'efficacité des moyens, mais il vient de dire : on avait promis de les compléter pour faire disparaître les difficultés de cette opération vis-à-vis d'une certaine catégorie d'électeurs, et ici je rencontre l'objection qu'on fait valoir continuellement dans cette enceinte : c'est que nous serions hostiles aux électeurs ruraux.
Une fois pour toutes, messieurs, lorsqu'on vient parler du vote à la commune, lorsqu'on vient parler des moyens de rapprocher l’électeur, au lieu de rester dans la théorie, au lieu de rester dans ces propositions vagues, qu'on dépose un projet et qu'on vous mette à même de le discuter, mais je dis que ce serait le système le plus funeste pour nos institutions et la perte du régime parlementaire. Voilà mon opinion quant au vote à la commune.
Mais venir nous dire toujours : vous êtes hostiles aux électeurs ruraux, cette catégorie intéressante du corps électoral... (Interruption.)
M. de Moorµ. - Nous sommes aussi élus par des cantons ruraux.
M. Giroulµ. - Vous voulez leur rendre la difficulté beaucoup trop grande ; venir dire cela, sans chercher par des moyens pratiques à faire disparaître cet état de choses, c'est faire de la théorie pure, de la déclamation.
A cet égard qu'il me soit permis de trouver étrange qu'on vienne considérer comme hostile aux électeurs ruraux le voie au district, le vote au chef-lieu d'arrondissement, alors que ce mode de votation a été introduit dans notre législation par le Congrès national, cette assemblée à laquelle nous devons toujours rendre hommage et qui n'était certes pas inspirée par l'esprit d'hostilité contre les campagnes, qui bien certainement avait pour elles la plus grande sollicitude. Laissons donc de côté ces griefs que l'on cherche beaucoup trop à exploiter contre cette partie de la Chambre à propos des électeurs ruraux.
Au reste toutes ces déclamations n'exercent aucun effet ; elles ne viennent pas ôter aux habitants des campagnes la conviction intime que c'est à l'opinion libérale en grande partie qu'ils doivent l'état prospère dans lequel se trouve le pays, que c'est à l'excellente administration, notamment du ministère actuel, quelques circonstances heureuses aidant, que nous devons d'être dans une situation aussi florissante, aussi heureuse, aussi tranquille ; mais, c'est au point de vue de la sincérité électorale, de l'indépendance assurée à l'électeur que nous devons nous occuper de cette question.
A cet égard, messieurs, si l'observation que nous a faite l'honorable M. Vermeire est exacte, si, de ce côté de la Chambre nous sommes tous des esclaves serviles, enrégimentés comme des espèces de soldats marchant tous sous une autorité sévère qui ne nous laisserait aucune liberté d'appréciation ; si nous sommes organisés de telle sorte, que nous devions marcher perinde ac cadaver, je m'étonne qu'avec l'argumentation de l'honorable M. Vermeire, comme nos sociétés politiques ont leur organisation dans les campagnes, qu'elles s'éparpillent dans tout le pays, il ne vienne par vous reprocher aussi que nous voulons empêcher l'accès au scrutin d'électeurs qui nous seraient favorables.
Donc, si l'ordre alphabétique a pour résultat - et il l'a, c'est pour cela que nous le proposons - de faire disparaître toute espèce de contrôle, s'il a pour résultat de donner à l'électeur le droit absolu de disposer de son vote sans qu'un contrôle puisse être exercé à son égard, eh bien, l'argumentation de l'honorable M. Vermeire aidant, vous seriez tous les esclaves des associations qui vous tiennent tant à cœur, votant sous le contrôle du grand maître qui pèse sur eux, comme ces autres esclaves qui, sous la pression de leurs intérêts et d'une conscience timorée que l'on cherche à égarer, viennent voter sous l'œil du curé ou de l'intendant du château qui ne leur permet pas même de se séparer un instant.
M. de Borchgraveµ. - Je n'ai jamais vu de curé conduisant des électeurs par la main, mais j'en ai vu d'autres qui faisaient cela.
M. de Moorµ. - Moi, j'ai vu dix et douze électeurs à la fois conduits par un curé.
M. Giroulµ. - J'ai été plus heureux que l'honorable M. de Borchgrave.
J'ai vu, moi, dans maintes circonstance», des curés, non seulement voter, c'est leur droit et jamais je ne songerais à le leur contester, mais exercer nue pression que je regrette au point de vue des intérêts qu'ils ont à défendre et de la mission qui leur est confiée. Voilà ce que j'ai vu et ce que nous devons tous regretter, vous comme moi.
Ainsi donc, écartons ce motif politique, écartons surtout ces allégations que nous proposerions notre amendement dans un intérêt de parti et pour assurer la suprématie d'un parti sur l'autre. Si cela était, la conséquence à en tirer serait regrettable pour le parti que je combats, car si en soustrayant les électeurs au contrôle, à l'influence qui pèse sur eux, ceux qui me combattent n'étaient pas les élus du corps électoral, ils ne représenteraient pas les sentiments du pays. Cette conséquence, vous ne pouvez pas la valoir.
Je ne crois pas que l'ordre alphabétique aurait le résultat que vous prévoyez pour votre opinion. L'ordre alphabétique aurait pour résultat de rendre à l'électeur de l'un et l'autre parti plus de dignité et au vote plus de sincérité.
J'aborde maintenant l'examen des objections pratiques qui m'ont été faites. On a dit d'abord que le ballottage deviendrait très difficile, et pour le prouver on a dû confondre mon amendement avec un autre amendement. Mais en supposant même l'adoption de ce second moyen auquel du reste, je suis favorable, voyons si les opérations seraient aussi longues qu'on semble le croire. Que le vote se fasse par ordre alphabétique, ou par section, comme il se fait aujourd'hui, l'opération matérielle sera aussi simple, aussi rapide et je ne crois pas qu'on puisse sérieusement soutenir que le vote par ordre alphabétique soit une cause de retard.
On nous dit que les opérations seront retardées par le mélange des bulletins. Je vous accorde un retard d'une heure si vous voulez ; dans quelques circonstances très exceptionnelles, dans de très grands collèges électoraux certains inconvénients pourront se produire, mais quelle est la loi qui ne donne pas lieu à des inconvénients ?
Quelle est la disposition législative qui, en poussant les choses à l'extrême, en les considérant dans les conséquences les plus hypothétiques qu'elles puissent avoir, ne puisse offrir certains inconvénients ?
Il est certain qu'on ne se fonde pas, quand on est législateur, sur des exceptions, on raisonne d'après les faits qui se produisent le plus habituellement, et à ce point de vue, je crois pouvoir dire que les objections de M. Tack ne sont pas fondées.
On a dit que notre amendement présenterait un autre inconvénient, celui de ne pouvoir qu'avec difficulté constater l'identité de l'électeur. Le rapport de la section centrale répond déjà d'une manière péremptoire, selon moi, à ce reproche.
Elle dit : En 1859, cette objection pratique avait été faite et on avait été d'accord pour reconnaître que si l'on édictait des peines contre celui qui prendrait le nom d'un autre électeur, des peines en rapport avec la criminalité du fait, la question d'identité disparaîtrait complètement.
0a ne peut pas procéder par hypothèse, on ne peut pas supposer que des gens iront de gaieté de cœur s'exposer à être l'objet d'une peine correctionnelle, alors que la constatation du fait délictueux est si facile. Soyons vrais avant tout, prenons les faits et reconnaissons qu'un électeur ne laissera qu'à son corps défendant un autre individu se substituer en son lieu et place ; d'un autre côté, il sera bien rare que, même avec le vote alphabétique, il ne se trouvera pas dans le collège électoral un individu connaissant l'électeur dont l'appel sera fait.
D'ailleurs cette fraude ne peut-elle pas se faire dans le système actuel ? Elle s'est déjà produite et cependant jamais personne n'a songé à dire que le système actuel était mauvais, parce qu'un faux électeur pourrait se substituer à l'électeur véritable.
Ecartons donc aussi cette objection comme prévue par la loi et comme ne pouvant au surplus se produire que dans de rares exceptions. Les objections pratiques consistent à dire qu'il faudrait un temps trop long pour confectionner les listes électorales. En effet, dit M. Tack, le commissaire d'arrondissement à Bruxelles déclare qu'il faudra quatre mois pour confectionner les listes par ordre alphabétique ; or les listes se faisant au mois d'avril et les élections au mois de juin, il y aura impossibilité matérielle de confectionner les listes en temps utile.
Mais M. Tack ne s'est pas aperçu d'une chose, c'est que le commissaire d'arrondissement de Bruxelles parlait de la première opération à faire, mais qu'une fois la confection de la liste alphabétique terminée, une fois cette liste affichée, il n'y aura plus, par la suite, qu'un très court travail à faire, celui de rayer les électeurs qui ne doivent plus y être inscrits et d'inscrire les nouveaux électeurs. Or, cette opération, j'en appelle au bon sens de M. Tack lui-même, ne peut pas durer quatre mois.
Nous pouvons donc encore mettre de côté cette objection. Poursuivons : On a dit que notre amendement était incomplet, que nous ne (page 1485) nous occupions pas des moyens pratiques de confectionner ces listes, que nous ne dirions pas comment ces listes seront faites.
Franchement, sont-ce là des objections sérieuses ? Nous ne dirons pas comment la liste sera faite !I Mais elle sera faite comme aujourd'hui ; clic renseignera le nom, le prénom, le domicile et la profession.
M. Coomans. - Et l'âge.
M. Giroulµ. - Et l'âge si vous voulez.
M. Coomans. - Oh ! je n'y tiens pas ; je le mentionne parce que c'était une lacune dans votre numération.
M. Giroulµ. - Je vous remercie.
Laissons donc encore de côté cette objection. On a fini par dire que nous ne savions pas trop ce que nous voulions, que nous parlions de l'article 18 de la loi électorale de 1843 sans la connaître, que nous faisions sans doute allusion à la loi communale.
On a enfin voulu nous donner une leçon de droit. J'en remercie M. Tack, mais je me permettrai cependant de lui faire remarquer que lorsqu'on se mêle de corriger ses collègues, on devrait chercher, autant que possible, à être vrai.
M. Bouvierµ. - Il faudrait avoir plus de tact. (Interruption.)
M. Giroulµ. - J'ajouterai qu'il existe dans le recueil général des lois une loi portant la date du 1er avril 1843, ayant pour titre : « Loi ayant pour but d'assurer l'exécution régulière et uniforme de la loi électorale du 3 mars 1831 et contenant un article 18 ainsi conçu :
« A insérer à l'article 25 de la loi électorale du 3 mars 1831 comme premier paragraphe la disposition suivante :
« L'appel des électeurs sera fait en commençant au premier scrutin par ceux des communes les plus rapprochées et au deuxième par ceux des communes les plus éloignées. »
Or, messieurs, nous avons eu la naïveté de croire que puisque nous substituions un mode d'appel nouveau à celui qui est prévu par l'article 18 de la loi du 1er avril 1843, il fallait tout au moins dire que si notre amendement était adopté, cette loi était rapportée dans la disposition que notre amendement venait modifier.
L'observation de l'honorable M. Tack tombe donc complètement à faux, et nous avions raison, je crois, de penser qu'il existe une loi du 1er avril 1843, dans laquelle il existe un article 18 qui prévoit un mode de votation tout à fait différent de celui que nous proposons à la Chambre.
Par conséquent, messieurs, sans avoir médité bien longtemps sur notre amendement, nous croyons cependant l'avoir suffisamment mûri pour être convaincu que, dans son ensemble, il ne prête pas à des accusations de la nature de celles que l'honorable M. Tack nous a adressées ; nous croyons aussi, à un autre point de vue, qu'il est assez sérieux, qu'il trouve dans les précédents de la Chambre assez de considérations puissantes pour mériter, messieurs, que vous le pesiez mûrement, et pour vous déterminer à l'adopter.
- Plusieurs membres. - Aux voix ! Aux voix !
(page 1488) M. Coomans. - Au lieu de crier sans cesse aux voix, dites tout simplement que vous ne voulez pas la continuation de la discussion ; ce sera beaucoup plus simple et plus loyal.
M. Thonissenµ. - On n'a encore entendu que trois ou quatre orateurs, la plupart appartenant à la gauche.
- Plusieurs membres. - Aux voix !
M. Coomans. - Je promets de n'être ni plus long ni plus ennuyeux que mes honorables adversaires.
- Voix à gauche. - Ceci est très poli.
M. Coomans. - Il n'est pas poli non plus de crier aux voix quand je me lève ; c'est une grande impolitesse.
M. Allard. - Votre observation est une inconvenance.
M. de Macarµ. - M. Coomans se croît le monopole de l'esprit.
M. Coomans. - Vous n'avez pas le droit de crier aux voix quand j'ai la parole.
M. Allard. - Nous avons bien le droit, je pense, de crier aux voix quand une discussion nous paraît épuisée.
M. Coomans. - J'ai la parole et je la garde. L'honorable M. Giroul affirme, je ne dis pas au nom de la majorité, mais avec un bruyant assentiment, que les électeurs de la gauche sont parfaitement libres, qu'ils sont libres jusqu'à la dernière heure, in articulo voti, et qu'ils ne ressemblent pas à ces vils troupeaux d'électeurs cléricaux conduits au scrutin par les curés et sur lesquels le clergé exerce cette scandaleuse pression dont on nous a beaucoup parlé.
Examinons un peu cette affirmation très orgueilleuse, d'une part, très peu charitable, d'une autre part, mais complètement inexacte.
Il est possible, puisque l'honorable M. Giroul l'affirme, il n'y a plus de doute, qu'il y ait eu des curés exerçant sur les électeurs une certaine pression ; mais j'ai vu beaucoup d'autres choses plus étranges. Je demanderai à l'honorable M. Giroul s'il ne les a pas constatées avec moi ; j'ai vu de grandes assemblées d'électeurs libéraux, parfaitement libéraux, s'engager d'avance sur l'honneur à voter, non pas pour tel ou tel candidat désigné et discuté, mais pour des inconnus, mais pour des candidats qui leur seraient indiqués plus tard ; et à reconnaître qu'ils seraient des gens déshonorés s'ils manquaient à leur engagement.
J'ai vu cela (interruption), mieux que cela ; je l'ai lu dans des publications libérales.
M. Hymans. - Dans le mandement de l’évêque de Bruges. (Interruption.)
M. Coomans. - J'ai été plus heureux ou plus perspicace que mon honorable collègue ; car j'ai rencontré des libéraux très honorables qui m'ont affirmé que cet engagement préventif existait et qu'il existait à ce point, que cet engagement avait été la cause de leur retraite des associations libérales, que j'appelle des associations assermentées.
Il y a eu une grande assemblée, le congrès libéral de 1846, qui a formulé une sorte de code dont voici l'article 3 :
« La base de toute cette organisation sera le ralliement sans réserve de tous les libéraux aux choix préparatoires de la majorité. » (Interruption.)
Laissez-moi continuer ; c'est de votre prose, messieurs.
« Chaque électeur libéral prend l'engagement d'honneur de voter et d'user de toute son influence en faveur du candidat de la Société libérale de son arrondissement ou de son comité. » (Interruption.)
Je ne juge pas, je constate ; je constate que des hommes d'honneur ont cru pouvoir prendre l'engagement de voter, non pas pour leur candidat à eux, mais pour le candidat qui leur sera indiqué par leurs amis.
- Voix à gauche. - Non, par la majorité.
M. Coomans. - Par la majorité ?
- Voix à gauche. - Par eux-mêmes.
M. Coomans. - Pas par eux-mêmes ; s'ils ne sont pas de l'avis de la majorité.
J'espère bien qu'il y a des minorités dans les assemblées libérales. Eh bien, la minorité, quand elle n'est pas d'accord avec la majorité, ne vote pas pour son candidat à elle, mais pour le candidat de la majorité, c'est-à-dire, employons le mot propre, qu'elle vote contre sa conscience. (Interruption.)
M. Hymans. - Cela n'arrive pas chez vous ; dans votre parti, il n'y a pas de minorité.
MpVµ. - Pas d'interruption.
M. Coomans. - On m'objecte que quand les libéraux agissent ainsi, ils votent conformément aux décisions de la majorité. Je ne le nie nullement ; mais quand les cléricaux votent par complaisance, ils votent aussi conformément au vœu de la majorité.
Dans les deux cas, c'est bien la même chose. (Interruption.)
Est-il vrai, oui ou non, que des associations politiques ont exigé l'engagement d'honneur de leurs membres de voter pour les candidats de la majorité de ces assemblées ? (Interruption.)
On me dit oui ; eh bien, on appelle un pareil engagement un engagement d'honneur, et moi je l'appelle : un engagement honteux.
Quoi ! vous en voulez tant à un homme influent de la droite parce qu'il fait voter dans son sens un électeur qui est un des ses amis, et pourquoi n'en voulez-vous pas dans la même mesure et selon la même logique au chef d'une association libérale qui fait voter ainsi les membres contre leur conscience, contre leur volonté ?
Je vous demande pourquoi il n'y a pas dans votre grand projet de loi un petit article qui punisse ces engagements dits d'honneur ?
Vous voulez, dites-vous, assurer jusqu'à la fin la parfaite indépendance de l'électeur ; mais si vous reconnaissez que l'engagement pris par un de vos amis, de voter pour votre candidat, est un engagement d'honneur, vous ne devez pas le faire passer par le couloir, car vous lui ménagez là un moyen de manquer à cet engagement d'honneur, de l'oublier complètement...
MpVµ. - M. Coomans, nous sommes dans l'ordre alphabétique.
M. Coomans. - Et dans le discours de l'honorable M. Giroul.
Je désire qu'on m'explique comme quoi il est honorable et légitime de s'engager plusieurs mois d'avance à voter pour un candidat souvent inconnu, alors qu'il est déshonorant, illégal et contraire à l'esprit de la Constitution de suivre les conseils de M. le curé.
Messieurs, nous nous engageons beaucoup trop loin dans la voie des vexations inutiles et des suspicions illégitimes. Je m'imaginais, moi, que dans un pays de liberté, de publicité, de responsabilité, toutes les influences pacifiques étaient légitimes.
Je ne m'effrayais pas le moins du monde de voir tel électeur consulter M. le curé, tel autre électeur consulter M. le docteur, ou M. le bourgmestre, ou M. le grand maître de la loge, même le chef d'une association assermentée.
Pourquoi empêcher l'électeur de subir toutes les influences pacifiques que la loi et la morale ne condamnent pas ? La loi n'a pas exclu jusqu'ici l'influence du curé, l'influence du docteur, l'influence du bourgmestre, l'influence du grand maître, l'influence du chef d'une association politique. Je n'ai pas peur de toutes ces influences, je n'exclus que l'influence du bâton, mais du bâton seul.
Ceci me paraissait libéral, mais il me semble que je me trompais. La liberté consiste maintenant à empêcher les gens de faire ce qu'ils veulent. C'est une nouvelle interprétation. Mais vous n'allez pas assez loin.
Il ne suffira pas de votre ordre alphabétique pour mêler les électeurs, il ne suffira pas de votre couloir pour leur permettre de trafiquer plus sûrement et plus habilement de leur vote ; il faudra prendre bien d'autres précautions, car enfin l'électeur est constamment soumis à toutes sortes d'influences, et pour être logique, vous serez amenés vos successeurs ou vous, à défendre à l'électeur de consulter M. le curé et par conséquent d'aller à confesse ; vous serez amenés à lui défendre d'aller consulter d'autres amis quelconques.
Ce ne sera pas assez : l'électeur pourra encore subir d'autres influences, de nature à l'empêcher d'émettre un vote conforme à sa volonté propre. Vous devrez l'empêcher de converser avec ses amis.
Ce ne sera pas encore assez. L'électeur a des oreilles et peut écouter. Il faudra mettre l'électeur en loge un mois, deux mois avant l'élection, lui interdire la lecture de tous les journaux indistinctement.
- Un membre. - Dans votre parti, on ne veut pas que les électeurs lisent les journaux.
M. Coomans. - Moi, je désire que les électeurs lisent beaucoup les journaux.
Si vous vous défiez à ce point des électeurs, vous serez conduits, je le répète, par la force de la logique, à prescrire bien d'autres précautions non moins vexatoires, je dirai non moins absurdes que celles qui sont l'objet de la plupart des articles du projet de loi.
Tout cela au fond n'est pas sérieux, n'est pas libéral. N'ayez pas peur des influences ; laissez-les s'exercer toutes aussi longtemps qu'elles resteront pacifiques.
Je dirai plus : si vous supprimez toutes les influences qui vous font peur, vous rendez impossible l'émission d'un vote consciencieux. (page 1489) Comment voulez-vous qu'un électeur de l'arrondissement de Bruxelles, par exemple, qui a bien autre chose à faire qu'à lire les 50 journaux qui paraissent dans la capitale ; comment voulez-vous que cet électeur se forme une opinion raisonnable sur les mérites des dix-huit candidats qu'il a à nommer en bloc, d'un coup, s'il n'est pas admis à demander un bon conseil à un homme quelconque qui a sa confiance ? Cela est-il plus illégitime que de se former une opinion d'après les articles des journaux, d'après les proclamations des associations, d'après les circulaires de MM. les ministres ? (Aux voix !)
J'ai la parole et je continue.
- Un membre. - Restez dans le sujet.
M. Coomans. - Je n'ai pas d'ordre à recevoir de vous.
M. Goblet. - Tout ce que vous dites des associations est complètement inexact.
M. Coomans. - Je déclare que je ne suis d'aucune association ni cléricale ni laïque, et qu'au point de vue politique, je n'accepterais le joug d'aucune association, fût-elle composée des six évêques de Belgique. Vous n'oseriez pas faire la même déclaration. (Interruption.)
MpVµ. - M. Coomans, restez dans l'amendement, je vous prie.
M. de Borchgraveµ. - Il répond aux interruptions.
M. Bouvierµ. - Qu'il reste calme et dans la paix.
M. Coomans. - n se trompe si l'on croit que je sois personnellement très effrayé de l'ordre alphabétique. Je pense qu'on s'est créé là-dessus de grandes illusions et des craintes exagérées. Mais ce que je vois dans l'ordre alphabétique comme dans d'autres prescriptions de la loi, c'est une vexation nouvelle. Vous allez empêcher des amis qui ont le droit constitutionnel de se concerter, de se promener ensemble, de dîner ensemble, vous allez, dis-je, les empêcher d'exercer ce droit, de retrouver leur voiture après le scrutin. (Interruption.)
- Des membres. - Aux voix ! Aux voix !
M. Bouvierµ. - Il est épuisé.
MpVµ. - M. Bouvier, n'interrompez pas.
M. Coomans. - Epuisé ! Nous sommes tous un peu épuisés, M. Bouvier.
M. Orts. - Alors, donnez-nous la paix.
M. Coomans. - M. le président, il m'est difficile de parler au milieu de ce bruit systématique.
MpVµ. - Vous avez la parole. J'invite à ne plus interrompre et je vous prie de rester dans l'amendement.
M. Coomans. - Il faut bien que je réponde à certaines interruptions.
MpVµ. - Cela n'est pas nécessaire.
M. Coomans. - Messieurs, j'ai surtout pris la parole, car je ne me proposais pas de la demander aujourd'hui, pour protester une nouvelle fois contre cette prétention exorbitante et complètement inadmissible de faire considérer les électeurs ruraux comme étant moins éclairés, moins moraux, moins consciencieux que les électeurs urbains. C'est la tendance de tous les discours de la gauche. Je sais bien qu'on n'exprime cette idée qu'avec beaucoup de prudence ; mais on l'insinue autant que l'on peut et l'on s'en rapporte aux formes pour faire passer le fond.
Eh bien, il n'en est rien. Je le dis très consciencieusement : Outre qu'il m'est démontré que le critérium de l'instruction qui est, selon vous, la lecture et l'écriture, existe chez les campagnards au moins à un aussi haut degré, et d'après les statistiques officielles, à un degré supérieur que dans les villes, je tiens que les électeurs ruraux font de la politique avec plus d'indépendance que les électeurs urbains. Je connais très peu d'électeurs ruraux qui soient affiliés à ces associations assermentées dont tous les membres ont pris l'engagement de voter, s'il le faut, contre leur conscience.
M. Goblet. - Je nie cela. Si vous connaissiez les associations et les loges, vous ne diriez pas cela. Je proteste contre ces allégations. (Interruption.)
MpVµ. - Je demande de nouveau qu'on n'interrompe pas.
M. Goblet. - Je ne veux pas qu'il dise cela.
M. Coomans. - Je ne demande jamais la permission de parler qu'à moi-même.
MpVµ. - M. Coomans, restez dans la discussion de l'amendement.
M. Coomans. - M. le président, ceux qui, à deux reprises, ont établi cette comparaison choquante entre les électeurs ruraux et les électeurs urbains, n'ont pas été interrompus et il m'est bien permis de réfuter les observations qui ont été faites dans cette Chambre. Ma réfutation aurait été très courte, si elle avait été accueillie avec un peu de tolérance.
Je dis que vous vous récrieriez très fort, si le clergé belge avait établi et dirigeait des congrégations politiques dont les membres auraient pris l'engagement de voter pour les candidats que Mgr l'évêque leur indiquerait.
Eh bien, ce qui vous aurait paru abominable et antilibéral de la part du clergé, vous ne pouvez l'approuver de la part des associations libérales ; et je répète que vous devriez, en bonne logique, prévoir ce cas dans votre projet de loi.
Encore une fois, messieurs, et je finirai là-dessus...
- Des membres. - Oh ! oh !
M. Coomans. - ... si vous ne vous réjouissez pas trop ! Laissons beaucoup de liberté aux électeurs, laissons-leur la plus grande liberté possible.
L'ordre alphabétique et d'autres mesures leur enlèveront cette liberté que vous voulez, dites-vous, leur assurer.
Partisan très convaincu de la liberté, je la veux dans toutes ses manifestations, et je répéterai ce que j'ai eu l'honneur de vous déclarer l'autre jour : que je regrette que tous les bulletins ne soient pas marqués, qu'ils ne soient pas signés ; car alors, à part certains inconvénients que je reconnais, j'aurais au moins l'immense avantage d'avoir moralisé les élections, tandis que vous n'atteindrez nullement ce but, avec votre ordre alphabétique, vus billets pliés d'une certaine façon, votre couloir, que j'appelle encore un infâme couloir, et que j'appellerai infâme, odieux et ignoble, jusqu'à ce que la Chambre l'ait voté, ou plutôt jusqu'à ce que le Sénat l'ait voté et que le Roi ail apposé sa signature à la loi.
Tous ces moyens me paraissent attentatoires non seulement à la dignité, mais à la liberté du citoyen. Et je le déclare avec une conviction profonde : savez-vous où vous allez en vexant ainsi les électeurs, en dénaturant en réalité notre régime représentatif ? Vous allez au vote à voix haute et au suffrage universel. Si tel doit être le résultat final de tous vos efforts, je vous les pardonnerai.
(page 1485) MjTµ. - Le gouvernement ne se rallie pas à l'amendement proposé par l'honorable M. de Macar. Je vais eu quelques mots en dire les motifs.
Il est incontestable que le système actuel laisse à désirer. On ne peut pas le méconnaître, les élections se font aujourd'hui dans certaines conditions qui sont à déplorer. Il arrive que des électeurs sont tenus en quelque sorte en charte privée jusqu'au moment de l'élection ; on les conduit dans la salle, on leur met un billet en mains et on les surveille jusqu'au moment où le billet est déposé dans l'urne. (Interruption.) Je n'ai pas à m'occuper du point de savoir si ces manœuvres sont pratiquées d'un côté ou de l'autre, je constate ce qui existe. (Interruption.)
M. Coomans dit que c'est la liberté, je dis que c'est la menace, la contrainte, la violence, je dis que ce sont des moyens odieux. Ce n'est pas la liberté, c'est le contraire de la liberté et c'est soutenir un singulier paradoxe que de prétendre qu'on porte atteinte à la liberté quand on cherche à remédier à de tels abus ; on cherche au contraire à supprimer des actes de violence et de contrainte, c'est à-dire des actes qui portent atteinte à la liberté. Il s'agit précisément de garantir la liberté de l'électeur, de le mettre à l'abri de la contrainte, de la menace et de la surveillance qui est exercée sur lui depuis le moment où on lui a donné son bulletin jusqu'au moment où il le dépose dans l'urne.
Mais, messieurs, tout en déplorant ce qui existe, je ne suis pas partisan du vote par ordre alphabétique parce que, selon moi, cette mesure rendrait le vote très difficile pour l'électeur et surtout pour l'électeur de la campagne. C'est pour cette raison surtout que je ne puis l'adopter. Je reconnais qu'elle ne serait pas inefficace, mais la dissémination des électeurs d'une même commune à leur arrivée au chef-lieu rendrait l'exercice du droit électoral beaucoup trop pénible.
Eu second lieu, il peut y avoir des incidents qui exigent que les électeurs se réunissent pour se concerter. Ce concert deviendrait impossible.
Je crois que beaucoup d'électeurs s'abstiendraient de venir aux élections si, en arrivant dans une ville comme Bruxelles, comme Gand, comme Liége, ils devaient se disséminer dans toutes les directions.
- La clôture est demandée.
M. Tack. - Je demande la parole pour un fait personnel.
MpVµ. - Il n'a rien été dit qui vous fût personnel ; on a combattu vos arguments, on n'a pas attaqué votre personne.
M. Tack. - Je désirerais soumettre à la Chambre une observation, je n'en ai pas pour deux minutes.
- La clôture est mise aux voix et prononcée.
L'amendement de MM. de Macar, Giroul et Elias est mis aux voix par appel nominal.
77 membres sont présents.
31 adoptent.
45 rejettent.
1 (M de Baillet-Latour) s'abstient.
En conséquence la proposition n'est pas adoptée.
Ont voté l'adoption :
MM. de Bast, de Fré, de Macar, de Moor, de Rongé, Dewandre, Dupont, Elias, Funck, Giroul, Goblet, Grosfils, Guillery, Hymans, Jacquemyns, J. Jouret, Lebeau, Le Hardy de Beaulieu, Lelièvre, Lippens, Mascart, Moreau, Mouton, Muller, Nélis, Orts, Valckenaere, Van Humbeeck, Warocqué, Bouvier-Evenepoel et E. Vandenpeereboom.
Ont voté le rejet :
MM. Coomans, Crombez, de Borchgrave, de Conninck, Delaet, de Liedekerke, de Mérode, de Muelenaere, de Naeyer, de Ruddere de te Lokeren, de Smedt, de Theux, d'Hane-Steenhuyse, Dolez, Dumortier, Frère-Orban, Jacobs, M. Jouret, Julliot, Lange, Laubry, Lesoinne, Magherman, Nothomb, Orban, Pirmez, Reynaert, Rogier, Royer de Behr, Sabatier, Schollaert, Tack, Tesch, Thonissen, Alp. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Hoorde, Van Renynghe, Van Wambeke, Vermeire, Verwilghen, Wasseige, Allard et Bara.
M. de Baillet-Latour. - Je me suis abstenu pour les mêmes motifs que j'ai émis dans là séance du 16 avril 1859.
MpVµ. - Voici un nouvel amendement qui vient d'être déposé sur le bureau :
« Art.... L'appel des électeurs est fait par ordre alphabétique sur une liste comprenant le nom de tous les électeurs de l'arrondissement, du canton ou de la commune, si ceux-ci sont réunis en une seule assemblée, et le nom des électeurs de la section, si le collège électoral est divisé.
« F. de Macar, N. Elias, Emile Dupont, Jules Giroul. »
- Un membre. - C'est la même chose.
M. de Macarµ. - Messieurs, l'amendement que je viens de proposer n'est pas, quoi qu'on en ait dit, identique à celui qui vient d'être rejeté.
Les objections qu'on a faites à celui-ci portent principalement sur les difficultés qu'éprouveront les électeurs des campagnes à exercer leurs droits électoraux.
M. le ministre de la justice a particulièrement insisté sur deux inconvénients sérieux que présentait, selon lui, ce mode de votation par ordre alphabétique appliqué à tous les électeurs d'un arrondissement sans distinction de domicile.
Ne pouvant obtenir ce qui, selon nous, serait le moyen le plus efficace de remédier aux abus sérieux que nous avons signalés, nous pensons qu'il y a lieu cependant d'obtenir une amélioration, quelque faible qu'elle soit, à l'ordre de chose existant actuellement.
C'est ce sentiment qui nous a engagé à vous proposer l'amendement dont il vient de vous être donné lecture.
Il tend à consacrer le vote par lettre alphabétique par section ou bureau électoral.
Je ne pense pas qu'il y ait lieu de donner d'autres développements à notre nouvelle proposition.
Les développements que j'ai eu l'honneur de fournir à l'appui de la première peuvent s'appliquer à celle-ci.
(page 1486) M. Vermeireµ. - Je crois que l'amendement ne peut pas être adopté et voici pourquoi :
On commence les opérations électorales à une heure peu avancée du jour ; la loi électorale dit que les opérations commenceront par les communes les plus rapprochées.
Si vous voulez que l'ordre alphabétique soit conservé dans les bureaux, il faudra que toutes les communes, quelle que soit la distance à laquelle elles se trouvent du lieu de l'élection, arrivent en même temps.
La loi actuelle avait pour but de parer à cet inconvénient parce que, en faisant commencer les opérations par les communes les plus éloignées, elle donnait à ces communes le temps d'arriver. Cette mesure si sage n'existerait plus lorsque les élections se feraient par ordre alphabétique, dans chaque bureau isolément.
Du reste, je ne vois pas à quels inconvénients peut donner lieu le vote par commune, tel qu'il est pratiqué actuellement.
M. Eliasµ. - Je crois qu'il serait utile de faire imprimer l'amendement et de le faire distribuer.
M. Thonissenµ. - Nous l'avons très bien compris.
MpVµ. - Il sera imprimé si la question n'est pas décidée séance tenante.
M. Dumortier. - La proposition n'est, au fond, qu'une variante de celle que nous venons de rejeter.
M. de Macarµ. - Non.
MfFOµ. - Ce n'est pas du tout la même chose.
M. Dumortier. - C'est si vrai, que l'honorable M. de Macar vient de dire que les développements de l'un pouvait s'appliquer à l'autre.
Or, messieurs, cet amendement est diamétralement opposé à l'article 25 de la loi électorale, et vous avez déclaré depuis le commencement de la discussion que vous ne vouliez pas toucher à d'autres lois.
M. Eliasµ. - Et l'amendement de M. Orts ?
M. Dumortier. - Que porte cet article :
« L'appel des électeurs sera fait en commençant au premier scrutin par ceux des communes les plus rapprochées, et au deuxième, par ceux des communes les plus éloignées. »
Pourquoi cet article a-t-il été inséré ? C'est bien simple. C'est parce que dans tous les districts il y a des communes très éloignées qui ne peuvent être rendues à 9 heures au lieu de l'élection et n'y arrivent que vers 10 heures et demie ou 11 heures. Il faut leur laisser le temps d'arriver.
D'un autre côté, quand il y a ballottage, on a renversé l'ordre pour laisser aux électeurs des communes les plus éloignées le temps de retourner chez eux.
Les dispositions de la loi actuelle sont très logiques, très rationnelles et justifiées par les faits.
La proposition des honorables membres vient détruire cet état de choses. Il faudra que les électeurs de localités distantes de 4, 5, 6 lieues du chef-lieu, soient là à l'ouverture du bureau.
M. Mullerµ. - Il y aura un réappel.
M. Dumortier. - Mais quand il aura ballottage, il faudra peut-être qu'ils attendent les derniers pour retourner, et souvent il arrivera qu'ils ne pourront pas retourner.
C'est encore une fois un amendement qui a pour but d'exclure des électeurs du scrutin, et sous ce rapport, il est plus dangereux que le premier.
Je voudrais bien savoir quel avantage on peut trouver à ce bouleversement des listes électorales.
Je trouve à faire ici l'objection qu'a faite l'honorable M. Tack ; c'est que c'est le commissaire d'arrondissement qui va dresser les listes, tandis que d'après la loi électorale, ce sont les administrations communales.
Ce serait donner aux commissaires d'arrondissement une autorité qui n'est pas légale, qui n'est pas constitutionnelle. Voilà ce que fait l'amendement ; il fait dresser les listes par les agents du pouvoir central.
Je dis que cela n'est pas possible dans un gouvernement constitutionnel.
Ce serait une véritable monstruosité en matière de libéralisme.
La seule chose que vous aurez faite, c'est de bouleverser les élections ; d'empêcher les électeurs les plus éloignés d'arriver à temps pour le premier appel et de retourner chez eux en cas de ballottage.
Il n'y a là qu'un but, qu'un intérêt, c'est d'entraver certaines élections.
- Des membres. - Aux voix !
- D'autres membres. - La clôture !
M. Tack. - Je demande la parole.
MpVµ. - Je vous donne la parole sur la clôture.
M. Tack. - Ce n'est pas sur la clôture que je la demande.
MpV. - La clôture a été demandée régulièrement, je ne puis vous laisser parler que sur la clôture ; je suis obligé de faire exécuter le règlement.
M. Tack. - On demandait tout à l'heure l'impression de l'amendement.
MpVµ. - La Chambre entend-elle renoncer à la clôture ?
- Voix nombreuses. - Oui ! oui !
M. Allard. - Je demande la parole. M. Dumortier a parlé contre l'amendement, je demande à parler pour.
MpVµ. - La parole est à M. Tack.
M. Tack. - J'avais l'intention de présenter les mêmes observations que celles qui viennent d'être faites par M. Dumortier.
D'abord je ne vois pas dans quel but on propose ce nouvel amendement, ni ce qu'on gagne à le faire adopter ; quelle modification raisonnable on veut apporter par là à la loi électorale, pourquoi on abroge des dispositions votées en 1843 pour améliorer la loi de 1831. Du reste, je crois que la Chambre vient de décider simplement la question sur laquelle porte le nouvel amendement. Et en effet dans l'amendement présenté par MM. Giroul, Elias et de Macar et qui vient d'être repoussé, il est dit : l'article 18 de la loi du 1er avril 1843 est abrogé. Qu'est-ce que cet article 18 de la loi du 1er avril 1843 ?
C'est un article qui porte : « L'appel des électeurs sera fait en commençant au premier scrutin par ceux des communes les plus rapprochées, et au deuxième par ceux des communes les plus éloignées. » Vous venez donc de décider que cet article n'est pas abrogé, et que veulent les honorables membres par leur nouvel amendement, tout juste obtenir l'abrogation de cet article. Comment se fait-il qu'ils n'ajoutent pas à leur nouvel amendement l'article 18 de la loi du 1er avril 1843 abrogé.
J'avais aperçu une lacune dans le premier amendement que MM. Giroul Elias et de Macar ont présenté ; je m'étais dit : Pourquoi, lorsqu'on s'occupe de l'abrogation d'une loi, n'en abroge-t-on pas la disposition essentielle ? J'en ai fait la remarque, à ce propos on m'a accusé de vouloir faire une leçon de droit aux auteurs de l'amendement. Messieurs, je n'ai pas l'habitude de faire des leçons à d'autres ni de me poser en pédagogue.
La section centrale de 1859 avait eu soin d'abroger l'article. 19 de la loi électorale ; elle n'avait pas abrogé l'article 18 de la loi de 1843, parce qu'elle maintenait la division des électeurs par commune. Les honorables auteurs de cet amendement y substituent un ordre différent ; il fallait, je le reconnais, abroger la disposition de la loi de 1843, mais il fallait au même titre abroger l'article 19 de la loi électorale, ce qu'ils n'ont pas fait ; j'avais constaté cette lacune, j'ai voulu la signaler et c'était le seul but de mon observation.
II n'y a ailleurs rien de surprenant à ce que ce point ait échappé ans auteurs de l'amendement, puisque l'amendement, comme on le sait, a dû être rédigé avec précipitation et en l'absence de l'honorable membre qui avait annoncé à la Chambre l'intention de le présenter.
- Des membres. - Aux voix !
MjTµ. - Je m'oppose à la clôture ; je demande que cet amendement soit imprimé et distribué, afin que nous ayons le temps de l'examiner. Quant à moi, je ne puis me prononcer en ce moment sur l'amendement, il peut avoir des inconvénients, il peut avoir des avantages.
MpVµ. - L'amendement sera imprimé et distribué.
M. Allard. - Je n'ai que quelques mots à dire. En section centrale et tout à l'heure j'ai voté contre l'ordre alphabétique à cause des inconvénients de ce mode de procéder qui ont été signalés, et notamment à cause de la dispersion des électeurs. J'ai proposé en section centrale l'amendement qui vient d'être reproduit par M. de Macar, et voici les motifs que j'ai donnés à l'appui.
Dans les villes on vote par ordre alphabétique quoiqu'il y ait des faubourgs qu'on peut considérer comme des communes rurales, et qui prennent part au vote.
Le 1er bureau est composé des électeurs dont les noms commencent par la lettre A.
Le 2ème comprend, par exemple, les électeurs dont les noms commencent par la lettre, E à 0, et ainsi de suite pour chaque bureau, je ne vois (page 1487) pas pourquoi on ne suivrait pas ce système dans les bureaux composés d'électeurs de diverses communes rurales.
On nous demandera quel avantage il y aurait à ce mode ; le voici : depuis trente-cinq ans, je suis les opérations électorales, et j'ai remarqué que dans les bureaux des communes rurales il n'y a, en réalité, que les électeurs de la commune appelés à voter qui s'y trouvent.
On dit que les commune les plus rapprochées doivent voter les premières, et qu'au ballottage elles doivent voter les dernières, mais cet ordre n'a plus de raison d'être ; les chemins de fer...
M. de Borchgraveµ. - Il n'y a pas de chemins de fer partout.
M. Allard. - Là où il n'y a pas de chemin de fer, les électeurs d'un canton arrivent de partout ensemble. D'ailleurs, les électeurs des communes les plus rapprochées ne votent pas toujours au premier tour de scrutin, parce qu'ils sont obligés d'attendre le chef qui les guide.
Si l'on adopte l'amendement de l'honorable M. de Macar, qui est la reproduction de celui que j'avais soumis à la section centrale, on déjouera une fraude qui est, à mes yeux, la plus déplorable, celle qui consiste à ne pas perdre de vue l'électeur jusqu'au moment où il a déposé dans l'urne le bulletin qu'on lui a remis ; et, en effet, tous les électeurs des communes devront se trouver en même temps dans le bureau, puisqu'ils seront appelés d'après l'ordre alphabétique.
Actuellement on accompagne dans la salle tous les électeurs d'une commune ; souvent ces électeurs s'y trouvent seuls avec leurs gardiens ; on comprend que lorsqu'il n'y a dans la salle que 20 ou 30 électeurs présents, il est facile de les surveiller.
J'engage la Chambre à adopter l'amendement ; c'est un moyen de réprimer les fraudes qui se commettent.
- Des voix. - A demain !
La séance est levée à 5 heures.