(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1864-1865)
(Présidence de M. E. Vandenpeereboom.)
(page 1321) M. Van Humbeeck, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart ; il donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.
- La rédaction en est approuvée.
« Des électeurs de Fayt-lez-Seneffe propose de donner la préférence au système, qui consiste à remettre à chaque électeur, dans la salle du scrutin, un bulletin imprimé portant les noms des candidats déclarés sur lequel il effacerait à la plume ceux qui ne lui conviendraient pas. »
« Même proposition d'électeurs de Frasne-lez-Gosselies, Frameries, la Hestre et de communes non dénommées. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur les fraudes électorales.
« Le sieur Bodeux se plaignant que son fils a été désigné pour le service militaire, malgré son défaut de taille, demande qu'il soit renvoyé dans ses foyers. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Des habitants de Nederbrakel demandent que la ligne de Grammont à Nieuport passe par Nederbrakel. »
- Même renvoi.
« L'administration communale et des habitants de Paricke demandent que la ligne de Nieuport soit exécutée dans son entier et qu'elle passe par Nederbrakel. »
- Même renvoi.
« L'administration communale et des habitants d'Opbrakel demandent que la ligne de Grammont à Nieuport soit exécutée dans son entier. »
- Même renvoi.
« Le sieur Lefebvre, caporal au 4ème de ligne, demande son congé par anticipation, afin de pouvoir s'enrôler dans le régiment Impératrice Charlotte. »
- Même renvoi.
« Le bureau de bienfaisance de Spalbeek présente des observations sur les explications données par M. le ministre de la justice au sujet de la pétition concernant la dotation indivise entre cette administration et la commune de Stevoort. »
- Même renvoi.
« Des habitants, négociants et marchands des deux rives de l'Escaut, à Anvers, demandent que le bateau à vapeur qui a été affecté au service exclusif du passage entre Anvers et la Tête de Flandre ne soit plus employé au service des voyageurs et marchandises du chemin de fer du pays de Waes. »
M. Jacobsµ. - Je demande que cette pétition soit renvoyée à la commission des pétitions avec prière de faire un prompt rapport.
- Cette proposition est adoptée.
« Des habitants de Lize, Boverie et Chatqueue demandent que ces villages, dépendants de Seraing, soient érigés en commune séparée. »
- Même renvoi.
« Le sieur François-Emmanuel Suttor, élève de l'école militaire de Bruxelles, né à Marsch (grand-duché de Luxembourg), demande la naturalisation ordinaire. »
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
« Les conseillers communaux de Frameries prient la Chambre d'accorder la préférence pour la concession du chemin de fer de Saint-Ghislain à Frameries, à la société dont le projet offrira le plus de garantie au sujet de la réduction des prix des transports sur la nouvelle ligue. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif à la concession de la ligne de Saint-Ghislain à Frameries.
« Le sieur Beauchan, secrétaire communal à Petit-Thier, demande une loi fixant le minimum de traitement des secrétaires communaux. »
« Même demande des secrétaires communaux des cantons de Beeringen, Ernage, Moere et Bois de Villers. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du rapport sur des pétitions relatives au même objet.
« Le ministre de la justice transmet, avec les pièces de l'instruction, la demande de naturalisation ordinaire du sieur Callinus, drogman de la légation de Belgique à Constantinople. »
- Renvoi à la commission des naturalisations.
« Par message, en date du 1er juillet 1865, le Sénat informe la Chambre qu'il a adopté le projet de loi relatif à l'exécution de travaux d'utilité publique. »
- Pris pour notification.
« La Chambre des notaires de l'arrondissement de Liège transmet 116 exemplaires de sa pétition pour obtenir une réforme complète des articles 41 et 42 de la loi du 22 frimaire an VII. »
- Distribution aux membres de la Chambre et dépôt à la bibliothèque.
« MM. E. Dupont, de Florisone et De Fré, empêchés de se rendre à la' Chambre pour cause d'indisposition ou pour affaires urgentes, demandent des congés. »
- Ces congés sont accordés.
M. Coomans. - Voila bien des congés ; nous en voudrions bien aussi. (Interruption.)
MpVµ. - En voulez-vous un, M. Coomans ? Faites-en la demande, je la soumettrai à la Chambre.
M. Coomans. - Le mot que je me suis permis était en réponse à cette demande de M. le président : N'y a-t-il pas d'opposition à tous ces congés ?
MpVµ. - J'ai soumis chaque demande à la Chambre et les trois premiers congés ont été accordés.
Il y a encore une demande de M. Bouvier et une demande de M. Beeckman ; vous y opposez-vous ?
M. Coomans.µ. - Je ne fais pas d'opposition aujourd'hui, mais une observation.
Je constate qu'il y a beaucoup de demandes de congés, et je dis que plusieurs d'entre nous en désireraient un. La Chambre statuera comme il lui plaira sur les demandes qui lui sont faites, ce qui ne m'empêchera pas de penser que les honorables collègues qui nous font discuter en ce moment devraient participer à la corvée.
MpVµ. - Vous devez reconnaître aussi que je ne puis faire autrement que de soumettre à la Chambre les demandes qui nous sont adressées.
M. Coomans. - Evidemment.
- Les congés demandés par MM. Bouvier et Beeckman sont accordés.
Il est procédé au tirage au sort des sections de juillet.
M. Lelièvre. - Depuis longtemps le taux des amendes qui doivent être consignées pour les recours en cassation en matière répressive, a été l'objet de sérieuses critiques. L'état de choses créé sous ce rapport par le Code d'instruction criminelle rend souvent le pourvoi impossible, même dans des affaires qui ont de l'importance. Ceux qui ne se trouvent pas dans certaine position de fortune sont placés dans l'impossibilité de recourir contre des décisions qui portent atteinte à leur honneur ou à des intérêts sérieux. Ce régime n'est pas conforme au principe démocratique, base de nos institutions, qui exige qu'on facilite aux citoyens l'exercice des moyens légaux à l'effet d'obtenir justice. Aussi dans diverses matières, notamment en ce qui concerne la milice, le droit électoral, les patentes et les contributions, l'amende a-t-elle été complètement supprimée. Il en est de même en cas de pourvoi contre des arrêts de la, cour militaire.
Notre proposition tend à faire cesser les inconvénients de la législation existante en réduisant la peine pécuniaire prononcée par les dispositions en vigueur dans une mesure compatible avec des intérêts que le législateur doit toujours prendre à tâche de sauvegarder.
En matière correctionnelle ou de police, celui qui succombe sur son appel n'est même frappé d'aucune pénalité, pourquoi dès lors prononcer une amende exorbitante en cas de recours en cassation et (page 1322) entraver le pourvoi qui n'est qu'un moyen légitime employé par un prévenu pour se défendre contre une inculpation peut-être injuste ?
Souvent d'ailleurs le taux de l'amende fixé par le Code d'instruction criminelle n'est pas en rapport avec la peine appliquée par la décision attaquée, de sorte que le régime en vigueur équivaut, dans nombre de cas, à la suppression complète du recours en cassation.
Nous avons pensé que cet ordre de choses exigeait une réforme dans l'intérêt de la justice, et notre proposition a pour but de la faire décréter.
D'un autre côté la législation actuelle astreint tout condamné à l'emprisonnement à se constituer lors de son pourvoi. Cette disposition est d'abord exorbitante, puisqu'elle suppose l'exécution du jugement avant qu'il ait été statué sur le recours. En tout cas, elle ne peut se justifier que quand l'emprisonnement doit avoir certaine durée. Sans cela le pourvoi en cassation devient illusoire, puisque souvent le condamné aura subi entièrement sa peine avant que la cour suprême ait prononcé.
Maintenir le système actuel, c'est réellement rendre impossible le recours en cassation dans les cas où il ne s'agit que d'un emprisonnement dont la durée ne doit pas se prolonger.
D'un autre côté l'on sait que, sous l'empire de la loi du 18 février 1852 la liberté provisoire en matière de délits est la règle, et la détention préventive n'est plus que l'exception. Or, sous semblable régime, il est impossible qu'un condamné soit tenu de se constituer à l'effet de se pourvoir, surtout quand il ne s'agit pas d'une condamnation à une peine ayant un caractère prononcé de gravité.
Aussi, la disposition rigoureuse de l'article 421 du Code d'instruction criminelle et contraire aux principes, ne se conçoit-elle que dans le cas où il est question d'une peine sévère à laquelle on n'a pas voulu que le condamné pût se soustraire à l'aide d'un recours téméraire.
Telles sont les considérations qui m'ont déterminé à proposer, de concert avec l'honorable M. Dupont, des dispositions dont l'expérience a démontré la nécessité et ayant pour objet de modifier,. dans le sens de nos institutions libérales, des prescriptions surannées qui ne sont plus en harmonie avec l'esprit des lois nouvelles. Nous espérons que cette mesure de progrès aura l'assentiment de la Chambre.
- La proposition est appuyée.
MpVµ. - La discussion est ouverte sur la prise en considération.
Personne ne demandant la parole, la proposition est prise en considération.
M. Orts. - Comme cette proposition s'occupe d'une question de forme et de procédure spéciale, je crois qu'il convient de la renvoyer à la commission d'organisation judiciaire, qui est saisie de questions analogues. Nous pourrions ainsi avoir plus rapidement un rapport.
- Le renvoi à la commission d'organisation judiciaire est prononcé.
M. T’Serstevensµ. - Je demande que la Chambre veuille bien adopter la proposition que j'ai eu l'honneur de lui soumettre dans la séance de vendredi et s'occuper immédiatement de l'extension de concession du chemin de fer du Centre. Si la Chambre veut bien suivre cette marche, le Sénat pourrait s'occuper du projet avant sa séparation, et la loi pourrait être mise à exécution dans un bref délai. Dans le cas contraire, la loi serait ajournée pour un temps très long.
M. de Macarµ. - Je ne pense pas, messieurs, qu'il y ait lieu d'adopter la motion de l'honorable rapporteur de la section centrale : les deux projets ont été examinés simultanément ; ils ont été l'objet d'un sérieux examen de la part de la section centrale, laquelle a consacré à cet examen un assez grand nombre de séances.
Je crains que la motion de l'honorable membre n'ait pour effet d'ajourner indéfiniment la discussion de l'un des deux projets et je crois qu'il n'y a pas lieu de le faire. D'une part comme de l'autre, il y a des intérêts très sérieux engagés et je suis sûr que tous les intéressés aimeront mieux voir accorder la concession à la société qui n'a pas leur préférence, que de ne pas la voir accorder du tout. La disjonction des deux projets de loi paraîtrait un rejet déguisé ou tout au moins un ajournement déguisé.
La question se trouve à l'ordre du jour depuis longtemps déjà, et je crois qu'elle est assez sérieuse pour être discutée avant la clôture de la session.
M. Pirmez. - Je désire que la Chambre comprenne bien l'état de la question. Il y a un projet de loi qui porte concession de deux chemins de fer, l'un en faveur de la Société du Centre, l'autre en faveur de la Société du Haut et du Bas-Flénu. La concession en faveur du Centre n'a donné lieu a aucune espèce d'objection, et il est certain qu'elle sera votée à l'unanimité. L'autre projet, au contraire, a donné lieu à des objections, fondées ou non, je ne me prononce pas sur cette question, mais vous savez tous, messieurs, par les nombreux documents qui nous ont été distribués, que ce projet est de nature à demander un certain temps à la Chambre pour l'examiner d'une manière approfondie.
Eh bien, nous demandons que l'on disjoigne les deux concessions et que l'on vote immédiatement sur celle qui concerne le Centre et qui, je le répète, ne peut donner lieu à aucun débat.
L'autre projet sera examiné à son tour, c'est-à-dire immédiatement après le vote de la loi sur les fraudes électorales. Je ne comprends pas les motifs pour lesquels l'honorable M. de Macar s'oppose à la disjonction, car il est de toute évidence qu'elle ne retarde en rien la discussion du projet relatif au Flénu ; ce projet sera discuté au moment où l'ordre du jour veut qu'il le soit.
Je ne veux pas examiner si la Chambre a le droit de prononcer la disjonction ; c'est une ancienne question controversée, mais je prie le gouvernement de consentir à la division ; de cette manière, la question constitutionnelle sera réservée et l'on fera une chose utile pour le Centre sans porter aucun préjudice à la concession du Flénu, qui viendra à son temps.
M. Carlier. - Il me semble que la proposition va à rencontre de deux décisions prises par la Chambre ; la Chambre a décidé à deux reprises que le premier objet à l'ordre du jour serait le projet de loi sur les fraudes électorales ; elle ne peut revenir sur ces décisions.
Je prie la Chambre de remarquer que l'honorable M. T'Serstevens ne demande pas que l'on disjoigne les deux concessions. (Interruption.) Laissez-moi m'expliquer.
Je dis que l'honorable M. T'Serstevens ne demande pas qu'on disjoigne la concession du chemin de fer du Centre de celle du chemin de fer du Flénu, pour que la question du chemin de fer du Centre puisse se discuter immédiatement après la loi sur les fraudes électorales ; mais qu'il demande cette disjonction pour que ce point puisse être voté immédiatement en laissant de côté la question du chemin de fer du Flénu jusqu'après la loi sur les fraudes électorales.
Or, je le répète, ce serait aller à rencontre de la double décision que nous avons prise.
Si, laissant à l'écart cette première question, j'examine l'opportunité de la disjonction des deux concessions, je n'en trouve aucune raison, car si la Chambre persiste dans la décision qu'elle a prise en ce qui concerne les fraudes électorales, aussitôt que cette loi sera votée, nous en viendrons à l'examen de quelques petits projets d'une importance toute secondaire, puis à la discussion de la loi qui contient à la fois la concession du Centre et celle du Flénu.
On nous dit que la concession du Centre sera vraisemblablement votée à l'unanimité des membres de la Chambre. Je le désire, et je pense qu'il en sera ainsi, mais je ne crois pas que la discussion sur la concession du Flénu puisse prendre une telle étendue, que le retard que cette discussion pourra occasionner puisse causer un véritable préjudice aux demandeurs en concession pour le chemin de fer du Centre.
Il n'y a donc pas d'intérêt réel engagé. La discussion, en ce qui concerne ces concessionnaires, se présentera aussitôt après l'examen de la loi sur les fraudes électorales, et je ne pense pas qu'il y ait lieu de discuter, pour le moment, la disjonction que l'on demande.
Nous trouvons que cette question de disjonction est assez importante. Nous l'avons vu résoudre de deux façons différentes depuis quelque temps.
Lorsque s'est présentée devant la Chambre la loi relative aux fortifications d'Anvers, loi qui comprenait en même temps une série de travaux publics, le gouvernement a refusé la disjonction qui était demandée et il a démontré que c'était son droit. Dans une occasion plus récente, le gouvernement s'est départi de sa rigueur et il a demandé lui-même la disjonction de la partie pécuniaire du dernier projet de travaux publics d'avec la partie qui concernait les travaux eux-mêmes ; la question est donc restée indécise et je ne crois pas qu'il y ait lieu de la débattre aujourd'hui, car, je le répète, dans l'occurrence, l'intérêt qui est en jeu est si faible, qu'il serait fâcheux de discuter une question de principe pour savoir si la concession du Centre sera votée quelques jours plus tôt ou quelques jours plus tard.
(page 1323) La concession du chemin de fer de Saint-Ghislain sera la matière d'un débat, mais ce n'est pas là une raison pour ajourner indéfiniment cette affaire. Et d'une ou d'autre façon, une décision doit être prise, quelle qu'elle puisse être.
M. de Macarµ. - Je n'ai qu'un mot à répondre aux observations que m'a faites mon honorable collègue, M. Pirmez. Il m'a demandé quel intérêt j'avais à m'opposer à la proposition de disjonction.
Cet intérêt est celui-ci : je suis convaincu d'abord que le gouvernement et la section centrale ont examiné l'affaire avec le plus grand soin, et, dès lors, je ne vois pas de motif d'ajournement.
Voulez-vous une seconde raison ? Je crois que de côté et d'autre tous les arguments ont été épuisés et qu'il y a une certaine passion en jeu. Je crois qu'il est inutile de laisser cette passion s'accroître davantage.
M. Sabatier. - Messieurs, je ferai d'abord remarquer à la Chambre, que si elle s'était décidée à voter immédiatement la partie du projet concernant l'extension du chemin de fer du Centre, cette opération aurait duré moins de temps que nous n'en avons mis à discuter sur le point de savoir si la proposition de disjonction serait ou non admise. L'honorable M. Carlier croit que la discussion relative au projet du Haut et Bas-Flénu ne prendra pas beaucoup de temps à la Chambre, que l'extension de cette concession sera accueillie avec non moins de faveur que celle réclamée par la compagnie du Centre (Interruption), qu'elle ne nécessitera pas plus de temps, ai-je compris. (Nouvelle interruption.) Je vois que l'honorable ministre me vient en aide en appuyant cette opinion par un signe affirmatif. Eh bien, s'il est vrai que la discussion du projet tout entier ne doive pas prendre beaucoup de temps, la disjonction est inutile, et nous n'aurons qu'une chose à demander, c'est que la Chambre consente à entamer la discussion du projet d'extension, en son entier, avant celui relatif aux fraudes électorales. (Interruption.)
Les honorables membres qui m'interrompent ne sont pas de mon avis mais je ferai remarquer que l'honorable ministre ne paraît pas mettre en doute que les arguments qu'il a à invoquer en faveur du projet relatif au Flénu seront assez décisifs pour qu'il émette l'opinion que la discussion ne sera pas longue. Je ne me prononce pas sur ce point, je me borne à invoquer l'opinion du ministre. (Interruption.) Messieurs, quoiqu'il en soit je poserai le dilemme suivant : ou bien la discussion se terminera promptement et alors rien n'empêche que nous la commencions immédiatement ou bien la discussion prendra beaucoup de temps, et il y a dès lors un intérêt de plus à ce que la disjonction, réclamée par les honorables MM, T'Serstevens et Pirmez, soit prononcée.
Pourquoi en effet, messieurs, demande-t-on que la Chambre prononce plus promptement sur l'extension de concession à accorder à la compagnie du Centre que sur l'extension de concession du Flénu ? Parce que les intérêts ne sont pas les mêmes.
Je tiens à faire remarquer, et M. le ministre des travaux publics voudra bien se le rappeler, qu'il y a plus d'un an que l'extension proposée en faveur du Centre a été réclamée et je dirai même promise aux intéressés.
Quels sont ces intéressés ? C'est d'abord la compagnie du Centre, cela va de soi ; ce sont encore des charbonnages qui se trouvent dans les bassins intermédiaires entre le bassin du Centre et celui de Charleroi.
Ces charbonnages attendent impatiemment que la Chambre se prononce sur la partie du projet dont je m'occupe, parce qu'ils sont privés de voies de communication et que depuis longtemps ils s'imposent des sacrifices considérables dans l'espoir que cette situation déplorable viendra à cesser.
L'honorable ministre des travaux publics le reconnaît dans l'exposé des motifs. Sans vouloir exciter ni passion, ni discussion, je dirai que la même situation n'existe pas pour le Haut et Bas-Flénu.
Eh bien, messieurs, si nous remettons la discussion du projet qui concerne le Centre, après le vote du projet de loi sur les fraudes électorales, nous porterons inévitablement aux demandeurs et aux tiers intéressés un préjudice notable. Vous allez le comprendre. Nous sommes tous d'accord, je pense, que la discussion du projet sur les fraudes électorales durera certainement trois semaines.
- Voix diverses. - Non ! non !
M. Sabatier. - Comment, non ! Mais vous oubliez que la section centrale a consacré plus de vingt séances à l'examen de ce projet, et il n'y a qu'un instant, les honorables membres qui m'interrompent se refusaient à croire que la discussion sur la loi portant les extensions de concession que vous savez pût être terminée, je ne dis pas dans quel sens, bien que la section centrale de ce projet n'ait eu que quelques réunions. Il y a là une contradiction évidente, et je maintiens qu'il n'y a rien d'exagéré à supposer que la discussion du projet de loi sur les fraudes électorales durera trois semaines au moins. Dans trois semaines donc, au plus tôt selon moi, pourra commencer la discussion du projet de loi relatif aux extensions de concession. Si cette discussion doit durer quelques jours, voilà un mois d'écoulé avant que le Sénat émette à son tour un vote. Ce ne sera donc guère avant 6 semaines que les plans de la nouvelle ligne, je parle de la ligne de Piéton à Leval, pourront être soumis à l'approbation du département des travaux publics.
En admettant, de la part de ce département, une activité exceptionnelle, les fonctionnaires chargés de l'examen des plans n'auront pas terminé leur travail en moins de quinze jours. Deux mois se passeront donc avant que la compagnie soit à même d'acheter les terrains, et l'hiver sera là qui viendra mettre un nouvel obstacle à ce que les travaux soient exécutés promptement.
J'invoque donc, encore une fois, l'intérêt de la compagnie du Centre et des charbonnages à relier à sa ligne, pour prier instamment la Chambre de prononcer la disjonction demandée et de procéder immédiatement au vote du projet d'extension qui concerne la compagnie du Centre.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - On ne peut pas, comme l'a fait remarquer l'honorable ministre des finances, prononcer la disjonction sans l'assentiment du gouvernement.
MfFOµ. - C'est la Constitution.
M. Wasseige. - Réservons la Constitution.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Je commence par déclarer que je m'oppose à la disjonction, et voici le motif de mon opposition. Je désire vivement discuter devant la Chambre la question du Flénu. On a cherché à susciter, et l'on a peut-être réussi dans une certaine mesure, autour de cette question une émotion factice. Je désire faire connaître le plus tôt possible à la Chambre les raisons de la décision que le gouvernement a prise dans cette circonstance.
J'ai donc l'honneur de proposer, après l'honorable préopinant, de fixer irrévocablement dès aujourd'hui la discussion de cette affaire à la suite de la loi sur les fraudes électorales.
Maintenant, quel motif le gouvernement peut-il avoir à maintenir la connexité entre les deux concessions du Flénu et du Centre ? Ce motif le voici : c'est que je suis d'autant plus sûr de trouver l'occasion de m'expliquer devant la Chambre sur la concession du Flénu, que cette question se trouvera liée à une autre concession, la concession du Centre sur laquelle tout le monde est d'accord et que tout le monde désire, voir vider.
Je dis que tout le monde est d'accord. Mais les honorables MM. Sabatier et Pirmez pensent que si l'on ajourne, ne fût-ce que de quelques jours, le vote sur la concession du Centre, c'est autant de temps perdu pour cette compagnie. Il y a un moyen de ne pas perdre une heure. Si la loi était votée et adoptée, la compagnie aurait à adresser ses plans à l'administration et l'administration aurait à les examiner. Eh bien qu'elle me fasse parvenir dès aujourd'hui ses plans et dès aujourd'hui l'administration les examinera. De cette façon il n'y aura ni un jour ni une heure de perdue.
Un membre : Le Sénat ne sera plus réuni.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Le Sénat sera appelé à voter encore d'autres lois.
M. Sabatier. - Le gouvernement ne peut pas examiner des plans sur un projet qui n'est pas voté.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Le gouvernement peut, en fait et en droit, examiner les plans d'un chemin de fer non concédé et cela est tellement vrai que si le gouvernement voulait, avant de présenter un projet de loi à la Chambre, ouvrir une enquête sur la concession à accorder, il pourrait certainement le faire. Or, qu'est-ce qu'une enquête ? C'est une investigation sur des plans arrêtés au préalable. Par conséquent, je puis parfaitement faire examiner par l'administration les plans de la compagnie du Centre. Je lui fournis cette indication et si elle s'y conforme, elle peut utiliser d'une manière complète les moments qui lui semblent si précieux, et qui le sont en effet.
MpVµ. - Il est bon de faire remarquer que déjà il y a (page 1324) eu deux décisions de la Chambre au sujet de la discussion du projet de loi sur les fraudes électorales.
M. Coomans. - Il me semble que la Chambre ne doit modifier son ordre du jour qu'en cas de nécessité absolue. Car tout changement trouble un peu le cours de nos études.
Je ne veux pas me prononcer sur la justesse des observations de l'honorable M. Sabatier ; j'aime à croire qu'elles sont très fondées ; mais je déclare qu'il me serait impossible de discuter aujourd'hui la question du Flénu.
Je ne m'en suis nullement préoccupé, ne pouvant pas prévoir que cette question se produirait avant le grave projet qu'on nous force à discuter en ce moment.
En thèse générale, je crois qu'il ne convient pas de modifier l'ordre du four de la Chambre sans des motifs graves. Car beaucoup de membres viennent eu vue d'un ordre du jour réglé d'avance et dans beaucoup de cas, peut y avoir surprise pour ou contre ces membres.
M. Orts. - J'insiste, comme l'honorable préopinant, pour que la Chambre suive son ordre du jour, arrêté par deux décisions. Malgré un vif désir de prendre des vacances, il est évident que beaucoup d'entre nous ont consenti à faire le sacrifice de leurs convenances personnelles à l'accomplissement de leurs devoirs parlementaires, en vue d'une loi qui a un incontestable intérêt général politique. Mais ils n'auraient certes pas consenti à faire ce sacrifice au profit d'intérêts purement matériels, d'intérêts purement particuliers, comme ceux qui sont engagés dans une loi de concession de chemin de fer.
Du reste, comme le dit l'honorable M. Coomans, nos études n'ont pas été dirigées, depuis la fixation de l'ordre du jour, vers la question du chemin de fer du Flénu. Nous sommes préparés pour les fraudes électorales ; nous ne le sommes pas pour un projet de travaux publics.
Je ne m'oppose pas à la disjonction, si le gouvernement y consent ; je comprends en effet que le chemin de fer du Centre ne peut donner lieu à aucune discussion ; mais je déclare que pour ma part, je combattrai énergiquement l'extension de concession demandée en faveur de la société du chemin de fer du Haut et du Bas-Flénu. Sans vouloir anticiper sur la discussion, je me bornerai à faire observer à l'honorable M. Macar qu'il se trompe s'il croit qu'il n'y a ici que des passions en jeu. Il y a, au contraire, des intérêts très sérieux engagés dans cette grave affaire. La Chambre est saisie de réclamations très vives, signées de 23 sociétés charbonnières des plus considérables dans les localités que le chemin de fer est appelé à desservir.
Et ces réclamations ne patronnent aucun concessionnaire concurrent de celui que le projet favorise.
Quoique privés de chemin de fer, les pétitionnaires vous disent : Ne donnez la concession à personne plutôt que de voter le chemin de fer qui vous est proposé.
- On demande la clôture.
M. Pirmez (sur la clôture). - Je ferai remarquer à la Chambre que nous avons annoncé dès vendredi la motion que nous faisons aujourd'hui ; cette motion ne vient donc pas à l'improviste, et la Chambre a eu le temps de l'examiner.
Je crois que si le gouvernement avait voulu consentir à la disjonction, il y a une demi-heure déjà que la Chambre aurait abordé la discussion du projet de loi sur les fraudes électorales.
Si le gouvernement persiste à ne pas consentir à la discussion, je serai obligé de ne pas discuter seulement la question constitutionnelle, mais encore d'examiner dans quelles vues on a fait cette jonction des deux projets sans connexité entre eux.
M. Dolezµ. - Je demande la parole pour une motion d'ordre. Messieurs, il n'y a pas à délibérer sur l'ordre du jour qui a été fixé. Je propose donc à la Chambre de mettre aux voix la question préalable. Dans la séance de vendredi, la Chambre par une décision formelle, a fixé son ordre du jour, en y faisant figurer en première ligne un projet de loi sur la répression des fraudes en matière électorale. C'est là un intérêt des plus considérables qui doit nous préoccuper avant tout.
Je le répète, la Chambre a fixé son ordre du jour dans la séance précédente, et on ne peut pas la changer du jour au lendemain.
Je demande donc la question préalable.
- La discussion est close.
- Des membres. - L'appel nominal !
- La question préalable est mise aux voix par appel nominal.
62 membres prennent part au vote.
43 votent pour la question préalable.
17 votent contre.
2 s'abstiennent.
En conséquence, la question préalable est prononcée.
Ont voté pour la question préalable :
MM. de Brouckere, Delcour, de Macar, Devroede, Dolez, Elias, Frère-Orban, Grosfils, Jacquemyns, Jamar, J. Jouret, M. Jouret, Landeloos, Lange, Laubry, Le Hardy de Beaulieu, Lelièvre, Lesoinne, Lippens, Mascart, Moreau, Muller, Orban, Orts, Royer de Behr, Tack, Tesch, Thonissen, Valckenaere, Vanden Branden de Reeth, A. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Vleminckx, Allard, Bara, Carlier, Crombez, David, de Baillet-Latour et E. Vandenpeereboom.
Ont voté contre la question préalable :
MM. de Conninck, de Muelenaere, de Naeyer, de Ruddere de Te Lokeren, de Terbecq, de Theux, Dumortier, Jacobs, Notelteirs, Nothomb, Pirmez, Sabatier, T'Serstevens, Van Hoorde, Warocqué, Wasseige et Couvreur.
Se sont abstenus : MM. de Haerne et Coomans.
MpVµ. - Les membres qui se sont abstenus sont invités à faire connaître les motifs de leur abstention.
M. de Haerne. - Je me suis abstenu parce que je n'étais pas ici à temps pour assister à la discussion.
M. Coomans. - Je désirais le maintien de l'ordre du jour, mais je n'ai pu voter la question préalable, dont on abuse beaucoup trop.
Force a donc été de m'abs tenir.
MpVµ. - Le gouvernement se rallie-t-il au projet de la section centrale ?
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - On peut ouvrir la discussion sur le projet de loi de la section centrale. Le gouvernement s'expliquera à chaque article.
MpVµ. - La discussion générale est ouverte sur le projet de la section centrale.
M. Lelièvre. - Le projet de loi en discussion est certainement l'un des plus importants qui puissent être soumis à la sanction législative. Il a pour objet d'assurer la sincérité des élections, base du gouvernement représentatif. Il tend à prévenir les fraudes nombreuses dont l'expérience a révélé l'existence, et le but qu'il se propose est la consolidation de nos institutions, qui ne doivent pas être altérées par un système électoral vicieux. Le principe de la loi présentée ne peut donc être contesté. Il s'agit seulement de savoir si le projet tel qu'il est formulé est complet et si les dispositions qu'il contient sont propres à produire les fruits qu'on en attend.
Pour moi, je pense qu'il faut ajouter au projet du gouvernement des prescriptions essentielles, sans lesquelles on n'obtiendrait que des résultats entièrement stériles.
Je suis d'abord d'avis qu'il est indispensable d'interdire d'une manière absolue les repas électoraux, même le jour des élections.
Il importe de ne pas laisser introduire définitivement dans le pays des usages abusifs qui dénaturent complètement l'esprit de nos institutions. Si on ne les supprime pas, l'entrée au Parlement deviendra le prix de la richesse et elle sera fermée à ceux qui n'ont qu'une fortune modeste.
Pense-t-on d'ailleurs que beaucoup de personnes consentent à exposer des sommes importantes pour chercher à faire réussir une candidature dont le succès est incertain ? La difficulté qui s'accroît chaque jour de trouver des candidats a pour cause principale les dépenses considérables qu'on doit faire à l'occasion des luttes électorales.
D'un autre côté, maintenir l'état de choses existant, c'est réellement écarter de la législature des hommes instruits, en position de rendre au pays des services éminents, mais se trouvant dans l'impossibilité de supporter les frais énormes, qui sont, dans presque tous lés arrondissements, une condition indispensable de la réussite.
Ce qui se passe aujourd'hui est directement opposé au principe démocratique de nos institutions. Si on ne le fait cesser, bientôt on ne rencontrera plus dans la Chambre que de grands propriétaires, de riches industriels, et les citoyens ayant un mérite incontesté, mais sans fortune, devront renoncer à l'honneur d'en faire partie. C'est un véritable amoindrissement de la représentation nationale. D'un autre côté, le système existant compromet réellement la dignité des candidats et celle de nos institutions. Il importe de faire disparaître résolument ces abus que personne ne peut méconnaître, en prohibant d'une manière générale les repas électoraux même le jour de l'élection. Sans doute on peut encore chercher à éluder cette défense, mais sur ce point on doit se référer à la conscience des juges qui, d'après les circonstances, décideront (page 1325) si la loi a été enfreinte. Il s'agit ici de faits dont l'appréciation doit être laissée aux tribunaux et qui ne sauraient être tous prévus par le législateur. Celui-ci énonce sa volonté. C'est aux magistrats qu'il appartiendra de juger si cette volonté a été méconnue et si l'on a réellement enfreint les prescriptions prohibitives qu'il aura édictées.
Sous ce rapport, le projet est incomplet et insuffisant.
Du reste, pour ne pas écarter de l'urne électorale les électeurs campagnards, j'estime qu'il serait juste de leur allouer une indemnité de voyage comme cela se fait à l'égard des témoins et des jurés. Ce serait là sans doute un accroissement de dépenses pour le trésor, mais il n'y aurait pas certainement lieu à le regretter en présence des graves intérêts qui se rattachent à l'exercice du droit électoral.
Il y a quelque chose au-dessus de l'argent, c'est l'intérêt du pays, qui demande qu'on favorise l'émission des votes et qu'on assure ainsi la sincérité du gouvernement représentatif.
Il est d'autres mesures que je n'hésite pas à appuyer. D'abord le vote par ordre alphabétique. Il a été adopté par la Chambre en 1859. Il est certain qu'on préviendrait pan là un grand nombre des abus qui se produisent aujourd'hui. Il serait beaucoup plus difficile de circonvenir les électeurs que sous le régime actuel. Sous ce rapport, ce serait là une amélioration notable. Dans plusieurs localités urbaines, ce mode de procéder a été admis.et l'on a constaté qu'il produisait de bons résultats au point de vue de la liberté de l'électeur.
D'autres dispositions devraient aussi être décrétées immédiatement. C'est ainsi qu'il est juste de compter pour le cens électoral non seulement les centimes additionnels fixés par la loi, mais même ceux admis par les provinces et les communes à l'effet d'assurer le payement des dépenses obligatoires Dans de telles conditions, ces centimes additionnels constituent un impôt qui rentre parfaitement dans les vues qui ont dicté l'article 47 de la Constitution. Si en effet c'est le payement du cens qui représente une fortune, une position sociale, il est évident que les centimes additionnels ci dessus énoncés ne peuvent être négligés sans blesser le principe même qui a servi de base à l'établissement du cens.
Sans doute, pour empêcher qu'il ne dépende d'un conseil provincial ou d'un conseil communal de créer des électeurs pour la Chambre, il ne faut attribuer semblable valeur qu'aux centimes nécessaires pour pourvoir aux dépenses obligatoires des provinces et des communes, mais au moins en ce qui concerne les centimes additionnels décrétés dans cet ordre d'idées, il est impossible de ne pas les considérer comme réunissant les conditions nécessaires pour entrer dans la formation du cens.
Je ne pense pas qu'on puisse déduire un motif sérieux, contraire au système que je viens de proposer déjà relativement au cens requis par la loi ; pour l'éligibilité au Sénat il est admis en jurisprudence que les centimes additionnels votés en vertu de la loi doivent être comptés pour former le cens requis par l'article 56, n°5, de la Constitution. Ce principe doit s'appliquer à l'électeur non moins qu'aux éligibles et le moment me semble favorable pour le décréter définitivement.
Enfin, je suis d'avis que le législateur doit exclure du scrutin électoral tous les individus qui ne savent ni lire ni écrire, par le motif qu'étant incapables d'émettre un vote utile, il est rationnel qu'on leur dénie l'exercice d'un droit qui suppose le discernement de l'intérêt public.
La première condition de l’exercice électoral, c'est d'en avoir intelligence. Je comprends donc parfaitement que la loi l'enlève à ceux qui sont, à raison de leur ignorance, dans l'impossibilité d'en user sainement.
Cette mesure est du reste parfaitement justifiée. Le droit d'élection n’est accordé aux citoyens que comme moyen de réaliser le bien-être général. Par conséquent le conférer à des individus incapables de l'exercer convenablement, ce serait faire tourner contre l'intérêt social une disposition introduite pour le sauvegarder.
Telles sont les considérations qui me paraissent exiger qu'on insère dans le projet des dispositions propres à rendre la réforme efficace.
Quant au projet lui-même, plusieurs articles me semblent pouvoir donner lieu à des inconvénients.
Je pense d'abord qu'en général la section centrale n'a pas été heureuse dans les modifications qu'elle propose. Elle complique les opérations et crée, en ce qui concerne les désignations des candidats, des difficultés qui auront pour conséquence l'annulation sans motifs suffisants d'un grand nombre de bulletins. On multiplie sans raison, à mon avis, les causes de nullité, tandis qu'on devrait les restreindre le plus possible. En ce qui concerne les dîners électoraux, on propose des prescriptions absolument illusoires, puisqu'on autorise ces repas le jour de l'élection.
Le projet du gouvernement me semble aussi devoir donner lieu à des difficultés nombreuses d'exécution et prolonger outre mesure la durée des opérations électorales ; d'un autre côté, si l'on veut une réforme sérieuse, elle me paraît devoir comprendre les questions sur lesquelles j'ai appelé en premier lieu l'attention de la Chambre et dont la solution peut seule produire des résultats utiles.
Je me bornerai, pour le moment, à déduire ces brèves observations, me réservant d'en proposer d'autres, dans le courant de la discussion.
Je ne puis toutefois me dispenser d'exprimer dès maintenant le regret de voir le projet aggraver les pénalités de la législation en vigueur. C'est ainsi que dans le cas où il s'agit d'un fait entraînant la peine de la réclusion, l'article 35 ne permet de la commuer, en cas de circonstances atténuantes, qu'en un emprisonnement dont la durée ne peut être inférieure à trois mois, tandis que l'article 3 de la loi du 15 mai 1849 autorise les tribunaux, en semblable occurrence, à réduire l'emprisonnement à huit jours. C'est là une aggravation de l'état de choses existant, que rien ne justifie.
Il est du reste à remarquer que le projet ne permet pas même, en ce cas, au juge de correctionnaliser l'affaire.
D'un autre côté, dans un moment où de toutes parts, surtout en matière de délits, s'élèvent des réclamations contre la détention préventive, celle-ci est maintenue à l'égard des faits prévus par le projet.
Or la nécessité de pareille sévérité dans le cas qui nous occupe ne peut être justifiée. Il s'agit, en effet, de faits passagers qui ne peuvent être réitérés immédiatement par le prévenu et contre lesquels l'emploi de voies rigoureuses avant le jugement n'est pas indispensable dans l'intérêt de la justice. Ajoutez à cela que c'est surtout à l'égard d'actes inspirés par une pensée politique qu'il faut écarter des rigueurs inutiles. En pareille occurrence, il importe aussi que la loi ne laisse rien à l'arbitraire des tribunaux. Sous ce rapport, le projet me paraît nécessairement devoir subir des modifications qu'il suffira de signaler à la Chambre.
M. Delcourµ. - Je lis, dans le rapport de la section centrale, les lignes suivantes :
« Les atteintes à la sincérité des élections commencent avant que les électeurs soient convoqués, et les premières sont inhérentes à la formation des listes électorales. Les élections ne sont pas sincères, en effet, s'il s'est glissé de faux électeurs dans l'assemblée. »
En présence de ces paroles.je crois, messieurs, pouvoir revenir sur une question que j'ai déjà soulevée au sein de la Chambre.
Dans la discussion générale du budget de l'intérieur, j'ai signalé à l'attention du gouvernement une réforme relative aux listes électorales que je considérais comme des plus importantes.
J'ai demandé deux choses.
En premier lieu que la loi établisse la publicité des séances des députations permanentes, lorsque celles-ci sont appelées à juger les contestations en matière électorale.
J'ai demandé, en second lieu, qu'il fût permis aux réclamants de présenter leurs observations, en personne, ou par mandataire.
Lors de la discussion du budget de l'intérieur, j'ai promis de revenir sur cette question lorsque la Chambre s'occuperait du projet de loi sur les fraudes électorales, c'est cet engagement que je viens remplir.
La question que je soulève n'est pas politique, ce n'est pas une question de parti, c'est une question d'organisation. Il me suffira, messieurs, de vous dire en quelle compagnie je me trouve pour vous en convaincre.
Vous n'avez pas oublié que l'initiative de la réforme que je propose appartient à l'honorable M. Lelièvre. Vous savez aussi, messieurs, que le conseil provincial de Liège a cherché, à diverses reprises, à introduire la publicité des séances de la députation dans son règlement d'ordre et de service intérieur.
Je tiens à préciser tout de suite la portée de ma proposition ; je ne veux pas renverser toutes les habitudes de l'administration ; je désire seulement apporter à la législation électorale quelques améliorations que je regarde comme nécessaires pour sauvegarder les droits des parties intéressées.
Permettez-moi, messieurs, afin de saisir le sens de ma proposition, de vous rappeler, en quelques mots, quelles sont les attributions des députations permanentes.
Je ne demande pas la publicité des séances d'une manière absolue, je la demande dans des conditions si restreintes que j'espère que le gouvernement pourra s'y rallier.
(page 1236) Les députations permanentes exercent des attributions de divers ordres.
Comme corps provincial, elles sont chargées de l'administration journalière de la province. En l'absence du conseil et en cas d'urgence, les députations exercent la plupart des attributions que la loi a déférées au conseil provincial.
Les députations permanentes exerce aussi des attributions tutélaires . C’est à ce titre que nous les voyons intervenir tantôt pour donner un avis sur les résolutions des conseils communaux soumises à l'approbation royale, tantôt pour donner elles-mêmes cette approbation.
Les députations délibèrent également sur l'exécution des lois pour lesquelles leur intervention est requise ou qui leur sont adressées, à cet effet, par le gouvernement.
Enfin, les députations permanentes sont chargées d'examiner les contestations qui s'élèvent à l'occasion des listes électorales. C'est le point sur lequel je me propose d'insister. Je la fais avec d'autant plus de confiance que la question que je discute est dans les principes du projet de loi dont nous sommes saisis. Avant de réprimer les fraudes électorales il faut les prévenir et, par conséquent, la première chose à faire est de pourvoir à la vérité, à la sincérité des élections par la bonne formation des listes.
Messieurs, lorsque les députations permanentes sont appelées à juger les contestations en matière électorale, elles exercent une juridiction contentieuse. C'est peut-être la partie la plus importante du contentieux administratif en Belgique. Il est inutile de faire remarquer que, sous notre législation, le contentieux administratif est moins étendu que le contentieux administratif en France.
En France, le contentieux administratif comprend une foule de questions qui, de droit constitutionnel, appartiennent au pouvoir judiciaire. Ainsi, par exemple, les conseils de préfecture et le conseil d'Etat prononcent, dans certains cas, sur le droit de propriété, sur l’interprétation des contrats passés par l'administration, sur des indemnités réclamées par des particuliers.
La législation française va plus loin encore.
Ainsi, en matière de grande voirie, les conseils de préfecture sont de véritables tribunaux répressifs, qui appliquent la peine légale aux contraventions.
En Belgique, les principes sont essentiellement différents, la Constitution a établi un ordre de choses basé exclusivement sur les besoins d'une bonne organisation judiciaire.
Quels sont nos principes constitutionnels ? La disposition fondamentale, celle qui gouverne toutes les attributions du pouvoir judiciaire en Belgique, est l'article 92 de la Constitution, conçu en ces termes : « Toutes les contestations qui ont pour objet des droits civils, sont exclusivement du ressort des tribunaux. » Il n'y a donc plus d'exception possible ; dès que la contestation a pour objet une question relative à la propriété, ou une question relative à l'état des personnes, les tribunaux seuls sont compétents pour en connaître.
Vous voyez, messieurs, quel chemin nous avons fait, quelle profonde séparation vous rencontrez entre le contentieux administratif en Belgique et le contentieux français.
Le législateur constituant ne s'est point arrêté là. L'article 93 de la loi fondamentale a complété le système ; il s'occupe des contestations qui ont pour objet les droits politiques et les défère également aux tribunaux ordinaires. Tel est le principe, mais la Constitution a permis à la loi de faire des exceptions. C'est en vertu d'une de ces exceptions que les députations permanentes jugent les réclamations auxquelles les listes électorales donnent lieu ; elles prennent la place des tribunaux ordinaires ; elles exercent une partie du pouvoir judiciaire.
Eh bien, messieurs, n'est-il pas juste d'accorder aux citoyens qui plaident devant ces tribunaux d'exception les garanties que la Constitution leur donne devant les tribunaux ordinaires ? Je suis certain que tous les hommes sérieux de la Chambre, qui ont fait une étude approfondie de notre législation électorale, se sont demandé souvent, comme je me le suis demandé moi-même : Pourquoi donc la loi a-t-elle fait cette exception au droit commun ? Pourquoi n'a-t-elle pas renvoyé aux tribunaux ordinaires les contestations relatives aux droits électoraux ?
J'ai beau chercher un motif plausible, je ne trouve que des raisons secondaires.
Maintenant, messieurs, parcourons ensemble les législations de l'Angleterre, de la France et de la Hollande et voyons si ces législations ne sont pas beaucoup plus favorables aux justiciables que la nôtre.
En Angleterre, je rencontre toutes les garanties que je réclame aujourd'hui. Le 20 juin de chaque année. les commissaires de la loi des pauvres invitent, par un avis qui doit être affiché dans les lieux publics et même dans les journaux, les personnes ayant droit de figurer sur la liste, de former leurs demandes d'inscription. Le même avis invite les électeurs qui doivent être maintenus sur la liste, à acquitter avant le 20 juillet le montant de leur taxe devenue exigible. Si le commissaire (overster) ne trouve pas les demandes justifiées, il l'indique dans une colonne d'observations spéciales.
Tout électeur peut protester contre une inscription, ou faire des réclamations.
Les réclamations sont jugées par les revising barristers.
La revising barrister est nommé chaque année par les deux juges qui tiennent les assises dans le comté où il doit exercer ses fonctions. Il est investi de tous les pouvoirs judiciaires ordinaires ; et ses décisions sont définitives sur le point de fait. L'appel, qui ne peut être soulevé que sur le point de droit, est porté devant les cours de Westminster.
Le revising barrister ne peut être ni membre du parlement, ni investi d'aucun emploi à la nomination du gouvernement.
Dès que la nomination est faite, le revising barrister en informe les clercs des villes et leur indique le jour où il tiendra sa cour de révision. Les clercs des villes, les oversters, les personnes qui ont fait des protestations sont tenus d'être présents à l'audience. Les réclamations peuvent être faites par fondé de pouvoir.
Ce système, qui se lie aux mœurs et aux institutions de l'Angleterre, présente toute garantie aux parties intéressées : elles rencontrent un juge indépendant ; elles sont obligées, sous peine d'amende, d'assister à l'audience et elles sont entendues avant d'être jugées.
Passons à la législation française. Avant la loi des 15-18 mars 1849, l'appel en matière électorale était porté devant les cours royales. Depuis la loi de 1849, et aujourd'hui sons l'empire du décret organique des 2 et 21 février 1852, les réclamations sont jugées, en premier ressort, par une commission prise dans le sein du conseil municipal, et, en appel, par les juges de paix du canton. Si la demande portée devant le juge de paix implique la solution préjudicielle d'une question d'Etat, il doit renvoyer préalablement les parties à se pourvoir devant le juge civil de l'arrondissement. Le juge de paix fixe un bref délai dans lequel la partie qui aura élevé la question préjudicielle devra justifier de ses diligences.
Les décisions du juge de paix sont en dernier ressort, mais elles peuvent être déférées à la cour de cassation.
En France donc, c'est encore par les tribunaux ordinaires que sont jugées les réclamations auxquelles les listes électorales donnent lieu.
Si nous consultons la législation hollandaise, nous y retrouvons les mêmes principes. Les réclamations sont jugées d'abord par les conseils communaux, et les appels sont portés aux tribunaux d'arrondissement. Les décisions des tribunaux d'arrondissement peuvent être dénoncées à la haute cour des Pays-Bas.
Veuillez, messieurs, comparer le système que nous régit avec ceux dont je viens de vous présenter une courte analyse. Vous reconnaîtrez, je n'en doute pas, que la législation belge est inférieure à cède de nos voisins. C'est aux tribunaux et non pas aux autorités administratives qu'il appartient de prononcer sur les réclamations qui ont pour objet les droits politiques.
Je vous prie cependant, messieurs, de ne pas vous méprendre sur ma pensée ; en combattant la juridiction administrative en matière électorale, je n'ai pas l'intention de faire le procès aux députations permanentes ; j’examine une question d'organisation. Dans les tribunaux ordinaires, je rencontre des juges inamovibles et indépendants ; dans les députations permanentes, des juges amovibles et ordinairement politiques. Les tribunaux ordinaires jugent au grand jour, les députations jugent à huis clos. Eh bien, peut-on hésiter à choisir entre ces deux juridictions ?
Non, messieurs, si la loi était encore à faire, je suis persuadé que personne ne se lèverait ici pour défendre le système consacré par nos lois électorales.
La proposition que je vais avoir l'honneur de déposer avec plusieurs de mes honorables amis ne va pas aussi loin. Nous acceptons la législation existante, nous l'améliorons eu introduisant dans la procédure administrative une garantie indispensable. Nous ne venons pas vous demander de décréter, d'une manière absolue, la publicité des séances des députations permanentes ; nous ne vous demandons pas même, avec l'honorable M. Lelièvre, de l'appliquer, d'une manière (page 1327) générale, au contentieux administratif. Nous sommes moins radicaux ; nous avons restreint notre proposition aux réclamations relatives aux listes électorales, parce qu'alors les citoyens subissent une juridiction exceptionnelle, substituée à celle des tribunaux ordinaires.
Notre proposition, messieurs, comprend trois choses : en premier lieu, la publicité des audiences, lorsque les députations statuent sur les réclamations relatives aux listes électorales ;
En second lieu, qu'il soit permis aux réclamants de présenter leurs réclamations, soit en personne, soit par mandataire ; en troisième lieu, que les jugements soient prononcés en séance publique comme les jugements des tribunaux ordinaires.
Ces principes me paraissent tellement en harmonie avec nos institutions que je ne puis croire que la majorité se refuse à nous accorder ces garanties.
Il y a longtemps qu'on a signalé à l'attention des jurisconsultes et des publicistes la lacune que je désire faire cesser. L'empereur Napoléon l’a a dit un jour, dans une discussion du conseil d'Etat : « Il y a un grand vice dans le jugement des affaires contentieuses, c'est qu'elles sont jugées sans entendre les parties. »
Cependant il a fallu lutter longtemps pour conquérir le principe de la publicité. On ne l'a conquis, en France, qu'à la suite de grands et nobles efforts.
Un premier pas a été fait dans cette voie, par l'ordonnance du 9 février 1851, qui a décrété la publicité des audiences du conseil d'Etat ; la réforme a été complétée ensuite par le décret du 30 décembre 1862, qui a appliqué la même règle aux audiences des conseils de préfecture.
Je lis dans le rapport présenté à l'empereur Napoléon III, par M. le ministre de l'intérieur, quelques mots que je livre à l'appréciation du gouvernement.
« La justice aime, disait le ministre de l'intérieur, à s'appuyer sur l'opinion, et son autorité gagne à se trouver en contact direct avec les citoyens dont elle règle les intérêts et termine les différends. »
Un peu plus loin M. le ministre ajoute :
« La publicité provoque le contrôle, mais l'administration française ne redoute pas cette épreuve. »
Est-ce en Belgique messieurs, que nous pourrions redouter un contrôle qu'on ne craint pas en France, nous, qui jouissions des avantages d'un gouvernement représentatif dont le principe fondamental est la publicité ?
A l'occasion de la discussion des dispositions constitutionnelles organiques du pouvoir judiciaire, l'honorable M. Raikem, rapporteur de la section centrale du Congrès national, disait également en parlant des audiences des tribunaux :
« Les juges sont plus circonspects dans leurs décisions, s'ils sont exposés à la censure du public. »
Je n'insisterai pas davantage sur ce point.
Il me reste maintenant à répondre à une objection qui pourrait m'être faite.
L'article 108 de la Constitution porte que la loi organique des institutions provinciales et communales consacra les principes suivants :
« 5° La publicité des séances des conseils provinciaux et communaux dans les limites établies par la loi. »
M. Raikem, expliquant dans le rapport de la section centrale du Congrès national cette disposition constitutionnelle disait : « Ou a fait remarquer que la publicité ne pouvait être exigée pour les séances des députations permanentes qui seraient élues par les conseils provinciaux. »
En présence de ce passage, je me demande quelle a été la pensée de la section centrale du Congrès ?
Cette pensée est claire, messieurs. L'article 108 n'établit qu'une chose ; la publicité des séances des conseils provinciaux et des conseils communaux dans les limites déterminées par la loi ; le Congrès national n'a pas voulu que ce principe fût appliqué, de plein droit et en vertu de la Constitution, aux séances des députations permanentes.
Les paroles de l’honorable M. Raikem n'ont pas d'autre portée. Il appartient donc à la législature d'étendre la même règle aux séances des députations, si elle juge la publicité nécessaire pour la bonne administration du pays ou pour les besoins de la justice.
D'ailleurs, le sens de la Constitution a été fixé lors de la discussion de la loi provinciale ; il suffira de rappeler à la Chambre ce qui s'est passé à cette époque.
Dans la séance du 15 mai 1834, la discussion s'ouvrit sur l'article 114 de la loi provinciale, portant ;
« La députation soumet à l'approbation du conseil un règlement d'ordre et de service intérieur. »
Le projet de loi se contentait donc de l'approbation du conseil. M. Rogier, ministre de l'intérieur, proposa d'ajouter : « Ce règlement sera également soumis à l'approbation du Roi. »
M. le comte de Theux, rapporteur de la section centrale, appuya cet amendement et fit remarquer que l'article en discussion ne prévoyait pas le cas où l'on voudrait introduire la publicité des séances. « Cette publicité, dit l'honorable rapporteur, n'est pas prescrite à la députation ; elle n'est pas interdite non plus, mais je ne pense pas que, sans l'assentiment du gouvernement, la députation puisse déclarer ses séances publiques. » Ces explications ne laissent aucun doute sur la pensée du Congrès. Non seulement la loi peut décréter la publicité des séances des députations permanentes ; mais le gouvernement peut même l'autoriser dans le règlement d'ordre et de service intérieur des députations. Si je sollicite l'intervention de la loi, c'est afin de rendre la mesure définitive, complète et générale. C'est surtout afin de la mettre a l'abri des opinions du gouvernement, des fluctuations ministérielles.
Telle est, messieurs, la question constitutionnelle ; la compétence du pouvoir législatif est certaine. Il me reste à vous entretenir des précédents et à vous rendre compte des vœux du conseil provincial de Liège.
En 1837 déjà, le conseil provincial de Liège avait adopté un règlement d'ordre qui admettait la publicité des séances :
1° Dans le cas où la députation prononce, en l'absence du conseil et conformément à l'article 107 de la loi provinciale, sur les objets réservés au conseil par les articles 72 et 75 de la loi ;
2° Dans les cas où la députation est appelée à statuer sur les réclamations des miliciens et des gardes civiques.
Le règlement fut approuvé avec cette clause, par un arrêté royal du 11 janvier 1838, contre-signé par l'honorable comte de Theux. Le gouvernement ne vit pas d'inconvénient à approuver une disposition qui n'admettait la publicité que dans des cas restreints.
Mais le conseil provincial de Liège ne s'en tint pas à ces dispositions. Dès la même année, il étendit la publicité aux affaires mentionnées aux article 76 et 77 de la loi communale, lorsqu'elles avaient été traitées en séances publiques.
L'honorable comte de Theux refusa de soumettre ces nouvelles modifications à l'approbation royale, pour deux motifs : d'abord, parce que la publicité allait devenir la règle et le huis clos l'exception ; puis, parce qu'il craignait qu'une telle mesure ne nuisît à la prompte expédition des affaires.
Peu de temps après, le conseil provincial de Liège reproduisit la délibération de 1838. M. Liedts était alors ministre de l'intérieur, et comme M. de Theux, il refusa l'approbation royale.
En 1849, la politique avait changé. La députation proposa un nouveau règlement à l'approbation du conseil provincial, et ce règlement étendait la publicité à une foule d'affaires pour lesquelles elle n'avait été demandée ni en 1838, ni en 1840.
Un arrêté royal du 26 juillet, pris sur la proposition de l'honorable M. Rogier et de l'avis du conseil des ministres, approuva la résolution du conseil provincial pour un an et à titre d'essai. Mais cet arrêté royal ne reçut pas d'exécution.
En 1861, le conseil provincial reprit la question, à un point de vue plus large encore ; il proposa de décréter la publicité des séances de la députation dans les cas suivants :
1° Lorsque la députation s'occupe, en vertu de la prérogative qui lui est donnée par l'article 107 de la loi provinciale des matières indiquées dans les articles 72, 73, 74 et 78 de la même loi ;
2° Lorsqu'elle statue sur les pourvois électoraux ;
3° Lorsqu'elle exerce ses attributions en vertu de l'article premier de l'arrêté royal du 1er novembre 1849, relatif aux demandes d'autorisation des établissements dangereux, insalubres et incommodes ;
4° Lorsqu'elle statue sur les pourvois en matière de contributions de l'Etat ;
5° Lorsqu'elle exerce ses attributions en vertu de la loi du 21 avril 1810 sur les mines.
Le règlement fixait les jours des séances publiques et prescrivait de les annoncer, sauf les cas d'urgence, par la voie des journaux. L'ordre du jour était affiché au greffe.
Il établissait enfin que « les parties et leurs fondés de pouvoirs seront admis à défendre leurs intérêts, et que les décisions sur ces affaires (page 1328) seraient proclamées en séance publique. » Ce règlement ne fut pas approuvé par l’honorable ministre qui dirige actuellement le département de l'intérieur.
Lors de la discussion du budget de l'intérieur, l'honorable ministre a présenté deux objections principales, auxquelles je dois répondre. Il a dit en premier lieu que la proposition du conseil provincial de Liège avait été soumise à l'avis des autres députations permanentes du royaume, et que pas une seule ne s'y était ralliée. C'est ce qua je comprends parfaitement. Si j'avais eu l'honneur de faire partie d'une députation permanente, il est probable que je ne m'y serais pas rallié non plus.
Relisez, messieurs, le règlement voté par le conseil provincial de Liège, et vous direz avec moi que la publicité des séances de la députation dans le sens proposé doit entraîner des inconvénients réels. En demandant trop, le conseil provincial n'a pu rien obtenir.
L'honorable ministre de l'intérieur a fait une autre objection qui, si elle était fondée, présenterait un caractère de gravité que je ne me dissimule pas. Il nous a dit : La publicité des séances entraînera des lenteurs qui ne permettront, plus aux députations de prononcer dans le délai très court fixé par la loi sur les réclamations dont elles seraient saisies.
Messieurs, cette objection est plus spécieuse que fondée.
Je dis d'abord que les réclamations en matière électorale ne donnent lieu, dans la plupart des cas, qu'à une simple vérification ; il ne faut donc pas s'exagérer la longueur des plaidoiries, elles se borneront ordinairement à des observations sommaires.
Les affaires contentieuses annuellement jugées en France s'élèvent à plus de 200,000, et cependant, malgré ce nombre considérable de causes, la publicité des séances des conseils de préfecture a été décrétée. Je suis convaincu que ma proposition n'entraînera aucun des inconvénients qu'appréhende l'honorable ministre.
Examinons l'objection de plus près. Afin de m'en rendre compte, j'ai recherché quel a été, en 1864, le nombre des réclamations qui ont été soumises, dans les provinces de Brabant et de Hainaut, à la députation permanente ; j'ai dû limiter mes recherches à ces deux provinces, parce que nous n'avons encore reçu que les rapports de ces province, j'ai craint, en outre, que des citations trop nombreuses ne fatiguent l'attention de la Chambre.
En 1864, les réclamations contre la formation des luttes électorales, dont la députation permanente du Brabant a été saisie en degré d'appel, se sont élevées au nombre de 51 ; 16 ont été admises et 35 répétées ; 11 radiations ont été provoquées par MM. les commissaires d'arrondissement et 7 noms ont été rayes des listes. Dans la même année, les réclamations relatives aux listes des élections communales ont été de 53 ; 8 ont été accueillies.
Pour le Hainaut, voici ce que je lis à la page 18 du rapport sur la situation administrative de la province :
« A l'occasion de la formation des listes pour les Chambres et le conseil provincial, la députation permanente a été saisie en 1861, de 61 appels, 25 ont été formés par les intéressés, 33 par des tiers et 5 d'offices par les commissaires d'arrondissement ; 9 appels formés par les intéressés, 10 par des tiers et les 5 appels d'office ont été admis, les autres ont été rejetés.
« La révision des listes électorales communales a donné lieu à 19 pourvois, dont 11 par les intéressés et 8 par des tiers. Sur ce nombre, 8 pourvois ont été admis ; les autres ont été rejetés. »
Il résulte de ces données qu'en temps ordinaire, le nombre des appels ne dépassera pas, annuellement et en moyenne, le chiffre de 60 à 80. Y a-t-il là, messieurs, de quoi s'effrayer ? Y-a-t-il là de quoi entraver la marche régulière de l'administration, de quoi nuire au service public ?
Messieurs, vous avez déjà répondu à ces questions ; vous vous serez dit, comme nous, que la réforme que nous vous demandons ne peut pas être refusée.
Messieurs, lorsqu'il s'agit d'une liberté constitutionnelle, lorsqu'il s'agit de garanties desquelles dépend la bonne justice du pays, convient-il de marchander ou de se laisser arrêter par quelques inconvénients passagers ?
On ne l'a pas pensé en France, on ne l'a pas pensé en Hollande, je désire, pour l'avenir de mon pays, que vous ne le pensiez pas non plus.
Je me demande enfin si la législation existante a donné lieu à des abus.
Vous comprenez, messieurs, que les abus sont très difficiles à découvrir, lorsque l'instruction des affaires se fait à huis-los, sms entendre les parties et sans leur donner communication de toutes les espèces de l’instruction. Ordinairement, la députation s'adresse aux autorités inférieures, aux autorités communales et juge ensuite sur les renseignements que ces autorités lui fournissent. Si la députation ordonne des enquêtes ou des informations, ces informations ne sont pas communiquées aux parties.
J'ai lu, messieurs, dans une brochure qui a été publiée en 1864, certains faits qui sont de nature à mériter toute votre attention. Ces faits prouvent comment une députation permanente peut être, involontairement, sans doute, induite en erreur par les autorités communales.
Voici ce que je lis dans une brochure publiée en 1864 : « De la nécessité de réviser les lois relatives aux attributions des députations permanentes ».
« Nous reproduisons ci-après une espèce frappante en matière de listes électorales. Le lecteur se convaincra, rien que par l'inspection des pièces que nous copions, combien une députation permanente, animée par l'esprit de parti, est exposée à tomber dans l'arbitraire et à sanctionner les plus flagrantes iniquités.
« Appel avait été interjeté d'une décision de l'administration communale de Courtrai, contre le maintien du sieur Gantier sur la liste électoral. La députation permanente, appelée à statuer, se basa sur une déclaration de l'administration communale et rejeta l'appel. Or, l'administration communale avait fait une déclaration mensongère, cela résulte à toute évidence des certificats du receveur des contributions, certificats dont nous donnons également la copie.
« 1° Décision de la députation permanente.
« Considérant qu'il résulte de la déclaration de l'administration communale que le sieur Gantier exerce, dans la maison occupée par ses parents, et pour son compte personnelle commerce de tourteaux et de cuivre ; que de ce chef il est imposé au rôle de la patente pour une somme non déterminée au dossier, mais dont le minimum, selon le tarif légal, est de 67 francs.
« 2° Certificats du receveur des contributions.
« Exercice de 1862.
« Le receveur des contributions directes, etc., soussigné, certifie que le sieur Gantier, fils, n'est point porté au rôle du droit des patentes de l'exercice de 1862 de la ville de Courtrai.
« Courtrai, 8 août 1863.
« (Signé) E. Van Brabander. »
« Exercice de 1863.
« Le receveur des contributions directes, etc., certifie que le sieur Gantier, fils, demeurant rue de Saint Georges, n°1, en cette ville, a fait à son bureau le 8 avril 1863, une déclaration qui doit être comprise au rôle formé ou à former pour le 2ème trimestre 1863 et qui ne m'est pas encore parvenu jusqu'à ce jour.
« Courtrai, 8 août 1863.
« (Signé) E. Van Brabander. »
Voilà certainement un abus qui est de nature à se renouveler fréquemment. La députation permanente constate, sur la déclaration de l'autorité communale, que le sieur Gautier est imposé au rôle de la patente, et le receveur des contributions affirme le contraire. Ces abus seraient impossibles avec la publicité et le débat contradictoire.
Ne perdez pas de vue, messieurs, que la question intéresse un de nos droits les plus précieux. Le droit électoral est la base du gouvernement représentatif, les mesures qui tendent à assurer la sincérité des listes, à écarter les faux électeurs, doivent avoir toutes vos sympathies. Sommes-nous donc trop exigeants lorsque nous demandons, pour la protection de ce droit, les garanties que la Constitution nous accorde pour le plus petit intérêt civil ?
Avant de terminer ce discours, je désire entretenir la Chambre d'un dernier point.
La plupart des faits prévus par le projet de loi que nous discutons ont pour objet l'usurpation du droit électoral ou des atteintes portées à l'exercice de ce droit. Ce sont donc des faits qui, par leur nature, présentent les caractères d'un délit politique. Or, aux termes de l'article 98 de la Constitution, le jury est établi en toutes matières criminelles et pour délits politiques et de la presse.
Pour répondre à ce texte constitutionnel, j'ai l'honneur de vous proposer un amendement conçu en ces termes : « Les délits prévus par la présente loi seront jugés par la Cour d'assises. »
L'établissement du jury pour les délits politiques et de la presse n'a (page 1239) rencontré aucune opposition au sein du Congrès national. Il n’en a pas été de même lorsqu'il s'est agi des matières criminelles. La section centrale du Congrès proposait d’abandonner à la loi d’organisation du pouvoir judiciaire la décision de ce point ; c'est par voie d'amendement que le jury a été établi en matière criminelle. Cela prouve une fois de plus, messieurs, que pour rester fidèles à l'esprit et au texte de la Constitution, nous devons établir, en termes clairs et précis, la compétence de la cour d'assises.
Ce n'est pas tout. Vous savez, messieurs, que le tribunal peut, lorsque la publicité des audiences est dangereuse pour l'ordre ou les mœurs, déclarer le huis clos par un jugement rendu à la majorité des voix. En matière de délits politiques et de presse, le huis clos ne peut être prononcé qu'à l'unanimité (article 96 de la Constitution).
On me dira peut-être : Votre amendement n'est pas nécessaire ; la Constitution a parlé ; elle a tout réglé. Sans doute, la Constitution est formelle, mais je dis que la loi ne peut donner lieu à aucune incertitude, à aucun doute sur le tribunal compétent. Le citoyen poursuivi doit connaître son juge ; l’acquitté ne permet pas qu'on le traduise de juridiction en juridiction, ni qu'on lui occasionne des frais considérables et inutiles.
Messieurs, restons fidèles à la Constitution ; soyez persuadés que je ne poursuis qu'un seul but, celui de maintenir nos garanties constitutionnelles dans toute leur plénitude.
MpVµ. Il est parvenu au bureau les amendements suivants :
« A dater du jour où la présente loi sera obligatoire, nul ne pourra être inscrit pour la première fois sur les listes électorales s'il ne sait lire et écrire.
« Aug. Orts. »
« Amendements à l'articles 13 de la loi électorale et à l’article 17 de la loi communale.
« Art. 1er. Les audiences des députations permanentes des conseils provinciaux statuant sur les réclamations relatives aux listes électorales sont publiques.
« Les articles 88 et suivants du Code de procédure sont applicables à la tenue des audiences des députations permanentes.
« Art. 2. Il sera tenu au greffe du gouvernement provincial un registre particulier où les réclamations seront inscrites à mesure qu'elles s'effectueront.
« Ce registre contiendra le numéro d'ordre, la date de la remise au greffe, les noms des parties, le sommaire de l'affaire et la date des décisions.
« Art. 3. La députation permanente formera le rôle de chaque audience. Les parties dont les affaire, seront appelées, en seront informées, par voie administrative, deux jours au moins avant l'audience.
« Les parties pourront prendre communication au greffe de toutes les pièces relatives à l'affaire, des renseignements fournis par les autorités inférieures, ainsi que des procès-verbaux des enquêtes ou informations ordonnées par la députation permanente pour l'instruction de la réclamation.
« Art. 4. Les parties pourront présenter leurs observations, soit en personne, soit par mandataire.
« Art. 5. La décision motivée sera prononcée en audience publique.
« Art. 6. Les dispositions précédentes seront ajoutées à l'article 15 de la loi électorale et à l'article 17 de la loi communale. »
« J.-G. de Naeyer, A. Royer de Behr, C. Delcour, Alp. Nothomb, L. J. J. Landeloos. »
« Article nouveau. Les délits prévus par la présente loi seront jugés par la cour d'assises.
« C. Delcour.. »
MfFOµ. - Messieurs je n'ai pas voulu interrompre tout à l’heure l'honorable M. Delcour, pour le rappeler à la question ; j'ai, au contraire, écouté avec beaucoup d'intérêt les développements des propositions qu'il vient de soumettre à la Chambre. Mais, évidemment, ces propositions, ainsi que les autres qui ont été déposées, ne s'appliquent en aucune façon au projet de loi dont nous avons à nous occuper en ce moment ; ce ne sont pas là des amendements. (Interruption.) On ne saurait, en effet, indiquer les articles de ce projet auxquelles doivent être rattachés ces prétendus amendements. (Interruption.)
Mais, messieurs, c'est ce que les honorables membres ont dû reconnaître eux-mêmes, en annonçant leur intention de modifier certaines dispositions de la loi électorale ou de la loi communale. Ce sont des amendements qui se rapportent à chacune de ces deux lois, mais qui ne peuvent en aucune façon, je le répète, se rattacher au projet de loi dont la Chambre est saisie. (Interruption.)
Proposez à la Chambre d’amender, comme il vous convient, le projet de loi qui lui a été présenté, soit ! C'est là un droit que l'on n'entend certes pas vous contester ; votre droit d'initiative n'est nullement atteint, parce que vous n'êtes pas admis à proposer, sous prétexte d'amendements à un projet de loi dont l'objet est parfaitement déterminé, des disposions qui lui sont absolument étrangères, et qui auraient pour effet de modifier d'autres lois existantes.
Je reconnais que l'honorable M. Delcour a fait une proposition très sérieuse (interruption) en dehors de tout esprit de parti, je ne le conteste pas, et qui mérite la plus grande considération. C'est sans doute une matière très importante. Les considérations développées par l'honorable membre, pour justifier ses propositions, sont extrêmement judicieuses et dignes d'un examen attentif, je le veux bien. Ce n'est pas, cependant, que, pour ma part, je partage toutes les idées exprimées par l'honorable membre ; je crois qu'il n'a pas tenu suffisamment compte des différences considérables qu'offre notre régime politique comparé à ceux de l'Angleterre et de la France dont il a parlé. Dans ces deux pays, les citoyens ne se trouvent point placés en présence de corps électifs présentant, comme nos députations permanentes, de sérieuses garanties, précisément au point de vue électoral.
Je le répète donc, les amendements déposés sur le bureau n'ont pas de rapport avec le projet de loi dont la Chambre est saisie. Evidemment, si ces amendements sont recevables, je ne sais quel est le texte de loi qui ne puisse être remis en question, à propos des fraudes électorales. (Interruption.) Vous introduirez donc toute une réforme électorale à l'occasion de ce projet de loi...
M. Jacobsµ. - Cela a été entendu.
MfFOµ. - Par qui ?
M. Jacobsµ. - Par la Chambre.
MfFOµ. - Mais pas le moins du moule. La Chambre ne s'est nullement prononcée à cet égard, et cela par l'excellente raison qu'elle est aujourd'hui saisie pour la première fois de la question.
M. Jacobsµ. - C'est à l'occasion des observations présentées, dans une séance antérieure, par les honorables M. Orts et Van Humbeeck.
MfFOµ. - On avait demandé le dépôt de quelques pétitions sur la bureau pendant la discussion du projet de loi sur les fraudes électorales : la Chambre a consenti à ce dépôt purement et simplement, et personne n'a sans doute prévu alors l'interprétation que semble donner à ce dépôt l'honorable M. Jacobs
MpVµ. - Les pétitions sont déposées sur le bureau.
MfFOµ. - La Chambre n'a certainement pas décide par là qu'elle entendait discuter toutes les questions que l'on pourrait soulever en matière de réforme électorale.
D'ailleurs, messieurs, veuillez bien le remarquer : si les diverses propositions déposées étaient recevables à titre d'amendements au projet de loi relatif aux fraudes électorales, la Chambre n'aboutirait pas ; il ne faut pas se faire d'illusions à cet égard : nous serions perdus dans un dédale inextricable. Le projet de loi soumis aux délibérations de l'assemblée est déjà suffisamment long et il soulève des questions assez graves et assez nombreuses, pour qu'on ne le complique pas d'autres questions qui n'ont aucun rapport direct avec l'objet dont il s'occupe.
Si nous le voulons bien, nous pouvons, dans un temps relativement assez court, dans une quinzaine de jours peut-être, discuter et voter ce projet de loi, conçu dans un esprit sage, modéré, impartial et en dehors de toute considération de parti. Certes, à droite pas plus qu'à gauche, personne ici ne veut tolérer des fraudes électorales.
Les moyens proposés par le gouvernement pour les réprimer sont bons ou mauvais ; qu’on les adopte ou qu'on les rejette ; qu'on les améliore ou qu'on les complète ; nous ne demandons pas mieux ; il n'y a aucun parti pris de la part du gouvernement ni d'aucun membre de cette Chambre.
Examinons donc les propositions du gouvernement, présentez vos (page 1330) objections ; si nous les reconnaissons fondées, nous nous y rallierons volontiers ; nous sommes tout disposés à accueillir vos propositions dans ce sens, si elles nous paraissent de nature à nous faire atteindre plus sûrement le but que nous poursuivons tous.
Mais, je le dis encore, si vous vous engagez dans la discussion de toutes les réformes dont le régime électoral peut paraître susceptible, objet qui est absolument étranger au projet de loi qui vous est soumis, il est certain que vous n'aboutirez pas. La Chambre s'épuisera en vaines discussions, et l'opinion publique attendra longtemps encore la satisfaction qu'elle réclame en matière de répression des fraudes électorales.
M. Dumortier. - Messieurs, si la proposition de l'honorable M. Delcour était complètement étrangère au projet de loi en discussion, je concevrais l'opposition qu'y fait M. le ministre des finances. Mais la proposition de mon honorable ami ressort si directement du projet de loi, qu'il est impossible d'en contester l'évidence.
La base des élections, c'est la formation des listes électorales. Or, si la formation de ces listes peut être sujette à des fraudes, il est évident que la première chose qu'il convient de faire, quand on examine la question des fraudes électorales, c'est de s'occuper d'assurer la sincérité de ces listes-là. Eh bien, j'ai été, pour mon compte, extrêmement frappé du discours de mon honorable ami.
L'exposé qu'il nous a donné de ce qui se passe dans d'autres pays a quelque chose d'extrêmement saisissant, eu égard à la situation dans laquelle se trouve actuellement la Belgique.
M. le ministre des finances nous dit : Il n'y a pas en Angleterre, il n'y a pas en France de corps électif intermédiaire et par conséquent votre proposition n'est pas applicable à la Belgique.
Eh bien, je répondrai à M. le ministre des finances que c'est précisément parce qu'il existe en Belgique die corps électifs intermédiaires qui sont devenus des instruments de partis, depuis les grandes luttes de partis, qu'une mesure est nécessaire. Je ne dis pas, remarquez-le, que les jugements de ces corps soient faux ; mais comme ils sont nécessairement des corps élus par les partis, ils sont, par leur essence, des corps de parti. Eh bien, c'est ce qui ne devrait pas être. La formation des listes électorales ne devrait pas appartenir aux partis. Les élections doivent juger les partis et la formation des listes électorales devrait être faite en dehors des partis.
Qui est-ce qui forme les listes électorales ? Ce sont les autorités communales, ce sont des corps politiques.
Qui est-ce qui révise les listes électorales ? C'est le commissaire d'arrondissement, c'est-à-dire un instrument politique.
Qui juge en premier appel les listes électorales ? C'est la députation permanente, qui est un corps politique.
Eh bien, je le dis, je ne crois pas qu'il soit possible d'opposer à l'examen de questions de cette importance la question préalable. Car la question préalable opposée à l'examen d'une telle question, revient à ceci : c'est à vinculer l'initiative du parlement ; c'est dire au parlement : J'ai fait mon siège, vous l'accepterez ou vous le rejetterez, mais vous n'en sortirez pas. Ce serait vinculer le parlement dans un cercle de fer que le ministère aurait tracé et la dignité du parlement ne permet pas d'accepter pareil système. Car ce serait l'abdication de notre prérogative.
Je le répète, s'il s'agissait ici d'amendements complètement étrangers à l'objet dont il s'agit, c'est-à-dire à une loi qui concerne la sincérité des votes et de la formation des listes électorales, je concevrais la proposition de M. le ministre des finances ; mais quand, à l'article premier, vous commencez par vous occuper de la formation des listes électorales et que vous établissez un code pénal sur la formation de ces listes, ne pas vouloir s'occuper des corps qui doivent les juger, je dis que c'est un déni de justice et qu'alors ce n'est plus la Chambre qui vote les lois, c'est le ministère qui les fait et les sollicite de ses instruments.
MfFOµ. Je ne saurais trop protester contre les paroles de l'honorable préopinant.
Il ne s'agit pas de porter atteinte à la prérogative de la Chambre. Est-il interdit à la Chambre d'examiner les propositions de l'honorable M. Delcour, ou toute autre proposition que l'on trouverait bon de faire ? Pas le moins du monde. Nous sommes d'accord que l'on peut les examiner et les discuter toutes. Seulement, elles doivent venir en temps opportun, et être présentées suivant les règles tracées à cet effet par le règlement Or, les propositions que l'honorable M. Lelièvre et l'honorable M. Delcour ont développées, ne sont pas des amendements au projet de loi ; il est absolument impossible de les rattacher à aucun article de ce projet. Il y a donc lieu de les présenter spécialement sous forme de propositions de loi.
M. Dumortier. - Pas du tout.
MfFOµ. - Dans ce cas, dites-moi à quelle disposition du projet l'on peut rattacher la proposition de l'honorable M. Lelièvre, qui demande que l'on compte ou que l'on ne compte pas, dans certains cas, les centimes additionnels pour établir le cens électoral ? Qu'est-ce que cela a de commun avec le projet de loi ?
M. Nothomb. - Et la proposition de l'honorable M. Orts.
MfFOµ. - Nous écartons toutes les propositions qui ne se rattachent pas à une disposition du projet de loi.
Je n'ai pas entendu les développements de la proposition de l'honorable M. Orts ; je n'en ai entendu qu'une simple lecture. Mais j'ai entendu les développements des propositions de l'honorable M. Lelièvre et de l'honorable M. Delcour, et quant à celles-ci, il est manifeste qu'on ne peut les rattacher à un seul article de la loi.
L'honorable M. Delcour le dit d'ailleurs lui-même formellement, puisqu'il demande la modification de la loi électorale et de la loi communale.
M. Dumortier. - Le projet de loi consiste en modifications de lois existantes.
MfFOµ. - C'est une erreur ; on ne modifie aucune disposition de loi en vigueur. Mais en fût-il autrement, il n'en résulterait pas que l'on pût introduire à cette occasion des modifications à toute espèce d'autres lois existantes.
Nous ne faisons, messieurs, ces observations que dans l'intérêt des travaux de la Chambre. Il s'agit de savoir si l'on veut une loi répressive des fraudes électorales. Il est évident que si l'on veut la faire sincèrement et sérieusement, il est impossible de procéder comme on le propose ; on n'en finirait pas : autant de membres, autant de propositions pourront être faites.
M. Delcourµ. - On votera sur les diverses propositions.
MfFOµ. - Mais la discussion ne sera terminée ni en un mois ni en deux.
M. Thonissenµ. - L'amendement concernant la compétence est en rapport direct avec l'article 32 de la loi.
MfFOµ. - C'est une erreur.
M. Thonissenµ. - M. le ministre veut-il me permettre une observation ?
MfFOµ. - Volontiers.
M. Thonissenµ. - Voici mon observation : le projet de loi en discussion crée 35 délits, je les ai bien comptés. L'article 32 parle de la poursuite de ces infractions. L'honorable M. Delcour indique le tribunal qui, à son avis, est seul compétent pour les juger. Evidemment tout cela est connexe.
MfFOµ. - C'est une autre question : vous entendez bien à quoi je réponds. Il s'agît de la formation des listes, et il s'agit de savoir si l'appel en cette matière sera porté devant les tribunaux, ou s'il sera porté devant la députation permanente ; si l'on admettra certaines formalités juridiques, c'est-à dire les plaidoiries et la publicité des débats. Cela mérite un examen, je le veux bien, mais cela ne se rattache pas au projet de loi.
Un amendement qui modifie une disposition de la loi est incontestablement recevable ; mais je repousse les prétendus amendements qui ne modifient rien dans ce projet, et qui modifient au contraire des lois existantes, de la révision desquelles la Chambre n'est pas actuellement saisie. Je demande quel article vienne modifier les amendements ?
M. Nothomb. - Ils tiennent à l'essence de la loi.
M. Dumortier. - Ils se rattachent à l'article où l'on parle de la formation des listes électorales.
MfFOµ. - Vous prétendez donc qu'à propos d'une loi sur les fraudes électorales, on peut examiner tous les systèmes de réforme électorale ; que l'on peut examiner non seulement tous les systèmes, mais aussi la question de juridiction, la question de compétence dans la formation des listes, le jugement des réclamations, et tout ce qui se rattache de près ou de loin à la question électorale ?
Eh bien, messieurs, autant vaut dire que l'on ne veut pas examiner la loi qui nous est soumise.
Si c'est, sous une autre forme, la reproduction de la motion d'ajournement qui a été déjà écartée deux fois par la Chambre, je le comprends ; mais si l'on agit sérieusement en vue d'améliorer la loi, de concourir efficacement à l'exécution d'une loi réprimant les fraudes électorales, il (page 1331) faut le reconnaître, les propositions présentées comme amendements sont complètement inadmissibles.
MpVµ. - Je dois déclarer sur la position de la question et en fait que jusqu'à présent les auteurs des propositions ne les ont rattachées à aucun article du projet.
M. de Theuxµ. - Je pense que la théorie que M. le ministre des finances vient d'exposer est contraire aux précédents que la Chambre à invariablement suivis, que c'est une théorie tout à fait nouvelle.
Comment ! le gouvernement proposera d'amender telle ou telle disposition d'une loi ; et puis quand un membre propose de compléter les améliorations auxquelles tend le projet, on lui fermera la bouche par la question préalable.
MfFOµ. - Pas du tout. Il s'agit de propositions qui n'ont rien de commun avec le projet.
M. de Theuxµ. - Les amendements proposés ont un rapport indirect avec la loi, et je dirai même qu'ils ont un rapport direct et immédiat avec l'ensemble des dispositions du projet.
De quoi s'agit-il principalement dans le projet de loi ? Il s'agit principalement d'empêcher les fraudes électorales. Eh bien, sur ce point nous avons certainement intérêt à ce que les fraudes soient empêchées, car elles ne nous profitent en aucune manière. Ce n'est pas nous qui formerons opposition aux améliorations vraies quand elles seront justifiées.
Mais que nous propose l'honorable M. Delcour ? II y a d'antres fraudes que celles que vous avez signalées : n'est-ce pas une fraude que l'on commet en rendant un jugement mal motivé, non justifié ? Quand nous demandons la publicité pour empêcher cette fraude, nous proposons un complément au projet du gouvernement.
Je ne conçois réellement pas comment M. le ministre des finances veut s'opposer à l'examen des propositions faites par l'honorable. M. Delcour. Véritablement je suis de jour en jour plus étonné de voir le gouvernement s'attribuer le droit de modifier toutes nos lois et nous opposer la question préalable dès que nous voulons toucher à une autre disposition que celles qu'il a indiquées. C'est ressusciter d'une manière indirecte le système général du gouvernement des Pays-Bas, au moins dans la base principale.
M. Orts. - Messieurs, j'ai demandé la parole lorsque l'honorable ministre des finances a paru tout à la fois désirer que j'expose les motifs de ma proposition et vouloir englober cette proposition dans un autodafé général, qui peut avoir sa justification vis-à-vis de certaines propositions faites ou à faire, mais qui, selon moi, ne peut en aucun cas toucher à ma proposition. Je ne veux pas juger maintenant du plus ou moins de connexité des propositions faites par d'autres membres ; je crois qu'au point de vue où s'est placé M. le ministre des finances, un triage même est à faire.
Mais, si quelques-unes doivent être écartées, jusqu'à présent je ne vois pas de raison qui puisse amener la Chambre à prononcer la question préalable sur ce que j'ai proposé.
Ceci posé, la justification de mon article est bien simple ; je la puise, au fond, précisément dans une disposition du projet de loi, et cette disposition sert de trait d'union entre la loi proposée et mon article. Dans la pensée du gouvernement qui a présenté la loi et dans la pensée de la section centrale qui en propose l'adoption, nous poursuivons un double but : assurer la sincérité du voie par des garanties nouvelles données à l'indépendance des électeurs, d'une part, et d'autre part, écarter la corruption.
Dans le premier ordre d'idées, pour garantir à l'électeur toute son indépendance, toute sa liberté d'action, le gouvernement et la section centrale ont inventé, - ceci rentre un peu dans les idées pratiques et industrielles de l'époque, - le gouvernement et la section centrale ont inventé une machine, un mécanique. Ils proposent un couloir mystérieux dans lequel passera l'électeur, afin qu'il puisse, pendant ce moment où il est soustrait à tous les yeux, changer le bulletin qu'on lui aurait imposé, contre un bulletin qui sera l'expression de son opinion personnelle, libre, exempte de toute espèce de pression.
On y place du papier ; sans doute pour qu'il écrive un bulletin nouveau.
Eh bien, je vous demande, et c'est là la justification de ma proposition sous le double rapport du fond et de la connexité, je vous demande : Que voulez-vous que fasse dans ce couloir un électeur qui ne sait ni lire ni écrire ?
M. Thonissenµ. - Il peut avoir d'autres bulletins.
M. Orts. - Soit, mais s'il ne sait ni lire ni écrire, comment distinguera-t-il le bulletin qu'il préfère. (Interruption.)
Je trouve les rires peu convaincants. Si je remets (et je prends cet exemple sans vouloir blesser personne), si je remets à un aveugle deux bulletins, comment les distinguera-t il ? Eh bien, l'homme qui ne sait ni lire ni écrire, placé devant des bulletins écrits, se trouve dans la même position qu'un aveugle. (Interruption.)
Quand un aveugle sait lire, c'est à la condition de suppléer la vue par le toucher et d'avoir sous la main précisément ce que vous excluez, les bulletins imprimés.
- Un membre. - M. Rodenbach !
M. Orts. - L'honorable M. Rodenbach sait, lui, parfaitement écrire et n'a pas toujours été atteint de l'infirmité qui le frappe. J'ai eu l'honneur de recevoir de l'écriture de M. Rodenbach. Il peut incontestablement tracer un nom. Ne raisonnons pas lorsque nous faisons des lois, ne raisonnons pas de l'exception et de l’exception propre à une intelligence d'un ordre aussi élevé que M. Rodenbach. Nous faisons une loi pour la généralité et pour les classes peu lettrées de la société, qui se trouvent appelées à participer par l'élection au maniement des affaires du pays.
Messieurs, je persiste à le dire. Je ne comprends pas ce que nous veut votre mécanique destinée à protéger l'indépendance de l'électeur, si vous admettez à circuler derrière vos coulisses ou votre fond de théâtre, des gens qui ne savent ni lire, ni écrire. Qu'y feront-ils ?
Maintenant, je puis me tromper. Il paraît même que je me trompe, puisque la droite et la gauche semblent, par un accord aussi touchant que rare, également peu favorables à ma proposition, mais mon erreur ne prouverait pas que cette proposition ne se rattache pas au projet de loi, cela prouverait tout au plus qu'elle n'est pas digne d'y entrer.
Un seul mot sur le fond. Je ne comprendrais jamais le rejet de ma proposition par une chambre belge qui, à l'unanimité, sans aucune espèce de contradiction, a déclaré en 1859 que tous les ouvriers, pour pouvoir élire leurs prud'hommes, des juges de famille, des conciliateurs, d'intérêts privés, devraient savoir lire et écrire.
De pauvres ouvriers, messieurs, non pas des censitaires qui ont, eux, de l'argent pour instruire puisqu'ils payent l'impôt et achètent par l'impôt le droit de se mêler aux affaires du pays. (Interruption.) La Chambre a voté à l'unanimité, en 1857, sur la proposition du gouvernement, dont M. le ministre des finances, qui m'interrompt, faisait partie. La Chambre a voté et le Sénat, après elle, une disposition excluant du droit électoral spécial des ouvriers, faute de savoir lire et écrire, des hommes qui ne vivent, comme diraient leurs pères, que du salaire donné par le travail de chaque jour ; que le besoin de salaire excuse de n'avoir pas fréquenté l'école.
Et cette même Chambre et ce même gouvernement combattraient en 1865, l'exclusion du droit électoral frappant pour l'avenir des censitaires, comme si depuis la publication de la loi de 1842, depuis vingt-trois ans, les gens aisés n'avaient pas incontestablement possédé soit par eux-mêmes, soit par leurs parents, les moyens de s'instruire pour leur argent. Ce moyen, messieurs, les ouvriers de 1859 ne l'avaient pas, ceux-là pouvaient vous répondre alors ce que les censitaires n'ont pas le droit de dire aujourd'hui : « Avant d'exclure les illettrés du suffrage, donnez-nous l'enseignement universel gratuit. Nous sommes trop pauvres pour payer l’instruction. »
MfFOµ. - Messieurs, l'honorable comte de Theux a dit tout à l’heure que les observations que faisait le gouvernement avaient, à ses yeux, un caractère fort étrange ; que jamais, dans cette Chambre, on n'avait refusé d'examiner les propositions faites à propos d'un projet de loi ; que nous voulions confisquer le droit d'amendement ; que désormais il faudrait s'en tenir exclusivement aux propositions du gouvernement, et que le droit d'initiative de la Chambre se trouverait ainsi complètement paralysé.
Je m'étonne beaucoup qu'un homme aussi grave que l'honorable comte de Theux tienne un pareil langage. Comment peut-il croire que les objections que je viens de soumettre à la Chambre pour l'engager à ne pas s'occuper actuellement des propositions déposées, auront aucune des conséquences qu'il redoute ? En vérité, messieurs, cela n'est pas sérieux.
Ce qui serait regrettable, ce serait de voir la Chambre admettre le système préconisé par l'honorable membre, et qui n'a jamais été pratiqué ; à aucune époque, on ne s'est avisé d'introduire, comme de prétendus amendements à un projet de loi présenté à la Chambre, tonte espèce de propositions, quelles qu'elles fussent, et se rapportant à des lois qui n'étaient pas en discussion. Il est sans exemple qu'une pareille manière d'agir ait été sanctionnée par l'assemblée, tandis que l'on (page 1332) pourrait citer, au contraire, beaucoup d'exemples de propositions repoussées, parce qu'elles ne constituaient pas en réalité des amendements. Je pourrais, pour ma part, en indiquer un grand nombre.
Au surplus, messieurs, en quoi le droit de la Chambre est-il paralysé ? Quelle atteinte portons-nous au droit d'initiative de chacun de ses membres ? On propose des modifications à la loi électorale, à la loi provinciale et à la loi communale. Eh bien, que les honorables membres qui croient ces modifications utiles, en fassent l'objet de propositions spéciales, en vertu de leur droit d'initiative. Qu'ils exercent ce droit comme l'a exercé tantôt l’honorable M. Lelièvre, en présentant les développements d'une proposition de loi qu'il a formulée. La Chambre n'a pas refusé d'examiner cette proposition, et elle en a voté la prise en considération sans aucune difficulté.
Je dis donc aux auteurs des propositions étrangères à la loi : usez de votre droit d'initiative, nous sommes prêts à examiner vos propositions avec bienveillance, mais en même temps opportun.
Et ceci, messieurs, je le dis pour la proposition de l'honorable M. Orts comme pour les autres. Avant de faire cette déclaration, je devais naturellement attendre que l'honorable membre eût parlé, parce que, connaissant son esprit ingénieux, j'étais curieux de savoir à quelle disposition de la loi il rattacherait sa proposition. L'honorable membre vient de parler, et il ne rattache sa proposition à aucune disposition du projet de loi, si ce n'est à l'article relatif au couloir. (Interruption.) Cela ne manque pas d'une certaine subtilité.
En effet, puisque l'on a établi un couloir, l'honorable membre pense qu'il doit avoir une destination et il suppose qu'on ne peut y faire qu'une seule chose : y lire les bulletins pour reconnaître celui que l'on doit déposer dans l'urne. C'est ainsi, dit l'honorable membre, que l'électeur pourra recouvrer sa liberté. Mais, comme conséquence, ajoute-t-il, il ne faut admettre au scrutin que ceux qui seront en état de faire du couloir l'usage auquel il est destiné.
Messieurs, je ne pense pas qu'il faille nécessairement savoir lire pour cela, et je dis que si la proposition de l'honorable M. Orts était admise, il faudrait la compléter, en décidant l'élimination des listes électorales de tous ceux qui ne savent pas lire aujourd'hui.
M. Orts. -Il y a droit acquis.
MfFOµ. - Il n'y a pas de droit acquis.
M. Orts. - J'avoue volontiers que je ne suis pas logique.
MfFOµ. - Je dis donc qu'il faudrait rayer tous ceux qui ne savent pas lire. Tel n'est pas assurément le but de votre proposition.
Il n'est pas d'ailleurs besoin de savoir lire pour être à même de distinguer le bulletin que l'on veut déposer de celui qui aurait été imposé.
Quoi qu'il en soit, messieurs, la proposition de l'honorable M. Orts ne se rattache pas au projet de loi. Je ne la combats pas au fond, et je crois qu'elle mérite un sérieux examen. Mais si nous l'admettions actuellement comme se rattachant su projet en discussion, il faudrait, pour être logique et de bonne foi, admettre aussi les autres propositions, et se résigner ainsi à discuter à l'improviste toutes les idées émises et à émettre en matière de réforme électorale.
MpVµ. - Aucune proposition n'étant faite, les amendements seront imprimés et distribués.
- La séance est levée à 5 heures.