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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 14 juin 1865

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1864-1865)

(Présidence de M. E. Vandenpeereboom.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1165) M. de Florisone, secrétaire, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. de Moor, secrétaireµ, fait lecture du procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Florisone, secrétaire, présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Les membres des administrations communales d'Agimont, Heer, Vodelée, Gochenée, demandent une modification à l'article 4 de la loi sur la chasse. »

M. Lelièvre. - La pétition étant relative à la loi de 1846, je demande qu'elle soit renvoyée à la commission, avec prière de faire un prompt rapport. La réforme de la loi dont il s'agit me semble urgente.

- Cette proposition est adoptée.


« La veuve Brabant réclame contre l'incorporation de son fils Léopold dans l'armée. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal de La Bouverie prie la Chambre d'accorder au sieur Dincq la concession d'un chemin de fer de Jemmapes à Ath. »

- Même renvoi.

Projet de loi modifiant l’article 132 de la loi du 30 avril 1836

Rejet du projet par le sénat

« Par message du 10 juin, le Sénat informe la Chambre qu'il a rejeté le projet de loi qui apporte une modification à l'article 132 de la loi du 30 avril 1836. »

- Pris pour notification.

Pièces adressées à la chambre

« Par dépêche du 10 juin, M. le ministre de l'intérieur adresse à la Chambre un exemplaire du compte rendu des séances de l'assemblée des Etats du grand-duché de Luxembourg pendant les sessions ordinaire et extraordinaire de 1861 et la session extraordinaire du mois de mars 1865. »

- Dépôt à la bibliothèque.


« M. Nothomb, retenu chez lui par une indisposition, demande un congé. »

- Accordé.


« M. Thibaut, obligé de s'absenter pour affaires urgentes, demande un congé de deux jours. »

- Accordé.


MpVµ. - Le bureau a composé la commission spéciale chargée d'examiner le projetée loi relatif au personnel du tribunal de Tournay de MM. Crombez, Bara, Jouret (Martin), Tack et Moncheur.

Motion d’ordre

M. Debaets. - Messieurs, j'ai eu l'honneur de présenter conjointement avec quelques honorables collègues un projet de loi sur les délits de presse.

Ce projet de loi, après avoir été examiné en section centrale, doit avoir été en section centrale depuis quelque temps.

Je désire savoir quand la section centrale pourra déposer son rapport sur ce projet.

M. Moreau. - En réponse à la demande de l'honorable M. Debaets, je dirai à la Chambre que la section centrale s'est réunie, qu'elle a dépouillé les procès-verbaux des sections et qu'elle a demandé des renseignements à M. le ministre de la justice. J'ai reçu une partie de ces renseignements, mais le restant ne m'est pas encore parvenu, M. le ministre a dû les réclamer des magistrats résidant en province ; aussitôt que j'aurai reçu ces pièces, je réunirai la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.

M. Coomans. - Je prierai M. le ministre de la justice de hâter le travail qu'il doit fournir à la section centrale, et en même temps j'engagerai fortement la section centrale à activer le sien, afin que nous arrivions le plus tôt possible à un résultat sérieux, conforme à nos intentions.

Projet de loi relatif à l’exécution de certains travaux d’utilité publique

Discussion des articles

Article premier, paragraphes 12 et 13

MpVµ. - Nous sommes arrivés au paragraphe 12.

« § 12. Agrandissement du bassin d'échouage des bateaux pêcheurs à Ostende : fr. 550,000. »

- Adopté.


« § 13. Amélioration du port de Nieuport : fr. 1,000,000. »

- Adopté.

Article premier, paragraphe 14

« B. Routes. § 14. Routes affluentes au chemin de fer de l'Etat et aux chemins de fer concédés. Construction de routes dans le Luxembourg : fr. 2,000,000. »

M. de Macarµ. - Messieurs, si je n'ai pas pris la parole dans la discussion générale de la loi qui nous occupe, ce n'est pas que l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter plus spécialement dans cette enceinte n'ait aussi des besoins sérieux à faire valoir. Je pouvais, à l'exemple de beaucoup de mes honorables collègues, réclamer l'exécution de divers travaux. Je l'aurais pu d'autant mieux que l'arrondissement de Huy a été quelque peu oublié dans le projet qui nous est soumis.

Mon silence est motivé par deux considérations : la première, c'est que la plupart des travaux que mon arrondissement réclame pourront s'exécuter, soit au moyen des crédits ordinaires, soit au moyen des crédits spéciaux alloués par la présente loi ; la seconde, c'est que je comprends combien il est difficile à M. le ministre des travaux publics de ^sexpliquer sur une demande spéciale avant d'avoir un travail d'ensemble qui lui permette de savoir quelles sont les réclamations les plus justes et les plus urgentes.

Du reste, j'ai déjà entretenu la Chambre, à diverses reprises, de quelques-uns de ces travaux, et récemment encore d'une route de Hody à Hamoir et Verlaine ; j'ai eu occasion, pour plusieurs, de recourir à la bienveillante sollicitude de M. le ministre des travaux publics ; je l'ai rencontrée quelquefois.

J'espère que ma réserve, dans cette circonstance, ne sera pas de nature à me la faire perdre ; je compte, dans un délai prochain, faire uu nouvel appel à sa bienveillance ét à l'appui sympathique de la Chambre pour l'exécution d'un grand travail qui intéresse tout le pays.

Il s'agit d'un chemin de fer qui doit relier la capitale à l'Allemagne centrale en passant par Huy.

Ce qui m'a décidé à demander la parole, c'est la part bien insuffisante, selon moi, qui est faite à l'agriculture dans les crédits sollicités.

Je ne veux pas poser des chiffres pour démontrer qua cette fois encore les villes sont favorisées dans la distribution des bienfaits que nous allons faire.

Cependant qu'il me soit permis de faire remarquer que les deux millions portés pour la construction des routes, les deux millions destinés à la voirie vicinale et à l'hygiène, que les cinq millions portés pour construction d'écoles, dont une part plus large sera accordée, je l'espère, aux campagnes qu'aux villes, sont loin de compenser les avantages accordés à celles-ci.

Je ne veux pas provoquer de discussions irritantes à ce sujet ; malheureusement je suis trop convaincu qu'elles seraient stériles pour les intérêts que je veux défendre.

Eu ce qui concerne les deux millions du paragraphe 14, je dois motiver les (page 1166) craintes sérieuses que j'éprouve de voir bien des routes utiles dans un déli rapproché.

Le Luxembourg va recevoir sur ce chapitre un million. Le Limbourg à l’assurance des sympathies particulières de M. le ministre des travaux publics.

Ces sympathies se traduiront naturellement par un chiffre plus ou moins élevé qui sera soustrait encore à la somme totale réservée au pays.

En présence des besoins sérieux qui se manifestent partout, pourra-t-on avec l'excédant disponible, après ces deux prélèvements faire quelque chose de plus que ce qui sera strictement indispensable ? Il m'est permis d'en douter.

Eh bien, je n'hésite pas à le dire, lorsqu'on se montre munificent pour les grands centres de population, on ne devrait pas se borner à ne faire que le strict nécessaire pour les campagnes.

Au point de vue spécial de l'arrondissement de Huy, que va-t-il arriver ? Cet arrondissement longe la province de Luxembourg sur un assez long parcours.

Il est très présumable que les besoins de pays aussi limitrophes doivent être identiques.

Cependant par suite de la part considérable accordée au Luxembourg, les populations de cette province pourront voir leurs routes s'exécuter à très bref délai et que les populations d'un arrondissement voisin qui se trouve dans les mêmes conditions devront se bercer d'espérances, peut-être d'illusions.

Serait-ce donc que le Luxembourg n'a pas eu sa large part dans les largesses du trésor ? M, le ministre des travaux publics a parfaitement démontré le contraire dans la réponse qu'il a faite à l'interpellation qui lui a été adressée à ce sujet par l'honorable M. Van Hoorde. La Chambre tout entière a pu se convaincre que le Luxembourg ne devait pas se plaindre de la position qui lui est faite.

Serait-ce parce que l'arrondissement de Hny paye infiniment plus que les arrondissements du Luxembourg ? Certes, messieurs, je ne suis pas de ceux qui voudraient voir s'établir par doit et avoir le budget de chaque arrondissement.

Le pays est un tout indivisible, et c'est d'après les besoins sérieux qui se produisent que doivent se décider les travaux d'utilité publique qu'il y a lieu d'exécuter ; mais, je le demande, quand ces besoins sont aussi sérieux dans la province de Liège que dans le Luxembourg, faut-il faire une position privilégiée à ceux qui contribuent le moins aux recettes du trésor ? Je ne pense pas non plus qu'on puisse arguer que des travaux exécutés dans les villes sont assez utiles aux campagnes pour satisfaire à leurs légitimes doléances.

Je suis persuadé d'une chose, c'est que tous les grands travaux profitent au pays tout entier, que ce qu'on fait à Bruxelles est utile à toute la province, que ce qu'on fait dans les villes profite aux campagnes, mais tous les travaux d'utilité publique ont en outre un caractère d'utilité spéciale à quelque localité ; dans ce cas rarement, je le déclare, la balance penche en faveur des campagnes.

- Une voix. - Il n'y a pas de villes dans le Luxembourg.

M. de Moorµ. - Il n'y a pas du moins de grands centres de population.

M. de Macarµ. - Je ne parle plus du Luxembourg. Avant de terminer, je crois inutile de déclarer que je ne suspecte nullement les sentiments d'équité et d’impartialité du gouvernement. Je ne suis pas d'accord avec lui ; je crois qu'il fait trop pour les uns et pas assez pour les autres, c'est une question d’application des besoins qui se sont manifestés.

C'est même sur ces sentiments d'équité et d'impartialité que je me plais à lui reconnaître, que je m'appuie pour demander une chose que l'avenir ne me refusera pas, je J'espère. Je me borne à émettre le vœu que le gouvernement n'hésite pas à demander dans un bref délai de nouveaux crédits à la législature pour construction de routes et tous autres travaux destinés à favoriser l'agriculture si, comme je le présume, il reconnaît que les crédits sollicites aujourd'hui sont insuffisants pour répondre à tous les besoins sérieux. Ce faisant, je ne demande que la stricte et rigoureuse justice ; je ne réclame rien de plus pour mon arrondissement que pour les autres. Mais je serai certain qu'il sera fait droit à ses justes réclamations.

M. Orban. - Je n'avais pas l'intention d'intervenir dans la discussion ; mais comme on vient encore de soulever la question du Luxembourg et de parler des avantages qu’il a eus, je crois devoir répondre par quelques observations.

Lorsqu'on veut faire le bilan de ce qu'une province a reçu depuis 1830, il faut considérer l'état dans lequel elle se trouvait alors.

Voyons donc ce que le Luxembourg possédait de routes à la révolution. On a cité divers chiffres, mais on ne les a pas mis en regard de la superficie de la province.

Il a été dit que le Luxembourg avait 42 lieues de routes avant 1830, ce qui est parfaitement exact ; mais il y a dans le Luxembourg une superficie de 440,000 hectares, ce qui fait une lieue de route pour 10,500 hectares.

Or, dans le Limbourg il y avait une lieue de route pour 8,000 hectares et dans les provinces les plus favorisées une lieue de route pour 2,780 hectares.

Si donc l'on a fait beaucoup de routes dans le Luxembourg depuis lors, c'est qu'il en existait très peu, et si l'on n'en a pas fait autant dans les autres provinces, c'est qu'elles en étaient sillonnées dans tous les sens et ce sont précisément celles dans lesquelles il a été fait aussi le plus de chemins de fer et le plus de canaux.

Il y a un document intéressant qui indique quel était l'état des routes dans le Luxembourg en 1830. A cette époque il était question de construire le canal de Meuse et Moselle ; un ingénieur de grand mérite, le colonel de Puydt, fut chargé de ce travail ; il parcourut tout le pays et en 1831 il fit un mémoire sur l'état de la voirie. Voici ce que j’extrais de ce mémoire :

« La province de Luxembourg est traversée du nord au midi par une seule grande route. Hors cette route principale et l'embranchement vers Neufchâteau, le reste de la province ne compte plus que des chemins secondaires, dirigés sans doute, dès l'origine, pour les transports à dos, d'un point à un autre et sans aucune intention de favoriser te pays. Les coteaux les plus escarpes sont franchis par les lignes les plus courtes, les rivières traversées aux points les plus resserrés des vallons ; ces chemins, viables pendant une partie de l'année, sont impraticables en hiver, à cause des neiges, des glaces et des bouleversements qu'y occasionnent les eaux. Les transports se font sur de frêles voitures, attelées de deux à trois chevaux, avec un chargement de 1,200 à 1,500 kilogrammes. »

Je demande s'il est étonnant, après cela, qu'on ait fait beaucoup de routes dans le Luxembourg pour tâcher de mettre cette province au niveau des autres. Je dois faire aussi remarquer qu'une lieue de route n'y coûte que 60,000 fr., tandis que dans le reste du pays elle coûte 130,000 140,000 et jusqu'à 150,000 fr., en sorte que pour la même somme on construit dans le Luxembourg le double de ce qu'on construit dans les autres provinces. Une grande objection a été souvent faite : c'est que le Luxembourg a eu 2 millions pour ses routes et qu'il a eu depuis un chemin de fer.

La loi de 1837 avait stipulé que les chefs-lieux de toutes les provinces seraient reliés au réseau par une ligne de chemin de fer ; en 1842, tous les chefs-lieux de provinces étant réunis aux chemins de fer de l’Etat, on s'est hâté un peu trop tôt, la suite l'a bien prouvé, de déclarer qu'il n'y avait pas moyen de construire des chemins de fer dans le Luxembourg.

C'est alors qu'on a voté ce crédit de 2 millions pour des routes, qui ont été exécutées en 1842, 1843, 1845 et même en 1846.

Or, nous avons eu seulement notre chemin de fer en 1853, et il suffit de voir ce que la province a gagné depuis son ouverture, pour être convaincu que si on ne lui avait pas donné ces 2 millions et qu'elle eût eu son chemin de fer seize ans plus tôt, soit en même temps que les autres provinces, il y aurait actuellement dans le Luxembourg un bien-être plus considérable, une richesse bien plus grande.

Toutes ces routes ont été tracées, d'ailleurs, dans l'hypothèse qu'on ne ferait pas de chemin de fer : elle devait en tenir lieu ; le chemin de fer étant fait, que demande-t-on ? Ces routes étant parallèles au chemin de fer, on demande qu'il soit fait des embranchements qui les unissent au chemin de fer.

C'est pour cela que M. le ministre des travaux publics a proposé un crédit de 2 millions dont la plus grande partie doit être dépensée dans le Luxembourg.

L'honorable M. de Macar a dit que la province de Liège n'était pas assez bien traitée...

M. de Macarµ. - J'ai exprimé le désir qu'il y en eût assez pour tout le monde.

M. Orban. - Il y en aura probablement assez pour tout le monde, du moins pour tous les besoins sérieux.

M. Coomans. - Je ne me suis jamais livré à des comparaisons jalouses, et bien que la province d'Anvers n'ait guère été avantagée, je n'ai pas trouvé mauvais que les fonds nationaux fussent appliqués aux travaux utiles, d'une utilité bien reconnue dans n'importe quelle partie du (page 1167) royaume. Il me semble que l'intervention financière du gouvernement se justifie surtout par la nécessité, par l'utilité des travaux à exécuter. Il n'y a pas là à établir des comptes par sous et deniers, il n'y a pas même à rechercher des compensations du chef des recettes versées au trésor public ; je crois que le gouvernement doit chercher à réaliser les projets les plus utiles, dussent-ils être exécutés drus les localités les plus pauvres.

l'ai toujours soutenu qu'il était vraiment injuste, impolitique et anti-économique d'exiger une même part contributive des communes et des provinces pour la construction de certaines routes, car, messieurs, il est clair que si l'on appliquait sévèrement ce principe trop respecté par lois les ministères qui se sont succédé en Belgique, les communes pauvres resteraient continuellement dépourvues de routes ?

Quelle sera la part de l'agriculture dans les 85 millions que nous allons voter ?

La part de l'agriculture proprement dite sera presque nulle ; ce sont surtout des travaux à exécuter dans les grands centres de population. J'aurais voulu voir augmenter le chiffre qui nous occupe en ce moment surtout après la déclaration de l'honorable ministre, qui nous a fait savoir que la meilleure part, qu'une bonne moitié de ce subside sera employée dans le Luxembourg ; le reste sera difficile à partager entre les huit autres provinces, et je crains fort que la province d'Anvers et surtout l'arrondissement que je représente ne figurent que nominalement au partage après l'ajournement du crédit relatif à la Nèthe, ajournement qui, je l'espère, ne sera pas indéfini.

Je crois donc être autorisé à recommander très instamment à l'honorable ministre la partie méridionale de la Campine dans le partage du crédit de 2 millions. Les intérêts, je puis dire les droits de cette partie de l'arrondissement de Turnhout ont toujours été méconnus.

A ce propos, je prierai M. le ministre de me dire si, comme j'aime à le penser, il entre dans son intention de ne pas établir de différence, pour la construction des routes, entre les chemins de fer de l'Etat et les chemins de fer particuliers...

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Il n'y aura pas de différence.

M. Coomans. - Il n'y aura pas de différence ; je vous en félicite. Je n'ai pas besoin, après cela, de m'expliquer plus longuement. Je dirai seulement que tous les avantages recueillis par les chemins de fer concédés profitent également au chemin de fer de l'Etat, et qu'ils procurent un supplément de recette très considérable à la caisse du gouvernement.

Il y a, tout le long du chemin de fer de la Campine, plusieurs bonnes routes à construire encore. On facilitera ainsi l'accès du chemin de fer à des populations qui ont plus que toutes autres besoin de se créer des ressources nouvelles par un contact aisé et régulier avec les grands centres de consommation.

Au sujet du chemin de fer de la Campine, je ne dirai qu'un mot, pour répondre à une assertion qui a été avancée ; c'est qu'il est très inexact de prétendre que ce chemin de fer est une affaire onéreuse pour l'Etat ; il est bien vrai que l'Etat doit payer encore la plus forte partie de l'intérêt garanti. Mais on oublie que ce chemin de fer a fourni un contingent supplémentaire de recettes très considérable au trésor public, qu'il a augmenté les valeurs immobilières dans les localités qu'il dessert ; je suis persuadé que s'il était possible de faire un compte exact, en trouverait quel trésor public n'est pas en déficit.

Je bornerai là pour le moment mes objections.

M. Debaets. - Messieurs, j'ai demandé la parole uniquement pour compléter une observation que j'ai eu l'honneur de présenter dans la discussion générale. A propos du crédit demandé notamment pour construction de routes affluentes au chemin de fer de l'Eut et aux chemins de fer concédés, j'avais signalé quelques communes de l'arrondissement de Gand qui me semblaient mériter tout spécialement l'attention de M. le ministre des travaux publics. J'ai fait une omission et je viens la réparer.

Les communes de Saint-Denis, d'Afsné et de Laethem sont à trois quarts de lieue de la station de la Pinte ; en les y reliant par une chaussée, on les mettrait en communication directe avec le chemin de fer vers Gand, vers Audenarde et Saint-Ghislain et vers Courtrai.

Je me borne à cette observation ; M. le ministre des travaux publics, connaissant parfaitement les localités, y aura certainement égard.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Messieurs, je continuerai à ne pas m'occuper d'une manière spéciale des points de détail qui ont été soulevés, notamment en ce qui concerne les routes ; les honorables membres qui viennent de prendre la parole, sont convenus que je ne pourrais me prononcer qu'après une instruction qui n'en pas achevée.

Mais, parmi les observations qui ont été présentées, il en est une que je veux relever, parce qu'elle a un caractère grave : c'est l’accusation dirigée contre le gouvernement, d'abord par l'honorable M. de Macar, ensuite par l'honorable M. Coomans que le projet de loi romprait complètement l'équilibre dans la répartition des fonds demandés à la législature, entre les villes et les campagnes ; les villes ayant la très grosse part, les campagnes n'ayant presque rien.

L'honorable M. de Macar a même cherché à déterminer d'une manière précise ce qui serait accordé aux intérêts agricoles et il a cité comme formant toute la part des campagnes, le crédit proposé pour les routes, le crédit proposé pour la voirie vicinale et la part accordée aux communes rurales dans le crédit de 5 millions affecté à la construction de maisons d'école.

Messieurs, la vérité est que si l'on fixe d'une manière sérieuse son attention sur la nature des divers crédits qui sont pétitionnés, on constate au contraire, qu'au moins la moitié de l'import total de la loi doit profiter à l'agriculture.

M. Coomans. - Très indirectement.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Très directement, M. Coomans, et si vous voulez, nous allons parcourir quelques articles ; nous verrons s'il n'est pas exact de dire que la plupart des dépenses à faire, si elles ne profitent pas exclusivement aux campagnes, à l'agriculture, leur profitent au moins autant qu'aux villes.

Ainsi, messieurs, je commence par le paragraphe premier : amélioration du régime de la Dendre. Est-ce que, par hasard, les propriétés riveraines ne profiteront pas de l'amélioration du régime de la Dendre ? Est-ce que leur position ne sera pas extrêmement améliorée. Maintenant que la Dendre sera rendue navigable dans de meilleures conditions, les villes situées à l'extrémité, reliées d'une manière plus convenable aux lieux de production, cet profiteront de leur côté, cela est certain ; ce sera un grand bienfait pour elles.

Mais il n'en est pas moins certain que les propriétés riveraines profiteront de toute la dépense affectée à la Dendre, absolument comme les centres de production et de consommation que la Dendre relie.

Quant à l'amélioration de la Lys, n'est-ce pas la même chose ?

Le canal de Turnhout à Anvers par Saint-Job n'a été imaginé que dans un but exclusivement agricole.

Pour la canalisation de la Mandel, n'en sera-t-il pas comme de la canalisation de la Dendre, quant aux riverains ?

L'exécution des travaux stipulés dans le traité du 12 mai 1863 avec les Pays-Bas. Je l'ai rappelé à la Chambre, le traité conclu avec la Hollande n'a pour objet exclusif que l'intérêt des irrigations : Si cet întérêt n'avait pas existé, le traité était sans objet.

M. Coomans. - C'est la navigation qui est intéressée bien plus que les irrigations.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Je vous demande pardon ; ce sont exclusivement les irrigations qui ont nécessité le traité.

Les travaux de défense des ouvrages du port d'Ostende, de ses abords et de là côte contre l'action de la mer. Il s'agit là de défendre les propriétés agricoles qui se trouvent en arrière de la digue.

Il en est de même de l'exhaussement et du renforcement de la digue du comte Jean. Il ne s'agit pas d'autre chose que de défendre les vastes plaines de terres arables, de prairies, de propriétés agricoles de toute nature qui se trouvent en arrière de la digue.

Les chemins de fer ; mais est-ce que les chemins de fer ne profitent pas aux communes rurales comme aux communes urbaines ?

Nous avons en premier lieu le chemin de fer de Bruxelles à Louvain. N'allons nous pas relier à la capitale et au réseau général des chemins de fer, une foule de communes rurales ?

Par l'achèvement du réseau actuel, nous allons faire ou aménager dans de bonnes conditions uns quantité de petites stations rurales.

M. Coomansù. - C'est très bien !

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Sans doute, c'est ce qu'il faut faire. Mais c'est ce que nous faisons.

Je ne pousserai pas cet examen plus loin. Mais vous reconnaîtrez que la moitié au moins de l'import total de la dépense portée par la loi en discussion, profitera non pas indirectement, mais très directement à ce qu'on appelle les campagnes. Cela est juste ; il doit en être ainsi. Mais je ne puit permettre, sans protester, qu'on affirme dans cette Chambre que (page 1168) l'agriculture en général, que les campagnes n'auraient dans le projet de loi que 6 à 7 millions. C'est le contraire heureusement qui est vrai.

M. de Moorµ. - Mon honorable ami M. Orban vient d'établir d'une manière claire, évidente et juste quelle était la situation de notre province avant 1830, quant aux voies de communication qu'elle avait. La prospérité relative dont le Luxembourg jouit aujourd'hui, et dont le pays tout entier profite, est due aux routes et au chemin de fer déjà existant. Cette prospérité sera p'us grande encore lorsque de nombreuses communes seront traversées par des lignes ferrées ou reliées à celles-ci par d'utiles affluents.

La reprise par l'Etat de certains chemins de grande communication servant d'affluents au chemin de fer du Luxembourg est devenue indispensable, car l'entretien de ces chemins absorbe aujourd'hui la presque totalité des ressources de nos communes.

Messieurs, la nécessité des affluents au chemin de fer n'est plus niée par personne.

La Chambre est désireuse de terminer cette discussion déjà bien longue et que je ne prolongerai pas, en faisant l'énumération de toutes les routes et reprises de chemins que devrait faire l’Etat et que sollicitent le conseil provincial et la députation permanente, la chambre de commerce et souvent même le corps des ponts et chaussées, routes sur lesquelles mes amis et moi, députés du Luxembourg, avons déjà appelé l'attention de M. le ministre des travaux publics. Je demanderai seulement que M. le ministre veuille bien examiner la question avec la plus grande attention et y donner une suite conforme aux désirs des communes du Luxembourg.

M. Coomans. - Messieurs, je n'ai pas dit que presque tous les crédits inscrits au projet du gouvernement ne devaient pas profiter à l'agriculture, j'ai dit que très peu y avaient été inscrits en vue de l'agriculture, ce qui est bien différent ; or, il est certain qu'en thèse générale on peut soutenir que toute dépense quelconque profile à l'agriculture, il n'y a pas jusqu'à la rue de la Madeleine qui ne profite à l'agriculture ; ou du moins aux agriculteurs qui s'y promènent, si vous voulez prendre les choses aussi strictement ; mais l'honorable membre va bien loin quand il nous représente le chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain comme consacré à l'agriculture, quand il nous représente la somme énorme que va prendre la Meuse, comme consacrée aux irrigations.

Je déclare que je serais le premier à m'opposer à cette dernière dépense si elle était faite pour les irrigations. J'ai lieu de croire que l'ère de l'eau pure est finie.

Quant à dire que le chemin de fer de Bruxelles à Louvain est construit pour favoriser les intérêts de l'agriculture, cela me paraît une énormité ; on a construit ce chemin de fer pour réparer la faute commise il y a 30 ans, c'est un chemin de fer international, et certes il n'est pas fait pour l'usage des paysans entre Bruxelles et Louvain.

Quand d'honorables membres ont fait observer avant moi que les intérêts agricoles proprement dits étaient négligés dans le projet de loi, ils avaient parfaitement raison, car la part de l'agriculture proprement dite ne s'élève pas à 6 millions ; sur 85 millions, on n'a pris que 2 millions pour favoriser la voirie vicinale, qui constitue le véritable intérêt agri. cole.

Vous ne nous donnez que deux millions et vous commencez par prendre la grande moitié de cette somme pour une seule de nos provinces ! Comment partagerez-vous le peu qui restera ?

- Le paragraphe est mis aux voix et adopté.

Article premier, paragraphe 15

« C. Bâtiments civils. § 15. Continuation des travaux de restauration et d'appropriation du palais de Liège : fr. 400,000. »

- Adopté.

Article premier, paragraphe 16

« D. Chemins de fer. § 16. Chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain : fr. 2,800,000. »

M. Lelièvre. - A l'occasion du paragraphe en discussion, je dois signaler à l'attention de M. le ministre des travaux publics l'état où se trouve la station de Moustier-sur-Sambre près de Namur. Cette station doit être agrandie et réclame des changements indispensables de la nature de ceux qui ont été effectués à Floreffe et à Auvelais. L'ordre de choses actuel ne peut plus être maintenu sans graves inconvénients.

Je recommande aussi à M. le ministre de ne pas perdre de vue les constructions nouvelles qui doivent être faites à la station de Namur, relativement aux hangars, aux pavages, aux voies, etc. Du reste, les stations du chemin de fer de l'Etat dans notre arrondissement laissent beaucoup à désirer. Je crois devoir appeler sur ce point la sollicitude du gouvernement.

M. Vleminckxµ. - Messieurs, le chemin de fer de Bruxelles à Louvain est désiré par toute la population louvaniste et bruxelloise, mais il me paraît qu'on y travaille fort peu ; pourquoi ? Est-ce insuffisance des crédits, est-ce une autre cause ? Je désirerais être éclairé à cet égard, je désirerais surtout savoir quand nous pouvons espérer de voir ce chemin livré à l'exploitation. (Interruption.) Je sais qu'il y a des causes de retard, mais depuis quelque temps on ne travaille presque plus. Je prie M. le ministre de vouloir bien nous dire vers quelle époque le chemin de fer pourra être mis en exploitation.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - J'ai déclaré dans une séance précédente que le chemin de fer de Bruxelles à Louvain serait mis en exploitation au commencement de l'année prochaine.

L'honorable M. Vleminckx me demande pourquoi l'on ne travaille pas. Toutes les mesures sont prises pour que les travaux de la voie soient prêts lorsque nous pourrons faire le placement des rails et le ballastage, mais cela ne pourra avoir lieu que quand nous aurons voté le crédit qui figure au projet de loi. Tous les cahiers des charges sont prêts et aussitôt que la loi sera publiée, les travaux seront mis en adjudication.

-Le paragraphe est mis aux voix et adopté.

Article premier, paragraphe 17

« § 17. Parachèvement du réseau actuel, fr. 8,000,000. »

M. Bara. - Messieurs, dans le discours que j'ai prononcé dans la discussion générale, j'avais dit que je présenterais, avec mes honorables collègues de Tournai, un amendement qui distraira une somme de01l,500,000 francs du chiffre de 21 millions pour l'affecter au déplacement de la station de Tournai. L'honorable ministre des travaux publics a donné à cet égard des explications dont je le remercie vivement et qui donnent pleinement satisfaction à la ville de Tournai, mais au milieu des réponses qu'il a dû faire aux nombreuses questions qui lui ont été adressées, il a oublié de répondre à la demande que j'avais eu l'honneur de lui faire et qui consistait à savoir quand le gouvernement entendait mettre la main à l'œuvre à la station de Tournai.

Il est évident que le gouvernement, quand il demande une somme pour achever la station de Tournai, entend mettre immédiatement la main à l'œuvre.

L'honorable ministre des travaux publics nous a fait espérer que la question de l'emplacement sera examinée lorsque le projet sera voté par le Sénat.

Je lui demanderai maintenant à quelle époque il entend faire exécuter cette station.

M. Lebeau. - Messieurs, je désire présenter quelques observations à l'occasion du paragraphe en discussion.

J'approuve fortement la détermination qu'a prise le gouvernement de terminer tous les travaux qui restent à faire pour parachever le réseau du chemin de fer de l'Etat. Si l'on veut que ces voies de communication produisent les résultats qu'on est en droit d'en espérer, il est évident qu'il faut leur donner le développement que réclame une bonne exploitation tant sous le rapport des travaux indispensables que sous le rapport du matériel nécessaire.

Or, nous avons voté naguère encore des crédits pour augmenter le matériel. Au moyen des crédits qui nous sont demandés et que nous voterons, je pense, nous terminerons tous les travaux de manière que les chemins de fer de l'Etat se trouveront à même de répondre à tous les besoins de cet important service et donneront les meilleurs résultats.

Malheureusement, messieurs, je ne puis pas en dire autant des chemins de fer concédés. Je vois chaque jour se produire des plaintes de la part des industriels et du public au sujet de l'insuffisance du matériel d'un grand nombre de compagnies, et cela après qu'elles ont exploité pendant plusieurs années.

M. le ministre a fait, je dois le reconnaître, ce qui dépendait de lui pour remédier à cet état de choses.

II y a peu de jours nue députation de Charleroi s'est encore présentée chez lui pour se plaindre de ce que nous n'avons pas le matériel suffisant pour effectuer le transport des produits du bassin de Charleroi vers l'intérieur du pays.

Or, des intérêts très graves se trouvent ici lésés. C'est l'intérêt des producteurs aussi bien que celui des consommateurs. Les retards que l'on éprouve sont tels, qu'il y a évidemment un préjudice pour tout le monde.

J'appelle donc sur ce point la sérieuse attention du gouvernement. Il y a dans les concessions un point essentiel qu'on ne doit pas perdre de vue, c'est l'exploitation.

Qu'à l'origine on soit tolérant pour l'exécution des travaux qui ne sont pas d'une impérieuse nécessité, je le comprends ; mais quand il s'agit de matériel roulant, quand il s'agit de l'organisation du service, les compagnies doivent, dans un délai moral que le gouvernement doit leur fixer, se mettre en mesure de remplir leurs obligations formelles telles qu'elles (page 1169) sont inscrites dans les cahiers des charges, car on ne les autorise à percevoir des péages que sous la condition, inscrite dans le cahier des charges, qu'elles rempliront exactement toutes leurs obligations.

Je crois donc que le gouvernement doit tenir la main à ce que les compagnies remplissent de bonne foi leurs engagements.

Les cahiers des charges comme les conventions qui interviennent sous ce rapport entre le gouvernement et les concessionnaires sont des contrats sérieux et il me semble qu'ils doivent être exécutés de bonne foi dans un délai moral.

Je conviens qu'il faut leur donner le temps nécessaire, mais il y a beaucoup de sociétés concessionnaires qui ont eu tout le temps et qui n'en ont pas profité pour se pourvoir du matériel indispensable.

On vient quelquefois, messieurs, invoquer l'intérêt des actionnaires. Je crois que c'est mal comprendre cet intérêt. Leur intérêt est que le chemin de fer soit exploité avec fruit et bénéfice et pour cela il importe que le matériel réponde à tous les besoins du commerce et de l'industrie. Si le capital est insuffisant, la faute en est aux concessionnaires, et dans tous les cas le public dans l'intérêt duquel le gouvernement a traité ne peut souffrir parce que des actionnaires se sont intéressés dans une compagnie qui ne peut pas remplir ses engagements.

Ceux qui se trouvent le long du chemin de fer de l'Etat qui est parfaitement exploité et, sous ce rapport, on rend justice au département des travaux publics, ceux-là sont très bien servis, tandis que ceux qui sont reliés par les lignes concédées se trouvent en souffrance pour leurs transports. Il en résulte que la position n'est pas égale.

Je crois que le gouvernement doit veiller à ce que la position soit égale pour tous.

Je ne dirai qu'un mot pour la station de Charleroi comme l'a fait l'honorable M. Bara pour la station de Tournai. Cette station existe telle qu'elle est aujourd'hui depuis 1842.

Le gouvernement, je l'en remercie, a reconnu l'urgence de construire une station à Charleroi.

Je lui demande de vouloir bien, s'il est possible, mettra la main à l'œuvre dans le courant de cette année.

M. de Macarµ. - J'avais demandé la parole pour présenter quelques-unes des observations qui viennent d'être produites par l'honorable M. Lebeau au sujet de la surveillance à exercer sur les compagnies concessionnaires. J'ai pu apprécier comme lui combien est fâcheuse la position qui est faite aux populations desservies par les compagnie, si on la compare à celle qui existe pour les populations desservies par le chemin de fer de l'Etat..

Cette question s'est présentée plusieurs fois déjà à propos des différences de tarifs et je compte bien réclamer encore l'attention sérieuse de M. le ministre sur cet état de choses si préjudiciable à quelques localités aussi longtemps que je n'aurai pu obtenir satisfaction.

Je me bornerai aujourd’hui à faire remarquer que les bâtiments de station de quelques-unes des lignes concédées ne répondent plus aux besoins qu'ils sont chargés de satisfaire.

Je dois citer notamment, à cet égard, le chemin de Namur à Liège.

Depuis qu'il a été construit, les stations sont restées dans le même état, ou à peu près, parce que partout elles sont insuffisantes.

Je signalerai entre autres les stations de Hermalle-sous-Huy, Amay, Ampsin et Bas-Oha.

Je crois qu'il est urgent que la sollicitude de M. le ministre, qui est si grande quand il s'agit des chemins de fer de l'Etat, s'étende un peu sur les compagnies concessionnaires.

J'aurais, messieurs, voulu dire quelques mots sur la station de Huy.

Cette station, plusieurs de nos honorables collègues ont pu en juger dans une circonstance récente, est peu en rapport avec les exigences de la ville de Huy.

Je n'insisterais cependant pas pour la construction immédiate de cette station, si je pouvais espérer une entente entre les compagnies du Nord et de Lauden à Aye, pour la construction d'une station commune aux deux lignes. Mais je désirerais que l'honorable ministre voulût bien mettre ces compagnies en demeure de s'expliquer à cet égard et je veux surtout une solution qui puisse donner satisfaction dans le plus bref délai possible aux légitimes réclamations de la ville de Huy.

M. Julliot. - Quand le gouvernement concède des chemins de fer, il serait à désirer qu'il convînt d'avance avec les sociétés qu'elles s'entendront avec le gouvernement par rapport aux tarifs et aux transports.

A défaut d'entente, il se passe des choses extraordinaires et nuisibles à l'intérêt public. J'ai expédié, à 14 lieues de chez moi, des objets assez pondéreux ; ils ont touché deux lignes concédées et la ligne de l'Etat. Comme il n'y avait pas de convention entre ces diverses lignes, on a compté trois droits fixes et trois chargements et déchargements ; or, je comprends les droits fixes, mais faire payer des chargements et déchargements quand on ne touche pas à la marchandise, c'est une absurdité et un mensonge.

Quand je me plains au gouvernement, il me dit que les compagnies sont déraisonnables.

Quand je m'en prends aux sociétés, elles me disent que le gouvernement n'est pas raisonnable.

Je ne connais d'autre moyen de sortir de ce conflit qu'en priant toutes ces parties plus ou moins belligérantes de faire la paix en rivalisant de bonne volonté, et le public sera moins exploité ; réduire les tarifs et les péages du gouvernement est chose utile à ceux qui en profitent, mais si sur d'autres points on est injustement rançonné, on perd de l'un côté ce que l'on gagne de l'autre.

Tâchons donc d'arriver à une bonne entente, car tout est conciliation dans le monde et l'entêtement, de quelque part qu'il vienne, est un mauvais conseiller.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Je ne sais si la Chambre désire que j'entame une discussion en règle sur la position des sociétés concessionnaires.

- Voix nombreuses. - Non, non.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Je me bornerai donc à répondre aux observations présentées par les trois honorables préopinants, que tout n'est ni absolument bon, ni absolument mauvais sur les lignes concédées. Ainsi l'honorable M. Lebeau s'est plaint du manque de matériel. Mais si des compagnies manquent de matériel, d'autres en sont suffisamment pourvues ; je citerai notamment la compagnie du Nord.

L'honorable M. Lebeau fait sans doute allusion au Grand-Central ; il est certain qu'il y a chez cette compagnie, une insuffisance de matériel qui nuit autant à la compagnie elle-même qu'aux industriels.

L'honorable M. de Macar s'est plaint de l'insuffisance de l'aménagement des stations sur la ligne du Nord. L'honorable M. de Macar a raison ; les stations sur la ligne de Namur à Liége sont dans un état tout à fait primitif et vraiment indigne de la compagnie du Nord, je n'hésite pas à le dire.

Quant à l'observation présentée par l'honorable M. Julliot, concernant les tarifs, il a tort de dire ou de répéter que l'Etat se montrerait déraisonnable vis-à-vis des compagnies concessionnaires. L'Etat a une règle fixe pour toutes les compagnies concessionnaires qui sont en relation de service avec lui, et je n'ai jamais entendu que les prétentions de l'Etat aient été jugées exorbitantes par les compagnies.

M. Julliot. - Si, quelquefois.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Oui, la compagnie d'Ans à Tongres ; eh bien, la vérité est que c'est, au contraire, cette compagnie qui élève des prétentions inadmissibles ; elle voudrait, si j'osais employer ce mot antiparlementaire, elle voudrait subtiliser le cahier des charges qui a fixé un raccourcissement conventionnel de distance entre certaines localités et rétablir la distance réelle par voie de tarif.

Eh bien, c'est cette manœuvre à laquelle je ne me prêterai pas ; il faut que le cahier des charges soit loyalement exécuté.

L'honorable M. Bara m'a demandé quand on mettrait la main à l'œuvre pour la station de Tournai ; l'honorable M. Lebeau m'a fait la même question en ce qui concerne la station de Charleroi. Je puis déclarer à ces honorables membres qu'un commencement d'exécution sera donné à ces travaux dans le courant de la présente année. J'en dis autant pour une troisième station qui est sur la même ligne, la station de Bruges.

M. Dumortier. - Il me semble que la réponse de M. le ministre à M. Bara préjuge une question dans un sens différent de celui qu'il lui avait donné lorsque M. Bara a pris la première fois la parole. L'honorable ministre déclarait alors ne pas avoir produit un plan relatif au déplacement de la station actuelle, et comme l’honorable membre insistait, M. le ministre répliqua que ce n'était qu'un avant-projet qu'il avait produit ; dans une séance ultérieure l'honorable ministre est venu déclarer que rien n'était encore décidé quant à l'emplacement de la station. En présence de cette déclaration, je n'ai pas cru devoir prendre la parole ; mais voici que M. le ministre vient de nous dire qu'on mettra la main à l'œuvre dans le cours de cette année. Or, comme cette déclaration est faite en réponse à M. Bara qui semblait vouloir demander 1,500,000 fr. pour le déplacement de la station, je me demande si un changement très grand ne s'est pas opéré depuis huit jours et s'il n'est pas question (page 1170) de déplacer la station actuelle. Eh bien, il m'est impossible de laisser discuter une question de cette gravité, question d'où dépend l'avenir de ma ville natale que j'ai représentée pendant 18 ans dans cette enceinte, sans intervenir dans cette discussion.

MfFOµ. - La Chambre n'a pas à statuer sur l'emplacement des stations.

M. Dumortier. - La Chambre a à statuer sur toutes choses.

MfFOµ. - Si elle le veut.

M. Dumortier. - Il y a ici une question d'une importance extrême. Aucune dépense ne peut être faite sans l'avis du parlement. Qu'allons-nous faire ? Nous allons voter, en faveur de Liège qui a déjà aujourd'hui trois stations, cinq millions pour y créer une nouvelle station intérieure.

- Une voix. - Six millions.

M. Dumortier. - Je n'ai pas la mémoire des chiffrtS, mais c'est cinq millions, je pense.

Nous allons donc voter cinq millions pour donner, à la ville de Liège qui a déjà trois stations, une station nouvelle intérieure, et quant à moi je suis prêt à voter les fonds nécessaires pour cet objet, mais à une condition, cependant, c'est que vous n'ayez pas deux poids et deux mesures, que vous ne refusiez pas de faire pour Tournai ce que vous avez fait pour Liège. Gand a une station intérieure, eh bien, nous sommes appelés à voter quatre millions pour donner à Gand deux nouvelles stations intérieures ou, pour mieux dire, pour sauver la station intérieure de Gand.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Cela n'a aucun rapport.

M. Dumortier. - S'il était vrai que le raccordement vers la porte de Bruges devait être effectué, ce travail n'aurait pas d'autre but que de sauver la station intérieure de Gand. Et d'après ce qui m'est revenu de divers côtés, tel devait être le projet. Peu importe, d'ailleurs. Nous allons voter 800,000 fr. pour rendre à Ostende une station plus intérieure encore.

ML Van Iseghemµ. - C'est le débarcadère des voyageurs venant d'Angleterre, mais pas la station intérieure.

M. Dumortier. - Nous savons tous que le débarcadère est plus central pour la ville que la station actuelle qui est au delà des bassins.

M. Van Iseghem. - C'est le contraire, la station est plus au centre de la ville.

M. Dumortier. - C'est le contraire ! Donc nous vous refuserons votre crédit.

M. Van Iseghem. - Pas du tout.

M. Dumortier. - Vous en voulez donc bien ? Pourquoi dites-vous que c'est tout le contraire ?

Messieurs, ce n'est pas tout, nous allons voter pour Anvers une station dans l'enceinte actuelle des murailles, station qui sera nécessairement plus rapprochée d'une grande partie de la ville que la station actuelle. Nous allons probablement voter une station centrale pour Bruxelles. J'ai signé une proposition dans ce sens avec d'honorables membres, et je ne pense pas que personne puisse s'opposer à donner à Bruxelles une station centrale, surtout au moment où l'on enlève à la ville de Bruxelles une station qui n'est qu'à 400 mètres de l’hôtel de ville pour la reporter à Saint-Gilles.

Eh bien, vous votez une station intérieure pour Liège, pour Ostende, pour Gand, pour Anvers, pour Bruxelles, et dans le même moment on viendrait proposer d'enlever à la ville de Tournai sa station intérieure ! Je dis que cela n'a ni rime ni raison. De deux choses l'une : ou bien les députés de Liège, d'Anvers, de Gand, d'Ostende, sont des gens qui ne connaissent pas leurs intérêts, qui sont très maladroits dans la défense de leurs intérêts, ou celui qui vous parle n'est pas aussi maladroit qu'on veut bien le dire dans la défense des intérêts de sa ville natale.

Je demande pour ma ville natale ce que vous faites pour les autres villes. Si vous avez raison de donner à toutes les autres villes des stations intérieures, je crois être logique en demandant pour ma ville natale ce que vous donnez à toutes les autres.

Je n'entends critiquer personne ; mais quand je demande ce que tout le monde demande, je crois pouvoir rappeler ce mot d'un célèbre diplomate français : Il y a quelqu'un qui a plus de bon sens que nous, c'est tout le monde.

Et pourquoi, messieurs, vouloir enlever à la ville de Tournai sa station centrale ? Pourquoi vouloir la transporter au milieu des champs, à l'extérieur de la ville, alors que la ville de Tournai est en possession dune station qui n'est qu’à 330 mètres de distance du grand hôpital qui est le centre de la ville, d'une station qui est en rapport avec les grandes voies de communication de la ville entière ? Je dis, messieurs, que si une pareille chose était proposée pour Gand, tous les députés de Gand se lèveraient comme un seul homme pour empêcher qu'on ne leur enlève leur station intérieure.

Je dis que si pareille chose était proposée pour Liège, tous les députés de L'ége se lèveraient pour combattre une pareille proposition ; et quand je me lève pour empêcher qu'on ne prive Tournai de sa station centrale, je suis convaincu que je ne fais pas autre chose que ce que feraient tous nos honorables collègues. Je demande le droit commun. Je demande que vous fassiez pour nous ce que vous faites pour les autres..

Oh ! je ne méconnais pas que MM. les ingénieurs trouvent infiniment plus commode de placer les stations en dehors des villes. Mais je me suis toujours demandé et je me demande encore aujourd'hui : Pour qui donc sont faites les stations de chemins de fer ? Est-ce pour MM. les ingénieurs ou est-ce pour les habitants ? Si c'est pour les ingénieurs, faites-les au milieu des champs. On y a les coudées franches ; on peut les établir, comme on l'a fait à Malines et à Braine-le-Comte, dans des terrains vagues. Mais quant à moi, je veux faire les stations pour les habitants.

Ceux qui se servent des stations, ce sont ceux qui montent dans les convois et ceux qui en descendent ; ce sont les habitants, et c'est pour eux que les stations doivent être faites. Et ce serait quand nous allons consacrer 15 millions à donner aux autres villes des stations intérieures, que nous priverions Tournai de la sienne ? Messieurs, voyez ce qui se passe à Lille. Il y a à Lille une station intérieure.

Et que fait cette ville, si accablée de dépenses par suite de la démolition de ses fortifications ? Elle vient de voter une somme de 800,000 fr. pour rendre la station plus intérieure encore.

On viendra m'objecter la résolution du conseil communal de Tournai, comme si les conseils communaux devaient faire ici la loi ! Comme si nous étions les représentants des conseils communaux et comme si les cahiers des conseils communaux dictaient nos votes.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Et que devient la liberté communale ?

M. Dumortier. - Je vous demande pardon, mon cher ministre ; il ne s'agit plus ici de la liberté communale. Ce serait l'absorption du pouvoir parlementaire. Or, chacun pour soi et Dieu pour tous. Laissons la commune à la commune, et le parlement au parlement. Quand la commune doit-elle jouir de la liberté ? Lorsqu'elle gère les fonds de son trésor public. Mais la commune n'a rien à dire dans les affaires du parlement. Et depuis quand donc une commune peut-elle venir influencer nos votes ?

Vous m'objeetz la résolution du conseil communal de Tournai. Eh bien ! j'accepte la discussion sur ce terrain. Examinons ce que le conseil communal de Tournai a résolu.

J'ti sous les yeux les plans de la station projetée et de tout ce qui en dérive, et je veux que la Chambre comprenne bien dans quel tas d'erreurs on est tombé.

Messieurs, Tournai n'est pas une ville comme Bruxelles où les constructions sont à l'ordre du jour. A Tournai comme dans presque toutes les villes de province, on ne bâtit que pour soi ; l'on ne bâtit pas pour jouer. A Tournai, une maison qui coûterait de construction 40,000 fr., ne saurait pas se louer plus de 1,200 fr., cest-à-dire qu'on ne recevrait pas 3 p. c. de son argent. Une maison qui coûterait de bâtisse 100,000 fr. ne se louerait pas 2,000 fr. Car il n'y a pas, dans toute la ville de Tournai, une maison qui se loue 2,000 fr. Vous comprenez dès lors qu'avant de faire des plans où l'on se base sur les bâtisses possibles, il faut tenir compte de la situation donnée. A Bruxelles on construit beaucoup, mais toutes les villes ne sont pas Bruxelles et ne doivent pas avoir la prétention d'un Bruxelles.

Eh bien, messieurs, je me suis amusé ce matin à faire le relevé des rues nouvelles que l'on veut percer, des façades, des passages que l'on veut percer.

J'en ai eu le tableau rue par rue, et j'étais arrivé à ce résultat incroyable que l'on veut, au moyen de ce déplacement de la station, créer, dans la ville de Tournai, devinez combien ? Sept kilomètres de rue sur un seul côté de la ville, c'est-à-dire une lieue et demie, si toutes les maisons étaient bout à bout. Et l'on s'imagine que dans une ville où l’on ne bâtit que très peu, oh l'on ne bâtit que pour soi, on va construire 7 kilomètres de maisons !

Je dis que ceux qui ont présenté un pareil projet ne l'ont pas même examiné, n'en ont pas vu les conséquences. Je dis que si un pareil projet est admis, Tournai sera plus de cent ans dans les ruines et les débris.

(page 1171) Ce n'est pas tout. Ceci ne s’applique qu’à un seul côté de la ville, à la partie située sr la rive droit de l’Escaut. Mais sur la rive gauche, la démolition des fortifications appelle aussi des constructions, et si vous examinez les plans, vous arrivez à ce résultat incroyable que l’ensemble des maisons que l'on voudrait construire, s’étendrait pour une ville de 30,000 habitants, sur une longueur de 9,600 mètres et au delà, c'est-à-dire sur à peu près 10 kilomètres ou 2 lieues.

Voilà les plans qu'on nous présente et l'on vient nous dire : Inclinez-vous devant une pareille résolution ; le conseil communal de Tournai connaît mieux que vous les intérêts de la commune.

Oui, le conseil communal est appelé à gérer les intérêts de la commune en ce qui concerne le trésor particulier de celle-ci. Mus nous sommes ici les représentants de la nation.

Nous avons, à ce titre, autant de droits que les conseils communaux d'exprimer notre pensée, et si notre pensée est fondée en fait et en raison, c'est elle qui doit prévaloir.

Je dis donc que ces plans sont dépourvus de toute espèce de raison. Je dis qu'il n'est pas possible d'imaginer qu'on ait voté pareille chose, si on l'avait examinée.

Je dis qu'il n'est pas possible de concevoir que, dans une ville où l'on ne bâtit que peu et pour soi, on veuille mettre à exécution un plan qui suppose 10 kilomètres de bâtisses, et sur la rive droite, sept kilomètres c'est-à-dire mille maisons nouvelles.

Ce. sont là des illusions complètes.

Maintenant quel est l'intérêt de la ville de Tournai dans le cas actuel ? Je répéterai d'abord ce que j'ai déjà dit : c'est que l’intérêt de toutes les villes est ici le même ; or, s'il est vrai que l'intérêt des villes de Liège, de Gand, d'Anvers, de Bruxelles et d'Ostende est d'avoir une station intérieure, le même intérêt existe pour la ville de Tournai, y eût-il cent conseils communaux pour dire le contraire.

Je dis que l'intérêt existe au même degré pour la ville de Tournai ; et comment en serait-il autrement à Tournai qu'à Bruxelles, par exemple ? Or, à Bruxelles, les habitants, depuis plusieurs années, réclament une station intérieure. Comment pourrait-il se faire que toutes les villes eussent tort, en demandant une station intérieure, et que vous seuls eussiez raison, en demandant pour Tournai une station à l'extérieur ?

Maintenant, quel sera le résultat de cette station ? Ce résultat est bien simple. Je voudras qu'on jetât les yeux sur le plan que j'ai ici ; et vous verrez que le déplacement de la station doit avoir pour conséquence de boucher les trois portes de la ville peut-être les plus fréquentées.

Mais est-ce là du sens commun ? Je demande s'il peut entrer dans l'esprit de personne de venir, au moment de la démolition du mur de la ville, transporter ce mur au delà, et créer une station qui bouche trois portes de la ville ! Je le répète, cela n'a ni rime ni raison.

L'honorable ministre des travaux publics était parfaitement dans le vrai, quand, dans la première séance où l'honorable M. Bara est venu parler de cette affaire, il ne paraissait pas disposé à commettre cette énorme faute.

Ce n'est pas tout : réfléchissons aux nombreux intérêts que vous allez froisser, car le déplacement d'une station ne se fait pas sans léser d'immenses intérêts. Tous les habitants qui ont acquis des propriétés, tous ceux qui ont établi un commerce dans le voisinage de la station actuelle, vous les frapperiez directement, vous les spolieriez, vous les exproprieriez de leur industrie. Pensez-vous, par hasard, que ces habitants vont être heureux et contents de tout cela ?

Je le déclare franchement, je vois dans cette affaire le germe d'une division énorme et plus de choses que vous ne soupçonnez pas vous-mêmes. Je ne veux pas dire tout ce que j'entrevois. Je me bornerai à déclarer que les choses ne se passeront pas aussi tranquillement qu'on le pense. Rappelez-vous les pétitions que vous avez reçues de Tournai. Personne, dans cette ville, ne croit au déplacement de la station, parce que, précisément dans ce moment, M. le ministre des travaux publics y fait faire des travaux considérables, qui consistent dans l'établissement d'une station séparée pour les marchandises.

Les habitants ne croient donc pas, ils ne peuvent pas croire qu'on veuille dépenser de l'argent pour déplacer la station ; mais le jour où ce déplacement aurait leu, vous aurez un orage, et cet orage serait plus gros que vous ne le pensez...

M. Bara. - Tant mieux pour votre parti !

M. Dumortier. - Il y a quelque chose que je mets au-dessus de cela : c'est l'intérêt de ma ville natale. Si je ne considérais que l'intérêt politique, je vous laisserais faire, mais je ne veux pas me laisser toucher par cette considération ; j'abandonne à d'autres le soin de faire une question politique d'une question de station...

M. Bara. - C'est vous qui avez commencé.

M. Dumortier. - Je n’ai pas commencé ; je le répète, si cela vous plaît, faites-en une question politique, mais ne soyez pas surpris que plus tard on relève la balle au bond.

On ne froisse pas des intérêts considérables, on ne porte pas atteinte aux moyens d'existence d'une foule de pères de famille, sans provoquer les plus légitimes, les plus vives, les plus nombreuses réclamations.

Je dis donc que le gouvernement ne peut pas prendre ici l'engagement que sollicite de lui l'honorable M. Bara ; je l'engage à réfléchir bien sérieusement. Si la volonté du gouvernement était de déplacer la station, je déclare de la manière la plus formelle et la plus nette, que je ne négligerai aucune occasion pour attaquer carrément, énergiquement cette résolution. Si la mesure devait se réaliser, je serais certes fondé à demander aux autres villes de quel droit elles viennent puiser des sommes considérables dans le trésor public pour l'établissement de stations intérieures, alors que vous voulez nous expulser de la station intérieure que nous avons depuis longtemps.

Mais, messieurs, j'aime à me persuader que le gouvernement n'aura qu'un seul et même système et qu'il saura concilier avec sagesse tous les intérêts, j'aime à me persuader qu'il laissera la station dans son emplacement actuel, en y effectuant tous les travaux d'amélioration et de développement qu'elle comporte ; et le gouvernement réalisera de cette manière une économie d'un million au moins.

Que le gouvernement ne veuille donc pas prendre d'engagement ; qu'il laisse la question entière ; que surtout il l'examine avec la plus grande maturité ; qu'il n'ait pas deux poids et deux mesures ; qu'il n'ait pas un système pour Bruxelles, pour Anvers, pour Gand, pour Liège, pour Ostende, et qu'il n'en ait pas un autre pour Tournai. Il faut partout des stations intérieures. Voilà le besoin universellement senti ; voilà le système définitif en matière de stations.

Messieurs, on a beaucoup parlé des stations à rebroussement, on a fait de ce mot un épouvantaitl Il faut, dit-on, supprimer les stations à rebroussement.

D'abord, si vous voulez supprimer les stations à rebroussement, commencez par supprimer les stations de Bruxelles, d’Anvers, d'Ostende, de Gand et d'autres villes encore.

Ensuite, l'inconvénient qu'on signale n'existe plus. Autrefois, les stations à rebroussement étaient un objet très défavorable à la circulation du chemin de fer.

La locomotive, en arrivant, devait se mettre sur la plate-forme ; là, on devait la retourner, pour la placer sur l'excentrique, et pour prendre l'extrémité du train ; mais M. le ministre actuel des travaux publics a introduit une amélioration considérable dans ce système ; il l'a complétement modifié.

Aujourd'hui, quand vous entrez dans une station à rebroussement, comme celle de Gand, de Tournai, qu'arrive-t-il ? C'est que la locomotive de secours vient se mettre derrière le convoi, et avant que les voyageurs soient descendus du convoi, la locomotive est attachée. Ainsi, le rebroussement ne fournit plus un argument contre ces genres de station ; il ne nuit en rien à la circulation, d'un autre côté, il procure aux villes l'avantage d'avoir une station intérieure.

Pour mon compte, comme je veux que les stations soient faites en faveur des habitants et non pas en faveur des ingénieurs, je demande que toutes les villes soient dotées de stations intérieures. Je déclare de la manière la plus formelle que si la station intérieure de Tournai nous était enlevée, aussi longtemps que je serais dans cette enceinte, je ne cesserais de réclamer le rétablissement de cette station intérieure ; et un jour viendrait où nous serions de nouveau en possession de cette station. Il serait par trop étrange qu'on traitât la ville de Tournai moins favorablement que toutes les autres villes du pays.

M. Bara. - Messieurs, l'honorable M. Dumortier vous a fait entendre les accents d'un homme très malheureux. Il voit que la station de Tournai doit être déplacée, que c'est dans les intentions da gouvernement, parce que le gouvernement doit accepter les projets les meilleurs dans l'intérêt du service public qui se concilie avec celui de la ville de Tournai, et c'est là la cause de toutes les doléances que vous venez d'entendre.

Selon lui, et il se fait prophète, ce ne sera que ruines pendant un siècle à Tournai par suite du déplacement de la station. Bien plus.il prévoit l'orage, il prévoit l'émeute, et il oublie que c'est le conseil communal de Tournai lui-même qui approuve avec le gouvernement ce déplacement.

L'honorable M. Dumortier prétend que la Chambre a le droit de (page 1172) s'occuper de la question de remplacement de la station de Tournai, parce que, dit-il, c'est un objet d'intérêt général.

Et quelques moments auparavant, il ne parlait de la station de Tournai qu'au nom des intérêts de cette ville. Quelle contradiction ! Je le demande, est-ce l'honorable député de Roulers qui représente le mieux les intérêts de Tournai, ou est-ce le conseil communal de cette ville ?

M. Dumortier. - Nous ne sommes pas les députés de telle ou telle localité, nous sommes les députés du pays. Nous représentons le pays.

M. Bara. - Vous êtes le député du pays, cela est exact ; mais vous êtes aussi plus spécialement le député de Roulers.

M. Dumortier. - J'étais le député de Tournai avant que vous fussiez né.

M. Bara. - Oui, je n'étais pas né, lorsque l'honorable Dumortier était député de Tournai. Mais je ne vois pas que cette considération puisse valoir pour ou contre le déplacement de la station.

Est-ce parce que l'honorable M. Dumortier est plus ancien que moi dans cette Chambre, qu'il prétend avoir raison ? Mais pour Tournai comme pour toutes choses, l'honorable membre en est toujours aux vieilles idées.

Tout ce qui est neuf, tout ce qui décèle quelque vitalité l'effraye.

Il veut que Tournai reste toujours dans la même situation, ne se développe peu. Son amour pour sa ville natale est de la maintenir dans l'état peu enviable dans lequel elle se trouve !

Nous sommes plus jeunes, nous voulons du nouveau, nous n'entendons pas marcher sur les traces de l'honorable M. Dumortier, et c'est pourquoi nous ne sommes pas du même avis que lui en beaucoup de choses et même en matière de station. (Interruption.)

L'honorable M. Dumortier est député de Roulers, et il a la prétention de représenter les intérêts de Tournai, mieux que la députation de Tournai, mieux que le conseil communal de cette ville.

Messieurs, est-ce sérieux ? Allez-vous croire qu'un conseil communal qui dépend de l'opinion publique, dont la moitié des membres doit voir renouveler son mandat au mois d'octobre prochain, puisse demander le déplacement de la station de Tournai contre l'intérêt de ses habitants ?

Si cette mesure doit nous faire tant de tort, tant mieux pour l'honorable membre.

Le député de Roulers met ses convictions politiques au-dessus des intérêts de Tournai, et ce peut être un grand profit pour son parti de trouver un moyen de faire échec à notre opinion. (Interruption.)

Messieurs, ce n'est pas moi qui ai soulevé ce débat. J'ai demandé en termes très courts, des explications au gouvernement. L'honorable M. Dumortier est venu traiter la question d'une manière très longue et non content de deux discours qu'il a prononcés il y a huit jours, il revient à la charge. Pourquoi ?

Je l'ai déjà dit, parce qua de cette affaire, qui ne devait pas être politique, je le reconnais, lui et ses amis veulent faire une question politique. Déjà ils ont placé une élection communale sur ce terrain, et l'on veut élever aujourd'hui cette question locale à la hauteur d'un débat législatif.

On veut faire la Chambre juge d'une question décidée par le gouvernement, par le conseil communal, les seuls juges compétents en la matière.

Qu'a déclaré l'honorable ministre ? Que l'intérêt du service exigeait le déplacement de la station.

M. Dumortier. - Il n'a pas dit cela.

M. Bara . - Il a dit cela et il a ajouté que quand il s'agirait de consulter quel était l'intérêt de Tournai, il s'en rapporterait à la décision du conseil communal, et non à l'avis de M. Dumortier.

Je sais que l'honorable membre a la prétention d'avoir une foule de mérites. Mais où puise-t-il le droit de dire qu'il connaît, mieux que les ingénieurs du gouvernement, mieux que la députation de Tournai, mieux que le conseil communal de Tournai, les intérêts de cette ville ?

Je ne lui accorde en aucune manière le droit de se prétendre le représentant spécial des intérêts de Tournai. Nous avons sur lui l'avantage de l'élection, du mandat représentatif. Nous avons sur lui l'avantage d'avoir vu son parti complètement éliminé de l'arrondissement électoral de Tournai. Ses amis et lui y ont éprouvé des échecs nombreux et successifs.

Je demande de quel droit il vient nous accuser de défendre mal les intérêts de notre ville, de vouloir y accumuler les ruines, de faire obstacle à son développement et de soulever les mécontentements populaires ?

Je pourrais répondre à ces attaques qui c'est vous qui voulez la ruine de Tournai, qui êtes mécontent et jaloux de ce que nous cherchons à faire sortir Tournai de son état de marasme et que nous songeons à son avenir. (Interruption.)

M. Dumortier. - C'est une indignité ! Ce n'est plus discuter ! Votre discours n'est qu'un discours de personnalités.

M. Bara. - Vos colères ne m'arrêteront pas. Ce n'est pas pour moi que je parle ; je ne suis pas en cause.

Mais vous attaquez le conseil communal de Tournai ; ce sont ses membres, absents ici, que je défends. Vous les poursuivez de vos attaques, même le collège échevinal et l'échevin des travaux publics, vous les persécutez jusqu'au sein de cette Chambre. Eh bien, j'ai le droit de les défendre, et je l'ai fait sans avoir dit tout ce qu'il y a derrière ces attaques.

Je ne traiterai pas la question au point de vue personnel. Mais s'il le fallait, je pourrais vous confondre, vous et vos amis.

Je défends des amis politiques et je les défends au nom de l'intérêt même de ma ville.

Qu'il en soit convaincu, je ne permettrai pas au député de Roulers de prétendre qu'il soutient mieux les intérêts de Tournai que les députés de Tournai.

M. Dumortier. - Messieurs, j'ai le droit de m'étonner du langage de l'honorable préopinant. Vous avez entendu ses paroles ; elles ont un caractère tout personnel.

Il vous sied bien, à vous, arrivé hier, de lancer des attaques contre ceux qui vous ont précédé dans la carrière parlementaire. Apprenez que si nous ne respections pas la tribune, nous pourrions user de représailles.

Votre manière d'agir prouve que vous n'avez pas un seul mot de bon à dire pour défendre la thèse que vous soutenez. Si votre cause était bonne, vous trouveriez, pour la défendre, autre chose que du persiflage et j'ajouterai de la calomnie. (Interruption.)

- Plusieurs membres. - A l'ordre ! à l'ordre !

MpVµ. - M. Dumortier, vous ne pouvez accuser un collègue de calomnie.

M. Dumortier. - Je m'explique : quand on me traite comme on l'a fait, j'ai pu y voir une calomnie de ma personne. II n'est pas permis devenir dire ici d'un député qu'il n'a pas le droit de proférer un mot en faveur de sa ville natale, qu'il ne représente pas le pays tout entier, qu'il n'est plus le représentant de sa ville natale, parce qu'il a cessé, de sa propre volonté, d'être l'élu de cette ville. On a ajouté que c'était l'envie, que c'était la jalousie qui me faisait parler. Je demande si es n'est pas là attaquer de la manière la plus violente un caractère qu'il n'atteindra pas ? Et puisque cette attaque a eu lieu, il devait m'être permis d'y répondre. Ce n'est pas moi qui ai soulevé la question de personnes, car vous avez dû remarquer, dans tous les discours que j'ai prononcés sur cette affaire, j'ai évité avec un soin scrupuleux de dire un seul mot blessant...

M. Crombez. - Je vous demande pardon. Vous attaquiez toute la députation de Tournai.

M. Dumortier. - M. Crombez veut-il, par hasard, que je pense par son cerveau ? C'est un rôle que je n'accepte pas.

MpVµ. - M. Dumortier, rentrez dans la question.

M. Dumortier. - Je suis dans la question, M. le président.

M. Guillery. - Cela ne regarde pas la Chambre. Ce sont des discussions personnelles. Laissez tomber ce débat.

M. Dumortier. - Je le laisse tomber ; mais j'adjure le gouvernement de ne point prendre de résolution avant d'avoir examiné la question avec la plus grande maturité, c'est une question de la solution de laquelle dépend tout l'avenir de Tournai, de ma ville natale, d'une ville que j'ai représentée 18 ans dans cette enceinte, et que je n'ai cessé de représenter, quoi qu'on en dise, que par suite d'une option après une double élection.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Il m’est impossible de m'échauffer sur cette question. Tout ce que j'ai dit de l'amendement de M. Bara est parfaitement innocent. M. Bara m'avait demandé quand on mettrait la main à l'œuvre pour les travaux de la station de Tournai ; j'ai dit que ce serait dans le courant de l'année. Cette réponse laisse entière la question de l'emplacement ; alors même que la station actuelle serait maintenue, il y aurait des travaux considérables (page 1173) à faire. Ma réponse n'impliquait donc en aucune manière la discussion soulevée par l'honorable M. Dumortier.

Je répète, messieurs, la déclaration que j'ai faite précédemment : il n'y a pas de mesure à prendre aujourd'hui, mais j'espère être à même de faire connaître ma résolution dans un très bref délai.

- Le paragraphe 17 est mis aux voix et adopté.

Ordre des travaux de la chambre

M. Orts. - Messieurs, j'ai demandé la parole pour proposer à la Chambre une motion qui se rapporte à la fixation de l'ordre du jour, et comme il s'agit d'un objet qui se rattache au département de l'intérieur, je n'ai pas fait ma motion à l'ouverture de la séance, parce que M. le ministre de l'intérieur n'était pas présent.

Hier a été distribué le rapport de l'honorable M. Crombez, sur le projet de loi concernant la répression des fraudes électorales ; il ne manque à la publication que quelques annexes qui sont des pièces à l'appui, destinées à justifier l'exactitude de citations qui se trouvent dans le cours du rapport ; ces annexes seront probablement distribuées, vendredi ou samedi.

Je demande à la Chambre de vouloir bien porter à la suite de son ordre du jour, immédiatement après la loi sur la police des étrangers, le projet de loi relatif aux fraudes électorales ; je crois qu'il est indispensable que ce projet de loi soit voté dans le courant de cette session, de manière que le Sénat puisse s'en occuper au commencement de la session prochaine, et qu'il soit possible de mettre la loi à exécution au moment où le pays commencera à se préparer, par la formation des listes électorales, aux élections qui doivent avoir lieu pour le prochain renouvellement partiel des Chambres.

Ce projet, messieurs, ne comporte, en définitive, qu'une série assez peu nombreuse d'articles ; il y a une trentaine d'articles à discuter et en ne mettant pas dans le projet autre chose que ce qu'il faut pour avoir une bonne législation électorale...

M. Coomans. - Il faut autre chose.

M. Orts. - Mettez-y ce que vous voulez, je m'y opposerai moins que personne, puisque je proposerai moi-même d'y mettre quelque chose qui n'y est pas. Je demande seulement qu'on ne vienne pas nous parler de choses qui ne sont pas susceptibles de figurer dans une loi destinée à réprimer les fraudes électorales.

Eh bien, messieurs, je dis qu'en se renfermant dans ces limites et en laissant même la plus grande liberté à la discussion, nous pouvons espérer de terminer dans un temps qui n'aura rien d'excessif et sans trop prolonger le séjour des membres de la Chambre, à une époque de l'année où je comprends qu'il est peu agréable de rester ici.

J'ajoute, en terminant, messieurs, que ce projet de loi est d'un haut intérêt pour le pays, et qu'en définitive la Chambre ne s'est occupée d'aucun projet de loi politique, dans le courant de cette session,

(page 1177) M. Coomans. - Je ne m'opposerai aucunement à l'examen d'un projet de loi quelconque en matière électorale, parce que je figure parmi ceux qui sont le plus convaincus que notre législation actuelle est devenue intolérable. J'attends personnellement avec impatience l'occasion de m'expliquer à cet égard. Cependant je reconnais que, quelle que soit l'urgence d'une réforme électorale, il y a un projet de loi plus urgent encore.

- Un membre. - La milice.

M. Coomans. - La milice, justement.

- Un membre. - Le rapport n'est pas fait.

M. Coomans. Oh ! parce qu'on n'a pas voulu le faire.

Cette réforme est imposée par la Constitution, depuis 1831, comme urgente. Elle nous a été présentée en 1852, elle nous avait été promise dix fois avant cette époque. Formulée en 1852, elle n'a pas abouti. Promise en 1857, elle a été ajournée ; solennellement promise en 1858, elle a été ajournée encore ; itérativement promise en 1859, en 1860 et en 1862, elle a été toujours ajournée. Dernièrement, l'honorable ministre de l'intérieur me promettait que le projet de loi serait discuté dans le cours de la session.

Eh bien, messieurs, je le demande, après 35 ans d'attente, n'avons-nous pas le droit de réclamer l'exécution des promesses faites, le droit de demander, d'exiger la solution de ce problème, la cessation des nombreuses iniquités résultant de notre législation sur la milice.

(page 1173) MfFOµ. - Restons dans l'ordre du jour.

M. Coomans. - Le rapport peut être prêt d'ici à huit jours, si l'on veut.

MpVµ. - M. Coomans, M. Orts s'est occupé de la loi sur les fraudes électorales.

M. Coomans. - Je le sais. Mais si l'honorable M. Orts a le droit de demander la priorité pour le projet de loi sur les fraudes électorales, j'ai le même droit à demander la priorité pour un autre.

MpVµ. - Il y a une première question à décider, c'est celle qui se rapporte aux fraudes électorales.

M. Coomans. - S'il m'était démontré que la discussion de la réforme électorale rend impossible la discussion de la réforme de la milice, j’aurais bien le droit de me préoccuper de cette fâcheuse éventualité. Mais messieurs, je suis étonné que l'on fasse considérer comme urgente la discussion de la loi contre les étrangers que l'on va nous sommer de voter bientôt, alors que l'on ne veut pas reconnaître comme urgente la réforme de notre législation sur la milice, réforme imposée par la Constitution.

Je demande que le rapport nous soit présenté dans un bref délai. On peut faire diligence quand on veut ; nous l'avons vu assez souvent.

Je déclare que chaque fois qu'on viendra nous proposer une discussion d'un projet de loi n'importe lequel, je demanderai la priorité pour la réforme de la milice.

MpVµ. - La Chambre statuera.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Messieurs, je n'ai pas d'observations à faire sur la proposition de {'honorable M, Orts. Si la Chambre décide qu'elle restera réunie quelques semaines encore et qu'on discutera le projet de loi sur les fraudes électorales, je suis aux ordres de la Chambre.

J'ai un mot à répondre à l'honorable M. Coomans, qui se plaint dans cette Chambre du retard qu'éprouve la discussion de la loi sur la milice. Je ferai observer à l'honorable membre que si le rapport sur ce projet de loi n'est pas fait, s'il n'est pas déposé et si la discussion n a pas encore eu lieu, c'est uniquement par la faute de l'honorable M. Coomans lui-même.

M. Coomans. - Moi !

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Oui, vous, et je vais vous le prouver ; car il faut que le pays sache la vérité sur ce point, il faut qu'il sache que c'est vous qui nous accusez constamment de ne pas discuter cette loi qui êtes cause qu'elle n'est pas discutée déjà.

M. Coomans. - Voyons un peu ?

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Vous allez voir cela et ce ne sera pas long ni bien difficile à vous démontrer.

A l'ouverture de la session actuelle, une proposition a été faite à la Chambre par mon honorable collègue M. le ministre des finances d'accord avec ses collègues et avec un grand nombre de membres de cette assemblée. Cette proposition avait pour objet de renvoyer aux anciennes sections centrales, qui auraient été constituées en commission spéciale et complétée tous les anciens projets de lois qui avaient déjà été examinés par des sections centrales, avant la dissolution.

M. Vander Donckt. - C'est très exact.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Sans doute et nos Annales sont là pour le prouver. Cette proposition n'avait d'autre but que d'accélérer la marche des travaux et de permettre la discussion de divers projets importants et spécialement celui de la milice.

En ce qui concerne cette loi, la section centrale avait terminé ses travaux ; le rapporteur était nommé ; le système de l'honorée M. Kervyn avait été examiné, et l'on aurait pu, dans un très bref délai, faire et déposer le rapport et discuter la loi.

Eh bien, qui s'est opposé à la proposition de mon collègue des finances ?

L'honorable M. Coomans ! et lui seul à peu près.

M. Coomans. — C'est bien la Chambre, j'espère.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Permettez. La Chambre presque tout entière était disposée à accepter la proposition de l'honorable ministre des finances et vous avez invoqué le règlement. Lorsqu'un seul membre s'oppose à ce que le règlement ne soit pas suivi, il faut que le règlement soit exécuté.

C'est donc vous seul qui avez empêché la Chambre de renvoyer ce projet à l'examen d'une commission spéciale et qui par conséquent avez mis le parlement dans l'impossibilité de discuter dans la session actuelle le projet de loi sur la milice.

MfFOµ. - M. Coomans n'a pas même été en section.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - On me fait observer que l'honorable M. Coomans n'a pas même été en section, Cela n'a pas empêché l'examen du projet de loi mais ce que je viens de constater, c’est que si le rapport n'est pas fait et déposé, si la discussion de la loi sur la milice est impossible dans cette session, c'est uniquement la faute de l'honorable M. Coomans.

M. Vleminckxµ. - L'honorable M. Coomans vient de dire à la Chambre que si le rapport sur le projet de loi relatif à la milice n'était pas déposé c'est parce qu'on n'avait pas voulu qu'il le fût.

Je tiens à constater qu'il n'y a pas un mot de vrai dans cette allégation.

En ce qui concerne la loi sur la milice, tous les membres de cette Chambre ont fait leur devoir, excepté M. Coomans.

Lui seul, lorsque nous avons discuté cette loi, la plus difficile peut-être que nous puissions avoir à faire, lui seul n'a pas assisté aux séances des sections.

M. Coomans. - C'est inexact.

M. Vleminckxµ. - C'est facile à constater ; on n'a qu'à prendre les procès-verbaux de nos séances. Vous avez assisté à une d'elles, c'es possible, mais les sections se sont réunies un grand nombre de fois et elles ont examiné la loi avec un soin tout particulier.

La section centrale s'est trouvée de nouveau en présence du système de l'honorable M. Kervyn. Ce système a été examiné sous toutes ses faces. L'honorable M. Coomans a des amis politiques dans cette section ; qu'il leur demande ce qui a été fait jusqu'à présent.

Il est vraiment inconcevable qu'un membre de cette Chambre n'ayant (page 1174) pas la moindre idée du travail que l'examen de la loi sur la milice a occasionné, vienne reprocher à ses collègues dévoués et assidus de ne pas faire leur devoir !

La section centrale a fait son devoir et l'a accompli dans toute son étendue. Demain encore elle doit se réunir, et il est probable qu'elle pourra arrêter sa dernière résolution ; mais, quant au rapport lui-même, il est tellement difficile à faire, que je défierais l'honorable M. Coomans, avec tous les éléments sous la main, de le déposer avant la session prochaine.

M. Moreau. - Messieurs, l'honorable M. Vleminckx a parfaitement rempli la tâche que je m'étais imposée ; je ne voulais pas laisser passer sous silence le reproche que l'honorable M. Coomans a adressé à la section centrale.

La section centrale est composée de membres de la droite comme de membres de la gauche ; tous ont fait preuve d'une très grande assiduité. Ils se sont réunis plus de trente fois, non pas pendant une heure, mais pendant deux et trois heures.

Je trouve donc véritablement étrange le reproche que l'honorable M. Coomans adresse à ses collègues.

M. Coomans. - Les prétextes, messieurs, sont faits pour s'en servir. Nous sommes devant un fait brutal. La Constitution exige depuis 1831 la réforme de notre législation militaire. (Interruption.)

Laissez-moi parler. Je déclare que j’expliquerai mieux ma pensée que vous.

MpVµ. - Nous sommes dans la motion d'ordre de M. Orts.

M. Coomans. - Il me convient de répondre à des attaques injustes, inexactes dont je suis l'objet.

(page 1177) J'userai de ce droit, qui, jusqu'à un certain point, est un devoir.

Je dis que nous nous trouvons devant un fait brutal, la violation de la Constitution. On me répond que c'est moi qui en suis cause ; que c'est à moi que les 10,000 victimes annuelles de la milice forcée doivent s'en prendre si nous n'avons pas cette année la réforme de cette institution. Je suis l'âne de la fable des Animaux malades de la peste, de la peste de l'absentéisme et des longues vacances parlementaires. Cela est trop fort. D'abord il n'est pas vrai que je n'ai pas assisté à l'examen du projet en section...

- Une voix. - De quel projet ?

M. Coomans. - Du projet dont nous nous occupons.

- Une voix. - Mais quand ? l'année passée.

M. Coomans. - Bien entendu, et cette année aussi je me suis rendu en section, j'ai posé mes questions de principe, j'ai été éconduit et je n'ai pas jugé nécessaire dès lors de contribuer au reste de la discussion (interruption) ; à quoi bon fatiguer ma section d'observations qu'elle ne voulait pas admettre ? D'ailleurs en m'abstenant de prendre part à toutes les séances de ma section je n'ai pas contribué à retarder l'examen du projet.

M. Orts. - Au contraire !

M. Coomans. - Oui, au contraire, en m'abstenant de prendre part aux séances j'ai dû plutôt faciliter le travail des sections et celui de la section centrale, car il est vraisemblable que si ma section m'avait nommé rapporteur à la section centrale, le travail de celle-ci aurait été plus long.

- Une voix. - Mais de quoi vous plaignez-vous alors ?

M. Coomans. - De quoi je me plains ? Je me plains de ce que le projet présenté dès les premiers jours de notre réunion, l'an dernier, n'ait été livré aux membres de la Chambre que six semaines après (c'est facile à vérifier), et n'ait été soumis à l'examen des sections que deux mois après.

Si l'on avait eu hâte d'aboutir, le projet eût été imprimé en huit jours, discuté en sections deux mois plus tôt, et la section centrale eût pu ainsi nous présenter son rapport depuis longtemps.

J'ai à répondre maintenant à M. le ministre de l'intérieur, qui m'accuse plus particulièrement d'être la cause de ce que j'appelle un déni de justice. C'est moi, dit-il, qui ai empêché l'ancienne section centrale, celle qui était morte, de travailler. Mais, pourquoi l’ai-je fait ? Parce que j'avais des raisons d'être très mécontent de l'ancienne section centrale et que j'espérais qu'une section centrale, issue d'une nouvelle Chambre, aurait écouté avec plus de bienveillance les observations que j'avais à lui faire.

Mais la vérité, vous la sentez ! la vérité est que si on l'avait voulu sérieusement, nous aurions été saisis du projet en temps utile ; la vérité est que si la section centrale voulait hâter son travail, elle pourrait nous le soumettre d'ici en huit jours et que si nous voulions montrer tous un peu de bonne volonté nous prolongerions nos travaux jusqu'à ce que notre devoir fût accompli.

Je ne m'oppose pas à la motion d'ordre de M. Orts ; il y a encore d'autres projets que je voudrais voir voter avant les vacances, mais j'insiste auprès de la Chambre pour qu'elle ait égard à ma demande, qui est de prier la section centrale de hâter la présentation de son rapport et de décider que nous le discuterons avant de nous séparer.

(page 1174) MfFOµ. - Messieurs, il y a une chose dont le pays sera convaincu : c'est que nous aurions pu nous occuper d'autres travaux que ceux auxquels nous nous sommes livrés, si nous n'avions pas été absorbés si souvent par des discussions oiseuses comme celle que l'on vient encore de soulever. (Interruption.) Je m'en rapporte au sentiment du pays sur ce point.

Quoi qu'il en soit, je crois devoir demander à la Chambre de placer un objet qui est à son ordre du jour, immédiatement après le projet des travaux publics, et par conséquent avant le projet dont M. Orts vous a entretenu : c'est le traité de commerce avec la Prusse. Ce traité ne soulèvera, je pense, aucune difficulté, et il est indispensable qu'il soit voté le plus tôt possible.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Il y a encore un autre projet qui revêt un caractère d'urgence, c'est le projet de loi sur les jurys d'examen. Il est à désirer que le Sénat puisse le voter sans retard et il est probable qu'il s'ajournera à la fin de cette semaine. Je demanderai donc que le projet soit mis à l'ordre du jour même avant le traité de commerce conclu avec la Prusse.

- Adopté.

M. Dumortier. - L'honorable M. Orts demande qu'on mette à l'ordre du jour le projet de loi sur les fraudes électorales. Ce projet comporte au moins une quarantaine d'articles. Or, il est impossible qu'un projet semblable et qui touche de si près à la position des membres de cette Chambre ne prenne pas au moins à la Chambre un demi-mois, au moins. (Interruption.)

Vous ne discuterez pas en moyenne trois articles par jour. Eh bien, je le demande, pouvons-nous rester ici en permanence ? Je conçois que nos honorables collègues de Bruxelles consentent à siéger, mais les autres membres de l'assemblée ne se trouvent pas dans les mêmes conditions qu'eux.

Songez, messieurs, qu'il y a 8 mois que nous sommes éloignés de nos familles. Et puis ne vous faites pas illusion. Ne voyez-vous pas ce qui se passe ? On a grand-peine à réunir la Chambre, et l'autre jour encore nous n'étions pas en nombre. Et cela se conçoit. Si nous mettons la loi sur les fraudes électorales en discussion nous sommes tenus ici jusqu'au mois d'août et ainsi nous n'aurions pas de vacances.

Si le gouvernement tient absolument à ce que cette loi soit votée, il y a un moyen facile, qu'il convoque la Chambre un mois plus tôt. (Interruption.)

C'est la saison de la chasse, dit-on !

M. Crombez. - Qui dit cela ?

M. Dumortier. - J'entends dire cela autour de moi ; mais alors ceux qui ne sont pas chasseurs vont être victimes.

Eh bien, je demande à la Chambre de ne pas mettre à l'ordre du jour de cette session le projet de loi sur les fraudes électorales. Je demande que ce projet soit mis à l'ordre du jour de notre rentrée et que le gouvernement convoque la Chambre un mois plus tôt. (Interruption.)

Messieurs, vous n'avez aucune espèce d'indulgence pour vos collègues. Si c'est un parti pris, j'en suis désolé.

Veuillez remarquer que le Sénat ne pourra examiner ce projet dans cette session, que vous n'avez pas de renouvellement des Chambres avant un an, que par conséquent vous avez beaucoup de temps pour faire cette loi. Mais nous tenir ici jusqu'à la fin du mois d'août, je dis que c'est de l'inhumanité pour nos personnes. Vous avez vu les chaleurs qu'il a fait. Ces chaleurs se reproduiront très probablement. Vous allez nous tenir ici pendant ce temps L'honorable M. Vleminckx, qui crie contre les fièvres paludéennes, voudrait-il nous faire contracter des fièvres paludéennes au milieu de cette Chambre ?

De tous les côtés les parlements se séparent. Laissez aussi la Chambre se séparer, et Dieu merci ! quand nous avons été ici pendant huit mois entiers, ce n'est pas trop d'aller passer quelque temps dans nos familles.

Vous voulez éviter les fraudes électorales. Il y a quelque chose de plus important encore, c'est d'éviter de ne plus trouver de représentants pour accepter un mandat qui astreint à de pareilles obligations.

M. Vleminckxµ. - On en trouvera toujours.

M. Dumortier. - Vous pourriez bien en trouver comme vous ne voulez pas en avoir. Il est certain que peu de personnes consentiront à passer l'année hors de leur famille. Je dis que tel n'était pas le but du Congrès. Le Congrès avait voulu des sessions de six semaines... (Interruption.) Voyez la Constitution ; elle dit que la session devra avoir au moins 40 jours.

On avait donc prévu que les sessions pourraient n'avoir que cette durée. Je reconnais que cela n'est pas possible, mais je crois aussi que ds» sessions de huit mois sont plus que suffisantes.

Je vous en supplie, n'insistez pas.

M. Orts. - Vous avez eu des vacances.

M. Dumortier. - Nous avons eu quinze jours à Pâques.

M. Orts. - Et vous avez le lundi.

M. Dumortier. - Eh bien, supprimez le lundi et commençons, comme autrefois, les séances à midi. Mais ne tenez pas ici les députés pendant l'année entière.

M. de Naeyer. - Personnellement, je n'ai aucun motif bien grave pour m'opposer à la motion de l'honorable M. Orts ; mais je crois devoir attirer un moment votre attention sur la portée de cette motion.

Je crois que nous sommes tous d'accord pour considérer le projet de loi sur les fraudes électorales comme très important et je pense que nous devons vouloir, parce que la dignité de la Chambre l'exige, que la discussion que nous aurons à ce sujet soit sérieuse, approfondie et complète. Or, cela est-il encore possible à la fin d'une session qui a déjà eu une certaine longueur ? Avec l'expérience que j'ai acquise des travaux de la Chambre, je n'hésite pas à répondre négativement.

Messieurs, voici ce qui a eu lieu en section centrale. Si je ne me trompe, nous avons été réunis au moins vingt fois, si pas vingt-cinq, et plusieurs de nos séances ont duré jusqu'à trois heures. Cependant je dois ajouter qu'il y a une foule de questions qui sont traitées d'une manière très développée dans le rapport et qui n'ont guère été qu'effleurées au sein de la section centrale. Je ne serai, je crois, démenti, à cet égard, par personne.

Maintenant, faites le calcul : si la section centrale pour examiner seulement le projet lui-même et sans discuter sérieusement des questions déjà soulevées dans le rapport qui surgiront nécessairement à la Chambre, a déjà consacré 20 à 25 séances de 2 à 3 heures à cet examen, il me paraît certain que la Chambre, si elle veut examiner le projet sérieusement et ne pas étouffer la discussion, ce qui serait indigne d'elle, en aura au moins jusqu'à la fin du mois d'août.

Quant à moi, cela ne me dérange pas énormément. Je puis m'y prêter, mais est-il raisonnable d'exiger d'un très grand nombre de membres de cette Chambre un sacrifice de temps aussi considérable et pouvez-vous espérer d'avoir dans de telles conditions une discussion proportionnée à l'importance des questions qu'il s'agit de résoudre ? Il me paraît évident que non.

M. Hymans. - Je crois que tous les arguments qu'on a fait valoir contre la proposition de l'honorable M. Orts tombent devant la nécessité évidente et incontestable de discuter encore dans cette session la loi sur les fraudes électorales.

Messieurs, nous sommes saisis, depuis le commencement de la session actuelle, de trois projets de la plus haute importance : le projet de loi sur la milice, le projet de loi sur le temporel des cultes et le projet de loi sur les fraudes électorales.

(page 1175) Je crois qu'il est indispensable que nous discutions au moins une de ces lois dans la session actuelle et je dirai à l'honorable M. Coomans que c'est précisément parce que nous ne pouvons examiner la loi sur la milice, et parce que nous ne pouvons voter la loi sur le temporel des cultes, les rapports n'étant pas prêts, que nous voulons au moins discuter la loi sur les fraudes électorales.

Il y a des raisons spéciales pour que nous discutions cette loi dans la session actuelle.

Tout le monde est d'accord sur le caractère de nécessité absolue de cette loi.

Dès lors, pouvons-nous admettre que l'on fasse encore des élections sous le régime de la loi actuelle, sans avoir remédié à des maux que tout le monde constate et proclame depuis de longues années ? (Interruption de M. Dumortier.)

L'honorable M. Dumortier croit que la loi est inutile. Dès lors, on comprend qu'il ne tient pas à ce qu'on la discute. Mais l'immense majorité de la Chambre est convaincue que cette loi est nécessaire, qu'elle est urgente.

Le Roi l'a dit dans le discours du trône à l'ouverture de la session de 1861. La Chambre, dans son adresse, a répondu au Roi, qu'il y allait de la dignité de la Chambre et de l'honneur du pays. Et nous permettrions que des élections se fissent encore sans modifier une loi aux termes de laquelle on reconnaît que les élections ne sont pas sincères !

Cela n'est pas possible.

M. Thibaut. - Il n'est pas question de cela.

M. Hymans. - Pour que la loi soit appliquée l'année prochaine, il est évident qu'elle doit être examinée dans cette session. Comment voulez-vous qu'il en soit autrement ? La Chambre n'a encore voté aucun budget important. Vous aurez, au commencement de la session prochaine, peut-être une adresse à discuter. Vous aurez à vous occuper des budgets, et entre autres du budget de la guerre qui donnera lieu à une discussion très longue, parce que vous serez saisis d'un rapport sur lequel on nous promet des discours très longs et très approfondis.

Gomment, dès lors, arriveriez-vous à faire une nouvelle loi avant la révision des listes électorales ? Ce serait évidemment impossible.

Ajoutez à cela que si vous ne discutez la loi qu'à la session prochaine, la longueur de la discussion se ressentira des plus grandes facilités que vous croirez avoir, tandis que, dans cette session, la discussion sera plus courte à cause du temps qu'a déjà duré la session et du désir qu'on a de la voir se terminer. Mais quand vous aurez examiné la loi, il faudra encore attendre que le Sénat l'ait discutée et votée. Le Sénat peut l'amender et nous la retourner. Vous comprenez dès lors qu'il est impossible qu'elle soit appliquée l'année prochaine, si elle n'est pas discutée dans cette session. C'est une raison péremptoire pour que nous nous en occupions et je répète qu'il ne serait pas de la dignité de la Chambre de s'ajourner, de terminer cette campagne, sans avoir voté une seule des lois importantes que lui a soumises le gouvernement au début de la session.

- La discussion est close.

MpVµ. - Je mets aux voix la proposition de M. Orts.

- Plusieurs membres. - L'appel nominal !

- La proposition de M. Orts est mise aux voix par appel nominal.

71 membres prennent part à cette opération.

59 membres répondent oui.

11 membres répondent non.

1 membre (M. de Haerne), s'abstient.

En conséquence la Chambre adopte.

L'objet sera porté à l'ordre du jour en quatrième lieu, conformément à ce qui a été décidé provisoirement tout à l'heure.

Ont répondu oui :

MM. Jamar, J. Jouret, M. Jouret, Lange, Lebeau, Le Hardy de Beaulieu, Lelièvre, Lesoinne, Lippens, Mascart, Moreau, Mouton, Muller Nélis, Orban, Orts, Reynaert, Rogier, Thonissen, T'Serstevens, Valckenaere, Alp. Vandenpeereboom, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Vleminckx, Warocqué, Allard, Bara, Bricoult, Coomans, Couvreur, Crombez, David, Debaets, de Baillet-Latour, C. de Bast, de Conninck, de Florisone, De Fré, de Kerchove, de Macar, de Moor, de Muelenaere, de Rongé, de Terbecq, Dewandre, Dolez, Dupont, Elias, Frère-Orban, Funck, Giroult, Goblet, Grosfils, Guillery, Hymans, Jacquemyns et Ernest Vandenpeereboom.

Ont répondu non :

MM. Landeloos, Snoy, Tack, Thibaut, Vander Donckt, Van Wambeke, Verwilghen, Delcour, de Naeyer, Dumortier et Hayez.

MpVµ. - M. de Haerne, qui s'est abstenu, est prié de faire connaître les motifs de son abstention.

M. de Haerne. - Messieurs, je ne suis pas opposé à ce qu'on mette à l'ordre du jour le projet de loi dont il s'agit ; j'y suis d'autant moins opposé qu'à mon avis, il est désirable, à tous les points de vue, que la question soit vidée le plus tôt possible. Mais, d'un autre côté, l'expérience m'a appris qu'il est très difficile de réunir, dans cette saison de l'année, un nombre suffisant de membres pour que la Chambre puisse délibérer ; il est donc à craindre qu'on n'aboutisse pas.

Voilà pourquoi j'ai cru devoir m'abstenir.

M. Guillery. - Je pense qu'il est bien entendu, d'après les propositions qui ont été faites, qu'après la discussion du projet de loi sur les travaux publics, viendra le traité avec la Prusse, puis le projet de loi sur les jurys d'examen.

MpVµ. - Voici ce qui a été provisoirement décidé ; après le vote du projet de loi sur les travaux publics viendront successivement :

1° Le projet de loi sur les jurys d'examen ;

2° Le traité avec la Prusse ;

3° Le projet de loi sur les étrangers ;

4° Le projet de loi sur les fraudes électorales.

Y a-t-il de l'opposition à ce que l'ordre du jour soit ainsi fixé ? (Non ! non !) Il en sera donc ainsi.

Projet de loi autorisant le gouvernement à généraliser les dispositions conventionnelles en matière de douanes, et complétant en même temps la réforme du tarif

Dépôt

MfFOµ. - Messieurs, d'après les ordres du Roi, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre :

1° Un projet de loi autorisant le gouvernement à généraliser les dispositions conventionnelles en matière de douanes, et complétant en même temps la réforme du tarif ;

Projet de loi accordant des crédits au budget du ministère des travaux publics

Dépôt

2° Un projet de loi ouvrant au département des travaux publics divers crédits supplémentaires, s'élevant ensemble à 885,032 fr. 35 c. pour solder des dépenses se rattachant aux exercices 1864 et antérieurs.

3° Un projet de loi ouvrant au même département plusieurs crédits spéciaux à concurrence de 449,000 francs, pour couvrir des insuffisances d'allocations concernant divers travaux d'utilité publique ;

4° Un projet de loi ouvrant au même département un crédit extraordinaire de 80,000 francs pour l'acquisition et l'appropriation d'un immeuble destiné au service des postes, etc., dans la ville de Mons.

- Impression, distribution et renvoi à l'examen des sections.

La suite de la discussion des articles du projet de loi sur les travaux publics est remise à demain 2 heures.

- La séance est levée à 5 heures.