(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1864-1865)
(Présidence de M. E. Vandenpeereboom.)
(page 1019) M. Thienpont, secrétaire, procède à l'appel nominal à 2 h.
M. Van Humbeeck, secrétaireµ, fait lecture du procès-verbal de la dernière séance.
- La rédaction en est approuvée.
M. Thienpont, secrétaire., présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.
« Le sieur Charles Roque Anastase Collinus, employé à la légation de Belgique à Constantinople, né à Nikdé (Asie Mineure), demande la naturalisation ordinaire. »
- Renvoi au ministre de la justice.
« Le sieur Vanden Broeck prie la Chambre d'augmenter de beaucoup la somme portée au projet de loi de travaux publics pour l'amélioration de la voirie vicinale. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.
« Le sieur Stassin réclame contre la décision par suite de laquelle son fils Alphonse a été incorporé dans l'année, »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Des cantonniers dans le canton d'Achel demandent que leurs traitements soient augmentés et qu'ils puissent obtenir une pension. »
- Même renvoi.
« Le conseil communal d'Aubel prie la Chambre d'accorder aux sieurs Vander Elst la concession d'un chemin de fer de Mons à Aix-la-Chapelle par Aubel ou d'imposer au sieur Pousset, si la ligne qu'il sollicite devait être préférée, l'obligation delà faire passer par Aubel. »
-- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Alboort, brigadier des douanes, demande une récompense pour la part qu'il a prise aux combats de la révolution. »
- Même renvoi.
« Le conseil communal de Chièvres prie la Chambre d'accorder au sieur Dincq la concession d'un chemin de fer de Jemmapes et de Saint-Ghislain âAth, par Baudour et Chièvres. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi des travaux publics.
« Des habitants de Velthem-Beysse.il demandent le prompt achèvement du chemin de fer direct ds Bruxelles à Louvain. »
- Même dépôt.
« Les membres de l'administration communale et des habitants d'Itegem demandent qu'on adopte le système des barrages et des écluses pour les travaux d'amélioration de la Grande-Nèthe. »
- Même dépôt.
« M. Keller fait hommage à la Chambre des pians relatifs au tracé de la ligne et aux diverses stations de la jonction directe des lignes du Nord et du Midi, à Bruxelles, et de 110 exemplaires d'un livret explicatif. »
- Distribution et dépôt.
MpVµ. - Le premier article amendé est l'article premier. Il est ainsi conçu :
« Les crimes et délits commis par un ministre hors de l'exercice de ses fonctions sont déférés à la cour de cassation, chambres réunies.
« Par dérogation à l'article 27 de la loi du 4 août 1832, le nombre de quatorze membres au moins est nécessaire pour que la cour puisse rendre arrêt.
MjTµ. - Je pense qu'il serait préférable de faire au second paragraphe de l'article premier un article à part qui viendrait se placer entre les articles 7 et 8.
Dans l'article 7 il s'agit des formalités qui devront être observées par la cour de cassation ; la composition de la cour pourrait, me semble-t-il, faire l'objet de l'article suivant. Je proposerai de rédiger l'article de cette manière :
« Par dérogation au dernier paragraphe de l'article 27 de la loi du 4 août 1832, le nombre de membres nécessaire pour que la cour de cassation puisse rendre arrêt est réduit à 14. »
M. Delcour, rapporteurµ. - Messieurs, le changement que propose M. le ministre de la justice ne me paraît pas susceptible rencontrer la moindre difficulté. Il vaut en effet beaucoup mieux que le paragraphe 2 de l'article premier fasse l'objet d'une disposition spéciale. Le paragraphe, tel qu'il a été d'abord voté, laisse à désirer, quant à sa rédaction.
On pourrait croire que 1a Chambre a voulu augmenter le nombre des conseillers de la cour de cassation lorsque cette cour est appelée à juger les ministres ; la vérité est qu'il a fallu réduire le nombre des membres fixé par la loi organique de l'ordre judiciaire.
L'amendement de M. le ministre de la justice a pour but de faire droit à ces deux points. Je m'y rallie comme membre de la Chambre et en qualité de rapporteur.
M. Guillery. - Messieurs, je n'ai pas demandé la parole pour combattre la proposition de l'honorable ministre de la justice. Je trouve au contraire que cette proposition se justifie parfaitement par les considérations qui viennent d'être développées.
Je désire appeler l'attention de la Chambre et du gouvernement sur le chiffre de quatorze.
La cour de cassation pourra déléguer, déléguera quelquefois pour l'instruction un ou deux de ses membres. Il peut aussi y avoir un ou deux membres malades.
On a dit dans la discussion, ce qui du reste n'est pas rigoureusement exact, que les membres chargés de l'instruction ne pourraient pas siéger lors du jugement. Je dis que cela n'est pas rigoureusement exact, parce qu'il n'y aurait aucun inconvénient à ce que les magistrats instructeurs prissent part au jugement.
En matière correctionnelle, le juge d'instruction peut faire partie du tribunal et la loi qui nous occupe est faite pour une affaire correctionnelle, puisqu'il est convenu qu'elle n'aura qu'une année de durée.
Si en matière criminelle on ne permet pas à l'un des membres de la Chambre des mises en accusation de faire partie de la cour d'assises cela peut s'expliquer par le petit nombre des membres de la. cour d'assises eu égard à l'importance de 1'affaire. Le nombre est de 3 ; il était autrefois de cinq. Mais, dans une cour composée de 12 à 16 membres, je ne verrais aucun inconvénient à ce que les magistrats instructeurs fissent partie de la cour de jugement.
MpVµ. - Il s'agit en ce moment de la proposition de postposer le deuxième paragraphe de l’article premier, afin d'en faire un article 8 nouveau. Ne vaudrait-il pas mieux, M. Guillery, de présenter vos observations lorsque nous serons arrivés à cet article,
- Des membres. - Laissez-le continuer.
MpVµ. - La parole vous est continuée, M. Guillery.
M. Guillery. - Je répète donc que je ne vois pas d'inconvénient à ce que les magistrats instructeurs fassent partie de la cour qui jugera un ministre prévenu. Mais j'admets qu'ils en feront partie et, dans ce cas j'appelle l'attention du gouvernement et de la commission sur le point de savoir s'il ne vaudrait pas mieux fixer à douze le nombre des conseillers ou de ne pas fixer de minimum en laissant à la cour le soin de décider ce qu'il conviendra de faire. (Interruption.) Il peut arriver que des magistrats âgés soient indisposés, et il serait malheureux de voir par ce motif la justice entravée.
MjTµ. - Je ne crois pas qu'il soit absolument exact de dire que les membres de la cour de cassation qui auront pris part à l'instruction ne pourront pas siéger. L'article 7 porte : « La cour de cassation observe les formes prescrites par le code d'instruction criminelle. » Cet article me paraît signifier que les membres de la cour de cassation qui auront pris part à l'instruction pourront participer au jugement lorsqu'il s'agira d'une affaire correctionnelle, mais qu'ils ne le pourront plus lorsqu'il s'agira d'une affaire criminelle.
Le nombre des conseillers est de 17, il n'est guère probable que la cour déléguera plus d'un de ses membres pour faire l'instruction. Mais en supposant qu’elle en délègue deux, il y aurait encore un conseiller de plus que le nombre nécessaire.
S'il arrivait que plusieurs membres de la cour fussent malades, il faudrait bien attendre ; mais ce sera évidemment un cas tout à fait exceptionnel ; (erratum, page 1021) il y aurait d'ailleurs plus d'inconvénient à ne pas fixer le nombre de conseillers en laissant ce soin à la cour ou à fixer ce nombre à 12, car, dans ce dernier cas, la cour ne siégerait plus chambres.
Je crois donc que l'on peut maintenir la disposition.
(page 1020) M. Lelièvre. - En ce qui me concerne, je ne vois aucun inconvénient à ce que le conseiller qui aura procédé à l'information intervienne au jugement, soit qu'il s’agisse d'une affaire correctionnelle, soit qu'il s'agisse d'une affaire criminelle. En effet, remarquez que dans l'espèce il n'interviendra aucun arrêt de mise en prévention ou de mise en accusation, de sorte que le magistrat instructeur n'aura pas encore eu occasion de manifester son opinion.
Dans les affaires criminelles, le juge instructeur et le magistrat qui sont intervenus lors de l'arrêt d'accusation ne peuvent siéger à la cour d'assises, parce qu'ils sont intervenus dans des décisions qui forment un préjugé défavorable au prévenu. Le juge d'instruction a figuré dans l'ordonnance de la Chambre du conseil, et il a ainsi concouru à une décision préjugeant le fond ; mais dans l'espèce, il n'intervient aucun arrêt préparatoire, de sorte qu'à mon avis les conseillers instructeurs peuvent parfaitement siéger lors d'un jugement définitif.
MjTµ. - Ce serait une nouvelle procédure.
- La transposition proposée est mise aux voix et adoptée.
« Art. 2. L'instruction ne peut être commencée ni la poursuite intentée sans l'autorisation de la Chambre des représentants.
« Sauf le cas prévu par le paragraphe premier de l'article 41 du Code d'instruction criminelle, l'arrestation préventive d'un ministre ne peut être opérée qu'avec la même autorisation.
« Si le ministre est membre du Sénat, la poursuite et l'arrestation ne peuvent avoir lieu, pendant la durée de la session, qu'avec l'autorisation de cette assemblée. »
- Adopté.
« Art. 8 (nouveau). Par dérogation au dernier paragraphe de l'article 27 de la loi du 4 août 1832, le nombre des membres nécessaires pour que la cour de cassation puisse rendre arrêt est réduit à 14. »
M. Guillery. - Je ne veux pas faire de proposition, je veux seulement expliquer ce que j'ai dit tantôt.
Il avait été dit dans la discussion, et je crois, pour justifier la réduction au chiffre 14, que les magistrats instructeurs ne pourraient pas faire partie de la cour. Maintenant, M. le ministre de la justice déclare qu'il faut s'en référer aux principes généraux. Je crois que cela est parfaitement juste et dès lors la première partie de mon objection vient à tomber.
Quant au nombre minimum des conseillers, je ferai remarquer qu'il n'y a pas ici le même intérêt, les mêmes raisons de décider que lorsque la cour siège chambres réunies en matières civiles ou criminelles. Pourquoi a-t-on fixé le nombre des conseillers nécessaire pour former les chambres réunies ? C'est parce que l'une des chambres s’est déjà prononcée sur la question et que, dès lors, pour avoir une garantie, on a voulu que les membres qui n'avaient pas connu de l'affaire fussent en majorité.
Mais ici il s'agit d'une affaire qui se présente pour la première fois devant la cour ; par conséquent la question du nombre n'a pas la même importance. Et, soit dit en passant, ceci montre une fois de plus que les magistrats instructeurs peuvent parfaitement faire partie de la cour de cassation qui jugera.
Du reste, si l'on croit pouvoir sans danger fixer le nombre des conseillers à 14, je n'insiste pas ; il m'aura suffi d'appeler sur ce point l'attention du gouvernement et de la commission.
- La modification est adoptée.
MpVµ. - L'article 8, qui devient l'article 9, n'a subi aucun changement.
« A l'art. 10, il a été convenu qu'il pourrait y avoir un changement de rédaction. Voici comment on propose de rédiger l'article 10 nouveau :
« La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa publication. Elle sera applicable à toutes les infractions commises avant cette date, mais dont les poursuites ne seraient pas encore commencées.
« Elle n'aura d'effet que pour le terme d'une année. »
M. Lelièvre. - A l'occasion des articles 8 et 9 en discussion, je dois adresser une question à l'honorable rapporteur. Qu'entend-on par les contraventions commises par les ministres ? S'agit-il de tous les faits qui, aujourd'hui, sont du ressort des tribunaux de simple police ? Ceux-ci, comme l'on sait, connaissent, aux termes de la loi du 1er mai 1849 et d'autres lois spéciales, de faits qui peuvent être punis d'un emprisonnement dont la durée n'excède pas huit jours d'emprisonnement et deux cents francs d'amende. Eh bien, les faits dont je viens de parler seront-ils considérés comme contravention et déférés aux tribunaux de simple police ou bien à la cour de cassation ? Le code pénal ne considère comme contraventions que les faits punis d'un emprisonnement qui ue peut excéder cinq jours et d'une amende qui ne peut dépasser quinze francs. Mais la loi de 1849 et d'autres lois postérieures ont étendu la compétence des tribunaux de simple police. Je désire donc savoir si pour tous ces faits l'on maintiendra à l'égard des ministres la juridiction de simple police comme à l'égard des autres citoyens.
M. Delcour, rapporteurµ. - Messieurs, dans l'article premier, il est parlé des crimes et délits ; à l'article 8, il est parlé des contraventions. Quant aux contraventions, nous les maintenons sous l'empire de la loi commune.
Le projet est complet et le texte est aussi clair que possible.
Nous avons employé la terminologie légale. En parlant des crimes, délits et contraventions, nous avons compris les diverses espèces d'infractions telles qu'elles existent dans l'ordre légal.
Je pense, messieurs, que le projet de loi est parfaitement clair sur la question que vient de poser l'honorable M. Lelièvre.
MjTµ. - Messieurs, si j'ai bien entendu, la nouvelle rédaction qu'on propose maintient le premier paragraphe tel qu'il est....
M. De Fré. - Pardon, M. le ministre, j’ai envoyé au bureau une nouvelle rédaction dont il va être donné lecture.
MpVµ. - Voici la nouvelle rédaction proposée par M. De Fré.
« La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa publication et n'aura d'effet que pour le terme d'une année. Elle sera applicable, etc. (comme dans le texte adopté au premier vote). »
MjTµ. - Messieurs, je crois qu'on pourrait rédiger l'article 10 de la manière suivante :
« La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa publication et n'aura d'effet que pour le terme d'une année. Elle sera applicable à toutes les infractions commises avant cette publication, mais dont les poursuites ne seraient pas encore commencées. »
- L'article 10, ainsi rédigé est mis aux voix et définitivement adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur le projet de loi.
95 membres sont présents.
63 votent pour le projet de loi.
25 votent contre.
7 s'abstiennent.
En conséquence, le projet de loi est adopté ; il sera transmis au Sénat.
Ont voté l'adoption ;
MM. Grosfils, Hymans, Jamar, J. Jouret, M. Jouret, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Landeloos, Lange, Lebeau, Lesoinne, Mascart, Moreau, Muller, Orban, Orts, Pirmez, Rodenbach, Rogier, Royer de Behr, Sabatier, Snoy, Tack, Tesch, T'Serstevens, Valckenaere, Alp. Vandenpeereboom, Vanderstichelen, Van Hoorde, Van Humbeeck, Van Iseghem, Vleminckx, Warocqué, Allard, Ansiau, Bara, Bouvier-Evenepoel, Carlier, Crombez, David, de Baillet-Latour, de Brouckere, de Decker, de Florisone, De Fré, de Haerne, de Kerchove, Delcour, de Macar, de Mérode, de Moor, de Rongé, de Ruddere de te Lokeren, de Terbecq, de Theux, de Vrière, Devroede, Dewandre, Dolez, d'Ursel, Elias, Frère-Orban et Ernest Vandenpeereboom.
Ont volé le rejet :
MM. Goblet, Guillery, Hayez, Jacobs, Janssens, Laubry, Le Hardy de Beaulieu, Lelièvre, Moncheur, Notelteirs, Reynaert, Thienpont, Thonissen, Vander Donckt, Van Overloop, Van Wambeke, Wasseige, Beeckman, Bricoult, Coomans, Couvreur, de Borchgrave, de Muelenaere, d'Hane-Steenhuyse et Funck.
Se sont abstenus :
MM. Nothomb, Thibaut, Vilain XIIII, Delaet, de Naeyer, de Smedt et Dumortier.
MpVµ. - Les membres qui se sont abstenus sont invités à faire connaître les motifs de leur abstention.
M. Nothomb. - Si je n'avais pas eu à garder dans ce débat une réserve personnelle dont je ne me suis départi qu'en votant sur une question de principe, j'aurais discuté et énergiquement combattu le projet de loi.
Je. n'ai donc pu le voter, car, je le trouve défectueux à plus d'un titre et particulièrement pour les motifs suivants :
Parce qu'il méconnaît, selon moi, un principe constitutionnel, garantie essentielle pour tous les citoyens, le jugement du jury pour tous les crimes du droit commun ;
Parce qu'il attribue à la cour de cassation compétence pour des infractions ordinaires que, ni par son texte ni certainement pas par son esprit la Constitution n'a pas voulu soumettre à la cour de cassation ;
Parce que le projet dénature le caractère de la cour de cassation en lui attribuant, sans motif péremptoire, la connaissance du fond d'une certaine catégorie d'affaires ;
(page 1021) Parce qu'il renferme des dispositions qui impliquent Ja confusion des pouvoirs et fera naître, si ces dispositions devaient prévaloir, des difficultés pratiques, dont on s'apercevra plus tard, et qui ne sont d'aucune solution juridique ;
Parce qu'au lieu de se rapprocher du droit commun, le projet s'en éloigne sans raisons suffisantes et élargit ainsi le cercle des exceptions contrairement à l'esprit de nos institutions, dont l'égalité des citoyens devant la loi est une des bases fondamentales.
Enfin, je n'ai pas approuvé le projet, parce que j'ai été et je reste le partisan convaincu, au moins comme mesure transitoire, du système proposé par mon honorable ami, M. Van Overloop, système rationnel, respectant tous les principes de notre législation et d'une application facile en attendant la révision du code d'instruction criminelle.
Je n'ai pas voté contre le projet de loi par un sentiment que la Chambre comprendra, sans que j'aie besoin de préciser.
M. Thibaut. - La Chambre devait sortir d'une manière quelconque de la position fâcheuse où elle se trouvait. C est pour cela que je n'ai pas voté contre la loi. Je n'ai pas voté pour la loi, parce que pendant la discussion s'est produite une proposition à laquelle j'ai donné mon assentiment et que je persiste à préférer au projet qui vient d'être adopté.
M. Vilain XIIII. - Je n'ai pas voté contre le projet parce qu'il fallait une solution au fait du 8 avril ; je n'ai pas voté pour le projet parce que j'aurais été obligé de donner un démenti aux opinions que j'ai exprimées au Congrès et aux votes que j'y ai émis.
M. Delaetµ. - Je me suis abstenu pour les motifs déduits par mon honorable ami M. Nothomb, de la formule desquels nous étions convenus d'avance. J'ai pourtant quelques considérations à y ajouter. Il y a dans la compétence accordée à la cour de cassation et même dans le maintien du décret du 20 avril 1810, un fait qui me semble directement en opposition avec le principe même de notre droit public national : Dans un Etat monarchique pur, où le monarque possède la souveraineté absolue et par conséquent résuma en lui seul toute dignité, il peut déléguer cette dignité à qui il lui plaît et dans la mesure qu'il lui plaît. Mais dans un Etat constitutionnel, où tous les pouvoirs émanent de la nation souveraine, la dignité appartient à l'état absolu à chaque citoyen et toute distinction faite dans la dignité est une atteinte portée à la base même du droit public. Pour chacun la dignité est de droit absolu, et il ne peut y avoir de degrés dans l'absolu.
Par conséquent j'adhère sans réserve à l'avis de mon honorable ami M. Jacobs et je crois que nous ne rentrerons dans la vérité constitutionnelle que le jour où le droit commun sera décrété pour tout le monde par le retrait de la loi actuelle, comme par l'abrogation du décret-loi du 20 avril 1810 et des article 479 et suivants du code d'instruction criminelle.
M. de Naeyer. - Messieurs, je n'ai pas voté contre le projet de loi parce que, en tenant compte de l'opinion de la minorité de la Chambre et de l'opinion du gouvernement, j'ai dû considérer la proposition qui nous était faite comme le seul moyen de rendre à la justice son libre cours. D'un autre côté, le projet, dans ma manière de voir, est trop contraire à l'esprit de nos institutions et à nos mœurs profondément démocratiques pour que j'aie pu lui donner mon assentiment.
M. de Smedt. - Je n'ai pas voté contre le projet de loi, parce que je n'ai pas voulu qu'on eût un motif pour laisser impuni le fait du 8 avril. Je n'ai pas voté pour le projet de loi, par les considérations que M. Nothomb a nettement développées dans son abstention.
M. Dumortier. - Messieurs, tous les membres qui viennent de parler sur leur abstention, ont donné les motifs pour lesquels je n'ai pas voté contre le projet.
Quant aux motifs pour lesquels je n'ai pas voté pour le projet, c'est que je ne pouvais pas admettre que pour les crimes et délits de droit commun il faille que la Chambre donne son autorisation à la poursuite. Au moyen de cette autorisation, je regarde la loi que nous avons votée, non pas comme une loi de responsabilité, mais comme une loi d'irresponsabilité ministérielle.
MpVµ. - Le bureau a reçu la lettre suivante :
« M. le président,
« Des devoirs impérieux de famille me forcent de demander un congé à la Chambre et ne me permettent pas d'assister à la séance.
« Je ne puis donc être présent au vote définitif du projet de loi relatif aux délits commis par les ministres hors de l'exercice de leurs fonctions.
« Les circonstances particulières dans lesquelles je me trouve à l'égard de ce projet de loi avec d'autres de mes honorables collègues ne me laissaient d'autre alternative que celle d'une abstention, et je me rallie aux motifs que M. Nothomb donnera pour justifier la sienne, dont j'accepte l'esprit et les termes.
« Comte de Liedekerke. »
M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Messieurs, d'après les ordres du Roi, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau le traité de commerce conclu le 22 mai 1865 entre la Belgique èt la Prusse, agissant tant en son nom qu'au nom des Etats composant l'Union allemande.
- Il est donné acte au ministre de ce dépôt.
Le traité sera imprimé et distribué et renvoyé à l'examen des sections.
M. Thienpont. - J'approuve, messieurs, dans leur ensemble les nombreux travaux d'utilité publique dont nous nous occupons, tout en exprimant cependant le vif regret qu'aucune part de bénéfice ne soit réservée à l'arrondissement d'Audenarde qui, sans contredit, est un des arrondissements les plus importants du pays. Y contribuant largement de ses deniers, il méritait une large part au gâteau.
Je constate à regret l'absence de cette part et, sans entrer dans d'autres détails, je saisis le moment de cette discussion pour appeler l'attention de l'honorable ministre sur certains travaux votés à une autre époque. J'ose espérer que l'exécution de ces travaux ne restera plus longtemps en souffrance et qu'à cet effet son puissant concours ne fera pas défaut. Plusieurs cantons riches et populeux, encore privés des voies rapides de communication, attendent avec impatience ; ils appellent de tous leurs voeux le moment d'être reliés à ces voies et de profiter des avantages qui y sont attachés.
Les routes de Grammont à Nieuport et de Courtrai à Denderleeuw, par Audenarde, étant d'une importance majeure, leur exploitation d'un bénéfice assuré, personne ne s'explique le peu d'empressement qui se manifeste dans leur construction. Destinées à desservir de grands intérêts, s'étendant sur le pays tout entier autant que sur l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter plus particulièrement dans cette Chambre, on ne comprend pas l'inaction à peu près complète des concessionnaires.
A l'exécution de ces lignes qui sont d'un intérêt général, se rattache une autre question d'un intérêt tout local, mais d'une importance telle pour la ville d'Audenarde que je me suis cru autorisé à en dire un mot ici.
La société Hainaut et Flandre a multiplié ses stations. Elle en a établi, et j'approuve cette disposition, dans la plupart, pour ne pas dire dans toutes les communes. La ville d'Audenarde, par exception, n'en a pas. Elle seule ou presque seule en est privée. Pendant le parcours sur son territoire, les convois passent à toute vapeur. Pour profiter des bienfaits de ce chemin de fer, ses habitants ont à se rendre à une station éloignée, dans l'une ou l'autre commune voisine et cette fâcheuse situation n'a pas cessé, comme de juste, de beaucoup les préoccuper.
De nombreuses démarches ont été faites pour modifier et améliorer cet étal de choses. Mais la présence des fortifications d'abord, puis d'autres circonstances dont je n'ai pas à m'occuper ici, sont venues contrarier ces aspirations parfaitement justifiées.
Aujourd’hui cependant la situation n'est plus la même. La démolition des fortifications et le développement, l'extension considérable à donner à la station où viendront se réunir les voies nouvelles à la voie déjà existante, modifient cette situation d'une manière complète et permettent à l'honorable ministre non seulement de s'entendre sans difficulté et tout en sauvegardant leurs intérêts, avec les sociétés concessionnaires, mais aussi de donner pleine et entière satisfaction aux habitants d Audenarde. C'est sur cet objet que je prends la liberté d'attirer plus particulièrement sa bienveillante attention.
M. Thonissenµ. - Messieurs, on oublie vite à l'époque actuelle. C'est un défaut auquel les gouvernements aussi bien que les particuliers participent dans une large mesure.
Si l'on n'oubliait pas si vite, on saurait que, chaque fois qu’il s’agit de repartir l'excédant de nos ressources, deux provinces, le Limbourg et le Luxembourg, devraient figurer en première ligne.
Elles étaient prospères, elles avaient d'immenses, ressources, lorsque la diplomatie, commettant l'une de ses plus grandes iniquités, leur enleva brusquement 360,000 de leurs habitants.
La conférence de Londres divisa ces belles et florissantes provinces en deux parts. Elle plaça d'un côté les cantons riches et fertiles ; de (page 1022) l'autre les cantons pauvres et en grande partie incultes. Elle donna les premiers à la Hollande ; elle attribua les seconds à la Belgique.
Vous le savez, messieurs, quand ce grand et irréparable sacrifice fut accompli dans l'intérêt de la nation tout entière, des témoignages de sympathie et des promesses de réparation nous arrivèrent de toutes parts.
Le 10 mars 1839, l'un des membres les plus influents du conseil des ministres prononça, ici même, à la face du pays, les remarquables paroles qui suivent :
« La conférence de Londres nous a laissé les parties les moins fertiles du Limbourg et du Luxembourg. C'est à la Belgique à les fertiliser en se les attachant encore plus intimement par les travaux publics et par l'industrie. Peut-être avec le temps parviendra-t-elle à donner aux deux provinces restées belges, l'importance qu'elles avaient dans leur intégralité ; il y va d'ailleurs de son honneur à ce que le Luxembourg belge et le Limbourg belge n'envient jamais le sort du Luxembourg germanique et du Limbourg hollando-germanique.
M. Bouvierµ. - C'est une bonne parole, cela.
M. Thonissenµ. - Je regrette de le dire, la promesse n'a été complètement tenue, les engagements n'ont été complètement remplis, ni pour le Limbourg, ni pour le Luxembourg, et j'en trouve une nouvelle et remarquable preuve dans le projet de loi que nous allons discuter.
Je ne parle pas des quinze millions demandés pour l'achèvement du réseau national du chemin de fer, pour construction et ameublement d'écoles, pour travaux de voirie et d'hygiène publique ; parce que ces trois genres de dépenses s'étendent sur le pays entier et présentent ainsi un incontestable caractère d'utilité générale.
Je prends les quarante-cinq millions restants, et, en les répartissant par province, j'arrive aux résultats suivants :
Le Brabant obtient 15 millions ; la province de Liège, 10,950,000 fr. ; la Flandre orientale, 6,750,000 fr. ; la province d'Anvers, 5,500,000 fr. ; le Hainaut, 5 millions ; la Flandre occidentale, 3,600,000 fr. ; la province de Namur, 2 millions. Quant au Luxembourg, je crois me montrer très large en lui attribuant un million dans le crédit global qui firgure au paragraphe 14 du projet de loi. Quant au Limbourg, son nom n'est pas même cité ; car on voudra bien ne pas nous attribuer, je pense, les 600,000 fr. demandés pour la construction d'une nouvelle prise d'eau sur les glacis de la forteresse de Maestricht, réclamée par la Hollande. M. le ministre des travaux publics sait parfaitement que l'ancienne prise d'eau tous suffisait amplement. C'est une dépense faite dans un intérêt international.
En parlant des deux millions qui figurent au paragraphe 14 du projet de loi, l'exposé des motifs s'exprime ainsi :
« Le crédit demande de 2,000,000 de fr. a pour objet de pouvoir aux travaux de raccordement qui seront exécutés, en grande partie, dans la province de Luxembourg, dont la configuration, la grande étendue et la faible population exigent que l’Etat lui vienne en aide, d'autant plus qu'aucun des travaux projetés n'intéresse cette province. »
J'applaudis, messieurs, à ce langage. Oui, il faut que l'on vienne largement et généreusement en aide au Luxembourg, parce que ses ressources sont bornées, et que plus tard, quand les éléments de richesse qu'il renferme se seront développés, il rendra avec usure les sacrifices que le pays s'impose aujourd'hui en sa faveur.
Mais pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas tenu le même langage à l'égard du Limbourg ? Pourquoi n'a-t-il pas écouté ses réclamations, alors que, dans le Limbourg, bien plus encore que dans le Luxembourg, le besoin de nouvelles communications se fait vivement sentir ?
Je vais en faire la preuve, en prenant pour base les chiffres officiels fournis par l'Exposé décennal de la situation du royaume qui nous a été récemment distribué.
Au 31 décembre 1860, le Luxembourg avait un kilomètre de routes par 231 habitants. Le Limbourg avait un kilomètre de route par 488 habitants.
A la même époque, le Luxembourg avait 1,980 mètres de routes pour mille hectares. Le Limbourg, pour la même étendue territoriale, n'avait que 1 656 mètres ; en d'autres termes, le Luxembourg avait un kilomètre de route pour 504 hectares, et le Limbourg un kilomètre pour 603 hectares.
Il est donc incontestable que, sous le rapport du nombre et de l'étendue des routes appartenant à la grande voirie, le Luxembourg se trouvait, en 1860, dans une position plus favorable que le Limbourg ; et, depuis lors, rien n'est venu modifier cette situation. De 1860 à 1864, il a été construit environ treize lieues de routes dans le Luxembourg et seulement neuf lieues dans le Limbourg.
On arrive au même résultat, si l'on recherche dans quelle proportion l'Etat est intervenu dans la dépense.
Pendant la période de 1850 à 1860, l'Etat a consacré à la construction des routes dans le Luxembourg 1,413,208 francs.
Dans le Limbourg, il n'a dépensé que 893,747 fr. ; et cependant, tandis que la province de Limbourg s'imposait de ce chef un sacrifice de 255,430 francs, le Luxembourg se contentait de fournir une somme de 14,798 fr., c'est-à-dire un peu plus du quinzième de cette somme ; tandis que les communes limbourgeoises fournissaient 120,702 fr., les communes luxembourgeoise ne fournissaient que 30,000 fr., c'est-à-dire, moins du quart ; tandis que les particuliers habitant le Limbourg donnaient 50,246 fr., les particuliers habitant le Luxembourg donnaient 3,636 fr., c'est à-dire moins du douzième.
Ainsi, messieurs, d'une part, le Limbourg est moins bien partagé que le Luxembourg en fait de routes ; de l'autre, il est obligé de s'imposer des sacrifices beaucoup plus considérables.
On dira peut-être que le Limbourg possède des ressources que ne possède pas le Luxembourg. C'est encore une erreur. D'après le recensement général de 1856, le dernier auquel en ait procédé, le Luxembourg avait une population de 193,753 et le Limbourg une population de 191,708 âmes. D'autre part, d'après l'exposé décennal déjà cité, le budget provincial du Luxembourg dépassait, en 1860, celui du Limbourg de plus de 100,000 fr.
En rappelant ces chiffres et ces faits, je ne veux pas dire que le gouvernement se soit montré trop prodigue à l'égard du Luxembourg ; non, je repousse énergiquement cette pensée de mesquine rivalité.
Quand on demandera des faveurs nouvelles pour le Luxembourg, je les voterai de grand cœur. Mais vous comprendrez sans peine que, quand il s'agit de voies de communication et qu'on expose la situation pénible où se trouve une de nos provinces, j'ai le droit et même le devoir de faire connaître la position plus pénible encore de celle que j'ai l'honneur de représenter dans cette enceinte. Ce devoir est pour moi d'autant plus impérieux que le Limbourg a été, en moins de six années, deux fois victime du même oubli, pour ne pas dire du même déni de justice.
La loi du 8 septembre 1859 mit à la disposition du gouvernement un ensemble de crédits s'élevant à 72 millions. On y voyait figurer, outre plusieurs millions pour la province d'Anvers, 9 millions pour les deux Flandres, 5 millions pour le Brabant, 1,600,000 fr., pour la province de Namur, un million, pour la province de Liège. Et le Limbourg, encore une fois, n'obtenait pas un centime.
II ne faut donc pas s'étonner que, dans une province aussi injustement oubliée, des plaintes amères se fassent entendre, et que notamment on rencontre les phrases suivantes dans une pétition de la députation permanente qui nous a été récemment adressée :
« Il ne sera pas dit, messieurs, que les solennelles promesses de 1839, proclamées du haut de la tribune nationale, à la face du pays, ne seront pour le Limbourg qu'une amère dérision ! Cependant, pour la seconde fois, en moins de six années, soixante millions de francs sont affectés extraordinairement à de grands travaux d'utilité publique à exécuter sur tous les points du pays, sans que la moindre somme en soit attribuée à notre province ! Le Limbourg n'appartiendait-il plus à la communauté belge que pour contribuer aux charges sans participation aux bénéfices ? Votre loyauté, messieurs, vos sentiments de justice et d'impartialité auxquels nous faisons un confiant appel, ne le voudront pas. »
La section centre modifiant les termes du projet, propose de remplacer au paragraphe 14 les mots : « Construction de routes dans le Luxembourg, » par ceux de : « Construction de routes dans le Luxembourg et le Limbourg. » Je la remercie au nom de mes commettants, et j'espère que la Chambre voudra bien s'associer à cet acte de justice ; je la prierai même d'aller plus loin et d'accueillir favorablement un amendement que je déposerai avec tous mes honorables collègues du Limbourg, et qui aura pour but de porter le crédit du paragraphe 14 de deux millions à trois millions.
En effet, si cet amendement était adopté favorablement ; qu'arriverait-il ?
Il arriverait que le Limbourg et le Luxembourg réunis n'obtiendraient pas même autant que la seule vallée de la Vesdre. Les 193,000 Luxembourgeois et les 191,000 Limbourgeois n'obtiendront pas autant que 118 propriétaires d'usines dans une seule vallée de la province de Liège !
Evidemment, nous ne formons pas des prétentions trop élevées en demandant trois millions pour deux provinces, dans un crédit global de 60 millions. Je dis moins de trois millions ; car, remarquez-le bien, ces trois millions ne seront pas exclusivement destinés au Limbourg et au Luxembourg. Le libellé du paragraphe 14 ne comprend pas seulement les roules à construire dans ces deux provinces. Il s'occupe également de l'établissement de voies de raccordement avec les chemins de fer de l’Etat et les (page 1023) chemins de fer concédés, et c'est là évidemment une dépense applicable au pays tout entier.
Au sein du Sénat, dans la séance du 22 avril dernier, l'honorable ministre des travaux publics a prononcé quelques paroles qui ont produit une pénible impression dans le Limbourg.
« D'honorables membres, disait M. le ministre, se sont plaints de l'omission de la province de Limbourg dans le partage de l'emprunt. Si cette province n'est pas dotée en cette circonstance de quelque travail considérable, c'est que je n'ai rien trouvé à faire dans la province de Limbourg. De bonne foi, pouvais-je présenter des travaux pour le seul plaisir de les inscrire au projet de loi ? »
Certes, messieurs, le Limbourg n'a pas à faire canaliser un fleuve de l'importance de la Meuse ; il ne réclame pas des établissements coûtant plusieurs millions, comme ceux qu'on se propose d'élever dans la province d'Anvers ; il ne demande pas trois millions pour l'assainissement d'une seule de ses rivières ; et il n'exige pas qu'on alloue trois millions à ses propriétaires d'usines.
Mais le projet ne parle pas seulement de ces grands et importants travaux. Il s'occupe aussi de routes, de chemins de fer, de canaux, et ici, je dois le dire à regret, le Limbourg a été complètement oublié, quoique sous ce rapport, ses besoins soient beaucoup plus grands que ceux des autres provinces.
Pour ne parler que de l'arrondissement de Hasselt, je citerai les travaux suivants qui tous présentent pour ses habitants une importance du premier ordre.
Une compagnie composée d'hommes honorables, une compagnie sérieuse à tous égards, ne demande qu'un subside peu élevé pour construire immédiatement un chemin de Hasselt à Maeseyck : voie de communication dont les grands et incontestables avantages vous seront indiqués par mon honorable collègue M. le comte Vilain XIIII.
Au nord de l'arrondissement, l'allocation soit d'un subside, soit d'un minimum d'intérêt, amènerait prochainement la construction d'un chemin de fer de Diest au camp de Beverloo. Ce chemin qui porterait la fertilité au sein d'immenses bruyères, serait très avantageux au gouvernement lui-même pour le transport des troupes.
Voilà pour les chemins de fer.
A côté des chemins de fer, la province réclame, depuis plus de vingt années, un canal partant des environs de Beeringen et allant aboutir à la ville de Diest, pour se diriger de là vers le canal de Louvain. C'est une voie navigable dont la haute utilité ne saurait être révoquée en doute Elle est le complément nécessaire, indispensable de la canalisation de la Campine.
En fait de routes pavées, et ici je me trouve incontestablement au cœur du projet, nos besoins ne sont que trop réels.
M. le ministre a eu la bonté de me faire savoir, et je l'en remercie de nouveau et publiquement, qu'il allait prochainement faire mettre en adjudication les travaux de construction d'une route de Herck-Ia-Ville à Beeringen. Une importante lacune sera ainsi comblée ; mais cette lacune n'est malheureusement pas la seule.
La route déjà décrétée de Kermpt à Tessenderloo, qui traverse plusieurs communes très importantes, est construite, faute de ressources, avec une telle lenteur qu'il faudra plusieurs années pour la terminer. Il est indispensable que le gouvernement vienne plus largement en aide à l'insuffisance des moyens locaux.
Ce n'est pas tout, une route de Saint-Trond à Waremme est vivement réclamée par plusieurs cantons, qu'on peut citer parmi les plus riches et les plus fertiles des provinces de Limbourg et de Liège. Elle formerait le prolongement de la route déjà construite de Huy à Waremme ; elle traverserait une contrée des plus productives en céréales et où, pendant une grande partie de l'année, les chemins vicinaux sont à peu près impraticables ; elle faciliterait, au plus haut degré, les rapports commerciaux de deux provinces ; elle serait, enfin, une sorte de compensation pour la ville de Saint-Trond, dont les intérêts ont été considérablement lésés par l’établissement du chemin de fer de Landen à Liège.
Voilà déjà bien des trava x que je signale à l'attention bienveillante de M. le ministre des travaux publics ; et cependant je suis loin encore d'avoir épuisé la série des légitimes demandes que, depuis longtemps, l'arrondissement de Hasselt a fait parvenir à son département.
Dans sa séance du 21 janvier 1865, le comité consultatif établi près le département des travaux publics a reconnu la nécessité d'élargir à Hasselt une partie de la rue du Demer, sur le parcours de la route de première classe de Liège à la frontière de Hollande. La dépense est évaluée à plus de 96,000 francs, et la ville, dont la situation financière esttrès modeste, propose pourtant d'y intervenir pour une somme de 25,000 francs, c'est-à-dire pour plus du quart.
Une demande analogue a été adressée à M. le ministre des travaux publics par la ville de Saint-Trond, qui, elle aussi, se trouve dans l'impossibilité absolue d'opérer le redressement d'une partie de la rue de Diest, appartenant à la route de Saint-Trond à Herck-la-Ville, et cependant ce redressement est impérieusement réclamé par la sécurité publique. On peut même être surpris que, dans une rue aussi fréquentée, l'état actuel des choses n'ait pas déjà occasionné de grands malheurs.
Mais à propos de la répartition du crédit de soixante millions, j'ai une observation essentielle à présenter à l'honorable ministre des travaux publics.
Dans le Limbourg, en vertu d'une sorte de convention conclue en 1842, la province doit supporter le quart des frais qu'entraîne l'établissement des routes construites pour compte de l'Etat.
Il me semble évident que cet arrangement ne peut s'appliquar qu'aux routes établies à l'aide de l'allocation ordinaire, annuellement portée au budget. La convention ne peut être étendue aux routes à construire à l'aide des ressources extraordinaires fournies par un emprunt spécial. S'il en était autrement ; si même dans les dépenses extraordinaires qui vont se faire, le Limbourg devait intervenir pour un quart, la libéralité du gouvernement deviendrait pour lui une véritable charge et une source de difficultés sérieuses.
Un somme de 70,000 fr. représentant à peu près la moitié des ressources du budget provincial, est attribuée aux dépenses de la grande et petite voirie. Il n'est pas possible d'aller plus loin sans imposer de nouveaux sacrifices aux contribuables déjà très lourdement imposés.
Il faut donc, messieurs, que l'on se départisse ici de cette manière de procéder. Du reste, il y a quelques années, quand le Luxembourg, la seule province qu'on puisse équitablement comparer à la nôtre, obtint deux millions en faveur de sa grande voirie, je ne pense pas qu'on l'ait obligé de contribuer à la dépense jusqu'à concurrence, d'une somme de 500,000 francs. Je ne pense pas davantage qu'il ait été forcé de faire ce sacrifice, lorsque, sur le fonds de six millions, voté par la loi du 2 mai 1836, il reçut pour sa part 1,600,000 francs, tandis que le Limbourg n'obtint que 500,000 fr.
J'espère que M. le ministre des travaux publics, que j'ai toujours trouvé juste et bienveillant dans les rapports que j'ai eu l'honneur d'entretenir avec lui, verra, par cette énumération, combien il s'est trompé en disant qu'il n'y a plus rien à faire dans le Limbourg. J'aime à croire qu'il voudra bien convenir de cette erreur, et qu'il la réparera en intervenant d'une manière aussi large que possible dans les divers travaux que je viens d'indiquer.
Un dernier mot, messieurs, sur le paragraphe 22 du projet qui accorde au gouvernement un crédit de deux millions destiné à l'allocation de subsides pour travaux de voirie vicinale et d'hygiène publique.
Sous ce rapport encore, les besoins de l'arrondissement de Hasselt sont nombreux et urgente. Je ne citerai que deux exemples.
A Hasselt, une route à construire au-dessus des fossés qui longent les boulevards, exigera, y compris le pavage, une dépense de 150,000 fr. A Saint-Trodl, une dépense de plus de 100,000 francs est réclamée pour une foule de travaux non moins nécessaires.
Or, ces deux villes sont loin de posséder les ressources immenses de nos grandes cités. Je recommande instamment à M. le ministre de l'intérieur les demandes qu'elles lui ont adressées de ce chef. Il est trop juste et trop éclairé pour les dédaigner,
Je ne veux pas cependant qu'on se méprenne sur mes intentions quand je me plains au nom du Limbourg.
Une partie de la presse a prétendu que le gouvernement avait sacrifié le Limbourg à des rancunes politiques. (Interruption.)
Veuillez m'écouter, messieurs. Ce sont des organes du parti libéral qui ont formulé cette accusation, et si j'en parle, c'est pour dire que, pour ma part, je repousse complètement cette pensée et que je ne m'associe nullement à de pareilles critiques. Mon langage ne saurait ici vous être suspect. Il y a un an, à l'heure la plus ardente de la lutte, à la veille de la dissolution de la Chambre, je disais, à cette place, que j'approuvais complètement l'attitude que le ministère libéral avait prise dans la sphère des intérêts matériels. D'autres pensées me guident,
Je ne dis pas que le gouvernement n'a rien fait pour le Limbourg ; car ce serait une accusation injuste. Je prétends seulement qu'il n'a pas assez connu nos besoins, qu'il ne s'est pas assez souvenu des sacrifices qui nous ont été imposés et des promesses qui nous ont été faites en 1839. Ce sont ces besoins que je viens lui signaler ; ce sont ces promesses solennelles que je viens lui rappeler.
(page 1024) Il écoutera mes observations, parce qu'elles sont rigoureusement conformes à la justice distributive.
M. Bouvierµ. - Il n'entre pas dans ma pensée, succédant à l'honorable préopinant, de venir récriminer contre la province de Limbourg au profit de l'arrondissement que j'ai l’honneur de représenter dans cette enceinte. Je crois que ces récriminations sont inutiles, intempestives, nuisibles même, je ne demanderai pas, comme l'honorable préopinant, ni un fleuve...
M. Thonissenµ. - Un canal n'est pas un fleuve.
M. Bouvierµ. - D'honorables membres qui siègent à mes côtés disent que votre canal est une chose excellente, pourvu qu'on trouve l'eau nécessaire pour l'alimenter...
M. Thonissenµ . - L'eau existe.
M. Bouvierµ. - Si l'eau existe, vous aurez un canal ; vous pouvez compter sur mon vote ; il est acquis à toutes les propositions qui ont pour but de multiplier les voies de communication dans le pays. Je suis partisan de tout ce qui est d'intérêt matériel comme de tout ce qui contribue au développement des intérêts moraux.
Je répète donc que je ne demanderai ni un canal, ni des routes, je ne réclamerai qu'une chose, c'est un chemin de fer.
Je viens comme l'honorable orateur, qui le fait dans la partie finale de son discours, féliciter le gouvernement de la présentation du projet de loi soumis à nos discussions ; c'est grâce à l'énergique et intelligente initiative du cabinet libéral que la Belgique heureuse et fière de ses grandes libertés dont elle sait jouir, doit sa prospérité soutenue, c'est à la puissante impulsion donnée aux travaux publics qu'elle est redevable de l'immense développement de ses intérêts matériels qui concourt si puissamment à l'expansion de ses intérêts moraux pour élever, grandir et fortifier la nation. L'expression de la civilisation d'un peuple se mesure aujourd'hui, non à l'étendue de son territoire, mais à la puissance productive, aux ressources qu'il consacre à son éducation morale et intellectuelle, à l'extension qu'il donne à ses voies de communication. Les chemins de fer, les routes, les voies vicinales, les canaux sont les artères fécondes et puissantes qui vivifient le mouvement industriel, commercial et agricole du pays en développant son incessante prospérité avec sa richesse nationale.
Deux cent trente millions de dépenses pour l'établissement des chemins de fer et des lignes télégraphiques, cent millions sortis du trésor public pour le rachat des canaux, pour l'amélioration des fleuves et des rivières, sans parler de plusieurs centaines d'autres millions affectés à des dépenses diverses, parmi lesquelles se rencontrent 21 millions pour le rachat du péage de l'Escaut, trente-huit millions pour remboursements et amortissements d'emprunts nationaux, attestent les efforts et la sollicitude éclairée du cabinet libéral pour tout ce qui se rattache aux grands et vivifiants intérêts du pays. Qu'il persévère dans cette voie de progrès et de civilisation et le pays reconnaissant attestera dans chaque élection nouvelle que cette politique féconde en bienfaits de tout genre est conforme à ses sympathies et qu'elle commande ses préférences.
Puisque je suis en veine de félicitations, je veux y comprendre tous les fleuves, toutes les rivières, la Dendre, la Lys, le Mandel, la Meuse, la Senne, la Vesdre, enfin tous Ise fleuves présents et futurs.
Je salue également tous les canaux, les ponts, les aqueducs, les viaducs. (Interruption.) Je vois avec plaisir à côté de moi l'honorable M. de Naeyer, qui lui aussi en est satisfait et qui a sa part dans le projet de loi. Sa Dendre y figure. Je ne fais pas de reproche à l'honorable membre, mas j'espère qu'il voudra bien consacrer une partie de son talent à me venir en aide dans le cours de ce débat et à rendre ma position plus facile pour arriver à l'obtention de ce chemin de fer si désiré. Je salue donc tous les raccordements possibles ,autant ceux qui sont à ciel ouvert que les souterrains. Enfin tous ces heureux et tous ces satisfaits qui touchent de près ou de loin à ce nouveau Pactole moderne qui se découvre à nos yeux éblouis sous le nom de trésor public.
Je voudrais dans ce concert général d'éloges et de félicitations pouvoir comprendre l'arrondissement de Virton. Mais hélas ! j'ai beau feuilleter l'exposé des motifs du projet de loi, le rapport si remarquable de mon honorable ami M. Hymans, l'examiner, le retourner de haut en bas et de bas en haut, remuer tous les feuillets avec le double sentiment de la crainte et de l'espérance, lire page par page le commencement, le milieu et la fin de tous les documents qui offrent une lecture si délectable à tous les heureux privilégiés appelés au grand banquet du trésor national, je ne trouve rien.
J'ai beau y chercher un petit crédit quelconque en faveur de mon arrondissement, je n'y rencontre malheureusement qu'un vide affreux. Rien, rien, rien, voilà où mes recherches m'ont conduit.
Et cependant vous consacrez plus de 3 millions 230 mille francs à la Vesdre, 3 millions à la Senne, 4 millions pour donner une ceinture ferrée et dorée à Gand, afin de faciliter l'accès du charbon aux établissements liniers et cotonniers, cinq millions pour raccordement entre les stations des Guillemins et Vivegnis à Liège, 600 mille francs pour Ostende, 300 mille francs pour Verviers, pour jonction de chemins de fer et vous oubliez de raccorder, joindre et rattacher au réseau général des chemins de fer du pays, deux grands et importants chefs-lieux d'arrondissement, Maeseyck et Virton.
Vous faites des travaux d’intérêt purement local et vous ne daignez pas même songer à ces deux arrondissements, si ce n'est pour leur ravir ce qu'ils possédaient. Vous avez fait disparaître leurs commissaires d'arrondissement dont ils avaient plus besoin que partout ailleurs. Le budget de l'intérieur portait une misérable somme de trente mille francs pour fournir à nos laborieux cultivateurs de la chaux à prix réduit, et ce chiffre a disparu. Et vous appelez cela de la justice distributive ; je caractérise cette manière de faire, en ce qui touche mon arrondissement, d'injustice distributive. Ah ! je sais bien que je ne suis pas envoyé dans cette enceinte pour y défendre de misérables intérêts de clocher, mais pour y soutenir les grands intérêts du pays. Mais quand je vois deux arrondissements oubliés, sacrifiés... (Interruption.)
Ah ! M. Vleminckx, vous êtes un satisfait, vous obtenez beaucoup de millions pour Bruxelles !
Je vous assure que lorsqu'on vous fait un cadeau de quinze millions, d'après le calcul que vient de faire l'honorable M. Thonissen, vous devez avoir un peu plus de charité pour les autres ; vous devez soutenir d'un sourire plus favorable que vous ne le faites en ce moment, un collègue qui n'obtient rien, absolument rien pour son arrondissement.
Et cependant je n'emploierai pas des moyens de représailles, je voterai pour tous les travaux que l'on demande pour Bruxelles et ailleurs, je voterai, si l'on veut, 10 millions de plus ; et pourquoi le ferai-je ? Pour vous rendre en quelque sorte honteux de vous-mêmes et pour vous obliger à dire et même à voter que Maeseyck et Virton ont également besoin d'arriver au banquet national à la faveur de ces splendides millions qui font votre jubilation.
Quand 50,000 de nos commettants se voient obligés de contribuer à fournir de l'eau aux fabricants de Verviers pour donner des nuances plus délicates à leurs draps, sons le futile prétexte de la forêt d'Hertogenwald assainie, fournir leur quote-part des impôts pour assainir les habitants de Bruxelles et raccorder les stations du Nord et du Midi, je dis que cela n'est ni juste ni équitable et qu'avant de raccorder les habitants d'une ville entre eux, il faudrait commencer par raccorder tous les chefs-lieux d'arrondissement aux lignes ferrées du Centre, ne pas laisser tout un groupe de la nation dans un état d'isolement et d'infériorité vis à-vis des autres parties du pays.
Ce que nous demandons, ce ne sont pas des millions, mais l'établissement d'une voie ferrée qui rattache Virton au réseau général du chemin de fer du pays, sans qu'il en coûte un centime au trésor public. Nous lui demandons la garantie d'un minimum d'intérêt, garantie qui ne sera que morale, sur un capital à déterminer par un ingénieur de l'Etat.
Vous avez un corps d'ingénieurs distingués, détachez-en un membre. Envoyez-le dans notre arrondissement, qu'il examine et indique quel sera le point de départ du tronçon à établir sur la ligne du chemin du Luxembourg, traversant l'arrondissement pour le relier à la ligne des Ardennes, qu'il indique le coût de cet embranchement à établir entre ces deux lignes ferrées parallèles, et quand il aura parcouru notre riche arrondissement, il sera convaincu que la garantie que nous demandons sur le capital à dépenser pour son établissement, ne sera qu'une garantie purement nominale.
En effet il pourra constater que l'arrondissement de Virton et spécialement le canton que les grands géographes appellent du doux nom de la Provence de la Belgique... (Interruption.)
Vous êtes sans doute d'accord avec moi, M. Vleminckx, sinon, je devrais vous dire que vous n'êtes pas très fort en géographie botanique. J'invoquerai également l'honorable M. Dumortier qui est venu herboriser chez nous et que je ne vois pas à son banc. Ce savant naturaliste...
M. Dumortier. - Je suis ici.
M. Bouvierµ. - C'est de vous que je parle.
Ce savant naturaliste a visité l'arrondissement de Virton ; il y a trouvé des plantes extraordinaires qu'il n'a vues nulle part ailleurs, il a, en sa qualité d'agriculteur et de géologue distingué, reconnu que notre arrondissement est un des plus fertiles de la Belgique.
(page 1025) J'ose espérer qu'il voudra bien traduire sa sympathie pour mon arrondissement en quelques bonnes paroles, et qu'elles rencontreront, comme d'habitude, des adhérents sur tous les bancs de la droite.
Je le répète, l'arrondissement de Virton est d'une grande fertilité, offrant par conséquent d'immenses avantages à l'industrie agricole pour l'établissement de sucreries et de distilleries qui y font défaut, que les cours d'eau y sont nombreux et intarissables, que son sol renferme d'énormes gisements de minerais, des carrières de pierres de taille, de pavés, que par une voie ferrée les forgeries, les hauts fourneaux et autres établissements métallurgiques aujourd'hui abandonnés reprendraient leur ancien éclat. La fonderie, la clouterie, prendraient de nouveaux développements. La culture de la betterave, cette plante merveilleuse qui donne du travail dans toutes les saisons de l'année à la classe ouvrière et procure de si plantureuses ressources au trésor, s'y établirait sur une vaste échelle.
Il vous dira les magnifiques forêts que nous possédons, alimentant le marché intérieur pour fournir à leur tour les charbons de divers centres houillers du pays. Il vous parlera de ces pierres calcaires et de leur transformation en plâtre, enfin de toutes les richesses cachées dans les entrailles de la terre et que nos moyens actuels de transport ne nous permettent pas d'utiliser. Il vous dira que nous possédons des montagnes de sables si utiles aux verreries de Charleroi, plus rapprochés des centres de production que ceux d'Aix-la-Chapelle. Il placera sous vos yeux le tableau des recettes du chemin de fer du Luxembourg se traduisant pour l'exercice de 1864 à la somme de 5,806,003 francs 75 cent, avec un mouvement de tonnes de produits s'élevant au chiffre de 234,845. Et ce mouvement est loin d'être à son apogée. Sans la garantie d'un minimum d'intérêt, ce chemin de fer ne se serait jamais achevé.
Cette garantie n'est plus que nominale et la province de Luxembourg s'est trouvée dotée d'un grand bienfait sans aucun sacrifice pour le trésor public. Aussi ai-je compris l'intervention du gouvernement dans ce grand travail qu'on peut désigner sous le titre d'utilité publique. Les considérations que j'ai eu l'honneur de développer devant vous, messieurs, prouvent qu'il est urgent, nécessaire et indispensable pour Virton d'obtenir un chemin de fer. L'avenir de cet arrondissement est dans l'exploitation de ses richesses naturelles, dans le perfectionnement de son agriculture. La création de ce chemin de fer qui doit le rapprocher des centres de consommation, n'est pas seulement indispensable, elle est une question de vie ou mort pour lui. Il lui ouvrira une voie de prospérité et de richesses qui rejaillira, par cette loi souveraine de la solidarité, sur toutes les parties du pays. Par votre utile concours, messieurs, vous aurez mérité la gratitude et la reconnaissance de tout cet arrondissement dont le représentant s'empresse de tendre la main fraternelle à tous ses collègues, ceux qui plus heureux que lui, ont leur part des splendides agapes gouvernementales dont le chiffre s'élèvera à 80 millions et dont l'arrondissement de Virton, qu'il a l’honneur de représenter, se trouve actuellement exclu.
M. de Baillet-Latour. - Messieurs, mon intention n'est pas de combattre le projet de loi qui nous est présenté par le département des travaux publics. Il a été accueilli avec faveur dans le pays et dans cette Chambre. Aucun des travaux qui y sont spécifiés ne trouvera, je pense, de contradicteurs. Tous sont utiles, tous sont désirés. Les seules réclamations qui peuvent s'élever se rapportent aux lacunes et à la répartition des dépenses. C'est à ce titre que je demande la permission de présenter quelques observations particulières. Je n'abuserai pas de l'attention de la Chambre.
L'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter a souvent été accusé de manquer d'industrie. La nature dit-on, a été prodigue envers nous. Si le sol supérieur est ingrat sur plusieurs points, le sous-sol nous fournit les matières premières les plus abondantes et les plus variées, dont la mise en œuvre et l'exportation créeraient parmi nous un vaste atelier de travail et nous enrichiraient. A cela nous répondons que pour activer la production il faut avoir des voies de communication faciles et en nombre suffisant. Je reconnais que l'administration a beaucoup fait pour nous sous ce rapport. Mais il s'en faut que notre système de routes et de chemins soit au grand complet. Il nous manque encore non seulement des voies directes, mais des raccordements sans lesquels le réseau n'est pas entier, ce qui rend, sur beaucoup de points, les transports impossibles ou très difficiles et très coûteux. Or, nous savons plus que jamais que le bon marché est une des conditions essentielles de la vente multipliée et par conséquent de l'activité industrielle.
J'ai sous les yeux un tableau de toutes les améliorations qui restent à faire, sous ce rapport, dans mon arrondissement. Je ne puis en occuper la Chambre. La nomenclature est longue, plus longue, messieurs, que ne serait votre patience. Je réserve cette épreuve pour M. le ministre des travaux publics dont nous connaissons tous les études persévérantes et le zèle consciencieux. En lui soumettant la liste des justes réclamations de mes commettants, j'ai la confiance qu'il voudra bien lui accorder un moment d'attention dans le silence du cabinet. Il y trouvera ample matière pour développer à notre profit l'amour du progrès dont il est animé.
Néanmoins je ne puis me dispenser de lui signaler dès à présent, comme étant d'une urgence toute particulière, les travaux que voici :
Les chemins : d'Aublain à Froid-Chapelle ; d'Oignies à Fumay ; de Vaucelles à Mazée ; de Franchimont à Surice ; de Soulne à Surice ; de Berzée vers Nalinne et Court-sur-Heure ; de Stave à Biesme (chemin de grande communication). Enfin, l'élargissement et l'amélioration du chemin de grande communication de la frontière de France vers Philippeville, principalement dans la traverse de cette localité.
A ces divers objets j'ajouterai une distribution d'eau à la commune de Samart, travail dont la nécessité, au point de vue hygiénique, n'a pas besoin d'être démontrée.
Maintenant, on m'opposera le chiffre alloué dans le projet pour l'amélioration complète de la navigation de la Meuse, travail qui intéresse d'abord le commerce général du pays et dont les avantages doivent se faire sentir particulièrement dans la province de Namur. Je suis loin de contester. Mais je remarque que le chiffre en question est divisé. La plus forte portion est destinée au complément de la navigation en aval de Namur.
Une somme plus modeste est spécifiée pour les travaux qui doivent améliorer le régime des eaux de la Meuse en amont et jusqu'à la frontière de France. Cette somme n'est qu'un à-compte. J'aurais désiré que M. le ministre eût pris quelque chose sur cet à-compte et eût bien voulu songer à nous faire une part d'amélioration, à nous déshérités qui n'avons rien obtenu en matière de travaux publics. Je ne puis malheureusement pas formuler mon regret par voie d'amendement. Je doute que la Chambre consentît à l'accueillir. Mais je profite de l'occasion pour exposer à M. le ministre les besoins de moi arrondissement, dans l'espoir qu'il vaudra bien y porter son attention et nous donner, dans un temps prochain, quelques satisfactions.
Au tableau des voies de communication dont je viens de lui signaler les principales, et dont l'urgence est incontestable, je joindrai la liste des travaux de construction qui sont réclamés dans les localités, et pour lesquels j'invoque également son attention et son bon vouloir.
Un fait est patent, c'est que, si les riverains de la Meuse ont beaucoup à gagner par l'adoption du projet de loi, il n'en est pas de même du territoire situé à distance et à gauche de cette rivière. La prospérité générale de la province ne rejaillira sur nous que d'une manière insensible. Je viens d'en donner les raisons. L'agriculture même, si peu productive dans un grand nombre de cantons, ne peut prospérer que là où les moyens de transport seront multipliés de façon que l'apport des engrais devienne extrêmement facile et peu coûteux. C'est le seul moyen de créer un sol fertile là où la terre est maigre et improductive.
Je croirais manquer à mon devoir le plus impérieux si, en terminant, j'omettais de mettre de nouveau sous les yeux du gouvernement la triste situation du chef-lieu de mon arrondissement. J'ai vainement épuisé les propositions de combinaisons qui pouvaient indemniser jusqu'à un certain point cette ville déshéritée et réduite aujourd'hui à la condition d'une simple bourgade. Fatigués de nous plaindre sans rien obtenir, nous avons dû cesser d'importuner le gouvernement, espérant qu'à un moment donné il trouverait le moyen et aurait la bonne pensée de doter Philippeville de quelque établissement qui lui rendrait la vie et lui redonnerait l'importance relative qu'elle puisait dans sa position de place force et de ville de garnison. J'engage sérieusement le gouvernement à ne pas permettre que la décadence et la dépopulation viennent, en fin de compte, consommer la ruine d'une localité qui a été jugée digne d'être le centre administratif d'un arrondissement.
En ce qui me touche, je n'ai plus de mesure à indiquer à MM. les ministres, puisque toutes mes indications ont été l'objet d'une complète indifférence. Mais il est une considération morale que je crois devoir leur soumettre. On a pu taxer d'exagération les plaintes des malheureux habitants de Philippeville, on a pu repousser leurs demandes comme si elles étaient inadmissibles. Ce qu'il ne serait pas possible de faire, ce serait de mettre en doute leur longanimité et leur patriotisme. Après tant de demandes inutiles, après tant de fins de non-recevoir et d'espérances vaines, ma présence dans cette Chambre, la majorité immense et fidèle qui m'y maintient sont une preuve bien frappante de l'attachement de mes concitoyens aux lois du pays, à l'opinion libérale et au gouvernement qui la représente. Un tel fait a son éloquence, Puisse-t-il toucher les cœurs ministériels et faire surgir enfin quelque acte de justice en faveur d'une population animée de si généreux sentiments !
M. Landeloos. - Messieurs, en apprenant que le gouvernement avait l'intention de présenter un projet de loi décrétant un vaste ensemble de travaux publics pour une valeur de 60 millions, les habitants de l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter dans cette enceinte, et principalement ceux du canton de Diest, crurent fermement que, parmi ces travaux, ceux de la construction d'un embranchement reliant le canal de la Campine au Démer à Diest, et d'un autre embranchement destiné à relier le Démer sous Werchter au canal de Louvain au Rupel, ne pouvait manquer d'y être compris.
Les réclamations que la ville de Diest, la ville d'Aerschot, la ville de Louvain, la ville de Hasselt et les autres localités de l'arrondissement n'avaient cessé d'adresser au gouvernement et aux Chambres législatives, les vœux qui avaient été tour à tour exprimés par les chambres de commerce de Louvain, de Charleroi et de Hasselt, par la commission provinciale d'agriculture du Brabant, par les conseils provinciaux du Brabant, du Limbourg, enfin les promesses qu'avait faites le gouvernement par l'organe de l'honorable ministre des travaux publics, lorsque l'honorable M. de la Coste et moi nous soumîmes un amendement tendant à faire décréter ces canaux en 1851 ; tout devait leur donner l'espoir et je dirai même l'assurance que le projet de loi actuel aurait fait droit à ces légitimes réclamations.
Malheureusement il n'en a point été ainsi. Les habitants de la ville de Diest et des autres localités de l'arrondissement de Louvain ont de nouveau été déçus dans leur espoir et ils ont encore une fois fait la triste expérience que souvent au moment où l'on croit avoir la certitude de voir mener à bonne fin des travaux dont l'utilité n'est contestée par personne, des difficultés imprévues surgissent ou des considérations plus ou moins spécieuses sont mises en avant pour en retarder l'exécution.
Dès le dernier siècle on comprit l'utilité et la nécessité de relier la ville de Diest, par une voie facile de navigation, aux autres canaux du pays.
Ainsi voyons-nous l'impératrice Marie-Thérèse ordonner au capitaine ingénieur Devos, d'exécuter au Démer des travaux qui devaient avoir pour effet de rendre sa navigation plus facile et plus régulière, et de soustraire en même temps à l'action malfaisante des eaux une étendue de terrain de plusieurs centaines d'hectares.
Pour atteindre ce double but, des endiguements, des rectifications, des élargissements et des approfondissements du Démer furent faits, et différentes ordonnances, fixant le régime de cette rivière, furent portées en 1754, en 1761, 1772 et I774.
Ces travaux qui étaient en pleine voie d'exécution à l'époque où la révolution brabançonne éclata ayant été brusquement interrompues et les sage smesures prises par Marie-Thérèse était tombées eu désuétude, le régime du Démer devint bientôt aussi défectueux qu'auparavant. Malgré les nombreuses plaintes qui se firent entendre, aucune mesure régénératrice ne fut prise sous la domination française, si ce n'est un barrage à Werchter que l'administration des ponts et chaussées fit construire en 1810.
Messieurs, ce fâcheux étal de choses a duré jusqu'en 1821 quand l'ingénieur Teichmann proposa un projet de canal, qui, partant de Diest, aboutissait au canal de Louvain et de Bruxelles et mettait ainsi en communication le Démer avec Louvain et Bruxelles.
Dans l'idée de l'ingénieur, ce canal devait être prolongé jusqu'au canal de Maestricht, en passant par Herck et Hasselt.
Je ne veux point, messieurs, entrer ici dans les détails du parcours de ce canal, des ouvrages d'art que sa construction devait exiger, des droits de péage auxquels le batellerie aurait été soumise ; je me contenterai de vous faire connaître que ce canal, dont le projet avait été approuvé par le roi Guillaume, fut mis en adjudication le 24 juin 1830, et adjugé au sieur Edouard de Saint-Mars, avec 3 p. c. de rabais sur le prix du devis estimé à 1,989,416 fr.
L'exécution de ce travail paraissait donc assurée, lorsque la révolution éclata et fit avorter une entreprise qui ne pouvait que produire des avantages pour toutes les localités qui auraient été reliées entre elles.
Messieurs, si je me suis permis d'entrer dans ces détails rétrospectifs, c'est que j'ai cru qu'il fallait vous faire voir que la convenante, l'utilité et la nécessité des travaux, dont nous demandons l'exécution, ont été reconnues de tout temps et qu'on aurait mauvaise grâce de venir les contester aujourd'hui.
Je ne pourrais d'ailleurs pas comprendre l'opposition qu'on ferait à notre réclamation, quand presque toutes les localités du pays et principalement les divers bassins houillers ont intérêt à pouvoir transporter leurs produits par les voies de communication les plus économiques.
Je pourrais d'autant moins comprendre cette opposition, lorsque je vois que des vœux pour l'obtention de ces embranchements ont été émis à différentes reprises par des chambres de commerce, par des conseils provinciaux et par des sections de la Chambre, lorsque je vois M. le gouverneur du Brabant dire dans la séance du conseil provincial du 5 juillet dernier, que la jonction par un embranchement du canal de la Campine au Demer à Diest et par un autre embranchement celle du Demer sous Werchter au canal de Louvain vers le Rupel est une œuvre d'une exécution certaine, lorsque ensuite je me rappelle les paroles que l'honorable ministre de travaux publics prononça dans la séance du 27 août 1851, en réponse aux développements que je venais de donner.
Voici ce que disait l'honorable M. Van Hoorebeke :
« L'objet de l'amendement (à savoir les embranchements que nous demandions), le gouvernement peut en reconnaître dès à présent le caractère d'utilité incontestable. A tous égards, il serait utile de relier le canal de jonction de la Meuse à l'Escaut par l'embranchement de Hasselt qui s'embrancherait également sur Diest, mais l'observation de l'honorable membre n'est pas fondée en ce qui concerne la dépense. »
Ici M. le ministre entre dans certains détails pour démontrer que la dépense aurait été plus forte que celle que j'avais indiquée, et il ajoute : « Dans tous les cas, le gouvernement ne pourrait pas dès aujourd'hui adopter cet amendement, parce que les études ne sont pas complètes. L'ingénieur chargé de faire ces études appartient maintenant à un autre arrondissement. Tout ce que le gouvernement peut faire, c'est de faire continuer les études et saisir plus tard les Chambres (car on ne peut tout faire à la fois) d'un projet de loi. »
Après cette reconnaissance formelle de la part du gouvernement que le caractère d'utilité de ces voies de communication était incontestable, après cette déclaration que le défaut des études s'opposait seul à l'adoption de l'amendement que nous proposions, mais que dès qu'elles auraient été terminées, on aurait saisi les Chambres d'un projet de loi, il n'y a, messieurs, qu'une chose qui doive nous surprendre, maintenant qu'un rapport complet a été fait par M. l'ingénieur Magis, c'est de ne pas avoir vu figurer ces embranchements dans l'un des nombreux projets de loi relatifs aux travaux publics, qui ont été présentés depuis 1851, et de voir que le projet actuel reste encore muet à leur égard.
Cependant la justice distribuée, l'équité, l'impartialité auraient dû engager le gouvernement à comprendre ces travaux parmi ceux qu'il demande à pouvoir exécuter,
Presque tous les travaux d'utilité publique qu'il a fait décréter depuis 1851, presque toutes les mesures qu'il a fait prendre, même parfois aux dépens du trésor public, l'ont été en faveur de localités ou d'industries se trouvent dans l'état le plus prospère, tandis qu'il n'a rien fait pour ma ville, dont le commerce et l'industrie ont été déplacés, et je dirai même anéantis par l'effet de la construction du canal de la Campine et de celui de Hasselt.
Cet état de décadence, dans lequel sont tombés le commerce et l'industrie de la ville de Diest étant le résultat de la création des nouvelles voies économiques de communication, dont on a doté d'autres localités, il est du devoir du gouvernement et de la législature de fournir au commerce et à l'industrie de cette ville les moyens de pouvoir lutter avec avantage contre leurs concurrents. Pour atteindre ce but, il n'existe selon moi, qu'un seul moyen, c'est celui de rattacher la ville de Diest à celle de Hasselt et aux autres localités du pays par une voie de navigation. Mais pour que cette mesure soit efficace, il est nécessaire qu'eiie soit adoptée promptement ; car tout retard pourrait compromettre à tout jamais l'avenir de cette intéressante cité.
Persuadé, messieurs, que le gouvernement n'a à cœur que de voir prospérer toutes les parties du pays, j'ose me flatter que l'honorable miuistre des travaux publics s'empressera de consentir à ce que le projet actuel contienne une première allocation pour un travail qui présente un caractère bien autrement utile et bien autrement urgent que quelques-uns de ceux dont on demande l'exécution.
Pendant que j'ai la parole, je me permettrai de recommander à la bienveillance toute spéciale des honorables ministres des travaux publics et de l'intérieur trois objets qui ont rapport aux crédits demandés par le gouvernement et qui intéressent particulièrement la ville de Louvain.
D'abord je demanderai que M. le ministre de l'intérieur veuille intervenir pour une large part dans les travaux d'assainissement que l'administration communale de Louvain a l'intention de faire exécuter à la Voer.
(Page 1027) Cet affluent de la Dyle, dans la traverse de Louvain, étant devenu, comme la Senne, un véritable foyer d'infection, l'administration communale a recherché quels auraient été les moyens les plus propres pour prévenir les dangers auxquels sont exposés les habitants de cette partie de la ville, chaque fois qu'une maladie contagieuse ou épidémique se déclare à Louvain. Le voûtage de la Voer étant le seul remède de nature a atteindre ce but, le conseil communal a décidé en principe d'exécuter ce travail ; mais ce travail devant entraîner la ville dans une dépense de plus de 200,000 francs, il en a subordonné l'exécution à l'intervention de l'Etat.
Cette intervention que je réclame ici en faveur de la ville de Louvain me paraît ne pouvoir être refusée par le gouvernement ; la demande qu'il fait d'être autorisé à intervenir pour une somme de 3,000,000 dans les travaux d'assainissement de la Senne ,’est un sûr garant qu'il voudra appliquer les mêmes principes à d'autres travaux, qui sont commandés par les mêmes nécessités.
Je demanderai en second lieu que le gouvernement fasse prolonger l'aqueduc, qui se trouve rue de Bruxelles, jusque hors la porte de Bruxelles. Cette route, qui fait partie de la grande voirie, étant, pendant l'hiver, souvent impraticable, à cause des glaces accumulées qui proviennent des eaux venant de la campagne, il est du devoir du gouvernement de faire exécuter les travaux indispensables pour que la circulation y soit rendue possible. Comme je suis tenté de croire que la ville de Louvain ne refusera point d'intervenir, pour une somme assez forte, dans la dépense que ces travaux entraîneraient, j'ose espérer qu'il aura suffi d'appeler l'attention de M. le ministre sur ce travail, pour être certain que le gouvernement s'empressera de faire droit à ma réclamation.
Il est enfin un troisième objet, que je me permettrai de recommander à toute la sollicitude de M. le ministre des travaux publics.
Parmi les crédits que le gouvernement propose se trouve la somme de 8,000,000 pour achèvement du réseau actuel des chemins de fer.
Dans l'exposé des motifs qui accompagne le projet de loi, le gouvernement fait connaître que ce crédit est destiné en grande partie à couvrir les frais qu'entraînera la construction de bâtiments des stations qui doivent remplacer les locaux provisoires ou insuffisants, dont l'aspect peu digne d'une grande exploitation a été souvent l'objet des critiques des membres des deux Chambres.
Depuis l'ouverture des nouveaux chemins de fer qui aboutissent à la station de Louvain, le mouvement des voyageurs et des marchandises s'y est considérablement développé. Les locaux qui s'y trouvent sont devenus insuffisants. Il importe qu'ils soient promptement remplacés par d'autres qui répondent mieux aux exigences des divers services.
En priant l'honorable ministre des travaux publics d'y pourvoir le plus tôt possible, il voudra bien ne pas trouver mauvais que je l'engage à ne pas perdre de vue, lorsqu'il fera choix du plan du nouveau bâtiment, que, par suite du percement de la rue de la Station, il est destiné à faire face au magnifique hôtel de ville de Louvain, qu'il est donc convenable que non seulement il soit digne d'une grande exploitation, mais en même temps qu'il ne forme pas une dissonance trop frappante avec l'élégance de ce monument, qui fait l'admiration de tous les étrangers.
M. Vilain XIIII. - Messieurs, désirant me rendre agréable à M. le ministre des travaux publics, ainsi qu'à toute la Chambre, je commencerai par vous faite un très joli cadeau. Je vous abandonne, sans esprit de retour, le canal de Maeseyck à Neeroetercn, qui vous a tant ennuyés depuis vingt ans, et je vous offre en échange un chemin de fer qui sera beaucoup plus utile, beaucoup plus pratique et à beaucoup meilleur marché, un chemin de fer de grande circulation, de grande communication internationale.
Messieurs, le système de la direction des chemins de fer est complètement changé depuis quelques années. A l'origine, lorsqu'on construisait un chemin de fer d'une capitale à une autre, il faisait une quantité de méandres pour venir toucher les villes importantes situées à droite et à gauche de la ligne. Aujourd'hui on tâche de le faire aller le plus directement possible d'un point à un autre. Ainsi, voyez ce qui est arrivé entre Paris et Bruxelles.
Paris est le grand centre européen ; c'est le centre de tout, le centre de la politique, le centre des grandes affaires, des grands capitaux, des produits de l'intelligence et des beaux-arts, des plaisirs bruyants, et dès qu'on a fait quelques louis d'économie, l'on se dirige de toutes les parties de l'Europe vers Paris. C'est donc de Paris que nous devons parler.
Le premier chemin de fer de Paris à Bruxelles passait par Enghien, Pontoise, Amiens, Douai, Valenciennes pour arriver à Mons.
Mais bientôt on a établi une ligne directe sur Creil, puis sur Maubeuge, et maintenant l'on économise sur le trajet entre Paris et Bruxelles une heure et demie de parcours.
On tâche depuis quelques années de faire la même chose vers toutes les grandes capitales de l'Europe. Ainsi aujourd'hui c'est vers Berlin que tendent les efforts de raccourcissement de la ligne.
Au commencement, l'on allait de Paris à Berlin par Mons, Bruxelles, Malines et Liège. Depuis six ou sept ans, l'on a abandonné Mons, Bruxelles et Malines pour se diriger par une ligne plus courte, mais qui n'est cependant pas la ligne droite, par Charleroi, Namur et Liège sur Cologne.
Tel a été le premier raccourcissement de cette grande ligne de Paris vers Berlin.
Au mois de septembre prochain, il va y avoir un immense raccourcissement de cette ligne ; il va y avoir une économie de 45 kilomètres sur ce parcours. On ira toujours de Charleroi par Namur vers Liége. Mais là, on va abandonner sur la droite, Aix-la-Chapelle, Cologne, Dusseldorf, Oberhausen, pour suivre la vallée de la Meuse, pour aller de Liège à Maestricht, de Maestricht à Venloo, de Venloo à Wesel, de Wesel directement sur Rhein et Hanovre. C'est, comme je viens de le dire, une économie de 45 kilomètres sur le trajet précédent.
Et remarquez que cette ligne ne dessert pas seulement la Prusse, que ce n'est pas seulement une ligne qui va de Paris à Berlin ; mais elle va à Hanovr, .à St-Pétersbourg, à Hambourg, à Copenhague et à Stockholm, de sorte que son trafic doit nécessairement augmenter.
Messieurs, c'est encore un raccourcissement de 20 kilomètres à ajouter à ces 45 kilomètres que je viens proposer à la Chambre.
Cette ligne ne sera pas encore une ligne droite. La véritable ligne droite, permettez-moi de vous le dire sérieusement, passe par Hasselt et par Maeseyck. Immédiatement après Charleroi, la ligne devrait prendre la route de Tamines à Landen, c'est une route qui s'ouvrira au mois de septembre, je crois.
De Landen, le chemin est fait directement sur Hasselt.
Il ne s'agirait plus que de faire 40 kilomètres de Hasselt à Maeseyck, de jeter là un pont sur la Meuse, et de faire un raccordement de six kilomètres seulement pour gagner la grande route de Venloo à Wesel.
Ainsi 45 kilomètres qu'on va économiser cette année et 20 kilomètres qui seraient économisés par le chemin de Tamines à Maeseyck, ce serait 65 kilomètres d'économie sur la grande route de Paris à Hanovre.
Je crois que ce chemin de fer a un très grand avenir. S'il devait être construit entièrement en Belgique, je ne ferais pas autant de compliments pour le recommander ; il suffirait que M. le ministre des travaux publics présentât le projet à la Chambre ; immédiatement vous lui donneriez votre approbation et l’on trouverait assez de banques et de capitalistes pour le couvrir d'or.
Mais il doit nécessairement être raccordé avec la grande ligne néerlandaise vers Wesel. Il faut qu'à Maeseyck on jette un pont sur la Meuse et que, de l'autre côté, il y ait un raccordement de six kilomètres pour arriver à la grande ligne de Venloo à Wesel.
Ce sera peut être là la difficulté. Peut-être les Pays-Bas hésiteront pour accorder l'autorisation qui sera nécessaire. Cependant les Pays-Bas ne peuvent hésiter que parce que cette nouvelle ligne diminuerait le trafic sur la ligne de Maeseyck à Venloo. Ce serait une très petite considération, et j'aime à croire que les sollicitations des différents pays qui seraient intéressés à l'achèvement de cette ligne, engageraient le gouvernement des Pays-Bas à accorder la concession qui lui est demandée.
Mais pour cela, il faut nécessairement que le chemin de fer soit construit jusqu'au bord de la Meuse, qu'on puisse dire à la Hollande : Nous sommes ici, nous sommes arrivés au bord de la Meuse, il s'agit d'avoir votre consentement pour aller plus loin. C'est un grand intérêt européen, il faut nous l'accorder, c'est de vous que la réussite dépend.
II faut donc que le chemin soit construit jusqu'au bord de la Meuse, et il faut bien avouer que jusqu'à ce qu'il puisse passer la Meuse, ce chemin, de fer sera une impasse, une espèce de cul-de-sac, et qu'il rapportera peu de chose.
M. le ministre des travaux publics a été saisi d'une demande de concession. Mais on lui a demandé en même temps, soit une subvention, soit la garantie d'un minimum d'intérêt.
Le sacrifice serait peu considérable ; il ne s'agit que de 40 kilomètres à construire sur un pays plat, à travers des bruyères, sans travaux d'art.
Le sacrifice momentané qu'aurait à faire le trésor serait donc peu de chose. Je dis que ce sacrifice ne serait que momentané parce que les concessionnaires s'engageraient à renoncer au minimum d'intérêt, dès que ce chemin de fer serait raccordé à la grande ligne néerlandaise.
Je recommande ce chemin de fer à M. le ministre des travaux publics pour la session prochaine, car il n'est pas question de présenter, à l'occasion de ce projet, un amendement à la loi. J'espère qu'il voudra bien faire étudier cette affaire avec soin et avec sollicitude.
(page 1028) Messieurs, nous avons réellement des droits à la bienveillance du gouvernement. Vous allez vous asseoir devant une table splendidement servie. Un banquet de 60 millions ! c'est quelque chose.
Vous allez vous partager joyeusement de beaux morceaux, tandis que M. Bouvier et moi, comme deux malheureux Lazares, nous serons tristement assis sur nos bruyères, à la porte de la salle du festin, sans être admis même à en ramasser quelques miettes. Ce serait être mauvais riche, plus mauvais riche même que celui de l'Evangile ; car s'il ne donnait rien aux pauvres, il ne mangeait au moins que ce qu'il possédait, tandis que nous, M. Bouvier et moi ou plutôt Virton et Maeseyck, nous contribuons à produire les bonnes choses que vous allez dévorer et quand il s'agira de solder la carte à payer, vous aurez bien soin de nous faire acquitter aussi une partie de ce que vous aurez accaparé.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Vous ne payez pas tout.
M. Bouvierµ. - C'est toujours la même rengaine.
M. Vilain XIIII. -Nous payons en proportion de nos richesses. Vous êtes riches et nous sommes pauvres.
Enfin, messieurs, j'espère que dorénavant vous serez meilleurs camarades avec nous. Tendez-nous une main fraternelle et faites-nous asseoir au banquet national sans tirer à vous toute la nappe.
Vous serez immédiatement récompensés, messieurs, car vous n'aurez plus à subir l'ennui de nos incessantes réclamations, qui, j'aime à le croire, troublent un peu votre conscience, et en nous faisant justice nous vous serons aussi reconnaissants que si vous nous faisiez grâce.
M. Devroedeµ dépose un rapport sur la demande de concession d'un chemin de fer de Houdeng à Jurbise avec embranchement sur Soignies.
- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et le met à la suite de l'ordre du jour.
La séance est levée à 4 1/2 heures.